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Sciences du médicament
Chez le même éditeur
Bases fondamentales
en pharmacologie
Sciences du médicament
Sébastien Faure
Nicolas Clère
Mathieu Guerriaud
Ce logo a pour objet d'alerter le lecteur sur la menace que représente pour l'avenir de l'écrit, tout particulière-
DANGER ment dans le domaine universitaire, le développement massif du «photo-copillage». Cette pratique qui s'est
généralisée, notamment dans les établissements d'enseignement, provoque une baisse brutale des achats de
livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer
correctement est aujourd'hui menacée.
Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de
LE
PHOTOCOPILLAGE poursuites. Les demandes d'autorisation de photocopier doivent être adressées à l'éditeur ou au Centre fran-
TUE LE LIVRE çais d'exploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.
Les figures 2.4 et 2.7 ont été réalisées par Marie Schmidt.
La figure 3.2 a été réalisée par Carole Fumat.
La figure 5.1 a été réalisée par Frédéric Hémery.
Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays.
Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le pré-
sent ouvrage, faite sans l'autorisation de l'éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d'une part,
les reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d'autre part,
les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d'information de l'œuvre dans laquelle elles sont incorporées
(art. L. 122–4, L. 122–5 et L. 335–2 du Code de la propriété intellectuelle).
Sébastien Faure, pharmacien, maître de conférences en Mathieu Guerriaud, pharmacien, doctorant d'université,
pharmacologie à l'UFR des sciences pharmaceutiques chargé de cours en formation initiale et continue pour les
ingénierie de la santé à l'université d'Angers. professionnels de santé à l'UFR des sciences pharmaceu-
Nicolas Clère, pharmacien, maître de conférences en phar- tiques de l'université de Bourgogne.
macologie à l'UFR des sciences pharmaceutiques et ingé-
nierie de la santé à l'université d'Angers.
V
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Préface
C'est toujours un réel plaisir que de voir naître un nou- accidents de parcours, parfois graves et lourds de consé-
veau livre de pharmacologie dans un monde où Internet quences, rencontrés par nos prédécesseurs. La connais-
met à la disposition de tous des myriades d'informations sance de ces accidents aidera les futurs acteurs du médi-
où se côtoient le meilleur comme le pire. Le «papier» doit cament à en tirer des leçons et à ne pas retomber dans les
survivre et il est certain que des ouvrages tels que celui-ci, mêmes écueils.
œuvre de spécialistes, y contribuera efficacement en four- Les auteurs ont également pris soin d'exposer les pré-
nissant aux lecteurs des informations de qualité. requis et les objectifs aidant ainsi le lecteur à identifier les
Cet ouvrage n'est pas un ouvrage de plus dans notre dis- points essentiels à garder à l'esprit.
cipline. Il s'en distingue par la place faite à l'histoire, per- Enfin, sa rédaction en français en fera un ouvrage que
mettant au lecteur de comprendre où la thérapeutique l'étudiant, comme le diplômé, n'hésitera pas à consulter
moderne prend ses racines ainsi que de découvrir les pour le plus grand profit des patients.
Michel Plotkine,
Professeur de Pharmacologie
à l'Université Paris Descartes.
VII
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Avant-propos
Le pharmacien est un praticien de santé spécialiste des compréhension des mécanismes d'action des médicaments
médicaments et des autres produits de santé. Pour obtenir et en toute logique celle du choix de la thérapeutique
cette compétence professionnelle, la formation universi- médicamenteuse afférente à une pathologie. Ils s'articulent
taire doit conduire l'étudiant à acquérir des connaissances encore harmonieusement avec les données apportées par
approfondies dans certaines disciplines, notamment en les autres sciences fondamentales et appliquées, comme
pharmacologie – sciences du médicament. par exemple la physiologie et la biologie moléculaire.
La réforme des études pharmaceutiques est fondée sur Le contenu pédagogique de l'ouvrage Bases fondamentales
l'acquisition de compétences. Celles-ci, particulièrement en pharmacologie contribuera avec certitude à la formation
requises pour le bon usage des médicaments, s'appuient professionnelle de l'étudiant quelle que soit son orienta-
pour une grande part sur la connaissance des éléments tion (officinale, hospitalière, industrielle, etc.), par l'acqui-
moléculaires et cinétiques de la pharmacologie. En effet, ces sition des connaissances fondamentales en science du
éléments permettent à l'étudiant d'aborder avec aisance la médicament.
Jean-Paul Belon
Président de la sous-commission de pharmacie à la Commission
de Pédagogie Nationale des Études de Santé (CPNES)
IX
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Compléments en ligne
Des compléments numériques sont associés à cet ouvrage. Pour accéder à ces compléments, connectez-vous sur
Ils sont indiqués dans le texte par un flashcode accompa- http://www.em-consulte.com/e-complement/471957
gné du picto . Ils proposent des exercices et des photo- et suivez les instructions pour activer votre accès.
graphies complémentaires.
Abréviations
5FU 5 fluoro-uracile HHV6 Human herpes virus 6
ADME Absorption, distribution, métabolisation, HLA Human leukocyte antigen
excrétion HMG Hydroxyméthyl glutarate
AINS Anti-inflammatoires non stéroïdiens HNF Héparine non fractionnée
AMM Autorisation de mise sur le marché IEC Inhibiteurs de l'enzyme de conversion
ANSM Agence nationale de sécurité du IMAO Inhibiteurs des monoamines oxydases
médicament et des produits de santé INR International normalized ratio
ARA2 Antagoniste des récepteurs à ISRS Inhibiteurs sélectifs de la recapture
l'angiotensine de type II de la sérotonine
ASR Annual Safety Report L-DOPA Lévodopa
ATU Autorisation temporaire d'utilisation MDR Multiple drug resistance
AVK Antivitamine K MRP Multidrug resistance-Related Protein
BCRP Breast cancer resistance protein OMS Organisation mondiale de la Santé
CHMP Committee for Medicinal Products PAL Phosphatase alcaline
for Human Use PDE5 Phosphodiestérase de type 5
CHO Chinese hamster ovary PEM Prescription event monitoring
CMV Cytomégalovirus PGR Plan de gestion de risques
Cox1 Cyclo-oxygénase de type 1 PSMF Pharmacovigilance system master file
CPP Comité de protection des personnes PTU Propylthiouracile
CRPV Centre régional de pharmacovigilance QPPV Qualified Person Responsible for
CSP Code de la Santé Publique PharmacoVigilance
CYP Cytochrome P450 RCP Résumé des caractéristiques du produit
DES Diéthylstilbestrol RTU Recommandations temporaires d'utilisation
DGS Direction générale de la santé SIDA Syndrome de l'immunodéficience
DHEA Déhydroépiandrostérone acquise
DRESS Drug Reaction with Eosinophilia SJS Syndrome de Stevens-Johnson
and Systemic Symptoms SNP Single-nucleotide polymorphism
DSUR Development Safety Update Report SUSAR Suspected unexpected serious adverse
EBV Ebstein-Bar virus reaction
ECG Électrocardiogramme THS Traitement hormonal substitutif
EIG Effet indésirable grave TPMT Thiopurine méthyltransférase
EMA European Medicines Agency UGT UDP-glycosyltransférase
ESB Céphalopathie spongiforme bovine VEGF Vascular Endothelial Growth Factor
FDA Food and Drug Administration VIH Virus de l'immunodéficience humaine
HBPM Héparine de bas poids moléculaire
XI
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Table des matières
XIII
Table des matières
XIV
Introduction générale
Les différents domaines
de la pharmacologie
La pharmacologie peut être définie comme la science qui tLa pharmacocinétique s'intéresse à l'ensemble des réac-
étudie les interactions entre toute substance sur tout sys- tions que l'organisme fait subir au médicament après son
tème biologique dans le but d'applications thérapeutiques administration ; elle correspond ainsi à l'étude du devenir
ou d'une meilleure compréhension de la physiologie normale biologique du médicament dans l'organisme vivant. C'est
ou pathologique. La pharmacologie s'intéresse donc à l'en- ainsi que la pharmacocinétique définit une relation quanti-
semble des substances chimiques naturelles ou synthétiques tative entre la dose administrée et la concentration sanguine.
capables d'induire une réponse biologique. La principale tLa pharmacodynamie étudie quant à elle l'action que
différence entre une molécule dotée d'une activité théra- le médicament fait subir à l'organisme au niveau d'une
peutique (médicament) et une substance toxique (poison) cible (organe, cellule, récepteur pharmacologique…). Elle
réside dans leur dose. C'est ainsi que le plus banal des médi- implique donc la relation quantitative entre la dose admi-
caments comme le paracétamol peut, à fortes doses, générer nistrée et l'effet produit.
une toxicité hépatique pouvant être fatale et qu'à l'inverse, de Il existe une relation étroite entre pharmacocinétique et
puissants venins ont permis d'identifier des molécules à usage pharmacodynamie (PK-PD) dont l'objectif ultime est de
thérapeutique telles que l'hirudine anticoagulante chez la déterminer les modalités d'administration du médicament
sangsue, l'éxénatide antidiabétique issue du monstre de Gila, chez le sujet traité (voies, doses, intervalles…).
le captopril antihypertenseur grâce à la vipère fer de lance ou La pharmacologie préclinique se pratique sur des
encore des antalgiques provenant d'escargots venimeux. De modèles physiologiques ou pathologiques animaux alors que
même, des dérivés de curares qu'employaient par le passé les la pharmacologie clinique est réalisée chez l'homme. Cette
Indiens d'Amérique du Sud pour empoisonner leurs flèches dernière correspond au dernier stade de l'étude des effets
sont aujourd'hui utilisés en anesthésiologie moderne. d'un médicament. La pharmacodynamie comme la pharma-
La pharmacologie comporte une notion de double inter- cocinétique font appel à des études précliniques et cliniques.
action réciproque entre médicament et organisme :
2
Partie I
Devenir du médicament dans
l'organisme : les approches
pharmacocinétiques
Sébastien Faure, Nicolas Clère
P L A N D E L A PA R T I E
Préambule 5
La phase d’absorption des médicaments 9
La phase de distribution des médicaments 23
La phase de métabolisme des médicaments 31
La phase d’excrétion des médicaments 43
Les caractéristiques pharmacocinétiques
des médicaments après administration par voies
intravasculaires et extravasculaires 49
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Chapitre 1
Préambule
La pharmacocinétique, définie comme le devenir bio- Le passage au travers des membranes peut suivre plu-
logique d'un médicament dans l'organisme dans lequel il sieurs modalités (figure 1.3) :
est administré, révèle deux aspects de la discipline : • diffusion passive, à travers les lipides pour les molécules
• un aspect qualitatif consistant à décrire les processus relativement lipophiles ;
physiologiques impliqués dans le devenir des médicaments • passage par un canal aqueux, pour les molécules de
dans l'organisme ; petite taille, dont le rôle est relativement limité pour les
• un aspect quantitatif s'intéressant à la relation existant médicaments ;
entre la dose administrée et la concentration plasmatique
obtenue par l'intermédiaire de paramètres pharmacociné-
ABSORPTION
tiques calculés caractéristiques de chaque molécule pour
un patient donné. SITES ZONES DE
D’ACTION STOCKAGE
L'aspect qualitatif de la pharmacocinétique (figure 1.1) Liquides
distingue les phases d'entrée du médicament dans l'orga- circulants
bolisée alors que l'ensemble n'a pas encore été totalement Figure 1.1
absorbé. De plus, les quatre étapes ne sont pas obligatoire- Devenir d'un principe actif dans l'organisme
ment toutes impliquées pour un médicament donné (par
exemple, une molécule peut ne pas subir de métabolisme
et être éliminée sous forme inchangée).
• Passage transcellulaire
L'étape de libération concerne les formes galé-
niques solides ou protégées, on parle aussi de phase
biopharmaceutique.
Les étapes A, D, M et E requièrent toutes le franchisse- • Passage paracellulaire
ment de barrières physiologiques :
• passage de la molécule d'un site de l'organisme à un
autre ; Figure 1.2
• transfert à travers les membranes biologiques. Les modalités de passage des molécules à travers les barrières
Les membranes cellulaires sont composées d'une biologiques
bicouche de phospholipides tels que glycérophospho-
lipides, sphingolipides (sphingomyélines, cérébrosides, molécules
gangliosides) ou du cholestérol (60 %) dans laquelle sont non polaires
DIFFUSION PASSIVE
liposolubles
enchâssées des protéines (40 %) pouvant être des transpor- hydrophobes
teurs, des récepteurs…
hydrophobes FILTRATION
Les molécules peuvent traverser les barrières biologiques
par différentes voies (figure 1.2) : ATP
• passage transcellulaire, en traversant la membrane, xénobiotiques
TRANSPORT ACTIF
comme cela peut être le cas au niveau de l'endothélium
des capillaires cérébraux ; ADP
À noter
Molécules non
Le caractère liposoluble d'une molécule est déter- chargées
miné par son coefficient de partage Kp entre un
Membrane
solvant aqueux (dans lequel vont se dissoudre bicouche lipidique
les molécules polaires) et un solvant organique Figure 1.4
comme hexane (où seront retrouvées plutôt les Modalités de diffusion à travers la membrane plasmique
molécules lipophiles ou apolaires).
A B
La polarité d'une molécule dépend de son état d'ionisa-
[M] [M]
tion. Trois types de molécules peuvent ainsi être distingués :
+
• les molécules toujours ionisées comme les ammoniums [P]
qui ne seront jamais absorbées par diffusion passive ;
• les molécules neutres, non ionisées, comme les solvants
organiques qui pourront facilement traverser la bicouche
lipidique ; [MP]
• les molécules, les plus nombreuses en ce qui concerne Membrane
les médicaments, dont l'ionisation dépend du pH : celles-ci Figure 1.5
pourront traverser la bicouche lipidique à l'état neutre, mais Modalités de diffusion d'un principe actif à travers la membrane
pas à l'état ionisé. Par exemple, un acide faible R‐COOH se plasmique
M : molécule ; P : protéines plasmatiques ; MP : complexe molécule-
dissociera en R‐COO− + H+ lorsque le pH sera supérieur au protéine.
pKa et ne pourra donc plus traverser la bicouche lipidique
(figure 1.6).
90 % R-COOH R-COOH 10 %
Rappel
10 % R-COO- R-COO- 90 %
Le pK d'un acide correspond au pH auquel il est
dissocié à 50 % (en milieu acide).
pH 6 pH 8
La diffusion passive à travers la bicouche lipidique est
un processus suivant la loi de Fick, expliquant la migration Membrane
des molécules dans le sens du gradient de concentration Figure 1.6
(figure 1.7). Ainsi la vitesse de transfert sera fonction de fac- Passage transmembranaire d'une molécule de type acide (R-COOH)
teurs dépendant de la molécule : de pKa = 7 en fonction du pH
7
I. Devenir du médicament dans l'organisme : les approches pharmacocinétiques
C1 C2
La diffusion passive est un phénomène non spécifique, sont présents au niveau de très nombreux tissus et peuvent
non saturable, ne nécessitant pas la dépense d'énergie (pas limiter l'entrée ou favoriser l'efflux de molécules médica-
besoin d'ATP) et n'entraînant pas de compétition entre menteuses (P-Gp 170).
molécules. Pour exercer ses effets pharmacologiques, la molécule
À l'inverse, le transport transmembranaire est un pro- médicamenteuse doit rallier ses sites d'action spécifiques
cessus spécifique donc saturable, pour lequel existe une ou cibles depuis son lieu d'administration. La première
compétition entre molécules, indépendant du gradient de étape indispensable à l'action des formes galéniques solides
concentration, pouvant nécessiter un apport d'énergie sous ou protégées est donc la libération du principe actif à par-
forme d'hydrolyse de molécules d'ATP ou non en cas de tir de la forme galénique (comprimé, gélule, suspension…)
transport dans le sens du gradient de concentration (diffu- permettant en particulier la dissolution du principe actif
sion facilitée). En cas de cotransport, on parle de transport dans les liquides biologiques, préalable à l'absorption dans
actif secondaire pour lequel le transport d'un élément dans l'organisme. Cette phase biopharmaceutique sera par la
le sens du gradient permet d'apporter une énergie suffi- suite suivie des étapes A, D, M et E pour aboutir à l'élimina-
sante pour déplacer un autre élément en sens inverse du tion du médicament. Entre-temps, le médicament aura pu
gradient (figure 1.8). Des transporteurs transmembranaires retrouver ses cibles pharmacologiques et exercer ses effets.
8
Chapitre 2
La phase d'absorption
des médicaments
PLAN DU CHAPITRE
Absorption médiate 10
Modèles expérimentaux d'étude
de l'absorption 17
per sub-
La phase d'absorption est un processus qui consiste au pas- os linguale intra-
veineuse
sage d'une molécule dans les liquides circulants (circulation
inhalation
générale) à partir de son site d'administration.
digestif
lesquelles la molécule doit traverser au moins deux bar- Voie Voie cutanée Voie
rières successives, comme les voies digestives, respiratoires, respiratoire contact avec la peau digestive
inhalation ingestion
cutanées…).
L'absorption concerne toutes les voies d'administration, à
Passage dans la circulation sanguine
l'exception de la voie intraveineuse.
Une même molécule médicamenteuse sera absorbée dif- Figure 2.2
féremment selon la voie et la forme d'administration. Les modes d'absorption médiate dans l'organisme
10
2. La phase d'absorption des médicaments
• ingestion des aliments ; au goût supportable. Ces voies sont utilisées en pratique
• digestion mécanique : broyage (au moyen des dents) et pour des médicaments pour lesquels est recherchée une
«malaxage» gastrique et intestinal ; action rapide, comme des vasodilatateurs coronaires
• digestion chimique par le biais d'enzymes selon les subs- indiqués dans le cas de douleurs thoraciques tels que la
trats ingérés des aliments ; trinitrine (ex. : Natispray®, Trinitrine simple Laleuf®), des
• progression des produits de digestion sur toute sa antalgiques puissants efficaces dans les accès douloureux
longueur ; paroxystiques tels que le fentanyl (ex. : Actiq®, Abstral®,
• absorption (d'unité de base) ; Effentora®, Breakyl®) ou des substituts nicotiniques utilisés
• élimination des résidus non digérés ni absorbés et d'autres dans le sevrage tabagique. Différentes formes galéniques
déchets. permettent une absorption par voie sublinguale : compri-
En outre, le tube digestif est aussi capable d'absorber des més gingivaux, pilules, liquides en sprays buccaux, ou par
xénobiotiques tels que des médicaments. voie buccale : tablettes, comprimés buccoadhésifs, bâton-
Dans la majorité des cas, avant d'arriver dans la circula- nets transmuqueux, films orodispersibles, pastilles, pâtes
tion sanguine, le médicament doit franchir la barrière enté- ou gommes… Dans tous les cas, la forme doit rester en
rocytaire puis traverser le foie (hépatocytes et sécrétion contact étroit avec la muqueuse buccale pour permettre
biliaire), qui joue un rôle de filtre. Certaines voies diges- au principe actif de traverser la paroi buccale.
tives comme la voie sublinguale ou la voie rectale per-
mettent d'éviter cet effet de premier passage hépatique La voie gastro-intestinale
(figure 2.1). Par ailleurs, le médicament peut être dégradé dite « voie orale »
dans la lumière du tube digestif ; c'est pourquoi il sera par-
fois nécessaire de protéger le principe actif par des formes La voie gastro-intestinale implique que la forme galénique
galéniques particulières (comprimés ou gélules enrobées soit ingérée, c'est-à-dire déglutie.
ou gastrorésistantes…). Plusieurs formes galéniques permettent une adminis-
Le tube digestif est histologiquement constitué d'une tration per os : gélules ou capsules dures, capsules molles,
séreuse (péritoine), d'une musculeuse, d'une sous- comprimés secs, enrobés, pelliculés, gastrorésistants, solu-
muqueuse et d'une muqueuse elle-même formée d'un tions, émulsions ou suspensions buvables, gouttes buvables,
épithélium et de sous-couches, sur toute sa longueur. ampoules buvables, sirops, gels… Le délai d'action sera en
Les épithéliums n'étant jamais vascularisés, les substances partie dépendant du temps nécessaire à la libération du
devront les traverser pour atteindre des couches plus pro- principe actif contenu dans la forme galénique.
fondes avant d'être absorbées. Au niveau du tube digestif,
l'absorption peut avoir lieu à tous les niveaux. Elle sera de Au niveau gastrique
mécanisme et d'amplitude différents selon les caracté- L'anatomie de l'estomac révélant un épithélium épais, une
ristiques histologiques et physiologiques spécifiques de muqueuse mal vascularisée, une surface limitée (environ
chaque étage. On distingue ainsi la voie orale (voies sublin- 1 m2), et un pH très acide (1,2 à 1,5), les conditions ne seront
guale, buccale et gastro-intestinale) et la voie rectale. pas très favorables à une bonne absorption. Le pH gastrique
implique que les acides faibles y seront peu ionisés donc
Les voies sublinguales et buccales peu dissociés ; ceux traverseront donc facilement les mem-
branes par diffusion passive et y seront ainsi relativement
La voie sublinguale ou perlinguale permet la diffusion pas-
bien absorbés. Outre le pH, d'autres facteurs influencent
sive d'une molécule à travers la paroi buccale (pénétra-
l'absorption au niveau gastrique comme :
tion) puis sa résorption par les capillaires pour atteindre la
circulation générale via les veines jugulaires externes puis la
• la liposolubilité de la fraction non ionisée ;
veine cave supérieure.
• l'état de vacuité de l'estomac sous la dépendance des
prises alimentaires ;
Les voies sublinguale et buccale permettent d'éviter aux
molécules d'avoir à traverser la barrière digestive, accélérant
• le temps de contact (temps de vidange gastrique) ;
donc l'arrivée dans la circulation générale et évitant une • le flux sanguin gastrique.
éventuelle dégradation. Ces voies présentent aussi l'intérêt
Au niveau intestinal
d'éviter un effet de premier passage hépatique. Cependant,
ces voies entraînent une absorption relativement lente et En règle générale, l'absorption per os sera supérieure à l'étage
doivent être réservées aux substances non caustiques et intestinal du fait de conditions plus favorables comme :
11
I. Devenir du médicament dans l’organisme : les approches pharmacocinétiques
12
2. La phase d'absorption des médicaments
Veine cave supérieure des tissus de l'organisme et des artères pulmonaires condui-
sant du sang désaturé aux poumons de manière à éliminer
le CO2. Le mécanisme des échanges gazeux est réalisé par
Cœur
les différences de pression ; ainsi, les gaz diffusent de la pres-
sion la plus élevée vers la plus basse. Il en est de même pour
Veine cave inférieure les molécules médicamenteuses.
Différents niveaux d'atteinte des médicaments sont pos-
sibles au niveau du système respiratoire qui se divise en
Foie
diminuant de diamètre (figure 2.5) :
Veine porte
• voies extrapulmonaires : fosses nasales, nasopharynx,
larynx, trachée et début des deux bronches souches droite
et gauche ;
• voies intrapulmonaires : des bronches souches jusqu'aux
Veines hémorroïdales
bronchioles terminales en passant par les bronches lobaire
Veine iliaque
supérieures (3 à droite et 2 à gauche), segmentaire et lobulaire ;
• parenchyme respiratoire : des bronchioles se terminant
Veines hémorroïdales par des sacs alvéolaires ou acini formant des millions d'al-
moyennes
véoles pulmonaires.
Veines hémorroïdales Des principes actifs sous forme liquide ou solide
Rectum inférieures
peuvent être administrés par voie aérienne, sachant que
Figure 2.3
les molécules sous forme solide (inhalateur de poudre
Absorption de principes actifs par la voie rectale
sèche) seront souvent plus longues à exercer leurs effets
dans la mesure où le principe actif devra préalablement
Absorption de principes actifs par être dissout. La taille des particules de la préparation
la voie rectale. L'absorption par les médicamenteuse conditionne le niveau de pénétration
de la molécule dans l'architecture bronchique. Ainsi, les
muqueuses non digestives formes nébulisation constituée de particules de diamètre
Plusieurs muqueuses non digestives permettent l'absorp- supérieur à 3 μm n'atteindront que les bronches ne géné-
tion de médicaments. rant qu'un effet local, alors que les formes aérosol com-
posées de particules de diamètre compris entre 0,2 et
3 μm pourront parvenir jusqu'aux alvéoles et permettre
La muqueuse aérobronchique
ainsi un effet général, intéressant dans la prise en charge
et alvéolaire de l'asthme par exemple.
Le système respiratoire constitue une voie d'absorption Les bronches sont constituées de muscle lisse
importante. Il comprend le tractus respiratoire, les pou- sous la dépendance du système nerveux végétatif
mons et le diaphragme. Sa fonction principale est d'assurer (figure 2.6) permettant s'assurer une motricité bron-
l'hématose, c'est-à-dire d'apporter l'oxygène au sang qui le chique. L'ensemble de la muqueuse respiratoire atteint
distribue dans tout l'organisme et de rejeter le gaz carbo- une surface d'échanges de l'ordre de 200 m2, qui, ajoutée
nique. Mais il participe aussi à la défense de l'organisme, à l'intense irrigation de la muqueuse bronchique, consti-
possède des vertus endocriniennes (sérotonine…) et inter- tuent des facteurs favorables à une bonne absorption par
vient dans l'homéostasie de l'équilibre acidobasique. diffusion passive.
Le système respiratoire dispose de deux systèmes circula- Cette absorption sera influencée par :
toires (figure 2.4) : • la concentration de la substance dans l'air inspiré ;
• une circulation systémique composée des veines caves • la ventilation et perméabilité pulmonaires ;
supérieures et inférieures rapportant le sang désaturé au • la solubilité de la molécule médicamenteuse dans le
cœur et d'artères s'échappant de l'aorte amenant le sang plasma.
saturé en oxygène aux tissus ; Certaines molécules pouvant générer une irritation locale
• une circulation pulmonaire avec les veines pulmonaires pour la muqueuse bronchique, un véhicule huileux pourra
rapportant du sang saturé en O2 au cœur puis à l'ensemble être utilisé.
13
I. Devenir du médicament dans l’organisme : les approches pharmacocinétiques
Sang oxygéné
Circulation
pulmonaire
Poumons
Veine cave
supérieure
e
av
i n e c ure
Ve férie
in
es es
Aorte èr ir
rt na Veines pulmonaires
OD A o
lm
pu OG
VD VG
Organes
2 Circulation systémique
Sang veineux
Figure 2.4
Pincipes d'oxygénation tissulaire
Source : Perlemuter L, Perlemuter, G. Cycles de la vie et grandes fonctions, « Cahiers des sciences infirmières ». Elsevier Masson SAS, 2010.
Fosses nasales
> 30 mm Pharynx
Larynx Système nerveux périphérique (SNP)
20 à
Trachée
30 mm
10 à Bronchioles
3 mm terminales
SN sympathique SN parasympathique
Canaux alvéolaires
< 3 mm et alvéoles Figure 2.6
pulmonaires Pincipales fonctions du système nerveux périphérique
Le système nerveux (SN) végétatif régule l'activité involontaire de
Figure 2.5 nos organes internes ; le système nerveux somatique permet le
Niveaux de pénétration des particules en fonction de leur diamètre contrôle volontaire.
14
2. La phase d'absorption des médicaments
Figure 2.7
Coupe de la peau
Source : Perlemuter L, Perlemuter, G. Cycles de la vie et grandes fonctions, « Cahiers des sciences infirmières ». Elsevier Masson SAS, 2010.
15
I. Devenir du médicament dans l’organisme : les approches pharmacocinétiques
Plusieurs injections dans les séreuses peuvent être prati- brosse des membranes entérocytaires. Plusieurs possibi-
quées : lités de transport au travers de ces cellules ont été mises
• intrapleurale (plèvre enveloppant les poumons) ; en évidence dans ce modèle cellulaire : le transport passif
• intrapéritonéale (péritoine richement vascularisé, per- transcellulaire, le transport paracellulaire, le transport actif
méable et grande surface). Cette voie d'administration est et la pinocytose.
classiquement utilisée en expérimentation animale ; Les cellules Caco-2 ont la particularité de pouvoir
• intra-articulaire (infiltration par des corticoïdes). former une monocouche de cellules à morphologie et
propriétés fonctionnelles identiques et proches de celles
de l'épithélium intestinal humain. La perméabilité des
molécules pour ces cellules Caco-2 peut être corrélée
Modèles expérimentaux d'étude à l'absorption intestinale humaine in vivo. Cette corré-
de l'absorption lation présente l'avantage de permettre la classification
des molécules d'intérêt thérapeutique selon les valeurs
Afin d'appréhender au mieux le devenir de molécules de perméabilité obtenue expérimentalement à l'aide du
exogènes dans l'organisme, il convient de définir, à l'aide modèle Caco-2.
de modèles expérimentaux adaptés, les propriétés d'ab- Pratiquement, ces cellules adhérentes se cultivent sur
sorption des molécules médicamenteuses ou de certains filtres où elles vont pouvoir se multiplier pour atteindre la
toxiques. Ces études font partie intégrante du dossier confluence et ensuite se polariser et se différencier en cel-
d'autorisation de mise sur le marché d'un médicament lules épithéliales formant une monocouche de cellules épi-
(AMM) et sont un préalable aux études cliniques réalisées théliales délimitant un pôle apical et un pôle basal. Les filtres
sur l'homme. sur lesquels se sont multipliées les cellules constituent des
inserts disposés dans des puits de plaque de culture dans
lesquels est ajouté du milieu de culture adéquat. La partie
Les modèles in vitro «haute» de ce dispositif constitue le pôle apical, tandis que
la partie «basse» représente le pôle basal (la polarisation
Le modèle cellulaire Caco-2 des cellules respecte l'orientation décrite pour le dispositif
La lignée cellulaire Caco-2, dérivée d'adénocarcinome expérimental) (figure 2.9).
colique, est un des modèles cellulaires le plus utilisé pour Lors de l'étude de passage de molécules d'intérêt phar-
modéliser in vitro l'épithélium intestinal et donc étudier macologique à travers les cellules en culture, différents
les propriétés d'absorption d'un grand nombre de molé- paramètres peuvent être déterminés :
cules. En effet, la plupart des molécules qui rejoignent 1. Le coefficient de perméabilité apparenté (Papp), qui repré-
la circulation sanguine diffusent à travers la bordure en sente la capacité du principe actif à diffuser à travers la
membrane cellulaire. Il est exprimé en cm/s et répond à la
formule :
Moelle ΔQ / Δt
Vertèbre
épinière
Papp =
Ligament
A . C0
jaune
• Où ΔQ/Δt (mM/s) est la vitesse de passage de la molé-
cule vers le compartiment basal ; A est la surface de la
Dure-mère
Ligament
sus-épineux
Inserts
Médicament
A Pôle apical
Monocouche
de cellules
Membrane B Pôle basolatéral
Ligament
inter-épineux
perméable
Transport vectoriel
Figure 2.8
Figure 2.9
Principe de l'administration par voie péridurale
Lansac J, Magnin G, Sentilhes L. Obstétrique pour le praticien (6e édition). Elsevier Représentation schématique du protocole expérimental utilisant
Masson SAS, 2013. des cellules Caco-2 en culture
17
I. Devenir du médicament dans l’organisme : les approches pharmacocinétiques
membrane utilisée (cm2) ; C0 est la concentration initiale de Le modèle de cellules porcines IPEC-1
la molécule dans le compartiment apical (mM).
Sur le même principe que les cellules Caco-2, des cellules
• Les valeurs de perméabilité sont comparées à des épithéliales intestinales porcines IPEC-1 peuvent être utili-
étalons établis expérimentalement avec des molécules
sées afin d'étudier les mécanismes d'absorption.
comme le labétalol, le métoprolol ou le timolol (molé-
cules possédant une forte perméabilité cellulaire) ou
l'acébutolol ou l'aténolol (molécules de faible perméabi- Le modèle PAMPA (Parallel Artificial
lité cellulaire). Membrane Permeability Assay)
• De façon intéressante, ce dispositif expérimental per- D'un point de vue technique, le modèle PAMPA est
met d'évaluer la perméabilité bidirectionnelle. En effet, proche du modèle utilisant les cellules Caco-2 en culture.
la perméabilité du pôle apical vers le pôle basal (PA > B) Toutefois, les membranes utilisées sont dans ce cas tou-
renseigne sur l'absorption, la perméabilité du pôle basal jours artificielles et de nature lipidique (phosphatidyl-
vers le pôle apical (PB > A) renseigne sur les modalités de choline, hexadecane…) et ce modèle permet d'évaluer
diffusion. Dans ce dernier cas, si PA > B est égale à PB > A, on exclusivement la perméabilité passive (absence de
parle de diffusion passive et si PA > B est différent de PB > A, mesure de perméabilité bidirectionnelle). Le dosage du
alors la diffusion mobilise des transporteurs spécifiques
(figure 2.10).
2. Le coefficient de partage octanol/eau (P) quantifie la Tableau 2.1. Les avantages et les inconvénients du modèle
lipophilie de la molécule, c'est-à-dire son tropisme pour les expérimental Caco-2
milieux non aqueux. L'octanol est un solvant choisi pour Avantages Inconvénients
ses propriétés lipophiles considérées comme proches de Lignée cellulaire établie donc Grande variabilité
celles de la membrane cellulaire. facilement utilisable interlaboratoire et au-delà
3. La résistance électrique transépithéliale (TEER) exprimée d'un grand nombre de
en Ω.cm2 renseigne sur l'intégrité de la monocouche cellu- passages en culture
laire formée par les cellules Caco-2 en culture (des valeurs Compréhension des Épithelium formé souvent
de référence supérieures à 300 Ω.cm2 sont prises comme mécanismes de passage imperméable (TEER Caco-2
référence). La valeur du TEER est déterminée par la relation : passif vs actif ou para- vs égal à 50 vs 100 in vivo)
TEER = ( Rmonocouche cellulaire – Rfiltre) . A transcellulaire
Mise en évidence du rôle Transporteurs souvent sous-
Avec Rmonocouche cellulaire qui est la résistance de la mono-
et de la caractérisation des exprimés dans le modèle
couche cellulaire ; Rfiltre la résistance du filtre de la mem- transporteurs Caco-2
brane de culture et A la surface de la membrane utilisée.
Étude d'un grand nombre Corrélation limitée avec les
Bien que très utilisé, le modèle Caco-2 présente une série
de principes actifs, y compris mécanismes de dissolution
d'avantages mais aussi de limites qu'il convient de bien
ceux solubles dans des aqueux in vivo
connaître afin d'obtenir une bonne interprétation des résul- solvants organiques (DMSO)
tats (tableau 2.1).
120
60
Papp (10–7 cm/sec)
50 100
40 80
30 60
20 40
10 20
0
0
A B B A A B B A
Transport Transport
passif actif
Figure 2.10
Exemple de valeurs de perméabilité suivant le type de transport
18
2. La phase d'absorption des médicaments
principe actif ayant diffusé à travers la membrane est luer l'absorption par un mécanisme de diffusion passive.
réalisé par chromatographie liquide haute performance Dans un second temps, le fragment intestinal est de nou-
(HPLC) ou par lecteur de plaque ultraviolet. Les valeurs veau retourné pour permettre l'évaluation de l'absorp-
de perméabilité sont exprimées en cm/s et comparées à tion par un mécanisme de transport actif.
des étalons de référence (figure 2.11). Bien que ce modèle permette l'analyse de l'absorption
bidirectionnelle, il présente des limites puisqu'il n'est pas
innervé ni vascularisé et que l'éversion du tissu intestinal
Les modèles ex vivo peut provoquer des lésions morphologiques modifiant les
capacités d'absorption.
Le modèle d'explant cutané
Ce modèle développé, notamment par Franz (1975) et La chambre de Ussing
Bronaugh (1982), est largement utilisé pour quantifier
l'absorption percutanée de différents xénobiotiques. Un Ce modèle expérimental ex vivo a été mis au point par
« explant cutané » est placé dans une cellule de diffu- Ussing et Zerahn en 1951 pour l'étude du transport actif
sion en verre ou en Téflon®. La peau délimite ainsi deux du sodium comme source de courant électrique dans
compartiments : un compartiment donneur (ou épider- un circuit isolé de peau de grenouille. Actuellement,
mique) et un compartiment receveur (ou dermique). La ce modèle est utilisé pour l'étude d'absorption intes-
face dermique de la peau est en contact avec un liquide tinale. À l'issue du prélèvement d'un fragment de tissu
thermostaté qui hydrate et assure le maintien de l'intégrité intestinal, ce dernier est placé entre deux comparti-
physiologique de l'explant cutané. La substance à étudier ments à partir desquels on peut mesurer la diffusion
est déposée sur la face supérieure épidermique de la mem- d'une molécule d'intérêt pharmacologique. Les deux
brane. La substance qui diffuse à travers la peau pendant extrémités du fragment tissulaire plongent chacune
la durée de l'expérimentation est dosée dans le comparti- dans des solutions osmotiques maintenues à 37 °C.
ment receveur. La viabilité du tissu est observée grâce à deux paires
d'électrodes dans chaque compartiment afin de mesu-
rer la résistivité de la préparation (figure 2.12). Cette
Le modèle de sac intestinal retourné technique présente l'avantage de permettre l'étude
Cette technique a été mise au point par Wilson et des différences d'absorption en fonction des différents
Wiseman en 1954, sur des rats et des hamsters, pour segments intestinaux, mais également d'identifier les
l'étude du transport de sucres et d'acides aminés de la effets de certains composés sur les paramètres électro-
muqueuse à la surface de la séreuse. L'intestin est prélevé physiologies de la barrière intestinale. Cette technique
de l'animal et est retourné sous forme de sac, la région nécessite une faible quantité de principe actif mais
étudiée est plongée dans un soluté physiologique salin malheureusement, des modifications morphologiques
contenant la molécule à étudier. Dans un premier temps, et fonctionnelles du prélèvement intestinal peuvent
le fragment intestinal est retourné, ce qui permet d'éva- être rencontrées au cours de l'expérience.
Accepteur
Figure 2.11
Représentation schématique du modèle PAMPA et calcul de la perméabilité effective
19
I. Devenir du médicament dans l’organisme : les approches pharmacocinétiques
Compartiment Compartiment
muqueux séreux Site de cannulation
2 4
Sortie de la
drogue
1 Iléon
Figure 2.12
Représentation schématique du modèle expérimental de chambre
de Ussing
1. Interface métal-liquide ou liquide-liquide selon les électrodes de
travail ; 2. interface liquide-liquide pour les électrodes de mesure ; 3.
interface gaz-liquide pour le bullage de carbogène ; 4. interface tissu lisé pour les études d'absorption est le rat, qui reflète bien
biologique-solution. la physiologie humaine. Le principe de ces études consiste
à administrer des doses de principe actif à des animaux
par voie orale, intraveineuse ou d'autres voies d'intérêt.
Les méthodes in vivo Le principal avantage de la technique est de pouvoir éva-
Le modèle d'intestin perfusé luer en conditions « réelles » les mécanismes d'absorption
de principes actifs. Cependant, sur des modèles intégrés,
Cette méthode expérimentale consiste à injecter un com- il est beaucoup plus difficile de discriminer l'implication
posé par perfusion dans un segment intestinal. Cette tech- de tel ou tel intermédiaire impliqué dans ce processus
nique permet l'étude du transport et du métabolisme physiologique.
intestinal, l'étude de perméabilité et la cinétique de nou- Comme l'ensemble des études réalisées sur l'animal, ce
velles molécules. Les études ne peuvent être envisagées que modèle présente un inconvénient économique et éthique
sur des modèles animaux anesthésiés à qui des solutions puisqu'en effet, il impose de travailler sur un nombre
de concentrations connues en principe actif seront admi- suffisant d'animaux de manière à obtenir des résultats signi-
nistrées dans un segment intestinal cathétérisé en boucle ficatifs. Toutefois, la réglementation relative à l'expérimenta-
ouverte ou fermée (figure 2.13). tion animale impose de prouver que d'autres études in vitro
ont permis d'apporter des conclusions insuffisantes et que
Le modèle sur rat entier seule l'analyse sur animaux entiers permettra d'apporter
Les études in vivo doivent être réalisées sur deux espèces des données complémentaires indispensables ; il convient
animales différentes incluant un rongeur et un non ron- également de limiter le nombre d'animaux inclus dans le
geur (chat, chien, mini-porc…). Le modèle de rongeur uti- protocole expérimental.
20
2. La phase d'absorption des médicaments
ENTRAÎNEMENT 2 QCM
QCM 1 C Après administration d'un suppositoire, l'absorption du
La diffusion d'un médicament dans l'organisme : principe actif est très lente.
A Est possible par transport passif pour une molécule totale- D La voie rectale ne peut pas être utilisée pour l'administra-
ment sous forme ionisée. tion de composés au goût amer.
B Est dite «facilitée» si un transporteur est nécessaire sans
QCM 4
apport d'énergie.
L'administration d'un médicament par voie orale :
C Est influencée par ses caractéristiques physico-
A Est la voie de référence en pharmacocinétique.
chimiques.
B Permet de connaître exactement la dose absorbée.
D Est un processus qui peut être mis en évidence sur les
C Peut être une cause de mauvaise observance.
courbes concentration = f(temps).
D Permet d'éviter un effet de premier passage hépatique.
QCM 2 E Est réservée aux formes à libération prolongée.
Une absorption rapide d'un principe actif est obtenue par une
QCM 5
administration par :
L'intérêt de l'administration d'un médicament par voie per-
A La voie sublinguale.
linguale est :
B La voie auriculaire.
A D'obtenir une absorption lente et progressive.
C La voie orale.
B D'obtenir une absorption rapide.
D La voie pulmonaire.
C D'éviter une inactivation par les enzymes digestives.
QCM 3 D D'éviter le métabolisme de premier passage hépatique.
Parmi les propositions suivantes relatives à la voie rectale, indi- E De diminuer la liaison aux protéines plasmatiques.
quer celle(s) qui est (sont) exacte(s) :
A La voie rectale permet un effet général ou local.
B La voie rectale évite en partie le passage hépatique.
21
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QCM 6 A La dialyse à l'équilibre est la méthode de référence de
Parmi les propositions suivantes, indiquez la (les) caractéristique(s) l'absorption.
du principe actif qui influence(nt) l'absorption du principe actif : B Le modèle de cellules Caco-2 permet d'évaluer la perméa-
A Le log P. bilité bidirectionnelle.
B Le pKa. C Le modèle PAMPA est largement utilisé en raison de son
C La masse molaire. rendement important.
D Le type de sel. D La chambre de Ussing évalue le transport passif des molé-
E Le point de fusion. cules étudiées.
E Le modèle PAMPA évalue uniquement la perméabilité
QCM 7
active.
L'effet de premier passage hépatique :
A Concerne tous les médicaments après administration QCM 10
orale. Parmi les propositions suivantes, indiquer celle(s) qui est
B Augmente la biodisponibilité de la molécule mère. (sont) exacte(s) :
C Augmente la production de métabolites. A Le modèle d'intestin perfusé ne permet ni l'étude du trans-
D Allonge la demi-vie d'élimination du médicament. port ni l'étude du métabolisme intestinal.
B L'analyse de l'absorption à partir du modèle de la chambre
QCM 8
de Ussing présente l'avantage de nécessiter une faible quantité
La P-glycoprotéine ou Pgp 170 :
de principe actif.
A Est impliquée dans la glucuroconjugaison.
C Bien que le modèle de sac intestinal retourné permette
B Est une protéine membranaire.
l'analyse de l'absorption bidirectionnelle, il présente des limites
C Expulse hors de la cellule les médicaments qui y ont
puisqu'il n'est pas innervé ni vascularisé.
pénétré.
D Le modèle de la chambre de Ussing implique de tra-
D Favorise l'entrée du médicament en inhibant les
vailler à partir de solutions osmotiques sans conditions de
cytochromes.
température.
QCM 9 E Le modèle d'explant cutané est peu utilisé pour la quantifi-
Parmi les affirmations suivantes relatives aux études précli- cation de l'absorption percutanée des xénobiotiques.
niques de l'absorption, la(les)quelle(s) est (sont) exactes ?
ENTRAÎNEMENT 2
QCM 6 QCM 9
A Le log P. B Le modèle de cellules Caco-2 permet d'évaluer la perméa-
B Le pKa. bilité bidirectionnelle.
C La masse molaire. C Le modèle PAMPA est largement utilisé en raison de son
D Le type de sel. rendement important.
QCM 7 QCM 10
C Augmente la production de métabolites. A Le modèle d'intestin perfusé...
D Allonge la demi-vie d'élimination du médicament. B L'analyse de l'absorption à partir du modèle de la chambre
de Ussing présente l'avantage de nécessiter une faible quantité
QCM 8
de principe actif.
B Est une protéine membranaire.
C Bien que le modèle de sac intestinal retourné permette
C Expulse hors de la cellule les médicaments qui y ont
l'analyse de l'absorption bidirectionnelle, il présente des limites
pénétré.
puisqu'il n'est pas innervé ni vascularisé.
Chapitre 3
La phase de distribution
des médicaments
PLAN DU CHAPITRE
Distribution dans les compartiments sanguins 24
Diffusion tissulaire 25
Passage de barrières biologiques spécifiques 26
Modèles expérimentaux d'étude
de la distribution 27
Tableau 3.1. La fixation des médicaments sur les protéines médicamenteuses avec déplacement du médicament
plasmatiques possédant la plus faible affinité. Cela sera ainsi en cas d'as-
Type de fixation Type 1 Type 2 sociation d'anti-inflammatoires non stéroïdiens avec des
anticoagulants oraux de type antivitamine K (fluindione
Nature du principe Acide faible Acide faible
ou warfarine), majorant ainsi leur risque hémorragique.
actif
On peut également citer l'association de sulfamides anti-
Protéine fixatrice Albumine Albumine + bactériens à un sulfamide hypoglycémiant utilisé dans
α1-glycoprotéine le traitement du diabète de type II, renforçant le risque
Affinité Forte Faible d'hypoglycémie. C'est pourquoi ce type d'interaction
Nombre de sites Faible (< 4) Élevé (> 30) sera contre-indiqué.
Saturation Oui Non Les interactions présentent une pertinence clinique
seulement si le processus d'élimination du médicament
Compétition Oui Non
déplacé est également altéré (par le médicament inter-
Risque de Possible Peu probable fèrent lui-même ou par une altération physiologique ou
déplacement pathologique).
Les médicaments peuvent également entrer en compé-
tition pour les sites de fixation protéique avec des consti-
La force de la fixation varie selon l'affinité entre molécule tuants de l'organisme comme c'est le cas pour les sulfa-
et protéine (Ka). mides et la bilirubine, conduisant à une augmentation de la
La capacité de fixation d'une protéine dépend : concentration en bilirubine pouvant générer un ictère chez
tdu nombre de sites (n) disponibles par mole de protéine ; le nouveau-né.
tde la concentration molaire en protéine.
Les conséquences pharmacologiques Diffusion tissulaire
de la fixation protéique
En dehors du compartiment sanguin, différents tissus
taugmentation de la solubilité du médicament permet- peuvent recevoir des molécules de principe actif : d'une
tant un meilleur transfert membranaire ; part les sites d'actions permettant l'action du médica-
tblocage provisoire de l'effet du médicament pouvant ment, d'autre part différents organes de stockage et/ou de
nécessiter l'administration une dose de charge pour satu- biotransformation.
rer les sites protéiques puis de doses d'entretien nécessaires
pour assurer une concentration de forme libre suffisante
pour l'effet thérapeutique ; Les sites d'action spécifiques
tdiffusion tissulaire retardée et plus lente (sauf si l'affinité Selon les cas, les sites protéiques sur lesquels les molécules
tissulaire est supérieure) ; médicamenteuses se fixent sont de nature très variable :
taction prolongée, avec un détachement progressif du récepteurs pharmacologiques membranaires ou intracellu-
médicament fixé dans la mesure où la fraction libre active laires plus ou moins spécifiques d'un tissu ou d'un organe,
est en équilibre avec celle liée (sauf si l'affinité pour l'organe enzymes, éléments de transfert des ions tels que des canaux,
d'élimination est supérieure). transporteurs ou pompes…
Ces sites peuvent être mis en évidence par
L'intérêt en pratique autoradiographie.
tLes variations de concentrations des protéines plasma-
tiques doivent être prises en compte pour les médicaments Les tissus de stockage
fortement fixés aux protéines plasmatiques, qu'elles soient
et de biotransformation
physiologiques (grossesse) ou pathologiques (syndrome
néphrotique). Le principal organe responsable du stockage est le tissu
tL'association de médicaments fortement fixés aux adipeux, représentant environ 20 % du poids corporel alors
protéines plasmatiques entraîne une compétition pour que les biotransformations sont principalement assurées
les sites de fixation, générant un risque d'interactions par le foie ou les reins.
25
I. Devenir du médicament dans l’organisme : les approches pharmacocinétiques
l'homme alors que chez la femme, la graisse blanche est Figure 3.1
plus abondante au niveau des glandes mammaires, de la Barrières biologiques entre le sang et le cerveau
taille, et de la région épitrochantérienne.
La graisse brune, peu abondante, est quant à elle prin-
cipalement retrouvée chez le fœtus et le nourrisson. De thématoencéphalique (BHE) entre sang et parenchyme
morphologie différente, elle permet de lutter contre le froid cérébral ;
grâce au rôle particulier des mitochondries (libération de thémoliquidienne entre sang et liquide céphalorachidien
chaleur au lieu d'ATP). (LCR) ;
Les adipocytes possèdent essentiellement un rôle méta- tentre LCR et tissu cérébral.
bolique des lipides, en particulier des triglycérides (triester La BHE est constituée de deux couches cellulaires, l'une
de glycérol par des acides gras). de cellules endothéliales et l'autre d'une membrane basale,
Ce seront principalement les substances lipophiles qui rendant sa traversée plus sélective. Outre les propriétés
seront stockées au niveau du tissu adipeux du fait de la pré- de la molécule elle-même (taille, lipophilie…), d'autres
sence d'une imposante gouttelette lipidique au niveau des facteurs peuvent influencer la pénétration de la BHE
adipocytes. comme l'âge (la barrière étant immature donc plus per-
méable chez le nouveau-né et pouvant être altérée chez
la personne âgée) ou en présence de maladies comme les
Le mécanisme méningites.
Ainsi, seront distingués les médicaments à action péri-
La fixation tissulaire des médicaments fait appel à diffé- phérique, ne traversant pas la BHE (dopamine) de ceux
rents mécanismes, en particulier la diffusion passive ou le à action centrale (L-DOPA, benzodiazépines, antalgiques
transport actif (par exemple, la sérotonine au niveau des morphiniques).
plaquettes sanguines). Au niveau des phanères (poils, che-
veux, ongles), certains médicaments pourront se fixer par
des groupements thiols, comme cela est le cas avec les déri-
À noter
vés arséniés.
Le centre nerveux du vomissement est contrôlé
par une zone gâchette appelée Chemoreceptor
Passage de barrières Trigger Zone (CTZ) située dans la boîte crânienne
mais à l'extérieur de la BHE (figure 3.2). C'est ainsi
biologiques spécifiques que certains antinauséeux antagonistes dopa-
minergiques ne traversent pas la BHE tels la
Certains tissus et organes sont plus isolés que d'autres, de
métopimazine (Vogalène®) ou la dompéridone
manière à les protéger mais rendant l'accès des médica-
(Motilium®) ; ils exercent leur effet thérapeutique
ments plus difficile. C'est par exemple le cas du cerveau
au niveau périphérique (estomac, CTZ), alors
entouré d'une barrière hématoencéphalique (BHE) et celui
que d'autres, capables de passer la BHE, comme
du fœtus enveloppé par la barrière placentaire.
le métoclopramide (Primpéran®) posséderont en
plus une action centrale. C'est pourquoi ce dernier
La barrière hématoencéphalique (BHE) médicament sera contre-indiqué chez le patient
parkinsonien présentant un déficit cérébral en
Trois barrières sont retrouvées au niveau du cerveau dopamine ou en cas d'association avec des médi-
(figure 3.1) : caments dépresseurs du système nerveux central.
26
3. La phase de distribution des médicaments
Cortex
cérébral
Cette méthode utilise une cuve de dialyse constituée
de deux compartiments (A et B) séparés par une mem-
Centre du vomissement
(noyau du faisceau solitaire) brane semi-perméable. Au début de l'expérimentation
Chemoreceptor trigger zone
(area postrema) (t0), le compartiment A contient les protéines de liaison,
(M1, α2, 5HT3, D2, H1, H2, NK1, mu)
le principe actif d'intérêt et les complexes médicament
— protéines de liaison formés. À l'équilibre, les molécules
Voies afférentes n'ayant pas formé de liaison avec les protéines de liaison
du nerf X
vont diffuser dans le compartiment B, les complexes pro-
Efférences téines — médicaments resteront dans le compartiment
parasympathiques
A. Un dosage du médicament sous forme libre (dans le
compartiment B) permettra, en connaissant la quantité
initialement ajoutée, de connaître les proportions de
Sérotonine
principe actif libre et lié aux protéines plasmatiques
Substance P
Dopamine
(figure 3.3).
Acétylcholine
L'ultrafiltration
Le principe de cette méthode expérimentale est très
proche de celui décrit pour la dialyse à l'équilibre. Dans
une cuve d'ultracentrifugation, deux compartiments sont
séparés l'un de l'autre par une membrane perméable. À t0,
dans le compartiment A, sont ajoutés le principe actif et
Figure 3.2 les protéines de liaison. À l'équilibre, et après ultracentri-
Le mécanisme du vomissement (CTZ) fugation, le principe actif sous forme libre diffusera dans
le compartiment B (à partir duquel un dosage de prin-
cipe actif sera réalisé), tandis que dans le compartiment
A, seuls les complexes protéines-médicament seront pré-
La barrière placentaire sents. Ainsi, pourra être déterminé le pourcentage de liai-
son aux protéines plasmatiques d'une molécule donnée
La barrière placentaire se comporte globalement comme
(figure 3.4).
la BHE avec des capillaires plus perméables. Ainsi, des
substances très lipophiles comme les analgésiques la tra-
verseront facilement ; c'est pourquoi leur usage devra Le modèle expérimental de barrière
être évité ou contre-indiqué au cours de la grossesse. Cela hématoencéphalique (BHE)
s'applique en particulier aux médicaments tératogènes ou
Compte tenu de l'importance et de la complexité de la BHE
fœtotoxiques.
dans le maintien de l'homéostasie cérébrale, la compréhen-
sion de son rôle dans la distribution de principes actifs est
indispensable.
Modèles expérimentaux Le principal modèle in vitro de BHE est la culture de
cellules sur filtre mise au point par Bowman au début des
d'étude de la distribution années 1980. Les cellules endothéliales ayant la particu-
larité d'être polarisée, le modèle de Bowman permet de
Les modèles in vitro délimiter deux compartiments : le compartiment lumi-
nal au niveau du filtre et le compartiment basal dans le
La dialyse à l'équilibre puits sous-jacent. Les cellules endothéliales seront culti-
Cette technique expérimentale présente un double intérêt : vées sur le filtre faisant partie intégrante de l'insert alors
elle permet d'évaluer à la fois les capacités de diffusion d'un que les cellules neuronales seront cultivées dans le fond
principe actif à travers une membrane, mais également de du puits dans lequel est plongé l'insert (figure 3.5A).
connaître la proportion de principe actif lié aux protéines Ce modèle statique a été amélioré sous la forme d'un
plasmatiques. modèle dynamique dans lequel un flux de milieu de
27
I. Devenir du médicament dans l’organisme : les approches pharmacocinétiques
Pôle luminal
Les modèles in vivo
1
Pôle neuronal La méthode non invasive : la tomographie
2 par émission de positons
A Cette méthode correspond à une technique d'image-
rie fonctionnelle non invasive pouvant être réalisée aussi
2
Flux bien chez l'homme (TEP-scan) que chez l'animal (micro-
1 Pôle luminal TEP-scan). Elle implique l'injection d'un radionucléide émet-
Pôle neuronal tant des positons ou d'une molécule test marquée avec un
isotope émettant des positons. Différents marqueurs pour-
ront ainsi être utilisés : oxygène 15O pour l'imagerie céré-
Pompe brale utilisant du CO2 ou de l'eau, fluor 18F ou carbone 11C
pour le marquage d'analogues du glucose ou d'acides ami-
nés dans le cas d'imagerie métabolique…
B Suite à l'injection du traceur, l'animal (ou l'homme) est
Figure 3.5 placé dans le TEP-scan qui va détecter les photons permet-
Les principaux modèles expérimentaux de barrière tant d'apprécier la distribution du traceur en temps réel.
hématoencéphalique Cette méthode est considérée comme très puissante pour
A. Modèle statique ; B. modèle dynamique.
1. Monocouche de cellules endothéliales ; 2. cellules neuronales. obtenir de nombreuses informations rapides, reproduc-
Source : Weiss N, Miller F, Cazaubon S, Couraud P-O. The blood-brain barrier in brain tibles et sensibles. Toutefois, son usage reste limité en raison
homeostasis and neurological diseuses, Biochimica et Biophysica Acta (BBA) –
Biomembranes 2009 ; 1788 : 842-57. de la demi-vie courte des éléments utilisés et de son coût
28
3. La phase de distribution des médicaments
très important. Un autre inconvénient de cette méthode La méthode invasive : l'analyse du tissu
est qu'elle ne permet pas de distinguer la molécule mère de entier
ses métabolites.
La détermination des taux tissulaires de médicaments par
La méthode non invasive : l'imagerie analyse de tissu entier est couramment utilisée en pharma-
cocinétique. Cette technique, lourde à mettre en œuvre,
par résonance magnétique (IRM) ne permet qu'une détermination de la quantité totale de
L'IRM est une technique expérimentale de très grande pré- médicament sans distinguer la fraction libre de la fraction
cision qui n'implique pas d'irradiation, mais s'appuie sur le liée du médicament. De plus, comme l'autoradiographie,
principe de la résonance magnétique nucléaire. Elle se base elle ne permet pas la répétition des prélèvements et néces-
sur la RMN des protons de l'eau contenue dans l'organisme, site un nombre élevé d'animaux pour établir le profil ciné-
c'est-à-dire de la réponse des noyaux d'hydrogène de l'eau tique d'un principe actif.
soumis à un champ magnétique extérieur et une excitation
électromagnétique. Cette méthode utilise les propriétés La méthode invasive : la microdialyse
intrinsèques des tissus mais nécessite tout de même l'uti-
lisation d'agents de contraste qui permettent d'augmenter La microdialyse, mise au point durant les années 1990,
l'intensité des signaux. Toutefois, cette technique est de est une technique largement utilisée afin d'évaluer la
faible sensibilité, lourde et coûteuse, ce qui en limite son distribution cérébrale de principes actifs. Elle nécessite
utilisation. l'implantation d'une sonde dans le parenchyme cérébral
d'un animal. Cette sonde dispose d'une membrane semi-
perméable et est irriguée par un perfusat physiologique.
La méthode invasive : l'autoradiographie Ce dispositif permet, suite à l'administration d'un com-
Il s'agit d'une technique courante pour le suivi de la dis- posé par voie intraveineuse, d'étudier la quantité de ce
tribution tissulaire des médicaments chez l'animal. Des composé distribué dans le parenchyme cérébral après dif-
coupes de tissus sont réalisées après injection d'un isotope fusion à travers la membrane de la sonde. La quantité de
radioactif du médicament puis placées au contact de films la molécule d'intérêt pourra être dosée par une technique
sensibles aux rayons X analysés par microdensitométrie. analytique adaptée. Cette méthode, à l'inverse des précé-
Cette technique permet de mesurer la radioactivité liée dentes, limite le nombre d'expérimentations et d'animaux
au marquage de la molécule dans des régions tissulaires nécessaires mais impose une grande rigueur dans la loca-
présentant peu de cellules, mais elle ne permet pas de dif- lisation et la pose de la sonde afin d'éviter les variabilités
férencier la molécule mère de ses éventuels métabolites. des résultats.
29
I. Devenir du médicament dans l’organisme : les approches pharmacocinétiques
ENTRAÎNEMENT 3 QCM
QCM 1 D Contrôlée par le pharmacien.
La phase de distribution d'un médicament dans l'organisme E Un processus qui peut être mis en évidence sur les courbes
est : concentration/temps.
A Un processus de stockage irréversible. QCM 4
B Modulée par la liaison aux protéines plasmatiques. Le volume de distribution d'une substance :
C Observée seulement pour quelques médicaments. A Représente un volume physiologique.
D Contrôlée par le pharmacien. B Peut être inférieur à 3 litres chez l'adulte.
C Est souvent supérieur au volume d'eau corporelle.
QCM 2
D Est d'autant plus important que la fixation tissulaire est
La diminution de la liaison d'un médicament aux protéines
élevée.
plasmatiques :
A Favorise sa distribution dans les tissus de l'organisme. QCM 5
B Diminue son volume apparent de distribution. Parmi les affirmations suivantes relatives aux études précli-
C Favorise son élimination rénale par filtration glomérulaire. niques de la distribution, la(les)quelle(s) est (sont) exacte(s) ?
D Ne modifie pas son élimination rénale par sécrétion tubu- A La méthode expérimentale de barrière hématoencé-
laire active. phalique permet l'étude de transporteurs spécifiques
E Est favorisée par l'utilisation d'un autre médicament forte- polarisés.
ment lié aux mêmes sites. B L'imagerie par résonance magnétique est une technique
QCM 3 lourde et coûteu.
La distribution d'un médicament dans l'organisme est : C La microdialyse est une technique de diffusion active des
A Un processus irréversible. molécules au travers d'une membrane semi-perméable.
B Modulée par la liaison aux protéines plasmatiques. D La dialyse à l'équilibre et l'ultracentrifugation sont des tech-
C Observée seulement pour quelques médicaments. niques basées sur les propriétés de liaison aux protéines.
E L'autoradiographie est une technique très peu sensible.
30
Chapitre 4
La phase de métabolisme
des médicaments
PLAN DU CHAPITRE
Généralités 32
Réactions de fonctionnalisation
ou de phase I 33
Réactions de conjugaison ou de phase II 36
Multiplicité des métabolismes 37
Associations médicamenteuses
et le métabolisme 38
Modèles expérimentaux d'étude
du métabolisme 39
Aorte
Artère
Organes
Si cette phase ne concerne pas tous les médicaments, elle Veine porte
digestifs mésenténque sup
Généralités
Le foie est considéré comme l'organe épurateur de premier
passage par excellence. Placé entre le tube digestif et le reste Canalicule biliaire
de l'organisme, il joue un rôle de douane pour «contrôler»
SANG Artère hépatique
lors de leur premier passage toutes les molécules absorbées
afin d'éviter qu'elles ne gagnent la circulation générale. Cela Veine porte
ou de phase I O2
Catalase
NAD H2O2
MEOS
ADH
repas NADPH
NADH
NADP
Les métabolismes de phase I rassemblent les principales Acétaldéhyde
réactions chimiques classiques.
ADH
– hépatique/gastrique
– contrôlée
La réaction d'oxydation par le NADH
Acétate
tiques, en particulier :
• l'alcool déshydrogénase (ADH) pour les molécules pré- Krebs
P-450
M-H
P-450 –
• quatre familles : de 1 à 4 ;
Fe3+ Fe3+
M
NADP+ • six sous-familles : de A à F ;
MOH
Flavoprotéine
réduite • 20 groupes ou isoenzymes : de 1 à 20 ;
+H2O CYP-P450-réductase
• variants alléliques = * suivi d'un numéro (éventuellement
d'une lettre capitale). Par exemple : CYP 2D6*4.
P-450
O2
Flavoprotéine
Les cytochromes les plus impliqués dans le métabo-
P-450 NADPH+
Fe3+ Fe2+ – M
oxydée lisme des xénobiotiques sont : 1A2, 2C9, 2C19 2D6 et 3A4
électron P450 : cytochrome P450 (tableau 4.1).
O2-
2
M-H : Médicament
Figure 4.6
À noter
Les mécanismes d'oxydation par les microsomes hépatiques
Figure 4.9
BENORILATE
La décarboxylation
COOH
OH (AS)
menter l'hydrosolubilité du médicament. Elles nécessitent
l'apport d'énergie sous forme d'ATP.
COOH 10 % 75 % CONHCH2COOH
OGluc OH
5% <1 %
Les différents types de conjugaison
(ASU)
COOGluc COOH La glucuroconjugaison
OH OH
La conjugaison par l'acide UDP-α-glucuronique est réali-
(AG) sée par des glucuronyltransférases présentes au niveau des
HO
microsomes du réticulum (tableau 4.2).
Figure 4.7 Différentes fonctions peuvent subir une glucuroconju-
Métabolisme de l'acide acétylsalicylique (AAS) gaison : RCOOH, ROH, RNH2, RSH. Ainsi, un médicament
AS : acide salicylique ; ASU : acide salicylurique ; AG : acide
gentistique. alcool ou phénol sera métabolisé en éther, un acide alipha-
tique ou aromatique en ester.
O
C2H5 COOH Un polymorphisme est retrouvé pour les glucuronyltransfé-
C CH2-CH2-N
C2H5
hydrolyse
HO CH2-CH2-N
C2H5
rases. En cas de déficit en cet enzyme, un risque de toxicité peut
procaïne
C2H5 apparaître avec certains médicaments comme l'irinotécan.
+ H2O diéthylamino éthanol
NH2
NH2 acide p-aminobenzoïque
La sulfoconjugaison
Figure 4.8
La sulfoconjugaison est effectuée par des sulfotransférases
Exemples de biotransformation subies par la procaïne : phase I
cytosoliques par l'intermédiaire d'acide 3'phosphadéno-
sine-5'phosphosulfate. À partir d'alcool ou de phénol, sont
• parfois les réactions d'hydrolyse sont recherchées car obtenus des esters sulfoconjugués.
indispensables à l'activité du médicament comme c'est le
cas avec les prodrogues lorsqu'on veut :
L'acétylation
– augmenter la lipophilie et donc l'absorption orale (ex. :
propacétamol, pivampicilline, érythromycine propionate) ; Des N-acétyltransférases cytosoliques permettent, avec
– augmenter l'hydrophilie pour améliorer la solubilité l'acétyl coA, d'acétyler certains médicaments comme l'iso-
pour voie IV (ex. : chloramphénicol succinate). niazide, l'acébutolol ou le dapsone. Cependant, les méta-
bolites ainsi formés sont plus liposolubles que le substrat
initial, voire parfois insolubles. Là encore, des polymor-
La réaction de décarboxylation phismes existent, notamment au niveau des types raciaux
La décarboxylation (figure 4.9) consiste à retirer un groupe- des individus ce qui n'est pas sans poser des problèmes
ment CO2 d'une molécule. pour certains médicaments. Ainsi, pour l'isonaizide, on
R-COOH Ò RH + CO2 (exemple : L-dopa Ò dopamine dénombre 50 % de métaboliseurs lents et 50 % de rapides
active). parmi la population américaine, 30 % de rapides et 70 %
de lents en Europe du Nord et 90 % de rapide contre
seulement 10 % de lents chez les patients asiatiques.
Réactions de conjugaison
La conjugaison avec des acides aminés
ou de phase II
Des transférases permettent de greffer des acides aminés
Les réactions de phase II consistent en des conjugaisons de tels que la glycine, la glutamine, l'arginine ou la taurine sur
composants endogènes suffisamment polaires pour aug- des acides aromatiques.
36
4. La phase de métabolisme des médicaments
N-transméthylation
Ces réactions, catalysées par des enzymes comme la PROPACETAMOL
cathéchol-oxy-méthyl-transférase (COMT) permettent CH3CONH OOCCH2N(C2H5)2 BENORILATE
par exemple de former de la normétanéphrine à partir de
noradrénaline.
CH3CONH OH
(figure 4.11) ; SCysAc
acide acyl-coA
OH OH
transcyclase
CoA-SH + R-CONH-CH2-COOH C O COOH
OH
COOH acétylation C O
NH
H2C glutamine glycine
NH2 CH-COOH conjugaison NH2 conjugaison NH
Acide aminé
(CH2)2 CH2
Figure 4.12
Formation d'un nucléotide du produit de dégradation C O PAS
COOH
OH
NH2 NH2 ester
NH2
COOH éther
L'antidote, la N-acétylcystéine, permet de compenser cette
OH
déplétion. Dérivés glucuroniques
O C glucuronide glucuronide
D'autres médicaments comme l'acide para-aminosalicylique COOH
35
38
4. La phase de métabolisme des médicaments
Chlordiazépoxide Médazépam
LIBRIUM® NOBRIUM®
Lorazépam
Glucuroconjugaison
TEMESTA®
Elimination urinaire
Figure 4.14
Multiplicité du métabolisme des benzodiazépines
CENTRIFUGATIONS
DIFFÉRENTIELLES
ciation avec ces médicaments, il sera parfois nécessaire 1 300 g Surnageant
La fraction cytosolique lisés et très faciles d'emploi. Cependant, ils sont très sen-
sibles aux conditions expérimentales et à l'environnement
La fraction cytosolique correspond au surnageant obtenu
dans lequel ils sont exprimés, justifiant la mise en place
après sédimentation des microsomes par ultracentrifuga-
de méthodes d'extrapolation pour permettre une analyse
tion à 100 000 g : on parle de fraction S100. Cette dernière
reproductible des résultats obtenus avec ces différents
est riche en enzymes solubles de phase II et en particulier
modèles.
les N-acétyltransférases, glutathion-S-transférases et sul-
La mise en évidence des propriétés inductrices ou inhi-
fotransférases, activées en présence de différents cofac-
bitrices d'un médicament pourra être envisagée à partir de
teurs. Cette préparation présente l'avantage de disposer
ce modèle (ou des modèles issus du broyage hépatique)
des enzymes solubles de phase II à des concentrations
en présence d'inhibiteurs ou d'inducteurs enzymatiques de
importantes et de pouvoir discriminer le rôle de chacune
référence.
de ces enzymes dans les étapes de biotransformation de
principe actif.
Modèle ex vivo
Les cellules en culture
Différents modèles cellulaires peuvent être utilisés pour Le modèle de foie perfusé isolé
évaluer le métabolisme de molécules médicamenteuses. Après anesthésie des animaux, le foie est préparé pour
On distingue les cultures primaires d'hépatocytes obte- la perfusion par cathétérisme du canal cholédoque et
nus après perfusion à la collagénase de foie entier d'ori- de la veine porte. La perfusion, par un soluté physio-
gine animal. La culture primaire d'hépatocytes reste logique tamponné, est réalisée par la veine porte dans
le meilleur modèle d'étude du métabolisme puisqu'il une enceinte thermostatée à 37 °C. La mesure des débits
permet d'évaluer la clairance intrinsèque et les éven- portal et biliaire et la libération d'enzymes cytolytiques
tuelles interactions médicamenteuses. Les hépatocytes dans le milieu de perfusion permettent d'apprécier la
isolés contiennent toutes les enzymes de phase I et de viabilité hépatique. Les échanges hépatiques de subs-
phase II, assurant une étude globale du métabolisme trats et la production de différents métabolites sont
d'un médicament. évalués à différents temps suivant la (les) molécule(s)
En parallèle, des modèles de lignées cellulaires hépatiques d'intérêt.
peuvent être utilisés (HepG2, BC2…). Ces cellules ont
l'avantage de se cultiver facilement et disposent d'un maté-
riel enzymatique relativement stable bien que ce dernier Modèle in vivo
puisse être modifié suivant les conditions de culture. Un
L'étude du métabolisme pourra être évaluée à partir
modèle de cellules a été isolé au début des années 2000 :
de modèles animaux sur deux espèces différentes dont
le modèle HepaRG dont le phénotype est très proche de
une est un rongeur, l'autre espèce étant un chien ou
celui des hépatocytes. Ces cellules expriment les enzymes
un mini-porc. Ces animaux seront traités, seront les
du métabolisme en quantité voisine des hépatocytes
règles d'éthique relatives à l'expérimentation animale,
physiologiques.
par la (les) molécule(s) d'intérêt pharmacologique et
un dosage du principe actif et de ces éventuels méta-
Le modèle d'enzymes recombinantes bolites sera réalisé. Le calcul du rapport entre le taux
Les enzymes recombinantes sont obtenues par des de molécule mère et de métabolites permettra d'éva-
méthodes de préparation des microsomes à partir de dif- luer l'indice de métabolisation. Bien que ce modèle
férents systèmes d'expression transfectés : des bactéries permette d'appréhender le métabolisme du principe
(Escherichia coli), des levures (Saccharomyces cerevisiae), actif sur un animal entier, il ne permet pas de discri-
de cellules d'insectes ou de mammifères. Ces systèmes per- miner précisément la voie métabolique impliquée (et
mettent l'expression d'une seule enzyme et donc, de suivre donc la nature de l'enzyme mobilisée). Les études sur
le rôle de cette dernière dans le métabolisme des principes des modèles in vivo sont donc à réaliser en complément
actifs. Ces modèles sont très avantageux car commercia- d'autres études in vitro ou ex vivo.
40
4. La phase de métabolisme des médicaments
ENTRAÎNEMENT 4 QCM
QCM 1 D Une inhibition du catabolisme de certains autres
Pour tous les médicaments, l'étape du métabolisme : médicaments.
A Met en jeu les cytochromes P450. E Une augmentation de son élimination rénale.
B Correspond à un mécanisme de fonctionnalisation.
QCM 4
C Est indépendante du capital génétique de l'individu.
Le métabolisme d'un médicament :
D Favorise leur élimination.
A Met en jeu des réactions de phase III.
E Implique le glutathion.
B Est étudié chez l'homme par des études de phase II.
QCM 2 C Fait appel à des réactions de phase I et/ou de phase II.
La P-glycoprotéine ou PGP : D Conduit à la formation de produits lipophiles.
A Est impliquée dans la glucuroconjugaison.
QCM 5
B Est une protéine membranaire.
Parmi les affirmations suivantes relatives aux études précli-
C Expulse hors de la cellule les médicaments qui y ont
niques du métabolisme, la(les)quelle(s) est(sont) exacte(s) ?
pénétré.
A Les microsomes sont simples d'utilisation mais non adap-
D Favorise l'entrée du médicament en inhibant les
tés à la mise en évidence de la clairance métabolique.
cytochromes.
B La fraction S9, issue des centrifugations différentielles,
E Utilise l'énergie libérée par l'hydrolyse de l'ATP.
contient exclusivement les enzymes cytosoliques.
QCM 3 C Le foie perfusé isolé est une méthode d'étude ex vivo assu-
L'effet auto-inducteur enzymatique d'un médicament rant la conservation de l'architecture hépatique.
entraîne : D La fraction S9 présente une activité enzymatique supé-
A Une accélération de son catabolisme. rieure à celle des microsomes.
B Une augmentation de sa demi-vie plasmatique. E À partir de microsomes, l'utilisation de cofacteurs spéci-
C Une diminution de sa demi-vie plasmatique. fiques permet de sélectionner l'enzyme à étudier.
41
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Chapitre 5
La phase d'excrétion
des médicaments
PLAN DU CHAPITRE
Excrétion rénale 44
Excrétion digestive 46
Autres voies d'excrétion 46
Modèles expérimentaux d'étude de l'excrétion 46
46
5. La phase d'excrétion des médicaments
Modèles ex vivo
Modèle in vivo
Rein isolé
Comme pour les autres phases, les tests doivent être réali-
L'objectif de cette approche est d'évaluer les fonctions phy- sés sur deux espèces animales différentes dont les rongeurs.
siologiques d'un rein, prélevé sur animaux anesthésiés et Ces animaux, à qui la molécule d'intérêt a été administrée,
placé en situation proche des conditions physiologiques. sont placés dans des cages à métabolisme qui se décom-
Après prélèvement du rein, un cathéter est placé dans l'ure- posent en deux parties. Une partie supérieure dans laquelle
tère droit afin de collecter l'urine et un second cathéter est l'animal est placé ; ce dernier repose sur une grille percée
placé dans l'aorte sous-rénale afin de mesurer la pression de permettant la récupération des urines et des excréments
perfusion. Le cathétérisme de l'artère mésentérique supé- du principe actif (et de ses éventuels métabolites) est réa-
rieure permettra d'assurer la perfusion et la mise en place lisé à l'aide des techniques analytiques appropriées. Ces
d'un cathéter dans la veine cave inférieure suprarénale assu- dosages renseignent ainsi sur les modalités d'excrétion
rera la collecte de l'effluent veineux de la veine rénale droite. rénale (biliaire via le dosage dans les fèces) du principe actif
Les reins sont perfusés en circuit fermé et une évaluation étudié.
47
I. Devenir du médicament dans l’organisme : les approches pharmacocinétiques
ENTRAÎNEMENT 5 QCM
QCM 1 D Est très modifiée par l'insuffisance rénale dans le cas d'un
La clairance plasmatique d'un médicament est définie comme : médicament faiblement métabolisé.
A Le volume de plasma entièrement épuré du médicament E Peut être modifiée par un traitement associé de rifampicine.
par unité de temps.
QCM 4
B Le temps nécessaire pour que sa concentration plasma-
Le processus d'élimination d'un médicament à partir du
tique diminue de moitié.
plasma (site de mesure) est :
C La somme des clairances partielles des organes qui contri-
A Son transfert réversible dans l'organisme.
buent à son élimination.
B Sa disparition sous forme inchangée.
D La mesure de l'activité hépatocellulaire.
C Sa disparition par transformation chimique.
QCM 2 D Sa disparition à partir du site de mesure quelle que soit la
La demi-vie d'élimination d'un médicament est le temps cause.
nécessaire pour que la moitié de la quantité de médicament E Son transfert du site d'administration vers le site de mesure.
présent dans l'organisme :
QCM 5
A Passe dans l'urine.
La clairance plasmatique d'un médicament :
B Soit métabolisée par les enzymes hépatiques.
A Est la somme des clairances partielles des organes qui
C Se lie aux protéines plasmatiques.
contribuent à son élimination.
D Passe dans le volume apparent de distribution.
B Est obtenue à partir de la surface sous la courbe concentra-
E Soit épurée de l'organisme.
tion/temps et de la dose administrée par voie orale.
QCM 3 C Ne peut être calculée qu'après administration intraveineuse.
La demi-vie apparente d'élimination d'un médicament : D Permet de déterminer une dose de maintenance pour une
A Est indépendante du volume de distribution. administration répétée.
B Varie en sens inverse de la clairance. E Est plus faible chez le nouveau-né que chez l'enfant.
C Est peu modifiée par l'insuffisance rénale dans le cas d'un
médicament fortement métabolisé.
48
QCM 6 B La filtration glomérulaire s'applique aux substances de
Parmi les propositions suivantes, indiquer celle(s) qui est masse inférieure à 60 000 Da.
(sont) exacte(s). C Le passage membranaire par sécrétion tubulaire active
Les graphes suivants C = f(t) (A : échelle linéaire ; B : échelle dépend du gradient de concentration.
semi-logarithmique) représentent l'administration d'un médi- D La réabsorption tubulaire nécessite une consommation
cament à un individu : d'ATP.
E La réabsorption tubulaire est un mécanisme saturable.
20 QCM 8
Le processus d'élimination d'un médicament à partir du
15
plasma (site de mesure) est :
Concentration mg/L
0
QCM 9
0 10 20 30 40 Parmi les propositions suivantes relatives aux modèles expé-
Temps (h)
rimentaux évaluant l'excrétion, indiquer celle(s) qui est (sont)
A exacte(s) :
A L'élimination d'un médicament se fait par un mécanisme
unique.
100
B Les médicaments sont éliminés de l'organisme par
biotransformation.
C Les cytochromes P450 ont une structure proche de
Concentration mg/L
10 l'hémoglobine.
D Aucun polymorphisme génétique n'a été décrit pour les
cytochromes P450.
E Le métabolisme empêche l'action d'une prodrogue.
1
QCM 10
Parmi les propositions suivantes relatives aux modèles expé-
0,1
rimentaux évaluant l'excrétion, indiquer celle(s) qui est (sont)
0 10 20 30 40 exacte(s) :
Temps (h)
A Les lignées cellulaires établies sont de bons modèles d'étude
B des fonctions tubulaires.
B Les limites d'utilisation des cellules primaires en culture
A Après injection intraveineuse rapide. reposent sur la vérification des caractères exprimés par les cel-
B Après voie extravasculaire. lules au fur et à mesure des repiquages.
C Après voie orale ou intramusculaire. C Le modèle de rein isolé perfusé présente l'intérêt de pouvoir
D Après voie orale d'une forme à libération prolongée. être utilisé sans limite de temps.
E Permettent d'évaluer la demi-vie d'élimination. D À partir de modèles in vivo, l'analyse de l'excrétion d'un
QCM 7 principe actif pourra être réalisée sur de l'urine ou des fèces
Concernant l'élimination rénale d'un médicament : animales recueillies à partir de cages à métabolisme.
A La filtration glomérulaire dépend de la lipophilie de la E L'inconvénient du modèle de tranches de rein est que ce
molécule. modèle ne préserve pas l'intégrité des fonctions tissulaires.
Corrigé des entraînements
ENTRAÎNEMENT 5
QCM 6 QCM 9
B Après voie extravasculaire. C Les cytochromes P450 ont une structure proche de
C Après voie orale ou intramusculaire. l'hémoglobine.
E Permettent d'évaluer la demi-vie d'élimination.
QCM 10
QCM 7 B Les limites d'utilisation des cellules primaires en culture
B La filtration glomérulaire s'applique aux substances de reposent sur la vérification des caractères exprimés par les cel-
masse inférieure à 60 000 Da. lules au fur et à mesure des repiquages.
D À partir de modèles in vivo, l'analyse de l'excrétion d'un
QCM 8
principe actif pourra être réalisée sur de l'urine ou des fèces
C Sa disparition à partir du site de mesure quelle que soit la
animales recueillies à partir de cages à métabolisme.
cause.
Chapitre 6
Les caractéristiques
pharmacocinétiques
des médicaments après
administration par
voies intravasculaires
et extravasculaires
PLAN DU CHAPITRE
Constante de vitesse k 50
Dose unique intraveineuse (IV) 50
Conséquences pour l'emploi des médicaments 53
Détermination de la demi-vie à partir de l'aire
sous la courbe 53
Principe général de la méthode des résidus 54
Intérêt pharmacologique et industriel : notion
de bioéquivalence 55
Modalités pratiques indispensables 59
Intérêt du suivi thérapeutique 59
log [c]
M’
2 log Co
1
M M
3
0 t
Figure 6.1
Modèle pharmacocinétique monocompartimental Figure 6.3
1. Absorption ; 2. biotransformations ; 3. excrétion. Phase d'élimination d'un principe actif : représentation échelle
logarithmique (modèle monocompartimental).
[c]
Distribution
Co À tout moment, un médicament administré se distribue
dans l'organisme dans un certain volume. Le volume appa-
rent de distribution Vd correspond à un volume fictif dans
lequel la totalité du médicament se distribue à la même
concentration que dans le plasma. Par hypothèse, la concen-
tration du médicament est considérée en tout point égale.
0 t
Le volume de distribution est relié à la quantité initiale de
Figure 6.2 principe actif (Q) et à la concentration plasmatique (C), de
Phase d'élimination d'un principe actif (modèle
monocompartimental)
ce dernier, lorsque l'équilibre est atteint.
Q (mg)
Cette courbe représente une exponentielle décroissante Vd (L) =
C (mg/L)
avec l'équation suivante :
Ct = Co e−ket Le volume de distribution peut être, parfois, exprimé
Où C0 représente la concentration initiale c'est-à-dire au par rapport au poids de l'individu. Certaines molécules
temps t = 0. présentent un volume de distribution très important (de
Dans ce cas, cette concentration C0 peut être calcu- l'ordre de plusieurs centaines ou milliers de litres) signifiant
lée facilement en divisant la dose administrée (D) par le que ces molécules ont une concentration plasmatique
volume dans lequel se distribue la quantité injectée appelée assez faible et donc, une concentration tissulaire relative-
volume de distribution (Vd). ment élevée. Inversement, le volume de distribution sera
C0 = D/Vd considéré comme petit lorsqu'il se rapprochera de la valeur
Afin de faciliter la représentation de l'évolution tempo- du volume plasmatique (0,04 L/kg) justifiant d'une concen-
relle des concentrations, il est possible de linéariser l'équa- tration tissulaire faible (tableau 6.1).
tion Ct = Co e−ket en utilisant une échelle semi-logarithmique On considère que le volume de distribution est faible,
(concentrations représentées par leur logarithme décimal) justifiant d'une faible affinité tissulaire du principe actif, si
(figure 6.3). ce dernier est inférieur à 20 litres. Pour des valeurs autour
L'équation devenant alors Ln Ct = Ln Co − ke t représente de 40 litres, le volume de distribution est considéré comme
bien celle d'une droite dont la pente est égale à − ke corres- moyen alors que pour des volumes de distribution supé-
pondant à la constante d'élimination. Sur la représentation, rieurs à 100 litres, on considère qu'ils sont élevés traduisant
l'intercept à l'origine Ln Co permet de déterminer la concen- une forte affinité tissulaire.
tration initiale maximale.
Tableau 6.1. Exemples de volume de distribution pour
certaines molécules médicamenteuses
À noter
Vd (L/kg) Vd (L/70 kg)
Lors de l'utilisation papier semi-logarithmique, en Gentamicine 0,25 18
particulier pour la détermination de la constante Diazépam 1,1 77
d'élimination ke par la pente, il convient d'être vigi-
Chloroquine 235 43 000
lant au fait que Ln X = 2,3 log X.
51
I. Devenir du médicament dans l’organisme : les approches pharmacocinétiques
ClHep = Q . E
[C]
100
Conséquences pour l'emploi
des médicaments
1
Pour les médicaments fortement métabolisés, la clairance
totale est fonction de la clairance hépatique et il convient
de s'assurer d'un bon fonctionnement du foie (en particu- 50
lier pour les âges extrêmes de la vie ou les patients atteints 2
de pathologies hépatiques), mais également de prendre
en compte les éventuelles associations médicamenteuses 25 3
(inhibiteurs ou inducteurs enzymatiques) ou les modifica-
4
tions de fraction libre médicamenteuse. 12,5 5
6 7
Pour les médicaments faiblement métabolisés, la clai- 6,25
A B
AUC0→∞ = +
α β
t
Élimination
Figure 6.6
Représentation graphique de la méthode des trapèzes La connaissance des valeurs précédemment calculées per-
mettra de déterminer le temps de demi-vie d'élimination
façon plus lente dans deux compartiments. Un équilibre s'éta- calculé selon la formule :
blit entre le compartiment dit «central» et le compartiment In 2
t1/2 =
périphérique selon des constantes de vitesses k12 et k21. β
Dans ce cas, la courbe évaluant l'évolution de la concen-
tration en principe actif au cours du temps peut être divisée
en deux parties : une première partie qui correspond à la Modèle à trois compartiments
phase de distribution dans les tissus périphériques et une Les modèles pluricompartimentaux, tels que le modèle à trois
seconde partie qui correspond à la phase d'élimination du compartiments, prennent en compte l'existence d'un com-
médicament. partiment central (plasma) et de deux compartiments péri-
Cette courbe représente une exponentielle décroissante phériques. Ces modèles permettent de modéliser le devenir
avec l'équation suivante : de principe actif dans des organes très vascularisés (comparti-
Ct = A e−αt + B e−βt ment 2) tels que le cœur, le foie, le rein, le cerveau où l'équilibre
Où A et B représentent les concentrations initiales c'est- sera atteint rapidement et les organes peu vascularisés (graisse,
à-dire au temps t = 0 des phases de distribution et d'élimi- tendons, cartilage), où l'équilibre sera atteint lentement.
nation (B est obtenue par extrapolation grâce à la méthode Dans ce cas, la courbe évaluant l'évolution de la concen-
des résidus) ; α la constante de distribution et β la constante tration en principe actif au cours du temps peut être divisée
d'élimination. en trois parties : une première partie qui correspond à la
phase de distribution, une seconde partie qui correspond
à la redistribution du principe actif dans d'autres tissus et
Principe général de la méthode enfin, une troisième partie qui correspond à la phase d'éli-
mination du médicament.
des résidus
Dose unique per os
Cette méthode consiste à commencer par exploiter la fin
de la période d'élimination puis la phase initiale où les pro- À la différence de l'administration unique par voie intra-
cessus de distribution et d'élimination coexistent. Les prin- veineuse, l'administration d'un principe actif par voie orale
cipes de cette méthode consistent à : implique tout d'abord, une première phase d'absorption défi-
• extrapoler la courbe d'élimination jusqu'à ce qu'elle croise nie comme un processus par lequel le médicament inchangé
l'axe des ordonnées ; passe de son site d'administration à la circulation générale.
• faire la différence point par point entre la première por- Puis, après avoir gagné la circulation générale, le principe actif
tion de courbe et la droite extrapolée (ceci renseignera sur va subir une série de transformations (conduisant à la forma-
les valeurs de concentration de principe actif éliminé au tion de métabolites actifs ou non) par effet de premier pas-
cours de la première phase de courbe). sage hépatique. Enfin, le principe actif sera excrété (figure 6.7).
54
6. Les caractéristiques pharmacocinétiques des médicaments
0 t
Figure 6.7 Tmax
Représentation schématique des différentes phases suite à
l'administration d'un médicament par voie orale Figure 6.8
1. Absorption ; 2. biotransformation ; 3. élimination. Évolution de la concentration de principe actif suite à
l'administration d'une dose unique par voie orale
Comme pour l'administration par voie intraveineuse, la effectivement absorbé, la détermination de cette quantité
cinétique des principes actifs peut être modélisée grâce à se fait de manière indirecte en évaluant la biodisponibilité.
des modèles mono- ou bicompartimentaux. Dans le cas Dans le cas de la biodisponibilité absolue, une forme
d'un modèle monocompartimental, suite à l'absorption, la extravasculaire est comparée à la forme de référence qui est
molécule d'intérêt se distribue dans un seul compartiment la voie intraveineuse pour laquelle, par définition, toute la
et ce de manière homogène. La courbe traduisant l'évolu- dose atteint la circulation générale. Le calcul de la biodispo-
tion de la concentration en fonction du temps présente nibilité (F) absolue s'effectue à partir des valeurs d'aire sous
deux parties : une première correspondant à la phase d'ab- la courbe (AUCpo : aire sous la courbe par voie orale ; AUCIV :
sorption du principe actif jusqu'à une valeur de concentra- aire sous la courbe par voie intraveineuse) et des doses de
tion maximale (Cmax) et une seconde correspondant à la principe actif administré :
phase d'élimination de la molécule d'intérêt (figure 6.8). AUCpo doseIV
Cette courbe est définie par la fonction : F= ⋅
AUCIV dosepo
C = A.e–ket – D.e–kat Pour un modèle monocompartimental, l'aire sous la
Où A représente la concentration initiale, c'est-à-dire courbe se calcule à partir de la formule :
au temps t = 0, D représente la concentration initiale de A D
AUC(0–>∞) = –
la phase d'absorption, ke la constante d'élimination et ka la ke ka
constante d'absorption.
Pour un modèle bicompartimental, l'aire sous la courbe
Dans le cas d'un modèle bicompartimental, à l'issue de la
est calculée selon la formule :
phase d'absorption, le principe actif diffuse dans les com- A B D
partiments central et périphérique ; un équilibre s'établit AUC(0–>∞) = + –
entre le compartiment central et le compartiment péri-
ke β ka
phérique. L'évolution de la concentration en fonction du La biodisponibilité relative permet de comparer, entre elles,
temps est définie par la fonction : plusieurs présentations galéniques d'un même médicament.
Elle est déterminée par le rapport des aires sous la courbe des
C = A.e–αt + B.e–βt – D.e–kat
concentrations plasmatiques d'une forme galénique donnée
Où A et B représentent, respectivement, les concentra- (autre que la solution administrée par voie intraveineuse) et
tions initiales, c'est-à-dire au temps t = 0 des phases de dis- de la forme classiquement utilisée (= forme de référence).
tribution et d'élimination, D représente la concentration ini-
tiale de la phase d'absorption ; α la constante de distribution
et β la constante d'élimination ; ka la constante d'absorption.
Intérêt pharmacologique
Biodisponibilité et industriel : notion
La biodisponibilité se définit comme étant la fraction de de bioéquivalence
la dose de médicament administré qui atteint la circulation
générale et la vitesse à laquelle elle l'atteint. Puisqu'il n'est Les études de bioéquivalence sont destinées à comparer le
pas aisé de déterminer les concentrations de principe actif comportement in vivo d'un médicament générique à celui
55
I. Devenir du médicament dans l’organisme : les approches pharmacocinétiques
Concentration (mg/L)
aussi homogène que possible. Ces études sont effectuées 6
[C] [C]
100
Cmax
voie veineuse
Cmax/2
t1/2 = T2 – T1
Cmax,
50 Tmax
C
0 t
T1 T2 voie orale
C1/2
Figure 6.10
Détermination graphique de la demi-vie après administration d'une
dose unique par voie orale t
t1/2 t1/2
Figure 6.11
À noter
Détermination graphique de la demi-vie quelle que soit la voie
d'administration d'une dose unique de médicament
La demi-vie plasmatique est indépendante de la
voie d'administration (figure 6.11).
La perfusion D'où :
R0
L'administration par perfusion permet de délivrer de façon CSS =
ClT
continue un principe actif au cours du temps. Cette voie
d'administration présente l'avantage de permettre l'adminis- Dans le cas de l'administration d'un médicament par
tration de fortes quantités de principe actif sans dépasser un perfusion, le temps pour atteindre le plateau d'équilibre ne
certain seuil de concentration (intéressant pour les molé- dépend que de la demi-vie et ce plateau est atteint en 5 à
cules de marge thérapeutique étroite). La cinétique plasma- 7 demi-vies.
tique se décompose en trois phases : une première phase qui
correspond à l'accumulation du principe actif, une seconde Détermination de la dose de charge
phase qui est caractérisée par un plateau traduisant l'état Afin de s'affranchir de la période infrathérapeutique obser-
d'équilibre obtenu et une dernière phase de décroissance vée en début de perfusion, une dose de charge peut être
mettant en évidence l'élimination du principe actif. administrée au même moment qu'est mise en place la per-
Dans le cas où le débit de perfusion (R0) est constant, fusion. L'état d'équilibre est ainsi plus rapidement atteint.
deux processus entrent en compétition : la vitesse d'apport Le calcul de la dose de charge va dépendre de la concen-
du médicament (c'est-à-dire le débit de perfusion R0) et la tration à l'équilibre (CSS) et du volume de distribution (VD) :
vitesse d'élimination qui dépend de la constante d'élimina-
tion ke et de la quantité de principe actif présente (A). Q0 = Vd x Css
À l'équilibre, la concentration plasmatique tend vers une Or la concentration plasmatique est reliée au débit de
valeur constante : la concentration à l'équilibre CSS et la perfusion R0 et à la clairance totale ClT par la relation :
vitesse d'apport est égale à la vitesse d'élimination ce qui
R0 R0
se traduit par : CSS = =
ClT ke . VD
R0 = ke x Ass
D'où la dose de charge est fonction du débit de perfusion
Où ASS est la quantité de principe actif à l'équilibre.
et de la constante d'élimination :
Or :
R0
ke = Cl / Vd et Ass = Vd x Css Q0 =
ke
57
I. Devenir du médicament dans l’organisme : les approches pharmacocinétiques
Cmax
(Cmin, Cmax, AUC) se trouvent bien dans la zone thérapeu- fisance rénale ou hépatique. Il conviendra également, de
tique afin d'éviter un risque important d'effets indésirables s'assurer de l'absence d'interactions médicamenteuses ou la
(si la concentration est supérieure à Cmax) ou d'inefficacité présence de métabolites actifs.
(si la concentration est inférieure à Cmin). Il est ainsi considéré
que la zone thérapeutique est définie lorsqu'il y a disparition
des symptômes sans effets secondaires non acceptables. Modalités pratiques
Cependant, la zone thérapeutique est définie si un véritable indispensables
équilibre s'établit entre les concentrations plasmatiques et
tissulaires, si l'effet clinique est fonction de la concentration Pour une bonne interprétation du résultat du dosage d'un
de principe actif au site d'action, si la molécule d'intérêt se médicament, il est important :
fixe sur des sites d'action de manière réversible, si l'effet est • de respecter avec précision et exactitude les horaires
totalement dû au médicament et non pas à un ou plusieurs d'administration et de prélèvements ;
métabolites actifs et s'il n'y a pas de tolérance pharmacody- • d'attendre l'état d'équilibre avant d'effectuer le premier
namique en cas d'administrations répétées. prélèvement ;
La détermination de la zone thérapeutique chez un volon- • d'apprécier, à chaque modification de posologie, les
taire sain s'effectue en administrant, théoriquement, une pre- modifications de concentrations cinq à sept demi-vies plus
mière dose forte afin de dépasser la concentration minimale tard (lors d'un nouvel état d'équilibre) ;
active (Cma). Les doses suivantes sont généralement plus • de s'assurer qu'à l'état d'équilibre, les concentrations plas-
faibles. Cependant, une attention particulière sera portée à matiques évoluent entre les concentrations maximales et
l'évolution des concentrations suite à ces doses administrées minimales :
puisqu'en effet, il faudra veiller à ce que les courbes ne soient – pour les médicaments à demi-vie longue (phénobar-
pas en deçà de la Cma (zone d'inaction) ou au-dessus d'une bital), les écarts entre les concentrations minimales et
concentration minimale toxique (Cmt) entraînant des effets maximales sont souvent faibles, justifiant qu'un seul pré-
secondaires (figure 6.14). Enfin, des précautions devront éga- lèvement avant une nouvelle administration suffit ;
lement être prises afin d'éviter le risque d'accumulation suite – pour les médicaments à demi-vie courte (aminosides,
à l'administration répétée de principe actif. théophylline, certains antiarythmiques), il est préférable
Pratiquement, la dose initiale choisie sera celle comprise de réaliser les mesures de concentrations minimales (val-
entre une concentration minimale active et une concentra- lée) et maximales (pic) afin d'ajuster la posologie ;
tion maximale tolérée. Cette dose sera administrée toutes • de modifier, en cas d'administration en perfusion continue,
les demi-vies et l'état d'équilibre sera observé après 5 à le site de prélèvement en changeant de bras par exemple.
7 demi-vies.
Chez un sujet malade, la détermination de la zone théra-
peutique devra prendre en compte le temps de demi-vie, Intérêt du suivi thérapeutique
mais également la clairance, en particulier en cas d'insuf-
Le suivi thérapeutique n'est justifié que pour les traite-
ments de plus ou moins longue durée comme c'est le
1ère dose :
cas pour les perfusions ou les administrations à doses
[C] répétées. Il permet de vérifier la bonne observance du
Zone toxique
traitement par le patient tout en prenant en compte
Cmt d'éventuelles pathologies pouvant être à l'origine d'une
malabsorption, d'une insuffisance rénale ou hépatique
Zone thérapeutique
ou d'une modification de la liaison aux protéines plasma-
Cma tiques (modifiant les paramètres pharmacocinétiques du
Zone inactive principe actif).
Le suivi thérapeutique (figure 6.15) permet également
d'évaluer l'impact d'associations de plusieurs molécules
0 t
médicamenteuses susceptibles d'engendrer des interactions
Figure 6.14
d'ordre cinétique et enfin de suivre la cinétique de principe
Conséquences de l'administration d'un principe actif
Cma : concentration minimale active ; Cmt : concentration maximale actif administré chez des personnes dont l'état physiolo-
tolérée. gique se trouve modifié (grossesse ou âges extrêmes).
59
I. Devenir du médicament dans l’organisme : les approches pharmacocinétiques
Examen clinique
Apparition
de signes Bon contrôle Inefficacité
de surdosage
Continuer
le même
traitement
à la même
posologie
Figure 6.15
Arbre décisionnel permettant la mise en place d'un suivi thérapeutique
ENTRAÎNEMENT 6 QCM
QCM 1 A Le temps pour atteindre l'état d'équilibre est fonction de la
L'abréviation F (fraction biodisponible) désigne : vitesse d'entrée.
A Un médicament disponible en officine. B La concentration plasmatique à l'équilibre est indépen-
B Un médicament d'origine biologique (biothérapie). dante de la demi-vie.
C Le pourcentage de médicament qui atteint la circulation C La concentration plasmatique à l'équilibre dépend de la
générale après administration extravasculaire. clairance et de la vitesse d'entrée.
D Le pourcentage de médicament qui pénètre dans le D La concentration plasmatique à l'équilibre dépend de la
cerveau. vitesse d'entrée et du volume de distribution.
E Le pourcentage de médicament qui est éliminé dans l'urine. E L'état d'équilibre est atteint quand la vitesse d'entrée est
égale à la vitesse de sortie.
QCM 2
Dans le cas d'une cinétique dite linéaire pour un médicament : QCM 4
A Les concentrations plasmatiques sont toujours décrois- Si une molécule a une demi-vie de 4 heures chez l'homme
santes en fonction du temps quelle que soit la voie (Ln 2 = 0,7) :
d'administration. A Sa constante d'élimination est de 0,175 h−1.
B Il s'agit d'une élimination d'ordre 0. B Il faut 16 heures pour éliminer 87,5 % de la dose après admi-
C La cinétique est indépendante de la dose. nistration IV.
D La vitesse d'élimination est à tout instant proportionnelle à C Il faudra le même temps pour passer d'une concentration
la concentration du médicament. de 10 à 2,5 mg/L que pour passer d'une concentration de 50 à
E La courbe C = f(t) est une fonction exponentielle. 12,5 mg/L.
D En cas d'administration répétée d'une même dose D toutes
QCM 3
les 4 heures, il faudra au moins 24 heures pour atteindre 90 %
Après perfusion intraveineuse d'un médicament à débit
du plateau d'équilibre.
constant :
60
6. Les caractéristiques pharmacocinétiques des médicaments
61
This page intentionally left blank
QCM 7 B Lors d'une perfusion continue intraveineuse, 50 % du pla-
Lors d'une administration d'un médicament par perfusion teau d'équilibre est atteint au bout d'une demi-vie.
intraveineuse continue à 100 mg/h, la concentration à la C Lors de l'instauration d'un traitement avec un médicament
5e heure est égale à 5 mg/L et la concentration à l'équilibre est à demi-vie courte, il est logique d'utiliser une dose de charge.
égale à 10 mg/L : D Plus l'intervalle entre deux doses est important par rapport
A La clairance est égale à 1 L/h. à la demi-vie du médicament, plus les fluctuations Cmax/Cmin
B La clairance est égale à 10 L/h. seront faibles.
C La demi-vie d'élimination est égale à 5 h.
QCM 11
D Le volume de distribution est égal à 50 L.
Parmi les propositions suivantes, indiquer celle(s) qui est
E Dix heures après l'arrêt de la perfusion, il n'y a plus de médi-
(sont) exacte(s).
cament dans l'organisme.
A Après administration intraveineuse unique d'un médica-
QCM 8 ment, il faut 3 demi-vies pour éliminer plus de 95 % de la dose
On peut augmenter l'effet d'un médicament dont les méta- administrée.
bolites sont inactifs : B Une administration par perfusion continue permet d'at-
A En augmentant la dose. teindre 97 % du plateau d'équilibre en 5 demi-vies.
B En diminuant sa biodisponibilité. C L'utilisation d'une dose de charge est justifiée en cas de trai-
C En inhibant sa clairance. tement répété par un médicament à demi-vie longue.
D En augmentant sa clairance. D La survenue d'une insuffisance rénale pendant un traite-
ment par une molécule essentiellement excrétée par voie
QCM 9
rénale entraîne une diminution des concentrations circulantes
Parmi les propositions suivantes concernant la biodisponibi-
de cette molécule.
lité, laquelle est exacte ?
A La biodisponibilité est maximale lorsque l'on utilise la voie QCM 12
orale. Un médicament à marge thérapeutique étroite :
B Elle correspond à la quantité de principe actif qui arrive au A Se caractérise par un très petit nombre de patients pou-
foie. vant bénéficier de ce traitement.
C Elle est diminuée en cas d'effet de premier passage B Présente un rapport bénéfice-risque inférieur à zéro.
hépatique. Présente des concentrations thérapeutiques proches des
D Si elle est de 0 %, cela signifie que le principe actif n'est pas concentrations toxiques.
absorbé. C A une action pharmacodynamique indépendante de la
concentration circulante.
QCM 10
D Nécessite une surveillance des concentrations plasma-
Parmi les propositions suivantes, laquelle(s) est (sont) exacte(s) ?
tiques lors d'un traitement chronique.
A Une administration répétée toutes les 5 demi-vies s'appa-
rente à une succession de doses uniques.
ENTRAÎNEMENT 6
QCM 7 QCM 9
B La clairance est égale à 10 L/h. C Elle est diminuée en cas d'effet de premier passage
C La demi-vie d'élimination est égale à 5 h. hépatique.
QCM 8 QCM 10
A En augmentant la dose. A Une administration répétée toutes les 5 demi-vies s'appa-
C En inhibant sa clairance. rente à une succession de doses uniques.
B Lors d'une perfusion continue intraveineuse, 50 % du pla- QCM 12
teau d'équilibre est atteint au bout d'une demi-vie. C Présente un rapport bénéfice-risque inférieur à zéro.
Présente des concentrations thérapeutiques proches des
QCM 11
concentrations toxiques.
B Une administration par perfusion continue permet d'at-
D Nécessite une surveillance des concentrations plasma-
teindre 97 % du plateau d'équilibre en 5 demi-vies.
tiques lors d'un traitement chronique.
C L'utilisation d'une dose de charge est justifiée en cas de trai-
tement répété par un médicament à demi-vie longue.
Partie II
L'étude des effets du
médicament dans
l'organisme : approches de
pharmacodynamie
Sébastien Faure, Nicolas Clère
P L A N D E L A PA R T I E
Préambule 65
Les types d’interactions cible-médicament 67
Modèles expérimentaux d’étude
de pharmacodynamie 81
Les principales cibles des médicaments :
mécanismes d’action du médicament
de l’échelle moléculaire à l’échelle tissulaire 85
Classification des médicaments en fonction
de leurs mécanismes d’action 115
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Chapitre 7
Préambule
La recherche et le développement d'un médicament sont L'interaction du médicament avec son site d'action va
des processus longs, multi-étapes, coûteux et particulière- entraîner, via des modifications de signalisation intracel-
ment rigoureux. Ces processus se composent de diverses lulaire, un effet pharmacologique quantifiable au niveau
études permettant de passer d'une molécule, susceptible cellulaire, tissulaire (ex. : modulation de la contraction
de présenter un intérêt thérapeutique, à un médicament musculaire…) ou de l'organisme entier. L'effet pharmacolo-
mis sur le marché. À l'issue d'une phase d'identification et gique précède très souvent l'effet thérapeutique, ces deux
de sélection des molécules prometteuses, des essais précli- effets étant bien entendu différents. Par exemple, par défi-
niques sont réalisés sur la base de tests in vitro puis in vivo nition, les inhibiteurs d'HMG-CoA réductase ont un effet
sur l'animal. Enfin, des études cliniques, sur l'homme, per- pharmacologique correspondant à l'inhibition de l'activité
mettent d'apprécier les effets bénéfiques et délétères de ces enzymatique. L'effet thérapeutique qui en résulte est une
médicaments en devenir. Ces essais contribuent à évaluer diminution du taux de cholestérol. Ainsi, l'effet thérapeu-
l'innocuité et l'efficacité du médicament. tique est mis en évidence par des études de pharmacologie
Les essais précliniques visent à caractériser les propriétés clinique (les essais cliniques), tandis que l'effet pharmacolo-
physicochimiques et pharmacologiques (c'est-à-dire éva- gique est montré à partir d'études de pharmacologie molé-
luer les interactions médicament/organisme), ainsi que la culaire et de pharmacodynamie.
toxicité du médicament en développement. Si ces derniers L'action pharmacologique est la conséquence immé-
essais sont considérés comme prometteurs en termes d'ef- diate de l'interaction entre un ligand et son récepteur.
ficacité et d'innocuité, alors des études cliniques testant le Cette action est délimitée au niveau de la cellule et est
médicament sur des volontaires sains puis sur des malades constituée de cascades biochimiques plus ou moins com-
peuvent être envisagées. plexes incluant la transduction du signal et la signalisation
L'effet d'un médicament est lié à l'interaction du médi- intracellulaire.
cament avec son site d'action, qui est le plus souvent un La mise en évidence des propriétés pharmacodyna-
récepteur, mais qui peut aussi être une enzyme, transpor- miques d'un principe actif repose sur l'étude de l'affinité
teur ou un canal ionique. L'interaction entre le médica- de cette molécule pour son site d'action (analyse de la liai-
ment et son site d'action implique une reconnaissance son ligand-récepteur), l'analyse qualitative et quantitative
mutuelle du ligand et de sa cible ce qui signifie que le de l'effet pharmacologique (étude fonctionnelle, courbe
médicament doit impérativement avoir une affinité pour dose-réponse) et la démonstration de la sélectivité de la
son site d'action. molécule.
66
Chapitre 8
Les types d'interactions
cible-médicament
Les associations de médicaments :
effets synergiques et antagonistes
PLAN DU CHAPITRE
Effets pharmacodynamiques 68
Quantification de la liaison au récepteur 70
Expériences de saturation : la représentation
de Scatchard 72
Expériences de saturation : la représentation
de Hill 72
Expériences de compétition : la méthode
de déplacement 73
Approche expérimentale
de la réponse fonctionnelle 74
Prérequis et objectifs Les principales cibles moléculaires sont les récepteurs, les
enzymes, les canaux ioniques et les transporteurs ; une part
Prérequis infime de molécules ne présente pas de cibles clairement
■
Réactions chimiques : équilibre, loi d'action de identifiées à ce jour (figure 8.1).
masse.
■
Notions relatives aux traceurs radioactifs. Les différentes familles de récepteurs
Objectifs Un récepteur est une protéine, localisée à la membrane des
■
Connaître les principales familles de cibles cellules, dans le cytosol ou dans le noyau des cellules, qui
pharmacologiques. fixe une molécule spécifique pour induire une réponse cel-
■
Définir la liaison ligand-récepteur. lulaire spécifique de son activation.
■
Distinguer et définir les agonistes et antagonistes. Les récepteurs membranaires incluent différentes classes,
■
Quantifier l'effet pharmacologique en fonction parmi lesquelles les récepteurs couplés à une protéine G
de la nature du ligand (agoniste, antagoniste). (RCPG), les récepteurs canaux (ionotropiques) et les récep-
teurs enzymes. D'une façon générale, les récepteurs membra-
Au cours des essais précliniques et cliniques, la pharmaco- naires présentent un domaine extracellulaire comportant un
cinétique et la pharmacodynamie jouent un rôle important site de liaison pour le ligand, un domaine transmembranaire
car elles sont à la base de la détermination d'un schéma et un domaine intracellulaire.
posologique (évaluation de la relation concentration/
effet ou relation pharmacocinétique/pharmacodynamie Les récepteurs couplés à une protéine G
et détermination de l'intervalle thérapeutique). Ainsi, la Ces récepteurs sont les plus nombreux puisqu'à ce jour,
pharmacocinétique étudie le devenir d'un médicament environs plus de 700 types de RCPGs ont été identifiés. Ces
dans l'organisme tandis que la pharmacodynamie mesure derniers répondent à divers stimuli (neurotransmetteurs,
l'effet d'un médicament dans l'organisme, selon la dose ions, lipides, peptides, hormones…). Sur le plan structural,
administrée. ces récepteurs sont de nature peptidique et présentent
sept domaines hélicoïdaux transmembranaires reliés par
des boucles extra- et intracellulaires (figure 8.2). Les RCPGs
sont couplés à une proteine G trimérique qui activée, va
Effets pharmacodynamiques moduler un effecteur enzyme ou canal ionique. Ce dernier
La pharmacodynamie étudie les effets du médicament, modulera l'expression de messagers secondaires à l'origine
dépendant de sa dose, dans l'organisme. Ainsi, un médi- d'un effet biologique.
cament peut être responsable d'un ou plusieurs effets Les récepteurs canaux sont des structures pentamé-
pharmacodynamiques, pour des doses qui peuvent être riques organisées autour d'un canal ionique. Ainsi, la
variables. On distinguera alors les effets principaux, recher- liaison du médiateur sur le récepteur canal entraîne l'ou-
chés en thérapeutique, des effets secondaires, pouvant être verture du canal ionique à l'origine d'un efflux ou d'un
gênants ou nuisibles. influx d'ions.
Ces différents effets résultent d'une interaction entre les
molécules médicamenteuses et les systèmes vivants par Autres
10 %
liaison avec des molécules régulatrices (appelées cibles Canaux, transporteurs Récepteurs
pharmacologiques) capables de modifier (activer ou inhi- ioniques
15 %
membranaires 40 %
pharmacologiques
L'effet d'un médicament est la conséquence de sa liaison
avec une cible moléculaire. Ainsi, une substance (médica- Figure 8.1
ment) agit sur une cible moléculaire qui déclenche une Répartition des cibles potentielles des médicaments
D'après Terstappen GC, Reggiani A, In silico research in drug discovery Trends in
cascade de signalisation à l'origine d'une réponse cellulaire. Pharmacological Sciences 2001 ; 22 : 23-26.
68
8. Les types d'interactions cible-médicament
récepteurs occupés et l'effet maximal serait obtenu pour rable et dont la demi-vie est assez courte. Les méthodes
100 % de récepteurs occupés. Sur la base de cette théorie et d'incorporation font appel à une chimie simple (substitu-
selon la loi d'action de masse : tion électrophile directe ou fixation sur réactif chimique),
bien que le marquage ne soit réalisable que sur certains
ka (1) résidus amino-acyls (tyrosine, histidine, leucine). Le fait que
L+R LR cet isotope puisse affecter l'affinité du ligand pour le récep-
kd
kd [L][R] teur constitue le principal inconvénient à l'utilisation de cet
À l´équilibre : Ka.[L][R] = kd.[LR] KD = = (2)
ka [LR] isotope.
Le tritium (3H) présente l'avantage de pouvoir être uti-
[R]totale = [R]libre + [LR] ou [R]libre = [R]totale – [LR]
(3) lisable pendant plusieurs années et de présenter un faible
encombrement stérique. À l'inverse de l'iode 125I, le tritium
En combinant (2) et (3), on obtient :
ne présente pas d'inconvénients particuliers pour marquer
[RL]kD = [R]totale [L] – [LR].[L] (4)
certains résidus amino-acyls. Deux voies d'incorporation
[LR] [L] peuvent être utilisées : la substitution, par échange isoto-
= Équation de Langmuir pique et via la fixation d'un radical organique de faible taille.
[R]totale [L] + KD
Pratiquement, cette approche expérimentale s'effectue
en trois temps (figure 8.4) :
Cette dernière équation est identique à celle qui définit
l'absorption des gaz sur des surfaces et à celle qui décrit l'as-
• l'incubation du récepteur avec un ligand radiomarqué ;
sociation d'une enzyme et de son substrat. Aussi, le rapport
• la séparation du complexe ligand-récepteur de l'excès de
radioligand libre par une technique de filtration ;
[LR]/[R]totale représente la fraction d'occupation du récep-
teur, c'est-à-dire la probabilité de formation d'une interac-
• le comptage du mélange scintillant, permettant de conclure
sur la capacité de fixation du ligand sur son récepteur.
tion entre le ligand et son récepteur.
Si, initialement, on considère que tous les récepteurs
sont accessibles de manière équivalente pour le ligand, Tableau 8.1. Principales sources radioactives émettrices de
qu'il n'existe pas d'état intermédiaire ou de liaison partielle rayonnements béta
ligand-récepteur, que la fixation du ligand sur son récep- Source Énergie max. (keV) Période physique
teur est réversible, alors il est possible de conclure que (T1/2)
(figure 8.3) : 3
H 18 12,3 ans
• lorsque la concentration de ligand est nulle, l'occupation 14
C 155 5 700 ans
du ligand sur son récepteur est également nulle ;
• lorsque la concentration est très grande, la fraction de 125
I < 35 60 jours
récepteurs occupés tend vers 1 ; 32
P 1 730 14 jours
• lorsque la concentration de ligand est égale à la constante 33
P 250 25 jours
de dissociation à l'équilibre, la fraction de récepteurs occu- 35
S 167 84 jours
pés est de 0,5.
La constante de dissociation à l'équilibre KD correspond
donc à la concentration de ligand occupant 50 % de la tota-
lité des récepteurs disponibles. Taux d'occupation
[LR] 1
[R]totale
Liaison
30000
spécifique
15000
0
Liaison non spécifique
Incubation Séparation Comptage
Figure 8.5
Figure 8.4
Représentation schématique de la notion de liaison spécifique et
Différentes étapes expérimentales de la technique d'analyse par non spécifique mise en évidence lors des techniques de binding
fixation de radioligand assay
Liaison du radioligand
va interagir avec son récepteur spécifique mais va éga- 2000
lement pouvoir se fixer sur d'autres structures de nature
(dpm/ essai)
Liaison
protéique, lipidique… interférant avec la liaison récepto-
spécifique
rielle (figure 8.5). Cette liaison non spécifique sur d'autres 1000
Liaison non
structures est gênante pour étudier l'interaction ligand- spécifique
récepteur. De plus, cette liaison « parasite » est non
saturable, c'est-à-dire qu'elle augmente avec la concen- KD 2 4 6 8 10
tration de ligand de façon linéaire. Sur la base des don- Concentration en radioligand (nM)
nées caractérisant expérimentalement ces deux liaisons,
Figure 8.6
il sera possible, graphiquement, d'évaluer les capacités de
Détermination graphique des capacités de liaison spécifique
liaison spécifique du ligand sur son récepteur et de défi- d'un ligand sur son récepteur et de la valeur de la constante de
nir la valeur de la constante de dissociation à l'équilibre dissociation KD
KD (figure 8.6).
Bmax/KD
Expériences de saturation :
B/F x 103
Pente = – 1/KD
la représentation de Scatchard
Comme décrit plus haut, à partir d'expériences de satura- Bmax
B = [L]nH
Bmax [L]nH + KD
B
Expériences de compétition : Cl50
la méthode de déplacement
ki ou Cl50
73
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
■
saturable : la spécificité de la liaison ligand récepteur
Remarque
implique qu'elle soit saturable car elle correspond à
un nombre défini de récepteurs occupés par le ligand ; Autoradiographie : technique réalisée sur des
à l'inverse, la liaison non spécifique d'un ligand sur son coupes à congélation d'organes entiers en pré-
récepteur est non saturable ; sence de ligands radioactifs. La détection se fait
■
réversible : la fixation d'un ligand radiomarqué sur soit avec des films radiographiques spéciaux, soit
son récepteur doit pouvoir être déplacée par l'ajout avec des imageurs adaptés.
d'une quantité importante d'un autre ligand qui pos-
sède des propriétés chimiques communes ;
■
stéréospécifique : au niveau du récepteur, l'activité Approche expérimentale
d'un isomère optique doit être retrouvée si elle a été
démontrée au niveau de l'effet pharmacologique. de la réponse fonctionnelle
La mise en évidence de la relation dose-réponse d'un prin-
cipe actif est indispensable afin d'obtenir une réponse quan-
Les autres techniques expérimentales titative sur l'importance de l'effet pharmacologique et afin
de comparer plusieurs molécules entre elles. L'effet phar-
La résonance de surface plasmonique
macologique est mesuré sur des modèles ex vivo (organes
La résonance plasmonique de surface est une méthode isolés), in vivo (animaux) ou chez l'homme à partir de doses
optique de mesure de la liaison d'un ligand sur un récep- croissantes de principe actif à étudier. La relation effet-dose
teur adsorbé à la surface d'une couche métallique. Le sys- (ou effet-concentration) est présentée sous la forme d'une
tème de détection est basé sur une variation de l'indice de sigmoïde qui permet de définir deux paramètres essentiels :
l'interface quand le ligand se fixe aux récepteurs. Le principe Emax (effet maximal du principe actif étudié) et la CE50/DE50
de cette méthode repose sur la propagation d'une vague (concentration/dose efficace : 50), qui est la concentration/
d'électrons à la surface des métaux qui modifie l'index de dose qui correspond à 50 % de l'effet maximum (figure 8.11).
réfraction de la couche de surface et dévie l'angle du rayon
réfléchi. Cette méthode permet de visualiser en temps réel
la liaison ligand-récepteur. L'analyse quantitative de l'effet
Le ligand est toujours en grand excès ; il est donc constant. d'un agoniste
Comme il faut néanmoins une forte concentration de récep-
teurs à la surface, la contribution du ligand libre en solution Un agoniste est une molécule, qui, après liaison sur un récepteur
dans la zone utile est négligeable. Le signal obtenu (figure 8.10) spécifique, provoque un effet comparable à celui du médiateur
est proportionnel à la quantité de complexe ligand-récepteur. physiologique. L'effet maximal (Emax) obtenu est variable d'un
18
Dissociation
16
ion
Cinétique
Régénération
t
14
ocia
Ass
12 Concentration
Figure 8.10
Signal obtenu après expérience de résonance de surface plasmonique
74
8. Les types d'interactions cible-médicament
% de réponse
80
2400 A
Sigmoïde 60 B
α = 0,5
Effet
1800
40
600 CE50 9 8 7 6 5 4
– log [agoniste] M
9 8 7 6 5 Figure 8.12
– log concentration (M) Représentation graphique des courbes effet-concentration en
Figure 8.11 fonction du type d'agoniste étudié
A est un agoniste entier (α = 1) et B est un agoniste partiel (α = 0,5).
Représentation graphique d'une courbe effet-concentration
Emax : effet maximal ; CE50 : concentration efficace (50).
mique. En effet, si l'on considère deux molécules A et B, leur
agoniste à un autre et cette réponse maximale dépend de la administration simultanée va modifier quantitativement
valeur de l'activité intrinsèque α de l'agoniste. Ainsi, un agoniste l'effet observé en termes de durée et/ou d'intensité.
entier (ou pur), présente une activité intrinsèque α = 1, induit • si l'effet global est égal à la somme des effets de A et de B,
un effet maximal tandis qu'un agoniste partiel (0 < α < 1) on parle de synergie additive ou sommation ;
induit un effet maximal moins important que celui observé • si l'effet global est supérieur à la somme des effets
avec les agonistes entiers de ce même récepteur (figure 8.12). de A et de B, on parle de synergie renforçatrice ou de
potentialisation ;
• si l'effet global est inférieur à la somme des effets de A et
À retenir de B, alors il s'agit d'un antagonisme.
Par définition, un antagoniste est une molécule qui, en
La détermination de l'effet maximal, qui dépend se liant à un récepteur spécifique, ne provoque aucun effet
de l'activité intrinsèque α, d'un agoniste, ren- mais peut également bloquer les effets du médiateur phy-
seigne sur l'efficacité de cet agoniste. Cet effet siologique en s'opposant à sa liaison sur le même récepteur.
maximal peut être déterminé par la relation Emax Deux types d'antagonismes sont décrits : l'antagonisme
= α [RA] avec [RA], concentration du complexe compétitif pour lequel l'antagoniste se fixe sur le même
agoniste-récepteur. site, au niveau du récepteur, que le médiateur endogène et
La connaissance de la CE50/DE50 (concentration l'antagonisme non compétitif, pour lequel l'antagoniste
efficace : 50/dose efficace : 50), qui caractérise la se fixe sur un site différent de celui occupé par le médiateur
concentration/dose d'agoniste qui permet d'obte- physiologique sur le récepteur.
nir 50 % de son effet maximum, permet de quanti-
fier l'effet de cet agoniste en évaluant sa sensibilité. Notion de synergie additive
Cette dernière est caractérisée par la valeur du pD2 Cette interaction pharmacoynamique est caractéristique
défini par la relation pD2 = −log CE50. de deux médicaments qui agissent au niveau des mêmes
récepteurs. Les ligands entre en compétition pour le site de
fixation et l'effet global observé sera égal (synergie addi-
Plus les valeurs de CE50/DE50 sont faibles, plus l'agoniste tive) ou supérieur (potentialisation) à la somme des effets
est sensible (et inversement). Plus les valeurs de pD2 sont des deux molécules utilisées séparément (figure 8.13).
importantes, plus l'agoniste est sensible (et inversement).
Application pharmacologique
Notions de synergie La synergie additive, souvent source d'effets indésirables
et d'antagonisme par association des effets de chacune des molécules médi-
camenteuses, peut être mise à profit dans certains traite-
Ces deux notions permettent d'expliquer de nombreuses ments. Ainsi, dans le traitement de l'hypertension arté-
interactions médicamenteuses d'ordre pharmacodyna- rielle, il a été montré une synergie additive bénéfique entre
75
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
100 100
80
80
Effet relatif
Effet relatif
60 B=3 B=2
60
40
B=2
40 B=1
20 B=1 B=0 B=0
20
9 8 7 6 5 4
– log [agoniste] (M)
Figure 8.13 9 8 7 6 5 4
– log [agoniste] (M)
Représentation graphique des relations effet-concentration relatives
au processus de synergie additive Figure 8.14
Représentation graphique des relations effet-concentration en
présence d'un antagoniste compétitif
B : concentration d'antagoniste.
l'aliskiren (inhibiteur de l'activité rénine) et l'hydrochloro- différentes (en présence de l'antagoniste), correspond un
thiazide (inhibiteur du cotransporteur NCC au niveau du même pourcentage d'occupation des récepteurs. Ainsi,
tube contourné distal). on peut déterminer le KD d'un antagoniste en utilisant les
courbes de déplacement des effets d'un agoniste à partir de
Antagoniste compétitif l'équation dite de Cheng et Pruschoff :
En présence d'un antagoniste compétitif, lorsque ce dernier
se fixe au niveau du récepteur sur le même site que l'ago- log A´ –1 = log B – log KD
A
niste, il y a alors compétition entre l'agoniste et l'antago-
niste vis-à-vis du même site de fixation. Ainsi, en présence
avec A' : concentration d'agoniste, A : concentration
de l'antagoniste compétitif, il est nécessaire d'augmenter la
d'agoniste en l'absence d'antagoniste et B : concentration
concentration d'agoniste pour obtenir la même réponse
d'antagoniste.
que celle observée en son absence : les courbes concentra-
Cette relation est linéaire lorsqu'il s'agit d'un antagoniste
tion-effet sont donc déplacées vers la droite, c'est-à-dire vers
compétitif et à partir des différents points expérimentaux,
des concentrations d'agonistes plus élevées. Cependant,
il est possible de déduire une droite de régression linéaire.
l'effet maximal, en présence ou en absence d'antagoniste,
L'intersection de cette dernière droite avec l'axe des abs-
reste toujours le même (figure 8.14).
cisses détermine la valeur de KD et à ce point, log B = log KD.
Ce point correspond à A'/A = 2, soit la concentration d'an-
À retenir tagoniste qui implique le doublement de la concentration
d'agoniste afin d'obtenir le même effet : cette valeur corres-
Le pA2 est le paramètre permettant de quanti- pond au pA2. Graphiquement, le pA2 est déterminé à par-
fier l'effet d'un antagoniste compétitif. Ce der- tir de la droite dite de Schild qui représente le log (A'/A-1)
nier est égal au colog (−log) de la concentration en fonction du log de la concentration d'antagoniste
molaire d'antagoniste pour laquelle il faut doubler (figure 8.15).
la concentration d'agoniste pour avoir le même
effet. Antagoniste non compétitif
Dans ce cas, l'antagoniste se lie sur un site distinct du site
Plus la valeur du pA2 est élevée, plus l'affinité de l'antago- de liaison de l'agoniste au niveau du récepteur (on parle
niste pour le récepteur est grande (et inversement). de site allostérique). Cette liaison entraîne des modifica-
La détermination de la valeur du pA2 repose sur le prin- tions de conformation du récepteur se traduisant par une
cipe de base suivant : pour un même niveau d'effet de l'ago- diminution de l'affinité du récepteur pour son agoniste ;
niste sur un tissu considéré, obtenu à des concentrations l'association de l'antagoniste au récepteur est pratiquement
76
8. Les types d'interactions cible-médicament
A’ 100
log –1 B=0
A
80
Effet relatif
B=1
60
40 B=2
20
9 8 7 6-- 5 4--
log concentration log [agoniste] (M)
antagoniste
Figure 8.16
Représentation graphique des courbes effet-concentration en
pA2 présence d'un antagoniste non compétitif
B : concentration d'antagoniste.
Figure 8.15
Droite de Schild permettant la détermination graphique du pA2
A' : concentration d'agoniste en présence d'antagonistes ; A :
concentration d'agoniste en l'absence d'antagoniste.
100
B=0
B=3
irréversible. Graphiquement, cela se caractérise par une 80
Effet relatif
diminution de l'efficacité de l'agoniste en présence de l'an- Faibles
60
tagoniste (déplacement des effets maximaux des courbes concentrations
Fortes concentrations
vers le bas) (figure 8.16). 40
B=2
Notion d'agoniste partiel 20
B=1
77
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
ENTRAÎNEMENT 8 QCM
QCM 1 QCM 7
Parmi les qualificatifs suivants, lequel(s) corresponde(nt) à la Le pA2 :
liaison ligand-récepteur ? A Correspond au pouvoir antagoniste d'un ligand.
A Saturable. B Est défini par le cologarithme de la concentration d'ago-
B Irréversible. niste, qui nécessite de doubler la concentration d'antagoniste
C Stéréospécifique. pour retrouver l'effet initial.
D Compétitive. C Permet de comparer des antagonistes compétitifs entre
E Racémique. eux.
QCM 2 D Représente l'affinité des antagonistes pour leurs récepteurs.
La constante cinétique de dissociation : E Est calculé au moyen de la droite de Schild.
A S'exprime en M−1.min−1. QCM 8
B Permet de définir la demi-vie du complexe ligand-récepteur. Parmi les techniques suivantes, laquelle (lesquelles) est
C Permet de calculer la constante d'association à l'équilibre. (sont) utilisées(s) pour la séparation dans les expériences de
D Reflète le nombre de liaisons entre ligand et récepteur. binding ?
QCM 3 A Centrifugation.
Les ligands de forte affinité : B Spectrométrie de masse.
A Établissent de nombreuses liaisons de faible énergie avec C Dialyse.
leur cible. D Filtration sous vide.
B Possèdent un KD élevé. E Chimiluminescence.
C Déplacent des ligands de plus faible affinité sur le même QCM 9
récepteur. Parmi les propositions suivantes concernant le KI déterminé
D Sont des antagonistes. par l'équation de Cheng et Prussof, laquelle(s) est (sont)
QCM 4 exacte(s) :
Quelle(s) est (sont) la (les) valeur(s) possible(s) de l'activité A Plus le KI est important, plus l'affinité du ligand froid pour
intrinsèque pour un agoniste partiel ? sa cible est importante.
A –1. B Le calcul du KI prend en compte la concentration de radio-
B –0,5. ligand et son KD.
C 0. C Les KI ne peuvent être comparés entre eux que si les condi-
D 0,5. tions expérimentales sont semblables.
E 1. D Le KI varie dans le même sens que la CI50.
QCM 5 QCM 10
L'affinité d'un ligand pour un récepteur est évaluée : Que signifie un nombre de Hill inférieur à 1 ?
A Par la détermination de la concentration efficace 50 % (CE50). A La loi d'action de masse est respectée.
B Par le calcul de l'effet maximal (Emax). B La loi d'action de masse n'est pas respectée.
C Par l'estimation de la pente de la droite de Scatchard. C Une mole de ligand se fixe sur des récepteurs différents.
D Par la détermination de la concentration de ligand capable D Une mole de ligand se fixe sur plusieurs sites du même
d'occuper la moitié des récepteurs. récepteur.
E Plusieurs moles de ligand sont fixées par récepteur.
QCM 6
Dans des expériences de compétition ou de déplacement : QCM 11
A La CI50 est déterminée par la concentration d'agoniste La stimulation de récepteurs par un agoniste partiel ne peut
capable d'entraîner 50 % de l'effet maximal. entraîner l'effet maximal car :
B La CI50 est la concentration de ligand froid permettant d'in- A C'est un antagoniste.
hiber 50 % de l'effet maximal du ligand froid. B Il entre en compétition avec un médiateur.
C La CI50 est la concentration de ligand froid permettant de C Il possède une activité intrinsèque plus faible qu'un ago-
déplacer 50 % du ligand radiomarqué. niste entier.
D À la CI50, les concentrations en complexes ligand radiomar- D Il ne peut occuper tous les récepteurs.
qué-récepteur et en complexes ligand froid-récepteur sont E L'affinité pour les récepteurs est plus faible que celle d'un
égales. agoniste entier.
78
8. Les types d'interactions cible-médicament
0
0.1 1 10 100 1000
concentration de L [μM] (log)
79
This page intentionally left blank
QCM 14 B L'efficacité des molécules médicamenteuses est le plus
X et Y sont deux ligands possédant un KD respectivement de souvent de type quantal.
10 et 100 nM pour une même cible C. C La DE50 est la concentration d'une molécule permettant
A L'affinité de X est plus importante que celle de Y pour la d'obtenir 50 % de l'effet maximal.
cible C. D La DE50 correspond aux doses utilisées lors des essais
B L'affinité de X est plus importante que celle de Y pour cliniques.
toutes leurs cibles. E La DE50 reflète la sensibilité d'un ligand pour un récepteur
C La constante d'association à l'équilibre KA de Y est de spécifique.
0,1 nM−1.
QCM 18
D A concentrations égales, Y est capable de déplacer X de la
Soient X et Y deux ligands présentant respectivement des
cible C.
activités intrinsèques α de 0,5 et 1.
QCM 15 A X et Y sont des agonistes.
Soit la courbe de liaison du ligand L à son récepteur spécifique B X est un antagoniste.
ci-dessous : C Y est un agoniste partiel.
D Y est plus puissant que X.
100
QCM 19
Liaison spécifique (%)
90
Soient X et Y deux agonistes entiers d'un même récepteur
80
présentant respectivement une concentration efficace 50 %
70
(CE50) de 0,001 et 10 μmol/L.
60
A Y a un pD2 égal à 7.
50
B Y est 10 000 fois plus efficace que X.
40
C X est plus sensible que Y.
30
D X possède une activité thérapeutique plus grande que Y.
20
10 QCM 20
0 Parmi les propositions suivantes concernant trois molécules A,
0,01 0,1 1 10 100
B et C se fixant sur le même récepteur R, laquelle (lesquelles)
est (sont) exacte(s) ?
Concentration de radioligand L* [mM] (log)
100
Le KD du ligand L est de :
A 100 %. 80
% de réponse
B A
B 100 μm.
C 10−6 M. 60 C
D (log 1) μM.
40
QCM 16
Deux médicaments A et B d'une même série pharmaco- 20
logique agissent sur deux sous-types de récepteurs (R1 et
R2) porteurs respectivement de l'effet principal et d'un effet 9 8 7 6 5 4
− log [agoniste] (M)
secondaire. L'affinité de A est de 10−7 M pour R1 et de 10−4 M
pour R2 ; celle de B de 10−9 M pour R1 et de 10 3 M pour R2. A Les molécules A, B et C sont des agonistes.
A L'effet principal de B est 10 fois plus important que celui de B A et B présentent la même affinité.
A. C A et C ont la même sensibilité.
B La sélectivité de B pour R1 par rapport à R2 est supérieure D L'efficacité de B est supérieure à celle de A.
à celle de A.
C A et B sont deux agonistes partiels de R2. QCM 21
D A présente un meilleur rapport bénéfice-risque que B. Un antagoniste compétitif :
A Se fixe sur le même site que l'agoniste physiologique au
QCM 17 niveau du récepteur.
Parmi les affirmations suivantes, laquelle (lesquelles) est (sont) B Provoque un déplacement vers le bas de la courbe effet-
exacte(s) ? concentration de l'agoniste.
A La DE50 d'une molécule est déterminée chez le volontaire C Diminue l'affinité de l'agoniste pour son récepteur.
sain. D Réduit l'effet maximal de l'agoniste.
QCM 22 QCM 25
Un antagonisme non compétitif : Sachant qu'un principe actif présente une dose létale 50 %
A Est obtenu lorsque deux agonistes se fixent simultanément (DL50) de 100 mg administrée par voie intraveineuse chez la
sur deux sites différents mais très proches. souris, laquelle (lesquelles) des propositions suivantes est
B Est observé lorsqu'un antagoniste de plus forte affinité (sont) exacte(s) ?
déplace un agoniste sur la même cible. A L'administration de 200 mg du principe actif à 100 souris
C Est observé lorsque deux agonistes génèrent des effets entraîne la mort de la totalité des souris.
opposés. B L'administration de 100 mg à 100 souris entraîne la mort de
D Est retrouvé en présence de fortes concentrations d'un 50 souris.
antagoniste compétitif. C La DL50 est de 100 mg quelle que soit la voie d'administration.
D La DL50 par voie intraveineuse est de 100 mg chez toutes les
QCM 23
espèces animales, y compris chez l'homme.
Pour un même récepteur, lorsque sont mises en présence une
molécule A, agoniste entier à forte affinité, et une molécule B, QCM 26
agoniste partiel de faible affinité : Parmi les affirmations suivantes, relatives aux modèles de
A Pour de faibles concentrations de A et de B, les effets de pharmacodynamie, quelle(s) est (sont) la (les) proposition(s)
chacun des deux s'additionnent. exacte(s) ?
B Pour de fortes concentrations de A et de B, l'agoniste A A L'hypertension artérielle peut être modélisée sur des ron-
déplace l'agoniste B. geurs par induction d'une hypoxie chronique.
C A concentrations égales, l'effet généré par A est supérieur à B La streptozotocine est un agent détruisant les cellules β des
celui entraîné par B. îlots de Langerhans permettant d'induire un diabète chez l'animal.
D A et B sont des antagonistes non compétitifs. C L'induction de l'hypertension artérielle par l'angiotensine II
permet d'obtenir une élévation de pression artérielle dans les
QCM 24
2 à 4 semaines suivant l'initiation du traitement.
Parmi les mécanismes suivants, indiquer celui qui est compé-
D Les modèles génétiquement modifiés de diabète sont des
titif :
modèles caractérisés exclusivement par une augmentation de
A Potentialisation directe.
poids induisant le diabète.
B Potentialisation par interaction pharmacocinétique.
E Une des méthodes permettant d'obtenir des modèles
C Antagonisme fonctionnel.
d'animaux hypertendus est d'inhiber l'activité de la NO syn-
D Synergie additive.
thase endothéliale en augmentant, en parallèle, la concentra-
tion plasmatique d'angiotensine II.
ENTRAÎNEMENT 8
QCM 14 QCM 18
A L'affinité de X est plus importante que celle de Y pour la A X et Y sont des agonistes.
cible C. D Y est plus puissant que X.
QCM 15 QCM 19
C 10−6 M. C X est plus sensible que Y.
QCM 16 QCM 20
B La sélectivité de B pour R1 par rapport à R2 est supérieure A Les molécules A, B et C sont des agonistes.
à celle de A. C A et C ont la même sensibilité.
QCM 17 QCM 21
E La DE50 reflète la sensibilité d'un ligand pour un récepteur A Se fixe sur le même site que l'agoniste physiologique au
spécifique. niveau du récepteur.
QCM 22 QCM 25
A Est obtenu lorsque deux agonistes se fixent simultanément B L'administration de 100 mg à 100 souris entraîne la mort de
sur deux sites différents mais très proches. 50 souris.
C Est observé lorsque deux agonistes génèrent des effets
QCM 26
opposés.
B La streptozotocine est un agent détruisant les cellules β
QCM 23 des îlots de Langerhans permettant d'induire un diabète chez
A Pour de faibles concentrations de A et de B, les effets de l'animal.
chacun des deux s'additionnent. C L'induction de l'hypertension artérielle par l'angiotensine II
B Pour de fortes concentrations de A et de B, l'agoniste A permet d'obtenir une élévation de pression artérielle dans les
déplace l'agoniste B. 2 à 4 semaines suivant l'initiation du traitement.
C À concentrations égales, l'effet généré par A est supérieur à E Une des méthodes permettant d'obtenir des modèles
celui entraîné par B. d'animaux hypertendus est d'inhiber l'activité de la NO syn-
thase endothéliale en augmentant, en parallèle, la concentra-
QCM 24
tion plasmatique d'angiotensine II.
D Synergie additive.
Chapitre 9
Modèles expérimentaux d'étude
en pharmacodynamie
PLAN DU CHAPITRE
Modèles cellulaires 82
Modèles animaux 82
Modèle de xénogreffes de tumeurs 82
Modèles d'obésité 82
Modèle de pathologies cardiovasculaires 82
Modèle de diabète 83
83
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Chapitre 10
Les principales cibles
des médicaments : mécanismes
d'action du médicament
de l'échelle moléculaire
à l'échelle tissulaire
PLAN DU CHAPITRE
Cibles moléculaires membranaires 86
Cibles moléculaires cytosoliques 106
86
10. Les principales cibles des médicaments : mécanismes d'action
constitue la boucle d'inactivation qui, lors d'une dépola- non la diffusion des ions à travers la membrane plasmique.
risation membranaire maintenue, va se replier contre le Ainsi, les différents états du canal ionique sont (figure 10.1) :
canal et fermer le pore. • état de repos, c'est-à-dire fermé mais pouvant s'ouvrir
Les sous-unités β sont des petites glycoprotéines (30 à après stimulation ;
40 kDa) composées d'un seul segment transmembranaire, • activé donc ouvert, assurant le passage des ions ;
d'une petite chaîne peptidique à l'extrémité C-terminale • inactivé, c'est-à-dire fermé et ne pouvant pas être ouvert
et d'une chaîne peptidique plus longue à l'extrémité par stimulation. Cet état correspond à la période réfractaire.
N-terminale. Ces sous-unités β sont associées, souvent Lorsque le potentiel de membrane est modifié, la proba-
par deux, à une sous-unité α de façon covalente ou non bilité pour que le canal ionique adopte une conformation
en fonction des différentes isoformes. Les fonctions de ces donnée change également.
sous-unités β sont diverses puisqu'elles modulent non seu-
lement les propriétés électrophysiologiques, la transcrip- À noter
tion et l'expression à la membrane des sous-unités α des
Nav, mais elles agissent également comme des molécules Le processus de transition d'un état à un autre des
d'adhésion. Ainsi, elles interagissent avec la matrice extra- canaux ioniques est appelé «porte d'ouverture
cellulaire, régulent la migration et l'agrégation cellulaire et et de fermeture». Si la porte est contrôlée par le
interagissent également avec le cytosquelette. potentiel de membrane, on parle alors de canal
«voltage-dépendant» (VOC : voltage operated
Multiplicité des canaux sodiques channel). Si elle est contrôlée par des molécules
dépendants du potentiel endogènes (neurotransmetteurs par exemple), le
canal est dit «activé par des récepteurs» (ROC :
Différentes isoformes de canaux sodiques dépendants du receptor operated channel).
potentiel ont été décrites chez l'homme et chez les mam-
mifères. Ainsi, une dizaine de gènes codant pour la sous- La relation entre potentiel de membrane et flux sodique
unité α ont été mis en évidence chez l'homme. Le nom est mise en évidence par la technique de patch clamp. Ainsi,
attribué à chaque sous-unité α est constitué du symbole lorsque le potentiel de membrane est maintenu proche
chimique de l'ion diffusant à travers le canal (Na), avec en de la valeur de potentiel de repos, le canal est fermé et il
indice l'initial du voltage (v), principal régulateur de ces n'y a pas de tranfert ionique. Lorsqu'une modification de
canaux : Nav. Le chiffre qui suit définit la sous-famille de
gènes et à l'heure actuelle, une seule sous-famille a été Tableau 10.1. Récapitulatif des différentes isoformes
identifiée : Nav1, qui regroupe les neuf gènes notés Nav1.1 de sous-unités α de canaux ioniques chez l'homme
à 1.9. Le chiffre après le point désigne spécifiquement Canaux Sensibilité ou Distribution tissulaire
l'isoforme du canal (Nav1.1, Nav1.2…). Les différentes iso- résistance vis-à-vis
formes peuvent être classées en fonction de leur sensibi- de la TTX
lité à la tétrodotoxine (TTX), un bloqueur très puissant Nav1.1 TTX-sensible Système nerveux central
et très sélectif des canaux sodiques, isolé en particulier à
Nav1.2 TTX-sensible Système nerveux central
partir des bactéries du tube digestif de poissons du genre
Takifugu, capable d'obstruer le pore du canal, de manière Nav1.3 TTX-sensible Système nerveux central
rapide et réversible. On distinguera ainsi les isoformes et cœur
dites « TTX-sensibles » (TTX-S) (Nav1.1 à Nav1.4, Nav1.6 et Nav1.4 TTX-sensible Muscle squelettique
Nav1.7) et les isoformes dites « TTX-résistantes » (TTX-R), Nav1.5 TTX-résistant Cœur
pour lesquelles la TTX a une affinité plus faible (Nav1.5, Nav1.6 TTX-sensible Système nerveux central
Nav1.8 et Nav1.9) (tableau 10.1).
Nav1.7 TTX-sensible Neurones des ganglions
spinaux, cellules de Schwann,
Fonctionnement des canaux :
cellules neuroendocrines
cycle activation/inactivation
Nav1.8 TTX-résistant Système nerveux périphérique
L'activité ionique se définit par la capacité de transfert des
Nav1.9 TTX-résistant Système nerveux périphérique
ions au travers des pores du canal. Les canaux ioniques se
présentent sous trois conformations stables permettant ou TTX : tétrodotoxine.
87
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
Dépolarisation Fermé
–10 mV mais activable
–120 mV Membrane voltage 1
Dépolarisation Repolarisation
Ouvert Fermé
activé inactivé
2
Figure 10.1
Cycle d'activation/inactivation des canaux sodiques
O
H
N N
O N
O
H2N
Procaïne Lidocaïne
Figure 10.2
Structure chimique de la procaïne et de la lidocaïne
potentiel est observée et maintenue, l'ouverture du canal ment préférés car ces molécules sont mieux tolérées et ne
sodique permet la diffusion d'ions Na+ à l'origine d'une donnent lieu ni à une action psychostimulante, ni à une
dépolarisation membranaire. Très rapidement (quelques dépendance ou une accoutumance.
millisecondes), le canal sodique adopte une conformation Sur le plan structural, les anesthésiques locaux possèdent
fermée inactivée, bien que la membrane soit toujours dépo- tous un squelette identique constitué d'un noyau aroma-
larisée. Dans ce cas, les ions Na+ ne peuvent plus diffuser à tique lipophile et d'une fonction amine terminale. Ces
travers la membrane plasmique. Enfin, le retour à un potentiel molécules diffèrent par une chaîne intermédiaire de lon-
de repos (phase de repolarisation) se traduira par un retour gueur variable et disposant d'une fonction ester, éther ou
à une conformation fermée activable des canaux sodiques. amide. Les anesthésiques locaux sont des bases faibles dont
seule la fraction non ionisée est susceptible de diffuser à
travers les membranes cellulaires. Ainsi, de faibles modifica-
Les canaux sodiques, cibles d'anesthésiques locaux tions de pH sont susceptibles de modifier le degré d'ionisa-
Historiquement, la molécule de référence douée de pro- tion et donc l'activité pharmacologique de ces molécules.
priété anesthésique locale et utilisée par Koller en 1884 en Le chef de file des anesthésiques locaux de synthèse est
instillation dans le cul-de-sac conjonctival est la cocaïne. la lidocaïne ; d'autres molécules sont également largement
Isolée à partir du coca (Erythroxylum coca), petit arbuste utilisées : la procaïne, la mépivacaïne, la bupivacaïne…
des versants orientaux des Andes de Bolivie et du Pérou, la (figure 10.2).
cocaïne était utilisée initialement pour réduire les douleurs
provoquées par la faim et la fatigue. Ses propriétés anesthé- Cible et mécanisme d'action pharmacologiques
siques ont été mises à profit en chirurgie ophtalmique et Au niveau moléculaire, les anesthésiques locaux sont des
dentaire, mais cette molécule n'est actuellement plus utili- bloqueurs des canaux sodiques Nav, et en particulier de
sée en raison d'un risque de dépendance physique et psy- l'isoforme 1.7 majoritairement exprimée au niveau des
chique dévastateur pouvant conduire à la mort. Pour ces neurones périphériques. Ionisés au pH physiologique,
raisons, les anesthésiques locaux de synthèse sont actuelle- les anesthésiques locaux diffusent facilement à l'inté-
88
10. Les principales cibles des médicaments : mécanismes d'action
rieur du canal ionique pour s'y fixer et empêcher les flux Molécules et Indications thérapeutiques
sodiques transmembranaires. L'accès au site de liaison La classe I des antiarythmiques de Vaughan Williams est
est ainsi facilité lorsque le canal ionique est en confor- divisée en trois sous classes (a, b et c) en fonction de la
mation ouverte. Une fois fixés, les anesthésiques locaux durée de fixation de la molécule sur le canal sodique et de
vont stabiliser l'état inactivé en prolongeant la période l'effet de l'antiarythmique sur la durée du potentiel d'action
réfractaire, en retardant le retour à l'état de repos et (augmentée, diminuée ou stable).
enfin, en diminuant la propagation de l'influx nerveux.
Ces molécules présentent une faible sélectivité pour les Classe Ia : quinidine et ses dérivés
canaux sodiques Nav 1.7 et peuvent cibler d'autres canaux La durée de fixation de ces molécules est intermédiaire et
sodiques (cardiaques par exemple), expliquant les effets les conductions intra-auriculaires et intraventriculaires sont
indésirables associés à l'utilisation de ces molécules. allongées. Les molécules de la classe Ia sont indiquées dans
la réduction des arythmies auriculaires et en prévention des
Utilisations thérapeutiques
récidives d'arythmies auriculaires ou ventriculaires.
Les anesthésiques locaux sont utilisés pour leurs proprié-
tés anesthésiques de surface dans les douleurs locales, Classe Ib : lidocaïne et dérivés, méxilétine
les anesthésies locales avant explorations ou petite chirur- La durée de fixation de ces molécules sur le canal Nav
gie. Ils se présentent le plus souvent sous la forme de gels, est courte et elles n'entraînent pas de modifications des
solutions ou compresses imprégnées. Ces molécules sont conductions intra-auriculaire et intraventriculaire. Ces
également utilisées pour leurs propriétés anesthésiques molécules sont indiquées préférentiellement dans la réduc-
locales ou régionales en odontostomatologie, dans les tion des arythmies ventriculaires au cours de la phase aiguë
interventions chirurgicales, en analgésie péridurale. Parfois de l'infarctus du myocarde, en prévention des récidives
utilisés en association avec des vasoconstricteurs (adré- d'arythmies ventriculaires.
naline) pour ralentir la diffusion de l'anesthésique dans la
circulation générale et assurer le maintien prolongé d'une Classe Ic : propafénone, flécaïnide
concentration locale active, ils sont délivrés sous la forme Ces molécules se fixent de façon prolongée au canal
de solutions injectables le plus souvent. sodique Nav et présentent une grande efficacité antia-
rythmique. Elles ne modifient pas la conduction intra-
Les canaux sodiques, cibles d'antiarythmiques auriculaire mais allongent la conduction intraventriculaire.
Ces molécules sont indiquées dans la réduction des aryth-
Les antiarythmiques sont utilisés pour lutter contre les
mies auriculaires et ventriculaires et en prévention de ces
troubles du rythme cardiaque. Ils se répartissent en quatre
mêmes arythmies.
classes selon la classification de Vaughan Williams :
• classe I : stabilisants de membrane ;
• classe II : bêtabloquants ; Les canaux calciques dépendants
• classe III : amiodarone et sotalol ; du potentiel (Cav)
• classe IV : inhibiteurs calciques.
Les antiarytmiques ciblant les canaux sodiques Nav Les canaux calciques sont très variés et sont, pour la plu-
appartiennent à la classe I, stabilisants de membranes. part, dépendant du voltage. Ces canaux sont présents
Les molécules de ce groupe agiront préférentiellement au de façon ubiquitaire dans toutes les cellules et en plus
niveau atrial ou ventriculaire. grand nombre dans les cellules nerveuses et musculaires.
Différents types de canaux dépendants du voltage sont
Cible et mécanisme d'action pharmacologiques connus et ils diffèrent entre eux par la valeur du potentiel
Les antiarythmiques de classe I sont des bloqueurs des canaux qui permet leur ouverture. Ainsi, en raison d'un important
sodiques cardiaques Nav 1.5. Ces molécules se fixent sur un site gradient de concentration établi entre le milieu extracel-
de liaison intracellulaire au niveau du segment 6 des domaines lulaire (1,5 mm) et le milieu intracellulaire (0,15 μM), l'ou-
I, II et IV. L'accès au site de liaison est facilité par une confor- verture des canaux calciques va permettre l'influx massif
mation ouverte du canal sodique : une fois fixés, les antia- d'ions Ca2+ à l'intérieur de la cellule. Sur le même modèle
rythmiques empêchent les flux sodiques et stabilisent à l'état que les canaux sodiques, les canaux calciques dépendants
fermé inactivé les canaux sodiques, retardant le retour à une du voltage présentent trois conformations stables. Ainsi, les
conformation fermée activable, ralentissant la propagation du canaux peuvent être dans un état de repos, un état activé
potentiel d'action et diminuant ainsi l'excitabilité cardiaque. ou un inactivé.
89
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
Structure des canaux calciques dépendants aux canaux de type non-L ou «neuronaux» (canaux P/Q,
du potentiel R et N) caractérisés par les sous-unités Cav 2.1 à 2.3. Enfin,
une troisième famille correspond aux canaux T représen-
Les canaux calciques dépendants du potentiel sont des
tés par les isoformes Cav 3.1 à 3.3. Les types L, P/Q, R et N
hétéropentamères composés d'une sous-unité principale
sont activés par des voltages élevés (–20 à –30 mV), tandis
α1 centrée autour de sous-unités auxiliaires α2, β, γ et δ
que le type T est activé pour des valeurs de voltage plus
dont les principales fonctions sont de moduler l'expression
basses (–70 mV). La cinétique d'activation des canaux L et
membranaire de la sous-unité α1.
P/Q est lente (> 500 ms), celle des canaux T et R est rapide
Cette sous-unité est formée de quatre domaines homolo-
(50 ms), tandis que la cinétique d'activation des canaux N est
gues (I à IV) reliés par des boucles intracytoplasmiques entre
intermédiaire. Le tableau 10.2 résume les principales carac-
les domaines I et II, II et III, III et IV. Chacun des domaines est
téristiques des canaux calciques dépendants du voltage.
composé de six segments hélicoïdaux (S1 à S6). Les parties N
et C terminales de cette sous-unité sont intracytoplasmiques. Principaux bloqueurs des canaux
Sur le plan fonctionnel, les segments S3 et S3-S4 (domaine I) calciques de type L
et S6 (domaine I) sont responsables, respectivement, des ciné-
tiques d'activation et d'inactivation voltage-dépendante du Différentes familles de molécules (figure 10.3) ciblent les
canal. La région S4, chargée positivement, forme la région canaux calciques de type L parmi lesquelles les dihydropy-
sensible au voltage du canal. L'anse extracellulaire formée ridines, les phénylalkylamines et les benzothiazépines. Les
entre S5 et S6 constitue l'anse de sélectivité ionique du pore. sites de liaison, au niveau du canal calcique, de ces blo-
queurs sont bien connus : les dihydropyridines se fixent
préférentiellement sur l'anse extracellulaire établie entre
Multiplicité des canaux calciques
les segments S5 et S6 du domaine III, mais également sur la
dépendants du potentiel
face extracellulaire des segments S5 et S6 du domaine III et
La diversité fonctionnelle des canaux calciques s'explique du segment S6 du domaine IV. Le site de fixation des phé-
par des propriétés fonctionnelles distinctes et une expres- nylakylamines est essentiellement intracellulaire au niveau
sion tissulaire précise des sous-unités α1. Une première des segments S6 des domaines III et IV. Enfin, les benzo-
famille de quatre gènes code pour les canaux calciques thiazépines bloqueront les canaux calciques en se fixant
de type L (Cav 1.1 à 1.4). Une seconde famille correspond sur la partie intracellulaire des segments S6 du domaine IV.
90
10. Les principales cibles des médicaments : mécanismes d'action
DI D II D III D IV
+ + + +
+ + + +
S4 S4 S4 S4
+ + + +
+ + + +
H2N
Dihydropyridines
Filtre de sélectivité ionique
S4 (+) Détecteur de Voltage Phénylalkylamines
COOH
Benzothiazépines
Figure 10.3
Représentation schématique de la structure des canaux calciques dépendants du potentiel
Source : Richard S, Virsolvy A, Fort A. Effets moléculaires de nouveaux antagonistes calciques : le principe de parcimonie est-il toujours de mise ? Annales de Cardiologie et d'Angéiologie
2008 ; 57 : 133–86. © 2008 Elsevier-Masson SAS. Tous droits réservés.
L'affinité des bloqueurs des canaux calciques pour le est maintenue constante à environ 0,1 mm. Deux types de
canal dépend de l'état conformationnel du canal calcique. canaux vont participer à l'élimination du calcium du réticu-
Ainsi, les bloqueurs auront en général une affinité plus lum vers le cytosol : le canal calcique-récepteur à la ryano-
importante pour les états ouverts activé et inactivé. dine (RyR) et le canal calcique-récepteur à l'IP3 (IP3-R).
Les dihydropyridines, dont le site de liaison est essentiel-
lement extracellulaire, présentent une affinité importante Le canal calcique-récepteur à la ryanodine (RyR)
pour les canaux calciques inactivés. Cela explique leur tro- La ryanodine est un alcaloïde d'origine végétale extrait d'une
pisme majoritairement vasculaire, où le nombre de canaux plante d'Afrique du Sud, Ryania speciosa. Originellement
Cav inactivés est supérieur à celui des canaux Cav ouverts utilisée pour ses propriétés insecticides, la ryanodine pré-
(au niveau des vaisseaux, le potentiel de membrane est sente une très forte affinité pour les canaux calciques-
constant avec un état dépolarisé prolongé traduisant récepteurs à la ryanodine exprimés majoritairement dans
l'absence d'activité rythmique). Les dihydropyridines les cellules musculaires cardiaques et striées squelettiques.
exercent une inhibition potentielle (voltage)-dépendante
Structure du récepteur
et leurs effets vasodilatateurs seront mis à profit dans le
Le récepteur est un homotétramère (figures 10.4 et 10.5)
traitement de l'hypertension artérielle ou de l'angor.
dont chaque monomère est formé de quatre hélices trans-
Les phénylalkylamines ou les benzothiazépines, dont
membranaires (1 à 4). Ces monomères présentent égale-
le site de liaison est intracellulaire, présentent une affi-
ment une longue extrémité N-terminale et une extrémité
nité supérieure pour les canaux calciques à l'état ouvert.
C-terminale plus courte, toutes deux intracytoplasmiques.
Ces molécules sont à l'origine d'une inhibition fréquence-
Une anse établie entre les hélices 3 et 4 forme le pore
dépendante et ciblent notamment les canaux Cav car-
ionique et contribue à la sélectivité ionique.
diaques. En effet, la physiologie cardiaque est caractérisée
Le récepteur à la ryanodine comprend trois isoformes
par un cycle continu de potentiels d'action expliqué par un
(RyR-1, RyR-2 et RyR-3), dont la distribution tissulaire est
potentiel de membrane fréquemment à l'état dépolarisé,
différente : RyR-1 est l'isoforme du muscle strié squelet-
mais sur une courte période. Cette caractéristique physio-
tique, RyR-2 est celle du muscle cardiaque et du cerveau
logique s'explique par un nombre de canaux Cav ouverts
tandis que RyR-3 serait exprimée de façon ubiquitaire à un
supérieur au nombre de canaux Cav inactivés. Ainsi, les
faible niveau. La ryanodine se fixe avec une haute affinité
phénylalkylamines et les benzothiazépines présentent des
sur le canal en position ouverte et le maintient ouvert à
effets cardiaques inotropes négatifs, chronotrope négatif
faible concentration (nano- ou micromolaire), mais l'inhibe
et dromotrope négatif et sont indiqués dans le traitement
à forte concentration (millimolaire).
de l'hypertension artérielle, de l'angor ou des troubles du
rythme (antiarythmique de classe IV de Vaughan Williams). Fonctions du récepteur
Couplage excitation/contraction du muscle
Les canaux calciques de la membrane squelettique
La contraction musculaire met en jeu plusieurs comparti-
du réticulum sarco-/endoplasmique ments cellulaires : les tubules transverses, le réticulum sar-
Dans la cellule, le calcium est stocké dans des vésicules du coplasmique et le myoplasme. Les canaux calciques dépen-
réticulum sarcoplasmique ou endoplasmique lisse. Ainsi, la dants du voltage (Cav 1.1), exprimés au niveau des tubules
concentration de calcium dans cet organite intracellulaire transverses, sont associés au récepteur RyR-1, localisé à la
91
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
0 Spinophilin
plasmique. À chaque battement cardiaque, c'est-à-dire
LZ1 pendant la phase de plateau descendant du potentiel
2000 1000 d'action, une entrée de calcium dans la cellule va avoir
PR130
LZ2 lieu via le canal calcique Cav 1.2. Ceci est à l'origine d'une
ApoCaM
3000 augmentation modérée de la concentration de calcium
Calstabin2 Ser2809 LZ3 intracytoplasmique qui va activer les récepteurs RyR-2,
(FKBP12.6)
4000 mAKAP
permettant la libération massive de calcium du réticu-
2+
lum sarcoplasmique. Ainsi, une très nette augmentation
Ca sensor
COOH
4969
de la concentration de calcium intracellulaire sera asso-
2+
Ca -CaM ciée à la contraction musculaire cardiaque.
Cytosol
M10
pore
M8
M5
M6
Couplage excitation/contraction
Structure générale des canaux potassiques
du muscle cardiaque (figure 10.6)
Le couplage excitation/contraction cardiaque implique Parmi les nombreux canaux potassiques clonés, trois
deux canaux calciques, le canal calcique dépendant du familles structurales ont été identifiées d'après leurs
voltage Cav 1.2 localisé au niveau de la membrane plas- homologies de séquence, le nombre de segments
mique du tubule-T et le récepteur à la ryanodine RyR-2 transmembranaires, le nombre de segments P partici-
qui lui fait face dans la membrane du réticulum sarco- pant à la formation du pore. La classification de ces
92
10. Les principales cibles des médicaments : mécanismes d'action
3Na 2K
Ca 3Na
RyR
Ca Ca
/Ca SR ATP
PLB
Ca Ca
Ca 2Na
Ca H
Myofilaments H Ca
Na
Ca [Ca]i
NCX AP
T-tubule 3Na (Em)
Contraction
200 ms
Figure 10.6
Représentation schématique du couplage excitation-contraction
Source : Bers DM. Cardiac excitation-contraction coupling. Nature 2002 ; 415 : 198–205.
N
SI Site de liaison de l'IP
+
SIII Ins(1,4,5)P3 C +
+
+
L
Anse, détermine la
CaM SII
sélectivité ionique T1 P
Cytosol B β
B
Lumière du
réticulum Figure 10.8
endoplasmique
Représentation schématique de la structure d'un canal potassique à
Figure 10.7 six ou sept domaines transmembranaires
Source : Biggin PC, Roosild T, Choe S. Potassium charnel structure : domaine by
Structure d'un monomère du canal calcique-récepteur à l'IP3 domaine. Current Opinion in structural biology 2000 ; 10 : 456–61.
Source : Thrower EC, Hagar RE, Ehrlich BE. Regulation of Ins(1,4,5)P3receptor isoforms by
endogenous modulators. TIPS 2001 ; 22 : 580–86.
senseur du voltage participant ainsi à la régulation de
l'activité de ce canal ionique. Également, appartiennent à
cette famille, les canaux potassiques sensibles à la concen-
canaux dépend de la structure de la sous-unité α de
tration intracellulaire de calcium (BKCa). Ces canaux sont
ces derniers.
constitués de sept domaines hélicoïdaux transmembra-
Les canaux potassiques à six ou sept domaines naires, une extrémité N-terminale extracellulaire et une
transmembranaires (figure 10.8) longue chaîne C-terminale localisée dans le cytoplasme.
Ces canaux se constituent en tétramères pour être fonc- Un segment P se forme entre les domaines hélicoïdaux
tionnels. 6 et 7 et présente les mêmes fonctions que celles décrites
Il s'agit des canaux potassiques dépendants du vol- plus haut.
tage (Kv) dont chaque monomère présente six domaines
hélicoïdaux transmembranaires et des extrémités C- et Les canaux potassiques à deux domaines
N-terminales intracytoplasmiques. Un segment P, éta- transmembranaires (figure 10.9)
bli entre les domaines 5 et 6, participe à la formation du Cette famille de canaux regroupe, notamment, les canaux
pore et détermine la sélectivité ionique de ce dernier. Le potassiques activés par l'ATP et l'acétylcholine. On
domaine 4, riche en arginine et en lysine, joue un rôle de dénombre actuellement 16 canaux appartenant à cette
93
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
Figure 10.9
Représentation schématique de la structure d'un canal potassique à Figure 10.10
deux domaines transmembranaires Représentation schématique de la structure d'un canal potassique à
Source : Biggin PC, Roosild T, Choe S. Potassium charnel structure : domaine by quatre domaines transmembranaires
domaine. Current Opinion in structural biology 2000 ; 10 : 456–61. Source : Biggin PC, Roosild T, Choe S. Potassium charnel structure : domaine by
domaine. Current Opinion in structural biology 2000 ; 10 : 456–61.
94
10. Les principales cibles des médicaments : mécanismes d'action
Canaux hERG(IKR)
Post dépolarisation précoce
Potentiel d’action
R R
Troubles du rythme
T T
P P
ECG ventriculaire pouvant
Q Q
S S être fatal
Figure 10.11
Rôles de canaux potassiques hERG dans l'induction de torsades de pointes
Source : Hoffmann P, Warner B. Are hERG channel inhibition and QT interval prolongation all there is in drug-induced torsadogenesis ? A review of emerging trends. J Pharmacol Toxicol
Methods 2006 ; 53 : 87–105.
95
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
molécules Na+
non polaires
diffusion passive Thiazidiques Cl
liposolubles
hydrophobes NCC
Figure 10.12
Le mécanisme de transport à travers les cellules
Figure 10.13
Le mécanisme d'action des diurétiques thiazidiques
Les diurétiques de l'anse (furosémide, bumétamide, piréta- et de l'anse de Henlé
nide) sont les principales molécules ciblant et bloquant l'acti- CC : canal collecteur ; TCN : tube connecteur ; TCD : tube contourné
distal ; TCP : tube contourné proximal ; BLAH : branche large
vité du cotransporteur NKCC. Ainsi, la réabsorption ionique ascendante de l'anse de Henlé.
de sodium (de potassium et de chlorure) ne sera plus pos-
sible, ce qui contribuera à diminuer la natrémie. Ces molécules
rétiques de l'anse et sont plutôt indiquées, en première inten-
seront indiquées dans le traitement des œdèmes pulmonaires
tion, dans la prise en charge de l'hypertension artérielle. Le
ou des membres inférieurs, notamment en cas d'insuffisance
risque d'hypokaliémie est bien moins important avec les blo-
cardiaque. En outre, elles réduiront la volémie donc participe-
queurs des cotransporteurs NCC. Toutefois, le blocage de ce
ront à la réduction de l'hypertension artérielle bien qu'il ne
cotransporteur pourra entraîner un déséquilibre de l'activité
s'agisse pas d'une indication majeure de ces molécules.
des autres transporteurs qui entraînera une kaliurie impor-
L'utilisation des diurétiques de l'anse (figure 10.13) sera
tante, pouvant être à l'origine d'effets indésirables graves.
associée à une augmentation importante de la diurèse avec
un risque de perte importante de potassium. Ces molé-
cules sont dites hypokaliémiantes et il conviendra, en cas L'échangeur Na +/H +
de traitement au long cours, d'associer une supplémenta-
Cet échangeur, localisé de façon ubiquitaire à la membrane
tion potassique pour éviter des conséquences cardiaques
de nombreuses cellules, participe à l'efflux d'un ion H+
pouvant être fatales.
contre l'influx d'un ion Na + (figure 10.14). Différentes iso-
formes de cet échangeur ont été identifiées (NHE-1 à -4) et
Le cotransporteur NCC les propriétés physiologiques de l'isoforme NHE-1 sont bien
Localisé au pôle apical des cellules épithéliales des tubules connues. En effet, cette isoforme est présente à la surface de
contournés distaux, le cotransporteur NCC, protéine trans- toutes les cellules et contribue à la régulation du pH et du
membranaire, assure la diffusion à travers la membrane cellu- volume cellulaire, en particulier dans les processus d'hyper-
laire d'ions Na+ et Cl− dans des proportions stœchiométriques. trophie et de prolifération cellulaire. L'isoforme NHE-2 a été
Les diurétiques thiazidiques (hydrochlorothiazide par identifiée dans le cerveau, le testicule, l'utérus, le cœur, le
exemple) sont des molécules qui ciblent et bloquent l'activité poumon et le muscle squelettique, le rein. L'isoforme NHE-3
de ce cotransporteur, empêchant la réabsorption tubulaire est principalement exprimée à la surface des cellules épi-
de sodium. Ces molécules sont moins puissantes que les diu- théliales du rein et de l'intestin. Enfin, l'isoforme NHE-4 est
96
10. Les principales cibles des médicaments : mécanismes d'action
ext
1Na+ 3Na+
ext
int int
1H+ 1Ca2+
Figure 10.14
Figure 10.15
Représentation schématique du fonctionnement de l'échangeur
Représentation schématique du fonctionnement de l'échangeur
Na +/H + (NHE)
Na+/Ca2+ (NCX)
retrouvée dans le cerveau, l'utérus et le muscle squelettique. de l'ATP est situé au niveau d'une large boucle intracellu-
Leurs rôles physiologiques sont actuellement mal connus. laire localisée entre les domaines 4 et 5. Enfin, un domaine
Si les effets de diverses molécules médicamenteuses ont auto-inhibiteur, au niveau C-terminal, assure la modulation
été testés, dans des études expérimentales, sur l'activité de de l'activité de la pompe sous l'influence du complexe cal-
l'échangeur Na+/H+, aucune molécule n'est utilisée, à ce jour, cium-calmoduline. Ainsi, en l'absence de complexe calcium-
en thérapeutique, pour moduler l'activité de cet échangeur. calmoduline, le domaine auto-inhibiteur freine l'activité
ATPasique de la PMCA. La fixation du complexe calcium-
L'échangeur Na+/Ca2+ (NCX) calmoduline sur le domaine auto-inhibiteur va lever l'inhi-
Il s'agit d'une protéine transmembranaire assurant l'efflux bition de l'activité ATPasique assurant le passage des ions
d'un ion Ca2+ contre l'influx de trois ions Na+ (figure 10.15). à travers la membrane plasmique (figure 10.16).
Cet échangeur est principalement retrouvé au niveau des
cellules musculaires cardiaques où il participe à la régula- La Ca2+ – ATPase du réticulum
tion de la concentration intracellulaire en calcium et donc, endo-/sarcoplasmique (SERCA)
à la régulation de la contraction cardiaque. La fonction de Assurant l'efflux de calcium du réticulum endo-/sarco-
cet échangeur est modifiée (fonction inverse) par les digita- plasmique, les pompes SERCA présentent des homologies
liques indiqués dans l'insuffisance cardiaque. de structure avec les pompes PMCA. Constituées de 10
domaines hélicoïdaux transmembranaires, les pompes
Les pompes ioniques SERCA présentent des extrémités N- et C-terminale intra-
cytoplasmique et un site de liaison de l'ATP situé au niveau
Les pompes ioniques, de la famille des P-ATPases, sont d'une longue boucle intracytoplasmique établie entre
toutes des protéines transmembranaires assurant un trans- les domaines 4 et 5. À la différence des pompes PMCA,
fert ionique unidirectionnel (un seul ion transporté, contre les SERCA ne disposent pas de domaine auto-inhibiteur.
son gradient de concentration) ou bidirectionnel (un ion Toutefois, l'activité de la pompe SERCA est modulée par le
transporté dans un sens et un autre ion transporté dans phospholambane (figure 10.17), suivant son état de phos-
l'autre sens, tous deux contre leurs gradients de concen- phorylation ou déphosphorylation.
tration). Ces pompes assurent un transport actif des ions
nécessitant de l'énergie sous forme d'ATP.
Le phospholambane
2+
La Ca – ATPase de la membrane
Le phospholambane est une protéine de 52 acides
plasmique (PMCA) aminés qui est associée aux SERCA à l'état déphos-
Assurant l'efflux de calcium de la cellule, la PMCA est une phorylé. Sous cette dernière forme, le phospho-
pompe qui couple l'hydrolyse d'ATP au transport d'ions calcium. lambane présente une forte affinité pour la pompe
Distribuée de façon ubiquitaire dans l'organisme, la PMCA se SERCA et sa liaison va provoquer une baisse de l'en-
retrouve, entre autres, dans l'utérus, le cerveau, le cœur, le muscle trée de calcium dans le réticulum. Sous l'influence
squelettique, le muscle lisse, le poumon, le rein, la rate… de diverses protéines kinases (PKA, PKC, PKG, Ca2+/
Cette pompe est constituée de 10 domaines hélicoï- calmoduline kianse II : CaMK II), le phospholam-
daux transmembranaires et présente des extrémités N- et bane sera phosphorylé avec une perte de son affi-
C-terminales au niveau intracellulaire. Le site de liaison nité pour les SERCA favorisant le transport calcique.
97
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
1 2
3 Extracell. C
4 5 N
6 7 8 9 10
A-domain
N
ATP
D K P-domain
Intracell. sous-unité α
espace extracellulaire
Site A N-domain
sous-unité β
98
10. Les principales cibles des médicaments : mécanismes d'action
concentration
Membrane cellulaire
ATP
ADP Pi
Sodium
Na+ – +
Espace intracellulaire K+
Figure 10.19
Cycle de fonctionnement de la pompe Na+/K + ATPase
© Mariana Ruiz Villarreal
tration par augmentation de la concentration en sodium Les IPP (pantoprazole, omeprazole, lansoprazole, rabepra-
intracellulaire. Cet excès de sodium intracellulaire va modi- zole) sont des prodrogues inactives transformées, à pH acide,
fier la fonction du transporteur NCX qui exercera ses fonc- dans les canalicules gastriques, en dérivés sulfenamides qui se
tions en mode «reverse» avec un efflux d'ions Na+ et un combinent par covalence avec les groupements thiols de la
influx d'ions Ca2+. Il s'en suivra une augmentation de la pompe. Il en résulte une inhibition irréversible et de longue
concentration intracytoplasmique de calcium à l'origine durée de la pompe à protons, empêchant ainsi les flux ioniques.
d'une augmentation de la force de contraction cardiaque À la différence de leurs prodrogues, les dérivés sulfénamides
(effet inotrope positif). traversent peu les membranes biologiques et s'accumulent
donc dans les canalicules des cellules pariétales. Ainsi, les IPP
La pompe H+/K+ ATPase auront peu d'action sur les pompes à protons localisées dans
d'autres tissus, expliquant leur spécificité d'action.
Présente au niveau du côlon, du rein et surtout de l'esto-
mac où elle est particulièrement active, la pompe H+/K+
ATPase (pompe à protons) assure l'échange d'un pro- Les récepteurs canaux
ton contre un ion potassium. Ainsi, au niveau gastrique,
Localisés à la membrane plasmique, ces récepteurs canaux
cette pompe, localisée au pôle apical des cellules parié-
constituent une famille de protéines qui sont responsables
tales de la muqueuse gastrique, assure la sécrétion de
des équilibres ioniques transmembranaires. D'un point de
protons à l'origine de l'acidité du liquide gastrique (pH
vue structural, ces protéines jouent le rôle de récepteur et
voisin de 1).
de canal ionique assurant la transmission des signaux entre
Très proche structurellement de la pompe Na+/K+ ATPase,
deux neurones ou entre un neurone et une cellule muscu-
la pompe H+/K+ ATPase présente une unité fonctionnelle
laire. Différents médiateurs sont impliqués dans la régula-
minimum constituée d'une sous-unité α et d'une sous-unité
tion de l'activité de ces récepteurs canaux.
β. Formée de 10 segments hélicoïdaux transmembranaires
qui constituent le pore du canal, la pompe présente des Les récepteurs canaux
domaines N- et C-terminaux intracellulaires. Enfin, la sous-
unité β, constituée d'un seul domaine transmembranaire,
des médiateurs excitateurs
joue le rôle de chaperon moléculaire (voir figure 8.22). Il s'agit de récepteurs à perméabilité cationique (Na+, K+,
Ca2, Mg2+) activés par des médiateurs excitateurs suscep-
La pharmacologie de la H+/K+ ATPase tibles de provoquer un potentiel d'action post-synaptique
Les principales molécules ciblant la pompe H+/K+ ATPase excitateur (PPSE).
sont les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), indiqués
Les récepteurs nicotiniques
dans la prise en charge de l'ulcère gastrique et/ou duodénal,
le traitement symptomatique du reflux gastro-œsophagien Les récepteurs nicotiniques (nAChR) sont des récep-
ou en prévention des lésions gastroduodénales induites par teurs de l'acétylcholine et de la nicotine mis en évidence
les anti-inflammatoires. au début du XXe siècle par les travaux de John Newport
99
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
Langley (Langley, 1907). Les nAChR sont des récepteurs Na+, K+, Ca2+
va normaliser la transmission glutamatergique et ainsi amé- rures (Cl−) et plusieurs sites de liaison pour de nombreux
liorer les déficits cognitifs et les troubles de la mémoire qui ligands modulent l'ouverture du canal, avec notamment les
sont les principaux symptômes de la maladie d'Alzheimer. sites de liaison des benzodiazépines et des barbituriques.
Le blocage de ces récepteurs par le topiramate est reconnu L'ouverture du récepteur nécessite la fixation de deux
pour induire des propriétés antiépileptiques. Ainsi, en pré- molécules de GABA sur leurs sites de liaison extracellulaires.
sence de cette molécule, le courant calcique induit par l'acti- L'activation du récepteur GABA de type A induit un flux
vation des récepteurs AMPA kaïnate sera atténué, suite à une ionique, à l'origine d'un potentiel post-synaptique inhibi-
altération de l'état de phosphorylation de ces récepteurs. teur, précoce et bref (environ 5 millisecondes).
GABA Récepteurs
+ potentialisateur Entrée Cl- Hyperpolarisation
GABA-A
Figure 10.22
Les effets pharmacologiques des potentialisateurs du GABA
NH3- NH2
Domaine de
fixation du ligand 3
2
ext 4 1
Domaine
extracellulaire 7
5
6
Domaine
transmembranaire int
Domaine COOH
catalytique
intracellulaire
Figure 10.24
COO- Représentation schématique d'un récepteur couplé à une protéine G
Récepteur Récepteur Récepteur © Université d'Angers
de l’EGFR de l’insuline du PDGF
1.
Pi agoniste
Figure 10.23
γ
Structure générale des récepteurs à activité tyrosine kinase Gα
β
GDP
1. Récepteur de l’EGFR 2. Récepteur de l’insuline 3. Récepteur
du PDGF
EGFR : epidermal growth factor ; PDGF : platelet-derived growth factor. 4. 2. agoniste
γ γ
qui joue le rôle de transducteur, est ancrée à la membrane Gα
β
Gα
β
GTP
et est constituée de trois sous-unités : Gα, Gβet Gγ. Chaque RGS
GTP
protéine G est un hétérotrimère formé de ces trois sous- GDP
unités liées les unes aux autres de façon non covalente. Les
sous-unités β et γ sont indissociables, tandis que la sous- 3.
unité α peut être ou non associée au complexe βγ.
agoniste
phosphodiestérase va hydrolyser la liaison ester entre le motérol) utilisés pour leurs effets bronchodilatateurs dans
carbone 3' du ribose et le phosphate, produisant de l'AMP le traitement de l'asthme ou de la bronchopneumopathie
(figure 10.26). chronique obstructive. L'activité de ces récepteurs peut être
Six classes d'adénylate cyclase ont, à ce jour, été iden- bloquée par des antagonistes (ex. : famille des β-bloquants)
tifiées. Dans les cellules eucaryotes, 10 isoformes ont été caractérisés par trois paramètres :
mises en évidence. Chez l'homme, ces enzymes sont répar- • sélectivité cardiaque ou non ;
ties de façon ubiquitaire dans l'organisme puisqu'elles • propriété agoniste partielle : activité sympathomimétique
sont retrouvées dans les reins, le cerveau, les poumons, intrinsèque ;
la rétine, l'aorte… Ces enzymes sont de taille importante • stabilisateur ou non de membranes des cellules cardiaques.
puisqu'elles comprennent entre 800 et 2 000 acides ami- Les récepteurs couplés à des protéines Gi (couplage
nés selon l'isoforme. Elles présentent une forte homo- négatif à l'adénylate cyclase) sont associés, après stimula-
logie de structure puisqu'elles sont toutes composées de tion, à une diminution du taux d'AMP cyclique intracel-
deux régions transmembranaires contenant chacune six lulaire. De nombreux récepteurs (muscariniques M2 et M4,
hélices. Ces deux régions sont reliées entre elles par une noradrénergiques α2, sérotoninergiques 5-HT1) sont asso-
chaîne polypeptidique porteuse de l'activité catalytique. ciés à cette cascade d'activation pour amplifier le signal.
Les extrémités N- et C-terminales sont intracellulaires et au Les triptans, agonistes des récepteurs sérotoninergiques
niveau de l'extrémité C-terminale se trouve un second site 5-HT1, sont indiqués dans le traitement de la crise aiguë
catalytique. de la migraine caractérisée, entre autre, par une vasodilata-
L'AMP cyclique, second messager, produit suite à l'activa- tion cérébrale. Agonistes des récepteurs sérotoninergiques
tion de l'adénylate cyclase, participe à une cascade de réac- 5-HT1, les triptans vont diminuer la production d'AMP
tions enzymatiques dont la première est une activation de cyclique suite à un couplage négatif à l'adénylate cyclase
protéines kinases dépendantes de l'AMPc (PKA). Ces PKA à l'origine d'une vasoconstriction contribuant à limiter la
sont des intermédiaires dans de nombreuses voies méta- douleur migraineuse.
boliques telles que la glycogénolyse ou encore, la relaxation
musculaire lisse. La phospholipase C
Applications pharmacologiques La phospholipase C est une enzyme cytosolique à trans-
Parmi les récepteurs couplés à une protéine Gs (couplage location membranaire lorsqu'elle est activée. Cette activa-
positif à l'adénylate cyclase), se distinguent les récepteurs tion par les sous-unités Gαq aboutit à la synthèse du diacyl-
noradrénergiques β1 (cardiaques), β2 (vaisseaux, poumons) glycérol (DAG) qui reste fixé à la membrane plasmique et
et β3 (adipocytes). Ces récepteurs, et en particulier les récep- d'inositol 1,4,5 triphosphate (IP3), qui diffusent dans le cyto-
teurs β1 et β2, sont les cibles d'agonistes (salbutamol, for- plasme à partir du phosphatidylinositol 4,5-biphosphate
H2N NH2
N N
N N
O O O Adénylate-cyclase
O– P O P O P O N
N N N
O +PPi
O– O– O– O O
HO
OH OH P
O O OH
ATP AMPc
H 2N Phosphodiestérase
N H2O
N
O
N
HO P O N
O
O–
AMP OH OH
Figure 10.26
La fonction métabolique de l'adénylate cyclase
104
10. Les principales cibles des médicaments : mécanismes d'action
(PIP2) membranaire (figure 10.27). L'IP3 formé diffuse dans des effets pléïotropiques (augmentation de la production
le cytoplasme et va moduler la libération de calcium du réti- d'aldostérone, de la réabsorption tubulaire de sodium,
culum endoplasmique après interaction avec son récepteur vasoconstriction…) et ces récepteurs sont la cible d'anta-
spécifique localisé à la membrane du réticulum endoplas- gonistes de la famille des sartans indiqués, seuls ou en asso-
mique. Le complexe calcium/calmoduline peut ainsi activer ciation avec des diurétiques, dans l'hypertension artérielle.
diverses protéines enzymatiques (AMPc phosphodiesté-
rase, phospholipase A2…) assurant la transmission du signal Les effecteurs canaux ioniques
intracellulaire. Ces intermédiaires enzymatiques sont impli-
qués dans de nombreuses voies métaboliques telles que la Différents canaux ioniques peuvent être les effecteurs de
glycogénolyse ou encore, la contraction musculaire lisse. récepteurs couplés à des protéines G. La liaison de ces
canaux au récepteur peut être directe par les protéines G
Applications pharmacologiques elles-mêmes (il s'agit dans ce cas de canaux calciques vol-
Les récepteurs couplés aux protéines Gq sont divers (récep- tage-dépendants) ou indirecte impliquant un second mes-
teurs muscariniques M1, noradrénergiques α1, sérotoniner- sager (AMPc) ou une protéine kinase.
giques 5-HT2, histaminergiques H1, récepteur à l'angiotensine
AT1) et de nombreuses molécules ciblent ces récepteurs. Applications pharmacologiques
La stimulation des récepteurs α1 induira une contraction Les récepteurs muscariniques (M2), dopaminergiques (D2),
des cellules musculaires lisses via une augmentation de la morphiniques (μ) et au GABA de type B sont des récep-
concentration de calcium intracellulaire. Ainsi, les agonistes teurs dits métabotropes, dont l'effecteur est un canal
des récepteurs α1 sont indiqués dans l'hypotension ortho- ionique perméable aux ions potassium. La stimulation de
statique sévère (ex. : midodrine), tandis que les antago- ces récepteurs induit un efflux de potassium de la cellule à
nistes sont utilisés dans la prise en charge de l'hypertrophie l'origine d'une hyperpolarisation membranaire.
bénigne de la prostate (ex. : tamsulosine) ou de l'hyperten- Certains agonistes des récepteurs D2 (ex. : L-Dopa, ropini-
sion artérielle (ex. : prazosine). role) sont utilisés dans la prise en charge de la maladie de
Les récepteurs à l'histamine H1 sont impliqués, au niveau Parkinson. Ces molécules stimulent les récepteurs centraux
périphérique, dans les phénomènes allergiques et en parti- au niveau de la voie nigrostriée induisant une hyperpolari-
culier, induisent une vasodilatation dépendante de l'endo- sation permettant d'améliorer les troubles de la motricité
thélium et une contraction des cellules musculaires lisses automatique. S'agissant des antagonistes, plusieurs molé-
bronchiques. Aussi, les antagonistes des récepteurs à l'hista- cules sont actuellement utilisées dans la prise en charge des
mine H1 (cétirizine) seront indiqués dans le traitement des nausées et des vomissements (ex. : dompéridone bloquant,
symptômes nasaux et oculaires de la rhinite allergique. aux doses thérapeutiques, les récepteurs dopaminergiques
Le système rénine angiotensine aldostérone est la cible de périphériques) ou de certaines psychoses (ex. : rispéri-
nombreuses molécules à visée antihypertensive. La stimu- done exerçant des effets antagonistes sur les récepteurs D2
lation des récepteurs à l'angiotensine de type 1 (AT1) induit centraux).
CO CO CO CO
O O O O
C C C O C C C OH
H2 H H2 PLC H2 H H2
-O P O
diacylglycérol
2 O 6 OH (DAG)
HO 1
3 4
5
HO OPO3= OPO3=
OPO3= OH
phosphatidylinositol 4,5 diphosphate HO 2 1 6
(Ptd Ins 4,5 P2 ou PIP2) 4
3 5
HO OPO3= OPO3=
inositol 1,4,5-triphosphate
(lns (1,4,5)-P3 ou IP3)
Figure 10.27
La fonction métabolique de la phospholipase C (PLC)
105
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
NH2
Les récepteurs μ situés sur les neurones afférents secon- O
NH N
N
N
Guanylate-cyclase
daires (en post-synaptique) provoquent une hyperpolari- O O O
HO P O P O P O
O
N N
NH2
O
O
N N
+ Pyrophosphate
O- O- O-
sation membranaire par ouverture des canaux potassiques OH OH O P OH OH
OH OH
GMP
Figure 10.28
La fonction métabolique de la guanylate cyclase
Cibles moléculaires cytosoliques
Lumière du
vaisseau sanguin Cellule endothéliale Cellule musculaire lisse
hydrolyser la liaison ester entre le carbone 3' du ribose et le Guanilyl-cyclase soluble GTP
(basale)
(activée)
phosphate, produisant du GMP (figure 10.28). GMPc + PPI
Localisée, entre autres, au niveau des cellules musculaires
lisses vasculaires, la guanylate cyclase cytosolique est un Figure 10.29
récepteur-enzyme du monoxyde d'azote (gaz diffusible Le rôle du NO dans la relaxation musculaire lisse
produit au niveau de l'endothélium). L'activation de la
guanylate cyclase par le monoxyde d'azote va induire une
devront impérativement présenter une certaine lipophi-
augmentation du taux de GMP cyclique intracellulaire. Ce
lie pour diffuser à travers les membranes cellulaires (ex. :
dernier médiateur active tout d'abord des protéines kinases
hormones stéroïdiennes, certains acides gras, vitamines A
dépendantes du GMP cyclique (PKG) qui phosphorylent
et D…). Différentes classifications des récepteurs nucléaires
de nombreuses protéines-cible (phosphatase des chaînes
sont actuellement proposées : une classification fonction-
légères de myosine par exemple, à l'origine d'une relaxation
nelle (Chawla et al., 2001) qui permet de définir trois classes
musculaire lisse) (figure 10.29). En parallèle, le GMP cyclique
de récepteurs nucléaires : les récepteurs endocriniens à
participera à l'activation de canaux ioniques ou d'enzymes
forte affinité pour le ligand, les récepteurs nucléaires orphe-
(phosphodiestérases, par exemple).
lins «adoptés» possédant des ligands de faible affinité et les
récepteurs nucléaires orphelins pour lesquels aucun ligand
Récepteurs facteurs naturel n'a encore été identifié (tableau 10.3).
Une seconde classification (Laudet 1997 ; Giguere 1999 ;
de transcription Aranda et Pascual 2001), basée sur l'analyse de la séquence
Les récepteurs nucléaires forment une superfamille de protéique des différents récepteurs, a permis de distinguer
facteurs de facteurs de transcription. Ils régulant diverses six classes de récepteurs nucléaires, dont les trois premières
fonctions biologiques telles que la croissance, le dévelop- regroupent des récepteurs d'intérêt en pharmacologie :
pement, le métabolisme en exerçant un contrôle direct sur • la classe I regroupe, entre autre, les récepteurs aux hor-
l'expression de gènes-cible en réponse à différents signaux. mones thyroïdiennes, aux acides rétinoïques (RARs), à la
Ces récepteurs peuvent être localisés, à l'état inactif en vitamine D (VDRs), aux prostaglandines et aux acides gras
l'absence de ligand, dans le cytosol ou dans le noyau. Ainsi, polyinsaturés peroxisomes proliferator activated-receptor
les médiateurs naturels ou exogènes ciblant ces récepteurs (PPAR) ;
106
10. Les principales cibles des médicaments : mécanismes d'action
107
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
ERα et ERβ. Ainsi, la majorité des effets physiologiques des Applications pharmacologiques
œstrogènes sont médiés par ERα et non par ERβ, dont le Les agonistes des récepteurs aux œstrogènes peuvent être
rôle reste encore mal connu. «naturels» ou de synthèse. Les molécules «naturelles»
Après leur diffusion à travers la membrane plasmique, les (17β-œstradiol, estriol) sont indiquées, seules ou en asso-
œstrogènes peuvent activer la transcription des gènes cibles ciation avec des progestatifs, dans le déficit en œstrogènes
par diverses voies de signalisation : génomiques, majoritaires observé au cours de la ménopause (= traitement hormonal
ou extragénomiques (Nilsson, Makela et al., 2001). substitutif de la ménopause). Les molécules de synthèse
En absence de ligand, le récepteur se présente sous forme (éthinylestradiol) sont indiquées, en association le plus sou-
monomérique, complexé avec des protéines chaperonnes vent avec des progestatifs, dans la contraception hormo-
HSP-70 et -90, et localisé dans le noyau ou le cytoplasme. La nale par voie orale.
liaison du ligand entraîne un changement conformation- Les modulateurs sélectifs du récepteur aux œstrogènes
nel du récepteur, qui se dissocie des HSP, se dimérise avec (selective estrogen receptor modulator, SERM) sont une
un autre récepteur puis est transloqué vers le noyau (Reid, famille de ligands synthétiques, analogues structuraux de
Denger et al. 2002). Le dimère peut alors se fixer à des élé- l'estradiol et présentant des propriétés agonistes dans cer-
ments de réponse aux œstrogènes (ERE) situés en amont tains tissus ou antagonistes dans d'autres (Degrelle, 2004).
des gènes cibles puis active leur transcription (McKenna Ainsi, le tamoxifène, indiqué dans le traitement adjuvant
and O'Malley 2002). En fonction du type cellulaire et des du cancer du sein ou dans les formes évoluées avec pro-
promoteurs mis en jeu, le récepteur exerce alors une acti- gression locale et/ou métastatique, possède des activités
vité stimulatrice ou inhibitrice vis-à-vis de l'expression des antagonistes sur la glande mammaire et agonistes sur l'os,
gènes cibles (Tora, White et al. 1989) (figure 10.32). l'utérus et le système cardiovasculaire. Les effets agonistes
du tamoxifène sur l'utérus, favorisant le cancer de l'endo-
mètre, la survenue de bouffées de chaleur et le risque
thromboembolique expliquent que cette molécule soit
de moins en moins prescrite. Le raloxifène est un ago-
niste des récepteurs aux œstrogènes sur le tissu osseux
en augmentant la densité et en diminuant la résorption
osseuse. Sans effet sur l'endomètre, il a été développé dans
le but de traiter et prévenir l'ostéoporose chez les femmes
ménopausées.
Le récepteur aux minéralocorticoïdes, facteur de trans- un précurseur inactif du cortisol. L'activité biologique de
cription hormonodépendant, appartient à la superfamille la cortisone représente environ 5 % de l'activité glucocor-
des récepteurs nucléaires et à la sous-famille des récepteurs ticoïde totale dans l'organisme, le cortisol représentant les
stéroïdiens. Au niveau de la cellule du tube contourné 95 % restants.
distal, le récepteur aux minéralocorticoïdes, en l'absence Le cortisol est libéré dans la circulation sanguine sous
d'hormone, est intracytoplasmique, lié à des protéines cha- forme épisodique, en réponse à des stress physiques et
peronnes (HSP-70 ; -90). Ces protéines sont libérées lors métaboliques. Cette libération est dominée par un cycle
de la liaison du récepteur à l'aldostérone. Le récepteur est nycthéméral, la concentration de cortisol est maximale le
alors transloqué dans le noyau, où il se fixe aux éléments de matin entre 6 et 8 heures.
réponse spécifiques de l'ADN, recrute des coactivateurs et Les glucocorticoïdes sont des anti-inflammatoires dont
induit la transcription de gènes cibles (figure 10.33). les effets sont caractérisés par une répression de l'expres-
sion de cytokines pro-inflammatoires (IL-1 ; IL-6 ; TNF-α) et
Applications pharmacologiques
une induction de l'expression de gènes anti-inflammatoires.
La spironolactone est le chef de file des molécules dites
De plus, les glucocorticoïdes sont capables de moduler le
«antialdostérone épargneur potassique». Il s'agit d'un
métabolisme hydrosodé en favorisant la réabsorption d'eau
analogue structural de l'aldostérone qui exerce un antago-
et de sodium, expliquant les propriétés minéralocorticoïdes
nisme compétitif au niveau des récepteurs aux minéralo-
des glucocorticoïdes. En parallèle, d'autres propriétés des
corticoïdes des cellules du tube contourné distal. Utilisée
glucocorticoïdes s'observent au niveau de différents tissus
comme diurétique, la spironolactone présente des effets
justifiant les effets pléïotropes de ces molécules :
diurétiques, natriurétiques et antikalliurétiques.
• Foie : les glucocorticoïdes induisent l'activation d'une série
Le récepteur aux glucocorticoïdes d'enzymes (glucose-6-phosphatase, tyrosine-aminotransfé-
rase, glycogène synthétase…) impliquées dans la néogluco-
Les principaux glucocorticoïdes endogènes sont la cor-
et la néoglycogenèse. Ainsi, sous l'effet des glucocorticoïdes,
tisone et le cortisol chez l'homme. La cortisone, produite
une synthèse hépatique accrue de glucose est stimulée à
au niveau de la zone fasciculée des corticosurrénales est
partir des acides aminés et du glycérol. Il en résulte une aug-
mentation de la glycémie avec un risque de dérèglement de
l'équilibre glycémique chez les patients diabétiques.
• Tissu adipeux : les glucocorticoïdes favorisent la redistri-
bution des masses grasses (au niveau du visage, de la face
postérieure du cou et des régions sus-claviculaires), et une
augmentation de la sensibilité du tissu adipeux aux agents
lipolytiques. L'augmentation de masse grasse peut s'expli-
quer par une sensibilité accrue des adipocytes à la réponse
insulinique consécutive à l'hyperglycémie induite par les
corticoïdes. Leur lipogenèse est alors potentialisée condui-
sant à l'hypertrophie de ces zones tissulaires.
• Muscle strié squelettique : les glucocorticoïdes aug-
mentent le flux d'acides aminés vers la circulation sanguine,
à destination du foie, conduisant à une réduction de la
masse musculaire voire à une amyotrophie.
• Tissu osseux : les glucocorticoïdes induisent un catabo-
lisme global du tissu osseux favorisant le risque ostéopo-
rotique chez l'adulte et un arrêt réversible de la croissance
chez l'enfant.
• Système immunitaire : les glucocorticoïdes sont des
immunosuppresseurs dont les effets sont étroitement
Figure 10.33 associés avec les actions anti-inflammatoires. Cet effet
L'activation des récepteurs aux minéralocorticoïdes immunosuppresseur passe par l'inhibition de la production
MR : récepteur aux minéralocorticoïdes ; hsp90 : protéine de choc
thermique 90. de cytokine pro-inflammatoire et se répercute sur l'immu-
© Nicolas Clère et Université d'Angers nité à médiation cellulaire et humorale.
110
10. Les principales cibles des médicaments : mécanismes d'action
Les glucocorticoïdes, du fait de leur solubilité, traversent indications sont multiples et en particulier, l'insuffisance
facilement les membranes cellulaires plasmiques. Ils agissent surrénalienne, les réactions inflammatoires et allergiques
sur leurs tissus cibles par l'intermédiaire du récepteur aux sévères. Dans ces derniers cas, les glucocorticoïdes sont
glucocorticoïdes (GR : glucocorticoids receptors) qui appar- prescrits sur des périodes assez longues (supérieures à
tiennent à la superfamille des récepteurs facteurs de trans- 15 jours) imposant des précautions d'emploi et un arrêt
cription. Deux isoformes de ce récepteur ont, à ce jour, progressif afin d'éviter un syndrome de sevrage, aux consé-
été identifiées : l'isoforme α (GRα) et l'isoforme β (GRβ). quences parfois très graves.
L'isoforme α est active, tandis que la forme β est inactive Les glucocorticoïdes de synthèse (dexaméthasone,
puisqu'incapable de se lier aux corticoïdes (Roumestan et al., prednisolone, budésonide…) sont des molécules dont
2004). En l'absence de ligand, le GRα se trouve dans le cyto- les effets minéralocorticoïdes sont minimisés. Ils pré-
plasme en association avec des protéines chaperonnes et sentent donc une meilleure sélectivité pour les récep-
notamment la protéine HSP-90. Après avoir traversé la mem- teurs aux glucocorticoïdes et sont indiqués dans la prise
brane plasmique par diffusion passive, les glucorticoïdes en charge de pathologies multiples telles que l'asthme,
vont se lier sur leur récepteur, induisant une modification les réactions allergiques ou inflammatoires sévères. Ils
de la conformation de ce dernier. Sous cette forme activée, peuvent être également prescrits sur de longue période
le complexe ligand/récepteur est transloqué dans le noyau imposant les mêmes précautions d'emploi et les mêmes
pour interagir avec la molécule d'ADN au niveau d'éléments règles d'arrêt de traitement que celles utilisées pour les
de réponse aux glucocorticoïdes (GRE). La liaison ligand/ glucocorticoïdes naturels.
récepteur/ADN module l'activité des facteurs de transcrip-
tion à l'origine d'une modification de la transcription en Les récepteurs nucléaires facteurs
ARNm puis de la traduction en protéines (figure 10.34). de transcription hétérodimériques
Applications pharmacologiques Les récepteurs PPAR : peroxisome
Les glucocorticoïdes «naturels» (cortisol ou hydrocorti- proliferator-activated receptor
sone, cortisone) sont des molécules caractérisées par des
Les PPAR ont été découverts en 1990 et constituent
propriétés glucocorticoïdes et minéralocorticoïdes. Leurs
une famille de récepteurs nucléaires. Ils ont été nom-
més ainsi en raison de la prolifération des peroxy-
somes qu'ils induisent dans le foie des rongeurs suite à
leur activation. Les PPAR, comme les autres récepteurs
nucléaires, possèdent une structure moléculaire compo-
sée de domaines fonctionnels. Trois isotypes majeurs de
PPAR, codés par des gènes différents, ont été identifiés :
PPARα ou NR1C1 (nuclear receptor subfamily 1, groupe
c, membre 1), PPARβ/δ ou NR1C2 et PPARγ ou NR1C3.
Ces trois isotypes possèdent une structure similaire.
Chez l'homme, l'expression de PPARα a été retrouvée
dans le foie (Palmer et al., 1998), mais également dans
le cœur, les reins, le muscle strié squelettique et le gros
intestin (Auboeuf et al., 1997 ; Mukherjee et al., 1997).
D'une manière générale, l'expression tissulaire et histo-
logique des PPARα semble cohérente avec son activité
physiologique majeure dans l'activation de l'oxydation
mitochondriale et peroxysomale des acides gras. Ainsi,
les principaux organes qui catalysent des acides gras
(cœur, muscle squelettique, foie, muqueuse intestinale,
reins) expriment des niveaux élevés de PPARα.
Figure 10.34 L'expression des PPARγ est élevée dans le tissu adi-
L'activation des récepteurs aux glucocorticoïdes peux et à de faibles niveaux dans le muscle, le foie, le
GR : récepteur aux glucocorticoïdes ; hsp90 : protéine de choc
thermique 90. cœur, les reins et le gros intestin. Il a également été
© Nicolas Clère et Université d'Angers mis en évidence l'expression de cette isoforme dans
111
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
Les enzymes
Une enzyme est une protéique qui agit comme un cata-
lyseur biochimique c'est-à-dire qu'elle accélère la vitesse
d'une réaction. Ces intermédiaires métaboliques sont
spécifiques de leurs substrats et cette spécificité est
déterminée par la structure et la forme unique de chaque
enzyme.
Les enzymes disposent d'un site actif formé de deux sites
spécifiques :
• le site de fixation du substrat ;
• le site catalytique qui va agir sur le substrat et lui
faire subir la réaction chimique pour le transformer en
produit.
Les enzymes sont retrouvées dans les cellules euca-
ryotes, procaryotes et dans les virus et sont impliquées
dans différents processus cellulaires propres à chaque
type cellulaire.
Les enzymes constituent des cibles privilégiées de nom-
breux médicaments qui inhibent (très souvent) ou activent
(parfois) l'activité de ces enzymes et à ce titre, on distingue
(de manière non exhaustive) :
Figure 10.35
• les enzymes impliquées dans les voies métaboliques :
L'activation des récepteurs PPAR HMG-CoA réductase cible des statines (hypocholes-
RXR : retinoid x receptor ; PPAR : peroxisome proliferator-activated terolémiant), la xanthine oxydase cible de l'allopurinol
receptor. (anti-goutteux) ;
© Nicolas Clère et Université d'Angers
112
10. Les principales cibles des médicaments : mécanismes d'action
• les enzymes impliquées dans le métabolisme des neuro- • les enzymes des organismes pathogènes ;
médiateurs : acétylcholinestérase inhibée par le donépézil • les virus : neuraminidases dont l'activité est inhibée par
(maladie d'Alzheimer), les cyclo-oxygénases inhibées par l'oseltamivir (grippe) ou les inhibiteurs de protéases ou de
l'aspirine ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens (antal- transcriptase inverse dans le traitement du virus de l'immu-
gique, anti-inflammatoire, antipyrétique) ; nodéficience humaine (VIH) ;
• les enzymes impliquées dans les voies de signalisation • les bactéries : bêtalactamases inhibée par le sulbactam
intracellulaire : phosphodiestérases ciblées par la théophyl- (antibiotique).
line ou le sildénafil (vasodilatateurs) ;
ENTRAÎNEMENT 10 QCM
QCM 1 D La stimulation des protéines Gq entraîne la libération intra-
Parmi les affirmations suivantes concernant les récepteurs cellulaire de diacylglycérol et d'inositol-triphosphate.
membranaires, laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ? E Les protéines G sont monomériques.
A Les récepteurs heptahélicoïdaux entraînent la réponse la QCM 5
plus rapide. Les récepteurs nucléaires :
B Les récepteurs à activité guanylyl-cyclase permettent une A Sont activés par des médiateurs hydrophiles.
réponse en quelques secondes. B Sont activés par des médiateurs lipophiles.
C Les récepteurs ionotropes comprennent un canal ionique C Régulent la traduction des ARN messagers en protéines.
capable de transporter des ions dans le sens du gradient de D Sont activés directement par l'adrénaline.
concentration. E Régulent la transcription de l'ADN de gènes cibles en ARN.
D Les récepteurs à activité tyrosine kinase sont responsables QCM 6
d'une réponse plus rapide que les récepteurs métabotropes. Parmi les propositions suivantes concernant le récepteur à
E Les ligands des récepteurs membranaires se fixent au l'insuline, laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ?
niveau des sites catalytiques des récepteurs-enzymes. A Il s'agit d'un récepteur canal.
QCM 2 B C'est une enzyme soluble.
Parmi les affirmations suivantes concernant les récepteurs cou- C Sa voie de signalisation fait appel à une protéine G.
plés aux protéines G, laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ? D Il s'agit d'une protéine dotée d'une activité tyrosine kinase.
A La protéine G associée au récepteur est pentamérique. QCM 7
B Le récepteur est constitué de 5 domaines transmembranaires. Lors de l'ouverture de canaux sodiques de la membrane cel-
C Différents récepteurs sont couplés au même type de protéine G. lulaire, il se produit :
D La protéine G interagit avec des effecteurs qui lui sont A Une entrée de sodium dans la cellule.
spécifiques. B Une sortie de sodium de la cellule.
E Le mécanisme d'action de ces récepteurs est médié par la C Une dépolarisation.
production de seconds messagers spécifiques. D Une hyperpolarisation.
QCM 3 E Une augmentation de la concentration intracellulaire en
En thérapeutique, on peut utiliser un inhibiteur enzymatique : sodium.
A Pour augmenter la formation d'un métabolite toxique.
QCM 8
B Pour réduire la dégradation d'un substrat actif faisant défaut.
Les récepteurs couplés aux protéines G :
C Pour cibler des enzymes de parasites.
A Sont intracellulaires.
D Pour cibler des enzymes humaines.
B Possèdent cinq hélices transmembranaires.
QCM 4 C Peuvent augmenter le taux d'AMP cyclique.
Parmi les affirmations suivantes concernant les protéines G, D Peuvent diminuer le taux d'AMP cyclique.
laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ?
QCM 9
A Le second messager des protéines GK est la vitamine K.
Il existe en thérapeutique humaine des inhibiteurs :
B L'effecteur des protéines GS est l'AMP cyclique.
A Des enzymes des parasites.
C L'effecteur des protéines GI est l'adénylate cyclase.
113
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
114
QCM 13 QCM 18
Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) : Parmi les affirmations suivantes, laquelle (lesquelles) est (sont)
A Se fixent de manière réversible sur leur cible. exacte(s) ?
B Réduisent l'acidité gastrique. A Les canaux calciques CaV1.2 sont retrouvés au niveau des
C Bloquent la pompe H+/K + ATPase. muscles lisses vasculaires.
D Sont utilisés en cas d'ulcère gastrique. B Le vérapamil est un inhibiteur calcique à tropisme
vasculaire.
QCM 14 C Le diltiazem est un inhibiteur calcique à tropisme cardiaque.
Parmi les transporteurs suivants, lequel (lesquels) est (sont) D La nifédipine est un inhibiteur calcique à tropisme
ciblé(s) par l'hydrochlorothiazide ? vasculaire.
A NCX. E Les dihydropyridines sont indiquées dans les troubles du
B NKCC1. rythme cardiaque.
C NKCC2.
D NCC. QCM 19
E NHE. Parmi les canaux suivants, lequel (lesquels) est (sont) des
canaux potassiques ?
QCM 15 A Canaux hERG.
Parmi les affirmations suivantes concernant les récepteurs au B KATP.
GABA-A, laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ? C RyR.
A Ce sont des récepteurs métabotropes couplés à une pro- D KAch.
téine GK. E IP3R.
B Leur stimulation est associée à une hyperpolarisation
membranaire neuronale. QCM 20
C Le bromazépam est une molécule qui potentialise l'effet de Quelle(s) est (sont) le (les) cible(s) de la digoxine ?
ce récepteur. A Ca ATPase.
D Leur activation par certains barbituriques entraîne une B Na +K + ATPase.
diminution de la durée d'ouverture du canal chlore associé à C NCX.
ce récepteur. D SERCA.
E Ces récepteurs présentent un site de fixation commun aux E RyR.
différents agonistes ou antagonistes. QCM 21
QCM 16 Parmi les affirmations suivantes concernant la structure des
Parmi les affirmations suivantes concernant les récepteurs récepteurs facteurs de transcription, laquelle (lesquelles) est
β-adrénergiques, laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ? (sont) exacte(s) ?
A Les récepteurs β1 et β2 sont localisés au niveau vasculaire et A Le domaine C correspond à la zone du récepteur à l'ADN.
cardiaque, respectivement. B Le domaine E est la zone de liaison des ligands.
B Ce sont des récepteurs couplés à une protéine GS. C Le domaine E permet la dimérisation des récepteurs.
C Le second messager de ces récepteurs est l'adénylyl-cyclase. D Tous les récepteurs intracellulaires possèdent un domaine D.
D La stimulation des récepteurs β2 est associée à une dilata- E La région F est absente dans les récepteurs aux hormones
tion vasculaire dépendante de l'activation de protéine kinase stéroïdiennes.
A. QCM 22
E Le propranolol est un antagoniste non sélectif des récep- Parmi les canaux suivants, lequel (lesquels) est (sont) bloqué(s)
teurs β1 et β2 adrénergiques. par les anesthésiques locaux ?
A NaV 1.2.
QCM 17
B NaV 1.7.
Parmi les affirmations suivantes concernant les récepteurs
C NaV 1.9.
dopaminergiques D2, laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ?
D IP3R.
A Ce sont des récepteurs couplés à une protéine GK dont
E SERCA.
l'effecteur est un canal potassique.
B Leur stimulation est associée à une dépolarisation indui- QCM 23
sant une diminution de la transmission de l'influx nerveux. Parmi les affirmations suivantes concernant la guanylyl-
C La dompéridone est un antagoniste de ces récepteurs. cyclase, laquelle est exacte ?
D Ce sont des récepteurs exclusivement centraux. A Il s'agit d'une enzyme exclusivement cytosolique.
E Ils constituent une cible dans la prise en charge de la mala- B Elle n'exerce aucune action au niveau des cellules muscu-
die de Parkinson. laires lisses vasculaires.
C Son activation est associée à une augmentation de pro- A Il s'agit d'un récepteur ionotrope couplé à un canal sodique.
duction de GMPc B La cétirizine est un agoniste de ces récepteurs.
D Au niveau de la cellule musculaire lisse, son activation C La stimulation de ces récepteurs est associée à une activa-
induit une vasoconstriction. tion de la phospholipase C avec augmentation de la produc-
E Au niveau de la cellule endothéliale, son activité est inhibée tion d'inositol tri-phosphate (IP3).
par le monoxyde d'azote. D La stimulation de ces récepteurs est associée à une activa-
tion de l'adénylyl-cyclase avec augmentation de la production
QCM 24
d'AMP cyclique (AMPc).
Parmi les affirmations suivantes concernant les récepteurs à
E Le losartan est un agoniste de ces récepteurs.
l'angiotensine AT1, laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ?
ENTRAÎNEMENT 10
QCM 13 C Le diltiazem est un inhibiteur calcique à tropisme cardiaque.
B Réduisent l'acidité gastrique. D La nifédipine est un inhibiteur calcique à tropisme vascu-
C Bloquent la pompe H+/K+ATPase. laire.
D Sont utilisés en cas d'ulcère gastrique.
QCM 19
QCM 14 A Canaux hERG.
D NCC. B KATP.
D KAch.
QCM 15
B Leur stimulation est associée à une hyperpolarisation QCM 20
membranaire neuronale. B Na +K + ATPase.
C Le bromazépam est une molécule qui potentialise l'effet de
QCM 21
ce récepteur.
A Le domaine C correspond à la zone du récepteur à l'ADN.
QCM 16 B Le domaine E est la zone de liaison des ligands.
B Ce sont des récepteurs couplés à une protéine GS. C Le domaine E permet la dimérisation des récepteurs.
D La stimulation des récepteurs β2 est associée à une dilata- D Tous les récepteurs intracellulaires possèdent un domaine D.
tion vasculaire dépendante de l'activation de protéine E La région F est absente dans les récepteurs aux hormones
kinase A. stéroïdiennes.
E Le propranolol est un antagoniste non sélectif des récep-
teurs β1 et β2 adrénergiques. QCM 22
B NaV 1.7.
QCM 17
A Ce sont des récepteurs couplés à une protéine GK dont QCM 23
l'effecteur est un canal potassique. C Son activation est associée à une augmentation de pro-
C La dompéridone est un antagoniste de ces récepteurs. duction de GMPc
E Ils constituent une cible dans la prise en charge de la mala-
QCM 24
die de Parkinson.
C La stimulation de ces récepteurs est associée à une activa-
QCM 18 tion de la phospholipase C avec augmentation de la produc-
A Les canaux calciques CaV1.2 sont retrouvés au niveau des tion d'inositol tri-phosphate (IP3).
muscles lisses vasculaires.
Chapitre 11
Classification des médicaments
en fonction de leurs
mécanismes d'action
PLAN DU CHAPITRE
Caractéristiques des neurotransmetteurs 116
Transmission cholinergique 117
Transmissions monoaminergiques 119
Transmissions acidoaminergiques 128
Transmissions peptidergiques 131
116
11. Classification des médicaments en fonction de leurs mécanismes d'action
O H3C
CH3 Inactivation
N+
H3C O L'acétylcholine présente une action fugace, étant dégra-
CH3 dée très rapidement en choline et acétylcoenzyme A
Figure 11.1 dans la fente synaptique par une acétylcholine estérase
L'acétylcholine (AChE). L'acétylcholine n'est pas recaptée au niveau
présynaptique.
Localisation
Au niveau du SNC somatique, des neurones cholinergiques
sont présents au niveau du cortex (régulation de la motri-
cité) et du mésencéphale où elle régule les fonctions de
mémorisation et d'apprentissage. Certaines lésions choli-
nergiques seraient en partie responsables de symptômes
rencontrés dans la maladie d'Alzheimer.
Au niveau du SNA, l'acétylcholine est retrouvée au
niveau des neurones préganglionnaires sympathiques
et parasympathiques, des neurones post-ganglionnaires
parasympathiques, des neurones moteurs commandant
les muscles squelettiques (jonction neuromusculaire ou
plaque motrice), des neurones du nerf splanchnique qui
innerve la médullosurrénale et dans les organes possé-
dant une rythmicité propre (cœur, intestin, cils vibratils…)
(figure 11.3).
Figure 11.2
La transmission cholinergique
Ch T : transporteur de choline ; VACh : transporteur vésiculaire
d'ACh ; CAT : choline acétyl transférase ; AChE : acétylcholine Récepteurs et effets physiologiques
estérase ; H : histamine ; 5HT : sérotonine.
© Sébastien Faure et Université d'Angers Deux types de récepteurs cholinergiques sont rencontrés :
117
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
ACh
Médullosurrénale
(nic)
Figure 11.3
Le système nerveux périphérique (somatique et autonome)
Ach : acétylcholine ; NA : noradrénaline ; nic : récepteurs nicotiniques ; mus : récepteurs muscariniques.
Source : Rang HP, Dale MM, Ritter JM et al. Pharmacology (7th édition). Churchill Livingstone : Elsevier, 2011.
Transmissions monoaminergiques HO
Tyrosine
HO
OH
Adrénaline
COOH
CH3
Classification NH2 N
H
OH
Tétrahydrobioptérine + O2
Tyrosine -3-
Les monoamines endogènes comprennent les catéchola- Hydroxylase
Dihydrobioptérine + H2O
SAH
Phényléthanolamine -
N- méthyltransférase
mines (dopamine, noradrénaline, adrénaline) et les indola- SAM
O2 OH
HO Dopamine
La dopamine ne traversant pas la barrière hématoencé-
NH2
phalique, elle est synthétisée à partir d'un acide aminé pré-
curseur, la tyrosine, qui pénètre dans les neurones via son Figure 11.4
transporteur (figure 11.4). Cette dernière est hydroxylée Biosynthèse des catécholamines
en DihydrOxyPhénylAlanine (DOPA), elle-même décar-
boxylée en dopamine par une DOPA décarboxylase.
119
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
120
11. Classification des médicaments en fonction de leurs mécanismes d'action
Exemples de médicaments
Un grand nombre de classes médicamenteuses inter-
Figure 11.5
viennent au niveau de la transmission dopaminergique, en
La transmission dopaminergique
particulier centrale (tableau 11.2). Les récepteurs les plus TyT : transporteur de la tyrosine ; TH : tyrosine-3-hydroxylase ;
ciblés sont les récepteurs D2, soit parce que leur stimula- DOPA : dihydroxyphénylalanine ; DCC : DOPA décarboxylase ;
tion améliore les symptômes handicapants de la maladie VMAT : transporteur vésiculaires des monoamines ; DAT :
transporteur de la dopamine ; MAO-B : monoamine oxydase de
de Parkinson, soit parce que leur blocage avec des neuro- type B ; COMT : catéchol-O-méthyltransférase.
leptiques ou antipsychotiques permet de contrôler les états © Sébastien Faure et Université d'Angers
121
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
d'excitation extrêmes (accès maniaques, psychoses, schizo- substances qui miment les effets du système nerveux sym-
phrénie). Cependant, ces médicaments peuvent engendrer pathique (effets périphériques α et β), alors que les sympa-
des déséquilibres dans la transmission dopaminergique et tholytiques (directs ou indirects) s'opposent aux effets du
engendrer des effets secondaires de type psychotique avec sympathique.
les antiparkinsoniens, ou extrapyramidaux (pseudoparkin-
soniens) avec les antipsychotiques.
De la même manière, différentes étapes de la transmis-
Indolamines
sion noradrénergique sont mises à profit pour différents Les indolamines comprennent la sérotonine ou 5-hydro-
traitements (tableau 11.3). Ainsi, des sympathomimétiques xytryptamine et l'histamine (figure 11.7).
directs (action sur les récepteurs) ou indirects sont des
122
11. Classification des médicaments en fonction de leurs mécanismes d'action
Sérotonine
La sérotonine constitue un neurotransmetteur majeur, présent
dans de nombreux systèmes, en particulier au niveau central.
Métabolisme
Synthèse
La sérotonine ne passant pas la BHE, elle est synthétisée à partir
d'un acide aminé précurseur, le tryptophane, qui pénètre par
un transporteur actif non spécifique dans le neurone séroto-
ninergique. Une première enzyme, la tryptophane hydroxy-
lase génère un composé intermédiaire, le 5-hydroxytrypto-
phane qui sera décarboxylé par la 5-hydroxytryptophane
décarboxylase (L-amino acid décarboxylase, AADC) pour
donner la 5-hydroxytriptamine (sérotonine) (figure 11.8).
Figure 11.6
La transmission noradrénergique
TyT : transporteur de la tyrosine ; TH : tyrosine-3-hydroxylase ; DCC :
DOPA décarboxylase ; DBH : dopamine-β-hydroxylase ; VMAT : H COOH
transporteur vésiculaires des monoamines ; NET : transporteur de
NH2
la noradrénaline ; MAO-B : monoamine oxydase de type B ; COMT :
L tryptophane
catéchol-O-méthyltransférase. N
H H
© Sébastien Faure et Université d'Angers H
tryptophane hydroxylase
HO H COOH
NH2
L5-hydroxytryptophane
H H
N
H
5-hydroxytryptophane-décarboxylase
HO H H
NH2
HO H H L5-hydroxytrypatamine
N (sérotonine)
H
MAO
HO H
O
NH2
H
H
N L5-hydroxy-indole acétaldéhyde
H
NH2
a HN aldéhyde déshydrogénase aldéhyde réductase
HN HO H HO H H
O
OH
H OH H H
N N
b NH2 H H
123
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
124
11. Classification des médicaments en fonction de leurs mécanismes d'action
125
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
la sérotonine (SERT), pour d'autres, leur action sur le méta- CH2 – HC — NH2
bolisme de la sérotonine ne constituera qu'une compo- COOH
sante parmi d'autres : HN N
L-histidine
• le moclobémide, IMAO-A, inhibe le catabolisme de la
sérotonine, mais aussi de la noradrénaline ; L-histidine-décarboxylase
nistes des récepteurs H1, en s'opposant à la liaison de l'his- matergiques, le glutamate provient des mêmes sources
tamine sur son récepteur ; mais aussi des agonistes inverses, car lui aussi diffuse mal à travers la BHE.
dans la mesure où ils peuvent inhiber l'activité basale du
récepteur H1 en absence d'histamine. Cependant, ces Stockage
molécules manquent de spécificité, ciblant également les
Le GABA est vésiculé par un transporteur : vesicular inhi-
récepteurs à la sérotonine ou ceux à l'acétylcholine, confé-
bitory amino acid transporter (VIAAT). De même, le gluta-
rant à la première génération d'antihistaminiques des pro-
mate est stocké dans ses neurones à l'intérieur de vésicules,
priétés anticholinergiques et les contre-indiquant ainsi en
par un transporteur spécifique, VGLUT.
cas d'adénome prostatique ou de glaucome par fermeture
de l'angle iridocornéen. Les propriétés anticholinergiques
des antihistaminiques de première génération (diphénhy- Libération
dramine, chlorphényramine) sont utilisées pour d'autres La libération de GABA comme de glutamate est réalisée de
indications comme la rhinorrhée, la prévention du mal des manière dépendante du calcium. Un rétrocontrôle négatif
transports… Par ailleurs, certains antihistaminiques lipo- contrôle cette libération à partir d'autorécepteurs présy-
philes sont capables de traverser la BHE, leur apportant des naptiques (figures 11.13 et 11.14).
propriétés sédatives et une somnolence, effets secondaires
bien connus de certaines molécules, mais mises à profit Fixation
pour le traitement de l'insomnie passagère (doxylamine).
C'est pourquoi il sera déconseillé de conduire un véhicule Le GABA libéré peut se lier sur ses récepteurs spécifiques
en cas de prise de ces médicaments. GABAergiques : GABA-A et C ionotropes et GABA-B
métabotrope.
Le glutamate se fixe sur deux types de récepteurs
glutamatergiques, ionotropes : les récepteurs au N-méthyl-
Transmissions acidoaminergiques D-aspartate (NMDA), à l'amino-3-hydroxy-5-méthyl-4-
isoxazole propionic acid (AMPA) et les récepteurs du kaï-
Si les acides aminés sont des précurseurs de synthèse de nate (KAR) et métabotropes : mGluR I à III.
neurotransmetteurs majeurs, certains d'entre eux pos-
sèdent une activité propre, notamment au niveau central.
Deux groupes d'acides aminés sont décrits, ceux inhibiteurs alpha-cétoglutarate glutamine
128
11. Classification des médicaments en fonction de leurs mécanismes d'action
venir. Selon les cas, elle peut être impliquée dans des patho- Ainsi ces molécules activent la stimulation GABAergique
logies comme la maladie de Parkinson ou celle d'Alzheimer, en favorisant la fréquence d'ouverture du canal chlore. Elles
la survenue de crises d'épilepsie, la douleur… présentent des propriétés anxiolytiques, anticonvulsivantes,
myorelaxantes, hypnotiques, anesthésiques, voire amné-
Exemples de médicaments siantes. Chacune des molécules possède un effet domi-
nant, qui, associé à des propriétés pharmacocinétiques
Le GABA étant un acide aminé inhibiteur, la plupart des spécifiques, lui confère une indication précise, même si elles
stratégies thérapeutiques s'y rapportant, auront principale- sont toutes plus ou moins sédatives. Ont été synthétisés
ment pour objectif de renforcer son action (tableau 11.6). des apparentés aux benzodiazépines (zopiclone, zolpidem),
Parmi les médicaments les plus utilisés en France, on présentant le même mécanisme d'action, avec des proprié-
trouve les benzodiazépines (figure 11.15). Ce ne sont pas tés plutôt hypnotiques.
des agonistes du récepteur GABA-A à proprement par- Les barbituriques quant à eux sont capables d'augmen-
ler, mais des modulateurs allostériques (potentialisateurs). ter la durée d'ouverture du canal, potentialisant donc
Figure 11.13
La transmission GABAergique
SA : system A transporter ; SN : system N transporter ; GAD : glutamate décarboxylase ; GAT-1et -2 : GABA transporter 1 et 2 ; VIAAT : Vesicular
inhibitory amino acid transporter.
© Sébastien Faure et Université d'Angers
130
11. Classification des médicaments en fonction de leurs mécanismes d'action
H
N
N
Figure 11.14
La transmission glutamatergique
SA : system A transporter ; SN : system N transporter ; EAAT : excitatory amino-
acid transporter ; VGLUT : vesicular glutamate transporter ; NMDA : récepteur
N-méthyl-D-aspartate ; AMPA : récepteur amino-3-hydroxy-5-méthyl-4-
Figure 11.15
isoxazole propionic acid ; KAR : récepteurs du kaïnate.
© Sébastien Faure et Université d'Angers Structure d'un benzodiazépine
131
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
132
11. Classification des médicaments en fonction de leurs mécanismes d'action
133
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
Angiotensinogène
Asp-Arg-Val-Tyr-Ile-His-Pro-Phe-His-Leu-Val-Ile-His
Rénine
ECA PEP
Des-Asp1-Angiotensine I EPN
Chymase
Angiotensine II (1–8)
PEP Angiotensine-(1–7)
Asp-Arg-Val-Tyr-Ile-His-Pro-Phe ECA2 Asp-Arg-Val-Tyr-Ile-His-Pro
ECA
Amp A D-Amp D-Amp
ECA
Amp
Amp N Angiotensine IV (3–8)
Angiotensine III (2–8) Val-Tyr-Ile-His-Pro-Phe
Arg-Val-Tyr-Ile-His-Pro-Phe Angiotensine-(1–5)
Asp-Arg-Val-Tyr-Ile
Cbp
Angiotensine-(3–7)
Val-Tyr-Ile-His-Pro
Figure 11.16
Les peptides du système rénine-angiotensine
134
11. Classification des médicaments en fonction de leurs mécanismes d'action
skiren
-
Libération de rénine
IEC
-
Angiotensinogène
Bradykinine
Angiotensine
Enzyme de conversion
Voies annexes
AT1 AT2
↓ pression artérielle
↑ pression artérielle
Figure 11.18
Action des médicaments sur le système rénine angiotensine
© Sébastien Faure et Université d'Angers.
135
II. L’étude des effets du médicament dans l’organisme : approches de pharmacodynamie
Tableau 11.10. Suite
IEC Sartans
Angiotensines plasmatiques
Ang-I ↓ ↑
Ang-II ↓ ↑
Ang-IV ↓ ↑
Ang-(1-7) ↑ ↑
Bradykinine/NO ↑ ↑
Activation des récepteurs
AT1 ↓ ↓
AT2 ↓ ↑
AT4 ↓ ↑
AT(1-7) ↑ ↑
BK2 ↑ ↑
des voies hédoniques, dans les centres de régulation de la • des antidiarrhéiques inhibiteurs de l'enképhalinase (racé-
respiration… cadotril) ;
Différents ligands exogènes des récepteurs opioïdes • des antagonistes comme la naloxone utilisé dans le
peuvent être utilisés en thérapeutique : traitement de la dépression respiratoire ou la naltrexone,
• des agonistes antalgiques tels que la morphine, le fenta- traitement de soutien après sevrage des opiacés ;
nyl, le tramadol ou la codéine ; • des agonistes partiels tels que la buprénorphine, indiquée
• des agonistes antitussifs comme la codéine, la noscapine dans le traitement de substitution aux opiacés, mais égale-
ou le dextroméphorphane ; ment comme analgésique (effet agoniste).
• des agonistes antidiarrhéiques ne passant pas la BHE
comme le lopéramide ;
136
11. Classification des médicaments en fonction de leurs mécanismes d'action
ENTRAÎNEMENT 11 QCM
QCM 1 QCM 4
Parmi les affirmations concernant le récepteur GABA-A, Parmi les voies centrales ci-dessous, lesquelles correspondent
laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ? à la dopamine ?
A Il s'agit d'un récepteur à activité enzymatique. A Nigrostriée.
B Il comprend un canal chlore. B Bulbospinale.
C C'est la cible des benzodiazépines. C Mésolimbique.
D La fixation du GABA entraîne l'activation d'une protéine GS. D Tubéro-infundibulaire.
E Le GABA est un acide aminé excitateur. E Mésocorticale.
QCM 2 QCM 5
Parmi les propositions concernant le système cholinergique, Parmi les composés suivants, lesquels peuvent être utilisés
laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ? dans la maladie de Parkinson ?
A Les récepteurs muscariniques sont des récepteurs canaux. A Agonistes dopaminergiques D2.
B Les récepteurs nicotiniques sont des récepteurs canaux. B Inhibiteurs de monoamine oxydase de type B.
C Les récepteurs du système nerveux parasympathique sont C Anticholinergiques.
de type muscarinique. D Inhibiteurs de DOPA-décarboxylase.
D L'acétylcholine est le médiateur principal du système ner- E Inhibiteurs de Catéchol-O-méthyltransférase.
veux sympathique.
E L'acétylcholine est un acide aminé. QCM 6
Parmi les molécules suivantes, laquelle (lesquelles) peut
QCM 3 (peuvent) être utilisée(s) dans la crise d'asthme ?
Parmi les molécules suivantes, lesquelles sont des anticholi- A Clonidine.
nergiques directs ? B Salbutamol.
A Atropine. C Dobutamine.
B Scopolamine. D Prazosine.
C Nicotine. E Bupropion.
D Donépézil.
E Ipratropium.
137
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QCM 7 QCM 10
Par quel(s) mécanisme(s) une molécule peut être antidépres- Parmi les acides aminés suivants, lesquels possèdent des pro-
sive ? priétés excitatrices ?
A Inhibiteur de recapture de la noradrénaline. A GABA.
B Inhibiteur de recapture de la sérotonine. B Glutamate.
C Inhibiteur de recapture de la dopamine. C Glycine.
D Inhibiteur de recapture de l'histamine. D Tryptophane.
E Inhibiteur de recapture du GABA. E Aspartate.
QCM 8 QCM 11
Quel est le mécanisme d'action de l'ondansétron ? Parmi les molécules suivantes, laquelle (lesquelles) est (sont)
A Agoniste des récepteurs 5HT1. un (des) antagoniste(s) des récepteurs à l'angiotensine II ?
B Antagoniste des récepteurs 5HT2. A Aliskiren.
C Inhibiteur de MAO-A. B Zolmitriptan.
D Antagoniste des récepteurs 5HT3. C Ramipril.
E Agoniste des récepteurs 5HT4. D Losartan.
E Donépézil.
QCM 9
Quelle(s) est (sont) la (les) caractéristique(s) des antihistami- QCM 12
niques tels que la cétirizine ? Dans quelle(s) indication(s) peut (peuvent) être utilisés les
A Agoniste partiel. ligands des récepteurs opioïdes ?
B Antagoniste. A Constipation.
C Antagoniste sélectif. B Toux.
D Agoniste compétitif. C Douleur.
E Agoniste inverse. D Traitement de substitution aux opiacés.
E Dépression respiratoire.
ENTRAÎNEMENT 11
QCM 7 QCM 10
A Inhibiteur de recapture de la noradrénaline. B Glutamate.
B Inhibiteur de recapture de la sérotonine. E Aspartate.
QCM 8 QCM 11
D Antagoniste des récepteurs 5HT3. D Losartan.
QCM 12
QCM 9 B Toux.
B Antagoniste. C Douleur.
C Antagoniste sélectif. D Traitement de substitution aux opiacés.
E Agoniste inverse. E Dépression respiratoire.
Partie III
Application à l'étude des effets
du médicament chez l'homme
Mathieu Guerriaud
P L A N D E L A PA R T I E
Préambule 141
Essais cliniques 159
Événements indésirables liés aux
médicaments : effets indésirables
et interactions médicamenteuses 171
Pharmacovigilance 191
Pharmacogénétique
et pharmacogénomique 205
Corrigé des entraînements 211
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Chapitre 12
Préambule
PLAN DU CHAPITRE
Histoire du médicament 142
Définition du médicament 152
Autorisations de mises sur le marché (AMM) 154
Histoire du médicament
Du néant…
La notion de médicament est quasiment aussi ancienne
que l'origine de l'humanité. Certains archéologues pensent
que l'homme de Néandertal se soignait déjà. En effet,
furent retrouvées dans le tartre de leurs dents, des traces de
camomille (Chamaemelum nobile Asteraceae), d'éphédra
(Ephedra altissima Ephedraceae), de rose trémière (Althaea
rosea Malvaceae), ainsi que de centaurée (Centaurea solsti-
tialis Asteraceae)… Or ces plantes n'ont aucune vertu nutri-
tive, il en a donc été déduit qu'elles avaient été utilisées
pour leurs vertus médicinales.
À l'aube des temps, le médicament se lie intimement
à la notion de magie, de chamanisme, et dans certaines
cultures, cette notion existe toujours. Ainsi le médicament
primitif faisait partie intégrante d'un rite où l'on utilisait des
Figure 12.1
drogues afin d'entrer en transes, de contacter les Esprits ou
Le papyrus d'Ebers
les Dieux. Source : cosmovision.com
142
12. Préambule
Asclépios
Asclépios ou Esculape chez les Romains, est le dieu de la
médecine et l'un des héros d'Homère qui le mentionne à
deux reprises dans L'Iliade (II, 731 et IV, 194 sqq). Fils d'Apol-
lon, il fut sauvé in extremis du ventre de sa mère, qui fut
brûlée par le dieu pour sa relation adultère avec un mor-
tel. Il fut nourri par une chèvre et protégé par un chien de
troupeau.
Plus grand, il fut alors confié au centaure Chiron, qui devint
son percepteur et lui enseigna l'art de la médecine et l'im-
mortalité. Il devient le roi de Trikka en Thessalie et eut deux
fils, Machaon et Podalirios qui devinrent de célèbres méde-
cins du camp grec à la guerre de Troie, ce dernier fonda
les Asclépiades dont Hippocrate fut le membre le plus
Figure 12.2
Hygie, déesse de la Santé (parc du château de Compiègne).
© Mathieu Guerriaud
143
III. Application à l’étude des effets du médicament chez l’homme
Bile Jaune
célèbre. Asclépios eut également deux filles : Hygie, déesse
de la santé et Panacée, déesse des remèdes (on lui prête Se
d
au
d'autres filles : Acéso, Iaso et Eglé). c
Ch
Asclépios apprit d'Athéna comment ressusciter les morts
avec le sang des Gorgones. Il ressuscita alors le fils d'Hip- Bile Noire
polyte et le fils de Minos ce qui provoqua l'ire de Zeus qui Sang
Atrabile
décida alors de le foudroyer.
Un culte lui était voué à Epidaure où de nombreux pèle- e
Fr
id
o
rins venaient dans l'espoir d'être guéris par incubation, au m
id
Hu
sens historique du terme, c'est-à-dire en dormant dans le
temple et en écoutant les conseils du dieu se manifestant
Lymphe
dans leurs rêves. Flegme
Le bâton d'Asclépios autour duquel s'entoure un serpent et
Figure 12.4
qui est surmonté du miroir de la prudence est l'emblème
Théorie des humeurs
de la médecine. C'est un même serpent qui prend place
© Mathieu Guerriaud
sur le bras d'Hygie. En effet le serpent, contrairement dans
la chrétienté, n'est pas associé à l'image du mal. D'ailleurs
les serpents d'Asclépios sont non venimeux, et plusieurs
d'entre eux étaient entretenus dans l'espace sacré du
temps d'Epidaure (le Hiéron). En Grèce, le médicament est géré certes par les méde-
Il faut noter que l'emploi du mot caducée, bien que com- cins, mais aussi par des corps de métiers particuliers
mun, est erroné aussi bien pour parler de l'emblème des comme les rhisotomos, chargés de la cueillette des plantes
médecins que des pharmaciens. En effet le caducée est médicinales, les pharmacopoles, sortes de droguistes, et
l'attribut d'Hermès (ou Mercure en latin), et est un bâton dans une certaine mesure, les myrepses en charge des
ailé entouré de deux serpents. parfums.
Rome
Une autre école fut célèbre : l'école de Cos, l'école Rome et l'empire furent un berceau pour de grands noms
d'Hippocrate, « le père de la médecine ». Il naquit en de la médecine et de la pharmacie. On peut citer Pline
460 avant Jésus-Christ, étudia quelque temps en Égypte l'ancien, Dioscoride et Celse ; tous décrivirent la fabrica-
et sur l'île de Cos et s'installe en Thessalie où il exerce tion de nombreux médicaments, à base de plantes, d'ani-
et enseigne. Il synthétise les connaissances anciennes et maux ou de minéraux. Dioscoride, se place la droite lignée
celle de l'époque : il rédige bien évidemment le serment de Théophraste, qui dans sa célèbre De materia medica,
éponyme et on lui attribue environ 70 ouvrages, bien décrit non seulement les remèdes, mais aussi les plantes qui
que certains soient en fait ceux de ces disciples comme servent à les fabriquer, et instaure des notions de toxico-
Polybe qui décrit dans La Nature de l'Homme la théorie logie dans ses ouvrages.
des humeurs énoncée par son maître. Cette théorie selon Mais le personnage le plus célèbre sera Galien (figure 12.5),
laquelle les maladies du corps humain s'expliquent par appelé «le père de la pharmacie», car il s'attachera à décrire
un déséquilibre entre quatre humeurs : le sang, élément avec soin la fabrication des médicaments. Il naquit à
chaud-humide, le phlegme (ou pituite ou lymphe), froid Pergame, en Asie Mineure, autour de 130 après Jésus-Christ.
et humide, la bile, jaune, chaude et sèche, et enfin l'atra- Après de nombreux voyages, il devient le médecin person-
bile ou bile noire, froide et sèche (figure 12.4). Afin de nel des empereurs Marc Aurèle, Commode et Septime
corriger ces déséquilibres, le médecin doit faire attention Sévère. Inlassable chercheur, en soif de connaissances, il
à l'alimentation du malade, et peut utiliser des purga- devient un adepte de la dissection des animaux, mais se
tifs, des laxatifs, des diurétiques, etc. Hippocrate essaye refuse à disséquer les hommes, et réaffirme l'importance de
d'apporter une certaine rationalité à la médecine et de l'observation et de l'expérimentation.
se démarquer ainsi de la magie ou du religieux. D'autres C'est à Rome qu'Andromaque, médecin de Néron, réin-
médecins grecs furent renommés, comme Théophraste, vente un ancien mélange appelé mithridate et l'appelle thé-
un remarquable médecin botaniste qui écrivit De historia riaque. Les médecins d'alors étaient chargés de la prépara-
plantarum. tion des médicaments et c'était un ensemble de castes qui
144
12. Préambule
Figure 12.7
Figure 12.6 Portrait d'Avicenne
Source : Images from the History of Medicine (IHM).
Stèle du IIe siècle après Jésus-Christ, dite «de la pharmacienne»
ou de Meditrina, conservée au musée d'Épinal
Source : Musée départemental d'art ancien et contemporain d'Épinal, © Gaëlle Gaspard.
À Bagdad, centre incontournable du monde arabe, • Abū'l-Qāsim al-Zahrāw ou Abulcassis (936–1013), qui
seront créés les ancêtres des pharmaciens : les sayadila, pro- était un grand chirurgien ;
fession réglementée et spécialisée dans la fabrication et la • Ibn Sīnā ou Avicenne (figure 12.7) (980–1037), proba-
délivrance des médicaments. Les Arabes érigeront la phar- blement le plus grand médecin du monde arabe, rédigea
macie comme un art à part entière dont la place légitime le Canon de la médecine, un ouvrage exceptionnel qui ras-
est aux cotés de la médecine. Ainsi Cohen el Attar rappor- semble les connaissances de l'Antiquité et du monde arabe
tait que : «La pharmacie, l'art des drogues et des boissons, et où environ 800 médicaments sont décrits. L'ouvrage sera
est la plus noble des sciences avec la médecine». traduit en latin au XIIe siècle par Gérard de Crémone.
Remarque
La sombre époque du Moyen-Âge
De l'arabe viennent les mots :
Alors que les siècles précédents furent ceux du progrès
■
alambic : āl, «le», et anbīq, «vase» ;
médical et pharmaceutique, le Moyen-Âge sera enfermé
■
élixir : al, «le», et 'iksīr, «pierre philosophale» ;
dans le dogme du christianisme, tout n'est que stagnation
■
alcool : āl, «le», et kuفl, «antimoine en poudre» ;
et stérilité.
■
alchimie : āl, «le», et Kīmiyā étant sans doute
à rapprocher du mot Khem/Chem qui évoquerait
en copte «le pays noir», nom traditionnel, selon
Le temps des couvents
Plutarque, de l'Égypte (mot que les Hébreux ont La médecine sera placée sous le contrôle sévère des autorités
traduit par «terre de Cham») ; ecclésiastiques, elle sera l'apanage des clercs. C'est le début
■
alcali : al, «le», et qily, «soude». de l'époque des couvents, lieu de conservation de la science
et de pratique de la médecine : «Guérissez les malades, res-
Parmi les grands médecins arabes, citons-en quelques- suscitez les morts, purifiez les lépreux.» (Matthieu 10,7–15).
uns, parmi les plus connus : Le christianisme va gommer une partie des acquis de
• Ibn Zakariya al-Razi ou Rhazès (850–925), surnommé le l'Antiquité, il faire oublier Asclépios et le remplacer par
Galien des Arabes, était médecin et alchimiste et aurait eu deux saints : saint Côme et saint Damien, respectivement
l'idée d'utiliser le mercure en pommade ; saint patron des Médecins et saint patron des Pharmaciens.
146
12. Préambule
Ce sont surtout les bénédictins, dont le premier Paris en 1253. Peu de temps après cette ouverture, en 1258,
monastère ouvre à l'abbaye du Mont-Cassin, où travailla Saint Louis promulgue un premier statut pour les apothi-
Constantin l'Africain, qui vont conserver les traités de la caires, mais c'est Charles VIII en 1484 qui va distinguer pour
médecine arabe et les diffuser à l'Occident monastique. la première fois les espiciers des apothicaires.
En effet, les bénédictins s'implantent partout en Europe,
notamment à Cluny. La Renaissance et l'alchimie
Les moines savent préparer les médicaments et savent
cultiver les plantes dont ils ont besoin ; on appelle ces Paracelse
plantes les simples. La culture de ces simples se fait dans
un lieu précis : l'herbularius. Charlemagne fera paraître un L'un des personnages les plus étonnants du début de la
célèbre capitulaire : le capitulaire De Villis, qui, dans son Renaissance fut Paracelse (1493–1541). Il se serait lui-même
article 70, décrit les plantes qui doivent composer les jar- nommé Paracelse, estimant sa connaissance médicale
dins. Le plus célèbre exemple sera le jardin de l'abbaye de supérieure à celle du médecin grec Celse (il se nomme en
Saint Gall (figure 12.8). réalité Philippus Theophrastus Aureolus Bombastus von
Mais avec le temps, la concurrence médicale et pharma- Hohenheim). Il rejette violemment le dogme jusque-là intou-
ceutique entre clercs et laïque fait rage, et en 1163, l'exercice chable de la médecine hippocratico-galénique : les médecins
de la médecine et de la chirurgie est interdit par les auto- «sont attachés, avec un pédantisme extrême, aux sentences
rités ecclésiastiques, lors d'un concile, aux communautés d'Hippocrate, de Galien et d'Avicenne, comme si celles-ci
religieuses d'Occident. Pourtant les religieux vont continuer étaient sorties du trépied d'Apollon comme autant d'oracles,
très longtemps à exercer des activités médicales, tout au et comme si l'on n'avait pas le droit de s'en écarter d'un iota !».
long des siècles, au XIIe siècle avec Hildegarde von Bingen, Paracelse (figure 12.9) est un partisan de la médecine spa-
ou plus tard à travers des remèdes spécifiques comme la girique, autrement dit alchimique. Elle n'a pas pour but de
poudre de Jésuites, l'essence de vipères des Capucins, le transformer le plomb en or, mais de soigner, et mieux, de
baume tranquille des abbés Rousseau et Aignan, l'eau de s'approcher de l'immortalité.
mélisse des Carmes… Enfin, les derniers hospices comme Parmi ces découvertes, on peut citer son étude de l'acide
ceux de Beaune ou de Tournus en Bourgogne, ne ferme- nitrique, sa découverte de l'effet anesthésiant de l'éther qu'il
ront leurs portes que dans les années 1960. expérimentera sur des poulets, et enfin son travail sur l'esto-
mac et les sucs gastriques. Paracelse sera aussi un grand par-
tisan de la théorie des signatures, qui consiste à choisir un
Le temps des universités
remède en fonction de sa forme et de sa couleur, pour qu'il
Avec le début des universités, une étape importante est y ait une analogie avec la maladie du patient. Ainsi on trai-
franchie : les médecins ne s'occuperont plus des basses tera la goutte avec des bulbes de colchique car ceux-ci res-
besognes manuelles et la préparation des médicaments semblent aux tophus des pieds déformés des goutteux ; on
sera dévolue aux apothicaires. traitera les rhumatismes avec de l'écorce de saule, car ceux-ci
Les premières universités médicales seront celles de ont les pieds dans l'eau ; on traitera les problèmes céphaliques
Bologne en 1123, Montpellier en 1180, Padoue en 1228 et avec une noix, car celle-ci, décortiquée, a la forme du cerveau.
Salvia Sisimbria
Fasiolo (Haricot)
Sisimbria
Cumino (cumin)
(le cresson)
Gladiolus
Lubestico (livèche)
(glaïeul /iris)
Sataregia (Sariette)
Rosmarino
(romarin)
Pulegium
Feniculum (fenouil)
(menthe puliot)
Fenugreca Costo
(fenugrec) (menthe coq)
Figure 12.8
Le plan de Saint Gall
Source originale : http://www.stgallplan.org (© University of California Los Angeles, University of Virginia, and University of Vienna). Retranscription de Mathieu Guerriaud.
147
III. Application à l’étude des effets du médicament chez l’homme
Figure 12.10
Huile de petits Chiens
Droits réservés.
Figure 12.9
Paracelse rable à la médecine chimique, et la Faculté de médecine de
Collection BIU Santé Médecine Paris et son doyen Guy Patin, qui prône une médecine par
saignées et lavements.
Paracelse est aussi à l'origine de la célèbre phrase :
« Tout est poison, rien n'est poison, c'est la dose qui fait le Les médicaments d'alors et leurs moyens
poison ». de conservation
Pendant cette période, d'autres grands médecins s'illus-
Le XVIIe et le XVIIIe siècles verront progressivement apparaître
treront, tels Vésale, Ambroise Paré, William Harvey.
de nouveaux médicaments tout en gardant les anciennes
recettes parfois héritées de l'Antiquité. C'est ce mélange des
Les pharmacopées genres, un peu irrationnel, qui va pousser les apothicaires à
Si depuis longtemps les apothicaires lisent le latin, se pencher sur la chimie et à rationaliser les thérapeutiques.
utilisent des ouvrages de référence comme le Canon Certaines plantes comme le quinquina ou l'ipéca arrivent
d'Avicenne, l'Antidotaire de Nicolas, il n'existait pas à d'Amérique du Sud, et révolutionnent la thérapeutique
proprement parler de pharmacopée. Ces ouvrages vont occidentale où subsistent encore des mélanges à base de
apparaître au fil des ans, et vont progressivement revê- poudre de mummie (momie), de chiens (figure 12.10), de
tir un caractère officiel, et juridiquement opposable. déjections, d'urine (l'essence d'urine de Mme de Sévigné),
Ainsi chaque ville de France se dote de sa propre phar- de la poudre de crâne humain…
macopée : Paris en 1638 (la Pharmacopoea parisiensis), Avec l'arrivée des nouvelles plantes, le besoin de contrô-
Lille en 1640, Bordeaux en 1643, etc. Et, à côté de ces ler leur authenticité a rendu nécessaire le renforcement de
ouvrages officiels, apparaîtront des ouvrages d'auteur la botanique systématique et la classification. Cette der-
à vocation nationale, mais sans pour autant avoir une nière sera notamment améliorée par le Suédois Carl Linné
reconnaissance officielle, telles que les pharmacopées de (1707–1778).
Moyse Charas ou de Nicolas Lémery. Ce n'est que bien La galénique était déjà évoluée, elle comptait de très
plus tard, en 1803, avec la loi du 21 Germinal de l'an XI, nombreuses formes différentes :
qu'apparaît une pharmacopée officielle et nationale : le • Les formes à usage interne :
Codex medicamentarius. – les liquides : sirops, potions, juleps, bouillons médica-
Ces ouvrages, notamment ceux de Charas et de Lémery, menteux, vins médicinaux, apozèmes, tisanes, clystères ;
se veulent des synthèses du passé améliorées et actualisées – les solides : suppositoires, poudres, pilules, électuaires,
avec les découvertes récentes et avec l'apport de la chimie, trochisques.
dont Lémery sera un grand promoteur. C'est aussi à cette • Les formes à usage externe : cucuphe, fomentation,
époque qu'une querelle éclate entre le Jardin du Roi, favo- liniment, onguent, cataplasme, emplâtre, cérat, collyre.
148
12. Préambule
Figure 12.11
Figure 12.12
Quinquina, Cinchona officinalis, Rubiaceae
Extrait de la Pharmacopée universelle de Nicolas Lémery. Nicolas Lémery, d'après le frontispice de sa Pharmacopée universelle
(Paris : L. d' Houry, 1697)
Collection BIU Santé médecine
149
III. Application à l’étude des effets du médicament chez l’homme
1800 1810 1820 1830 1840 1850 1860 1870 1880 1890 1900
Figure 12.13
Les principes actifs isolés au XIXe siècle
© Mathieu Guerriaud
Scheele ouvrira ainsi la voie à l'isolement, vers 1805, d'un Henri Moissan découvre en 1886 le fluor, tandis qu'en 1889,
alcaloïde de l'opium par Sertüner (1783–1841), qui nom- est synthétisé en masse l'acide acétylsalicylique ou aspirine.
mera morphine en l'hommage à Morphée, dieu des rêves.
La morphine ne sera utilisée de façon intense qu'à partir de
la guerre de Sécession aux États-Unis. L'histoire de l'aspirine
Vers 1785, le Dijonnais Guyton de Morveau amorce un début Depuis longtemps l'on connaît les décoctions d'écorce de
de classification chimique et forme le père de Bernard Courtois, saule, en effet le papyrus d'Ebers cite déjà ce remède. En 1830,
l'inventeur de l'iode, tandis que Balard isolera le brome. Leroux isole le principe actif (cf. figure 12.13), la salicine, mais
Pelletier et Caventou isoleront à l'école de pharmacie de celui-ci est si amer, et si désagréable pour l'estomac, que les
Paris, la quinine du quinquina, ainsi que d'autres substances chercheurs essayent d'en trouver un dérivé moins contrai-
d'intérêt (figure 12.13). gnant à utiliser pour l'homme. C'est alors que le Français
Charles Gerhardt synthétise en 1853, l'acide acétylsalicylique.
Cette technique de synthèse tombe dans l'oubli jusqu'à
L'avènement de la chimie organique ce qu'un jeune chimiste allemand, Felix Hoffmann la redé-
C'est avec la synthèse de l'urée par l'Allemand Wöhler que couvre, l'améliore et l'adapte à la production industrielle.
commence l'aventure de la chimie organique, dont les prin- Le nom commercial fait référence à la spirée, plante qui
comme le saule contient de l'acide salicylique ou acide spi-
cipes avaient été posés par Lémery. Le Français Berthelot
rique, et auquel on ajoute le préfixe «a» pour acétyle. Ainsi
sera un des plus grands chimistes du XIXe siècle, il étudia la naquit en 1900 l'Aspirin® chez Bayer.
mécanique chimique qui mène à la synthèse. Dès 1854, il C'est une petite révolution dans le monde de la méde-
synthétisera des corps gras naturels, puis l'alcool éthylique cine : un produit à la fois antipyrétique, antirhumatismal,
en 1856, le méthane en 1859 et le benzène en 1866. anti-inflammatoire, analgésique (et même antiagrégant
Entre temps, Balard, le pharmacien qui découvrit le plaquettaire, mais cette propriété ne sera découverte que
brome, synthétise en 1844 le nitrite d'amyle et en 1846 beaucoup plus tard).
l'Italien Sobrero découvre la nitroglycérine ou trinitrine, Après la Première Guerre mondiale, le 28 juin 1919, le traité
dont l'intérêt dans la crise d'angor sera démontré à la fin de Versailles fait tomber les brevets allemands, dont l'aspi-
du siècle par l'Anglais Murrel. rine, dans le domaine public ainsi que le nom «Aspirine».
L'aspirine est produite un peu partout en Europe, en parti-
Par la suite, Baeyer synthétise en 1864 le précurseur du
culier dans les usines du Rhône où sera fabriquée la célèbre
phénobarbital, l'acide barbiturique et l'acétylcholine en Aspirine-Usine du Rhône®.
1867 ; son élève Fisher synthétisera la phénazone en 1864.
150
12. Préambule
Anticorps Omalizumab
monoclonaux Muromonab Rituximab Xolair®
Orthoclone Mabthéra® 2005
OKT3® 1998 ustekinumab
1986 Stelara
Cetuximab
trastuzumab 2009
Erbitux®
Herceptin® 2004
2000
Bevacizumab
Alemtuzumab Avastin®
Mabcampath® 2005
2001
Adalimumab
Infliximab Humira®
Remicade® 2005
1999
Figure 12.14
Les biotechnologies, de 1980 à nos jours
© Mathieu Guerriaud
151
III. Application à l’étude des effets du médicament chez l’homme
L'Europe en marche ces produits, soit des propriétés spéciales recherchées en thé-
rapeutique diététique, soit des propriétés de repas d'épreuve.
L'ordonnance 67–827 du 23 septembre 1967, transposition
Les produits utilisés pour la désinfection des locaux et
en droit national de la directive 65/65/CEE du 26 janvier
pour la prothèse dentaire ne sont pas considérés comme des
1965, modifie à nouveau la définition du médicament pour
médicaments.
compléter la notion de fonction et permettre la prise en
Lorsque, eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, un
compte de l'arrivée de la pilule contraceptive. Cette défi-
produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du
nition européenne s'inspire, pour partie, de la conception
médicament prévue au premier alinéa et à celle d'autres caté-
allemande de «définition par fonction» et de la concep-
gories de produits régies par le droit communautaire ou natio-
tion française de «définition par présentation».
nal, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament.»
Le médicament y est défini comme «toute substance ou
Il est à noter que cette définition à fait l'objet de plu-
composition présentée comme possédant des propriétés
sieurs décompositions doctrinales qui ont conduit à parler
curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines
notamment de médicament par présentation et par fonc-
ou animales » ainsi que «toute substance ou composition
tion. Il existe d'autres variantes mineures (figure 12.15).
pouvant être administrée à l'homme ou à l'animal en vue
d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger, ou
modifier leurs fonctions organiques». Un médicament par présentation
Les lois du 31 décembre 1971 et du 10 juillet 1975 ont «Toute substance ou composition présentée comme pos-
légèrement modifié cette dernière définition. sédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des
maladies humaines.»
Une définition actuelle Le simple fait de présenter une substance ou une compo-
sition comme ayant des propriétés curatives ou préventives
La dernière modification a eu lieu avec la transposition de la à l'égard des maladies en fait un médicament. Cette notion
directive 2004/27/CE du 31 mars 2004 par la loi du 26 février de présentation est très vaste et a été largement décrite.
2007 ainsi est énoncée l'article L5111-1 du Code de la Santé En effet, un patient peut prendre pour médicament un
Publique : «On entend par médicament toute substance produit vendu au public dans un conditionnement créant
ou composition présentée comme possédant des propriétés une apparence de médicament. C'est pourquoi cette défi-
curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou nition par présentation a pour but de protéger la santé
animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant publique et les patients en luttant contre le charlatanisme
être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur et en conséquence la notion de présentation doit être
être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de interprétée de façon très large. La présentation recouvre
restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques ainsi ce que le vendeur transmet et ce que le consomma-
en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou teur moyennement avisé perçoit.
métabolique. Ainsi par présentation on peut entendre le simple fait
Sont notamment considérés comme des médicaments les de mentionner une propriété contre une maladie de façon
produits diététiques qui renferment dans leur composition claire sur l'emballage («antistress», «antirhumatismal»),
des substances chimiques ou biologiques ne constituant pas mais aussi d'une façon détournée dans un nom commercial
elles-mêmes des aliments, mais dont la présence confère à qui rappellerait une maladie (Artrolistic®)… En revanche, la
Par présentation
Par destination
du
Médicament Par la loi
Par composition
Figure 12.15
Les différentes branches de la définition du médicament
© Mathieu Guerriaud
153
III. Application à l’étude des effets du médicament chez l’homme
forme galénique (le fait que l'on ait un comprimé ou une Un médicament de par la loi
gélule) ne suffit pas, à elle seule tout du moins, à en faire
Certains produits, bien que ne répondant pas stricto sensu
un médicament par présentation. Mais le fait d'avoir un
à la définition du médicament, ont été catégorisés comme
visuel ressemblant à la croix ou au caducée des pharma-
tel en raison de leur dangerosité. Ainsi les substituts nico-
ciens, d'avoir la mention «contrôle pharmaceutique» ou
tiniques ou encore les produits stables dérivés du sang (res-
«laboratoire» peut être considéré comme une forme de
pectivement article L5111-2 et L5111-3 du Code de la Santé
présentation.
Publique) sont des médicaments de par la loi.
Il faut noter que cette présentation ou cette revendica-
tion d'indications thérapeutiques n'est pas forcement écrite
sur le médicament : elles peuvent être vantées oralement, Un médicament par d'autres concepts
par diffusion dans les médias ou encore par le biais d'un Plusieurs autres concepts peuvent être (ou ont pu être)
livre ou d'un prospectus. avancés pour définir un médicament :
Toujours dans le but de lutter contre le charlatanisme, • La notion de médicament par composition. En réalité
la notion de présentation permet de reconnaître comme cette notion n'existe pas en droit européen, c'est un artéfact
médicament des produits qui revendiquent une action issu des anciennes définitions françaises. La composition
même si elle n'existe pas ou si elle est juste supposée. Dès peut être considérée comme un critère supplémentaire en
lors, ce produit devient soumis à un dépôt d'AMM, et à des faveur de la qualification d'un produit diététique comme
contraintes qu'il ne peut tenir puisqu'il n'a pas les qualités médicament.
exigées. La législation «tend ainsi à préserver les consomma- • La notion de médicament par destination qui est une
teurs non seulement des médicaments nocifs ou toxiques construction qui consiste à mixer la présentation et la fonc-
en tant que tels, mais aussi de divers produits utilisés en lieu tion : «présenté» + «en vue d'établir un diagnostic médical
et place des remèdes adéquats». ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiolo-
giques en exerçant une action pharmacologique, immunolo-
Un médicament par fonction gique ou métabolique». Ainsi n'a-t-on pas besoin de prouver
l'action sur la physiologie, il suffit de présenter cette action.
« En vue d'établir un diagnostic médical ou de restau-
rer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en
exerçant une action pharmacologique, immunologique ou
métabolique. » Autorisations de mises
La fonction se base sur les qualités intrinsèques du sur le marché (AMM)
médicament alors que la présentation le définit par des
allégations de ce dernier. Dans ce cas, le produit n'a pas
besoin d'être présenté comme médicament, ce sont
Généralités
uniquement ces fonctions sur la physiologie, qui lui La notion d'autorisation de mise sur le marché date en
confèrent ce titre. France de 1941, on appelait alors cette autorisation un
Elle permet d'inclure dans le champ du médicament, visa. C'est avec la directive 65/65/CE qu'est instaurée la
des produits qui ne sont pas présentés comme tels, mais dénomination d' « Autorisation de Misse sur le Marché »
qui sont à la fois actifs et toxiques, ainsi cette notion est ou AMM.
un véritable « filet de sauvetage ». Ainsi la pilule contra- L'AMM est une autorisation administrative obligatoire
ceptive, bien que ne présentant pas de propriété curative pour qu'un médicament puisse être commercialisé sur
ou préventive à l'égard de maladie humaine (la gros- le marché européen. Cela est prévu à l'article L.5121-8 du
sesse n'est pas une pathologie), modifie cependant les Code de la Santé publique. Le non-respect de cette obli-
fonctions reproductrices de la femme, et à ce titre est gation est puni de 2 ans d'emprisonnement et de 30 000 €
un médicament par fonction. Il en va de même avec la d'amende (article L.5421-2 du Code de la Santé publique).
DHEA, même si l'on ne revendique aucune action (on se Depuis 1965, l'AMM était valable 5 ans et nécessitait un
servirait uniquement de sa « réputation médiatique »), il nouveau dépôt à chaque période quinquennale, mais
n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une hormone res- depuis 2007 et la transposition de la directive 2004/27/
taurant certaines fonctions biologiques dégradées par CE, toujours selon l'article L.5121-8 du Code de la Santé
l'âge (qui n'est pas une maladie). Il s'agit donc d'un médi- publique, «L'autorisation est délivrée pour une durée de cinq
cament par fonction. ans et peut ensuite être renouvelée, le cas échéant, sans limi-
154
12. Préambule
tation de durée». Cette disposition est cependant tempérée Les procédures d'obtention
dans le sens où l'Agence nationale de Sécurité du médica-
ment et des produits de santé (ANSM) peut imposer ce Pour obtenir une AMM, il existe plusieurs procédures pos-
renouvellement quinquennal si elle souhaite réévaluer l'in- sibles avec deux grandes voies : la voie nationale et la voie
térêt thérapeutique du médicament ou si celui-ci présente européenne (ou communautaire).
des risques particuliers (figure 12.16).
La procédure selon la voie nationale
Les critères de l'AMM Il s'agit de la voie historique, puisqu'elle consiste à dépo-
ser un dossier d'AMM au niveau d'un pays pour deman-
L'obtention d'une AMM est subordonnée à un certain der l'AMM uniquement pour ce pays (figure 12.18). De fait,
nombre de critères. Le médicament doit répondre à des exi- cette procédure est de moins en moins utilisée, les indus-
gences de qualité, de sécurité et d'efficacité, ces trois notions tries de santé ayant tout intérêt à déposer une AMM pour
rentrant dans la balance bénéfice-risque (figure 12.17). La toute l'Union européenne. Si l'AMM existe déjà dans un État
validité permanente de ces critères sera surveillée après membre de l'Union européenne, on utilisera la procédure
l'AMM par l'ANSM et le laboratoire. de reconnaissance mutuelle ; si elle n'existe dans aucun État
Réexamen
Réexamen
ue premier renouvellement Second renouvellement
utiq s ...
pe rticulier = 5 ans = 5 ans
pa
inté ut ethéra
Réexamen
examen
q s
Dépôt AMM
rê
Durée illimitée
Figure 12.16
Le renouvellement d'AMM
© Mathieu Guerriaud
Figure 12.17
AMM et bénéfice/risque
© Mathieu Guerriaud
Figure 12.18
La procédure nationale
© Mathieu Guerriaud
155
III. Application à l’étude des effets du médicament chez l’homme
membre mais qu'elle est faite simultanément dans plusieurs référence pour conduire les investigations. L'AMM est
États membres, on utilisera la procédure décentralisée. ensuite octroyée dans les pays visés ; en cas de désaccord,
l'EMA réunit le CHMP.
La procédure selon la voie européenne
Il existe, en réalité, trois procédures communautaires, pour La procédure centralisée
des raisons à la fois historiques et techniques. Pour pouvoir lancer une procédure centralisée, aucune
AMM ne doit exister dans un État membre. Cette procé-
La procédure de reconnaissance mutuelle
dure est obligatoire pour les :
Dans le cas de cette procédure, l'AMM d'un médicament • médicament dérivé des biotechnologies et les médica-
existe déjà dans l'un des États membres de l'Union euro- ments innovants ;
péenne. Par le biais de cette procédure, l'AMM est étendue • médicament innovant à usage vétérinaire ;
aux autres pays où la demande est faite, par reconnaissance • médicament à usage humain contenant une nouvelle
mutuelle (figure 12.19). En cas de désaccord l'Agence euro- substance active et destiné au traitement du sida, des
péenne du Médicament (European Medicines Agency ou cancers, des maladies neurodégénératives, du diabète, des
EMA) réunit un comité (le CHMP : Committee for Medicinal maladies virales et des maladies auto-immunes et autres
Products for Human Use). dysfonctionnements immunitaires ;
• médicament désigné comme médicament orphelin.
La procédure décentralisée La demande d'AMM est déposée à l'EMA par le labora-
Dans le cas de cette procédure, l'AMM du médicament toire, l'agence désigne un État membre rapporteur et un
n'a jamais été octroyée dans un État membre de l'Union. État membre co-rapport eur ; s'ensuit une phase d'évalua-
La demande est alors faite de façon simultanée dans les tion puis un vote au sein du CHMP. En cas d'accord, l'AMM
pays concernés (figure 12.20). Un État membre est alors est automatiquement octroyée pour tous les pays de
désigné, par le laboratoire, comme État membre de l'Union européenne (figure 12.21).
Figure 12.19
La procédure de reconnaissance mutuelle
Figure 12.20
La procédure décentralisée
156
12. Préambule
Figure 12.21
La procédure centralisée
157
III. Application à l’étude des effets du médicament chez l’homme
ENTRAÎNEMENT 12 QCM
QCM 1 C Dénomination.
Les premières mentions écrites concernant le médicament D Construction.
ont été retrouvées : E Fonction.
A En Grèce.
QCM 7
B En Mésopotamie.
La notion de médicament par présentation permet :
C En Égypte.
A De reconnaître un médicament même s'il n'est pas actif.
D En Espagne.
B De transformer un médicament en complément alimen-
E En Turquie.
taire en cas de doute.
QCM 2 C De lutter contre le charlatanisme.
Le dieu grec de la médecine s'appelle : D De reconnaître un médicament en fonction de son action.
A Hélios. E De faire rembourser un médicament.
B Asclépios.
QCM 8
C Chiron.
Quelles sont les propositions suivantes qui seront classées
D Prométhée.
comme médicament uniquement grâce à la notion de médi-
E Dionysos.
cament par fonction :
QCM 3 A La mélatonine.
Qui est considéré comme étant «le père de la pharmacie» : B La trinitrine.
A Galien. C La pilule contraceptive.
B Hippocrate. D Le furosémide.
C Dioscoride. E La DHEA.
D Hygie.
E Mithridate. QCM 9
Un nouveau médicament à base d'anticorps monoclonaux
QCM 4 doit être mis sur le marché en France et en Espagne, quelle
Comment appelle-t-on les plantes médicinales dans un procédure utilise-t-on ?
monastère ? A La procédure nationale.
A Les simples. B La procédure centralisée.
B Les dures. C La procédure décentralisée.
C Les herbes. D La procédure de reconnaissance mutuelle.
D Les aromates. E L'ATU.
E Les saintes.
QCM 10
QCM 5 Concernant l'Autorisation Temporaire d'Utilisation :
La théorie des signatures est défendue par : A Elle est dite nominative si elle concerne un groupe de
A Paracelse. patients.
B Galien. B Elle peut être donnée pour un médicament qui n'a pas
C Lémery. encore son AMM.
D Caventou. C Elle est délivrée par l'HAS.
E Hippocrate. D Elle nécessite qu'une demande d'AMM soit en cours en cas
QCM 6 d'ATU de cohorte.
Le médicament possède une définition par : E Elle ne concerne que les médicaments d'importation.
A Présentation.
B Structuration.
158
QCM 11 C Le colchique.
La médecine égyptienne est très avancée en : D L'if.
A Gynécologie. E La belladone.
B Dermatologie.
QCM 17
C Ophtalmologie.
Quel est l'autre nom de la trinitrine ?
D Neurologie.
A Le nitrile d'amyle.
E Cardiologie.
B Le glycérophosphate.
QCM 12 C L'aniline.
Hippocrate explique : D La sulfasalazine.
A La théorie des signatures. E La nitroglycérine.
B La théorie des quatre humeurs.
QCM 18
C La théorie phlogistique.
Les premiers antibactériens du XXe siècle sont à base :
D La théorie de la génération spontanée.
A De cyanure.
E La théorie homéopathique.
B De cadmium.
QCM 13 C De plomb.
Le premier document mentionnant le médicament est : D D'arsenic.
A Le papyrus d'Ebers. E De thallium.
B Le papyrus de Brugsch. QCM 19
C Le papyrus de Smith. Les biotechnologies regroupent :
D La tablette de Nippur. A Les protéines recombinantes.
E L'Antidotaire de Nicolas. B Les anticancéreux.
QCM 14 C Les immunosuppresseurs.
Parmi les propositions suivantes, lesquelles font partie D Les anticorps monoclonaux.
de la théorie des humeurs ? E Les hormones.
A L'atrabile. QCM 20
B Le sang. Un médicament X doit être mis sur le marché en France, il
C L'urine. dispose déjà d'une AMM au Royaume-Uni, quelle procédure
D Le phlegme. utilise-t-on ?
E Le mucus. A La procédure nationale.
QCM 15 B La procédure centralisée.
Qui a écrit le Canon de la médecine ? C La procédure décentralisée.
A Galien. D La procédure de reconnaissance mutuelle.
B Hérophile de Chalcédoine. E L'ATU.
C Erasistrate de Céos. QCM 21
D Paracelse. Une nouvelle statine doit être mise sur le marché en France et
E Avicenne. au Portugal, quelles procédures peut-on utiliser ?
QCM 16 A La procédure nationale.
Quelle plante en provenance du Pérou révolutionne la méde- B La procédure centralisée.
cine au XVIIe siècle : C La procédure décentralisée.
A La digitale. D La procédure de reconnaissance mutuelle.
B Le quinquina. E L'ATU.
Corrigé des entraînements
ENTRAÎNEMENT 12
QCM 11 QCM 17
C Ophtalmologie. E La nitroglycérine.
QCM 12 QCM 18
B La théorie des quatre humeurs. D D'arsenic.
QCM 13 QCM 19
D La tablette de Nippur. A Les protéines recombinantes.
D Les anticorps monoclonaux.
QCM 14
A L'atrabile. QCM 20
B Le sang. D La procédure de reconnaissance mutuelle.
D Le phlegme.
QCM 21
QCM 15 C La procédure décentralisée.
E Avicenne.
QCM 16
B Le quinquina.
Chapitre 13
Essais cliniques
PLAN DU CHAPITRE
Histoire des recherches sur l'humain 160
Réglementation d'un essai clinique 163
Organisation d'un essai clinique 165
Vigilance des essais cliniques 167
voir prévenir la maladie. En réponse, la Prusse réfléchit aux en vue de l'application usuelle à la thérapeutique de produits
problèmes posés par l'expérimentation sur l'être humain, et pharmaceutiques nouveaux» : les essais avec des sérums ou
par décret du 29 décembre 1900, impose l'obtention d'un des vaccins doivent faire l'objet d'une autorisation.
consentement avec une information convenable. Elle inter- Pendant la Seconde Guerre mondiale, les nazis et les
dit en outre les expérimentations sur les mineurs et les per- Japonais conduisirent d'inavouables recherches sur le
sonnes incapables. corps humain, parmi lesquelles des expériences sur les
En 1901, une expédition scientifique américaine s'ins- frontières de la survie à l'hypothermie, à la décompres-
talle à Cuba dans le but de trouver un moyen d'endiguer sion, à l'hyperpression, aux transfusions animales, aux
la fièvre amarile. Un contrat fut rédigé avec des volontaires pathogènes, à des toxiques ; mais aussi des stérilisations
pour attester qu'ils s'inscrivaient de leur plein gré et étaient forcées par application de produits caustiques ou par uti-
informés du risque encouru : ils se faisaient volontairement lisation de rayons ionisants sur les utérus, des expériences
piquer par un moustique vecteur de la fièvre. En contrepar- sur la régénération osseuse et musculaire… Ces exactions
tie, les participants se voyaient rémunérés. furent jugées lors du procès dit « procès des docteurs » de
En 1931, toujours en Allemagne, en pleine République Nuremberg le 9 décembre 1946 conformément à l'ordre
de Weimar, survient un accident de vaccination contre n˚ 68 du gouverneur militaire américain en Allemagne ;
la tuberculose où 77 personnes décéderont (on parle sur le banc des accusés se trouvaient vingt médecins et
de la Lübeck Totentanz). Un autre texte, en date du 28 trois chercheurs.
février 1931 est promulgué : « Directives concernant les Devant le vide juridique évident, les quatre juges du tri-
thérapeutiques nouvelles et l'expérimentation scienti- bunal militaire ont compris le besoin d'avoir des repères
fique de l'homme ». Ce texte renforce le précédent et internationaux sur l'éthique des rech