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Étiopathogénie de l’obstruction nasale


et conséquences sur la croissance
maxillofaciale
R. Gola, O. Richard, F. Cheynet, L. Brignol, L. Guyot

La ventilation nasale a une influence essentielle sur la morphogenèse dento-maxillo-faciale. Les


anomalies surviennent la plupart du temps dans les premières années de la vie et, même si elles sont
transitoires, l’adulte garde toute sa vie les stigmates de cette obstruction nasale passagère. En outre, une
obstruction nasale passagère précoce peut induire une ventilation orale définitive. La remarquable
plasticité des os membraneux de la face durant la croissance justifie le dépistage et le traitement précoce
de toute obstruction nasale persistante. Cette attitude thérapeutique préventive conduit à réduire les
besoins de correction ultérieure par orthopédie dentofaciale ou par chirurgie orthognathique. En
pratique, pour éviter les conséquences de l’obstruction nasale chez l’enfant, il ne faut pas hésiter à
corriger précocement les déviations antérieures du septum, les hypertrophies des végétations adénoïdes
et/ou des amygdales palatines, plus rarement les hypertrophies des cornets. En cas d’endomaxillie,
l’expansion maxillaire est le traitement de choix en agissant simultanément sur les fosses nasales et sur les
maxillaires.
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Mots clés : Obstruction nasale ; Croissance faciale ; Traitement orthodontique ; Dysmorphose ;


Dysmorphie ; Endomaxillie ; Rétromaxillie

Plan ■ Rappel physiologique


¶ Introduction 1
de la ventilation nasale
¶ Rappel physiologique de la ventilation nasale 1 L’auvent nasal et les fosses nasales remplissent de multiples
¶ Étiopathogénie de l’obstruction nasale chez l’enfant 3 fonctions : olfactive, ventilatoire, immunitaire et
Étiologies dysmorphiques de l’obstruction nasale 3 morphogénétique [1-4]. Dans la fonction ventilatoire, le condi-
Étiologies dysfonctionnelles de l’obstruction nasale 6
tionnement de l’air inspiré, c’est-à-dire la régulation des débits
aériens, la filtration, l’humidification et le réchauffement de l’air
¶ Conséquences de l’obstruction nasale chez l’enfant 7 se font grâce à un triple mécanisme narinaire, valvaire et
Modifications squelettiques 7 septoturbinal. Cette homéostasie ventilatoire, variable d’un
Modifications alvéolodentaires 11 individu à l’autre et chez le même individu d’une fosse nasale
¶ Bilan 15 à l’autre et d’un moment à l’autre à cause du cycle nasal, passe
¶ Principes thérapeutiques 15 inaperçue dans les conditions normales habituelles.
Tout le nez est intéressé par le passage du flux aérien inspi-
¶ Conclusion 16 ratoire, mais le flux aérien passe essentiellement par l’espace
septoturbinal à sa partie moyenne [5, 6] (Fig. 1).
Les fonctions ventilatoires physiologiques du nez se doublent
■ Introduction chez l’enfant d’une fonction morphogénétique mettant en jeu
l’expansion volumétrique par le flux aérien. Mais cette fonction
Dans la pathogénie des dysmorphoses dento-maxillo- n’est efficace que si la langue prend appui conjointement sur le
mandibulaires, l’importance du facteur héréditaire par rapport palais et sur les arcades alvéolodentaires, sollicitant ainsi la
aux autres facteurs a longtemps prévalu. Aujourd’hui, dans de suture médiopalatine par l’écartement des maxillaires (Fig. 2).
très nombreux cas, l’origine ventilatoire des dysmorphoses n’est L’expansion du sinus maxillaire est, par ailleurs, dépendante de
plus à mettre en doute. Cependant, l’importance du facteur l’apparition de l’ostium maxillaire (véritable canal et non pas
ventilatoire nasal est difficile à déterminer du fait des interac- simple trou) : si l’ostium reste béant au-delà de 6 ans, le sinus
tions précoces entre prédispositions héréditaires et adaptations reste infantile et l’expansion sinusomaxillaire se fait mal (cause
fonctionnelles. Les anomalies morphofonctionnelles consécuti- possible de « face étroite ») (Fig. 3). Le septum nasal participe,
ves à l’obstruction nasale de l’enfant font souvent passer au quant à lui, à la croissance sagittale et verticale du nez et
second plan les troubles ventilatoires initiaux qui, de ce fait, indirectement du maxillaire (Fig. 4).
peuvent paraître secondaires, voire accessoires. La ventilation nasale est aussi indispensable à la mise en
Cette obstruction nasale passe d’autant plus inaperçue qu’elle route de l’olfaction, qui régit en partie la reconnaissance de la
survient dans les premières années de la vie et que la gêne mère et des odeurs familières. L’olfaction est ainsi avec l’audi-
ressentie est souvent transitoire. Ce sont les conséquences tion l’un des premiers repères du nouveau-né.
morphogénétiques qui permettent de faire le diagnostic rétro- Ce mode ventilatoire optimal va, en effet, s’inscrire dans les
spectif d’insuffisance ventilatoire nasale. schémas moteurs cérébraux (praxies) assurant le contrôle et

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Figure 1. Trajet du flux aérien inspiratoire dans


les fosses nasales.
A. Coupe parasagittale des fosses nasales.
B. Coupe frontale des fosses nasales. La zone phy-
siologique la plus importante est l’espace septotur-
binal moyen (cercle).

A
B

Figure 2. Croissance de la face. Rôle ex-


pansif et eutrophique de la ventilation nasale
lorsqu’elle est associée à une bonne fonction
linguale.
A. Crâne sec d’un nouveau-né (vu de face).
B. Aspect schématique (coupe frontale).

Figure 3. Formation du sinus maxillaire.


A. Coupe frontale des fosses nasales et du sinus (aspect schématique).
B. Cas clinique. Hypoplasie maxillomalaire (« face étroite »).
C. Occlusion dentaire : endomaxillie.
D. Aspect tomodensitométrique : déviation septale gauche, hypoplasie des sinus
prédominant à gauche (« sinus infantile »), hypertrophie des cornets moyens
(coupe coronale des fosses nasales).

2 Odontologie/Orthopédie dentofaciale
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A B
Figure 4. Croissance du septum nasal. Le septum ethmoïdocartilagineux est un site de croissance primaire, le septum membraneux vomérien est un site de
croissance secondaire adaptatif.
A. À la zone de jonction de ces deux cloisons, le « pied de cloison », zone des conflits.
B, C. À la jonction des trois parties constituantes du septum, une zone de conflit majeure donne naissance à l’éperon septal.

Figure 5. Collapsus narinaire et valvaire.


A. Vue de face. Yeux tristes, étroitesse des nari-
nes, nez pincé.
B, C. Occlusion dentaire. Endomaxillie (vue de
face et vue endobuccale).
D. Aspect tomodensitométrique des fosses na-
sales et des sinus. Fosses nasales étroites. Du
côté où l’obstruction nasale prédomine (gau-
che), le rempart alvéolodentaire est vertical
(flèches).

l’amplitude des mouvements respiratoires. Si cette praxie n’est pendant les mouvements respiratoires. Plus tard, les obstruc-
pas acquise dans les premiers mois de la vie, la suppléance tions de l’auvent narinaire se résument à deux causes relative-
ventilatoire orale risque de se pérenniser, même après dispari- ment fréquentes, les sténoses narinaires et le collapsus narinaire.
tion de l’obstruction nasale. Sténoses narinaires
Les sténoses narinaires sont le plus souvent acquises. Chez le
■ Étiopathogénie de l’obstruction nouveau-né prématuré et ventilé, elles sont le fait de l’intuba-
tion endonasale. Elles peuvent se voir également dans les
nasale chez l’enfant séquelles de fentes labio-alvéolo-palatines.
L’obstruction nasale passe souvent inaperçue du fait qu’elle Collapsus narinaire
survient précocement dans les premières années de la vie et que Le collapsus narinaire peut être statique : petit nez pincé ; ou
la gêne ressentie est souvent transitoire. Ce sont les conséquen- dynamique : les ailes du nez se collabent à l’inspiration, au
ces morphogénétiques qui permettent de faire le diagnostic reniflement brutal (syndrome d’aspiration des ailes du nez). Le
rétrospectif d’insuffisance ventilatoire nasale. collapsus narinaire, qu’il soit uni- ou bilatéral, est généralement
Les étiologies dysmorphiques doivent être distinguées des associé à un collapsus de la valve nasale (Fig. 5).
étiologies dysfonctionnelles. Les deux sont souvent associées.
Auvent nasal
Étiologies dysmorphiques de l’obstruction Les obstructions situées au niveau de l’auvent nasal se
nasale résument à deux grandes causes très fréquentes, le collapsus
valvaire et les déviations ou lyses septales antérieures. Ces deux
Les causes dysmorphiques d’obstruction nasale liées à une dernières étiologies ont pour conséquence une pointe nasale
anomalie des structures du nez sont envisagées selon le siège de molle.
l’obstruction, au niveau de l’auvent narinaire, de l’auvent nasal
ou des fosses nasales. Collapsus valvaire
La valve nasale appartient anatomiquement à l’auvent nasal
Auvent narinaire (nez muqueux, fixe) mais dépend physiologiquement de
Chez le nourrisson et le petit enfant, le nez est court, large l’auvent narinaire (nez cutané, mobile). Elle constitue une des
et concave. L’orifice narinaire est arrondi, presque circulaire. régions les plus critiques du flux aérien où une simple anomalie
Largement ouvert, il est animé de battements incessants peut entraîner une augmentation majeure de la résistance

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nasale. Inversement, l’expansion maxillaire améliore la ventila- survenus spontanément ou provoqués par manœuvres manuel-
tion nasale en augmentant le calibre des fosses nasales et les ou instrumentales (forceps). Le mécanisme de déviation
l’ouverture de la valve nasale [7] (Fig. 5). septale par compression latérale symétrique ou asymétrique des
maxillaires est également possible [10] (Fig. 8).
Déviations septales antérieures
La luxation septale néonatale ne se réduit pas spontané-
Elles succèdent à un traumatisme sur l’auvent nasal qui peut ment [11] et ne s’améliore qu’en apparence. En effet, en
survenir très tôt, soit dans la période périnatale, soit dans l’absence de réduction précoce dans les tout premiers jours qui
l’enfance. Tous ces traumatismes ont en commun de survenir suivent la naissance, le septum luxé du socle prémaxillo-
sur un nez dont les os sont petits et dont les deux tiers du vomérien grandit obliquement. Le développement du nez peut
squelette sont cartilagineux. se faire de deux façons : soit en rectitude au prix d’un recen-
Déviations septales consécutives aux traumatismes nasaux trage du septum, soit en déviation qui s’aggrave avec la crois-
périnataux. Malgré leur extrême fréquence et leur dépistage sance, mais dans les deux cas, il existe une obstruction nasale
aisé, les déviations septales qui surviennent pendant la période (Fig. 9, 10).
périnatale sont souvent méconnues et leurs conséquences Déviations septales consécutives aux traumatismes nasaux
fonctionnelles négligées. Les causes traumatiques sont anténa- de l’enfant. La petite enfance et les premiers pas sont un âge
tales ou néonatales. propice pour les traumatismes nasaux qui passent souvent
Les traumatismes nasaux anténataux sont consécutifs à une inaperçus du fait de la petitesse du nez et de l’importance de
compression de la face du fœtus in utero [8] . Les facteurs l’œdème post-traumatique. La déviation septale antérieure
augmentant la probabilité de compression du nez peuvent être obstrue une fosse nasale et induit très souvent une ventilation
d’origine maternelle ou fœtale. Ils peuvent agir seuls ou en orale. Elle augmente d’autant plus la résistance nasale qu’elle est
combinaison : antérieure, qu’elle s’accompagne d’une pointe nasale molle et
• facteurs maternels : primiparité, petite taille maternelle, utérus que s’y associe une rhinopathie, de plus en plus fréquente du
hypoplasique, malformation utérine, fibrome utérin et bassin fait de la pollution.
rétréci ; Le rétablissement précoce d’une ventilation nasale est essen-
• facteurs fœtaux : engagement prématuré de la tête, présenta- tiel à une bonne croissance faciale et générale de l’enfant.
tion céphalique défléchie, oligoamnios, macrosomie et L’expansion maxillaire orthopédique précoce (Quad-helix) est
grossesse multiple [9]. préférable à tout geste sur le nez et les fosses nasales. L’ablation
En pratique obstétricale, le nez n’est pas pris en compte. Il est précoce des végétations adénoïdes et des amygdales est préco-
considéré comme une « partie molle élastique ». Les traumatis- nisée en cas de gêne ventilatoire avec ronflement.
mes nasaux néonataux des nouveau-nés accouchés par voie Lyses septales antérieures
naturelle se voient plus souvent : Ce mécanisme est d’autant plus vraisemblable que la partie
• chez la femme primipare, surtout si elle est âgée. Dans ce cas, antérieure du septum, située en avant du cadre osseux, est
les tissus utérins sont encore plus résistants. C’est l’occasion beaucoup plus mince (0,4 mm) que la partie postérieure
de souligner que l’âge moyen de la première grossesse est de protégée (3 mm environ) [12, 13]. Les lyses septales antérieures
plus en plus tardif : actuellement, 28 ans en France ; sont aussi redoutables que les déviations septales antérieures. Le
• lorsqu’il existe une dystocie mécanique ou dynamique : cartilage lysé du fait d’un hématome ou d’un abcès localisé est
C dystocie mécanique : une disproportion fœtopelvienne remplacé par du tissu fibreux. Il en résulte un manque de
entraîne une descente difficile de la présentation fœtale soutien de la pointe du nez qui devient molle et afonctionnelle.
dans l’excavation pelvienne ; Lorsque la flaccidité septale atteint la zone de la valve nasale,
C dystocie dynamique : il peut s’agir, soit d’une hypercon- celle-ci perd une partie de son efficience du fait du flottement
tractilité de l’utérus aggravant la compression au niveau de du septum [14].
la face, soit d’une hypocontractilité allongeant la durée du Le traitement est fonction de l’importance de la lyse septale :
• perte de substance limitée : le septum est réintroduit entre les
travail, et par conséquent, la compression de la face.
crus médiales, ce qui entraîne un léger raccourcissement du
Les présentations céphaliques se différencient suivant le degré nez. La qualité du résultat peut être préjugée sur le simple test
de flexion ou de déflexion de la tête fœtale. Dans la présenta- qui consiste à soulever la pointe du nez avec le doigt ;
tion du sommet, la plus fréquente (95 % des cas), la tête fœtale • perte de substance étendue : la partie septale manquante est
se présente fléchie, le menton s’appuie sur la face antérieure du remplacée par un greffon cartilagineux (septal, ou mieux,
thorax et le nez est protégé. Au cours de l’accouchement, les conchal, de manière à ne pas toucher au septum). Le greffon
traumatismes du nez peuvent se produire dans trois circons- est placé, lorsqu’il n’excède pas 5 mm, par voie endonasale
tances : marginale unilatérale.
• lors de la descente de la présentation fœtale dans l’excavation Dans tous les cas, la rigidification de la pointe nasale
pelvienne, du détroit supérieur au détroit inférieur ; s’accompagne d’une amélioration fonctionnelle.
• au cours de la rotation de la tête du fœtus qui accompagne
cette descente et va amener l’occiput en avant sous la Fosses nasales
symphyse pubienne. Le traumatisme nasal ne se produit que Les causes d’obstruction nasale peuvent siéger au niveau de
si la tête fœtale est mal fléchie ; l’orifice piriforme (sténose), des fosses nasales proprement dites
• au cours du dégagement de la tête fœtale en présentation du (anomalies septoturbinales, fosses nasales étroites) et enfin des
sommet, lors du dégagement par déflexion de la tête, le choanes (imperforation, sténose). L’obstruction nasale peut être
massif facial avec le nez est laminé par le périnée postérieur. due également à un corps étranger négligé.
Ce temps est plus long chez la primipare que chez la multi- Sténose congénitale de l’orifice piriforme
pare, ce qui augmente le risque de traumatisme du nez. Il La sténose congénitale de l’orifice piriforme est rarissime. Elle
faut noter l’intérêt de l’anesthésie péridurale qui relâche les est due à un épaississement osseux bilatéral développé aux
tissus et de l’épisiotomie qui raccourcit la période d’expulsion dépens des bords latéraux de l’orifice piriforme (prémaxillaire).
(Fig. 6, 7). Les formes sévères se traduisent par une symptomatologie de
L’articulation entre septum et vomer se soude progressive- détresse respiratoire néonatale qui évoque l’imperforation
ment d’arrière en avant. Le socle vomérien du nouveau-né n’a choanale bilatérale : épisodes d’apnée et de cyanose cyclique qui
pas la qualité rétentive du socle adulte, surtout en avant. Il en cèdent aux cris [15, 16].
résulte une luxation antérieure du septum cartilagineux de son L’examen clinique montre de petites narines et au fond du
socle prémaxillovomérien. vestibule narinaire, un rétrécissement d’origine osseuse qui
Un autre mécanisme jamais rapporté mais tout aussi fréquent limite la filière respiratoire à une fente de 1 à 2 mm, interdisant
et grave par ses conséquences est celui d’un hématome septal tout sondage ou geste endoscopique.
localisé, responsable de lyse septale antérieure (cf. infra). L’examen tomodensitométrique en coupes axiales confirme le
Les déformations de l’auvent nasal et les déviations septales diagnostic de sténose osseuse antérieure en éliminant toute
postérieures, plus rares, sont le fait de traumatismes appuyés autre anomalie des fosses nasales, choanales en particulier.

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Figure 6. Traumatisme nasal néonatal. Pré-


sentation du sommet. Lorsque la tête est nor-
malement fléchie, le nez est protégé.
A, B. Position et rotation de la tête en OIGA.
C, D. Position et rotation de la tête en OIDP.
E. Dégagement de la tête, arrivée et calage de
la nuque sous la symphyse pubienne.
F. Déflexion de la tête et frottement du nez
contre le périnée postérieur.

A B

C D

E F

Le traitement chirurgical, réservé uniquement aux formes gêne ventilatoire. L’expansion orthopédique maxillaire trans-
sévères, doit être d’autant plus précoce que l’obstruction est mal versale est la solution de choix dès qu’elle est possible. Elle
tolérée. La disjonction intermaxillaire orthopédique rapide par corrige l’endognathie maxillaire en même temps qu’elle élargit
vérin fixé sur deux plaques vissées sur le palais [17] paraît le plancher des fosses nasales et indirectement la valve nasale et
préférable à l’élargissement latéral de l’orifice piriforme [15]. l’espace interseptoturbinal.
La sténose congénitale de l’orifice piriforme est isolée ou
Anomalies septoturbinales et fosses nasales étroites
associée à d’autres anomalies médiofaciales (incisive centrale
unique et volumineuse, hypoplasie de l’auvent narinaire, Les anomalies septales (déviations en regard de la valve
hypotélorbitisme) (Fig. 11). nasale, déviation septale haute ethmoïdale ou éperon septal)
Tout autre est la sténose acquise de l’orifice piriforme qui est sont des causes fréquentes totalement sous-estimées. De même
consécutive, soit à un défaut d’expansion des fosses nasales par l’hypertrophie turbinale ne se limite pas à l’hypertrophie des
obstacle uni- ou bilatéral à la ventilation nasale (quelle qu’en cornets inférieurs (rhinopathie) mais intéresse également les
soit la cause), soit à un défaut d’expansion du prémaxillaire par cornets moyens. Cette hypertrophie qui peut se voir en dehors
agénésie des incisives [18]. Les inclusions dentaires incisivocani- de toute rhinopathie se traduit par une inversion ou surtout par
nes en position vestibulée sont presque toujours dues à une une pneumatisation du cornet moyen (concha bullosa) qui peut

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A B C

AR AV

AR AV

D
Figure 7. Nez du nouveau-né.
A. Aspect normal, pointe nasale ferme et symétrique.
B. Luxation septale antérieure, asymétrie narinaire.
C. Pointe nasale molle.
D. Le nez, en pratique obstétricale, n’est pas pris en compte. Il est considéré comme « une partie molle élastique ».
E. Le septum, exposé dans sa partie antérieure, est particulièrement fragile.

se voir dès 10 ans. Ces anomalies endonasales gênent considé- ont constaté un certain nombre de modifications maxillofacia-
rablement la ventilation, d’autant plus que l’œdème chronique les, plus particulièrement nettes dans les formes unilatérales :
de la muqueuse nasale par hypoventilation aggrave l’obstruc- • rétrécissement de la fosse nasale du côté atrésique par
tion nasale. La présence simultanée d’une rhinopathie ou de élévation du plancher, déviation du septum nasal du côté
l’hypertrophie de végétations adénoïdes est encore un facteur atrésique, médialisation de la cloison intersinusonasale. Ces
aggravant. En l’absence de traitement, se développent des fosses anomalies siègent à la partie postérieure des fosses nasales. La
nasales étroites non fonctionnelles où les espaces septoturbi- médialisation de la cloison intersinusonasale est responsable
naux et sinusoturbinaux sont quasi inexistants et où les cornets d’un agrandissement du sinus maxillaire homolatéral ;
inférieurs sont aplatis et allongés verticalement par défaut • endomaxillie et rétromaxillie par défaut de ventilation nasale,
d’enroulement. Cette étroitesse nasale excessive est liée à pouvant induire une asymétrie mandibulaire, voire craniofa-
l’absence de stimulation de la suture médiopalatine par défaut ciale ;
de ventilation nasale et d’expansion alvéolodentaire consécutive • excès vertical antérieur par ventilation orale associée.
à la position basse de la langue (ventilation orale) (Fig. 12).
Le même tableau clinique de fosses nasales étroites peut Étiologies dysfonctionnelles de l’obstruction
s’observer en dehors de toute déformation nasale ou septotur- nasale
binale majeure ; il s’agit alors presque toujours, en dehors Elles comprennent les rhinites et rhinopathies, la polypose
d’anomalies congénitales comme les cranio-facio-sténoses, de nasosinusienne et les polypes.
sujets rhinopathes.
Rhinites et rhinopathies
Imperforation choanale
Les rhinites et les rhinopathies de l’enfant sont généralement
Seules les formes unilatérales quelquefois bien tolérées synonymes de rhinopharyngites. Schématiquement, on peut les
peuvent échapper au dépistage systématique et se révéler par classer en rhinites infectieuses, les plus fréquentes, et en
une asphyxie à l’occasion d’une simple rhinopharyngite, ou rhinopathies inflammatoires qui traduisent un syndrome
encore n’être diagnostiquées que plus tard dans l’enfance ou d’hyperréactivité vasomotrice nasale (rhinites allergique ou
l’âge adulte. Elles se manifestent par une dysperméabilité nasale idiopathique).
unilatérale et surtout par une rhinorrhée mucopurulente Les rhinites allergiques sont une cause fréquente d’obstruc-
unilatérale. tion nasale chez l’enfant avant la puberté (10 % des enfants).
Le diagnostic repose sur l’endoscopie et sur l’examen tomo- Elles se révèlent sur un terrain atopique familial et sont
densitométrique en coupes axiales. favorisées par le tabagisme passif et la pollution atmosphérique
Dans une étude portant sur 11 cas (huit unilatéraux, trois qui, en irritant la muqueuse ventilatoire, facilite la sensibilisa-
bilatéraux) opérés tardivement (3 à 37 ans), Hofmann et al. [19] tion et l’expression clinique de l’atopie (Fig. 13).

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Figure 8. Luxation septale par compression latérale maxillaire.


A, B. Coupes frontales des fosses nasales (d’après Gray).
C, D. Cas clinique. Vue de face et de profil.
E, F. Occlusion dentaire : décalage au niveau du point interincisif médian supérieur, ablation ancienne des quatre prémolaires.
G. Aspect tomodensitométrique : décalage au niveau de la suture médiopalatine et déviation du « pied de cloison » (coupe coronale des fosses nasales).

Les symptômes à caractère saisonnier ou perannuel sont


caractérisés par une obstruction nasale à prédominance mati-
■ Conséquences de l’obstruction
nale, une rhinorrhée séreuse abondante et paroxystique, des nasale chez l’enfant
éternuements en salves et un prurit nasal. Ce dernier se traduit
Pendant les premières années, et plus particulièrement entre
par des grimaces ou un « salut allergique » (frottement du dos
l’âge de 1 et 2 ans, la face, peu développée par rapport au crâne,
de la main sur la pointe du nez) et son corollaire, la ride
grandit très rapidement. La face est de ce fait très sensible à la
transversale entre auvent nasal et auvent narinaire. Cette
moindre gêne ventilatoire nasale. Lorsque l’obstruction nasale
trituration répétée du nez est responsable, à la longue, d’une
s’installe plus tard, vers 5-6 ans, les déformations sont moins
pointe nasale arrondie, polie et molle. Le prurit nasal est parfois
importantes. Un simple retard de croissance de l’étage supérieur
associé à un prurit palatin et auriculaire. du massif facial peut devenir un véritable déficit si la ventilation
Ces manifestations nasales sont souvent associées à un orale concomitante perdure avec ses conséquences propres sur
eczéma, un asthme ou équivalent (toux spasmodique) ou encore la morphogenèse de l’étage inférieur de la face. « L’adulte garde
à un contexte orbitopalpébral évocateur du terrain allergique : toute sa vie les stigmates de l’obstruction passagère de
conjonctivite, cernes, lignes palpébrales inférieures concentri- l’enfance ». [20]
ques et parallèles au bord libre, longs cils. Les conséquences morphogénétiques varient selon que
Toutes ces rhinites et rhinopathies se manifestent d’autant l’obstruction est uni- ou bilatérale, symétrique ou asymétrique,
plus intensément qu’il existe des anomalies morphologiques partielle ou totale, précoce ou tardive, temporaire ou perma-
préexistantes. Inversement, elles sont améliorées par le rétablis- nente, et selon les prédispositions héréditaires squelettiques.
sement de la ventilation nasale. La perte de la force expansive du flux aérien nasal limite le
Ainsi, le traitement chirurgical de la dysmorphie, sans action développement des structures ostéomembraneuses de l’étage
sur l’allergie elle-même, améliore les manifestations allergiques supérieur du massif facial. L’hypoplasie nasosinusienne retentit
et les résultats de la désensibilisation. Elle améliore également sur le complexe palatodentaire et, par différents mécanismes
les manifestations asthmatiques en supprimant la ventilation (ventilation orale, postures linguale, mandibulaire et craniora-
orale. chidienne, engrènement occlusal), sur l’étage inférieur de la
face.
Polypose nasosinusienne et polypes Il n’y a pas de malocclusion-type de l’obstruction nasale.
Schématiquement, on peut distinguer les modifications squelet-
La polypose nasosinusienne est rare chez l’enfant. Elle est tiques et les modifications alvéolodentaires, le plus souvent
définie comme une dégénérescence œdémateuse bénigne intriquées.
plurifocale de la muqueuse nasosinusienne, consécutive à une
inflammation chronique. Son étiopathogénie demeure mal
connue. Chez l’enfant, elle doit faire rechercher une mucovis- Modifications squelettiques
cidose, un dysfonctionnement mucociliaire, une rhinopathie L’occlusion peut être modifiée dans ses trois dimensions
(allergique ou non). Le polype solitaire de Killian peut être une verticale, transversale et sagittale de façon très variable, selon les
cause d’obstruction nasale. prédispositions craniofaciales, l’existence de malformations

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Figure 9. Développement du nez en cas de


luxation septale.
A. Le développement du nez se fait en rectitude,
le septum dévié se recentre au prix d’une cour-
bure.
B. Le développement du nez se fait en déviation,
le septum ne se redresse pas. Mais dans les deux
cas, il existe une obstruction nasale.
C, D. Cas clinique : vues de face et de profil. Dort
du côté gauche (pointe nasale tombante et
molle).
E, F. Occlusion dentaire : légère béance anté-
rieure, palais blanc (vue de face et vue endobuc-
cale).
G, H. Aspects tomodensitométriques. Déviation
septale avec obstruction nasale gauche. Le socle
prémaxillaire est émoussé à gauche, témoin d’une
déviation septale néonatale ou de la petite en-
fance (coupes coronales et axiales des fosses na-
sales et des sinus).

squelettiques, les praxies d’adaptation linguale et labiale et les Enfin, d’autres malformations diminuent la dimension
postures d’adaptation (position avancée de la tête diurne, et verticale postérieure de la mandibule (microramie) et donc le
surtout nocturne, pendant le sommeil). développement oropharyngé : les hypocondylies, les agénésies
condyliennes, les syndromes du premier arc et les ankyloses
Influences des prédispositions constitutionnelles
temporomandibulaires précoces.
et de certains syndromes malformatifs Toutes ces malformations cranio-maxillo-mandibulaires qui
squelettiques s’accompagnent d’hypoplasie mandibulaire, de rétrécissement
L’hérédité ne se manifeste pas uniquement par des similitu- du rhinopharynx par hypoplasie et rétrusion maxillaire, de
des squelettiques, mais aussi par des similitudes de dysfonction limitation de l’ouverture buccale et de troubles de l’appareil
ou d’allergie. musculaire propulseur mandibulaire, peuvent se compliquer
Les prédispositions architecturales constitutionnelles détermi- d’apnées obstructives du sommeil.
nent un type de croissance faciale sur lequel va agir l’obstruc-
tion nasale. Modifications occlusales verticales
Plusieurs syndromes malformatifs favorisent la gêne ventila- Excès verticaux
toire nasale qui aggrave les troubles initiaux de croissance.
Certains agissent primitivement sur la croissance osseuse du L’excès vertical antérieur est la traduction la plus fréquente de
maxillaire comme l’achondroplasie, le syndrome de Binder l’obstruction nasale avec son corollaire, la ventilation orale.
(dysostose maxillonasale), le syndrome de Bimler (microrhino- Cette « face longue » peut être strictement isolée avec occlusion
dysplasie), les craniofaciosténoses (syndromes de Crouzon et de classe I. Mais le plus souvent, elle est associée à une maloc-
d’Apert) et les fentes labio-alvéolo-palatines (par sténose clusion (classe II ou III) et à une béance par interposition
narinaire, déviation septale), le syndrome de Klippel-Feil. antérieure (linguale ou digitale), latérale ou totale (Fig. 14).
L’obstruction nasale aggrave les déformations squelettiques En cas de béance chez le jeune enfant suceur de pouce, il ne
initiales (spirale dysmorphofonctionnelle). faut pas attribuer exclusivement la béance à l’interposition
Les craniofaciosténoses se compliquent également d’une digitale. En effet, le suceur de pouce est souvent un « nez
infiltration des muqueuses par des mucopolysaccharides qui bouché » méconnu, mais reconnaissable à son regard particulier
aggrave l’obstruction nasale. (« œil triste et rond »). De plus, ces enfants complètent souvent

8 Odontologie/Orthopédie dentofaciale
Étiopathogénie de l’obstruction nasale et conséquences sur la croissance maxillofaciale ¶ 23-474-C-10

Figure 10. Déviation


nasale et rhinite iatro-
gène. Ablation ancienne
des quatre prémolaires.
Traitement : rhinoplastie
fonctionnelle et esthéti-
que.
A, B. Aspects pré- et post-
opératoires vus de face. Le
rétablissement de la ventila-
tion s’accompagne d’une
modification du regard.
C, D. Aspects pré- et pos-
topératoires vus de profil.
E, F. Apects endobuccaux
pré- et postopératoires.
Disparition du palais
blanc.
G, H. Aspect tomodensi-
tométrique des fosses na-
sales et des sinus. Éperon
septal gauche et fracture
du septum (coupes coro-
nale et axiale).

leur gêne nasale en appuyant leur index replié sur l’auvent et al. [22] : les sujets abaissant la mandibule de façon rythmique
narinaire. à l’inspiration et la relevant à l’expiration ne développaient pas
De même, en cas de brièveté du frein lingual, accusée d’excès vertical antérieur.
naturellement de favoriser une position basse de la langue, il ne En conclusion, ces deux cas de figure opposés, excès et
faut pas ignorer une obstruction nasale souvent associée. insuffisance de la dimension verticale antérieure, ont en
Les béances antérieures (infraclusie) par infra-alvéolies commun d’avoir pour origine une obstruction nasale que l’on
supérieure et/ou inférieure sont souvent secondaires à une retrouve pratiquement toujours si on se donne la peine de la
interposition linguale par dysfonctions linguales (posture de rechercher.
repos en protrusion, déglutition de type primaire, contact
langue-lèvre inférieure) et/ou par hypertrophie relative linguale Modifications occlusales transversales
secondaire à l’hyperactivité musculaire de protraction nocturne
visant à éviter la glossoptôse. Plusieurs formes anatomiques, plus ou moins sévères, se
En cas d’hypotonie musculaire constitutionnelle avec « man- rencontrent en fonction de l’unilatéralité ou de la bilatéralité de
dibule pendante » permanente (myopathies), toutes les condi- l’étroitesse nasale et de l’adaptation occlusale mandibulaire :
tions sont réunies pour créer une croissance verticale excessive. • une étroitesse minime unilatérale entraîne une simple
Insuffisances verticales différence d’inclinaison des procès alvéolaires, verticalisée du
côté mal ventilé, inclinée en vestibuloversion du côté bien
À l’opposé, chez les patients présentant une parafonction par
ventilé ;
crispation des mâchoires ou par bruxomanie, une diminution
de l’étage inférieur de la face avec supraclusie incisive peut • une étroitesse modérée unilatérale aboutit souvent à un bout
s’observer par défaut de croissance ou ingression molaire. à bout dentaire transversal (cuspides antagonistes entrant en
Contrairement à une idée souvent rapportée, le bruxomane contact par leur sommet). Cette situation instable et incon-
n’est pas toujours un sujet qui a une gêne dans la bouche fortable induit une latérodéviation fonctionnelle mandibu-
(interférence occlusale) ; il a bien une gêne, mais celle-ci est laire, de manière à obtenir une occlusion d’intercuspidation
dans le nez : « le bruxomane est avant tout un stressé au nez maximale plus stable, aboutissant à une latéromandibulie
bouché » [1-4]. fonctionnelle (syndrome de Cauhépé et Fieux). La mastica-
Les enfants qui continuent à utiliser les muscles élévateurs tion se fait préférentiellement du côté croisé [23], aboutissant
énergiquement malgré l’obstruction nasale peuvent ne pas à une véritable asymétrie mandibulaire avec croissance
développer un excès vertical antérieur [21]. Cette constatation adaptative condylienne (hypercondylie secondaire adapta-
avait déjà été faite expérimentalement chez le singe par Harvold tive) [24] ;

Odontologie/Orthopédie dentofaciale 9
23-474-C-10 ¶ Étiopathogénie de l’obstruction nasale et conséquences sur la croissance maxillofaciale

A B
Figure 11. Méga-incisive et sténose congénitale
de l’orifice piriforme.
A, B. Traitement par agrandissement de l’orifice
piriforme ou mieux, par disjonction intermaxillaire.
C, D. Cas clinique. Occlusion dentaire et vue pala-
tine.
E. Reconstruction tomodensitométrique tridimen-
sionnelle.

• une étroitesse unilatérale sévère provoque une occlusion


croisée homolatérale des secteurs latéraux avec latéromandi-
bulie ;
• une étroitesse bilatérale modérée est souvent masquée par la
linguoversion alvéolodentaire compensatrice des secteurs
latéraux mandibulaires. Elle peut aussi aboutir à une occlu-
sion transversale inversée, symétrique et stable ;
4
• une étroitesse bilatérale sévère s’accompagne habituellement
d’une occlusion croisée transversale bilatérale et souvent
1
d’une classe III dentaire d’Angle symétrique (Fig. 15).
3
2 Ces anomalies transversales relèvent de traitements variables
selon l’âge et la gravité : le Quad-helix est recommandé dans les
formes mineures chez l’enfant ; la disjonction orthopédique
rapide chez l’enfant dans les formes sévères ; enfin, la disjonc-
tion chirurgicale est nécessaire chez l’adolescent et chez l’adulte
A afin d’expanser les fosses nasales et d’éviter la vestibuloversion,
source de récidive et de fenestration osseuse en regard des
racines.

Modifications occlusales sagittales


Les trois classes d’occlusion (I, II et III) peuvent être associées
4 5
à une obstruction nasale. La rétromaxillie (ou hypomaxillie) est
1 quasi constante et l’orientation vers l’une ou l’autre des
malocclusions est principalement sous la dépendance du
comportement des muscles linguaux et masticateurs, ainsi que
2
de la posture craniorachidienne (beaucoup plus importante que
la flexion basicrânienne souvent évoquée et qui paraît davan-
tage une conséquence qu’une cause).
La classe I d’Angle, molaire et non canine, est fréquente chez
B C le « respirateur buccal » qui affecte alors un faciès birétrusif par
Figure 12. Causes dysmorphiques de l’obstruction nasale. 1. Éperon rétroalvéolie incisive supérieure et inférieure. Ce type de faciès
septal ; 2. hypertrophie de la tête du cornet inférieur ; 3. hypertrophie de est souvent retrouvé plus tard chez le rhonchopathe apnéique.
la queue du cornet inférieur ; 4. pneumatisation du cornet moyen (concha La pseudoclasse I est une malocclusion d’identification
bullosa) ; 5. inversion du cornet moyen. récente associant rotation mésiopalatine des premières molaires
A, B, C. Superposition des parois latérale et septale des fosses nasales et supérieures et encombrement incisif inférieur. C’est en fait une
coupes frontales des fosses nasales. classe II dentaire masquée [25].

10 Odontologie/Orthopédie dentofaciale
Étiopathogénie de l’obstruction nasale et conséquences sur la croissance maxillofaciale ¶ 23-474-C-10

Figure 13. Rhinopathie allergique.


A. Vue de face. Cernes et « salut allergique ».
B, C. Occlusion dentaire. Béance et palais blanc.
D, E. Aspects tomodensitométriques. Rhinosinusite, concha bullosa gauche et sinusite maxillaire gauche (coupes coronales et axiales des fosses nasales et des
sinus).

Enfin, il existe très souvent une classe I d’un côté et une Le rôle de la langue dans la pathogénie des classes II [26, 27] a
classe II de l’autre, l’asymétrie pouvant être de niveau squelet- été mal compris, car la bascule postérieure de la langue est au
tique ou dentaire et de cause multifactorielle (ventilatoire, début physiologique. Si elle perdure, elle est davantage la
occlusale, posturale pendant le sommeil...). conséquence que la cause de la rétromandibulie qu’elle aggrave.
La classe II d’Angle est la malocclusion la plus fréquente. Cette En pratique, chez l’enfant, l’expansion maxillaire et la
grande fréquence est liée, à la fois à l’augmentation de la stimulation fonctionnelle de la croissance mandibulaire doivent
pollution qui rend la muqueuse nasale sensible à la rhinopathie, être préférées aux extractions dentaires pour corriger les
et à la diminution de l’allaitement au sein. L’alimentation par encombrements et la rétromandibulie.
biberon, passive, ne sollicite pas la croissance des cartilages Les classes III d’Angle reconnaissent plusieurs mécanismes,
condyliens et favorise l’installation de terrain atopique (défaut souvent intriqués :
d’anticorps maternel, excès de protéines animales allergisantes). • une rétromaxillie (hypomaxillie) ou une hypoprémaxillie,
Plus tard, l’alimentation molle entretient ce défaut de croissance souvent responsable d’une occlusion croisée antérieure ;
mandibulaire. • une langue basse, hypertrophique et propulsive, généralement
La rétromandibulie physiologique néonatale (décalage de associée à une hypertrophie amygdalienne ;
Schwartz), qui se corrige spontanément entre 12 et 18 mois, • une promandibulie (beaucoup plus rare).
persiste du fait de l’hypomaxillie et de la linguoversion des Les facteurs influençant les variations de croissance (rotation
incisives maxillaires qui bloque la mandibule en position rétruse postérieure avec face longue et/ou béance, rotation antérieure
(facteur de dysfonctionnement de l’appareil manducateur). Les avec face courte et/ou supraclusie) sont communs à ceux déjà
mouvements mandibulaires et la mastication se limitant à des décrits dans les classes II.
mouvements d’ouverture-fermeture, l’absence de mouvements
de latéralité entraîne un défaut de stimulation du cartilage de
croissance condylien (Fig. 16).
Modifications alvéolodentaires
Dans les classes II, division 1, l’interposition du pouce ou de L’obstruction nasale se traduit par des modifications directes
la lèvre inférieure stimule la croissance du maxillaire, corrige la sur l’arcade dentaire maxillaire, tant au niveau du prémaxillaire
linguoversion incisive (voire crée une vestibuloversion) et que du maxillaire, et par des modifications indirectes sur
contribue à la normalisation positionnelle du maxillaire (voire l’arcade dentaire mandibulaire.
à une proalvéolie maxillaire), mais ne rétablit pas l’étroitesse
transversale et favorise l’aggravation de la rétromandibulie. Conséquences sur l’arcade dentaire maxillaire
La croissance mandibulaire se fait en rotation postérieure Les modifications de l’arcade dentaire maxillaire sont sché-
lorsque le sujet adopte une position avancée de la tête pour matiquement décrites selon le secteur dentaire incisivocanin ou
dégager le carrefour aérien, et qu’il ventile la nuit par la bouche. prémolomolaire. Aux rares dysharmonies dentomaxillaires
Ces classes II avec béance sont particulièrement difficiles à (grosses dents sur maxillaires de taille normale) d’origine
traiter et récidivent volontiers si l’obstruction nasale n’est pas congénitale, il faut opposer les encombrements dentaires, très
corrigée. fréquents et toujours liés à un trouble de la ventilation nasale.
La croissance mandibulaire se fait en rotation antérieure Les modifications sont visibles en denture temporaire et, en
lorsque le sujet présente une parafonction par crispation des l’absence de traitement ou d’amélioration spontanée, se retrou-
mâchoires. vent aggravées en denture permanente.

Odontologie/Orthopédie dentofaciale 11
23-474-C-10 ¶ Étiopathogénie de l’obstruction nasale et conséquences sur la croissance maxillofaciale

Figure 14. Obstruction nasale chronique.


A. Aspect préopératoire : yeux ronds, excès
vertical antérieur avec béance.
B. Aspect postopératoire : septoplastie, Le Fort
I et mentoplastie après préparation ODF : la
modification du regard traduit le rétablisse-
ment de la ventilation nasale.
C, D. Occlusion dentaire : aspects pré- et pos-
topératoires.
E, F. Vue endobuccale : aspect pré- et post-
opératoire ; l’amélioration de la ventilation na-
sale se traduit par un palais moins blanc.
G, H. Aspects tomodensitométriques préopé-
ratoires : éperon septal gauche, concha bul-
losa droite (coupes coronale et axiale des fos-
ses nasales et des sinus).

Secteur dentaire incisivocanin (convergence apicale) traduit l’étroitesse du prémaxillaire et


Normalement, lors de leur éruption, les dents temporaires perturbe le trajet d’éruption des canines (Fig. 17).
sont bien alignées et jointives. Secondairement, vers 3 ou 4 ans, Lorsqu’une incisive latérale est en malposition (rotation le
du fait de la croissance maxillaire, apparaissent des diastèmes plus souvent), il est fréquent de retrouver une luxation septale
interincisifs (diastèmes de Bogue). L’existence de ces diastèmes antérieure du même côté. De même, en cas de canine retenue,
est capitale en permettant le supplément d’espace nécessaire à une gêne ventilatoire est souvent constatée, ainsi qu’un abais-
la mise en place des incisives permanentes [28]. sement du sourcil homolatéral, par défaut de sollicitation du
En denture temporaire, en cas d’obstruction nasale, les pilier canin [1-4, 30].
espaces interincisifs normaux disparaissent, et dans les formes
graves, les dents peuvent même se chevaucher. L’absence de « La correction orthodontique de l’encombrement incisivoca-
diastèmes conduit à une malocclusion par encombrement dans nin maxillaire est indissociable de la correction orthopédique du
la plupart des cas [29]. rétrécissement transversal de l’orifice piriforme » [18]. En effet,
En denture permanente, les incisives centrales maxillaires dans les cas d’étroitesse maxillaire avec étroitesse des fosses
s’adossent en carène (ou en position inverse), l’incisive latérale nasales et diminution du périmètre d’arcade dentaire, l’expan-
et la canine (dernière dent à apparaître le plus fréquemment) sion maxillaire orthopédique transversale est le traitement de
parviennent difficilement à faire leur éruption (simple retard ou choix en créant à la fois l’espace nécessaire aux dents et en
rétention) ou présentent des anomalies de position (vestibulaire, agrandissant le plancher des fosses nasales et le seuil nari-
palatine, rotation). Le défaut de parallélisme des axes incisifs naire [18, 31]. Mais cette expansion ne suffit pas toujours s’il

12 Odontologie/Orthopédie dentofaciale
Étiopathogénie de l’obstruction nasale et conséquences sur la croissance maxillofaciale ¶ 23-474-C-10

A B

C D E

F G
Figure 15. Modifications occlusales transversales.
A. Occlusion dentaire normale.
B. Modifications de l’inclinaison des procès alvéolodentaires.
C. Occlusion dentaire instable en bout à bout.
D. Occlusion dentaire croisée unilatérale modérée entraînant une latéromandibulie.
E. Occlusion dentaire croisée unilatérale sévère.
F. Occlusion croisée bilatérale modérée.
G. Occlusion croisée bilatérale sévère.

existe un obstacle (éperon, concha bullosa...) au niveau de d’endomaxillie et d’endoalvéolie, responsables d’occlusions
l’espace septoturbinal, qu’il faut alors traiter conjointement. croisées.
À l’inverse, l’agénésie ou l’hypoplasie incisive induit un En denture permanente, la verticalisation des secteurs prémo-
rétrécissement de l’orifice piriforme par défaut de sollicitation lomolaires, voire leur palatoversion, témoignent de l’élongation
de la croissance du prémaxillaire par l’expansion volumique des du masque facial, de la position basse de la langue, de la
germes dentaires. L’obstruction nasale par sténose acquise de tension des muscles buccinateurs et de l’inversion des rapports
l’orifice piriforme est ici de type secondaire. Dans ces cas, occlusaux. Cette verticalisation est plus marquée du côté le plus
l’expansion thérapeutique du prémaxillaire avec aménagement obstrué [32]. En arrière, les dents de sagesse ne trouvant plus
d’espace suffisant pour mise en place d’élément prothétique est assez de place sortent en vestibuloversion ou restent en inclu-
préférable à la mésiogression spontanée ou orthodontique des sion. Les dents de sagesse incluses sont très souvent un signe
dents. En revanche, l’existence d’une méga-incisive doit faire d’une obstruction nasale chronique, passée ou présente, qu’il
évoquer une sténose congénitale de l’orifice piriforme (Fig. 11). faut rechercher.
Secteurs dentaires prémolomolaires Quel que soit le secteur intéressé, devant tout encombrement
En denture temporaire, l’obstruction nasale induit souvent dentaire, il faut évoquer d’autres causes :
une distocclusion molaire. Verticalement, le palais profond et • les anomalies dentaires (mésiodens, gémination des incisives,
ogival témoigne d’une obstruction grave et persistante avec macrodontie vraie responsable de dysharmonie dentomaxil-
ventilation orale. Transversalement, il existe différents types laire) ;

Odontologie/Orthopédie dentofaciale 13
23-474-C-10 ¶ Étiopathogénie de l’obstruction nasale et conséquences sur la croissance maxillofaciale

Figure 16. Aspects cliniques pré- et postopératoires (classe II,2), rhinoplastie fonctionnelle et esthétique avant traitement ODF : la modification du regard
traduit le rétablissement de la fonction nasale. Amélioration spontanée de la fonction labiomentonnière (pas de mentoplastie).
A, B. Vues de face.
C, D. Vues de profil.
E. Occlusion dentaire.
F, G. Aspects tomodensitométriques : nez sous tension, fosses nasales étroites, concha bullosa bilatérale (coupes coronale et axiale des fosses nasales).

• la perte de place secondaire aux extractions précoces de dents ventilatoire est d’être asymétrique, ceci étant lié à la prédomi-
temporaires, notamment des canines. Ces extractions, sou- nance habituelle de l’obstruction nasale dans une des deux
vent préconisées en denture mixte, pour favoriser la mise en fosses nasales. De nombreux types de dissymétries sagittales ou
place des incisives latérales permanentes, entravent l’éruption transversales sont ainsi rencontrés chez les « nez bouchés »
et la mise en place des canines permanentes, imposant pour quelle que soit la classe d’Angle. Ces latérodéviations mandibu-
certains l’extraction quasi systématique des premières prémo- laires fonctionnelles puis organiques doivent être distinguées
laires. Ces extractions s’accompagnent, en effet, d’une perte des déviations mandibulaires positionnelles par déplacement
d’espace liée à la dérive mésiale des secteurs latéraux, à la discal ou des déviations dentaires [36].
linguoversion des incisives et à la contraction transversale de Les encombrements dentaires inférieurs sont corrélés à
l’arcade [33]; l’obstruction nasale.
• les programmes d’extractions sériées aboutissant aux extrac- Dans le secteur incisivocanin mandibulaire, ils sont liés à un
tions de premières prémolaires définitives, réduisent, de déséquilibre entre la pression linguale centrifuge et les pressions
manière sensible et définitive, le volume de l’arcade alvéolo- centripètes excessives induites par :
dentaire ainsi que le volume buccal fonctionnel. • l’encombrement incisivocanin maxillaire (hypoplasie maxil-
En définitive, ces extractions aggravent et concrétisent le laire) ;
défaut de développement maxillaire sans régler le problème • l’interposition digitale ou labiale inférieure (classe II, 1) ;
nasal. Le prémaxillaire est fixé définitivement en position • l’hypertonie de la sangle buccinato-orbiculaire chez les
rétruse. Et, comme souvent, la mandibule est alignée sur le patients présentant une crispation labiomentonnière. Cette
maxillaire. Cela donne des faciès peu projetés par rétrusion hypertonie cède au rétablissement de la ventilation nasale
maxillomandibulaire avec souvent un dysfonctionnement de et/ou à la mentoplastie fonctionnelle.
l’appareil manducateur. C’est la raison pour laquelle, chaque Le rôle de la poussée des dents de sagesse en fin de crois-
fois que cela est possible, l’expansion maxillaire pour adapter sance, souvent évoqué pour justifier la récidive de l’encombre-
l’arcade maxillaire à l’arcade mandibulaire est préférable à ment après orthodontie, a fait l’objet de nombreuses
l’extraction dentaire. Les discussions « extractions versus non- discussions. En fait, dans la plupart des cas, l’évolution des
extractions » peuvent se prolonger indéfiniment si l’obstruction dents de sagesse incluses n’a aucune influence sur l’encombre-
nasale, cause première des encombrements dentaires, n’est pas ment antérieur. L’inclusion n’est pas davantage un signe
prise en compte [34, 35]. d’involution de l’espèce humaine, mais un signe d’obstruction
nasale. Les mouvements d’avancée et de bascule antérieure du
Conséquences sur l’arcade dentaire mandibulaire maxillaire étant limités, il en résulte un encombrement dentaire
Devant tout décalage du point interincisif mandibulaire, il postérieur qui se répercute sur la mandibule. En cas d’extraction
faut évoquer une anomalie maxillaire préexistante. En effet, une de ces dents, il faut en profiter pour contrôler le nez et faire le
des caractéristiques quasi constante des malocclusions d’origine geste éventuel qui s’impose.

14 Odontologie/Orthopédie dentofaciale
Étiopathogénie de l’obstruction nasale et conséquences sur la croissance maxillofaciale ¶ 23-474-C-10

Figure 17. Encombrement dentaire.


A, B. Aspects cliniques : yeux tristes, dort les yeux ouverts.
C. Occlusion dentaire : encombrement incisif, décalage des points interincisifs médians.
D. Orthopantomogramme : malposition des incisives latérales et des canines maxillaires.
E. Aspect tomodensitométrique : fosses nasales étroites, déviation septale gauche, sinusite maxillaire gauche (coupe coronale des fosses nasales).

■ Bilan Figure 18. Modifications du


En pratique, devant toutes dysmorphoses maxillomandibulai- masque peaucier facial et du
res et devant toutes malpositions dentaires, il faut penser à squelette maxillofacial en cas
rechercher une obstruction nasale que l’orthodontiste doit être de ventilation orale nocturne.
capable de reconnaître : L’étirement du masque facial
• aux modifications de l’auvent nasal ensellé ou dévié : les est responsable de « l’œil
déviations nasales s’accompagnent toujours d’une déviation rond », l’abaissement orbito-
septale obstructive. Un simple soulèvement de la pointe du malaire latéral est responsable
nez permet souvent de dépister une déviation septale anté- de « l’œil triste ».
rieure. Une pointe nasale molle traduit une déviation ou une
lyse septale antérieure ; autant de facteurs qui gênent la
ventilation ;
• aux modifications du regard : regard scléral ou « œil rond »,
obliquité antimongoloïde de la fente palpébrale ou « œil
triste ». L’« œil rond » est consécutif à l’étirement du mas-
que facial lors de la ventilation orale nocturne : « le respira-
teur buccal dort non seulement la bouche ouverte, mais aussi de profil et des coupes tomodensitométriques des fosses nasales
les yeux ouverts » [1] . L’« œil triste » est consécutif à un et des sinus (coupes coronales et axiales). Une rhinomanométrie
trouble associé de la fonction occlusale par défaut de stimu- ou une aérophonoscopie, un bilan allergologique sont égale-
lation des piliers de la face, endomaxillie, étirement des ment préconisés.
muscles buccinateurs. Il en résulte un abaissement des os
malaires et des orbites latéralement [1, 37] (Fig. 18) ;
• à une légère inocclusion des lèvres, une rétraction labiale
■ Principes thérapeutiques
supérieure, une perlèche traduisant un bavage nocturne du Sur le plan thérapeutique, il faut insister, chez l’enfant, sur la
côté où l’enfant dort, c’est-à-dire du côté où le nez est réversibilité au moins partielle des adaptations morphofonc-
bouché, de manière à dégager la fosse nasale libre ; tionnelles, après suppression de l’obstacle responsable de
• au sourire gingival ; l’obstruction nasale. Les expériences d’obstruction nasale par
• à la crispation du menton ; corps étranger chez le singe ont démontré ce fait [38] . Les
• aux troubles de l’occlusion dentaire, qu’il s’agisse de dyshar- constatations cliniques aboutissent aux mêmes conclusions.
monies maxillomandibulaires ou d’encombrements dentaires. Cette réversibilité justifie un diagnostic et un traitement les plus
Les encombrements dentaires prédominent du côté qui précoces possible, de manière à créer les conditions d’une
« ventile » le moins ; meilleure ventilation nasale.
• au palais ogival et blanc. L’arcade alvéolodentaire est plus Une fois la malocclusion ou la dysmorphose installée, le
verticale du côté de l’obstruction nasale ; rétablissement d’une ventilation nasale normale reste la condi-
• enfin à une dysfonction linguale (macroglossie relative et tion indispensable de la stabilité du résultat thérapeutique de
déglutition de type primaire). l’ODF. Pour les mêmes raisons, le rétablissement de la ventila-
L’examen rhinoscopique doit être complété par un examen tion nasale, pratiqué avant la chirurgie orthognathique, contri-
endoscopique et radiologique comportant une téléradiographie bue à éviter les récidives (Fig. 19).

Odontologie/Orthopédie dentofaciale 15
23-474-C-10 ¶ Étiopathogénie de l’obstruction nasale et conséquences sur la croissance maxillofaciale

Figure 19. Disjonction intermaxillaire chirurgicale.


A. Principes. Aspects cliniques pré- et postopératoires : obstruction nasale par rhinopathie et déviation nasale, rétro- et endomaxillie. Traitement : expansion
maxillaire chirurgicale avec septoplastie, préparation ODF, puis Le Fort I d’avancée et recul mandibulaire (ostectomie préangulaire).
B, C. Vues de face.
D, E. Vues de profil.
F, G. Occlusions dentaires avant et après chirurgie bimaxillaire.
H, I. Arcades dentaires maxillaires pré- et postopératoires (vue palatine).
J, K. Aspects tomodensitométriques. Déviation septale droite, hypertrophie des cornets inférieurs.

Si la cause anatomique de l’obstruction nasale est supprimée,


l’absence d’amélioration ventilatoire (visible à l’absence de
■ Conclusion
modification des anomalies du regard) et la persistance de la
ventilation orale peuvent s’expliquer : La ventilation a une influence essentielle sur la morphoge-
• par rhinopathie (allergie, acrosyndrome...), par étroitesse des nèse dento-maxillo-faciale. Les anomalies surviennent la plupart
fosses nasales ; du temps dans les premières années et, même si elles sont
• par « habitude » ou plutôt par non-apprentissage des praxies transitoires, l’adulte garde toute sa vie les stigmates de cette
neuromotrices de la ventilation et de la fonction linguale obstruction nasale passagère. En outre, une obstruction nasale
normales. C’est dire l’importance de la précocité de la levée passagère précoce peut induire une ventilation orale définitive.
des obstacles et la nécessité de la rééducation ventilatoire sur La remarquable plasticité des os membraneux de la face
laquelle avait déjà insisté Rosenthal [39]. durant la croissance justifie le dépistage et le traitement précoce

16 Odontologie/Orthopédie dentofaciale
Étiopathogénie de l’obstruction nasale et conséquences sur la croissance maxillofaciale ¶ 23-474-C-10

de toute obstruction nasale persistante. Cette attitude thérapeu- [17] Goga D, Fassio E, Bonin B, Durand JL, Sirinelli D. Sténose congénitale
tique préventive conduit à réduire les besoins de correction de l’orifice piriforme : une cause de détresse respiratoire du nouveau-
ultérieure par ODF ou par chirurgie orthognathique. né. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1998;99:203-6.
En pratique, pour éviter les conséquences de l’obstruction [18] Talmant J. Ventilation et mécanique des tissus mous faciaux : en guise
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nasale chez l’enfant, il ne faut pas hésiter à corriger précoce- [19] Hofmann B, Beauvillain de Montreuil C, Delaire J. Répercussion
ment les déviations antérieures du septum, les hypertrophies maxillo-faciale de l’atrésie choanale. À propos de onze cas. Rev
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R. Gola.
O. Richard (olivier.richard2@ap-hm.fr).
F. Cheynet.
L. Brignol.
L. Guyot.
Service de stomatologie, chirurgie maxillofaciale et plastique de la face, centre hospitalier universitaire Nord, Chemin des Bourrellys, 13915 Marseille cedex
20, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Gola R., Richard O., Cheynet F., Brignol L., Guyot L. Étiopathogénie de l’obstruction nasale et
conséquences sur la croissance maxillofaciale. EMC (Elsevier SAS, Paris), Odontologie/Orthopédie dentofaciale, 23-474-C-10, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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