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Licence 3 LE FLOCH G.
Semestre 5
2015 - 2016
Droit
international
public 1
CM
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Droit international public 1 - CM
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Droit international public 1 - CM
Introduction
Le droit international public peut être défini comme l’ensemble des règles et institutions
régissant la conduite des sujets internationaux. Il est relativement jeune et a des implications à la
fois politiques et idéologiques très fortes. Certains politistes et théoriciens des relations
internationales considèrent que ce n’est pas du droit.
On ne peut nier l’importance du Traité de Westphalie. Pour autant, avant même ce traité,
l’on peut retrouver des traces de droit international: « Ubi societas, ibi jus » , là où il y a société, le
droit fait son apparition. On a donc pu voir du droit dans les sociétés mésopotamiennes et
égyptiennes, sous Ramsès II. A la même époque ont commencé à se développer des règles
relatives au statut diplomatique des envoyés royaux et de leur immunité. Au temps de la Grèce
antique apparaissent les premiers arbitrages pour régler les conflits en cités grecques.
On peut donc trouver un certain nombre de traces du droit international public avec le
traité, les immunités et l’arbitrage. Parallèlement se développe une notion, le « jus gentium », le
droit des gens. Au temps de Rome, on distingue deux droits: le droit civil (positif, de l’Etat) et le
droit naturel (principes supérieurs à la volonté humaine). Le droit des gens avait vocation à
s’appliquer entre les romains et les non-romains, et était né de la nécessité à nouer des liens avec
l’extérieur. Avec la chute de l’empire romain, toutes ces pratiques disparaissent, et il faudra
attendre le XIè siècle pour que certaines réapparaissent, et pour que naisse la différence entre
droit de la paix et droit de la guerre.
Il faut attendre 1780 pour que Jérémy Bentham publie Introduction to the principles of
morals and legislation, dans lequel il emploie le terme de droit « international », entre les nations,
un droit inter-étatique. Dès lors, cette expression vient supplanter l’expression de droit des gens,
même si certains manuels du XXè siècle continuent à l’employer. Quand on parle de droit
international, on parle de droit inter-étatique comme le fait Bentham, mais lorsqu’on parle de droit
des gens, il y a une vision plus fédérale.
L’adjectif « public » est accolé au droit international en 1802, dans la traduction française
de l’ouvrage de Bentham. Celui implique donc l’existence d’un droit international privé. Ces deux
matières ont un objet différent: le droit international privé ne s’applique qu’aux personnes privées,
et vise à définir le droit applicable en cas de conflits de lois, à déterminer le juge compétent. Ce
conflit de lois peut résulter de prétentions concurrentes pour régir une même situation, en raison
de différences de nationalités (français-brésilien), ou de différences de lieux. Le droit international
privé a donc pour vocation de déterminer le droit applicable dans une situation donnée. Le droit
international public a quant à lui vocation à s’appliquer entre les Etats et les organisations
internationales. Pourtant, l’on constate la place de plus en plus importante accordée aux individus.
Pour autant, ces matières sont complémentaires.
Exemple: Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (Vienne,
1980). L’objet relève du droit international privé (sécurisation des échanges internationaux) mais est porté par un traité,
donc du droit public.
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La situation internationale est toute autre: il n’y pas un souverain mais 193 (à l’ONU), avec
un principe fondamental: l’égalité des Etats, que ce soit la Chine ou Nauru (21 km2, 12’000
habitants), tout les Etats sont égaux. Dans l’ordre international, la souveraineté est une liberté, il
n’y a donc pas de monopole de fonctions, il n’y a pas trois organes comme dans l’ordre interne.
Les traités sont donc créés principalement par les Etats et sont appliqués par les Etats. Il y a donc
une confusion entre législatif et exécutif dans l’ordre international. Au surplus, il n’existe pas de
pouvoir judiciaire international.
- Du point de vue des juristes: les critiques se conjuguent, de sorte qu’il est possible d’en ressortir
trois. Certains auteurs, comme Austin, disent que compte tenu de sa singularité, le droit
international ne peut être du droit. On ne pourrait imposer des règles à des sujets souverains.
Quand à Hobbes, il reproche au droit international l’absence de sanctions au non-respect de ses
règles: « Sans l’épée, les pactes ne sont que des mots ». Enfin, les détracteurs dénoncent
l’impuissance du droit international à centraliser le recours à la contrainte, parce qu’en droit
international, il y a une possibilité de justice privée, alors qu’elle n’existe plus en droit interne
(recours au juge). De plus, l’interdiction du recours à la force, présente en droit international,
subit un certain nombre d’exceptions licites. En résumé, ces auteurs reprochent l’absence de
juridicité du droit international.
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Cette existence positive du droit international est indiscutable, et il existe donc des
praticiens du droit international. Prosper Weil (administrativiste émérite à Paris I) a pu dire « Le
droit international existe, je l’ai rencontré ». Les organisations internationales (ONU, OTAN, OMS)
appliquent constamment le droit international, et chaque année, de nombreux traités sont conclus
(il en existerait 50’000 dans le monde).
« La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public
international. Elle n'entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n'emploiera jamais
ses forces contre la liberté d'aucun peuple ».
La deuxième critique vise l’absence de sanctions. Pour autant, cette absence de sanction
ne remet pas en cause la juridicité du droit international. En droit constitutionnel, la IIIè République
et les trois lois constitutionnelles de 1875 n’ont jamais remis en cause l’absence de contrôle de
constitutionnalité. Certes, une règle sanctionnée sera plus facilement respectée, mais l’absence de
sanctions ne menace pas son existence. Et surtout, il existe de plus en plus de mécanisme de
sanctions internationales, dont la responsabilité internationale:
Exemple: Rainbow Warrior. Dans les années 1980, la France pratique des essais nucléaires sous la mer, à
proximité de l’Australie. En 1985, le navire de Greenpeace est à Oakland et devait regagner un atoll pour dénoncer les
essais. Le navire explose à cause des services secrets français, occasionnant un mort. Récemment, un des membres
du commando donne une interview à Mediapart (Edwy Plénel avait dénoncé l’affaire du Rainbow Warrior en 1985),
expliquant que le commando voulait juste porter atteinte à la salle des machines, et non faire exploser le bateau. A
partir du moment où le bateau a explosé, un accident diplomatique est né, et un tribunal arbitral a du être mis en place,
la France devant verser des dommages et intérêts. L’implication réelle du président Mitterand n’a jamais été réellement
démontrée.
Si son existence est indiscutable, son efficacité l’est beaucoup plus. Les Etats peuvent
facilement violer les règles internationales (Angola, Palestine, Syrie, Afghanistan) mais l’appliquent
quotidiennement car ils y ont intérêt.
Exemple: Affaire Julian Assange, natif d’Australie, fondateur de WikiLeaks, il publie des documents
confidentiels sur les opérations américaines en Irak, et est accusé de viols en Suède. Il est réfugié de l’ambassade
équatorienne au Royaume-Uni depuis 2012. Le premier ministre britannique se posait la question de forcer l’extradition
d’Assange en Suède, mais cela violait le droit international. Les ambassades bénéficient d’une immunité, très
respectée, attachée aux agents. Si les britanniques avaient pénétré dans l’ambassade, il y aurait eu danger pour
l’ambassade britannique en Equateur.
Même les Etats-Unis respectent le droit international. En 2003, les Etats-Unis et la Grande
Bretagne envahissent l’Irak (illégalement au regard du droit international). Mais au Conseil de
Sécurité, ils développent une argumentation incohérente (Saddam Hussein aurait cherché à
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fabriquer des armes de destruction massive, nécessité d’intervention…) pour justifier de la licité de
leur intervention. Ils n’ont pas cherché à ignorer le droit international, mais ont cherché à la justifier
au regard du droit international. Et en 2013, lorsque la question d’une intervention en Syrie s’est
posée, le Parlement britannique a refusé, et de nouveau en 2015, par contrecoup avec la décision
de 2003.
« Si le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l'Article 41 seraient inadéquates ou
qu'elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou
terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la
sécurité internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus
et d'autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de Membres des
Nations Unies. »
Exemple: Daech. La France participe à la coalition internationale qui bombarde Daech en Irak. Cette action
est licite car l’Irak a donné son autorisation. En revanche, cet accord n’existe pas en Syrie, et les interventions y sont
illégales.
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Elle est composée de 15 juges, dont 5 permanents élus par le Conseil de Sécurité et l’ONU
pour 3 ans. Le Président est élus par ses pairs, et ne se représente jamais à un même mandat.
L’actuel Président est français, Ronny Abraham, depuis février 2015. Une tradition non-écrite veut
que les 5 Etats permanents de la SDN aient toujours un juge de leur Etat en fonction dans la CiJ.
Ses langues officielles sont le français et l’anglais.
La CiJ rend trois à quatre arrêts par an (à 700’000-1’000’000$ l’affaire). Les Etats craignent
d’être jugés à la CiJ: dans l’affaire Cambodge c/ Thaïlande, le conseil américain touchait 750$ de
l’heure, et les arrêts sont systématiquement exécutés. Depuis 1945, seuls 3 arrêts n’ont pas été
exécutés.
Depuis 1946, de nombreuses juridictions ont été créées. Tout d’abord, dans quasiment
toutes les juridictions internationales, il existe des tribunaux administratifs chargés de régler les
conflits entre institutions et fonctionnaires des organes internationaux.
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Dans les années 1980-1990, d’autres instituons voient le jour, avec une double tendance:
- Une tendance à la spécialisation: puisqu’on va voir apparaitre tribunal spécialisé en droit de la
mer (à Hambourg, par la Convention de Montego Bay en 1982). Un Organe de règlement des
différends de l’OMC, juridiction internationale, est chargée de juger dans le domaine du
commerce international. Cet organe vise à vérifier le respect des normes de commerce
international. Autre exemple, il existe des juridictions pénales internationales (Cour PI et Tribunal
PI pour l’ex-Yougoslavie ou le Rwanda), ad hoc, créées par des traités internationaux. Pour les
TPI, ils ont été institué par des résolutions, en 1993 pour le premier, en 1994 pour le second. La
CPI est envisagée par le Traité de Rome en 1998, et est instituée en 2002.
- Une tendance à la régionalisation: de nombreuses juridictions régionales sont créées,
compétences pour un nombre limité d’Etats, mais ne fonctionnent pas véritablement.
« Les Etats parties au présent Statut pourront, à n'importe quel moment, déclarer reconnaître
comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l'égard de tout autre Etat acceptant
la même obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends d'ordre juridique ayant pour objet:
a. l'interprétation d'un traité;
b. tout point de droit international;
c. la réalité de tout fait qui, s'il était établi, constituerait la violation d'un engagement
international;
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Les Etats, quelqu’ils soient, peuvent faire une déclaration pour reconnaitre la compétence
de la CiJ. Elle va donc pouvoir la Cour à n’importe quel moment, contre un autre Etat ayant
reconnu la juridiction obligatoire. De fait, n’importe quel autre Etat pourra en faire de même.
Certains Etats, à partir du moment où ils perdent devant la CJI, vont pouvoir être invités à retirer
leur déclaration (notamment la France, en 1984).
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TITRE I.
LA FORMATION DU DROIT INTERNATIONAL
Le droit international est sans nul doute une discipline normative, en ce sens qu’il vise à
imposer à ses destinataires des règles auxquelles ceux-ci doivent se tenir. Ils ne faut pas pour
autant confondre les normes et les sources:
- Les normes renvoient au contenu
- Les sources renvoient au contenant
Dans le cadre du Titre 1, il va être question des sources formelles du droit, c’est-à-dire ce
qui va faire qu’un principe va devenir une règle du droit international public. Toutes les normes ne
sont pas du droit. Les sources du droit international public sont envisagées à l’article 38 du Statut
de la CiJ:
1. La Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui sont
soumis, applique:
a. les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles
expressément reconnues par les Etats en litiges
b. la coutume internationale comme preuve d'une pratique générale acceptée comme étant
le droit;
c. les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées;
d. sous réserve de la disposition de l'Article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des
publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des
règles de droit.
2. La présente disposition ne porte pas atteinte à la faculté pour la Cour, si les parties sont d'accord,
de statuer ex aequo et bono ».
L’article 38§1 a le mérite de lister les sources du droit international public, sans les
confondre avec les normes. L’objet est de savoir dans quelle sources la CiJ pourra piocher des
normes. Cependant, cet article est daté (1946), car il est quasiment identique à celui trouvé dans
la CPJI. Cet article a été critiqué pour son eurocentrisme (dans le c, « nations civilisées » renvoie
aux Etats européens colonisés), et également car il est incomplet: il manque les actes unilatéraux
des Etats et les accords informels. Pour qu’une norme devienne une règle de droit international
public, elle doit donc passer par une des sources listées. Et en droit international, les rapports
entre les normes et les sources sont assez délicats, car une même norme peut être issue de
différentes sources, comme pour l’article 2§4 de la Charte des Nations Unies: elle a le double
statut conventionnel et coutumier. A l’inverse, une même source peut donner naissance à de très
nombreuses règles.
Le problème se pose également de la hiérarchie des normes: elle n’existe pas en droit
international, car il n’y a pas de hiérarchie des sources. Il ne saurait donc exister de hiérarchie des
normes, fondée sur les sources dont elles émanent. En revanche, lorsqu’il y a conflit de normes, il
va exister des priorités d’application:
- Par des règles techniques: lex posterior, ou encore lex specialis
- De façon embryonnaire par le recours à « l’ordre public international », le jus cogens
Quant à l’article 38§2, la CiJ peut statuer en équité si les parties au litige sont d’accord.
Mais en réalité, elle n’a jamais été invitée à statuer par sentiment de justice, indépendamment des
règles de droit. Quand on regarde sa jurisprudence, elle peut invoquer des « principes
équitables », c’est-à-dire se fonde sur des principes stricts de droit, et des principes d’équité.
Exemple: la sentence arbitrale rendue par l’arbitre unique Melius de Villiers, qui a jugé « équitable » d’exclure
des chinois de l’Europe.
➝ Arbitrage, 2 avril 1895, Royaume-Uni c/ Transvaal
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Le traité est défini par la Convention de Vienne sur le droit des traités (« traité des
traités »), du 23 mai 1969. Les règles relatives au traité ont fait l’objet d’un travail de codification de
longue haleine au sein de la Commission du droit international (créée en 1947). La Convention a
été adoptée par 79 votes pour (1 contre [la France], 19 abstentions), entrée en vigueur en 1980,
avec 114 Etats membres sur les 193+1 (la Palestine, qui a ratifié la Convention). La Convention ne
concerne que les traités conclus entre Etats, mais d’autres règles peuvent avoir une valeur en
dehors de la Convention.
Dans les années 1970, la Commission a pensé à un projet de droit des traités entre
organisations internationales et entre Etats et organisations internationales. En 1986 est adoptée
la Convention de Vienne sur le droit des traités entre organisations internationales ou entre Etats
et organisations internationales. La Convention de 1986, contrairement à celle de 1969 n’est pas
entrée en vigueur.
Le droit international n’est pas du tout formaliste. Il va y avoir une foule de termes
utilisables: traité, accord, avenant, mémorandum ou encore déclaration, ce qui va impliquer que
l’instrument pourra avoir plusieurs dénominations. Le traité peut donc être considéré comme
l’accord écrit conclu entre deux ou plusieurs sujets du droit international qui lui reconnaissent une
force obligatoire. Le traité n’est pas exclusivement régi par le droit international, car les règles du
consentement sont régies par le droit interne propre à chaque Etat.
Certains fondent plusieurs critères pour distinguer les traités, une classification matérielle et
une classification formelle:
- Pour la classification matérielle: on peut distinguer en fonction de l’objet du traité. La distinction
la plus courante est celle qu’il existe entre traité-loi et traité-contrat. Le premier pose les règles
générales, tandis que le deuxième pose les règles d’échange et de réciprocité. Cette distinction
est mise en avant par certaines juridictions des droits de l’Homme, pour dire que la réciprocité
ne relève pas des droits de l’Homme. On peut également distinguer les traités selon leur but: ce
sont les traités constitutifs et les traités normatifs. Le premier donne naissance à un sujet de
droit international, alors que le traité normatif va énoncer des règles.
- Pour la classification formelle: on distingue les traités en fonction des parties: Etats, OI, ou Etats
et OI? La Convention de Vienne et la Charte des Nations Unies ne sont ouvertes qu’aux Etats,
et les Convention EDH est ouverte aux deux. On peut également les classer selon le nombre
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des parties, et notamment selon la procédure de négociation: ce sont les traités bilatéraux
(deux), multilatéraux (plusieurs parties) et plurilatéraux (accords régionaux, entre bi- et
multilatéral). Dernière possibilité, l’on peut distinguer selon la forme d’acceptation: procédure
solennelle, ou accord simplifié.
S’agissant de la contexture des traités, ils commencent quasiment tous par un préambule
avec les parties contractantes et les motivations des parties. Le préambule n’a pas de portée
contraignante. En revanche, il peut être utilisé par l’interprète. Ensuite suit le dispositif, listant les
articles. Les premiers seront souvent laissés aux obligations générales, et aux définitions. A la fin,
il y aura les clauses finales, amendements et réserves. Il peut y avoir des annexes ayant en
principe portée contraignante.
Exemple: Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des
armes chimiques et sur leur destruction, conclu à Paris, en 1993.
Il va ainsi être question d’étudier la vie des traités, de leur élaboration (Section 1) à leur
mise en oeuvre (Section 3). Les traités sont également soumis à des questions de validité (Section
2) et à l’interprétation des juges (Section 4).
1) La capacité à conclure
Deux questions vont se poser, tendant à identifier les personnes susceptibles de conclure
un traité, et à identifier le représentant de la personne fictive qu’est l’Etat.
Dans certains cas, les mouvements de libération nationale peuvent conclure des traités
internationaux, pour que l’entité devienne un Etat, ou peuvent conclure certains traités constitutifs
d’institutions internationales.
Exemple: Accords d’Evian, 1962 entre la France et le Front de Libération Nationale de l’Algérie.
Enfin, certaines entités peuvent être assimilées à un Etat. Notamment, le Vatican peut
conclure des traités (les « concordats »). Certaines assimilations à une organisation internationale
peuvent également contracter: le CICR, Comité International de la Croix Rouge, ou l’Ordre de
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Malte. En revanche, les personnes morales de droit privé ne peuvent pas conclure de traités. Si
elles concluent un acte avec un Etat, ce seront uniquement des contrats d’Etat.
2) L’élaboration du texte
L’élaboration d’un traité est soumise à deux phases principales: la négociation (a) et
l’authentification (b).
a°/ La négociation
La négociation vise à mettre au point le futur traité. En matière de conventions bilatérales,
les négociations sont discrètes et relèvent du simple courrier. Mais en matière de traités
multilatéraux, l’initiative peut revenir à un ou plusieurs Etats ou à une organisation internationales.
Exemple: le traité sur le commerce des armes, à l’initiative de l’Assemblée générale des Nations Unies.
A partir du moment où un ou plusieurs Etats lancent l’idée d’un traité, les discussions
s’ouvrent, soit sous l’égide d’un organe permanent (Convention relative aux droits de l’enfant,
1989) ou dans le cadre d’une conférence diplomatique ad hoc convoquée spécialement (COP 21),
pour les traités les plus importants.
Exemple: la Conférence finale des Nations Unies pour un traité sur le commerce des armes, du 18 au 28 mars
2013. On va se situer dans une procédure quasiparlementaire: un président est choisi, un règlement intérieur est
élaboré et adopté et un comité de rédaction est désigné. Celui-ci est composé de représentants des différentes régions
du monde, qui vont devoir élaborer un avant-projet, qui sera discuté et amendé.
b°/ L’authentification
Une fois le traité voté ou soumis au consensus, il doit être authentifié. L’authentification
consiste en la procédure de déclaration selon laquelle le texte rédigé correspond à l’intention des
négociateurs et qu’ils le considèrent définitifs. Cette authentification se fait au moyen de la
signature. Deux modes d’authentification existent (article 10):
- La procédure prévue par les Etats lors de la négociation du traité
- La signature ad referendum ou « paraphe », par les représentants des Etats, tu texte ou de
l’acte final de la conférence.
Même si l’Etat participe à l’adoption du texte, il n’est pas obligé de le signer, encore moins
de ratifier le texte en droit interne. La seule signature entraine quelques conséquences:
- Les Etats qui signent ne sont pas dans la même situation que les non-signataires:
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➝ CiJ, 16 mars 2001, Qatar c/ Bahreïn: « Les accords signés mais non-ratifiés peuvent
constituer l’expression fidèle des vues communes des parties à l’époque de la signature ».
- L’authentification implique certaines obligations: article 18.
- Si un Etat signe un traité, il ne doit pas priver le traité en question de son objet et de
son but (par application du principe de bonne foi). Le traité ne doit pas être vidé de sa
substance.
Exemple: Bill Clinton, avant la fin de son mandat, a signé le Statut de la CJI. L’administration Bush
ne voulait pas entendre parler de la CJI, et a prévenu la Cour que les USA ne comptaient pas
ratifier la Convention de Rome.
- Le texte signé bénéficie d’un statut particulier: lorsque les Etats appliquent un traité
signé (mais pas forcément ratifié), cela peut être initiateur de règles coutumières.
Une fois le traité signé, authentifié et ratifié, l’Etat doit donner son consentement à être lié
par le traité. Il faut distinguer dans ce cas si l’Etat a signé (a) ou non le traité (b).
« Le consentement d’un Etat à être lié par un traité peut être exprimé par la signature, l’échange
d’instruments constituant un traité, la ratification, l’acceptation, l’approbation ou l’adhésion, ou par
tout autre moyen convenu. ».
La ratification est l’acte par lequel l’autorité étatique la plus haute détenant la compétence
constitutionnelle de conclure les traités confirme le traité élaboré par ses plénipotentiaires consent
à ce qu’il devienne définitif et obligatoire et s’engage au nom de l’Etat à s’exécuter. Les
expressions du consentement apparaissent au lendemain de la WW2, afin de permettre à des
autorités moins haut placées dans la hiérarchie d’engager l’Etat ou de donner le consentement. La
Convention de Vienne envisage différents modes de consentements à être lié: la ratification,
l’acception ou l’approbation. Dans les deux derniers, ce ne sera pas forcément le plus haut placé
qui pourra donner le consentement de l’Etat.
A l’inverse, un traité peut être ratifié longtemps après avoir être signé:
Exemples: la Convention EDH, signée en 1950 et ratifiée par la France en 1974, la Convention de Genève
pour la répression du faux monnayage, signée en 1929, ratifiée par la France en 1958 et la convention d’Oviedo (droits
de l’homme et biomédecine), 1997 ratifiée en 2012.
- La conclusion en forme simplifiée: ici, la signature vaut double: elle vaut authentification et
ratification. Cette procédure s’est développée pour accélérer le développement des traités,
notamment dans les domaines économiques et militaires. De plus, cette procédure permet, si la
Constitution l’autorise, de se dispenser de la phase parlementaire.
Dans les deux cas, le traité a toujours la même valeur, peu importe comment il est signé.
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« Le consentement d’un Etat à être lié par un traité s’exprime par l’adhésion :
a) lorsque le traité prévoit que ce consentement peut être exprimé par cet Etat par voie
d’adhésion;
b) lorsqu’il est par ailleurs établi que les Etats ayant participé à la négociation étaient
convenus que ce consentement pourrait être exprimé par cet Etat par voie d’adhésion; ou
c) lorsque toutes les parties sont convenues ultérieurement que ce consentement pourrait
être exprimé par cet Etat par voie d’adhésion. »
L’adhésion d’un Etat à un traité n’est pas toujours possible, cela dépend des types de
traités:
- Les traités fermés: l’adhésion est impossible
Exemple: le traité Bénélux (1958), son application est limité à la Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas
- Les traités ouverts: l’adhésion est possible
Exemple: Convention contre la torture (1984)
- Les traités semi-ouverts: l’adhésion est possible mais conditionnée
Exemple: Statut du Conseil de l’Europe (1949). Seuls les Etats capables de se conformer à l’article 3 du Statut
peuvent être adhérents. Parfois les Etats peuvent être invités, ou doivent conclure un traité d’adhésion.
- Le régime parlementaire: en Espagne, l’exécutif (le Roi) ratifie les traités (article 63), mais dans
certaines hypothèses, le Parlement peut avoir à être consulté (article 94).
2) Le système français
« Le Président de la République négocie et ratifie les traités. Il est informé de toute négociation
tendant à la conclusion d'un accord international non soumis à ratification. »
La Constitution distingue les traités et les accords (non soumis à ratification). Cette
distinction est très subtile, et le droit international ne la reconnait pas. Le constituant a voulu
différencier les deux procédures des traités, mais il y eu confusion. S’il y a traité, le président de la
République ratifie, et le MAE va négocier et donner le consentement à être lié pour les accords. Le
Président peut totalement demander l’avis du Parlement même s’il n’y est pas contraint.
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intervenir qu’après une loi du Parlement. Lorsqu’on examine la liste, deux domaines manquent: les
traités d’alliance et ceux relatifs au règlement des différends.
En application de l’article 11, le Président peut organiser un référendum pour faire accepter
le traité, au lieu de recourir à la loi parlementaire.
Exemples: traité de Maastricht (1992, accepté) et traité établissant une Constitution pour l’Europe (2005,
refusé).
Actuellement, 50% des projets de lois du Parlement portent sur des lois autorisant la
ratification d’accords internationaux. En revanche, ces projets sont généralement examinés de
nuit, devant des hémicycles vides. Enfin, contrairement à ce que dit la presse, le Parlement ne
ratifie jamais les traités, il autorise le Président à le faire.
A / La notion de réserves
Les réserves sont des actes unilatéraux émis au moment de l’engagement quand il signe,
ratifie ou approuve, par lequel leur auteur, l’Etat réservataire cherche à modifier l’étendue ou la
portée de leur engagement par rapport à ce qui est prévu dans le traité.
Exemple: la Convention relative aux droits de l’enfant a été ratifiée par la France, sous réserve de l’article 30,
faisant part de « minorités ethniques », minorités qui n’existent juridiquement pas en France. De fait, selon l’article 2 de
la Constitution, il n’est pas possible d’invoquer l’article 30 de la Convention au cours d’un litige, celui-ci faisant l’objet
d’une réserve.
Le droit international n’étant pas formaliste, la réserve peut avoir plusieurs noms, seul le
contenu compte. Les Etats, parfois, lorsque les traités interdisent les réserves, essayent de
camoufler leurs réserves en faisant des déclarations interprétatives. Les réserves visent à modifier
un traité, alors que les déclarations visent à préciser le sens d’une disposition. Certains organes
n’ont pas hésité à requalifier les déclarations interprétatives en réserves. Il est arrivé que les juges
estiment que la déclaration faite par les Etats relève plutôt de la réserve, ce qui implique un
changement de régime applicable:
➝ CEDH, rapport 5 mai 1982, Temeltasch
Les réserves présentent l’avantage essentiel de permettre d’étendre le cercle des Etats
parties, leur permettant d’émettre des réserves pour les inclure dans le traité.
Exemples: Convention de Londres du 20 décembre 1841 sur la répression du commerce des esclaves. La
France n’a pas ratifié cette convention car elle était opposée au droit de visite qui donnait la possibilité pour les navires
de guerre des autres Etats parties de visiter les navires marchands français. Dans l’hypothèse où les navires
présentaient des esclaves, les Etats parties pouvaient saisir les marchandises. La France, opposée au commerce des
esclaves, l’était également sur le droit de visite et ne ratifie pas la Convention. Le 2 juillet 1890, la France put émettre
une réserve au droit de visite sur la Convention abolissant l’esclavage, et elle a ratifié la convention. De même, la
France n’aurait pas ratifié la CIDE si elle n’avait pas pu émettre une réserve sur l’article 30. Aujourd’hui, les conventions
ne sont plus adoptées à l’unanimité mais à la majorité des ⅔:
➝ CiJ, avis, 28 mai 1951, Réserves à la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide: « le principe majoritaire, s’il facilite la conclusion des conventions
multilatérales, peut rendre nécessaire pour certains Etats la formulation de réserves ».
l’environnement etc…) et il faut pouvoir progressivement les mettre en oeuvre. Mettre en oeuvre
les conventions relatives aux droits de l’homme peut représenter un coût économique et humain.
En 1989, à la chute du mur de Berlin, certains Etats ratifient la Convention EDH. Comment
pouvaient-ils respecter instantanément les dispositions de la Convention? Les Etats ont donc du
émettre des réserves, avec l’idée sous-jacente que celles-ci pourront être progressivement
retirées. Ainsi, la grande majorité des traités relatives aux droits de l’homme autorise les réserves.
Exemple: Convention interaméricaine des droits de l’homme, l’article 75 dispose que des réserves ne peuvent
être faites qu’en conformité des dispositions de la Convention de Vienne.
Mais les réserves présentent également des inconvénients de manière générale et dans
les droits de l’homme en particulier. L’accumulation de réserves peut finalement vider le traité de
toute substance:
Exemple: Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée
de 1979. Elle est adoptée par 189 Etats, avec 60 d’entres eux émettant des réserves. Certaines d’entre elles
neutralisent totalement des dispositions de la Convention. La Mauritanie a ratifié la convention, en émettant la réserve
qu’elle allait interpréter la convention au regard de la Charia islamique (réserve supprimée récemment).
De même, il est difficile face à l’accumulation de réserves de savoir qui est lié par quoi.
Certains professeurs spécialisés en droits de l’homme estiment que les traités relatifs ne
peuvent contenir des réserves. Une observation du Comité des droits de l’homme (institué par le
Pacte des droits civils et politiques de 1966) a relevé que les réserves relatives aux droits de
l’homme étaient incompatibles au régime de la Convention de Vienne:
➝ Comité des droits de l’homme, Observation générale n°24, 11 novembre 1994: l’idée est
qu’il serait incompatible d’émettre des réserves sur des droits accordés à l’homme.
De plus, permettre ces réserves contribuent à améliorer l’image des Etats qui diront qu’ils
sont parties au traité, alors qu’ils y auront émis plusieurs réserves.
L’alternative est donc soit d’encourager les réserves en vue d’une universalité, ou de
préserver l’intégrité du traité quitte à interdire les réserves. Extension des Etats parties ou
uniformisation du droit?
Certains traités vont directement interdire les réserves: le traité instituant la CPI n’admet
pas de réserves (article 120) ou le traité de Montego Bay. D’autres vont prévoir directement que
les réserves sont possibles: le traité relatif au commerce des armes (article 25). A la croisée des
chemins, certains traités vont limiter la possibilité d’émettre des réserves: le traité va autoriser ou
interdire sous certaines conditions. Ainsi, la Convention de Genève empêche les réserves sur
certains articles.
Exemple: Convention EDH, article 64: « […] Les réserves de caractère général ne sont pas autorisées aux
termes du présent article ». Le juge va être chargé d’interpréter le « caractère général » des réserves.
➝ CEDH, 29 avril 1988 Belilos c/ Suisse: la CEDH va considérer que la déclaration interprétative de la Suisse
est une réserve, et est donc soumise à l’article 64. Ensuite, elle va ajouter que la réserve est générale, et sera donc
inapplicable à la Convention EDH.
- Le traité n’envisage pas la question des réserves: le silence vaut-il interdiction ou autorisation
des réserves? La question s’est posée en 1951:
➝ CiJ, avis, 28 mai 1951, Réserves à la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide: la CiJ est saisie par l’Assemblée Générale des Nations Unies. la question était
de savoir s’il était possible de faire des réserves sur la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide de 1948. A la sortie de la Guerre Froide, l’URSS et ses satellites
étaient attachés à la souveraineté et ne voulaient pas entendre parler d’organisation internationale,
et voulaient émettre des réserves à l’article IX relatif au renvoi automatique à CiJ. Mais les Etats
de l’Ouest ont estimé que dans le silence du texte, les réserves sont impossibles. La CiJ a trouvé
une solution, depuis codifiée dans la Convention de Vienne, d’autorisation ou d’interdiction absolue
d’émettre des réserves. Dans le silence du traité, les réserves sont autorisées tant qu’elles sont
compatibles avec l’objet et le but du traité, solution retrouvée dans l’ de la Convention.
« l’acceptation d’une réserve par un autre Etat contractant fait de l’Etat auteur de la réserve une
partie au traité par rapport à cet autre Etat si le traité est en vigueur ou lorsqu’il entre en vigueur pour
ces Etats; »
Mais les Etats peuvent être amenés à réagir sur les réserves d’un Etat.
➝ Arbitrage, 30 juin 1977, Délimitation du Plateau continental dans la Mer d’Iroise (France
c/ Royaume-Uni): « une disposition autorisant des réserves en termes généraux laisse les Etats
parties libres de réagir à leur guise à une réserve faite en conformité de ses dispositions et même
de refuser la réserve ». Chaque Etat a ainsi la possibilité de se prononcer sur la validité de la
réserve émise par un autre Etat.
Si l’Etat émet une réserve, l’autre l’Etat peut accepter ou refuser la réserve:
- Si l’Etat accepte la réserve: l’acceptation peut être expresse (formelle) ou implicite. Dans le cas
de l’acceptation implicite, la réserve est acceptée implicitement si l’Etat ne dit rien pendant un
an.
- Si l’Etat s’oppose à la réserve: il peut émettre une objection simple ou aggravée. Dans le cas de
l’objection simple, l’Etat refuse que la réserve lui soit opposable. L’objection a pour effet
d’exclure l’article sur lequel porte la réserve. Si l’Etat émet une objection aggravée, il refuse tout
lien conventionnel avec l’Etat réservataire.
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Droit international public 1 - CM
A Réserve à l’article 3
B Acceptation
C Objection simple
D Objection aggravée
Le traité ne va produire d’effets qu’à l’égard des Etats l’ayant ratifié. Il est possible, d’après
la Convention de Vienne, qu’un traité soit appliqué de manière provisoire: article 25§1.
Exemple: convention sur l’interdiction des armes chimiques, 14 septembre 2013. La Syrie a décidé
d’appliquer la convention provisoirement avant son entrée en vigueur.
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Droit international public 1 - CM
1) Le dépositaire
Les instruments de ratification doivent être échangés entre les Etats parties. Il en va de
même des réserves, des déclarations interprétatives et des objections. D’où la nécessité, dans le
cadre de traités multilatéraux, de centraliser la procédure: ce sera le dépositaire. Le dépositaire est
désigné par les parties à la convention, et il sera précisé que les instruments seront déposés
auprès du dépositaire. Dans le cadre de la convention sur l’interdiction des armes chimiques, le
dépositaire était le secrétaire général des Nations Unies.
En général, le dépositaire pourra être l’Etat du territoire sur lequel se sont déroulées les
négociations, où le secrétaire général de l’organisation internationale sous l’égide de laquelle se
sont tenues les négociations. Il arrive également parfois qu’il y ait des dépositaires multiples,
notamment le Pacte Briand-Kellog (1928) visant à interdire la guerre.
2) L’enregistrement et la publication
L’enregistrement et la publication sont apparus avec la Société des Nations, l’objectif étant
à l’époque de lutter contre la diplomatie et les traités secrets. Le président Wilson avait délivré le
discours des 14 points, dont celui de l’exigence de lutter contre la diplomatie secrète en
enregistrant et publiant les traités internationaux. L’article 18 du Pacte de la Société des Nations
conditionnait la force obligatoire des traités à son enregistrement et à sa publication au secrétariat
général de la Société des Nations.
Ces dispositions n’ont eu qu’une efficacité relative: les Etats ont cherché à fausser le jeu en
adoptant une interprétation différente de la notion d’accord. De plus, on ne pouvait pas imaginer ne
pas appliquer un traité parce qu’il n’était pas enregistré. Ainsi, en 1945, la Charte des Nations
Unies va mettre en oeuvre son article 102§1:
« Tout traité ou accord international conclu par un Membre des Nations Unies après l'entrée en
vigueur de la présente Charte sera, le plus tôt possible, enregistré au Secrétariat et publié par lui ».
Si les Etats n’appliquent pas l’article 102§1, la Charte prévoit une sanction au 102§2:
« Aucune partie à un traité ou accord international qui n'aura pas été enregistré conformément aux
dispositions du paragraphe 1 du présent Article ne pourra invoquer ledit traité ou accord devant un
organe de l’Organisation. ».
Le traité non enregistré ne sera pas opposable devant une juridiction internationale. Cette
exigence a été reprise par la Convention de Vienne dans son article 80:
« Après leur entrée en vigueur, les traités sont transmis au Secrétariat de l’Organisation des Nations
Unies aux fins d’enregistrement ou de classement et inscription au répertoire, selon le cas, ainsi que
de publication. »
De même, dans la sentence Qatar c/ Bahrein, la Cour ajoute: « le défaut d’enregistrement
est sans conséquence sur la validité même du traité qui ne lie pas moins les parties »
➝ CiJ, 16 mars 2001, Qatar c/ Bahreïn
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Droit international public 1 - CM
1) Le dol et la corruption
Le dol est consacré à l’article 49 de la Convention de la Vienne sur le droit des traités:
« Si un Etat a été amené à conclure un traité par la conduite frauduleuse d’un autre Etat ayant
participé à la négociation, il peut invoquer le dol comme viciant son consentement à être lié par le
traité ».
Pour autant, la Convention ne définit pas le dol. On peut juste estimer qu’il s’agit d’une
conduite frauduleuse destinée à obtenir le consentement des parties. Mais depuis 1969, aucun dol
n’a été invoqué pour remettre en cause un traité.
Exemple: Accords de Munich, 1938, entre l’Allemagne, la France, les RU et l’Italie, pour régler le problème des
minorités allemandes en Tchécoslovaquie. Des documents du IIIè Reich attestent qu’Hitler n’avait jamais eu l’intention
de ratifier le traité, et on peut estimer une intention dolosive.
« Si l’expression du consentement d’un Etat à être lié par un traité a été obtenue au moyen de la
corruption de son représentant par l’action directe ou indirecte d’un autre Etat ayant participé à la
négociation, l’Etat peut invoquer cette corruption comme viciant son consentement à être lié par le
traité. »
Elle procède de la même intention que le dol. Cet article est introduit tardivement dans les
négociations. Il faut ici démontrer que la corruption a modifié les termes du consentement du traité
à être lié. La corruption existe, mais pour autant, cette disposition n’a jamais été invoquée pour
remettre en cause un traité.
2) L’erreur
« 1. Un Etat peut invoquer une erreur dans un traité comme viciant son consentement à être lié par le
traité si l’erreur porte sur un fait ou une situation que cet Etat supposait exister au moment où le traité
a été conclu et qui constituait une base essentielle du consentement de cet Etat à être lié par le traité.
2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas lorsque ledit Etat a contribué à cette erreur par son
comportement ou lorsque les circonstances ont été telles qu’il devait être averti de la possibilité d’une
erreur.
3. Une erreur ne concernant que la rédaction du texte d’un traité ne porte pas atteinte à sa validité;
dans ce cas, l’article 79 s’applique. »
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Droit international public 1 - CM
L’Etat s’est donc trompé dans le cas de l’erreur. Seule l’erreur de fait peut être invoquée, et
non l’erreur de droit. La même erreur doit constituer la base essentielle sur laquelle l’Etat fondait
son consentement à être lié. Ainsi, si l’Etat avait eu connaissance de l’erreur, il ne se serait pas
engagé. L’erreur a pu invoquée à plusieurs reprises, mais uniquement pour des annexes sur les
traités de délimitation des frontières.
Pour autant, le §2 prévoit que l’erreur ne peut être systématiquement invoquée. L’Etat ne
peut se prévaloir de sa propre erreur. Il s’agit de la codification d’une jurisprudence ancienne:
l’affaire du temple de Préah Vihéar. Ce temple est situé sur la frontière Thaïlande-Cambodge.
Initialement, le Cambodge fait partie du protectorat française. A la décolonisation, la Cambodge
devient autonome. En 1949, la Thaïlande décide d’envahir une partie du territoire, dont le temple.
En 1959, le Cambodge saisit la Cour EDH pour savoir quel Etat est propriétaire du temple. Mais en
1904, la France et le Siam concluent un traité pour délimiter les frontières. Dans ce cadre, le tracé
devait être déterminé par une commission mixte, sauf qu’à l’époque la Thaïlande n’avait pas la
technologie requise, seule la France a donc délimité le territoire. Mais les géographes français
commettent une erreur, non soulevée par la Thaïlande. Lorsque la CiJ est saisie, la Thaïlande
invoque la nullité du traité en soulevant l’erreur, prétention rejetée au motif que la Thaïlande n’avait
pas relevé l’erreur en 1904. La CiJ a considéré a considéré que le temple appartenait au
Cambodge.
➝ CiJ, 15 juin 1962, temple de Préah Vihéar (Cambodge c/ Thaïlande): « c’est une règle
de droit établie qu’une partie ne saurait invoquer une erreur comme vice du consentement si elle a
contribué à l’erreur par sa propre conduite, si elle était en mesure de l'éviter ou si les circonstances
étaient telles qu'elle avait été avertie de la possibilité d'une erreur »
Plus tard, un état avait invoqué son inexpérience en matière de traité pour justifier une
erreur, motif rejeté par la CiJ:
➝ CiJ, 3 février 1994, Différend territorial Jamahiriya arabe libyenne c/ Tchad
3) La contrainte
Pendant la Conférence de Vienne, la France a estimé que cette disposition était trop
calquée sur les contrats. La contrainte prend deux formes:
- La contrainte contre les représentants de l’Etat: article 51
« L’expression du consentement d’un Etat à être lié par un traité qui a été obtenue par la contrainte
exercée sur son représentant au moyen d’actes ou de menaces dirigés contre lui est dépourvue de
tout effet juridique ».
Par exemple, Charles Quint avait forcé François 1er à signer un traité alors qu’il lui était
prisonnier, les japonais ont contraint Séoul à signer un traité alors qu’ils occupaient le territoire.
« Est nul tout traité dont la conclusion a été obtenue par la menace ou l’emploi de la force en
violation des principes de droit international incorporés dans la Charte des Nations Unies ».
L’article 52 n’a pas d’effet rétroactif: sinon, tout les traités de paix conclus auparavant
seraient nuls. L’article ne vaut que pour l’avenir depuis 1945. De plus, la question se pose de la
consistance de la contrainte. La force armée est naturellement inclue, mais quid de la contrainte
économique? La question s’est posée lors de la rédaction de la Convention de Vienne, en 1969.
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Droit international public 1 - CM
Certains Etats auraient souhaité que soit envisagée derrière le terme contrainte la contrainte
économique. Les occidentaux s’y sont opposé, aussi les Etats nouvellement indépendants ont
adopté une « déclaration sur l’interdiction de la contrainte militaire, politique ou économique lors de
la conclusion des traités » en même temps que la Convention de Vienne. Celle-ci est plus large
que l’article 52, et toute la question est de savoir la valeur de ce texte. Ce texte n’étant pas une
annexe, il n’a pas la valeur contraignante qu’à la Convention. Aucune juridiction internationale n’a
été saisie de ce problème, et les réponses sont multiples. D’un point de vue humaniste, la
contrainte politique pourrait annuler les traités. Mais d’un point de vue interétatique, ce n’est pas
envisageable au nom de la souveraineté.
« 1. Le fait que le consentement d’un Etat à être lié par un traité a été exprimé en violation d’une
disposition de son droit interne concernant la compétence pour conclure des traités ne peut être
invoqué par cet Etat comme viciant son consentement, à moins que cette violation n’ait été
manifeste et ne concerne une règle de son droit interne d’importance fondamentale.
2. Une violation est manifeste si elle est objectivement évidente pour tout Etat se comportant en la
matière conformément à la pratique habituelle et de bonne foi »
L’article 46 permet donc à un Etat de se prévaloir d’une violation manifeste d’une règle
fondamentale du droit national pour remettre en cause un traité. On parle de ratification imparfaite,
car non conforme au droit constitutionnel interne. L’hypothèse qu’un Etat s’appuie sur son droit
pour remettre en cause un traité est dangereuse, c’est pourquoi elle est encadrée par le §2: la
violation sera manifeste si elle est grossière (« objectivement évidente »), ce qu’on appellerait
erreur manifeste d’appréciation en droit administratif.
Cette disposition n’a pas donné lieu à un contentieux abusif contrairement à ce que l’on
aurait pu croire.
Exemple: l’Irak invoque la nullité du traité qu’il a conclu avec le Koweit, celui-ci ayant été traité uniquement par
le chef de l’Etat, et sans l’accord des assemblées.
A ce titre, les articles 53 et 64 vont constituer une révolution en ce qu’ils vont limiter les
objets pouvaient être concernés par un traité. L’article 53 envisage l’hypothèse d’un traité conclu
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Droit international public 1 - CM
en opposition avec une norme impérative existante, et le 64 envisage l’hypothèse d’une norme
survenant après la conclusion du traité et lui étant incompatible. L’article 53 prévoit
« Est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du
droit international général. Aux fins de la présente Convention, une norme impérative du droit
international général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des
Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne
peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même
caractère »
Et l’article 64 d’ajouter:
« Si une nouvelle norme impérative du droit international général survient, tout traité existant qui est
en conflit avec cette norme devient nul et prend fin ».
On voit ainsi émerger une hiérarchie des normes internationales, même en l’absence de
hiérarchie des sources. Certaines normes d’imposent dès lors à tout les Etats, sans dérogation. Il
s’agirait ainsi d’un ordre public international. Il y a donc les normes ordinaires, et les normes
impératives s’imposant à tout les Etats
➝ CiJ, 5 février 1970, Barcelona Traction (Belgique c/ Espagne): « les obligations dont il
s’agit sont des normes erga omnes ». La CiJ vient ici reprendre la Convention de Vienne en
distinguant des obligations erga omnes, visant un intérêt général partagé par tout les Etats, des
obligations entre Etats, cet intérêt général international étant défendu au cours d’une actio
popularis.
La Convention de Vienne vient expliquer que la norme impérative est une « norme
acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble », mettant
en exergue une base consensuelle. Sauf que « dans son ensemble » ne peut signifier que la
majorité, et non l’unanimité, au risque de bloquer les débats. La question se pose ensuite de la
valeur de chaque Etat, du nombre d’Etats, de la représentation de la communauté internationale.
La France avait peut que la majorité suffise, et qu’en fin de décolonisation, l’ONU présente plus de
pays en développement que de pays occidentaux. Elle supposait que si une majorité d’Etats
pouvait voter des principes, cela pourrait aller contre les intérêts français.
La France était également très critique à l’égard de l’article 64, qui prévoit l’hypothèse de la
survenance postérieure d’une norme impérative. Avec une telle règle, le risque est de porter
atteinte à la stabilité conventionnelle, critique reprise par la Turquie. Toutes les conventions
seraient donc frappées de précarité.
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Enfin, la France faisait une troisième critique du jus cogens: l’inadéquation des procédures
d’interprétations nées de l’article 64. L’article 66 envisage une procédure de règlement des
différends. En effet, à partir de l’article 64, si deux Etats sont en désaccord sur la présence d’une
norme impérative, il faut saisir le juge. La France est critique à cet égard pour deux raisons:
- Les réserves à l’article 66: la procédure de l’article 66 se retrouve bloquée par les réserves d’un
Etat partie à un litige sur l’article 66
- En l’absence de réserve, si l’article 66 est applicable: le juge va devoir déterminer si une norme
est du jus cogens, et la France a toujours craint le « gouvernement des juges ».
Cette question est à l’origine de très nombreuses controverse dans les années 1960-1970.
Aujourd’hui, les craintes françaises se relèvent infondées. En effet, il est extrêmement rare que soit
invoquée l’illécéité d’un traité pour justifier son annulation. De même, en pratique, les juges n’ont
jamais eu à déclarer nul un traité en raison d’une norme de jus cogens. Le seul exemple est celui
de l’esclavage. Les traités régissant le commerce des esclaves sont devenus nuls à l’orée du XIXè
face à l’interdiction de l’esclavage. Il a fallu attendre 1998 pour qu’une juridiction internationale
mentionne le jus cogens.
➝ TPIY, 10 décembre 1998, Furundzija: l’interdiction de la torture est une norme impérative
➝ CEDH, 21 novembre 2001, Al-Adsani c/ Royaume-Uni: interdiction de la torture
A partir de là, les juridictions internationales ont réellement commencé à adopter la notion
de jus cogens
➝ TPI, 21 septembre 2005, Yusuf c. Kadi: droit d’être entendu et droit de propriété
➝ CIDH, 22 septembre 2006, Goibubu c/ Paraguay: première consécration du jus cogens,
avec l’interdiction des disparitions forcées
➝ CiJ, 26 février 2007, Génocide (Bosnie c/ Serbie): interdiction du génocide
➝ CiJ, 20 juillet 2012, Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader
(Belgique c/ Sénégal): interdiction de la torture
De même, les juridictions internes ont fini par évoquer la notion de jus cogens:
➝ Cass. civ. 1è., 9 mars 2011
Cette acceptation se trouve dans les années 2000. Auparavant, le Conseil d’Etat avait émis
un avis négatif sur la transposition du jus cogens. En 2006, la CiJ fait mention de cette notion, et
dès lors, à la sortie du juge français, complètement opposé à la notion. Dans l’arrêt Belgique c/
Sénégal, le jus cogens est un pur ajout sans intérêt dans la décision.
« 1. Est nul un traité dont la nullité est établie en vertu de la présente Convention. Les dispositions
d’un traité nul n’ont pas de force juridique.
2. Si des actes ont néanmoins été accomplis sur la base d’un tel traité :
a) toute partie peut demander à toute autre partie d’établir pour autant que possible dans
leurs relations mutuelles la situation qui aurait existé si ces actes n’avaient pas été accomplis;
b) les actes accomplis de bonne foi avant que la nullité ait été invoquée ne sont pas rendus
illicites du seul fait de la nullité du traité.
3. Dans les cas qui relèvent des articles 49, 50, 51 ou 52, le paragraphe 2 ne s’applique pas à
l’égard de la partie à laquelle le dol, l’acte de corruption ou la contrainte est imputable.
4. Dans les cas où le consentement d’un Etat déterminé à être lié par un traité multilatéral est vicié,
les règles qui précèdent s’appliquent dans les relations entre ledit Etat et les parties au traité. »
Comme en droit interne, la Convention de Vienne opère une distinction entre nullité relative
et la nullité absolue. La première vise à protéger l’intérêt des victimes des irrégularités, et ne peut
être invoquée que par les parties, sauf si les parties ont acquiescé (Temple de Préah Vihéar). La
nullité relative peut être limitée à la clause affectée par le vice concerné s’il existe une clause
divisible (article 44§3). La nullité relative concerne l’erreur, le dol, la corruption et la ratification
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imparfaite. En revanche, la contrainte et l’objet illicite sont frappés de nullité absolue. Ici, la nullité
frappe le traité dans son intégralité, même en présence de clauses divisibles et elle ne peut être
invoquée que par les parties.
« Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ».
Ce principe découle de l’adage pacta sunt servanda. C’est une sorte de loi des lois, en ce
que la question se pose de savoir ce qui fait que les conventions sont respectées. Cette règle
confère un caractère obligatoire aux traités. Mais l’article 26 associe le caractère obligatoire à la
bonne foi. L’exécution de l’engagement et la bonne foi sont les facettes d’un même principe: la
loyauté.
Les Etats ne peuvent pas non plus invoquer leur droit interne pour justifier l’inexécution
d’un traité, au motif de l’article 46 (ratification imparfaite), sans engager sa responsabilité: article
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27 « Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non exécution d’un traité.
Cette règle est sans préjudice de l’article 46. » La CiJ a eu l’occasion de rappeler cette règle dans l’arrêt
Belgique c/ Sénégal:
➝ CiJ, 20 juillet 2012, Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader
(Belgique c/ Sénégal)
L’article 28 prévoit
« A moins qu’une intention différente ne ressorte du traité ou ne soit par ailleurs établie, les
dispositions d’un traité ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte ou fait antérieur à la date
d’entrée en vigueur de ce traité au regard de cette partie ou une situation qui avait cessé d’exister à
cette date ».
Ainsi, en principe, le traité n’est pas rétroactif à moins que les parties n’en décident
autrement.
« A moins qu’une intention différente ne ressorte du traité ou ne soit par ailleurs établie, un traité lie
chacune des parties à l’égard de l’ensemble de son territoire ».
En matière de traités relatifs aux droits de l’homme, la question s’est posée de savoir s’ils
devaient s’appliquer à l’intérieur du territoire. L’administration Bush disait notamment que les
traités ne s’appliquaient que sur le territoire des USA. La CiJ a estimé que les traités relatifs aux
droits de l’homme s’appliquent également aux « actes d’un Etat agissant dans l’exercice de sa
compétence en dehors de son propre territoire ». Même si l’avis n’a pas de portée contraignante,
la Cour finira par dire la même chose dans sa fonction contentieuse, les Etats appliquent donc
directement l’avis:
➝ CiJ, avis, 9 juillet 2004, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le
territoire palestinien occupé
« Un traité ne crée ni obligations ni droits pour un Etat tiers sans son consentement. ».
Les traités n’ont ainsi aucune portée contraignante à l’égard des tiers, en vertu du principe
de l’effet relatif. Il n’en demeure pas moins que comme tout principe, l’effet relatif est victime
d’exceptions.
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Les exceptions sont prévues par deux articles: l’article 35 prévoit des obligations pour les
Etats tiers:
« Une obligation naît pour un Etat tiers d’une disposition d’un traité si les parties à ce traité entendent
créer l’obligation au moyen de cette disposition et si l’Etat tiers accepte expressément par écrit cette
obligation. ».
« 1. Un droit naît pour un Etat tiers d’une disposition d’un traité si les parties à ce traité entendent, par
cette disposition, conférer ce droit soit à l’Etat tiers ou à un groupe d’Etats auquel il appartient, soit à
tous les Etats, et si l’Etat tiers y consent. Le consentement est présumé tant qu’il n’y a pas d’indication
contraire, à moins que le traité n’en dispose autrement.
2. Un Etat qui exerce un droit en application du paragraphe 1 est tenu de respecter, pour l’exercice de
ce droit, les conditions prévues dans le traité ou établies conformément à ses dispositions. »
Un traité peut donc créer ou imposer des droits à l’égard des tiers. Mais dans tout les cas,
l’Etat tiers doit avoir consenti à ces effets. Lorsqu’il s’agit d’imposer des obligations, le
consentement doit être écrit, alors que pour créer des droits, le consentement tacite suffit.
Certaines autres exceptions n’en sont pas réellement: notamment, la Clause de la Nation la
Plus Favorisée (CNPF), au coeur des traités commerciaux (notamment l’OMC [ex-GATT]), prévoit
que les avantages commerciaux qu’un Etat viendrait accorder à un autre par voie conventionnelle
bénéficie également aux Etats tiers. En effet, le traité contenant une CNPF, il n’y a pas d’effet aux
tiers autres que ceux prévus par le traité.
Exemple: deux Etats A et B concluent un traité bilatéral s’octroyant des avantages en matière de droits de
douanes, 5% du bien en question. B conclue avec un Etat C un traité prévoyant 3% de droits de douane. Ainsi, A va
bénéficier de l’avantage donné à la nation la plus favorisée (C), et ne paiera que 3% de droits de douanes.
De même, les traités relatifs à certains espaces (frontières) sont dits objectifs car ils
s’appliquent à tout les Etats et leur sont opposables, au nom de la stabilité des relations
internationales. Encore, les traités constitutifs d’organisation internationale (type Charte des
Nations Unies) s’imposent à tous, tout comme les traités de codification.
Dans les clauses finales des traités, on rencontre différentes expressions comme
amendement, révision ou modification. En pratique, ces trois termes doivent être pris pour
synonymes.
« Un traité peut être amendé par accord entre les parties. Sauf dans la mesure où le traité en dispose
autrement, les règles énoncées dans la partie II s’appliquent à un tel accord. »
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certains traités, les modifications sont soit encadrées, soit facilitées. Là encore, les parties ont une
liberté totale.
La question s’est posée pour les traités multilatéraux de savoir si la modification du traité
devait être adoptée à l’unanimité ou à la majorité. Il y a eu une évolution. En effet, initialement, les
traités étant adoptés à l’unanimité, ils ne pouvaient être révisés qu’à l’unanimité. Cette approche
n’est plus possible avec 193 Etats. Seulement, la règle de l’unanimité s’applique encore pour
certains traités politiques, militaires ou économiques.
Exemple: le Pacte de l’Atlantique Nord (1949) et les traités relatifs à l’UE ne pleuvent être modifiés qu’à
l’unanimité.
Toutefois, certaines nuances peuvent être apportées. Notamment, le statut du FMI prévoit
dans son article XVIII b) prévoit que le statut peut être modifié à la majorité, sauf pour les
amendements relatifs aux questions majeures, qui doivent être adoptés à l’unanimité. On glisse
donc de l’unanimité vers la majorité, sauf dispositions contraires. De même, dans certains cas,
l’unanimité de certains Etats peut être envisagée.
Exemple: la Charte des Nations Unies, l’amendement doit être voté au ⅔ des Etats membres, à condition que
les 5 membres permanents l’aient ratifié.
Mais en pratique, la majorité des traités est modifiable à la majorité des ⅔. Certains traités
prévoient également la double majorité: les ⅔ et 85% des voix, comme dans les statuts du FMI,
dans lesquels chaque pays ne vaut pas autant de voix (16% USA, 4% France et RU, 5%
Allemagne).
De plus, les Etats peuvent-ils, par leur pratique, être amenés à modifier leur traité? La
Commission du droit international s’est posé la question, et elle a expressément envisagé la
possibilité. Mais les Etats ont refusé, et n’ont pas voulu admettre la possibilité de modifier les
traités par la pratique. Pour autant, la CiJ a été amené à l’accepter.
Exemple: la Charte des Nations Unies, article 27. Chaque membre possède une voix, et pour adopter une
résolution, il faut 9 votes pour dans lesquels sont compris les Etats permanents. Sauf que la CiJ a été appelé à trancher
sur la possibilité de ne pas statuer volontairement pour les Etats, interprétée comme n’était pas un refus.
➝ CiJ, 21 juin 1971, avis relatif au Sud-Ouest africain: la CiJ va revenir sur la question de l’abstention en
estimant que l’abstention n’est pas un refus. La CiJ va reconnaitre une pratique en disant que pour qu’il y ait véto, l’Etat
doit voter contre: abstention ne vaut pas véto.
b°/ L’opposabilité
En principe, les révisions ne possèdent qu’un effet relatif et ne sauraient lier les Etats en
dehors de leur consentement, la révision ne vaut que pour les Etats consentant à la révision.
L’article 40 de la Convention de Vienne stipule en ce sens:
« 1. A moins que le traité n’en dispose autrement, l’amendement des traités multilatéraux est régi par
les paragraphes suivants.
2. Toute proposition tendant à amender un traité multilatéral dans les relations entre toutes les
parties doit être notifiée à tous les Etats contractants, et chacun d’eux est en droit de prendre part :
a) à la décision sur la suite à donner à cette proposition;
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Droit international public 1 - CM
Mais en pratique, ce principe a été battu en brèche, notamment avec les traités constitutifs.
Exemple: une fois adopté à la majorité des ⅔, la Charte des Nations Unies s’applique à tout les Etats
membres.
Les Etats pourraient alors dénoncer le traité pour ne pas se voir appliquer une mesure
qu’ils n’ont pas voulu. Seulement, un Etat ne se joint pas à un traité pour rien, il y trouve ses
intérêts. L’Etat devra alors peser le pour et le contre pour savoir s’il peut être utile ou non de quitter
une organisation:
Exemple: la France, se pose la question de quitter le FMI, après que ses statuts aient été modifiés. La France
était contre cette modification. La modification entre en vigueur en 1978, et la France a finalement décidé de rester
dans le FMI.
Dans leur immense majorité, les traités sont conclus pour une durée indéterminée. Ils sont
donc conclus sans durée, mais peuvent néanmoins avoir vocation à disparaitre ou à être
provisoirement suspendus.
L’autre hypothèse à envisager est celle ou le nombre de ratifications n’est pas atteint:
Exemple: le jour où la convention de 1957 sur la nationalité des femmes mariées atteindra moins de 6
membres, elle sera annulée.
« A moins que le traité n’en dispose autrement, un traité multilatéral ne prend pas fin pour le seul
motif que le nombre des parties tombe au-dessous du nombre nécessaire pour son entrée en
vigueur. »
Enfin, les traités peuvent toujours abroger un traité. Toutefois, en pratique, le phénomène
de suppression est très rare, la pratique préférant prendre un autre traité par dessus l’ancien.
Exemple: le Pacte de Varsovie est conclu en 1955 pour balancer l’influence de l’OTAN, et est dissout en 1991.
L’abrogation peut être expresse (les Etats décident de l’abrogation) ou implicite, sous l’effet
de l’écoulement du temps. La question se pose de savoir si les traités peuvent être désuets.
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Droit international public 1 - CM
Enfin, un Etat peut dénoncer un traité et ne plus lui être lié. Le traité existera toujours, mais
l’Etat dénonciateur n’y sera plus lié. La grande majorité des traités contiennent des clauses de
dénonciation dans les clauses finales:
Exemple: Article 78 de la Convention interaméricaine des droits de l’homme.
S’il existe une clause, les Etats n’ont qu’à appliquer la clause. 10% des traités ne
présentent pas de clause de dénonciation. Cette absence implique t-elle que le traité est
indénoncable et lie les Etats pour l’éternité? La Convention de Vienne tente de répondre à cette
difficulté dans l’article 56:
« 1. Un traité qui ne contient pas de dispositions relatives à son extinction et ne prévoit pas qu’on
puisse le dénoncer ou s’en retirer ne peut faire l’objet d’une dénonciation ou d’un retrait, à moins :
a) qu’il ne soit établi qu’il entrait dans l’intention des parties d’admettre la possibilité d’une
dénonciation ou d’un retrait; ou
b) que le droit de dénonciation ou de retrait ne puisse être déduit de la nature du traité.
2. Une partie doit notifier au moins douze mois à l’avance son intention de dénoncer un traité ou de
s’en retirer conformément aux dispositions du paragraphe 1. »
Ainsi, le traité ne peut être dénoncé, à deux exceptions près: l’intention des parties ou la
nature des traités. Le problème de ces exceptions est qu’elles ne sont pas très claires et peuvent
être interprétées. Quand on parle de nature des traités, on peut prendre en compte les traités
d’alliances, de coopération, d’arbitrage, de commerce ou de constitution.
De même, la question se pose de la dénonciation des traités relatifs aux droits de l’homme.
Certains auteurs estiment qu’ils ne pourraient pas être dénoncés.
Exemple: le Pacte International des droits civils et politiques ne peut être dénoncé.
De même, tenant à leur nature, les traités relatifs aux droits de l’homme ne peuvent être
dénoncés. De fait, la Corée du Nord, qui cherchait à dénoncer le Pacte, le secrétaire des Nations
Unies lui répond qu’il n’est pas possible de s’y détacher à moins que tous les autres Etats
membres l’autorisent à le faire.
« 1. Une violation substantielle d’un traité bilatéral par l’une des parties autorise l’autre partie à
invoquer la violation comme motif pour mettre fin au traité ou suspendre son application en totalité
ou en partie.
2. Une violation substantielle d’un traité multilatéral par l’une des parties autorise :
a) les autres parties, agissant par accord unanime, à suspendre l’application du traité en
totalité ou en partie ou à mettre fin à celui-ci :
i) soit dans les relations entre elles-mêmes et l’Etat auteur de la violation,
ii) soit entre toutes les parties;
b) une partie spécialement atteinte par la violation à invoquer celle-ci comme motif de
suspension de l’application du traité en totalité ou en partie dans les relations entre elle même et
l’Etat auteur de la violation;
c) toute partie autre que l’Etat auteur de la violation à invoquer la violation comme motif pour
suspendre l’application du traité en totalité ou en partie en ce qui la concerne si ce traité est d’une
nature telle qu’une violation substantielle de ses dispositions par une partie modifie radicalement la
situation de chacune des parties quant à l’exécution ultérieure de ses obligations en vertu du traité.
3. Aux fins du présent article, une violation substantielle d’un traité est constituée par :
a) un rejet du traité non autorisé par la présente Convention; ou
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Droit international public 1 - CM
Il ne parle ainsi pas d’une simple violation, mais d’une violation substantielle, constituée
selon le §3 par un rejet du traité ou la violation d’une disposition essentielle. Le §5 ajoute
néanmoins que les §1 à 3 ne s’appliquent pas aux dispositions relatives aux droits de l’homme et
au droit international humanitaire. Bien que souvent invoquée, cette mesure est rarement
invoquée.
Exemple: projet du barrage Gabcikovo-Nagymaros, entre la Slovaquie et la Hongrie. Devant la CiJ, la Hongrie
a estimé que le barrage attentait à l’environnement, et a estimé une violation substantielle du traité passé en 1977 sur le
barrage.
➝ CiJ, 25 mars 1997, Projet Gabcikovo-Nagymaros: dans cette hypothèse, il n’y a pas de violation
substantielle.
« 1. Une partie peut invoquer l’impossibilité d’exécuter un traité comme motif pour y mettre fin ou
pour s’en retirer si cette impossibilité résulte de la disparition ou destruction définitives d’un objet
indispensable à l’exécution de ce traité. Si l’impossibilité est temporaire, elle peut être invoquée
seulement comme motif pour suspendre l’application du traité.
2. L’impossibilité d’exécution ne peut être invoquée par une partie comme motif pour mettre fin au
traité, pour s’en retirer ou pour en suspendre l’application si cette impossibilité résulte d’une
violation, par la partie qui l’invoque, soit d’une obligation du traité, soit de toute autre obligation
internationale à l’égard de toute autre partie au traité. »
C’est l’hypothèse où le traité perd de raison d’être par « caprice de la nature ». Par
exemple, si un fleuve faisant l’objet d’un traité devient sec, il n’y a plus lieu de contracter dessus.
Cette circonstance a parfois été invoquée, mais elle n’a jamais été retenue.
Enfin, lorsque des Etats se font la guerre, la Commission du droit international sur les effets
des conflits armés sur les traités (2011) a estimé que
« l’existence d’un conflit armé n’entraine pas ipso facto l’extinction des traités ni la suspension de leur
application:
a) Entre les États parties au conflit;
b) Entre un État partie au conflit et un État qui ne l’est pas ».
1) Le monisme
Le monisme implique d’un seul ordre juridique, orienté tantôt vers l’interne, tant vers
l‘international. Cette conception se défend en ce que les sujets sont les mêmes: l’individu. Selon
les partisans du monisme, la source du droit réside toujours dans l’Etat et le droit a pour objet la
réglementation des rapports sociaux. Suivant cette théorie, rien ne s’oppose à ce que le droit
international pénètre dans le droit interne. En théorie, dans le cadre d’une Constitution moniste, les
normes internationales s’appliquent directement en tant que traités. La société est ici perçue
comme un obstacle au développement du droit.
2) Le dualisme
Les dualistes considèrent qu’il y a deux ordres juridiques distincts, séparés par une barrière
hermétique: l’ordre interne et l’ordre international. Pour les dualistes, les normes ne sont pas les
mêmes (d’un coté, les lois, de l’autre, les traités), les sujets non plus (l’individu d’un côté, l’Etat de
l’autre) et les finalités non plus: le droit interne règle les rapports interindividuels et le droit
international régit les rapports interétatiques. Pour que les actes internationaux s’appliquent, il faut
faire un acte de transmutation en droit interne, par la loi.
Cette présentation schématique permet néanmoins de voir quels Etats ont fait quels choix.
Par exemple, l’article 55 de la Constitution de 1958 prévoit que le traité ratifié a force supérieure à
la loi. Cela impliquerait donc un système moniste. Mais en réalité, l’article 55 nécessite une
publication dans l’ordre juridique, et la France relève donc du monisme. De plus, le dualisme n’est
pas forcément au droit international, et c’est notamment le cas de la coutume qui s’applique sans
transposition.
Les questions relèvent du droit interne. Certains Etats ont clairement opté pour le dualisme:
Allemagne, RU, Italie notamment. Par exemple, le Human Right Act de 1998 est une loi
transformant la Convention EDH en droit britannique interne.
A l’inverse, certains Etats optent pour le monisme: Les Pays-Bas et la Grèce. Les
Constitutions posent en effet le principe de primauté du droit international sur le droit national.
2) L’exemple français
L’article 55 de la Constitution montre que la France a plutôt retenu une conception moniste,
bien que le texte ait soulevé quelques difficultés. la première question étant celle de la place des
traités dans la hiérarchie des normes. L’article 55 estime que le traité a valeur supralégislative. Les
juges administratif et judiciaire ont refusé d’appliquer cette mesure estimant que le contrôle de
conventionnait relevait du Conseil Constitutionnel. Celui-ci se déclare incompétent
➝ Cass., 24 mai 1975, Société Cafés Jacques Vabre: le traité a valeur supralégislative
➝ CE, 20 octobre 1989, Nicolo: le Conseil d’Etat confirme la solution Jacques Vabre
➝ CE, 30 octobre 1998, Sarran et Levacher: le traité a valeur infraconstitutionnelle
➝ Cass., 2 juin 2000, Mlle Fraisse: la Cour de cassation confirme Sarran
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Droit international public 1 - CM
Quant au juge judiciaire, la chambre criminelle s’est alignée sur la jurisprudence du Conseil
d’Etat. Simplement, la chambre civile a retenu une autre solution:
➝ Cass. civ. 1è., 6 mars 194, Kappy, épouse Lisak: la condition est par principe remplie
sauf lorsque le MAE publie au JO une note dans laquelle il précise qu’une convention n’est pas
appliquée par l’autre partie. Cette solution présente l’avantage de laisser toute liberté au
gouvernement. Néanmoins, la solution implique que le MAE se prête à un travail de recension.
➝ CE, ass., 29 juin 1990, GISTI: jusque là, quand le Conseil d’Etat devait interpréter le
traité, saisissait le MAE et était lié à l’avis. Depuis GISTI, le CE n’est plus tenu par le MAE.
➝ Cass. soc., 19 avril 1993, Caisse autonome mutuelle de retraite des agents de chemins
de fer c/ Djaidir: confirme la solution GISTI.
Compte tenu de cette jurisprudence, une décision a été rendue en 2012, décision qui
semble assouplir les conditions: au regard des nouveaux critères posés, la jurisprudence semble
plus souple. Sauf qu’en pratique, le Conseil d’Etat n’a pas forcément infléchi sa jurisprudence et il
existe un certain flottement.
➝ CE, 11 avril 2012, GISTI et FAPIL
Seuls la Convention EDH et le Pacte des Droits Civiques et Politiques sont entièrement
d’effet direct.
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Droit international public 1 - CM
L’interprétation peut également être collective. Cette question est plus délicate, car les
Etats peuvent s’ils le souhaitent décider de fixer ensemble l’interprétation d’une disposition.
Chaque Etat pouvant avoir son interprétation, un tiers au traité peut être amené à trancher. C’est le
cas notamment de la Cour EDH. En effet, grâce à sa jurisprudence, la Cour EDH a pu interpréter
et enrichir la Convention EDH.
Dans l’ordre interne, le juge peut lui aussi être amené à interpréter les traités.
« 1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité
dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.
2. Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes
inclus :
a) tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l’occasion
de la conclusion du traité;
b) tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité
et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité.
3. Il sera tenu compte, en même temps que du contexte :
a) de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou
de l’application de ses dispositions;
b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi
l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité;
c) de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les
parties.
4. Un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties. »
L’objectif est de reconstituer la volonté des parties lorsqu’elles ont conclu. Le §1 prévoit que
« l’interprétation doit avoir lieu de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du
traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but ». Toute la démarche
interprétative est guidée par la bonne foi. La Convention ajoute que l’interprétation doit se faire
dans le sens ordinaire des mots, replacés dans un contexte. C’est là que le préambule, sans force
obligatoire, peut avoir son intérêt en ce qu’il présente les objectifs du traité. La technique de
« l’objet et du but » est très utilisée en droit international, et va permettre au juge d’interpréter une
disposition à la lumière de la finalité du traité en cause. Mais l’interprétation peut aller à l’encontre
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Droit international public 1 - CM
d’un autre principe selon lequel les limitations de la volonté des Etats ne se présument pas. De
plus, le §3 envisage la possibilité d’interpréter à la lumière de la pratique subséquente des Etats.
L’article 32 envisage des moyens complémentaires, devant être utilisés lorsque les
premières méthodes n’ont pas permis d’éclairer le sens du texte, ou alors lorsque l’application de
ces méthodes conduit à des résultats absurdes ou déraisonnables:
« Il peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation, et notamment aux travaux
préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le
sens résultant de l’application de l’article 31, soit de déterminer le sens lorsque l’interprétation
donnée conformément à l’article 31 :
a) laisse le sens ambigu ou obscur; ou
b) conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable. »
Il peut ainsi être fait appel, à titre complémentaire uniquement, aux travaux préparatoires.
Enfin, l’article 33 pose le problème des langues, les traités étant rédigés en plusieurs
langues. Que se passe t-il lorsque les versions ne coïncident pas?
« 1. Lorsqu’un traité a été authentifié en deux ou plusieurs langues, son texte fait foi dans chacune
de ces langues, à moins que le traité ne dispose ou que les parties ne conviennent qu’en cas de
divergence un texte déterminé l’emportera.
2. Une version du traité dans une langue autre que l’une de celles dans lesquelles le texte a été
authentifié ne sera considérée comme texte authentique que si le traité le prévoit ou si les parties en
sont convenues.
3. Les termes d’un traité sont présumés avoir le même sens dans les divers textes authentiques.
4. Sauf le cas où un texte déterminé l’emporte conformément au paragraphe 1, lorsque la
comparaison des textes authentiques fait apparaître une différence de sens que l’application des
articles 31 et 32 ne permet pas d’éliminer, on adoptera le sens qui, compte tenu de l’objet et du but
du traité, concilie le mieux ces textes. »
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Droit international public 1 - CM
I. La coutume
La coutume a longtemps été la source principale du droit international. Aujourd’hui, ce n’est
plus trop le cas face à l’utilisation des traités. Le basculement se situe vers la WW2. Se posent dès
lors les questions de la constatation de la coutume (I) et de son opposabilité (II).
A / La constatation de la coutume
La constatation de la coutume est sans doute la question la plus délicate en la matière:
quand est-ce que la coutume devient un processus obligatoire? Quand est-ce que la pratique
devient une norme contraignante?
La norme coutumière ne nait pas d’un processus standardisé comme avec les traités. Pour
autant, son identification a une importance car une fois constatée, la coutume doit être appliquée,
sous peine d’engager la responsabilité internationale des Etats.
1) Le processus coutumier
Au titre de l’article 38§1b) du Statut de la CiJ: « la coutume internationale comme preuve
d'une pratique générale acceptée comme étant le droit » est une source du droit international. De
là, la CiJ a identifié les éléments caractéristiques de la coutume: la pratique (a) et l’opinio juris (b).
S’agissant de la continuité, les actes doivent se répéter: « une fois n’est pas coutume ».
Les comportements isolés ne sauraient établir une pratique. Il est donc nécessaire que différents
comportements se répètent dans le temps. La CiJ a ici pu parler de pratique « constante et
uniforme ».
Exemple: Affaire Haya De La Torre, opposant d’origine péruvienne. Celui-ci se réfugie dans l’ambassade
colombienne au Pérou à Lima. Il souhaite rejoindre la Colombie, car celle-ci décide de lui donner asile. La Colombie va
défendre devant la CiJ que le Pérou est obligé de lui offrir le droit d’asile, en invoquant l’existence d’une coutume. La
CiJ a ici répondu qu’il existe des pratiques, et non une pratique uniforme, empêchant la naissance d’une coutume.
➝ CiJ, 20 novembre 1950, Droit d’asile (Colombier c/ Pérou)
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Droit international public 1 - CM
La pratique doit aller dans un sens, mais quelques actes dérogatoires isolés ne bloquent
pas la formation d’une coutume.
S’agissant de la généralité, la pratique ne doit pas forcément être unanime, mais doit être
partagée par un certain nombre d’Etats.
➝ CiJ, 20 février 1969, Plateau continental de la Mer du Nord (RFA c/ Danemark et RFA c/
Pays-Bas): « la pratique doit être large et représentative, mais aussi comprendre les Etats
particulièrement intéressés ».
Enfin, s’agissant de la durée, combien de temps faut-il pour former la coutume? La CiJ a
estimé, dans un avis de 1930, que dix ans suffisaient pour que la coutume se forme. La CiJ a de
nouveau été amenée à répondre à la question dans son arrêt de 1969:
➝ CiJ, 20 février 1969, Plateau continental de la Mer du Nord (RFA c/ Danemark et RFA c/
Pays-Bas): « un bref laps de temps peut suffire ». La CiJ a du tenir compte de l’évolution des
technologies, et a considéré qu’il y avait une accélération du processus coutumier. Il n’y a donc
pas de délai fixe, tout va dépendre de la coutume.
En revanche, la CiJ a refusé l’idée qu’il puisse exister des coutumes instantanées.
2) La codification de la coutume
La codification est l’entreprise qui consiste à écrire et rédiger les coutumes. Parfois,
l’entreprise est mise en oeuvre par l’Institut du Droit International, organisation non-
gouvernementale, ou l’Association du Droit International, et autres. Cette question a été évoquée
pour la première fois en 1930, à l’occasion de la tenue à La Haye d’une conférence de codification
sous l’égide de la Société des Nations Unies. Mais cette conférence va échouer parce que
l’objectif était de copier les règles en matière de nationalité, de responsabilité et le droit de la mer.
Compte tenu du champ d’application du droit international de l’époque, cela englobait quasiment
tout le droit international.
Mais cet échec va faire l’objet d’une réflexion. En 1945, la Charte des Nations Unies prévoit
dans son article 13:
« 1. L'Assemblée générale provoque des études et fait des recommandations en vue de:
a. Développer la coopération internationale dans le domaine politique et encourager le
développement progressif du droit international et sa codification ;
b. Développer la coopération internationale dans les domaines économique, social, de la
culture intellectuelle et de l'éducation, de la santé publique, et faciliter pour tous, sans distinction de
race, de sexe, de langue ou de religion, la jouissance des droits de l'homme et des libertés
fondamentales.
2. Les autres responsabilités, fonctions et pouvoirs de l'Assemblée générale, relativement aux
questions mentionnées au paragraphe 1, b, ci-dessus, sont énoncés aux Chapitres IX et X. »
La codification stricto sensu est une photographie, un instantané, rédiger la coutume telle
qu’elle existe à l’instant t. Dans les conventions de codification, il y aura toujours un aspect
codification stricto sensu, et un aspect progressif du droit international. L’intérêt de la codification
va être de clarifier la coutume et de savoir qui est lié par quoi.
Exemples de conventions de codification: convention sur le droit des traités, convention sur les relations
diplomatiques, convention sur la prévention et la répression des crimes contre les personnes jouissant d’une protection
internationale…
Certains auteurs ont estimé que la coutume était vouée à disparaitre, car elles auraient
vocation à être codifiées. Certains ont salué cette disparition, par souci de clarté, mais d’autres
s’en inquiétaient car la coutume a l’avantage d’être spontanée, contrairement au traité. La coutume
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donne de la souplesse à l’ordre international, alors qu’un traité peut être lourd et indigeste. Au
contraire, les codifications ont donné un nouveau souffle à la coutume.
Dans l’affaire du plateau continental, la Cour va revenir sur la question des interactions
entre convention de codification et coutume. La CiJ, dans l’arrêt, a considéré qu’il y avait trois
rapports envisagés:
- L’effet déclaratoire: une norme coutumière existe, et la Convention de Vienne arrive. La même
norme va exister sous sa forme coutumière ou conventionnelle: la convention ne va que traduire
une norme coutumière existante.
Exemple: les règles contenues dans la convention de Vienne ne sont applicables « que dans la mesure où
elles sont déclaratoires de droit international coutumier ».
➝ CiJ, 3 février 2006, Activités armées sur le territoire du Congo 2 (RDC c/ Rwanda)
- L’effet cristalisateur: une pratique sans opinio juris. La convention de codification va faire
apparaitre au même moment la coutume et la convention.
Exemple: la convention de Montego Bay est une convention de codification. Elle est adoptée après 9 ans de
discussion (1973-1982) et nécessitait 60 ratifications pour être applicable (en 1994). Pendant les 12 ans, les Etats ont
appliqué certaines mesures qui sont devenues, pendant les 12 ans, des normes coutumières.
- La norme devient le point de départ d’une nouvelle coutume
B / L’opposabilité de la coutume
Cette question s’envisage sous deux angles:
Les volontaristes sont partisans de cette théorie, mais font face à l’émergence de nouveaux
Etats. Notamment, le Soudan du Sud, lorsqu’il est né, s’est trouvé lié à un grand nombre de
coutumes. Les Etats nouveaux n’ont pas la possibilité d’appliquer l’objecteur persistant, et doivent
donc respecter les coutumes internationales. Pour les volontaristes, lorsqu’une entité devient Etat,
elle consent implicitement à tous les engagements.
A coté des coutumes universelles, il existe des coutumes régionales ou locales, qui ne vont
lier que certains Etats. La CiJ a admis l’existence de ce type de coutumes opposables à un petit
cercle d’Etats, à la différence que pour être opposable à un Etat, la coutume locale ou régionale
doit avoir fait l’objet d’un assentiment de l’Etat (et non pas d’un sentiment comme pour les
coutumes universelles).
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Exemples:
➝ CiJ, 20 novembre 1950, Droit d’asile (Colombie c/ Pérou): « il s’est fondé, sur une prétendu coutume
régionale ou locale, propre aux Etats de l’Amérique latine ».
➝ CiJ, 12 avril 1960, Droit de passage sur territoire indien (Portugal c/ Inde): « la Cour ne voit pas de raison
pour qu’une pratique prolongée et continue entre deux Etats, pratique acceptée par eux comme régissant leurs
rapports, ne soit pas à la base de droits et d’obligations réciproques entre ces deux Etats ».
Peut-on invoquer la coutume dans l’ordre français? La Constitution de 1958 n’envisage pas
la question de la coutume, qui ne parle que des traités. Elle ignore les autres sources, et il faut se
rattacher au préambule de 1946, partie du bloc de constitutionnalité, alinéa 14: « la République
française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international ».
La Constitution de 1958 ne voit que par le traité, mais il est en même temps assez rare que
la coutume internationale soit invoquée devant le juge. Normalement, le juge interne va chercher à
statuer sur le traité, et n’appliquera la coutume que lorsqu’il n’aura pas d’autres solutions. En outre,
le juge interne va souvent croire que la coutume n’est pas invocable devant le juge car elle ne
créerait que des rapports entre Etats:
➝ CE, 6 juin 1997, Aquarone: le Conseil d’Etat applique la coutume, mais considère que la
loi ne doit pas céder devant la coutume. La coutume n’a donc pas de valeur supralégislative.
➝ CE, sect., 14 octobre 2011, Mme Saleh: l’application d’une coutume internationale peut
donner lieu à l’engagement de la responsabilité sans faute.
➝ Cass. crim., 13 mars 2001, Khadafi: l’obligation législative de poursuivre doit céder
devant le principe des immunités consacré par la coutume internationale
➝ Cass. civ. 1è., 13 mai 2015: la Cour de cassation fait référence aux « règles du droit
international coutumier relatives aux règles d’exécution »
➝ Cass. crim., 17 juin 2003, Aussaresses: à la fin des années 1990, un soldat français de
la guerre d’Algérie publie ses mémoires dans lesquelles il affirme que la France avait utilisé la
torture et défendait cette utilisation. En droit français, il n’existe pas d’incrimination en la matière,
mais il existe une coutume qui interdit le recours à la torture. La Cour de cassation a déclaré
qu’elle ne pouvait initier des poursuites internes sur le seul fondement de la coutume internationale
en raison du principe de légalité des délits et des peines. La Cour de cassation a considéré que le
droit coutumier international pouvait seulement aider l’interprétation d’une norme interne, mais ne
pourrait créer ab initio une incrimination.
La CJUE recourt bien plus fréquemment à ces principes, parce que les Etats membres de
l’UE sont d’une culture juridique assez proche, malgré la différence entre droit continental et
Common Law.
Ces PGD peuvent être invoqués devant le juge français, et ont valeur infralégislative:
➝ CE, 28 juillet 2000, Paulin
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Droit international public 1 - CM
Il existe de nombreuses classifications des actes unilatéraux, dont une vise à classer les
actes unilatéraux en cinq catégories:
- La notification: acte par lequel un Etat informe les tiers d’une décision ou d’une situation qu’il
entend pouvoir invoquer
- La reconnaissance: acte qui peut résulter aussi bien d’un acte actif que passif, par lequel un
Etat accepte de se voir opposer soit une situation de fait, soit une situation de droit.
- La protestation: inverse de la reconnaissance, elle constitue un refus de reconnaitre la légitimité
d’une prétention d’un Etat tiers ou d’une situation de fait ou de droit.
- La promesse: elle créé une obligation juridique à la charge de son auteur, et corrélativement fait
naitre des droits au profit des tiers.
- La renonciation: acte par lequel l’Etat renonce à faire valoir ses droits propres. La renonciation
doit être expresse.
Il faut distinguer deux types d’actes: les actes autonormateurs et hétéronormateurs. Dans
les premiers, l’auteur se crée des obligations vis à vis d’un tiers, et dans l’autre, l’auteur crée des
obligations aux tiers.
Néanmoins, toutes les déclarations ne créent pas des droits, il va falloir faire un tri. Le
fondement du caractère obligatoire des actes unilatéraux est à trouver dans la bonne foi: lorsqu’un
Etat fait une déclaration, les autres Etats l’entendent et peuvent s’attendre à ce que l’auteur
respecte sa déclaration. Reste à savoir qui et quoi peuvent engager l’Etat:
- La qualité de l’auteur de l’acte: aucune liste ne saurait être établie. Mais il est possible de se
fonder sur l’arrêt de 1974, dans lequel la CiJ va se fonder sur certaines déclarations « la
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- Le contenu de la déclaration: toute déclaration n’engage pas. La souveraineté nationale est très
importante, il faut donc que l’Etat ait eu l’intention d’être lié.
➝ CiJ, 4 juin 2008, certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale
(Djibouti c/ France): une lettre peut-elle engager la France ou est-ce uniquement une déclaration
d’intention? La CiJ s’interroge sur la lettre, et va fonder sa décision sur les circonstances de fait et
de droit et sur le contenu de la lettre. Le contenu de la déclaration va donc être étudié au cas par
cas.
Pour déterminer le contenu de la décision, il est possible par analogie de se référer à la
Convention de Vienne sur le droit des traités. Les articles 32 à 34 peuvent être appliqués pour
interpréter un acte unilatéral, mais ce n’est pas une obligation.
Une fois que l’Etat s’est engagé, l’est-il indéfiniment? La question du retrait de l’acte
unilatéral est très délicate. La CiJ a, dans l’arrêt des essais nucléaires, avait précisé que les
obligations souscrites à travers un acte unilatéral ne sont assorties d’aucun pouvoir arbitraire de
révision. Il est donc possible de réviser l’acte unilatéral, mais uniquement grâce aux procédures
habituelles de règlement des différends, c’est-à-dire qu’un Etat doit obtenir l’accord des Etats
créanciers de l’obligation. Enfin, la nature de l’acte en cause importe également. La question des
actes unilatéraux est donc tout aussi compliquée que la question des réserves.
Pour aller à l’essentiel, on peut classer les actes unilatéraux des organisations
internationales en trois catégories:
- En fonction de l’auteur
- En fonction du destinataire
- En fonction de l’objet
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Droit international public 1 - CM
En fonction de l’auteur, on peut distinguer les actes unilatéraux adoptés par les organes
politiques (Conseil de Sécurité) et ceux adoptés par les organes juridictionnels (CiJ). En fonction
du destinataire, on peut classer les actes unilatéraux entre ceux adoptés pour l’organisation elle-
même, pour ses membres, ou pour des tiers. Enfin, ils peuvent être classés en fonction de leur
objet, en distinguant les actes unilatéraux normatifs des actes unilatéraux déployant des effets
juridiques immédiats (création d’une instance subsidiaire).
La doctrine a opéré une distinction qui permet de comprendre les effets des actes
unilatéraux des organisations internationales: la distinction entre les décisions (a), à portée
obligatoire, par opposition aux recommandations (b), qui n’ont pas de force contraignante.
Pour autant, toutes les décisions du Conseil de sécurité n’ont pas valeur contraignante:
➝ CIJ, avis, 21 juin 1971, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue
de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain): la CiJ vient nuancer le caractère obligatoire
des décisions du Conseil de sécurité. « il faut soigneusement analyser le libellé d’une résolution du
Conseil de sécurité avant de pouvoir conclure à son effet obligatoire ». La CiJ dit donc que le
Conseil de sécurité peut adopter des décisions contraignantes, mais également des décisions non
contraignantes.
Toutefois, les recommandations ne sont pas à négliger pour différentes raisons, notamment
une: une résolution peut produire des effets juridiques, notamment en accélérant le processus de
formation de la coutume:
➝ CiJ, 27 juin 1986, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c/ Etats-Unis d’Amérique): « le vote de l’Etat en faveur de l’acte unilatéral peut
apparaitre comme l’expression d’une opinio à l’égard de la règle (et ou de la série de règles) ». IL
est donc possible de se fonder sur le vote pour l’acte unilatéral comme une opinio juris ayant
certaines incidences.
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Les accords informels politiques, « gentlemen’s agreements », consistent pour les Etats à
s’entendre sur un certain nombre de grands principes qui gouverneront leurs relations ou leurs
politiques à l’égard des tiers. Notamment, le Charte de l’Atlantique de 1941 est un accord politique,
qui vise à prévoir l’Organisation des Nations Unies après la guerre.
Enfin, les accords informels normatifs viennent constituer un cadre à dicter ou influencer la
conduite des parties signataires entre elles ou à l’égard des tiers.
Ces textes sont très flexibles, ce qui rend leur adoption plus aisée. Contrairement aux
procédures de traités, les accords informels vont permettre aux Etats de plus facilement
s’entendre. Par la même, il n’y aura pas de procédure de ratification qui peut être longue et
aléatoire.
Exemple: accord Kennedy-Dobrynine. Les Etats-Unis s’engagent à retirer les missiles américains en Turquie à
ne pas envahir Cuba si l’URSS retire ses missiles de Cuba. L’accord Robert Kennedy-Anatole Dobrynine fut révélé à
simple titre d’information par Robert Kennedy en 1969.
De plus, l’accord informel est parfois le seul moyen de parvenir à un accord. Faute de
traité, les Etats vont parvenir à un accord à défaut de pouvoir conclure un traité.
Exemple: le pacte final d’Helsinki n’aura jamais été ratifié en RFA s’il n’avait pas été un accord informel
Enfin, les Etats acceptent d’autant plus facilement de conclure des accords informels de
par leur absence de portée contraignante, absence qui peut être utile dans les domaines rapides
ou qui ont besoin d’une réponse.
Exemple: droit international économique, ou droit international de l’environnement
Pourtant, les accords informels sont plutôt bien respectés, notamment les communiqués
finaux (accords informels) du G20:
- Cannes, 2011
- Brisbane, 2014
Les Etats sont invités à respecter les accords informels, sinon un autre Etat pourra
invoquer le principe de confiance légitime, le principe d’estoppel. Enfin, les accords concertés
peuvent donner naissance à une coutume, et à la soft law. Ce terme n’a jamais trouvé de réelle
traduction en français. La soft law est un terme générique qui désigne les textes dont la valeur
normative serait limitée, pour deux raisons alternatives:
- Soit l’instrument qui les contient n’a pas de valeur contraignante
- Soit les dispositions qui figurent dans un instrument obligatoire (traité) créent des obligations
peu, voire pas contraignantes.
Prosper Weil disait, a critiqué la soft law en disant que « pas plus qu’avec trois fois rien on
ne fait quelque chose, l’accumulation de non-droit ou de pré-droit ne suffit à elle seule à créer du
droit », Vers une normativité relative en droit international, 1982.
« les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations,
comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit ».
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I. La doctrine
La doctrine est la position des auteurs, des sociétés savantes sur un sujet. Elle a pu jouer
un rôle essentiel en droit international, notamment en matière de liberté des mers. Au XVIIè, une
querelle oppose Grotius et Selden, sur la question de l’appropriation des mers. Ces deux auteurs,
inspirés par leurs Etats, ne défendaient pas les mêmes principes. Grotius prônait le principe de
liberté des mers « mare liberum », là où Selden estimait que la mer était susceptible
d’appropriation, « mare clausum ». Grotius va l’emporter, et le principe a longtemps prévalu et
prévaut aujourd’hui: en haute-mer, la circulation est libre.
Aujourd’hui, le doctrine n’a plus ce rôle de source du droit international. Notamment, il est
très rare que la CiJ se réfère à de la doctrine.
II. La jurisprudence
Les décisions judiciaires ne sont que des moyens auxiliaires de détermination de la règle
de droit. Le juge se borne à interpréter et à appliquer le droit. L’article 38 du Statut de la CiJ fait
référence à l’article 59 du même Statut, qui prévoit que « la décision de la Cour n’est obligatoire
que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé ». Les décisions des juges ne sont
donc qu’auxiliaires, et l’autorité de chose jugée n’est que relative: la décision va lier les parties et
rien que les parties.
Il en résulte que le droit international ne retient pas la doctrine du précédent qu’applique les
systèmes anglo-saxons. Pour autant, en pratique, la CiJ insiste sur une continuité jurisprudentielle,
et fait référence à des décisions qu’elle a rendu. Donc, les décisions de la CiJ, contrairement à ce
que l’on pourrait croire, compose pleinement une jurisprudence: il y a des liens entre la
jurisprudence internationale. En 1920, lors de la première conférence d’un comité consultatif de
juristes chargé de préparer le projet du Statut de la CPJI, l’un d’deux qualifiait la Cour de « petit
nombre de juges siégeant constamment, recevant un mandat dont la durée permettra
l’établissement d’une véritable jurisprudence ».
La portée des décisions de la CiJ va au delà du simple litige duquel elle est saisie. L’arrêt
rendu n’est obligatoire que pour les parties, mais les enseignements donnés au cours de la
décision ont vocation à être appliqués dans d’autres, si bien que chaque décision est analysée et
dépouillés, contribuant au développement du droit international.
Exemple:
➝ CiJ, 14 juin 1993, Jan Mayen: « droit coutumier du plateau continental tel qu’il s’est développé dans la
jurisprudence ».
S’il y a une multiplication des juridictions internationales, le risque est que chacune
développe sa propre jurisprudence et que le droit international perde de son unité. En réalité, ces
craintes sont dissipées, car il y a très peu de contradiction de jurisprudences et, surtout, les
juridictions internationales n’hésitent pas à ce citer les unes les autres. Notamment, la CiJ cite
parfois la jurisprudence de la Cour EDH ou de la CIADH.
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Dans l’arrêt Kandiryne, le Conseil d’Etat va confirmer une jurisprudence antérieure selon
laquelle lorsqu’il est saisi pour un recours contre la publication d’un traité, il ne peut pas se
prononcer contre la validité du traité au regard d’un autre traité.
➝ CE, ass., 23 décembre 2011, Kandiryne
En revanche, le Conseil d’Etat admet que lorsque la décision administrative contestée fait
application de stipulations inconditionnelles, il accepte de contrôler la compatibilité des dispositions
avec un traité.
Conseil d’Etat est saisi lors de l’arrêt Kandiryne, il demande une amicus curiae, c’est-à-dire une
consultation. Gilbert Guillaume vient dire « l’article 53 n’a à ma connaissance jamais été invoqué
pour s’opposer à la conclusion d’un traité ou pour en plaider la nullité. On peut dès lors douter qu’il
ait pu faire naitre une coutume nouvelle en ce domaine. En serait-il différemment qu’une tellement
coutume ne lierait d’ailleurs pas la France, demeurée objecteur persistant ».
De même, certaines dispositions des traités mettent en oeuvre une hiérarchie, notamment
l’article 103 de la Charte des Nations Unies. Pour autant, toutes les normes erga omnes ne sont
pas des normes de jus cogens. Il existe donc une hiérarchie entre les normes erga omnes et le jus
cogens. Toutes les normes de jus cogens sont erga omnes, mais toutes les normes ega omnes ne
sont pas de jus cogens, car le jus cogens suppose une hiérarchie, il y a un rapport de validité,
vertical. En revanche, une norme erga omnes est opposable à tous mais on est sur un rapport
horizontal, sur une logique d'opposabilité.
Dans le cadre du contrôle de validité du jus cogens, si un traité est contraire au jus cogens,
il disparaît.
Exemple: la Convention de Montreal de 1870 qui pose le principe de l'obligation de poursuivre ou d’extrader.
Le Conseil de sécurité s'est vraiment saisi de la question du terrorisme depuis 1998 / 1999,
notamment en adoptant des sanctions à l'égard de certains individus, inscrits sur des listes, pour
lesquels les états avaient l'obligation de geler les biens et avoirs de ces individus. C'était pour
lutter contre le terrorisme mais c'était attentatoire aux droits de l'homme car ces individus n'avaient
pas connaissance de leur inscription ni possibilité de contester; on s'est demandé si le Conseil de
Sécurité pouvait agir comme ça.
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TITRE II.
LES SUJETS DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC
Dans l’affaire du Lotus (1927), la CPJI définissait le droit international comme un droit « de
coexistence entre Etats ». Donc, pour la CPJI, seuls les Etats avaient la qualité de sujets de droit
international. Les Etats sont les sujets originaires du droit international (Chapitre 1).
Puis, il y a une très grande différence: les Etats sont souverains, et les organisations ne le
sont pas.
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A / Un territoire
Sans territoire, il ne peut y avoir d’Etat: par exemple, la Pologne a été totalement désossée
pendant près d’un siècle. En revanche, peu importe la superficie du territoire: la Russie (17 m km2)
comme le Vatican (500 km2) sont des Etats.
1) La consistance du territoire
Le territoire est un espace sur lequel s’applique le pouvoir de l’Etat. L’Etat, sur son
territoire, exerce des compétences pleines et exclusives. Le territoire comprend d’abord le territoire
terrestre, son sol et son sous-sol, ainsi que les eaux comprises à l’intérieur des frontières (fleuve
ou lac).
2) L’acquisition du territoire
Il ne s’agit pas d’acquérir un territoire, mais plutôt d’acquérir un titre à exercer des
compétences souveraines sur un territoire donné. L’Etat, s’il entend disposer du territoire, doit avoir
un titre territorial. En pratique, ces titres résultent soit du rattachement d’un Etat déterminé à un
espace sans maitre (a), soit par le transfert d’un territoire à un autre Etat (b).
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L’expression territoire sans maitre apparait au XVIè dans l’objectif d’acquérir ces territoires,
étant définis comme des territoires non incorporés à un Etat, c’est-à-dire des territoires libres. Les
Etats occidentaux ont forgé cette conception de territoire sans maitre en niant toute autre forme
d’organisation sociale que l’Etat. La CiJ a rejeté cette assimilation entre territoire sans maitre et
absence d’Etat.
➝ CiJ, avis, 16 octobre 1975, Sahara occidental: « quelles qu’aient pu être les divergences
d’opinions entre les juristes, il ressort de la pratique étatique de la période considérée que les
territoires quelles qu’aient pu être les divergences d’opinions entre les juristes, il ressort de la
pratique étatique de la période considérée que les territoires »
Aujourd’hui, il n’y a plus de territoires sans maitre, le monde est « fini ». Toute expansion du
territoire ne peut plus se faire qu’au détriment d’un autre Etat.
Il existe des cessions territoriales sans transfert de titres. Un Etat va pouvoir provisoirement
exercer des droits sur un territoire donné sans pour autant disposer du titre. On parle de cession-
bail, il s’agit donc d’un transfert provisoire avec lequel l’Etat transféré va récupérer l’intégrité de
son territoire à la fin de la location.
A l’inverse, deux Etats peuvent fusionner (RFA et RDA) pour ne créer qu’un seul territoire.
Il y a des cas où le transfert ne résulte pas d’accords: la conquête. La CPJI avait estimé
que le recours à la conquête pouvait permettre un transfert de territoire. Mais depuis 1945 et
l’interdiction du recours à la force, cette méthode est exclue.
➝ CPJI, 5 avril 1933, Groenland oriental
3) La délimitation du territoire
Selon la CiJ, l’objet des frontières terrestres est de fixer « les limites territoriales de la
souveraineté de l’Etat »:
➝ CIJ, 3 février 2009, Délimitation maritime en Mer Noire (Roumanie c/ Ukraine)
Déterminer des frontières permet donc de savoir où s’arrête le pouvoir de l’Etat d’exercer
ses compétences souveraines. De manière générale, les frontières sont artificielles. Les Etats sont
libres de délimiter le tracé de leurs frontières, et négocient librement entre eux pour décider où
doivent passer leurs frontières. Pourtant, au XIXè, en Amérique du Sud, les Etats nouvellement
indépendants décidèrent de fixer leurs frontières par rapport aux limites administratives posées par
l’Etat colonisateur.
Un siècle plus tard, cette règle est reprise par l’Organisation de l’Unité Africaine, qui établit
les frontières des Etats africains: « respect des frontières existant au moment de l’accession à
l’indépendance ». C’est le principe uti possidetis juris, de conservation des frontières posées par
l’Etat colonisateur.
Lorsque l’on cherche à réunir plusieurs territoires, il arrive que certaines tribus se
retrouvent dans deux territoires: c’est l’irrédentisme.
Les frontières protègent l’Etat, mais pour autant un Etat peut totalement exister sans que
ses frontières ne soient déterminées. Le juge, lorsqu’il devra statuer sur des conflits de frontières,
va d’abord chercher s’il existe des titres frontaliers. Si ce n’est pas le cas, il devra prendre en
compte un certain nombre de preuves, notamment les effectivités.
B / Une population
Un Etat ne peut pas exister sans population. Si la population disparait, l’Etat cesse
d’exister, notamment lors de la diaspora juive. La population peut être très faible (Naoru) ou très
nombreuse, peu importe le nombre. Mais aussi, la population peut être nomade mais pas l’Etat.
La population désigne la masse des individus rattachée de manière stable à un Etat par le
lien de nationalité. Il faut donc une population, peu importe son contenu.
C / Un gouvernement
L’Etat est une personne morale, et autrement dit il lui faut des organes pour le représenter
et pour exprimer sa volonté. Au sens du droit international, un territoire sans gouvernement ne
peut être un Etat. Le droit international entend le gouvernement de manière assez large.
En revanche, le gouvernement doit être effectif, c’est-à-dire capable d’exercer toutes les
fonctions étatiques: respecter les engagements internationaux, assurer l’ordre public et la sécurité
intérieure. L’effectivité s’accommode de certaines éclipses, mais les gouvernements ne doivent
jamais être totalement absents.
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Cependant, il est rare que les Etats tiers viennent à considérer que ces conditions ne sont
plus remplies. Notamment le Liban, dans les années 1975-1990. Aucun Etat, malgré la guerre
civile, n’a pensé à dénier le caractère d’Etat au Liban. Aujourd’hui, on pourrait penser à la Syrie ou
au Centrafrique.
Sous son aspect externe, la souveraineté est un concept limité par essence, à cause des
193 Etats cohabitant dans le système international. Elle n’appartient pas à l’Etat, mais aux Etats, et
donc les compétences d’un Etat heurtent celles des autres. Pour reprendre Combacau, la
souveraineté internationale n’est pas une puissance, mais une liberté de faire.
1) Souveraineté et indépendance
Max Huber, juriste de droit international et ancien président de la CPI, a rendu un arbitrage
à propos de l’exercice des pouvoirs sur l’ile de Palme, entre les USA et les Pays-Bas. Dans la
sentence, Max Huber a dit que « la souveraineté dans les relations entre Etats signifie
l’indépendance ».
Plus tard, le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie dans la chambre d’appel a ajouté que « en droit
international coutumier, les Etats, par principe, ne peuvent recevoir d’ordre ». Corollairement, les
Etats ne peuvent donner d’ordres à d’autres Etats.
➝ TPIY, Ch. d’appel, 29 octobre 1997, Blaskic
➝ CPJI, 7 septembre 1923, Affaire du Lotus: « les limitations de l’indépendance des Etats
ne se présument pas ».
N’étant pas souveraines, certaines entités ne peuvent être considérées comme des Etats:
les Etats fédérés entre autres, et les Etats fantoches. Par exemple, le Mandchoukouo, l’Abkhazie
et l’Ossétie ne sont pas des Etats, au sens qu’ils ont un territoire, une population, un
gouvernement, mais n’ont pas de souveraineté car ne survivent qu’avec l’aide du Japon pour le
premier et la Russie pour les autres.
Après, certaines entités soulèvent quelques difficultés: le Vatican est-il un Etat? S’agissant
des arguments pour, en 1929, les accords de l’Atran sont conclus en l’Italie et l’Eglise catholique,
ayant pour but de normaliser les rapports en eux. Le Saint Siège a les apparences d’un Etat, en ce
qu’il est souverain, et les nonces apostoliques bénéficient d’une immunité. L’Italie reconnait
l’autorité exclusive et absolue du Vatican sur son territoire, et enfin, le Vatican conclut et négocie
des concordats. A l’inverse, les services publics sont gérés par l’Italie, et la nationalité vaticane
n’est que fonctionnelle c’est-à-dire que lorsqu’un évêque quitte ses fonctions, il perd sa nationalité
vaticane.
L’article 2§1 de la Charte des Nations Unies stipule que « l’Organisation est fondée sur le
principe de l’égalité souveraine de tous ses membres ». Ce principe logique est néanmoins un
principe assez récent parce que consacré dans le courant du XIXè. Avant, certains Etats
décidaient pour les autres. Mais depuis 1945, un Etat = une voix.
Les Etats bénéficient donc de l’égalité souveraine, mais ils ne sont qu’égaux en droit, et
non en fait. Si l’on compare Nauru à la Chine, leur puissance diffère et la place qu’ils occupent
n’est pas la même. Au sein des Nations Unies, des Etats sont un peu plus égaux que les autres:
les Etats permanents. La Charte va donc reconnaitre à 5 Etats un droit de véto et une position à
part. Mais le statut a d’autres conséquences: la France, le RU, la Chine, la Russie et les USA ont
toujours des représentants à la CiJ, alors qu’il n’est nulle part indiqué dans la Charte que les
membres permanents auront toujours un juge.
Le principe d’égalité n’a donc pas une portée absolue. Mais peut-il l’avoir?
L’Etat doit respecter la souveraineté des autres, mais sa souveraineté doit également être
respectée. L’Etat peut donc organiser sa politique intérieure sans aucune contrainte extérieure.
L’article 2§7 de la Charte des Nations Unies parle bien de « compétence nationale ». Seulement,
plus l’Etat conclut de traités, plus il se lie et plus sa compétence tend à se restreindre.
➝ CiJ, 9 avril 1949, Détroit de Corfou: la CiJ condamne le Royaume-Uni d’avoir
unilatéralement procédé au déminage du Détroit de Corfou sans demander l’autorisation de
l’Albanie.
dans les affaires intérieures des Etats et la protection de leur indépendance et de leur
souveraineté.
Ce principe a également été consacré par le droit positif, mais la question se posait de
savoir ce qu’était la contrainte. Comme pour le droit des traités, qu’entend t-on par contrainte?
Certaines exceptions à la non-ingérence ont été tolérées, notamment lors d’interventions
sollicitées, notamment avec le Mali et la France. Encore, l’Etat peut invoquer l’intervention
d’humanité, prétexte pour intervenir sur le territoire d’un Etat tiers. Par exemple, en 2003, le
Royaume-Uni intervient en Sierra Leone pour protéger les nationaux. La question peut se poser de
savoir s’il existe une obligation d’ingérence?
De manière plus attentatoire à la souveraineté des Etats, d’aucuns ont été jusqu’à
prétendre qu’il tel droit ou devoir d’ingérence existait. Cette initiative est française, et émane de
Bernard Kouchner, MAE, qui a fondé MSF, et de Bettati, professeur émérite. L’Assemblée générale
des NU a adopté trois résolutions, en 1988, 1990 et 1991 dans lesquelles elle consacre un droit
d’ingérence puisqu’il s’agit de permettre aux Etats et ONG d’apporter une aide d’urgence aux
populations se trouvant en état de détresse. L’idée est que si un Etat ne peut pas secourir sa
propre population, il ne devrait pas pouvoir s’opposer à l’intervention d’une ONG.
Mais cette doctrine supporte plusieurs faiblesses: est-ce un droit ou une obligation?
L’assemblée générale se contente d’inviter les Etats qui ont besoin d’une assistance humanitaire à
faciliter l’intervention d’Etats ou d’ONG « aux victimes de catastrophes naturelles et de situations
d’urgence (guerre civile) ». Cependant, l’AG ne va pas forcément très loin puisqu’elle ne fait
qu’inviter les Etats à inviter l’aide extérieure, mais rien ne peut se faire sans le consentement de
l’Etat en détresse.
Une ONG va aller un petit peu plus loin: l’Union africaine. C’est une ONG qui rassemble
presque tous les Etats africains, et qui succède à l’Organisation pour l’Unité Africaine. Dans l’acte
constitutif de l’UA, il est inscrit « le droit de l’Union d’intervenir dans un Etat membre sur décision
de la Conférence, dans certaines circonstances graves, à savoir: les crimes de guerre, le
génocide, et les crimes contre l’humanité ». Dès lors, l’article 4h pose un principe d’ingérence.
3) Les immunités
L’immunité peut être définie en droit international comme l’obligation faite à un Etat de ne
pas exercer sa juridiction contre un autre Etat. Cette question des immunités aurait pu être
envisagée dans le cadre des compétences de l’Etat, mais elle constitue une atteinte et une limite à
la souveraineté d’un Etat d’agir sur son propre territoire. A l’inverse, avec le principe de réciprocité,
si l’Etat titulaire du territoire ne peut exercer sa fonction juridictionnelle, son bénéficiaire dispose
ainsi d’une liberté d’action. C’est un principe indispensable qui découle du principe d’égalité
souveraine des Etats:
➝ CiJ, 3 février 2012, Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c/ Italie): « Ce
principe doit être considéré conjointement avec celui en vertu duquel chaque Etat détient la
souveraineté sur son propre territoire, souveraineté dont découle pour lui un pouvoir de juridiction
à l’égard des faits qui se produisent sur son sol et des personnes qui y sont présentes. Les
exceptions à l’immunité de l’Etat constituent une dérogation au principe de l’égalité souveraine ».
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Les Etats, quelqu’ils soient, bénéficient de deux types d’immunités: l’immunité d’exécution
et immunité de juridiction. Dans le langage courant, lorsque le terme immunité est utilisé, ce sont
les deux types qui sont envisagés.
i - L’immunité de juridiction
L’immunité de juridiction, selon l’article l’article 5 de la Convention des NU, précise qu’
« un Etat jouit, pour lui-même et pour ses biens, de l’immunité de juridiction devant les tribunaux
d’un autre Etat »
Cela signifie qu’un Etat ne serait être poursuivi devant les juridictions d’un autre Etat, c’est une
immunité de poursuites. Il s’agit donc de ne pas faire pression à un autre Etat étranger.
Cette immunité de juridiction a longtemps été absolue, mais aujourd’hui ce n’est plus le cas,
l’immunité de juridiction étant frappée d’exceptions. Notamment, cette immunité peut être écartée
dans certaines circonstances:
- L’Etat renonce à son immunité de juridiction: il va pouvoir le faire lorsqu’il veut conclure un
contrat, et que la contrepartie est la renonciation à l’immunité de juridiction.
- Dans le cadre de transactions commerciales: la Convention de 2004 prévoit que si un Etat
effectue une transaction commerciale avec une autre personne morale ou physique relevant de
la compétence d’une juridiction d’un autre Etat, l’Etat ne peut invoquer l’immunité de juridiction.
Le problème est la définition des transactions commerciales. Sur ce point, la pratique diverge et
repose sur une distinction retenue par la Cour de cassation:
➝ Ch. mixte., 20 juin 2003, Naira X c/ Ecole saoudienne de Paris et Royaume d’Arabie
Saoudite: la Cour de cassation reprend une distinction très connue en droit international, l’idée
étant que lorsqu’un Etat se comporte comme un souverain, il bénéficie de son immunité, et il ne
peut en bénéficier lorsqu’il agit comme un commerçant.
- Actes de souveraineté: jure imperii
- Actes de gestion: jure gestionis
Maintenant, le problème de pose des définitions des actes de souveraineté et de gestion. Une telle
définition va relever des appréciations des juges internes. En 2006, la Cour de cassation est saisie
par un individu voulant attaquer l’Allemagne après que celui-ci ait été enrôlé par l’armée
allemande. La Cour de cassation française a considéré qu’il d’agissait ici d’un acte de
souveraineté qui se rattachait à la souveraineté allemande. En revanche, la Cour de cassation
estime que le contentieux du travail relève de l’acte de gestion.
ii - L’immunité d’exécution
La question de l’immunité à l’égard des voies d’exécution concerne les saisies conservatoires,
saisies-arrêt ou saisie-exécution. Si l’immunité de juridiction est écartée, un Etat étranger va
pouvoir être jugé par un tribunal étranger. Pour autant, l’immunité d’exécution va permettre
d’empêcher le juge étranger de prendre des mesures d’exécution
De manière générale, les voies d’exécution peuvent porter atteinte à la souveraineté des Etats, et
donc l’immunité d’exécution est encore mieux garantie que l’immunité de juridiction. Mais elle n’est
pas pour autant absolue:
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- L’Etat peut consentir à faire céder l’immunité d’exécution: article 19 de la Convention de 2004.
La question de la renonciation à l’immunité d’exécution a fait l’objet d’un revirement de
jurisprudence en mai 2015:
➝ Cass. civ. 1è., 28 mars 2013, NML c/ Argentine et Total Austral: la question de posait de
la renonciation argentine à son immunité d’exécution. « les Etats peuvent renoncer, par contrat
écrit […] que de manière expresse et spéciale… » Cette règle est tirée du droit coutumier, reflétée
selon elle par la Convention de 2004. Pour autant, la Convention n’envisage pas la question de la
spécialité de la renonciation.
➝ Cass. civ. 1è., 13 mai 2015, Commissions Import Export (Commisimpex) c/ République
du Congo: « alors que le droit international coutumier n’exige pas une renonciation autre
qu’expresse à l’immunité d’exécution… ». La Cour d’appel s’est borné à appliquer l’arrêt de 2013,
et la Cour de cassation vient casser l’arrêt au motif que la renonciation n’a pas besoin d’être
spéciale.
Si l’Etat renonce à l’immunité de juridiction, cela ne vaut pas renonciation à l’immunité d’exécution,
chacune des renonciations doit être expresse.
- L’immunité saute lorsque les biens sont « spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par
l’Etat autrement qu’à des fins de service public non commercial»: on ne retrouve pas la
distinction acte de gestion et de souveraineté, mais elle s’inscrit dans le prolongement. La Cour
de cassation a pu estimer que l’immunité d’exécution est exclue lorsque « le bien se rattache à
une opération économique, commerciale ou civile relevant du droit privé qui donne lieu à la
demande en justice ».
➝ Cass. civ. 1è., 14 mars 1984, République islamique d’Iran c/ Société Eurodif
Les règles présentées peuvent-elles être perturbées lorsque la règle violée est une norme
impérative de droit international? La question s’est posée devant la Cour EDH:
➝ CEDH, 21 novembre 2001, Al Adsani c/ Royaume-Uni: un ressortissant britannique
attaque le Koweit après avoir été torturé. Le Royaume-Uni étant dualiste, il a adopté une loi
régissant la question des immunités, qui accorde l’immunité à l’Etat étranger sauf si le préjudice
est commis au Royaume-Uni. Par conséquent, il saisit les juridictions britanniques mais est
débouté car ayant été torturé au Koweit. Le requérant décide donc de saisir la Cour EDH et
invoque l’article 6 relatif au procès équitable et prétend qu’en ne pouvant introduire de recours
contre le Koweit est violé le droit à l’accès au tribunal. La Convention EDH prévoit 3 articles
indérogeables (2, torture, 3, esclavage et 4, détention). La Cour EDH a rappelé que le droit
d’accès n’est pas absolu, et qui peut donc être dérogé, contrairement aux articles 2, 3 et 4. Elle
estime que ces limitations doivent poursuivre un but légitime et ne doivent pas être
disproportionnées. Selon la Cour, les limitations au droit d’accès peuvent être justifiées par les
immunités, qui constituent un but légitime à la limitation au droit à un procès équitable. La Cour
vient conclure qu’elle « ne juge pas établi qu’il soit déjà admis en droit international que les Etats
ne peuvent prétendre à l’immunité en cas d’actions civiles en dommages-intérêts pour des actes
de torture qui auraient été perpétrés en dehors de l’Etat du for ». La torture est donc une norme
impérative, mais elle ne saurait justifier une dérogation aux immunités dès lors qu’elle a été
commise en dehors du territoire concerné.
Cette solution a été très largement critiquée. Seulement, si la Cour avait admis les
poursuites contre le Koweit, cela aurait impliqué que toute victime du Koweit aurait pu saisir les
tribunaux britanniques. Cette solution a été prévue pour l’immunité de juridiction, mais vaut
également pour l’immunité d’exécution:
➝ CEDH, 14 janvier 2014, Jones et autres c/ Royaume-Uni: La Cour rejette le recours,
mais admet qu’il y a une évolution dans la matière, à tel point qu’il pourrait y avoir un jour un
revirement de jurisprudence.
➝ Cass. italienne, 11 mars 2004, Ferrini: le requérant est un ancien déporté italien, et
décide d’attaquer l’Allemagne. En l’espèce, l’Allemagne étant souverain, l’immunité de juridiction
joue et les premières instances rejettent les recours. Pour autant, la Cour de cassation accepte le
recours en estimant que la norme violée était du jus cogens, et condamne l’Allemagne. Dès lors,
des recours sont introduits en masse devant la Cour italienne, tous soldés par une condamnation
de l’Allemagne, à tel point qu’une villa allemande à Côme est saisie. Elle saisit donc la CiJ en
constatant que l’Italie manque à son obligation de respecter les immunités.
➝ CiJ, 3 février 2012, Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c/ Italie): l’Italie est
condamnée: « un Etat n’est pas privé de l’immunité pour la seule raison qu’il est accusé de
violations graves du droit international des droits de l’homme ou du droit international des conflits
armés ». Les Etats bénéficient donc d’une immunité qui est loin de pouvoir être facilement remise
en cause, notamment lors des actes de souveraineté qui bénéficient d’une immunité absolue. Mais
la Cour a précisé qu’elle ne s’intéressait ici qu’à l’Etat, et non au cas de représentants de l’Etat.
Pour autant, l’article 37§2 de la Convention de Vienne de 1961 ajoute que « l’Etat accréditant peut
renoncer à l’immunité de juridiction de ses agents diplomatiques de manière expresse ».
Seulement, les présidents de la République, les chanceliers ou les représentants de chambre ne
sont pas des agents diplomatiques.
Ces trois affaires apportent certains éclaircissements, au moins les deux premières. La CiJ, dans
l’arrêt de 2008, a estimé que les immunités ne protègent que contre les actes contraignants. La
convocation à témoigner à l’égard du président en exercice violait, selon Djibouti, les immunités.
Ensuite, la CiJ a affirmé que les immunités profitent aux personnes qui occupent des fonctions qui
les placent au sommet de l’Etat: le chef de l’Etat, le MAE (arrêt de 2002), le chef de
gouvernement.. A priori, la question n’a pas été évoquée, mais l’immunité devrait profiter au
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Ministre de la Défense. En revanche, et c’est ce que dit la Cour dans l’arrêt de 2008, le procureur
de Djibouti, ou le chef de la sécurité nationale ne peuvent se prévaloir d’une quelconque immunité.
La Cour de cassation française a une conception plus extensive des immunités, notamment
lorsqu’elle a estimé que l’immunité pénale « s’étend aux organes et entités qui constituent
l’émanation d’un Etat étranger ainsi qu’à leurs agents en raison d’actes qui, comme en l’espèce,
relèvent de la souveraineté de l’Etat étranger ». Il semblerait que même des agents subalternes
pourraient bénéficier d’une immunité:
➝ Cass. crim., 19 janvier 2010
La CiJ, dans l’arrêt de 2002, dit que tous les actes sont couverts par l’immunité à partir du moment
où l’auteur bénéficie de l’immunité. La CiJ refuse donc de faire une distinction entre les actes
officiels et les actes privés.
L’immunité peut-elle céder lorsque sont en cause des crimes de torture ou contre l’humanité? La
réponse de la CiJ est catégorique: dans son arrêt de 2002, elle précise que « la Cour n’est pas
parvenue à déduire l’existence, en droit international coutumier, d’une exception à la règle
consacrant l’immunité de juridiction pénale et l’inviolabilité des ministres des Affaires étrangères en
exercice lorsqu’ils sont soupçonnés d’avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre
l’humanité ». Il n’existe donc aucune dérogation à l’immunité de juridiction pénale. Cette solution a
été largement critiquée, et la Cour de cassation française avait prévu que l’immunité pouvait été
levée (dans l’affaire Khadafi de 2001).
Justement, le droit international constate les mutations territoriales (I) pour en tirer des
conséquences (II).
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1) La dissolution
2) La fusion
L’Assemblée générale des NU adopte le 24 octobre 1970 adopte la Résolution 2625 dans
laquelle elle rappelle que « le territoire d’une colonie ou d’un autre territoire non autonome
possède, en vertu de la Charte, un statut séparé et distinct de l’Etat qui l’administre ». Depuis lors,
ce principe est entré dans le droit coutumier, selon lequel les peuples placés sous domination
coloniale ont un droit à la décolonisation.
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Cela peut paraitre surprenant que la Charte consacre ce droit, alors qu’en 1945 certains
Etats disposent d’un empire colonial. Mais cette Charte n’est ni pro ni contre coloniale, et ne va
trouver qu’un juste milieu en organisation la décolonisation. Notamment, elle va distinguer deux
types de territoires:
- Les territoires sous tutelle: la Charte va reprendre les mandats qui avaient été crées du temps
de la SDN. Ces territoires avaient vocation à devenir indépendants, ou au moins à s’auto-
administrer
- Les territoires non autonomes: les Etats colonisateurs sont son engagés seulement à leur
développer une capacité de s’administrer eux-même (Gibraltar, Nouvelle-Calédonie, Polynésie
française, Sahara Occidental).
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes se retrouve également dans l’article 1er
commun des deux pactes de New York de 1966: « tous les peuples ont droit de disposer d’eux-
mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement
leur développement économique, social et culturel ». De même, le Protocole n°2 des Conventions
de Genève consacre également ce droit des peuples à disposer d’eux mêmes. Encore, il se trouve
dans différentes Résolutions de l’Assemblée générale des NU: la Résolution 1514 du 14 décembre
1960, de droit coutumier, est définie comme la « Charte de la décolonisation », ou encore la 1541
et la 2625.
Enfin, la CiJ, dans deux décisions, va considérer qu’il s’agit d’un principe coutumier et
surtout qu’il s’agit d’un « principe essentiel du droit coutumier opposable erga omnes »:
➝ CiJ, 30 juin 1995, Timor oriental
Qui sont les titulaires du droit des peuples de disposer d’eux-mêmes? Nécessairement, ce
sont les peuples, mais qu’est ce qu’un peuple? Le problème qui se pose est que la collectivité qui
aspire à l’acquisition du statut étatique n’a pas souvent le contour incontestable à l’intérieur du
pays autour auquel elle cherche à faire sécession, contrairement aux Etats anciennement sous le
joug colonial.
Exemple: l’Algérie invoque un droit du peuple algérien à disposer de lui-même. Etant un ancien pays colonisé
par la France, l’Algérie avait déjà un territoire.
En général, le peuple sera déterminé en fonction du territoire, de façon à ce qu’il n’y aura
qu’un peuple par territoire. En cela, le peuple international diffère du peuple sociologique. Le droit
international fonde comme critère de base du peuple le territoire.
Exemple: le problème kurde. La population kurde est répartie en Turquie, en Iran, en Syrie et en Irak, de telle
façon qu’on ne peut identifier un territoire kurde. Cela empêche que le peuple kurde se voit reconnaitre un droit à
l’autodétermination.
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est clair, mais il faut pouvoir définir ce qu’est
un peuple, sachant qu’il ne se confond pas avec la notion de minorité. Celle-ci vise à protéger une
partie de la population en leur apportant un statut spécial. Derrière la problématique des minorités,
une autre problématique très actuelle est celle des peuples autochtones.
Selon la Résolution 1514 (XV), le droit à l’autodétermination n’est reconnu qu’aux peuples
soumis à une « subjugation, à une domination et à une exploitation étrangère ». Autrement dit, les
NU n’envisagent le droit à la détermination que dans le cadre de la décolonisation.
Ce droit a été défini dans ses modalités. D’abord, il y a une obligation de consulter le
peuple colonisé. Il doit être appelé à se prononcer sur la question de la décolonisation et de la
détermination.
➝ CiJ, 16 octobre 1975, Sahara occidental: la Cour estime que ‘existence de liens
historiques entre le Sahara occidental et le Maroc et « l’ensemble mauritanien » n’était pas pour
autant « de nature à modifier l’application de la résolution 1514 (XV) quant à la décolonisation et,
en particulier, l’application du principe d’autodétermination du territoire ».
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Dans la Résolution 2621 de 1970, l’Assemblée générale a estimé qu’un Etat voulant
devenir indépendant à un « droit inhérent de lutter, par tous les moyens nécessaires dont ils
peuvent disposer », la force comprise. Les Nations Unies reconnaissent aux groupes impliqués
dans des luttes de décolonisation le statut de Mouvement de Libération Nationale. Le SWAPO
(Namibie, ancien sud-ouest Africain) avait obtenu le statut de MLN, tout comme l’OLP (Palestine).
Pour cette raison, le Conseil de sécurité a été amené à sanctionner la tentative de cession
du Katanga: résolution 169 (1961) du Conseil de sécurité du 24 novembre 1961. Cette sécession
s’est terminée dans un bain de sang. De même, en 1967, le Biafra déclare son indépendance du
territoire nigérian, résultant en un conflit entre 1967 et 1969. Encore, l’Azawad, province nord du
Mali, cherche à s’indépendantiser depuis 2012.
Le droit international n’autorise pas la sécession, mais pour autant il ne l’interdit pas. Il y a
un droit à la détermination dans le cadre de la décolonisation, mais ce droit n’existe pas dans le
cadre hors décolonisation. Mais en même, le droit international ne va pas forcément interdire la
sécession. A chaque fois qu’un Etat a pu accéder à la sécession, c’était grâce à des considérations
extra-juridiques:
Exemples:
- Le Bangladesh: en 1970, le Pakistan est divisé en deux territoires, le Pakistan oriental et occidentale, séparés par
l’Union indienne de l’époque. Le Pakistan oriental déclare son indépendance, et devient le Bangladesh. En 1974, le
Bangladesh rejoint l’ONU.
- L’Erythrée: province éthiopienne. En 1993, suite aux manques de moyen de l’Ethiopie, celle-ci fait accéder une partie
de son territoire à la sécession.
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- Le Sud-Soudan: en 1956, à peine indépendant, une guerre éclate entre la région nord et sud du Soudan.
- Le Kosovo
Le problème qui se pose est surtout que l’indépendance est plus une question de fait
politique que juridique.
A / La reconnaissance d’Etat
La reconnaissance est un acte unilatéral par lequel un sujet de droit international établit
l’existence d’une situation de fait. La reconnaissance de l’Etat peut prendre différentes formes (1),
mais il reste discrétionnaire (2). Cette reconnaissance produit enfin certaines conséquences (3).
Enfin, la reconnaissance peut être de jure ou de facto. La reconnaissance de droit est l’acte
par lequel un Etat admet un fait qui se trouve durablement établi et s’engage à ne pas revenir sur
sa reconnaissance. Autrement dit, la reconnaissance de jure est une reconnaissance définitive. La
reconnaissance de fait est révocable. Notamment, les USA ont reconnu Israel 12 jours après
l’indépendance, mais ont fait une reconnaissance de facto, pour pouvoir revenir en arrière.
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qui considérait la RDA comme une zone d’occupation soviétique. De même, pendant longtemps,
Taiwan et la République de Chine ont défendu la thèse d’une seule Chine. Le problème s’est posé
de savoir si la Chine se situait à Pékin ou à Taiwan. Qui était l’Etat entre Pékin et Taiwan?
S’il n’y a pas d’obligation de reconnaitre, il y a une obligation de ne pas reconnaitre lorsque
la situation est fondée sur un acte illicite. Notamment, l’interdiction du recours à la force conduit à
l’interdiction des mutations territoriales par la force. La reconnaissance peut être conditionnelle,
notamment si un Etat subordonne sa reconnaissance au respect des droits fondamentaux par
l’entité.
La reconnaissance se trouve sur le double terrain politique et juridique. C’est une acte
politique parce que l’Etat qui en reconnait un autre lui signifie sa volonté d’entretenir des relations
diplomatiques et amicales. Mais c’est aussi un acte juridique, car les actes unilatéraux sont des
actes qui créent des droits et des obligations. Par exemple, la reconnaissance du Kosovo par la
France lui est opposable.
S’agissant des effets de la reconnaissance sur l’Etat nouveau, ce débat est très théorique
est ancien mais a des connaissances pratiques: la reconnaissance est-elle déclarative ou
constitutive? Pour certains, la reconnaissance n’est que déclarative, et ce n’est donc qu’un fait.
L’Etat existe qu’il soit reconnu ou non. Au contraire, d’autres considèrent que la reconnaissance
est constitutive. L’idée est que l’ensemble du système juridique international ne repose que sur
l’opposabilité des situations juridiques entre les différents sujets. En cela, la reconnaissance est le
quatrième élément constitutif, après le territoire, la population et le gouvernement.
Mais cette théorie heurte le principe d’égalité des Etats, et surtout tout Etat est tenu de
respecter certaines obligations même à l’égard d’un Etat tiers non reconnu, notamment l’intégrité
territoriale et la non-ingérence.
La reconnaissance est donc à la fois déclarative et constitutive. Elle est déclarative dans la
mesure où, que l’Etat soit reconnu ou pas, il existe dès qu’il présente un territoire, une population
et un gouvernement.
➝ Avis n°1 de la Commission d‘arbitrage de la Conférence européenne pour la paix en ex-
Yougoslavie, 29 novembre 1991
La reconnaissance est également constitutive, car lorsqu’un Etat n’est pas reconnu, il n’est
rien. Le Somaliland présente trois éléments constitutifs de l’Etat, mais n’est pas reconnu par les
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autres Etats, de sorte qu’il n’est rien pour les autres Etats. L’Etat non reconnu ne peut pas établir
de relations internationales ou ne peut devenir membre d’organisations inter-étatiques.
Pour être membre des Nations Unies, il faut être un Etat incontesté. Par exemple, le
Soudan du Sud, en perdition, est devenu indépendant le 9 juillet 2011. 3 jours plus tard, il est
membre des Nations Unies. La Palestine, en 2010, a souhaité devenir membre de l’ONU. Pour
devenir membre, il faut que le Conseil de sécurité fasse une proposition entérinée par l’Assemblée
Générale des NU. Le cas du Soudan du Sud est réglé en une journée, mais la question de la
Palestine était plus délicate. Après 3 semaines de discussion, aucune solution n’est trouvée. Les
membres du Conseil de sécurité n’ont pas réussi à dégager un point de vue unanime.
B / La succession d’Etat
La succession d’Etat découle d’une mutation territoriale se traduisant par le transfert
définitif de territoire d’un Etat à un autre quelqu’en soit la forme. A partir du moment où se pose
cette question différentes difficultés sont posées. Deux conventions ont été prises sur la matière:
- Convention de Vienne sur la succession d’Etats en matière de traités, 1978, en vigueur depuis
1996 et ratifiée par 22 Etats
- Convention de Vienne sur la succession d’Etats en matière de biens, archives et dettes d’Etats,
1983, pas encore entrée en vigueur
En matière de traités, la question qui se pose est ce qu’il advient des traités conclus par
l’Etat prédécesseur. Le nouvel Etat est-il lié par aucun traité (souveraineté) ou reste t-il lié (sécurité
juridique)? Deux principes existent ici: le respect de la souveraineté des Etats et la sécurité
juridique. La Convention de 1978 fait une distinction en fonction du processus de création du
nouvel Etat, et va envisager deux hypothèses en fonction du processus:
- Pour les Etats issus d’une décolonisation, le principe qui s’applique est celui de la table rase: le
nouvel Etat indépendant n’est lié par aucun traité conclu par le prédécesseur.
- Pour les autres Etats, le principe est celui de la continuité: le nouvel Etat reste lié.
La rigueur de ces règles est atténuée par le fait que le principe de la table rase, comme
celui de la continuité ne sauraient s’appliquer s’ils étaient contraires à l’objet et au but du traité.
Quand on regarde les processus, aucune règle ne s’applique véritablement, et c’est plutôt du cas
par traité: le nouvel Etat reprend certains traités, sauf les traités de frontières qui sont toujours
concernés par la continuité.
En ce qui concerne la Convention de 1983, l’idée est que la succession ne doit pas
contribuer à désorganiser le nouvel Etat. Autrement dit, le territoire doit rester viable. Lorsqu’il y a
succession, un accord va être conclu et va envisager les suites.
Exemple: Accord de Moscou du 6 juillet 1992 sur la dissolution de l’URSS et la répartition des biens publics:
61% des biens pour la Russie, 16% à l’Ukraine, 4% à la Biélorussie, 1 à 3% pour les autres Etats.
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A / La compétence territoriale
La compétence territoriale revêt deux caractéristiques: elle est pleine (1) et exclusive (2).
C’est notamment ce qui ressort d’une sentence arbitrale:
➝ Cour permanente d’arbitrage, 4 avril 1928, Ile des Palmes
1) La plénitude de la compétence
La plénitude est l’aspect positif de la compétence territoriale en ce sens que l’Etat exerce
l’ensemble des pouvoirs permettant de régir le statut des personnes, des biens et des activités qui
se situent dans les espaces constituant le territoire national.
➝ Sentence arbitrale, 16 novembre 1957, Lac Lanoux: les normes juridiques établies par
l’Etat sur le territoire bénéficient d’une présomption de validité. mais ces normes peuvent fléchir
devant les obligations internationales: plus le droit international se développe, plus des contraintes
pèsent sur les Etats
2) L’exclusivité de la compétence
L’Etat est donc le seul à pouvoir prendre des mesures de contrainte son territoire, de telle
sorte qu’un Etat étranger ne saurait exercer un acte de contrainte sur un autre territoire:
➝ Tribunal correctionnel d’Avesne, 22 juillet 1933, Joly: un policier français arrête un
individu en Belgique, l’arrestation est nulle de nullité absolue.
➝ Affaire Eichmann: le 11 mai 1960, le Maussade (armée Israel) kidnappe Eichmann,
officier SS, en Argentine. Le Conseil de sécurité demande au gouvernement israélien d’assurer
une réparation adéquate.
➝ CEDH, 12 mai 2005, Ocalan: un chef de parti kurde est arrêté au Kenya par les turcs.
L’arrestation est licite car le Kenya a donné son autorisation.
➝ CPA, 24 février 1911, Arrestation de Savarkar: un arménien est arrêté par les
britanniques sur un navire en escale à Marseille. Savarkar s’enfuit et est arrêté par les britanniques
avec l’aide de la police française. L’affaire est portée devant la CPA: l’arrestation était licite car
Savarkar est arrêté avec l’aide de la France.
Il existe tout de même des hypothèses de compétences mineures qui se rattachent aux
territoires d’autres Etats:
- L’occupation militaire: c’est la présence d’une armée d’un Etat sur tout ou partie du territoire d’un
autre Etat. Le droit de l’occupation fige les choses, et le territoire peut être administré par
l’occupant, mais les lois de l’Etat occupé doivent s’appliquer
- Le condominium: c’est l’hypothèse où deux ou plusieurs Etats s’accaparent la totalité des
fonctions étatiques sur un territoires et vis-à-vis de l’ensemble des personnes qui s’y trouvent.
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Les Etats vont s’entendre pour exercer ensemble les compétences étatiques. Le condominium
permet de geler les éventuelles prétentions de chaque Etat.
- Le protectorat: il instaure un partage de compétences entre l’Etat protégé et l’Etat protecteur. La
France a eu un protectorat sur le Maroc.
- La cession de bail: Guantanamo, Macao, Hong-Kong, est l’exercice de pouvoirs sur une partie
du territoire.
- La servitude internationale: c’est une restriction à l’indépendance d’un Etat sur le territoire
duquel un autre Etat exerce des fonctions réglementaires et juridictionnelles
- Le mandat et la tutelle: à la fin de la WW1, il faut procéder au démantèlement de l’empire
allemand et de l’empire ottoman. Deux tendances: Wilson souhaitait que les Etats ottomans
deviennent indépendants, mais les européens sont contres la théorie anticolonialiste. L’article 22
de la SdN a prévu que la France allait administrer certains Etats par des mandats pour, à terme,
accéder à l’indépendance.
B / La compétence personnelle
La compétence personnelle est fondée par un lien de nationalité, le lien de rattachement
d’une personne à un Etat. Chaque Etat détermine souverainement les conditions d’attribution de
sa souveraineté. Les deux grandes règles sont celle du droit du sang (nationalité des parents) et
du sol (nationalité du territoire de naissance). Le droit du sang est plus restrictif, mais les Etats
peuvent faire ce qu’ils veulent. La question de la naturalisation peut également se poser, tout
comme celle des doubles nationalités ou celle de l’apatridie.
➝ CiJ, 6 avril 1955, Nottebohm: un allemand travaille et s’installe au Guatemala. Eclate la
WW2, et le gouvernement américain demande aux Etats sud-américains de prendre des mesures
contre les citoyens allemands. Mr. Nottebohm se voit confisquer ses biens. Après la fin de la WW2,
il souhaite obtenir réparation et va demander au Liechtenstein d’exercer des mesures de
protection diplomatique, c’est-à-dire qu’un Etat protège un individu. Pour cela, il faut que l’individu
ait la nationalité de l’Etat, et Nottebohm l’avait. Le Liechtenstein exerce une action diplomatique
contre le Guatemela, mais la CiJ estime la requête irrecevable, car pour ce que la nationalité soit
opposable au plan international, il faut un lien de rattachement effectif. Aujourd’hui, il n’est pas sûr
que cette règle s’applique toujours.
De la même façon, l’Etat décide des règles de nationalité des personnes morales, pour les
navires (pavillon arboré), pour les aéronefs (immatriculation) et pour les satellites et les objets
spatiaux (nationalité de l’Etat lanceur).
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Le problème peut devenir plus délicat de savoir si sur son territoire un Etat peut exécuter
une législation extraterritoriale.
➝ CPJI, 2 septembre 1927, Lotus: « il ne s’ensuit pas que le droit international défende à
chaque Etat d’exercer, dans son propre territoire sa juridiction dans toute affaire ou il s’agit de faits
qui se sont passés à l’étranger et où il ne peut s’appuyer sur une règle permissive du droit
international ». Le Lotus, navire français, éperonne un navire turc. Quelles sont les juridictions
compétentes? La CPJI est saisie par la France qui considère être la seule capable de juger le
capitaine français. La CPJI estime que la Turquie peut juger le capitaine, même si aujourd’hui la
solution serait inverse.
Cette question a posé problème avec les lois Helms-Burton et d’Amato-Kennedy, relatives
à des sanctions. Le Congrès américain entend sanctionner les régimes cubain, iranien et libyen.
Ces lois interdisent à toute société, quelque soit sa nationalité, de commercer avec un de ces
Etats. Si les sociétés commercent avec ces Etats, les USA peuvent adopter des sanctions à
l’encontre de ces sociétés. Il s’agit d’infliger des sanctions à des entreprises américaines mais
aussi à des sociétés étrangères. Il n’y aucun fondement juridique valable. Cette législation a été
extrêmement critiquée et des mesures similaires ont été adoptées en Europe, car elle violait le
principe de non-ingérence.
Le second fondement est un fondement coutumier: existe t-il une coutume qui donne une
compétence pénale universelle à une juridiction? La question s’est posée en 1993 en Belgique à la
suite d’une législation. La Belgique adopte des lois reconnaissant des compétences pénales
universelles, de toute sorte que le juge belge est compétent pour connaitre de tout crime universel
sans aucun lien de rattachement et surtout sans considération du lieu où l’auteur présumé est
trouvé. La loi belge reconnaissait au juge belge sa possibilité de connaitre de tout crime commis à
l’étranger par un étranger par défaut. De ce fait, les juridictions belges ont été saisies de très
nombreuses plaintes, pour Pinochet, Hussein, Gbagbo, Hissène Habré, Bush… La Belgique a
donc été mise dans une situation délicate, de telle sorte que les USA menacent de déménager le
siège de l’OTAN. La Belgique a donc fait marche arrière. Une nouvelle loi est adoptée et prévoit
que le crime doit être commis sur le territoire belge (compétence territoriale), par ou sur un belge
(compétence personnelle active et passive). Le législatif n’a pas forcément pensé ou envisagé les
difficultés auxquelles aura été confronté l’exécutif.
La France ne dispose pas d’une compétence pénale universelle très étendue. Le CPP
(article 689-11) fonde la compétence universelle sur la répression du crime par la loi française et
par la loi du territoire où le crime a été commis (double incrimination). De plus, le suspect doit avoir
sa résidence habituelle en France. Les victimes ne peuvent pas se porter partie civile. Enfin, la CPI
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doit décliner sa compétence pour que les juridictions françaises soient compétentes
(complémentarité).
La compétence universelle vise à combattre les crimes universels. Les juges occidentaux
vont se retrouver dans la posture habituelle de « donneur de leçons » aux orientaux. De plus, la
question se pose de la condamnation d’une personne non présente à son procès. Amnesty
international souhaite que la France étende sa compétence universelle.
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Il faut attendre le XIXè siècle pour que naissent les premières organisations internationales.
Elles sont essentiellement techniques car les Etats étaient jaloux de leur souveraineté. Dans
certains domaines, la coopération était nécessaire et les organisations apparaissent. La première
est créée en 1815: la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin, par l’Acte final du Congrès
de Vienne. L’annexe 16B confirme le principe de liberté de navigation sur le Rhin et charge la
Commission de mettre en oeuvre cette liberté.
Egalement, au XIXè siècle vont apparaitre les premières unions administratives: l’Union
télégraphique internationale (1865), l‘Union postale universelle (1878) et le Bureau international
des poids et mesure (1875). Les organisations internationales sont donc très spécialisées et ne
portent atteinte à aucune souveraineté.
Il faut attendre les suites de la WW1 pour que soit créée la première organisation
internationale à vocation politique: la Société des Nations dont le siège était à Genève. En 1945
est instituée l’ONU par la Charte des Nations Unies. Les OI vont se multiplier à partir du XXè
siècle: l’Organisation Internationale du travail, la FAO, mais surtout à partir de 1945. Aujourd’hui,
on en dénombre au moins 300.
En réalité, tous les continents sont touchés par le phénomène d’OI régionales: Union
Africaine…
en question. Les décisions sont souvent prises à la majorité, les normes peuvent être obligatoires
(règlements et directives) et dans l’organisation, l’organe est a priori indépendant des Etats
(Commission européenne, représentant l’intérêt de l’UE). Un modèle préserve la souveraineté,
l’autre est plus intrusif.
Le droit international a une vision particulière de l’Union européenne: ce n’est pas un Etat,
ce doit donc être une organisation internationale, mais une organisation internationale particulière
qui peut prendre des actes contraignants. Pour que l’on considère un jour que l’Union européenne
est un autre sujet, il faudrait que d’autres organisation internationale soient bâties sur le même
modèle, mais aucune organisation internationale n’arrive au niveau de l’Union européenne. En
pratique, du point de vue du droit international, l’Union européenne reste une organisation
internationale économique d’intégration régionale car c’est le seul modèle qui existe. Ce débat
montre la difficulté pour l’Union européenne de se faire entendre.
I. L’acte constitutif
L’acte constitutif est un traité (A) présentant des caractères propres (B).
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Sécurité peut adopter des sanctions obligatoires, et la Suisse avait peur qu’en mettant en
oeuvre les sanctions du Conseil de Sécurité elle perdrait son statut neutre.
- La révision de l’acte constitutif répond à des conditions particulières (révisions coutumières).
- Enfin, ils suscitent parfois des difficultés d’interprétation, d’où la création de renvois préjudiciels.
- Les traités instituant des organisations internationales sont souvent conclus sans limites de
durée, sauf par exemple la CECA (1952-2002).
A / Les membres
Le statut de membre suppose la question de l’accession (1) et la perte (2) de ce statut.
Les organisations internationales, en principe, sont toujours ouvertes aux Etats. Il y'a
toutefois quelques inflexions, certains traités constitutifs envisagent la possibilité pour d’autres
organisations internationales d’adhérer (OMC) ou à des Etats fédérés (Biélorussie et Ukraine en
1945).
Cette qualité de membre va s’acquérir différemment selon que l’Etat est partie aux
négociations ou pas. Il y aura donc les membres originaires et les autres membres, auquel cas ils
faut regarder les conditions posées par le traité.
Exemple: article 4 de la Charte des Nations Unies: « Peuvent devenir Membres des Nations Unies tous autres
États pacifiques qui acceptent les obligations de la présente Charte et, au jugement de l'Organisation, sont capables
de les remplir et disposés à le faire. L'admission comme Membres des Nations Unies de tout État remplissant ces
conditions se fait par décision de l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité ». A peine l’ONU
mise en place, la Guerre Froide débute. L’URSS avait considéré qu’il existait d’autres conditions que celles posées à
l’article 4. L’AG a demandé à la CiJ s’il y avait d’êtres conditions à remplir. La CiJ avait considéré qu’il n’y avait rien
d’autres.
➝ CiJ, avis consultatif, 28 mai 1948, Conditions de l’admission d’un Etat comme membre des Nations Unies
(article 4 de la Charte)
Etre membre confère des droits comme le droit de vote et obligations, notamment celle de
participer au budget de l’organisation ou de respecter les buts de l’organisation. Certains se sont
demandés si les micro-Etats pouvaient remplir l’obligation de budget, face à la contribution de 45%
des USA pour l’ONU.
Il y a deux hypothèses qui peuvent se présenter: le retrait et l’exclusion. Par le retrait, l’Etat
décide de sortir. Par l’exclusion, l’Etat est sanctionné et sort de l’organisation internationale. C’est
une hypothèse très rare parce que c’est contre-productif: si un Etat ne respecte les buts d’une
organisation et qu’il en est exclu, il n’a plus à les respecter.
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Le retrait est l’acte volontaire par lequel un Etat sort d’une organisation internationale. Il
pose plus ou moins de difficultés selon que l’acte constitutif l’envisage. Certains le font, d’autres ne
disent rien. Un Etat peut se retirer d’une organisation internationale, comme l’Union européenne
car le Traité de Lisbonne le prévoit.
En revanche, un certain nombre de traités ne disent rien. La Charte des Nations Unies ne
présente aucun article relatif au retrait d’un Etat de l’ONU. Devenir membre est-il définitif? La
question s’est posée en 1965. La Malaisie est élue pour 2 ans membre du Conseil de sécurité. Elle
n'entretient pas de bonnes relations avec l’Indonésie et celle-ci veut sortir de l’ONU, mais
l’hypothèse n’est pas envisagée. Un an plus tard, elle revient et l’ONU fait comme si c’était une
politique de la chaise vide plutôt que d’un retrait. Les auteurs ont estimé que si un Etat peut être
membre, il peut sortir par application du principe de souveraineté.
Cette question a soulevé beaucoup de difficultés dans le cadre de l’Union européenne car
avant Lisbonne, aucun traité n’envisageait la sortie. Dès lors qu’un Etat rentrait dans l’Union, il était
censé y rester pour l’éternité en l’absence de clauses de retrait. Mais cet argument ne tient pas car
à deux reprises un Etat a failli quitter l’UE: le Royaume-Uni en 1994 et en 1922 le Danemark.
Finalement, dans un cas comme dans l’autre aucun Etat ne conteste la possibilité pour ceux-ci de
se retirer. Aujourd’hui, c’est écrit noir sur blanc. Si Lisbonne consacre un droit de retrait, on est plus
dans un projet fédéral.
Le retrait d’un Etat peut porter atteinte à la santé, notamment financière, de l’organisation,
comme quand les USA quittent l’UNESCO en raison de leur politique, de 1984 à 1995. Mais quand
un Etat veut manifester sa désapprobation vis-à-vis d’une organisation, il pratique plutôt la chaise
vide, c’est-à-dire boycotter l’organisation, comme le France à Bruxelles pendant la question de la
PAC, ou la Russie lorsque la Chine est représentée par Taiwan à l’ONU.
Le statut d’associé est un statut « d’intérimaire », un statut probatoire par lequel un Etat fait
ses preuves avant d’être membre. Cela peut aussi être un moyen de tenir compte du statut
spécifique de l’Etat (ne pas être membre, participer uniquement). L’associé a à peu près les
mêmes droits que le membre mais est privé du droit de vote.
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I. La personnalité juridique
L’autonomie des organisations internationales se traduit par une personnalité juridique
interne non controversée (A). Mais les organisations internationales disposent aussi d’une
personnalité juridique internationale (B).
« L’Organisation jouit, sur le territoire de chacun de ses Membres, de la capacité juridique qui lui est
nécessaire pour exercer ses fonctions et atteindre ses buts ».
Elles ont donc une capacité, qui englobe notamment le droit de contracter avec des
entreprises. Cette question pose des difficultés s’agissant du droit applicable, (loi de l’Etat, droit du
contrat?) ou du règlement des conflits (juge interne, arbitre?). Elles peuvent également acquérir et
vendre des biens mobiliers et immobiliers, mais c’est nécessairement le droit local qui s’applique.
Enfin, les organisations internationales peuvent ester en justice en tant que justiciable ordinaire.
Dans cet avis, la CiJ précise qu’être sujet de droit revient à être titulaire de droits et
d’obligations. La CiJ va revenir sur ces droits, et notamment sur celui de présenter des
réclamations en son nom propre en au nom de quelqu’un. Egalement, la capacité donne le droit de
conclure des traités, le droit de légation passive ou active (diplomatie), le droit d’ester en justice
lorsque cela est possible et l’autonomie financière de l’organisation. En contrepartie, l’organisation
a des obligations: elle peut voir sa responsabilité engagée en cas de violation du droit
international. Dans son avis de 1949, la CiJ dit que la personnalité juridique de l’ONU est objective
(opposable à tous, au moins pour les organisations universelles). Pour les organisations
régionales, l’Etat est libre de reconnaitre la personnalité de l’organisation internationale.
nécessairement moins larges que celles des Etats. Le principe essentiel est celui de la spécialité
ou de l’attribution des compétences: les organisations internationales ne sont compétences dès
lors que l’acte constitutif leur donne une compétence. Ces compétences sont de différentes
natures (B).
La question est donc de savoir si une compétence est spécifiée par l’acte constitutif. Les
organisations ne sont pas libres et ne peuvent exercer que des compétences délivrées par l’acte
constitutif. Ce concept est restrictif, car les organisations ne doivent pas empiéter sur les
compétences des Etats. Le Traité de Lisbonne fait mention également de l’attribution des
compétences dans son article 5§2, toute compétence n’appartenant pas à l’Union relevant des
Etats.
Cependant, les textes ne peuvent pas tout prévoir. En 1945, les rédacteurs de la Charte ne
pouvaient tout envisager. Donc, il y a un recours à une technique utilisée par les Cours suprêmes
Etats fédéraux: les pouvoirs implicites. Dans l’avis de 1949, la CiJ précise que les pouvoirs
implicites sont des « pouvoirs qui, s’ils ne sont pas expressément énoncés dans la charte, sont,
par une conséquence nécessaire, conférés à l’Organisation en tant qu’essentiels à l’exercice des
fonctions de celles-ci ». L’interprétation du traité va permettre d’étendre les compétences d’une
organisation.
➝ CiJ, avis, 11 avril 1949, Réparation des dommages subis aux services des Nations-
Unies
La Cour de Justice des Communautés Européennes a profité de cette théorie pour très
largement étendre ses compétences:
➝ CJCE, 31 mars 1971, AETR: la CJCE va considérer que toutes les compétences dont
dispose la CEE sur le plan interne peuvent être exercées sur le plan externe.
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Pour l’essentiel, les immunités peuvent d’abord trouver leur source dans les conventions
générales sont les privilèges et les immunités.
Exemples: En 1946 est conclue la Convention sur les privilèges et les immunités des Nations Unies. Tous les
Etats parties reconnaissent des immunités aux juridictions internationales. Encore, il existe la Convention sur les
privilèges et immunités des Institutions spécialisées et de leurs agents.
Il peut également s’agir d’un protocole additionnel à l’acte constitutif, pour permettre une
uniformité d’application. Encore, il peut s’agir d’actes unilatéraux. Notamment, en 1945, un accord
est conclu entre la France et l’UNESCO et envisage les immunités et les privilèges qui vont avec.
Enfin, il peut s’agit de la loi: un acte interne peut envisager la question de l’immunité, comme aux
USA sur l’immunité des organisations internationales.
« 1. Il est créé comme organes principaux de l’Organisation des Nations Unies : une Assemblée
générale, un Conseil de sécurité, un Conseil économique et sociale, un Conseil des tutelles, une
Cour internationale de Justice et un Secrétariat.
2. Les organes subsidiaires qui se révéleraient nécessaires pourront être créés conformément à la
présente Charte. »
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Ce n’est qu’après ceux-ci que l’organisation va créer d’autres organes par les organes
principaux. Par exemple, le Conseil des droits de l’Homme est créé par l’AGNU, et est un organe
subsidiaire. Ils n’ont pas de personnalité juridique, mais pourront créer ensuite d’autres organes.
Dans toute organisation internationale, il y a forcément un organes qui regroupe tous les
représentants. généralement, c’est un organe plénier, mais ceci est possible lorsque le nombre de
membres n’est pas très important. Lorsqu’il y a beaucoup de membres, l’organisation peut
fonctionner par des organes restreints, comme le Conseil de Sécurité (15 membres) qui
représente tous les Etats membres, le Conseil économique et social des NU (54 membres, par
répartition géographique)
L’on peut distinguer les organes administratifs, les organes juridictionnels et les organes
consultatifs:
- L’organe administratif est le Secrétariat général, il administre et gère les affaires courantes. Le
rôle est variable selon l‘organisation, et peut aller jusqu’au rôle politique. La personnalité du
Secrétaire a nécessairement une influence sur l’organisation.
- L’organe juridictionnel peut être la CiJ composée de 15 juges indépendants
- L’organe consultatif est un organe d’experts. Au sein des Nations Unies, il existait avant la Sous-
commission des droits de l’Homme.
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L’Irak est de profession musulmane et est divisé entre les sunnites et chiites, et était dirigé
par les sunnites jusqu’en 2003. Les américains ont fait l’erreur de laisser les généraux de Saddam
Hussein de coté sans les intégrer au nouvel Etat irakien après le passage du pouvoir aux chiites.
En 2006, une guerre civile éclate entre chiites et sunnites, et l’Etat islamique commence à
apparaitre. Ce groupe prend de l’ampleur et devient l’Etat islamique en Irak et au Levant en 2013
(EIIL). Dès lors, on commence à réellement parler de Daesh.
Daesh va profiter de la guerre en Irak en 2003 et celle en Syrie pour s’étendre. Le territoire
contrôlé par Daesh s’étend sur la Syrie et sur l’Irak. En avril, Mossoul, principale ville d’Irak, tombe
aux mains de Daesh après la fuite de l’armée irakienne. Les chancelleries internationales se sont
dès lors rendu compte de l’importance de Daesh, de telle sorte qu’il devient un défi pour la
communauté internationale, parallèlement à la guerre en Syrie.
La question est donc délicate. Du point de vue du Pr. Le Floch, les caractéristiques de l’Etat
sont respectées. Mais pas au point de considérer Daesh comme un Etat. La première critique à
faire est que le territoire est fluctuant, et évolue au gré des victoires et des défaites.
Surtout, il faut s’interroger sur les conséquences de la reconnaissance d’un statut d’Etat à
Daesh. Daesh est une forme inconnue du droit international, un Etat terroriste construit de toutes
parts (« califat »), un OVNI juridique, mais on ne peut absolument pas considérer qu’il s’agit d’un
Etat. Si Daesh était un Etat, il pourra être représenté dans les organisations internationales,
disposer de frontières propres, et surtout, les dirigeants profiteraient de l’immunité de fonctions.
En 2014, L. Fabius s’exprimait sur le changement sémantique, et disait que Daesh n’était
pas un Etat et que ce serait « lui faire un cadeau que de l’appeler Etat ». Il refuse également
l’expression « Etat islamique », en ce que cela créerait une confusion islam/islamisme/musulman.
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Cette guerre trouve sa source à la mort du prophète Mahomet en 632. Il n’avait pas prévu
sa succession, et deux possibilités avaient été envisagées, avec débats et guerres civiles à terme
(« Grande discorde »):
- Le consensus politique
- Le choix du guerrier le plus valeureux et courageux.
La guerre syrienne dure et s’éternise parce que le Conseil de Sécurité est bloqué par les
russes et les chinois qui profitent de leur droit de véto pour empêcher le recours à la force contre la
Syrie. Le CS peut saisir la CPI, et la France a présenté une résolution pour saisir la CPI en mai
2014, mais là encore les chinois et les russes posent leur véto.
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poursuite ne peut être initiée devant les juridictions internes. Le CPP français a renversé la
complémentarité, et la CPI est prioritaire sur les juridictions françaises.
Le problème est que 84% des français sont prêts à sacrifier leurs libertés pour garantir la
sécurité. L’équation est simple: ordre ou liberté? Le dosage doit être savant, mais doit permettre de
garantir les deux. Cette problématique de l’ordre public est classique, mais est encore plus dure à
mettre en oeuvre dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
En 2001, les Patriot Act renforcent les règles de sécurité et de prévention du terrorisme
(délocalisation de la torture, avocats, enfermements). M. Barak, président de la Cour suprême
d’Israel: « ménager un équilibre entre la sécurité et la liberté nécessite toujours d‘apporter
certaines restrictions tant à la sécurité qu’à la liberté ».
Quelle réaction de l’ONU? 14 traités ont été pris par l’ONU, la dernière en 2010 sur la
répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale. Pourquoi 14 et pas une
seule? Les Etats ne savent pas s’entendre sur la question de la définition du terrorisme.
A partir de 1999, le CS adopte des sanctions à l’égard d’Al Qaida, et aujourd’hui, certains
membres de Daesh sont inscrits au registre du CS, ce qui impose aux Etats de geler leurs avoirs
et de les empêcher de voyager.
Aujourd’hui, la seule solution serait de mettre un terme au conflit syrien. C’est loin d’être
évident car El Hassad est soutenu par les russes et qu’il n’y aucun interlocuteur face à la Syrie.
Surtout, il faut à tout prix envisager la reconstruction du pays. La problématique du terrorisme et
des droits de l’homme se pose en droit international, et la Cour EDH a été amenée à connaitre de
la question dans l’arrêt Saadi de 2008: « la Cour ne saurait méconnaitre l’ampleur du danger que
constitue le terrorisme ».
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