Vous êtes sur la page 1sur 42

 

Université  de  Vincennes  -­‐  Saint-­‐Denis  Paris  VIII  


 
Master  I  
 Coopération  Artistique  Internationale  
 
 
José  Alexander  Morales  Carvajal  
N°  Étudiant  :  11296744  
 
 
Projet  pluridisciplinaire    
TRANSEÚNTE  /  Espaces  prêts  à  l‘emploi  
 
 

Pays  Participants  
Cuba,  Colombie,  Canada,  France.  
 
 
Dossier  théorique  présenté  aux  professeurs  :    
Mme.  Katia  Légeret  /  M.  Philippe  Tancelin  /  Mme.  Gwenaël  
Pledran  /  M.  Emanuel  Quinz  /    
 
 
Année  universitaire  
2011-­‐2012  

  1  
SOMMAIRE

INTRODUCTION   3  
Les  participants  au  projet  :   6  
 
Objectifs  et  calendrier  :   10  
 
Mon  rôle  au  sein  du  projet  Transeúnte/espaces  prêt  à  l’emploi  :   12  
 
Le    financement  du  projet  :   13  
 
Un  territoire  périphérique  :   14  
 
Un  territoire  d’exploration   16  
 
La  Biennale  de  La  Havane  et  MAC/SAN,    Musée  d’Art  Contemporain  de  San  Agustín   18  
 
MAC/SAN  comme  prototype   19  
 
Avec  MAPA  TEATRO   23  
 
MAC/SAN  TV  :  vecteur  incontournable  de  diffusion  du  projet  «  Transeúnte/espaces  prêt  à  l’emploi    »   25  
 
La  naissance  du  projet  :   27  
 
Le  contenu  créatif  :   28  
 
Cubic-­‐oh,  un  projet  polyphonique  et  évolutif  :   29  
 
MAC/SAN    
11EME  BIENNALE  D’ART  CONTEMPORAIN  DE  LA  HAVANE    
AUTRES  PROJETS  QUI  CONTRIBUENT  AU  DÉVELOPPEMENT  DU  PROJET  TRANSEÚNTE/ESPACES  PRÊT  À  L’EMPLOI.   33  
 
PROJET  PARTENAIRE  ET  COMMISSAIRES  INVITÉES   39  

  2  
INTRODUCTION
 
Art/Espace Urbain/ Corps /Mémoire/ Interaction / Ville /Développement Durable/ Espace
Public/ Mobilité / Éphémère

Potager étatique, San Agustín (La Havane, Cuba), décembre 20 de 2012.


Photographie, Alexander Morales.

Cuba est, de part son contexte naturel, forcément isolée. A cette contingence physique,

s´ajoutent la situation politique intérieure et les relations diplomatiques extérieures, qui multiplient

les effets de repliements. Le désir et la nécessité d´échanges sont donc d´autant plus forts. Le travail

en réseau fortement développé sur le continent américain et européen est rare, chacun préférant

garder l´information pour soi, en raison de son exclusivité.

  3  
La dynamisation de la communication à Cuba ne peut donc se réaliser qu´à travers la

multiplication des échanges pluridirectionnels et la transformation de l´île en une plateforme de

rencontres et d´opportunités.

De même, le travail sur l’espace public et communautaire est souvent extrêmement difficile à

mettre en place, alors même qu’il a, à Cuba, une importance toute particulière. En dépit de ce

contexte, il s’agira de créer à San Agustín, quartier dortoir situé à la périphérie de la Havane, un

chantier créatif, de dialogue, de réflexion, artistique et urbain pour confronter et exposer les

problématiques et les expériences de trois villes de la grande Caraïbe1 et en exception une ville

d’Europe, (La Havane, Bogotá, Toronto et Paris) qui compareront au sein des institutions artistiques

et urbanistiques, comme des universités et des Alliances Françaises, leurs expériences et

spécificités.

L’attention, les démonstrations et les débats sont systématiquement portés non-seulement sur

les dispositifs artistiques et techniques choisis pour rendre compte de cette réalité contextuelle, mais

également sur l’échange et le dialogue comparatif sur la perception des notions : art, urbanisme,

                                                                                                               
1 FIGUEIREDO, Euridice. La grande Caraïbe: métissages d’hier et d’aujourd’hui, Plural Pluriel - revue des cultures de
langue portugaise, n°7, automne-hiver 2010, [En ligne] URL: www.pluralpluriel.org. ISSN: 1760-5504.
 
« On considère la grande Caraïbe toute la région des plantations, à savoir, la région qui va du sud des États-Unis jusqu’au
sud-est du Brésil, en passant par les îles de la Caraïbe mais aussi les pans de continent qui lui sont proches. Édouard
Glissant, Darcy Ribeiro, Antonio Benitez Rojo, entre autres, envisagent comme caractéristique principale de cette région,
l’apport culturel des descendants d’Africains, qui sont venus pour travailler dans les plantations. Benitez Rojo considère que
l’univers de la plantation constitue l’immense archive de la Caraïbe, c’est ce macro-système qui expliquerait, selon lui, le
mode de vie des Caribéens jusqu’à nos jours, dans une répétition en différence. S’inspirant de la théorie du Chaos comme
Glissant, il conçoit la Caraïbe comme un « méta-archipel culturel sans centre et sans limites, un chaos dans lequel il y a une
île qui se répète sans cesse ¬ chaque copie différente ¬ fondant et refondant les matériaux ethnologiques » (Benitez Rojo,
1998, p. 26). La pensée archipélique de Glissant tient compte aussi de cette dimension relationnelle que les contacts d’hier
et d’aujourd’hui ont suscitée. Cette région est devenue un véritable paradigme du métissage quoique ce concept soit très
problématique depuis son apparition comme fruit de la colonisation européenne en Amérique. »
 
  4  
ville, corps, mémoire, communauté, développement durable, espaces hétérotopiques2, dans les

différents villes et les différents cadres des participants, tous ayant en commun la diversité, la

langue française et l’espagnol, les inquiétudes et questionnements sur l’art contemporain dans le

domaine public, le travail artistique pluridisciplinaire comme outil, comme moyen d’échange et

rencontre. Les participants du projet font appel à l’imaginaire singulier et particulier de leur

environnement socio-culturel pour confronter leurs réalités artistiques et humaines.

                                                                                                               
2  FOUCAULT, Michel, Dits et écrits, Des espaces autres (conférence au Cercle d'études architecturales, 14 mars 1967), in
Architecture, Mouvement, Continuité, n°5, octobre 1984, pp. 46-49.

« Il y a d'abord les utopies. Les utopies, ce sont les emplacements sans lieu réel. Ce sont les emplacements qui entretiennent
avec 1'espace réel de la société un rapport général d'analogie directe ou inversée. C'est la société elle-même perfectionnée
ou c'est l'envers de la société, mais, de toute façon, ces utopies sont des espaces qui sont fondamentalement essentiellement
irréels […] Quant aux hétérotopies proprement dites, comment pourrait-on les décrire, quel sens ont-elles? On pourrait
supposer, je ne dis pas une science parce que c'est un mot qui est trop galvaudé maintenant, mais une sorte de description
systématique qui aurait pour objet, dans une société donnée, l'étude, l'analyse, la description, la « lecture », comme on aime
à dire maintenant, de ces espaces différents, ces autres lieux, une espèce de contestation à la fois mythique et réelle de
l'espace où nous vivons; cette description pourrait s'appeler l'hétérotopologie. »

 
  5  
1ÈRE PARTIE –PRESENTATION GENERALE DU PROJET «TRANSEÚNTE /ESPACES

PRÊTS À L‘EMPLOI»

LASA, projet Urbanisame par Candelario, quartier de San Agustín (La Havane, Cuba) 2009.
Photographie, archive LASA, 2009.

Les  participants  au  projet  :  


 
Porteur du projet et structure d’accueil de la première étape du projet, LASA fonctionne sur

un modèle informel et complètement unique à Cuba qui réunit activités commerciales et non

lucratives sous un même toit et dans un même but : l´art contextuel dans l´espace public. Les

artistes, artisans et commissaires de LASA sont d´une part entrepreneurs et main d’œuvre d’une

entreprise qui répond à des commandes : LASA réalise des peintures, décorations et projets de

restaurations pour des « entreprises cubaines » qui sont en l’occurrence des organismes

gouvernementaux.

  6  
Les bénéfices issus de ces contrats permettent de rémunérer les différents employés, d´assurer

le fonctionnement du laboratoire implanté à San Agustín et la réalisation de ses projets. . Un des

intérêts de LASA ‐ sur le plan social‐ réside dans sa capacité à verser des salaires 4 à 5 fois

supérieurs à ceux généralement fournis par le gouvernement cubain, permettant ainsi une

amélioration notoire des conditions de vie des employés.

Cette même « masse salariale » contribue, d’autre part, gratuitement à la recherche, la

création et la réalisation des projets artistiques développés à LASA. Les moyens techniques, et les

bâtiments (bureaux, ateliers) sont également mis à la disposition des artistes et commissaires qui

viennent en résidence à LASA.

L’idée est donc de penser la substitution progressive ou partielle du financement public des

projets artistiques de ce type, par des modes de fonctionnement qui s’appuieraient sur ou

contribueraient à la viabilité économique d’un territoire. Le modèle du Social Business développé

par Muhammad Yunus3 servirait également de base à ces réflexions. Cuba traversant de profonds

changements sociaux, économiques et politiques se présente aujourd’hui comme un territoire

privilégié pour réfléchir à cette approche.

                                                                                                               
3  YUNUS, Muhammad, Vers un nouveau capitalisme, Ed. Jean‐ Claude Lattès, 2008.

La puissance du capitalisme peut-elle contribuer à l'éradication de la pauvreté et à la réduction des inégalités ? Pour
beaucoup, cela paraît impossible. Pas pour Muhammad Yunus. Le prix Nobel de la Paix 2006 propose dans ce livre une
nouvelle forme d'activité économique, complémentaire au modèle classique, permettant de produire des avantages sociaux
en ayant recours au libre marché. Tout comme le microcrédit, qui concerne aujourd'hui plus de cent millions de familles
dans le monde, ce que le professeur Yunus appelle le social-business pourrait profondément renouveler le capitalisme.
Qu'est-ce qu'un social-business? Une entreprise qui gagne de l'argent mais qui n'est pas tendue exclusivement vers la
maximisation du profit. Une entreprise qui consacre ses bénéfices à la diminution des coûts, à la production d'avantages
sociaux. Une entreprise qui ne rémunère pas ses actionnaires. Utopie? Les premiers social-business créés par le groupe
Grameen témoignent du contraire. La nouvelle révolution à laquelle nous invite le professeur Yunus ouvre la voie à un
capitalisme plus juste et plus humain.
 
  7  
Le projet Transeúnte /espaces prêts à l‘emploi est né de la rencontre de quatre structures

artistiques et de recherche :

Laboratoire d’Artistes de San Agustín, LASA (Cuba)

Décrite plus haut, structure franco-cubaine fondée par l’artiste plastique Candelario (Cuba) et

la commissaire Aurélie Sampeur (France-Cuba), travaillant depuis 2008 sur le thème de l’art

contextuel en espace public et regroupant des artistes plastiques et scéniques, architectes,

scientifiques entre autres, de diverses nationalités: cubaine, française, allemande, japonaise, etc.

MAPA TEATRO-Laboratoire d’Artistes (Colombie)

Entité pluridisciplinaire colombienne, créée il y vingt- cinq ans par les artistes

pluridisciplinaires suisso-colombiens Rolf et Heidi Abderhalden qui ont travaillé pendant plusieurs

années sur le thème « Art-Mémoire-Ville » avec les communautés de Bogotá lors de la dévastation

totale dans le centre ville de l’un de ses quartiers symboliques : Santa-Inès, El Cartucho, et qui se

produisent régulièrement sur les scènes internationales (dont le Festival d’Avignon 2012,

programmation officielle).

Catherine Sicot –Off The Edge (Canada)

Commissaire indépendante franco-canadienne qui réunit actuellement elle-aussi des artistes

plastiques et pluridisciplinaires autour des problématiques urbaines pour son prochain projet « Off

the Edge: Burbs to Banlieues», à Toronto et Paris.

Plato-PlatEAU (France-Colombie)

Association française à but non lucratif créée par l’artiste et gestionnaire culturel colombien

Alexander Morales, qui promeut l’union et les relations entre artistes et différentes institutions

culturelles dans le monde, afin de générer des expériences pédagogiques et créatives dans le champ

de l’art contemporain et les arts vivants.


  8  
Le projet trans-caribéen Transeúnte /Espaces prêts à l‘emploi, a donc pour objectif de

permettre, à travers la mobilité de créateurs et chercheurs de la Grande Caraïbe et d’Europe (Cuba,

Colombie, Canada et France), de confronter les visions de problématiques similaires (urbanisme,

communauté, mémoire, corps, ville) mais aussi les pratiques et techniques artistiques de ces

territoires.

  9  
 
Objectifs  et  calendrier  :  

Transeúnte /espaces prêts à l‘emploi se déroulera en cinq étapes : tout d’abord au sein de

LASA, à La Havane, dans le double cadre de l’inauguration du MAC/SAN (Musée d’Art

Contemporain de San Agustín) lors de la Biennale d’Art Contemporain qui se déroule du 11 mai au

11 juin 2012 et d’un important projet de ré-urbanisation du centre ville de San Agustín

« municipio », qui vise notamment à construire des tours d’habitations sur l’emplacement actuel du

potager étatique (point vital de la vie quotidienne du quartier, source importante

d’approvisionnement et d’emploi depuis la « période spéciale », des années 90).

Un chantier qui ne sera donc pas sans conséquences sur la vie quotidienne, mais également sur

l’organisation urbanistique de cette banlieue ouvrière, à l’heure où les discussions actuelles au

niveau international sur le développement urbain introduisent les surfaces cultivées comme

éléments essentiels de l´urbanisme contemporain et se réfèrent souvent à Cuba comme modèle

puisque l´île a introduit l´agriculture urbaine en 1992, lors de la Période Spéciale (la période

spéciale correspondant à la chute du bloc des pays communistes de l’est, et donc à l’arrêt des

subventions de l’URSS à Cuba, qui a plongé le pays dans un grand dénuement économique et

alimentaire) !

A partir de leurs expériences respectives et de leur vision spécifique, tant artistique que

«citoyenne», les artistes réalisent différentes actions en relation aux contextes et aux

questionnements proposés par LASA et le MAC/SAN. Plus qu´intervenir dans l´espace public, ce

qui est cherché, est la pénétration de l´art dans les interstices de la société

  10  
Depuis la période de travail préparatoire sur place, de mars à fin mai 2012, durant laquelle les

artistes ont rencontré à la fois les habitants et responsables communautaires du quartier, les

étudiants en art et architecture du Institut Supérieur des Arts de Cuba (ISA) et de l’École National

des Arts de Cuba (ENA), des étudiants en journalisme de l’Université de La Havane, et les autres

artistes cubains et internationaux collaborant au Musée MAC/SAN, les artistes membres des

structures participantes ont présenté dans le cadre du MAC/SAN (ou en extérieur, dans ses

environs) plusieurs débats et actions pluridisciplinaires, (deuxième étape).

Dans un troisième temps, à partir d’octobre 2012, il s’agira de présenter le rendu de ce travail

en Colombie à la maison/siège de Mapa Teatro située au centre ville de Bogotá. Les œuvres et les

expériences se côtoieront au sein des universités partenaires de Mapa Teatro, et des Alliances

Françaises de Colombie. Une quatrième étape, à Toronto, sera ensuite proposée en 2013 dans le

cadre du projet Off the Edge: Burbs to Banlieues. Une cinquième étape à partir de l’automne 2013

est prévue à Paris (recherches de financements pour cette étape en cours).

  11  
 
Mon  rôle  au  sein  du  projet  Transeúnte/espaces  prêt  à  l’emploi  :  

A l’initiative de la rencontre entre les structures de LASA, Laboratoire Artistique de San

Agustín (Cuba) et Mapa Teatro (Colombie), je suis notamment en charge de la coordination des

actions engagées par ces deux partenaires, tout d’abord durant la Biennale de La Havane (et sa

préparation) en mai 2012. Je suis également chargé de l’organisation de la troisième et de la

cinquième étape qui auront lieu respectivement en Colombie en octobre 2012 et en France en 2013,

et donc notamment de la coordination avec les structures d’accueil et la recherche des financements

manquant.

Par ailleurs, tout en assurant ma mission de coordinateur au printemps 2012 à San Agustín,

j’ai commencé, dans ce cadre, à développer également un projet de recherche, réflexion, puis de

création artistique autant avec les participants étrangers au projet TRANSEÚNTE/ espaces prêt à

l’emploi qu’avec les habitants du quartier de San Agustín, toujours sur cette thématique art/espace

urbain.

  12  
Le    financement  du  projet  :  

- Les principaux partenaires et soutiens au projet :

L’Institut Français : le projet « TRANSEUNTES : espaces prêts à l’emploi » est en effet

bénéficiaire d’un financement spécial « Dispositif Caraïbes » de 7 000 € pour l’année 2012

L’Ambassade de France à Cuba/Alliance Française de La Havane : soutient le projet à

hauteur de 3 000 €, pour l’année 2012

L’Ambassade d’Allemagne à Cuba/Goethe Institute : soutien au projet MAC/SAN à

hauteur de 2000 €

Le Consulat de l’Ambassade de France à Toronto : bourse d’étude à Catherine Sicot

La Direction Provinciale de la Culture de San Agustin : soutient en nature par la mise à

disposition des espaces de la Maison de la Culture de Aroyo Arenas pour mon projet Cubic-Oh

La Biennale de La Havane : communication

L’Alliance Française de Bogota (contact en cours)

Les Universités de La Havane (Cuba), del Valle, Tecnológica (Colombie)

- Le Budget du projet

  13  
2ÈME PARTIE - LA 1ÈRE ÉTAPE DU PROJET PRINTEMPS 2012 : SAN AGUSTÍN

Un  territoire  périphérique  :  
 

Quartier de San Agustín (La Havane, Cuba), Mars 20 de 2012.


Photographie, Dayron Valdés Calvet.

San Agustín, 37 000 habitants, s’étend sur 4km2 en périphérie de la Havane. Territoire de

plantations fruitières jusqu’au début des années 50, San Agustín prend alors son nom et devient

zone résidentielle pour la classe moyenne blanche. Après la révolution, s’y opèrent des

changements radicaux: le quartier absorbe le quartier voisin – Ermita - doublant ainsi sa surface et

multipliant exponentiellement sa population.

Le quartier est désormais un mélange de quelques fermes coloniales, de maisons familiales de

style art nouveau, témoins de la prospérité des années 50, et d’une majorité d’immeubles

préfabriqués. L’amalgame se reflète aussi dans la composition ethnique et sociale de la population.

  14  
Depuis 2007, San Agustín a connu une nouvelle vague d’expansion, qui doit se prolonger

dans les années à venir avec la construction de centaines d’appartements et le développement de

nombreux services. La principale zone en développement doit devenir le nouveau centre-ville de

San Agustín. Ce développement menace l’organopónico situé aux abords (un organopónico est une

zone de production agricole locale dédiée à la consommation locale et gérée par le gouvernement).

Malgré cette diversité, on se réfère principalement à San Agustín comme le premier exemple, à La

Havane, de développement massif de logements réalisés par les « Micro-brigades ».

Les Micro-brigades sont des groupes de bénévoles aux formations professionnelles

éclectiques, formés dans les années 70 d´après une idée du président cubain, Fidel Castro Ruz, pour

faire face à l´importante demande de logement. “Logements préfabriqués construits en périphérie

par les micro-brigades” est donc ce qu´il persiste de San Agustín dans l’imaginaire collectif cubain,

mais aussi dans celui des urbanistes et architectes.

Il n’existe en outre aucune histoire écrite de San Agustín. L´histoire locale vit seulement à

travers la mémoire des habitants, qui viennent de toutes les provinces cubaines. Chaque cellule

familiale est donc une page potentielle du livre de San Agustín, une histoire également signifiante

par rapport à celle du pays. Prolongeant une initiative de LASA (Laboratoire d’Artistes de San

Agustín), le projet TRANSEÚNTE/ espaces prêt à l’emploi se propose d’explorer les notions de

patrimoine et d’archive, d’agir comme catalyseur pour la création “d’une autre histoire” de San

Agustín et de sa diffusion par, entre autres, des affiches, des œuvres multimédia et vidéo. En

dialogue avec les habitants, TRANSEÚNTE/ espaces prêt à l’emploi, entame un long processus

d’investigation qui pourrait conduire à la restitution et écriture d’une histoire du quartier, ainsi qu’à

la création d’un contexte pour un nouveau patrimoine, grâce ensuite à la confrontation avec les

expériences des autres pays participants au projet.


  15  
Un territoire d’exploration
 
 

Marché commun de San Agustín (La Havane, Cuba), Mars 20 de 2012.


Photographie, Anier Fernández

Le projet a permis la création de plusieurs œuvres aux formes innovantes, à San Agustín,

dans le double cadre de la 11eme biennale de La Havane et la création du MAC/SAN (Musée d’Art

Contemporain de San Agustín), en allant du documentaire, au film fiction en passant par la

télévision expérimentale et un concours de reportages pour étudiants en journalisme, la

photographie, la sculpture, l’œuvre théâtrale et la performance, la sculpture « nutritionnelle », le

travail sonore, le recyclage, l’écriture, entre autres. Par des approches formelles, conceptuelles ou

participatives, ces œuvres ont contribué à la recherche et au développement de l’art contemporain.

Simultanément, ces démarches artistiques valorisant l’approche communautaire et le respect de

l’individu ont contribué et contribueront au dialogue, tant dans le monde de l’art que sur le terrain,

sur le potentiel de l’art d’animer et de transformer des lieux de vie.

  16  
Ceci étant dit, le travail se raccorde aux approches théoriques de Nicolas Bourriaud qui a

développé toute une réflexion sur l’Art Relationnel4, ses motivation et conséquences. Ces approches

visent à questionner di facto les structures en place, ses politiques culturelles et les mécanismes qui

transforment ces territoires, situés en marge de villes.

Le thème de ces actions - performances ponctuelles, diffusions des émissions de MAC/SAN

TV réalisées durant la période de la Biennale, réalisation d’œuvres plastiques éphémères ou

pérennes, création de textes ou de mises en scène – était l’espace urbain et la perception du

changement, le patrimoine et la mémoire individuelle, communautaire et collective du projet.

                                                                                                               
4
BOURRIAUD, Nicolas, Radicant, pour une esthétique de la globalisation,  Denoël, Paris, 2009, p. 14.

« La possibilité d’un art relationnel (un art prenant pour horizon théorique la sphère des interactions humaines et son
contexte social, plus que l’affirmation d’un espace symbolique autonome et privé) témoigne d’un bouleversement radical
des objectifs esthétiques culturels et politiques mis en jeu par l’art moderne. »

  17  
La Biennale de La Havane et MAC/SAN, Musée d’Art Contemporain
de San Agustín
 
 

MAC/SAN, quartier de San Agustín (La Havane, Cuba), April 28 de 2012.


Photographie, Dayron Valdés Calvet.

Le MAC/SAN a été conçu par les artistes Candelario (Cuba), Erik Göngrich (Allemagne),

Stefan Shankland (France - Suisse), la commissaire Aurélie Sampeur (France-Cuba-Allemagne) et

est développé avec la collaboration de la commissaire Catherine Sicot (France-Canada). Le

MAC/SAN est la première « base » du projet TRANSEÚNTE/ espaces prêt à l’emploi puisqu’autour

de lui se développe les réflexions et projets des participants (dont « Cubic -Oh », laboratoire

scénique d’Alexander Morales, développé plus loin). San Agustín, accueille le MAC/SAN en en

déterminant les fondements contextuels. Le MAC/SAN est une exploration des pratiques de l’art

contemporain qui s’inscrivent dans le domaine public et une analyse de leur pertinence du point de

vue local et international. Il résulte d’un processus créatif collectif, développé au cours d’une série

de résidences à LASA- Laboratoire Artistique de San Agustín.

  18  
MAC/SAN est un hybride: à la fois œuvre d’art et contexte. Il prend plusieurs formes, comme

celle de contextes dans lesquels d’autres œuvres d’art et programmes sont développés ou présentés.

Ainsi, pour son lancement durant l’aujourd’hui passée 11eme Biennale de la Havane, des artistes,

commissaires, architectes, journalistes et universitaires venant d’Amérique Latine, d’Amérique du

Nord et d’Europe ont contribué à la diversification de sa mise en forme et activation.

MAC/SAN  comme  prototype  


 
 
Au cours des dernières décennies, les musées ont étendu leur programmation au domaine

public. Ils ont commencé un processus sophistiqué de redéfinition de leur rôle vis à vis des publics

et des communautés, et ont développé des stratégies pour multiplier et diversifier leurs publics. Ils

ont contribué à l’évolution de l’art contemporain, y compris à celle des pratiques dans l’espace

public ou qui s’articulent dans le domaine public. Ils ont offert aux artistes de nouveaux contextes

pour expérimenter des projets in situ et participatifs. Ces approches ont certes contribué à modifier

l’image élitiste et conservatrice du musée mais ont aussi montré leurs limites. Malgré quelques

expériences positives, il demeure difficile pour ces institutions de penser au delà de leur murs.

Leurs mandats et obligations – sélectionner et créer des contextes pour présenter des œuvres

dans des lieux dédiés à l’art, assurer des financements et assumer une gestion complexe – ont

tendance à les couper du reste du monde et à les transformer en tours d’ivoire. Bien qu´en contact

avec les réseaux et scènes artistiques, ils ne sont finalement pas les mieux placés pour soutenir la

production d’œuvres qui ont besoin de temporalités aléatoires mais aussi de se développer en

relation avec des territoires.

 
 
  19  
 
 

 
MAC/SAN par l’allemand Erik Göngrich

MAC/SAN est un musée sans murs, doté d’une nature hybride et d’un mandat flexible. Il a été

élaboré à partir du travail développé par Candelario et Aurélie Sampeur. Il est avant tout pensé pour

San Agustín tout en étant tourné vers l’extérieur. Il est composé d´une équipe créative

internationale, et l’utilisation fréquente de nouveaux medias contribue à créer de multiples

connexions entre le local et le reste de monde. Aucun musée d´art contemporain n´existe

actuellement à Cuba.

En initiant cette réflexion sur l’interaction « Art et environnement », MAC/SAN est la

première base de réflexion de TRANSEÚNTE/ espaces prêt à l’emploi. Intégrant les spécificités

socio-politiques et contextuelles de Cuba, c’est le premier point de rencontre des participants au

projet : Catherine Sicot (Canada), Rolf Abderhalden (Mapa Teatro – Colombie), Candelario et

Aurélie Sampeur (Cuba), et moi-même (Alexander Morales, France-Colombie), autour de débats et

de recherches pour certains, de création d’actions et performances pour d’autres.

  20  
Plusieurs directions de recherche et questions sont donc nées de cette rencontre, lors de cette

première étape du projet : que peut apporter l’art à un territoire? Les artistes peuvent-ils contribuer à

identifier et mettre en valeur un patrimoine, à penser l’urbanisme? Quelles nouvelles perspectives

l’art contemporain peut-il apporter à des questions liées à l’environnement, à l’agriculture locale, au

développement durable? Comment l’art et un nouveau musée peuvent-ils contribuer à développer

un sens communautaire, à améliorer la vie d’individus? Peuvent-ils être catalyseurs de

transformations sociales? Un projet artistique peut-il devenir un outil pédagogique – et un espace de

recherche, une nouvelle plateforme participative pour imaginer et construire le futur? A quoi

pourrait ressembler un musée ou une exposition qui offrirait un contexte adéquat à des formes d’art

intimement liées à l´espace public?

MAC/SAN sculpture, quartier de San Agustín (La Havane, Cuba), April 21 de 2012.
Photographie, Dayron Valdés Calvet. Design graphique, Pedro Moya.

 
 
  21  
Indépendamment de l’espace de réflexion, la sculpture est également explorée à travers le

MAC/SAN. L’approche globale s’inspire des pratiques formalistes et conceptuelles du XXème

siècle qui intègrent l’architecture.

Candelario, Stefan Shankland et Erik Göngrich se sont approprié le squelette en béton d’un

bâtiment abandonné en cours de construction de 60 x 25 x 8 mètres- situé au cœur de San Agustín.

Ce bâtiment est devenu le MAC/SAN Building. Symbolisant le traditionnel cube associé aux

musées d’art moderne et contemporain, la structure a devenu le champs de création et d’installation

d’une série d’œuvres, qu’ont était à la fois œuvres exposées et points de vues sur le paysage de San

Agustín:

• Un signe “MAC/SAN” de 12 x 2,5 mètres

• Un modèle pour une conception utopique du logement et le la planification urbaine

• Des prototypes de sécheurs de fruits

• Un lieu ombragé conçu et fabriqué pour des rencontres et la production

• Un design du plan du quartier pour la performance « marcher en arrière » de la

canadienne Carissa Carman

• Un studio de télévision pour la MAC/SAN TV (voir ci-dessous)

• Un laboratoire culinaire éphémère nord-américain – cubain : « MAC/SAN Café »

• Un espace de débat avec des commissaires d’exposition internationaux (I Wei-li –

Berlin / Taïwan et Catherine Sicot – Canada / France)

(voir la description des principaux projets développés à MAC/SAN durant la Biennale de La

Havane, en annexe)

  22  
De la même façon se sont développés une série d’événements, d’ateliers et performances qui

se sont intégrées au contexte de cette/ces œuvre(s), représentant ainsi l’occasion d’utiliser le

building comme plateforme de participation et laboratoire de création, toujours in progress.

 
Avec  MAPA  TEATRO  
 
 

Rolf Abderhalden, Prototype 1, Photographie, Dayron Valdés Calvet. San Agustín 14 mai 2012.

L’artiste colombien Rolf Abderhalden, directeur de MAPA TEATRO, a ainsi, en plus de sa

participation aux échanges et débats, réunit environ 160 enfants des écoles voisines, pour réaliser

une performance de synchronisation collective (rotations sur eux-mêmes), sur le toit du MAC/SAN,

lors de l’inauguration du projet pour la Biennale le 14 mai dernier.

Ce même 14 mai, à 21h, j’y ai moi-même organisé l’une des quatre représentations issue de

mon atelier laboratoire de théâtre et performance : Cubic-Oh.

  23  
Plusieurs débats y ont été proposés par la canadienne Catherine Sicot, réunissant des artistes

venus en résidence pour la Biennale, des personnalités cubaines, des étudiants et habitants du

quartier.

MAC/SAN a donc invité des groupes locaux (étudiants, professeurs, artistes), habitants de San

Agustín et visiteurs de la Biennale à utiliser les différents espaces de cette plateforme pour “faire”,

montrer, dialoguer, et apprendre. Parmi les groupes concernés jusqu’à présent on compte: des

étudiants en art, architecture, urbanisme et journalisme de Cuba (CUJAE, ISA, Université de la

Havane) et des EUA (Université d’Harvard); des employés du Bureau de l´Historien de la vieille

Havane (dédié au patrimoine); des producteurs agricoles de la banlieue havanaise - Organopónicos

et plantations familiales, des élèves des écoles primaires et secondaires, des figures politiques

locales et autre membres actifs de la communauté. MAC/SAN a travaillé avec ces partenaires pour

rendre publiques ces rencontres durant la Biennale.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

  24  
 
MAC/SAN TV : vecteur incontournable de diffusion du projet
« Transeúnte/espaces prêt à l’emploi »
 

MAC/SAN Studio, designer : Candelario, La Havane Mars 2012.

MAC/SAN TV (projet de Candelario et de Catherine Sicot) a invité des artistes, des

architectes, journalistes, habitants et visiteurs à proposer leurs propres émissions diffusées ensuite

durant la biennale. Les participants du projet TRANSEÚNTE / espaces prêt à l’emploi ont ainsi tous

été invités à participer à des débats ou à proposer un programme. Utilisant la clé USB comme

moyen de diffusion pour Cuba, et l’internet pour le reste du monde, MAC/SAN TV met en forme

un phénomène cubain très spécifique. En effet, la révolution digitale cubaine n’a pas eu lieu à

travers internet – l’accès étant largement limité, et le réseau n’étant pas doté d´ADSL – mais par la

clé USB. Grâce à ce petit objet, circulent les informations officielles mais aussi souterraines

(logiciels, musique, vidéos et films piratés).

Ainsi, la nouvelle chaine de télévision a documenté les recherches du MAC/SAN. Grâce à son

efficacité, la TV a existé comme medium artistique à part entière, explorant divers formats et

thématiques telles que l’art, l’environnement, le territoire et le patrimoine.

  25  
MAC/SAN TV est donc l’outil qui va permettre la communication et la diffusion du projet

Transeúnte/espaces prêt à l’emploi , entre autres, lors de ses prochaines étapes en Colombie, à

Toronto et Paris.

  26  
3ÈME PARTIE- CUBIC-OH : EVOLUTION DE MON PROJET DE RECHERCHE EN

LABORATOIRE DE CREATION COMMUNAUTAIRE

 
La  naissance  du  projet  :    
 
 
Initialement participant au projet TRANSEÚNTE / espaces prêt à l’emploi comme

coordinateur, entre les participants et institutions colombiens et français, notamment, la réflexion et

la recherche autour du lien entre pratiques artistiques et société m’ont amené à entamer une série de

rencontres avec des habitants de San Agustín et de La Havane, puis à entamer un laboratoire autour

de la création artistique pour des break-dancers du quartier, bientôt rejoints eux-mêmes par de

futures institutrices en formation de théâtre, et d’autres participants (acteurs, costumier, vidéastes,

chorégraphe), professionnels ou amateurs. De laboratoire de recherche créative, les rencontres que

j’avais donc pu planifier chaque soir à la Maison de la Culture sont devenues de véritables

répétitions pour un spectacle pluridisciplinaire qui a été joué 4 fois, dans 4 lieux différents, durant la

Biennale.

Le projet en lui-même, est donc devenu un laboratoire scénique, explorant, à San Agustín, les

dynamiques entre patrimoine matériel et immatériel, entre hommes et architecture, mouvement et

géométrie urbaine, art et société. A partir de l’intervention-performance du corps dans l’espace

social et privé, et de l’objet comme organe dans le contexte urbain, Cubic-OH a cherché à explorer

la relation sensorielle, émotionnelle et réflexive du musée « MAC/SAN », point de convergence des

projets de la Biennale à San Agustín, avec son environnement citadin.

  27  
Le  contenu  créatif  :    
 
 

 
Cubic-­‐OH,  organe  urbain,  par  Alexander  Morales,  photographie,  Mayito,  13  Mai    2012.  
 
 
Le point de départ de l’action est l’histoire de la vie d’un fameux danseur de Break Dance des

années 80, vivant à San Agustín : Alexis Povea Dreke, l’un des principaux protagonistes de ce

mouvement à La Havane.

A partir de son histoire, dans la danse, se mêlent les récits de la vie de six danseurs, âgés de 21

à 45 ans, à qui il a lui-même transmis son savoir (et que j’ai pu contacter par son entremise), de cinq

jeunes institutrices, ainsi que les mythes, légendes urbaines et histoires de vie de San Agustín et de

ses habitants.

Les interventions scéniques réalisées se voulaient mobiles et éphémères, fusionnant la danse

avec le texte, la performance et la musique pour générer un évènement urbain qui cherchaient les

frontières entre le théâtre, l’historique et l’humain.

  28  
Cubic-­‐OH,  un  projet  polyphonique  et  évolutif  :  
 
J’ai souhaité que ce laboratoire/œuvre soit avant tout un espace relationnel pour ces danseurs

qui, bien qu’expérimentés (certains sont de véritables « stars » de La Havane) n’avaient jamais eu

d’expérience professionnelle en la matière - les courants hip-hop étant encore très officieux à Cuba,

et seuls les artistes officiellement professionnels ayant le droit de travailler…- mais aussi pour des

chorégraphes, artistes plastiques, enseignants, musiciens, stylistes, femmes au foyer, employés

municipaux, charpentiers, soudeurs, ingénieurs lumière, architectes et habitants du quartier. En

effet, toute la première partie du travail, de mars à mi-avril, a consisté en créer une relation de

confiance et de créativité qui a permis ensuite les répétitions et la création de la pièce en elle-

même : beaucoup des participants n’avaient jamais étés partis d’une œuvre collective, et ne

connaissaient chacun que « leur » langage.

Grâce à un espace de dialogue, mais aussi à des rencontres avec d’autres artistes venus

d’autres milieux et parfois d’autres pays, nous avons pu créer un état d’esprit propice. La vidéaste et

chorégraphe Catherine Baÿ, participants alors à un festival à La Havane, a pu retrouver et dialoguer

avec l’équipe. De même, la vidéaste française Isabelle Million et le chorégraphe cubain Jorge Abril

(du groupe Danza Contemporánea de Cuba) venus tout d’abord rencontrer et échanger avec le

groupe, se sont finalement impliqués dans le projet au point, pour la première, d’en assurer toute la

partie vidéo (enregistrement des acteurs du projet, des danseurs jusqu’à la directrice de la Maison

de la Culture), et pour le second de participer de manière active à la chorégraphie…qui s’est alors

enrichie d’une dimension non plus uniquement « break dance », mais également contemporaine.

  29  
Au final, le projet a généré une expérience pluridisciplinaire qui questionne et rend visible la

vie « comme œuvre d’art » et l’art comme moteur de communication entre l’homme et sa

communauté. La pièce elle-même, toujours en évolution, se définit comme un objet d’investigation

de l’imaginaire social et des codes disciplinaires des arts vivants et des différentes sociétés dans

lesquelles elle se déroule.

Le Hip-Hop, le graffiti, le vélo BMX, l’architecture, le théâtre, la performance, sont alors

entrés en interaction et en dialogue multidirectionnel avec le citoyen et son espace quotidien.

Micro politiques et Micro poétiques expérimentales á partir d’une œuvre scénique où s’a

privilégié le processus créative pour entamer dialogues et discutions parmi créateur, formateurs,

citoyens et habitants du quartier.

Cubic-­‐OH,  organe  urbain,  par  Alexander  Morales,  photographie,  Mayito,  18  Mai    2012.  

  30  
CONCLUSION : LES SPECIFICITES DU PROJET TRANSEUNTES ET LES

ENJEUX DES PROCHAINES ETAPES

Le projet Transeúnte/espaces prêt à l’emploi nécessite la prise en compte de deux facteurs

pouvant être « délicats » : les spécificités liées à Cuba, durant cette 1ère étape, et la coordination de

participants de cultures, bien qu’issues de la grande Caraïbe, pouvant être extrêmement différentes.

Cela est en effet notamment le cas, non-seulement entre le Canada et Cuba, par exemple (ne serait-

ce qu’en ce qui concerne la langue, notamment), mais également le cas entre Bogota et La Havane,

ce qui était plus inattendu. Les politiques culturelles sont en effet énormément plus cloisonnées à

Cuba qu’en Colombie : la culture y est institutionnelle et donc cloisonnées (le théâtre dépend par

exemple du Conseil National des Arts Scéniques, la vidéo du Conseil National des Arts Plastiques,

et les deux ne se mélangent pas…)

De même, la gestion d’une production à Cuba n’a absolument pas les mêmes priorités qu’en

Colombie, au Canada ou en Europe : les salaires, notamment, sont tellement bas qu’ils représentent

le poste minimum du budget (environ 20 U$ pour un mois complet à temps plein…) alors que

certains matériaux de production ou de technique sont tellement difficiles à trouver qu’ils

reviennent au double d’un prix français….

Par ailleurs, si le statut des artistes « professionnels » sont à Cuba extrêmement privilégiés par

le système (ils obtiennent facilement des permis de sortie, et sont invités à voyager par des galeries

ou des programmateurs) et par l’engouement mondial de l’art cubain (leur permettant de vendre des

œuvres à des prix élevés, par exemple), les projets en espace public sont extrêmement contrôlés et

surveillés.

  31  
Enfin, les problématiques de public ne absolument pas les mêmes non plus : l’offre culturelle

est importante à Cuba, et le public – sans distinctions de classes sociales ou d’âge- naturellement

consommateur de culture et divertissement, d’autant plus que ces derniers sont quasiment gratuits.

Toutefois le mauvais niveau des transports publics empêche souvent ce public de se déplacer dans

un autre quartier et de voir des choses différentes, donc. De même, les compagnies ou artistes étant

quasiment toujours « nationalisées », le public cubain n’a pas forcément les moyens de comparer et

de développer un véritable esprit critique.

Enfin Transeúnte/espaces prêt à l’emploi va devoir lors des étapes suivantes, à Bogotá en

octobre 2012, puis à Toronto et Paris en 2013, se confronter à des problématiques de banlieues

complètement distinctes de celles explorées à San Agustín. Si la banlieue de La Havane rencontre

en effet des difficultés d’aménagement, d’urbanisme et surtout d’équipement (transports,

services…), elle n’est pas à priori concernée par les problèmes de fracture sociale et donc parfois

d’insécurité (réelle ou fantasmée, et qui à La Havane concerneraient plutôt les quartiers du centre-

ville) ou d’intégration de population immigrée (venus de pays extérieur, comme c’est le cas en

Europe, ou du pays même, comme cela a pu être le cas avec les déplacés à Bogotá), que peuvent

rencontrer les autres pays.

Le défi des coordinateurs du projet, dont je fais partie, est donc maintenant de trouver les bons

cadres de réflexion et les bons interlocuteurs pour ces espaces d’échange, d’actions artistiques et de

réflexion…

  32  
ANNEXES  

  33  
ANNEXE  1  

Mac/San  

11eme  Biennale  d’art  contemporain  de  La  Havane  

Autres  projets  qui  contribuent  au  développement  du  projet  Transeúnte/espaces  prêt  à  l’emploi.  

  34  
MicroE111b:  La  micro-­‐construction  de  l’avenir    

Par Florian Zeyfang, Lisa Schmidt-Colinet y Alex Schmoeger (artistes, architectes, Allemagne- Autriche)
avec la collaboration de César Riveron (architecte, Cuba). Photographie, César Riveron, mai 10 2012.

MicroE111b est un modèle d’approche à la construction utopique et à la planification

urbaine. Il présente une idée pour les futures « auto-constructions », prenant en compte trois

échelles : l’échelle du composant (détail), l’échelle de l’édification (unité) et l’échelle du voisinage

(ville).

MicroE111b est un modèle physique qui représente un schéma futur d’édification où

se mélangent – en forme de vidéo, designs et texte- les résultats des recherches sur les

« microbrigradas » des années 70 et du mouvement viennois des populations locales des années 20.

  35  
PRÓXIMO NIVEL (NIVEAU SUIVANT)

Par Andrés Victores (ingénieur, Cuba).


Photographie Erián Ruíz, Avril 2012.

Próximo nivel est une sculpture fonctionnelle née du besoin de connecter les deux étages du

bâtiment du MAC/SAN pendant la Biennale. Utilisant du matériel recyclé, Próximo nivel, mélange

les compétences de Victores en tant qu’ingénieur civil avec sa singulière vision esthétique.

L’œuvre reflète une caractéristique de Cuba– développée exponentiellement depuis la période

spéciale- au sujet du recyclage et de la construction où les personnes se servaient de tous les

matériels du territoire. Le travail trouve son écho, d’ailleurs, dans une ligne de sculpture moderniste

autant que dans le design contemporain de l’hémisphère occidentale, ce qui met en valeur le geste

de l’artiste entre la survivance, l’art, la mode, la basse technologie et une esthétique “élevée”.

  36  
BIOCUB (NOURRITURE POUR ARTISTES)

Par Erik Göngrich (Allemagne), assisté par Julietta Vigueras (historienne d’art) et Esther Suárez (architecte),
(Cuba). Photographie Erián Ruíz, Mai 2012.

BIOCUB- nourriture pour artistes- est une œuvre d’art sculpturale, un nouveau système qui

implique l’artiste avec les habitants de San Agustín dans la production multiple de paquets de 100

grammes de mangues sèches. BIOCUB a collecté des mangues chaque jour des jardins privés et des

plantations plus importantes de San Agustín. BIOCUB a expérimenté avec une nouvelle

technologie de séchage, conçue par l’artiste avec le conseil de l’ONG Canadienne, Malnutrition

Matters, spécialisée en systèmes de séchage de nourriture. Sept séchoirs ont été installés dans les

maisons des familles intéressées par le projet, et treize sur le toit du MAC/SAN Building. Ceux-ci

ont ensuite été installés dans des maisons de personnes captivées pour le déploiement de BIOCUB à

San Agustín.

  37  
SURREAL ESTATE: (MARCHER EN ARRIERE)

Par Carissa Carman (Canada-EUA), Photographie, Erian Ruíz, La Havane, Mai 2012.

Pour ce projet, l’artiste a choisi la performance comme moyen pour entamer un contact avec

les habitants de San Agustín. Elle a marché en arrière, assimilant les réactions comme le rire, la

surprise et l’interdiction. L’action était marquée par le moment où elle se retournait et retrouvait sa

marche quotidienne, car tout de suite elle rencontrait des questionnements, des conversations et de

réactions variées de la part des personnes qui la voyaient ou qui se joignaient à sa marche. Carissa a

échangé avec le public des impressions sur les espaces domestiques, sur le fait de changer la

quotidienneté. Elle a souligné distincts passages de son expérience à San Agustín pour tenter de

comprendre la réalité du quartier, les formes de logement, la vie en voisinage et les imaginaires des

habitants du Quartier.

  38  
ANNEXE  II  

Projet  partenaire  et  Commissaires  Invitées  

  39  
OFF THE EDGE: BURBS TO BANLIEUES
Off the Edge: Burbs to Banlieues a pour but la mise en œuvre de processus artistiques

pluridisciplinaires et engagés au niveau communautaire, dans la périphérie de métropoles. Le projet

se déploie actuellement au Canada, à Cuba et en France, en collaboration avec des artistes résidants

dans ces trois pays.

Off the Edge facilite des rencontres constructives entre artistes et communautés, notamment

par le biais d’échanges interculturels. Le territoire y est abordé comme une source d’inspiration, un

sujet et un espace de processus créatifs ponctués par le dialogue. Les œuvres produites contribuent à

problématiser des enjeux économiques et sociaux, exprimer les points de vues, rendre visibles les

faces cachées de lieux et de leurs habitants.

Off the Edge propose des actions artistiques citoyennes en invitant des artistes dont les projets

ont en commun l’intérêt et la nécessité de s’immerger dans des lieux et des communautés qui ne

leur sont pas familiers et de s’y impliquer à moyen et long termes, en s´appuyant sur les réseaux

sociaux, politiques, éducatifs et économiques locaux.

Le projet soutient la création d’œuvres diversifiées, aux formes innovantes. Le processus

créatif y occupe une place primordiale. Les media varient du documentaire expérimental, au film

fiction, à l’œuvre théâtrale, la performance et le travail du son. Par la nature expérimentale des

approches formelles, conceptuelles ou participatives, ces œuvres contribuent à la recherche en art

contemporain. Simultanément, ces démarches artistiques s´inscrivent dans une approche

communautaire. Le respect de l’individu y est au cœur afin de stimuler un double dialogue au

niveau de l´art contemporain mais aussi de la société. Les pratiques artistiques des artistes de Off

the Edge questionnent le potentiel de l’art d’animer et de transformer des lieux de vie et di facto les

structures en place, les mécanismes qui font – ou pas- évoluer ces territoires situés en marge de

villes Françaises, Canadiennes et Cubaines.


  40  
LES COMMISSAIRES

Catherine Sicot (France, Canada)

Catherine Sicot a une expérience des musées qui débute en France au Musée d’Art Moderne de la

Ville de Paris et se prolonge au Canada à Oakville Galleries, musée d’art contemporain situé en

banlieue ouest de Toronto. Elle fait partie des conseils d’administration de plusieurs centres d’artistes

comme Mercer Union (Toronto) mais aussi d’organisations à but non lucratif comme 4Unity

Productions Youth Media Organization (Toronto). Au fil de ses expériences, elle se spécialise dans la

création et la mise en place de programmes éducatifs au sein du musée, puis évolue vers des actions

“hors les murs” impliquant des artistes et différents partenaires sociaux.

En tant que directrice des programmes éducatifs et publics à Oakville Galleries, elle développe des

projets à long terme, comme Thank You for Coming!, auxquels participent différents groupes (âge,

culture, catégories socio‐professionnelles, personnes handicapées ou avec des besoins particuliers,

etc) et pour lesquels elle se charge de la recherche de ressources financières, humaines et techniques.

Sa pratique de commissaire indépendante et de productrice commence en 2005 avec l’organisation

d’une résidence internationale d’artistes à Mercer Union durant laquelle elle initie une réflexion sur le

rôle des pratiques artistiques dans l’engagement social.

Ses projets actuels incluent Burbs to Banlieues – résidences et productions franco‐canadiennes

impliquant des artistes de chaque pays sur des territoires de banlieues. Elle est également

co‐commissaire du MAC/SAN (Museo de Arte contemporáneo de San Agustín), un projet mis en

œuvre dans la banlieue havanaise, qui sera inauguré lors de la prochaine biennale d’art contemporain

de La Havane en mai 2012.

  41  
I-Wei Li (Allemagne, Canada, France, Brésil et Sénégal)

I‐Wei Li est née à Taiwan et a grandi au Canada. Elle commence sa vie professionnelle dans une

banque au Kenya. Après des études à "Goldsmiths College" à Londres, elle s'installe à Berlin pour

créer le "SideBySide Studio", une plate‐forme internationale dédiée aux rapports entre l'art, la

politique et l'économie dans le contexte de la crise mondiale. En 2008, I‐Wei Li, crée et dirige le

Kunst Apotheke Salon (en collaboration avec "Berlin cultural initiatives", Limbus Europae,, Altes

Finanzamt , Rumbalotte) : plus de 700 intellectuels, praticiens et créateurs internationaux s'y

retrouvent et participent à des réflexions critiques sur les grands sujets en lien avec les mutations

contemporaines. Dans l'esprit et la continuité de "Kunst Apotheke Salon", la manifestation

"Transmediale 2010" de Berlin invite I‐Wei Li pour organiser et animer le "WAVE", forum

international inter‐disciplinaire sur les stratégies pour des pratiques créatives durables. En 2011, elle

est, en France, co‐commissaire de la manifestation internationale (100 artistes de 12 pays) « d'Abord

les Forêts » dédiée aux rapports entre le territoire, la nature et l'art (à travers l'approche des

communautés aborigènes). Toujours en 2011 et en partenariat avec "Mindpirates eV", elle organise et

co‐produit à Berlin "Between Windows" manifestation dédiée à la création artistique

Latino‐Américaine avec 35 artistes, chercheurs et militants. Actuellement, I‐Wei Li est directeur

artistique de DigiBAP laboratoire mobile et créatif qui organise des workshops au Brésil, au Sénégal

et en Provence‐Alpes‐Côte d'Azur (PACA) : des artistes de ces régions apprennent à penser et à

travailler ensemble au cours des résidences dans les trois continents. L'objectif final de ces échanges

est de présenter des productions artistiques innovantes avec une dimension sociale lors de

"Marseille‐Provence 2013, Capitale Européenne de la Culture" et dans le cadre du festival MIMI. (La

Fondation Rosa Luxembourg ‐ Rosa Luxembourg Stiftung‐, lieu emblématique d'éducation politique

en Allemagne, est l'un des partenaires décisif pour DigiBAP à Dakar, au Sénégal).

  42  

Vous aimerez peut-être aussi