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Scandale au cœur de la République Pape Alé Niang

Pape Alé Niang


Élu le 25 mars 2012 quatrième président de la République du Sénégal,
Macky Sall s’est voulu l’apôtre de la bonne gouvernance. À l’occasion

Scandale au cœur
de son premier discours à la nation, le 3 avril 2012, il déclara
solennellement : « L’assainissement de l’environnement des affaires et la
lutte contre la corruption et la concussion me tiennent particulièrement
à cœur. » D’un ton ferme, Macky Sall prévenait sans équivoque ses
collaborateurs et les membres de sa coalition en ces termes : « À tous

de la République
ceux qui assument une part de responsabilité dans la gestion des deniers
publics, je tiens à préciser que je ne protégerai personne. Je dis bien
personne !  »

Scandale au cœur de la République


« Malheureusement, à l’épreuve des faits, ces engagements ont fondu
comme du beurre au soleil. D’une "gouvernance sobre et vertueuse »
on est passé à une « gouvernance sombre et vicieuse". En attestent les
révélations du rapport 2014-2015 de l’Office national de lutte contre la
Fraude et la Corruption (OFNAC) sur la scandaleuse gestion du Centre
des Œuvres universitaires de Dakar (COUD).
Un carnage financier qui est resté sans suite judiciaire. Et qui
Le dossier du COUD
illustre la tromperie politique de nos dirigeants sur les questions de
bonne gouvernance. »
Pape Alé Niang

Titulaire d’une maîtrise en sociologie à l’université Cheikh Anta Diop de


Dakar et diplômé de l’Institut supérieur des Sciences de l’Information et de
la Communication (ISSIC), Pape Alé Niang est journaliste. En 2007 il sera
rédacteur en chef de la première chaîne de télévision privée au Sénégal, la
2STV. Membre de la Cellule Norbert Zongo (CENOZO), qui regroupe les
journalistes d’investigation en Afrique de l’Ouest, Pape Alé Niang se fait re-
marquer par son indépendance dans l’exercice de son métier, mais également
par sa témérité à débusquer les méthodes et manœuvres aux antipodes de la
bonne gouvernance.
Photo © Adobestock

ISBN : 979-10-302-0323-3

17 €
2020-1
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Scandale au cœur de la République


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© 2020, Fauves Éditions


9, rue de l’École-Polytechnique – 75005 Paris
www.fauves-editions.fr
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Pape Alé Niang

Scandale au cœur
de la République
Le dossier du COUD
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Préface

Pape Alé Niang m’a fait l’honneur de me demander


de préfacer ce livre. Honneur que j’ai accepté, naturel-
lement, avec un grand plaisir. J’ai suivi, avec intérêt,
sa riche carrière de dix-neuf ans. Ses études universi-
taires sanctionnées par une maîtrise en Sociologie, il
intègre l’École du Groupe Sud communication, l’Insti-
tut supérieur des Sciences de l’Information et de Com-
munication (ISSIC). Nanti du diplôme supérieur en
journalisme en 2000, il est recruté la même année par
le Groupe Sud communication. Rappelons que c’est
le 19 mars de cette année-là qu’intervient, dans notre
pays, la première alternance par les urnes. Son recru-
tement par le Groupe Sud communication était déjà
un signe du rôle majeur qu’il allait jouer par la suite,
notamment en ayant les yeux rivés au quotidien sur
le déroulement de la première comme de la seconde
alternance. Il marquera de ses empreintes indélébiles
— le qualificatif n’est pas trop fort — son passage à la
Radio Sud FM. La revue de presse et l’émission Janoo
bi qu’il animait alors, étaient largement suivies.

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Scandale au cœur de la République

En 2007, Pape, comme je l’appelle affectueusement,


est recruté par la 2 STV, première chaîne de télévision
privée au Sénégal. Il y anime des émissions de haute
facture, notamment « Pile ou Face », « Décryptage »,
« La Grande Interview », « Le grand Reportage », « Ca
me dit Mag ». De grandes émissions très suivies, et qui
ont marqué l’espace audio-visuel sénégalais. Pas seu-
lement d’ailleurs. Elles allaient aussi déranger, et de-
venaient même insupportables dans certains milieux.
Elles étaient, en effet, de grands moments, des oppor-
tunités pour passer en revue et sans réserve la gouver-
nance du pays, qui n’est pas des plus exemplaires. Ici,
Pape Alé assuma totalement et courageusement son
rôle de journaliste, consistant prioritairement à infor-
mer, à sensibiliser et à éclairer les populations. Pape se
fit remarquer en particulier par son attachement in-
défectible à la bonne gouvernance, applicable notam-
ment dans la gestion des finances publiques, confor-
mément aux dispositions de la Directive de l’UÉMOA
(n° 1/2009/CM/UÉMOA) portant Code de Transpa-
rence dans la gestion des finances publiques, transposée
dans le droit interne sénégalais par la Loi n° 2012-22 du
27 décembre 2012. À cause de cette posture qui déran-
geait de plus en plus, il quitta la 2 STV pour garder son
indépendance et sa liberté de ton. Dans cette perspec-
tive, il mit en place le site d’information Dakarmatin.
com et créa un espace, un rendez-vous régulier avec
le peuple sénégalais. Ce rendez-vous très couru, c’est
sa chronique du mercredi. À l’occasion, Pape dénonce
vigoureusement le pillage organisé de nos maigres res-

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Le dossier du COUD

sources et flétrit les comportements de nos dirigeants,


aux antipodes des valeurs cardinales qui faisaient jadis
la fierté de notre pays.

Pape Alé ne se contente pas seulement d’animer des


émissions. Il est aussi porté vers l’investigation et c’est
très heureux puisque, dans ce domaine-là, nous ne
sommes vraiment pas gâtés. Dans notre pays, les scan-
dales succèdent aux scandales et Pape Alé les traque,
surtout quand il s’agit de gestion de nos maigres de-
niers publics. C’est ainsi que celle du l’ex-Directeur
du COUD, Cheikh Oumar Hann, a particulièrement
retenu son attention. Cette gestion, l’un des plus gros
scandales de la gouvernance « vertueuse et sobre » du
président-politicien, a déjà fait l’objet d’un dossier par-
mi 18 autres déposés auprès du Procureur de la Répu-
blique par l’OFNAC. Un silence lourd entoure tous
ces dossiers, et de nombreux autres. En bon journa-
liste d’investigation, Pape a voulu en savoir bien plus.
Les résultats de ses recherches ont été consignés dans
ce livre, qui vient vraiment à son heure. Il nous édifie
sur le pillage systématique de nos maigres ressources
organisé par M. Hann et son entourage d’alors. Je ne
rentrerai pas dans les détails. J’en laisse le soin aux lec-
teurs qui se feront une idée exacte de la gestion cala-
miteuse de ce M. Hann. Je signalerai seulement, à titre
de hors-d’œuvre, qu’il s’est permis de recruter, en un
seul acte, 400 jeunes d’une même localité. J’ajouterai
que la caisse de la Mairie de Dakar (30 millions/mois)
pour laquelle Khalifa Ababacar Sall a croupi en prison

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pendant 900 jours, est une naine par rapport à celle


dont a eu à bénéficier M. Hann. Il recevait en effet,
dans le cadre de cette caisse, 150 millions par 10 jours.
Soit 450 millions/mois pour l’achat de légume. Le res-
ponsable APR, devenu contre toute attente ministre
de la République, a eu à dépasser toutes les bornes,
en achetant un kilogramme de haricot à 4500 francs
CFA. Oui, un kilogramme de haricot à 4500 francs.

Le livre de Pape Alé est truffé d’exemples de cette


sorte. Les lecteurs en auront le cœur net, quand ils fi-
niront de le lire. Ils s’indigneront sûrement, au fur et
à mesure de la lecture, que cette gestion scandaleuse
soit restée jusqu’ici impunie, à l’image de nombreuses
autres, dont les auteurs sont légion dans l’espace prési-
dentiel. Pour ce qui me concerne, je félicite vivement
Pape Alé et forme le vœu ardent que d’autres journa-
listes, s’inspirant de son exemple, émergent de l’espace
médiatique.

Mody Niang,
Inspecteur de l’Enseignement
élémentaire à la retraite.
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« Et, s’il existe, en un endroit ignoré, un honnête


homme capable de te gouverner et de t’aimer, ne le
regrette pas. Il serait trop jaloux de sa dignité pour se
mêler à la lutte fangeuse des partis, trop fier pour tenir
de toi un mandat que tu n’accordes jamais qu’à l’au-
dace cynique, à l’insulté et au mensonge. Je te l’ai dit,
bon homme, rentre chez toi et fais la grève. »

La grève des électeurs — Octave MIRBEAU — 1888

« Détrônez tout imam dont vous voyez la fortune


s’accroitre et confisquez l’ensemble de ses biens ; com-
battez-le et expulsez-le s’il s’entête et veillez bien à ce
que l’imamat ne soit transformé en une royauté héré-
ditaire où seuls les fils succèdent au père. »

Thierno Souleymane BAAL, fondateur de l’état théo-


cratique — Fouta Toro — 18e siècle


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Introduction

« Les deux sont répréhensibles.


Mais du corrupteur et du corrompu,
lequel des deux est le plus coupable ?
Le corrupteur qui est en position de force ?
Ou le corrompu qui cède à la tentation ? »
Nadia Van Hamme — Politologue belge

En matière d’arsenal de prévention et de répression


contre la corruption, la concussion, la prévarication de
nos ressources, l’enrichissement illicite, le Sénégal n’a
rien à envier à aucun autre pays au monde.

Il compte en effet, un nombre conséquent d’organes


de contrôle comme l’Inspection générale d’Etat (IGE),
la Cour des Comptes, la Cour de Répression de l’Enri-
chissement illicite (CREI), la Cellule nationale de trai-
tement des Informations financières (CENTIF), l’Au-
torité de Régulation des Marchés publics (ARMP), la

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Direction centrale des Marchés publics (DCMP) et le


dernier né l’Office national de lutte contre la Fraude
et la Corruption (OFNAC) dotés de pouvoirs qui de-
vraient leur permettre, faute d’éradiquer la mal gouver-
nance — ce qui est une gageure — au moins de la faire
reculer notablement.

Malheureusement tel n’est loin d’être le cas. Bien au


contraire ! Les Sénégalais s’interrogent même sur l’uti-
lité de cette pléthore d’institutions de contrôle et se
demandent à quoi elles servent finalement.

Prônant une gouvernance « Sobre et vertueuse », le


Président Macky Sall était très attendu sur ce terrain,
la reddition des comptes étant de tous les temps, mais
plus particulièrement à l’occasion de la campagne
électorale de 2012, une exigence citoyenne. Rupture
profondément souhaitée par le peuple dans la ges-
tion des deniers publics, dans le prolongement des
conclusions des Assises nationales auxquelles tous les
candidats de l’opposition à l’élection présidentielle
de 2012 avaient souscrit, y compris le candidat Sall,
même si c’était sans trop d’enthousiasme. La trou-
vaille du Président nouvellement élu en 2012 a été
l’Office national de lutte contre la Fraude et la Cor-
ruption (OFNAC).

Sa création avait suscité beaucoup d’espoirs. Mais une


interrogation légitime subsistait toujours. L’OFNAC
allait-il pouvoir contourner, pour être efficace et effi-

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cient dans l’exercice de sa mission, les contraintes et


obstacles érigés en permanence par le pouvoir poli-
tique sur le chemin des organes de contrôle ?

Si aujourd’hui, on doute de l’efficacité des organes


de contrôle, la responsabilité majeure incombe aux
politiques. Et, principalement, au président de la Ré-
publique. Chef d’Etat, chef de parti, ses partisans sont
servis à satiété dans la gestion des affaires publiques.
Et, leurs premiers reflexes consistent généralement à
user et à abuser des deniers publics pour entretenir
une clientèle politique afin de mieux asseoir leur pou-
voir. Conséquence, épinglés en permanence par des
rapports des corps de contrôle pour des fautes de ges-
tion, ils sont sauvés par le tout puissant chef d’Etat,
chef de parti. Normal diront certains : c’est le pré-
sident de la République, qui, sous nos cieux, décide
de tout : de la cible de la justice (qui doit être pour-
suivi ou non) même si, pour se dédouaner, il s’abrite
sans état d’âme derrière la sacro-sainte indépendance
de la justice.

Malheureusement, le nouveau-né qu’est l’OFNAC


n’a pas, échappé au même sort qui était réservé aux
autres organes de contrôle. Le dossier établi contre
le DG du Centre des Œuvres universitaires de Da-
kar (COUD) dort dans les tiroirs de Dame justice.
Les autorités épinglées pour faute lourde, proches du
Président, bénéficient de promotions en lieu et place
de sanctions. Une manière de narguer sans vergogne

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ceux qui ont cru en la fin de l’impunité dans notre


pays, le Sénégal, par le seul fait qu’un nouveau pouvoir
aux signes prometteurs s’était installé et pour lequel ils
avaient voté.


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Avant-propos

« Le temps de l’impunité est révolu… »


Macky Sall

« Si l’injustice et la corruption ne


gangrénaient les sociétés africaines,
l’Afrique serait le continent le plus puissant. »

Jean-Baptiste Gbamon Zebelanou


Etudiant Guinée-Conakry
Elu, le 25 mars 2012 quatrième président de la
République du Sénégal, Macky Sall s’est voulu
l’apôtre de la bonne gouvernance. Déjà, lors d’une
campagne palpitante, son discours a sans cesse été
rythmé par des slogans du genre « La patrie avant
le parti », « une gouvernance sobre et vertueuse ». A
l’occasion de son premier discours à la Nation, le 03
Avril 2012, il déclara solennellement : « S’agissant
de la gouvernance économique, je serai toujours

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guidé par le souci de transparence et de responsabi-


lité dans la gestion vertueuse des affaires publiques.
Je mets à ma charge l’obligation de dresser les comptes
de la Nation et d’éclairer l’opinion sur l’état des lieux.
Je compte restituer aux organes de vérification et de
contrôle de l’Etat la plénitude de leurs attributions. »
Très inspiré, il poursuivit « L’assainissement de l’envi-
ronnement des affaires et la lutte contre la corruption
et la concussion me tiennent particulièrement à cœur. »

D’un ton ferme, Macky Sall prévenait sans équi-


voque ses collaborateurs et les membres de sa coalition
en ces termes : « A tous ceux qui assument une part
de responsabilité dans la gestion des deniers publics,
je tiens à préciser que je ne protégerai personne. Je dis
bien, personne ! » Il engageait ensuite « fermement le
gouvernement à ne point déroger à cette règle. » Un
discours qui avait suscité à l’époque bien des espoirs.

Ne s’arrêtant pas en si bon chemin dans sa croisade


contre la mal gouvernance, le Président, dans une interview
accordée au magazine hebdomadaire « Jeune Afrique »,
persiste et signe. « La rupture n’est pas un slogan. C’est un
comportement, celui que les dirigeants de ce pays doivent
adopter. Humilité, sobriété et rigueur doivent régir notre
action politique. Je vous assure qu’il s’agit bien là d’une
rupture, profonde avec les pratiques en vigueur sous mon
prédécesseur. » répond-il au journaliste, avant d’asséner
avec vigueur « Avec moi, tout va changer… Les Sénégalais
ont réclamé une gouvernance plus vertueuse, plus sobre,

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plus transparente. Nous avons l’obligation de rendre des


comptes… Personne n’est au-dessus des lois. Le temps de
l’impunité est révolu. » 1

Alliant donc la parole à l’acte, pour prouver ses


bonnes intentions, le lundi 21 mai 2012, le Président
Macky Sall annonça la mise sur pied d’un Office na-
tional anti-corruption (OFNAC), qui a pour mission
de prévenir et de lutter contre la corruption et les in-
fractions assimilées dans le but de renforcer le dispo-
sitif stratégique de la gouvernance publique. Au cours
d’une rencontre avec les inspecteurs généraux d’Etat et
les membres du gouvernement, le chef de l’Etat déclare
de manière solennelle : « l’OFNAC qui va être bientôt
créé sera une autorité indépendante dont la mission
consistera à la prévention et la lutte contre la corrup-
tion et les infractions connexes. L’OFNAC sera chargé
de promouvoir l’intégrité et la probité dans la gouver-
nance publique. Cette structure sera dotée d’impor-
tants pouvoirs notamment celui d’auto-saisine pour
toute enquête ou investigation qu’il jugera utile… »2.
Avec la même verve, le Président Macky Sall ajoute :
« D’ailleurs l’OFNAC va aussi publier ses rapports. »

1. 24 juin 2012 — Sénégal – Macky Sall : « Avec moi, tout va changer »...


chef de l’État se dévoile dans sa première grande interview accordée à Jeune
Afrique. 175 484
2. 21 mai 2012 — Le chef de l’Etat, Macky Sall, rencontre les inspecteurs
généraux d’Etat et les membres du gouvernement et annonce la mise sur
pied d’un Office national anti-corruption (OFNAC).

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Scandale au cœur de la République

Dans la même foulée, le président de la République


annonce la création d’une structure pour traquer les
biens mal acquis partout où besoin sera. « Nous allons
créer bientôt une commission nationale de restitution
des biens et de recouvrement des avoirs mal acquis qui
va rechercher partout où besoin sera » martela-t-il. En
réalité, il n’avait fait qu’exhumer la Cour de Répression
de l’Enrichissement illicite (C R E I), mise en veilleuse
par l’ancien Président Abdou Diouf depuis 1989. Qu’à
cela ne tienne, le Président Macky Sall se présentait
volontier comme le chantre de la bonne gouvernance,
qu’il voulait symboliser aux yeux des Sénégalais.

C’est le 19 décembre 2012 que l’Assemblée natio-


nale va jouer sa partition dans cette croisade contre
la mal gouvernance en votant le projet de loi portant
création de l’Office national de lutte contre la fraude et
la corruption (OFNAC). Un texte d’une importance
capitale, un outil pour lutter contre la corruption, les
détournements de l’argent public et les fraudes. Macky
Sall, président de la République, venait ainsi d’hono-
rer une de ses promesses de campagne, du moins en
apparence.

Feu Mouhamadou Mbodj, coordonnateur du Fo-


rum civil, une ONG spécialisée dans la lutte contre la
corruption au Sénégal, n’a pas manqué d’exprimer à
l’époque sur les ondes de Radio France Internationale
(RFI) sa satisfaction après la création de l’OFNAC.
« C’est une réforme audacieuse du chef de l’Etat.

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Le dossier du COUD

Une véritable révolution » déclarait-il. Et de préciser


«…Contrairement à son prédécesseur, la Commission
nationale de lutte contre la non-transparence, ce nou-
vel organe ne fera pas que donner des avis ou publier
des rapports destinés à rester dans les tiroirs, mais il
dispose désormais du pouvoir d’auto-saisine et d’inves-
tigation. Il peut également saisir la justice. » Une avan-
cée incontestable. Macky Sall avait de quoi pavoiser.
En tout cas jusqu’à preuve du contraire.
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1. L’OFNAC, la trouvaille
de Macky SALL

« La loyauté n’est qu’une chimère dans les pays où la


corruption fait rage. »
Mofaddel Abderrahim
Maroc
« J’ai créé l’OFNAC, autorité administrative indé-
pendante dotée d’importants pouvoirs d’investiga-
tions, d’auto-saisine et de saisie directe de la justice en
vue de renforcer le cadre institutionnel de lutte contre
la fraude et la corruption » clamait partout le Président
Macky Sall. Sur un ton menaçant il ajoutait, lors de
l’université hivernale de l’APR en décembre 2012, en
direction de ses camarades : « L’OFNAC, c’est pour
nous. » Une manière de dire « La CREI va s’occuper
des 25 dignitaires du régime de WADE révélés par le
procureur spécial Alioune NDAO. »

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Scandale au cœur de la République

Règlement de compte politique  ? Saupoudrage 


?
Discours de circonstance pour coller à la demande so-
ciale qui exigeait avec empressement une reddition des
comptes ? Macky Sall y croyait-il véritablement ? La
suite des événements laisse dubitatif !

Créé par la loi 2012-20 du 28 décembre 2012,


l’OFNAC dispose en réalité des garanties nécessaires
pour mener en toute indépendance sa mission de
contrôle comme d’ailleurs, du moins sur papier, la plu-
part des autres organes de contrôle de l’Etat du Séné-
gal. Dans les lois, comme par les textes qui régissent le
fonctionnement de l’OFNAC, l’organe pouvait jouer
correctement et avec efficience sa mission de préven-
tion et de lutte contre la fraude, la corruption, les pra-
tiques assimilées et les infractions connexes.

Il avait aussi pour compétence, une première d’ail-


leurs, de recevoir les déclarations de patrimoine des
personnes assujetties, conformément aux dispositions
de la loi n° 2014-17 du 02 avril 2014 relative à la dé-
claration de patrimoine. L’OFNAC est un organe qui
a rang de statut d’autorité administrative indépendante
dotée de l’autonomie financière. Les enquêteurs ont la
prérogative de diligenter des enquêtes et vérifications
sur la base des réclamations, plaintes et dénonciations
des citoyens relatives à des faits présumés de corrup-
tion, de fraude et de pratiques assimilées commis par
toute personne exerçant une fonction publique ou pri-
vée. Si après enquêtes et vérifications sériées, les faits

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Le dossier du COUD

présumés sont avérés, l’OFNAC peut établir un dossier


contre les délinquants présumés et le déposer directe-
ment entre les mains du Procureur de la République.

S’y ajoute que, pour assurer une plus grande liberté


et indépendance, l’ensemble des membres de l’Assem-
blée générale de l’OFNAC bénéficient, dans l’exercice
de leurs missions, de garanties bien encadrées par la
loi 2012-30 du 28 décembre 2012. Parmi ces garan-
ties, on note l’inviolabilité de leur mandat auquel il ne
peut être mis fin avant terme, qu’en cas de démission,
de décès, ou de faute lourde constatée par l’assemblée
des membres ainsi que la protection pénale dans l’exer-
cice de leurs missions vis-à-vis de la tutelle. En un mot,
l’OFNAC est une structure capable d’abattre de ma-
nière efficace et efficiente un travail remarquable dans
la lutte contre la corruption.

Pour diriger l’OFNAC, le Président Macky Sall avait


jeté son dévolu sur Mme Nafy Ngom Keïta. La dame
n’était pas en terrain inconnu. Première femme à accé-
der par voie de concours à ce corps d’élite l’Inspection
générale d’Etat (IGE), première Vérificatrice générale
d’Etat et première Présidente de l’OFNAC, elle est pré-
sentée comme une femme de challenge et de défi, mais
également d’influence.

En réalité, les projecteurs ont été braqués sur


Mme Nafy Ngom Keïta en 2005. Chef de mission de
l’Inspection générale d’Etat, elle avait piloté ce que l’on

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Scandale au cœur de la République

a appelé « l’affaire des Chantiers de Thiès ». Un dossier


politico-judiciaire qui avait abouti à l’emprisonnement
de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck. Un dossier qui
avait tenu en haleine tout un peuple avec des secrets ja-
mais révélés. Et pour la première fois, mise sous pression
avec des menaces de mort, Mme Nafy Ngom Keïta était
sortie de son devoir de réserve exigé de tout membre de
l’I G E. Dans une longue interview accordée au quoti-
dien « Walfadjri », elle ne ménage pas Abdoulaye Diop,
à l’époque tout puissant Ministre de l’Economie et des
Finances : « On parle de décision de versement pour jus-
tifier les transferts de fonds à Thiès. Qu’est-ce que cela
veut dire ? Une décision, c’est par essence un acte in-
terne de gestion. C’est lui le Ministre des Finances qui a
l’argent. Le problème, est qu’il y a quelqu’un qui a don-
né des instructions, un autre qui a été Premier ministre
qui a une responsabilité et je n’entre pas dans les détails
de comment il est responsable et ce qu’il a fait. Mais,
apparemment, on veut sauver Abdoulaye Diop. Je ne
me préoccupe pas des raisons mais qu’il me laisse tran-
quille, je ne lui ai rien fait »3 avait-elle confié aux journa-
listes. Une déclaration qui avait fait l’effet d’une bombe,
car elle insinuait une approche sélective dans les mis en
cause dans le fameux dossier des « Chantiers de Thiès ».

Après ce feuilleton politico-judiciaire, Mme Nafy


Ngom Keïta sera nommée vérificatrice générale d’Etat
(VGE) par le Président Abdoulaye Wade.

3. Interview dans le quotidien walfadjri le 22 septembre 2005

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Le dossier du COUD

Le Président Macky Sall connaît bien Mme Nafy


Ngom Keïta pour avoir joué sa partition dans le dos-
sier des « Chantiers de Thiès ». A l’époque Premier
ministre, il s’était chargé, une fois le rapport des chan-
tiers de Thiès déclassifié, de le rendre public au cours
d’une rencontre avec les diplomates accrédités au Sé-
négal, pour mieux enfoncer Idrissa Seck et se faire une
place au soleil. Une première dans l’histoire politique
du Sénégal ! Et un fait d’armes dont on ne peut pas se
glorifier !

A la tête de la Vérification générale, le mandat de 7


ans non renouvelable de Mme Nafy Ngom Keita avait
expiré le 7 Juillet 2013. L’OFNAC existait depuis plus
d’un an et n’avait pas de président. Le Président Macky
Sall avait même proposé le poste à Me Mame Adama
Gueye, premier Coordonnateur de l’ONG Forum
civil. Mais ce dernier avait décliné l’offre. Le chef de
l’Etat finira par porter son choix sur Mme Nafy Ngom
Keita pour présider aux destinées de l’office. Elle est
nommée par le décret n° 2013-1045 du 25 juillet 2013
présidente de l’OFNAC. L’inspecteur général d’Etat de
classe exceptionnelle conduira les destinées de l’office
pour une durée de trois ans, renouvelable une fois. Un
défi ardu mais pas pour celle qui a initié des réformes
majeures dans le corps d’élite de l’administration sé-
négalaise, l’Inspection générale d’Etat. Des réformes
qui ont abouti à la création d’un poste de vérificateur
général et d’un adjoint, à l’institution d’un mandat de
7 ans non renouvelable pour le vérificateur général, la

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Scandale au cœur de la République

publication d’un rapport annuel sur l’état de la gou-


vernance publique et de la reddition des comptes au
Sénégal. Elle a également permis l’extension des do-
maines de compétences de l’Inspection générale d’Etat
à l’évaluation des politiques publiques, à la vérification
de l’optimisation des ressources et à l’audit supérieur.
Mme Nafy Ngom Keita a été également la présidente
du Forum des Inspections générales d’Etat d’Afrique
(FIGE), avec comme mission de contribuer à « la pré-
vention et la lutte contre la fraude, la corruption, les
pratiques assimilées et les infractions connexes, en vue
de promouvoir l’intégrité et la probité dans la gestion
des affaires publiques. »

Bref Mme Ngom Keita n’était pas en terrain incon-


nu. Elle aura l’insigne honneur d’être la première pré-
sidente de l’OFNAC. Mais ce n’était pas du pain béni
et n’attendra pas longtemps pour s’en rendre compte.
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2. Les déboires de l’OFNAC

« Quiconque est capable de mentir est indigne


d’être compté au nombre des hommes, et quiconque ne
sait pas se taire est indigne de gouverner »

Les aventures de Télémaque,
fils d’Ulysse (édition 1841)
Fénelon

Que vaut réellement la parole du Président Macky


Sall ? Car, entre sa parole et l’acte concret, il existe sou-
vent un fossé énorme. D’ailleurs ces détracteurs pensent
que sa parole est « instable ». Rappelons que l’OFNAC
a été créé par la Loi 2012-30 du 28 décembre 2012,
ce n’est que 6 mois plus tard, le 25 juillet 2013, que
le Président Macky Sall se décidera enfin à trouver à
l’organe une présidente, en la personne de Mme Nafy
Ngom Keita. L’OFNAC a été élevé au rang d’autori-
té administrative indépendante, dotée de l’autonomie
financière. Mais, à l’instar d’ailleurs de bon nombre

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Scandale au cœur de la République

d’organes de contrôle, l’OFNAC démarrera difficile-


ment ses activités à cause de la lenteur de la mise en
place de son budget. Plus généralement les autorités
ont tardé à doter la structure des moyens matériels, fi-
nanciers et des ressources humaines nécessaires à son
fonctionnement. A quelles fins ? Etait-ce un stratagème
savamment planifié pour empêcher l’OFNAC d’aller à
l’assaut de la corruption qui avait gangréné l’adminis-
tration sénégalaise ?

En tout cas, cette situation avait fini par irriter le


coordonnateur du Forum civil, Mouhamadou Mbodj
qui se demandait finalement « ..Si l’OFNAC, en réalité
n’est rien d’autre qu’un organe de contrôle de plus à la
solde de l’Etat. » Devant ce spectacle désolant la pré-
sidente Mme Nafy Ngom Keïta avait fini par prendre
son courage à deux mains.

Au cours d’un séminaire, interpellée par les jour-


nalistes sur la question elle déclara « Je suis très gênée
pour parler de budget. Mais sachez que pour le mo-
ment, nous n’avons pas les moyens de fonctionner.
Mais le Président qui a créé l’OFNAC et qui m’a fait
l’honneur de me porter à la tête de cette organisation
mettra en place les moyens qu’il faut pour son fonc-
tionnement. »4 Un langage politiquement correct. En
réalité la dame en avait marre de ne pas se mettre im-
médiatement au travail, à la hauteur de sa compétence
4. 26 novembre 2013 séminaire organisé par le Forum Civil sur « la corrup-
tion et la bonne gouvernance »

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Le dossier du COUD

et des pouvoirs de l’OFNAC. Mais cette sortie dans la


presse avait scandalisé le Président Macky Sall qui dé-
cida d’appliquer la loi du talion et profitant d’une ren-
contre au King Fahd, il solda ses comptes en déclarant
fermement « Je n’accepterai jamais que des problèmes
devant se régler au niveau interne soient exposés sur
la place publique »5. En fait cette réplique du chef de
l’Etat n’était qu’une mise en scène. Car, sur sa table, se
trouvaient deux mémorandums rédigés par Mme Nafy
Ngom Keïta, qui lui expliquait dans les détails les dif-
ficultés de fonctionnement de l’OFNAC et qu’il avait
fini de lire. Bref, cette forte médiatisation des travers de
l’OFNAC a eu le mérite quand même d’avoir décanté
la situation. Car, les autres membres furent nommés
pour compléter l’Assemblée générale. Le Ministère de
l’Economie et des Finances mettra dans un premier
temps 100 millions de Francs CFA à la disposition de
l’OFNAC avant de compléter à partir du 1er janvier
2014 les 400 millions restants. Soit un budget total de
500 millions de Francs CFA. L’OFNAC pouvait ainsi
démarrer ses activités deux ans après sa création.

5. Réaction de Macky Sall le 16 décembre lors 2013 d’une rencontre au


King Fahd
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3.L’OFNAC, une naissance


aux forceps

« Trop gouverner est le plus grand danger


de nos gouvernants. » Collections — Mirabeau

L’équipe de Mme Nafy Ngom Keïta était compo-


sée de M. Ibrahima Faye, nommé par décret n° 2013-
1365 du 17 octobre 2013 vice-président de l’OFNAC.
Diplômé en psychologie, en droit, en philosophie et
en gestion publique, il a été le chef de la division des
enquêtes et investigations de l’Inspection générale
d’Etat du Sénégal. Il fut également conseiller au Centre
d’Orientation de Thiès de 1994 à 2000.

Les autres membres ont été nommés par le décret


n° 2013-1644 du 31 décembre 2013. Il s’agissait d’Ibou
Yogou Ndiaye, chef du département déclaration de pa-
trimoine de l’OFNAC. Il avait la lourde tâche de rece-

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Scandale au cœur de la République

voir les documents des assujettis et de leur vérification.


Une obligation de déclaration de patrimoine qui fera
grincer des dents. Mais, diplomate de carrière, ancien
ambassadeur du Sénégal au Maroc de 2000 à 2010
et ancien Secrétaire général du Ministère des Affaires
étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur de 2010 à
2012, il lui revenait d’user de tact pour relever le défi.

Le président du Comité de rapport public


(COMRAP) était Amadou Niang. Diplômé de l’Ecole
nationale d’administration et de la magistrature
(ENAM), il a exercé les fonctions de chef de service
régional du commerce puis chef de division de 1985
à 2000. Directeur du commerce intérieur de 2000 à
2009, il fut nommé Ministre du Commerce de 2009 à
2012. Au lendemain de la défaite de Wade en 2012, il
a mis en veilleuse ses activités politiques.

La nomination qui a soulevé des vagues est celle


du Pr El Hadj Niang, membre de « Macky 2012 »,
la coalition qui a soutenu le candidat Macky Sall au
premier tour de la présidentielle 2012. Pour le Forum
civil, cette nomination était de nature à provoquer des
suspicions allant même jusqu’à dénaturer les missions
de l’OFNAC. Titulaire de la chaire de radiologie et
d’imagerie médicale, le Pr El Hadj Niang sera toutefois
maintenu dans l’équipe.

Autre controverse, la nomination de l’ancien inspec-


teur général de la Police nationale, Codé Mbengue.

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Le dossier du COUD

A l’époque il avait été éclaboussé dans une affaire de


drogue qui avait secoué la police. Finalement il sera
blanchi.

La présidence du Comité d’éthique et de déonto-


logie (COMED) et du Comité finance et de budget
(COMFIB) revenait à Aissata Niang Ndiaye. Inspec-
teur principal du Trésor, elle a été Ministre déléguée
auprès du Ministre de l’Economie et des Finances
chargé du budget en 1998 dans le gouvernement du
Premier ministre Mamadou Lamine Loum.

Amadou Diouf, plus connu sous le nom de Ama


Codou Diouf est l’homme aux multiples casquettes.
Expert en suivi, évolution et gestion de programme de
développent communautaire, il est membre du Conseil
économique, social et environnemental (CESE) et du
Conseil de régulation de l’Autorité de régulation des
marchés publics (ARMP) du Sénégal. Amadou Diouf
va hériter de la présidence du Comité de planification
et de reddition des Comptes (COMPREC).

Aissata Sow Fall va présider le Comité de veille et


d’alerte dans le secteur de la justice (COVAJ) au sein
de l’OFNAC. Elle est issue de la magistrature et était
juge d’instruction au tribunal de la première instance
de Thiès de 1978 à 1984.

Jouissant d’une bonne réputation auprès de ses pairs,


avocat de profession, Me Abdou Kane, qui était déjà

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Scandale au cœur de la République

coopté dans le collectif des avocats de l’Etat chargés du


recouvrement des biens mal acquis, sera le président du
Comité de recouvrements des avoirs dérobés (CORA).

Ingénieur diplômé de l’Ecole polytechnique fémi-


nine de Sceaux ainsi que de l’Ecole supérieure aéro-
nautique de l’Université d’ORSOY à Paris, Aminata
Diallo, qui a accumulé 37 ans d’expérience, va présider
le Comité de formation et de renforcement des capaci-
tés (COMFOR).

Le colonel Mactar Sow sera la cheville ouvrière de


l’OFNAC. Doté d’une riche expérience en matière
d’enquête et d’investigations pour avoir dirigé la Sec-
tion de recherches à compétence nationale de la gen-
darmerie de 2001 à 2005 et la gendarmerie territoriale
de 2009 à 2012, il sera le chef du département En-
quêtes et Investigations de l’OFNAC.

La prestation de serment de ces 12 membres de


l’OFNAC va se tenir à la cour d’appel de Dakar le 26
mars 2014. Ils vont être officiellement installés lors
d’une cérémonie tenue au Palais de la République pré-
sidée par le chef de l’Etat le 27 mars 2014.

Désormais, il revenait à cette équipe sous la houlette


de Mme Nafy Ngom Keïta de combattre la corrup-
tion. Ce fléau que le Président Macky Sall qualifiait
« de phénomène insidieux et pernicieux qui freine
notre marche vers le progrès. Il ajoutait : « la corrup-

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Le dossier du COUD

tion porte atteinte à la morale, à la bonne conduite


des affaires publiques et à l’Etat de droit ». Y croyait-il
vraiment ?


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Deuxième partie
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1. Rapport d’activités 2014 — 2015


de l’OFNAC : Le coup de tonnerre

« Mieux vaut le sacrifice d’un seul que la corruption


d’une quantité de gens. »

Le meilleur des mondes — Aldous Huxley

C’est le 24 mai 2016, soit deux ans après sa création,


que l’OFNAC va rendre public son premier rapport
d’activités 2014-2015. Devant la presse, la tonalité
des propos de la présidente Mme Nafy Ngom Keïta
était dure. Elle faisait un sévère réquisitoire contre ce
qu’elle appelait une hydre qui se meut dans toutes
les sociétés humaines ». Elle ajoutait « la corruption
gangrène la société sénégalaise et aucun secteur n’est
épargné. »6

6. Présentation du Rapport d’activités 2014-2015 de l’OFNAC le 24 Mai


2016

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Scandale au cœur de la République

Epluchant le rapport de l’OFNAC, la Présidente ré-


véla que deux personnalités proches du président de la
République étaient épinglées. Il s’agit de Cheikh Ou-
mar Hann, responsable de l’APR à Ndioum et Direc-
teur général du COUD et Siré Dia, Directeur général
de la Poste et responsable de l’APR à Thiès. Des révéla-
tions qui auront l’effet d’une bombe et feront les choux
gras de la presse, tant les accusations étaient graves.
Pour ce qui concerne le directeur du COUD, il était
accusé par le rapport d’avoir, entre autres, procédé au
fractionnement des commandes dans les marchés, oc-
troyé des subventions irrégulières mais aussi, de détour-
nement de deniers publics et de faux et usage de faux.
S’agissant de la gestion du directeur général du groupe
de la société nationale la Poste, Pape Siré Dia, le rap-
port de l’OFNAC révéla des pratiques de faux et usage
de faux sur les marchés, d’acquisition de fournitures de
bureau portant sur d’importantes sommes encaissées
sur la base de faux bons de commande confectionnés
pour faire croire que des matières ont été distribuées à
des agences et services de Poste Finance.

C’est un véritable coup de tonnerre dans le ciel bleu


de Macky Sall, le « chantre » déclaré de la bonne gou-
vernance !
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2. Le Centre des œuvres universitaires


de Dakar (COUD)

« En trayant sans cesse la vache à lait,


On tue la poule aux œufs d’or. »

Henri Jeanson
Artiste, écrivain, journaliste — 1900-1970

Etablissement public à caractère administratif doté


de la personnalité morale et de l’autonomie financière,
le Centre des œuvres universitaires de Dakar, COUD,
a été créé par la loi n° 66-23 du 1er Février 1966. Elle a
été modifiée par le décret n° 75-890 du 23 juillet 1975
fixant les règles d’organisation et de fonctionnement
du Centre des œuvres universitaires de Dakar.

Les missions du COUD sont clairement définies :

1. assurer la gestion des crédits affectés aux œuvres


de solidarité universitaires, des bourses et in-

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Scandale au cœur de la République

demnités alloués aux étudiants, des allocations


diverses, des charges directes et connexes ;
2. organiser l’accueil des étudiants et leurs activités
culturelles et sportives ;
3. seconder les initiatives et l’action des organismes
qui visent un but analogue ou complémentaire ;
4. effectuer ou faire effectuer toutes études sur les
besoins des étudiants ;

Trois organes administratifs constituent le COUD :

1. le conseil d’administration, présidé par le Rec-


teur de l’Université Cheikh Anta Diop de Da-
kar qui se réunit au moins trois fois par an ;
2. le comité de direction. Ce dernier se réunit au
moins 3 fois l’année et rend compte au conseil
d’administration qui peut lui déléguer une par-
tie de ces attributions sauf celle relative aux as-
pects financiers et au règlement intérieur.

Le conseil d’administration délibère sur :


- le rapport sur la situation morale et matérielle de
l’établissement et le programme annuel d’action,
- le projet de budget,
- le rapport annuel de gestion et les comptes de fin
d’exercice,
- les reports de virement et de prêts entre comptes
principaux,
- les conventions avec l’Etat ou les établissements
publics,

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Le dossier du COUD

- les conventions, engagements ou transactions avec


les entreprises privées, d’un montant supérieur au
minimum fixé par les dispositions réglementaires,
les marchés administratifs,
- les emprunts ou placements de fonds,
- l’acceptation et la répartition des dons, legs sub-
ventions et aides diverses,
- l’achat, de biens mobiliers et la construction d’im-
meubles,
- l’octroi d’indemnités de fonction aux agents de di-
rection et de primes de rendement au personnel,
- les déplacements d’agents ou l’organisation de
stages à l’étranger,
- l’organigramme et le règlement intérieur du
COUD.

3. Le directeur du COUD est nommé par décret sur


proposition du ministre chargé de l’Enseignement
supérieur. Il est mis fin à ses fonctions dans les
mêmes conditions. Il exerce tous les pouvoirs d’ad-
ministration et de gestion à l’exception de ceux dé-
volus au conseil d’administration et aux ministres
de tutelle tels qu’ils résultent des articles 13, 20, 30
du décret 57-890 du 23 juillet 1975 fixant les règles
d’organisation et de fonctionnement du COUD.

A ce titre, il exerce les pouvoirs suivants :


- il signe tous les actes, marchés ou conventions en-
gageant le COUD ;
- il représente le COUD vis-à-vis des tiers ;

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Scandale au cœur de la République

- il procède à l’engagement et met fin aux fonctions


des agents du COUD dans les conditions prévues
par les textes ;
- il est l’unique ordonnateur du budget du COUD ;
- il établit et présente au conseil d’administration
dans les trois mois qui suivent la fin de l’exercice bud-
gétaire le rapport annuel de gestion et les comptes de
fin d’exercice ;

La comptabilité du COUD est gérée par l’agent


comptable public qui est nommé par décret.

Il est régisseur unique de la régie financière et de la


régie des recettes dont les relevés et pièces justificatives
doivent être contrôlées par le directeur.

Le contrôleur des opérations financières est l’agent


comptable central. La comptabilité est tenue selon les
normes d’un plan comptable fixé par arrêté du ministre
chargé des Finances.

Précisions que les ressources du COUD sont consti-


tuées de subventions de l’Etat et des collectivités, des
contributions des Etats entretenant des étudiants étran-
gers, des droits, revenus et produits divers et toutes les
autres recettes autorisées par le conseil d’administration.
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3. Le COUD, la vache à lait de tous


les régimes politiques

L’OFNAC n’a pas été le premier organe de contrôle


à avoir épinglé et décrié la gestion du COUD. En vé-
rité le COUD peut être assimilé à la vache à lait de ses
directeurs au service de tous les régimes qui se sont
succédés à la tête de ce pays.

Cheikh Oumar Hann a bel et bien agi dans le res-


pect de la tradition en matière de malversations. Les
Sénégalais se souviennent de l’affaire Sada Ndiaye di-
gnitaire du P.S. Sada Ndiaye, directeur du COUD, a
été emprisonné en 2001, un an après la première al-
ternance au Sénégal. Il a été accusé de détournement
de sommes relatives, entre autres, à l’achat d’une cin-
quantaine de climatiseurs, à l’achat de carburant, aux
retenues sur les salaires des employés du COUD et à la
location du logement du directeur du COUD. Mais,
il finit par obtenir la liberté après plusieurs mois de dé-

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Scandale au cœur de la République

tention. Tout naturellement, il prend la carte du PDS.


En 2005 Wade le nomme Directeur général de la SI-
CAP. Un rapport de l’IGE va lourdement épingler sa
gestion à la SICAP. Par la suite malgré ces casseroles, il
devient député. Il est d’ailleurs à l’origine de la loi sur
la réduction du mandat du président de l’Assemblée
nationale, à l’époque Macky Sall. Une loi taillée sur
mesure pour précipiter le départ de ce dernier du per-
choir de l’Assemblée nationale et du PDS. On se rap-
pellera que le président de l’Assemblée nationale avait
eu l’outrecuidance de convoquer devant l’institution
Karim Wade, fils du président, pour s’expliquer sur la
gestion controversée de l’ANOCI.

Une fois Macky Sall au pouvoir Sada Ndiaye, après


un temps de battement va transhumer à l’APR.

Il y a eu le cas Matabara Diop. Un rapport acca-


blant précipitera son départ du COUD. La Cour des
comptes, dans son rapport 2006-2010, avait aussi
épinglé les gestions de feu Iba Gueye et Sitor Ndour
pour des malversations graves. Le COUD était accu-
sé d’octroyer des subventions illégales ou des primes
indues accordées à des étudiants à des particuliers et
au personnel de l’établissement public. Sans oublier
le double paiement de certaines factures. La Cour des
comptes était arrivée à cette conclusion :

le COUD est « une société qui distribue de


l’argent à flots » en accordant surtout des « sub-

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Le dossier du COUD

ventions illégales » aux amicales, aux délégués


et à des particuliers. La Cour des comptes avait
révélé que les subventions sont payées sans base
juridique et sans aucune pièce justificative à l’ap-
pui.7 Plus tard, Cheikh Oumar Hann sera épin-
glé pour les mêmes forfaits par l’OFNAC.

7. Rapport Cour des Comptes 1999-2000


Rapport Cour des Comptes 2006-2010
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4. Le limogeage de Sitor Ndour et la


nomination d’Abdoulaye Diouf Sarr

Sitôt élu président de la République, le Président


Macky n’a pas mis de temps pour limoger Sitor Ndour
de son poste de directeur du COUD. Le couperet est
tombé lors du Conseil des ministres du 27 avril 2012.
Sitor Ndour était un des bras droits de Macky Sall au
moment de la naissance l’Alliance pour la République,
avant de lui tourner le dos de façon fracassante pour
tomber dans les bras d’Abdoulaye Wade. Ainsi pour
ce coup de Jarnac administré à son ex-ami, il a été gra-
tifié par le Président Wade du poste de directeur du
COUD. Macky va le renvoyer pour nommer à sa place
Abdoulaye Diouf Sarr.

Cadre au sein de l’APR, Abdoulaye Diouf Sarr a ef-


fectué ses études supérieures en France et en Egypte.
Ainsi il a été l’Université Lumière-Lyon II en économie
et en institutions financières et finances d’entreprises

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Scandale au cœur de la République

à l’Université Senghor d’Alexandrie en Egypte. Dans


sa carrière professionnelle il a occupé successivement
les fonctions de directeur des ventes et des achats et de
directeur financier au sein de la Société nationale des
habitations à loyer modéré (S N H L M). Il a adminis-
tré la cellule d’appui aux élus locaux (C A E L) de la
mairie de Dakar.

Abdoulaye Diouf Sarr a aussi occupé le poste de di-


recteur administratif et financier de la Société africaine
de tous travaux d’aménagement et réalisations (S A T
T A R), ainsi que celui de directeur général adjoint de
la Nouvelle Société des mines et des travaux publics
(N S M T P). Il a été tour à tour secrétaire général des
chambres de commerce de Dakar et de Kaolack. Nom-
mé à la direction du Centre des œuvres universitaires
de Dakar, Abdoulaye Diouf Sarr avait pour mission de
redresser les finances de cet établissement public.

La passation de service entre Sitor Ndour et Abdo-


ulaye Diouf Sarr a eu lieu le 15 mai 2012. De manière
glaciale. La cérémonie s’est déroulée dans les locaux de
la direction générale du COUD. Au terme de discus-
sions confidentielles de deux tours d’horloge entre les
deux hommes, Sitor Ndour ne prit pas la parole. En
lieu et place, il remit un document aux journalistes.
On apprenait dans ce document qu’il a eu un bud-
get de fonctionnement de 15 milliards 910 millions
552 mille 070 FCFA et que seuls 6 milliards 847 mil-
lions 036 mille 940 FCFA ont été dépensés. Ainsi, il

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Le dossier du COUD

restait dans les caisses du COUD quelque 9 milliards


062 millions 514 mille 127 FCFA. Dans sa prise de
parole, Abdoulaye Diouf Sarr, très prudent, avait laissé
entendre que « ce rapport de passation est signé sous
réserve de vérification ultérieure, en attendant de voir
les dispositions à prendre avec les différents services
pour régler les problèmes du campus. »

L’atmosphère était très loin d’être cordiale.

Dès sa prise de fonction, la surprise du nouveau


directeur a été grande. En réalité, Abdoulaye Diouf
Sarr avait entre ses mains une vraie « bombe à retar-
dement ». Tous les clignotants étaient au rouge. Et le
budget du COUD allait s’épuiser dès le mois de juin.
M. Sarr avait décelé une politique de recrutement qu’il
avait qualifié « d’incompréhensible ». Son prédécesseur
avait signé de manière industrielle, « un nombre im-
pressionnant de contrats — plus de 200 — engageant
le budget 2012 du COUD et au-delà, ceux de 2013 et
2014 » révéla-t-il. Refusant de s’arrêter en si bon che-
min, Sitor Ndour avait « enrôlé plus de 138 salariés
fantômes », inconnus des services mais avec un salaire
mensuel de 53 000 Francs CFA. Le manque à gagner
était estimé à plus de sept millions de Francs CFA. Le
plus scandaleux dans cette affaire est que le COUD
se trouvait dans un marasme budgétaire au point que
l’agent comptable particulier, à travers une correspon-
dance, avait attiré l’attention de Sitor Ndour, le direc-
teur, en ces termes « De manière claire, le poste budgé-

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Scandale au cœur de la République

taire ne pouvait plus tenir, et que si on continue ainsi


nous ne pourrions dépasser le mois de juin. Le crédit
disponible étant de 236 millions et la moyenne des cré-
dits engagés de 115 millions, la disponibilité du fonds
ne pourrait couvrir que les mois de mai et juin. » Sitor
Ndour n’en avait cure de ces alertes. Selon Abdoulaye
Diouf Sarr « l’ancien directeur avait engagé plus de
200 personnes, sur base de contrats à durée déterminée
d’un, voire de deux ans, en infraction à la convention
collective qui autorise à signer des contrats temporaires
de 3 à 6 mois renouvelables ». Ainsi, il décida de ra-
mener tous les contrats illégaux « de son prédécesseur
à leur durée normale de 3 ou 6 mois ». Toujours dans
ses révélations Abdoulaye Diouf Sarr précisait « après
avoir analysé le dossier relatif au service de sécurité, il y
avait 138 personnes inconnues du service mais qui, à la
fin du mois, venaient percevoir leur salaire ». On parle
d’une manne financière de 7 millions de nos francs
qu’offrait l’ancien directeur à ses militants et sympa-
thisants qui étaient régulièrement payés à ne rien faire.

Abdoulaye Diouf Sarr était plus que décidé à prendre


des mesures hardies pour remédier à la situation. Car,
en réalité le COUD était en proie à de graves diffi-
cultés financières. « Il faut sauvegarder les intérêts de
la maison. Nous avons pris la décision de ramener
les contrats à leur durée normale de trois à six mois »
martelait le tout nouveau directeur du COUD, mais
c’était sans compter avec la détermination de ce per-
sonnel épinglé et concerné par ces mesures. Le COUD

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Le dossier du COUD

a été quasiment paralysé. Le 22 mai 2012 la presque


totalité de ses services tournaient au ralenti. Les tra-
vailleurs ont choisi de croiser les bras. Et c’est à peine si
les restaurants fonctionnaient. Pire, dès que le nouveau
directeur du COUD a fait parvenir aux contractuels
recrutés par Sitor Ndour une notification faisant état
de la résiliation de plus de 100 contrats spéciaux signés
par son prédécesseur, ceux-ci sont passés à la vitesse su-
périeure. Ils ont tout simplement séquestré Abdoulaye
Diouf Sarr dans son bureau en exigeant leur réinté-
gration immédiate. Ces contractuels assimilaient cette
décision à un règlement de compte politique. Des ac-
cusations qui ont été balayées d’un revers de main par
le nouveau directeur du COUD invitant l’Etat du Sé-
négal à prendre ses responsabilités à travers « une véri-
fication approfondie des comptes du COUD ». Mais,
après la journée folle de séquestration suivie d’une
réunion tard dans la soirée avec les chefs de service,
Abdoulaye Diouf Sarr va finir par reconsidérer sa posi-
tion sur les contrats à polémique. Comme d’habitude
la politique politicienne avait fini par prendre le dessus
sur la bonne gouvernance.

Tout de même le passage d’Abdoulaye Diouf Sarr


aux services sociaux de l’Université Cheikh Anta Diop
a été magnifié. Du moins, on n’a pas encore souve-
nance de voix qui se sont élevées pour dénoncer sa
gestion. Avec tact, il a su procéder au nettoiement du
campus social et réorganiser l’occupation de l’espace
pour y mettre un peu d’ordre.

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Scandale au cœur de la République

Très certainement à cause de ses résultats et du fait


d’avoir été pratiquement le seul responsable APR à
avoir résisté au rouleau compresseur de « Taxawu Nda-
kaaru » lors des locales du 22 mai 2014 en rempor-
tant la commune de Yoff, Abdoulaye Diouf Sarr sera
promu Ministre du Tourisme et des Transports aériens.
Le Président Macky Sall portera son choix sur Cheikh
Oumar Hann pour prendre les rênes du COUD. Une
décision prise lors du Conseil des ministres du 31 juil-
let 2014.

Né le 21 février 1961 à Thiès, marié et père de 4 en-


fants, responsable politique à Podor, plus précisément à
Ndioum, l’heureux héritier du COUD est docteur in-
génieur en sciences physiques, option génie des procé-
dés à l’ENSUT de Dakar/Laboratoire des Membranes
Echangeuses d’Ions Université Paris. Cheikh Oumar
Hann a été un assistant-stagiaire à l’ENSUT/UCAD
avant de devenir maître-assistant. Dans son parcours,
il a été conseiller technique au cabinet du Ministre des
Mines, de l’Industrie et de l’Artisanat et directeur géné-
ral de l’Agence sénégalaise pour l’innovation technolo-
gique (Asit). En 2012, il fut nommé ministre-conseil-
ler du Président Abdoulaye Wade. Au plan politique, il
sera élu maire de Ndioum en 2014.
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5. COUD, le règne de l’impunité

« Ceux qui luttent contre la corruption


Devraient être irréprochables eux-mêmes »

Vladimir Poutine

Surtout, n’accordons aucune crédibilité aux allé-


gations et informations tendant à faire croire que le
COUD aurait été ciblé par l’OFNAC. C’est totalement
faux ! Il n’en est rien du tout. Même si par ailleurs, en
tant qu’organe de contrôle, ses prérogatives lui auraient
permis de mener ses investigations librement au niveau
du COUD pour en juger de la bonne gestion ou non.
Bref, c’est par une lettre anonyme en date du 20 avril
2015 que l’OFNAC a été saisi pour des faits suppo-
sés de « Fraude et de corruption très graves suivis de
gaspillage de fonds publics de la part du directeur du
Centre des œuvres universitaires de Dakar ». C’est dans
ce cadre que la présidente de l’OFNAC, Mme Nafy

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Scandale au cœur de la République

Ngom Keita a diligenté une mission en date du 22 mai


2015, suivie d’une réunion d’ouverture avec la direction
du COUD, le 28 juillet 2015. L’équipe de la mission était
composée de Mor Top, Aboubacry Sy, Coumba Sow et
de Pape Ibra Kébé du département audit et vérification
de l’OFNAC. Mme Nafy Ngom Keita a tenu person-
nellement à assister aux auditions des agents du COUD
en compagnie du commissionnaire divisionnaire Mody
Ndiaye. L’objectif, en fait, était de veiller et de faire veil-
ler scrupuleusement au respect des règles d’éthique et
de déontologie de l’auditeur et du vérificateur. La réali-
sation de ces opérations d’audit et de vérification avait
pour objectif de détecter les cas d’illégalité, d’irrégularité
ou de non-conformité commis par les différentes enti-
tés du COUD pouvant impacter directement ou indi-
rectement soit l’organisation et le fonctionnement, soit
les montants figurants dans les états financiers et par ri-
cochet la performance du COUD. La mission a utilisé
une panoplie de techniques d’audit et de vérification :
recherche documentaire, procédures analytiques, obser-
vation physique, confirmations directes ou circulations
auprès des tiers, sondages, extraction de fichiers infor-
matiques et auditions.

L’audit et la vérification du COUD avaient permis


à l’équipe de l’OFNAC de répertorier des dysfonc-
tionnements, des manquements, des irrégularités, des
non-conformités, des faits de fraude, de corruption et
de gaspillage de ressources publiques. Et la mission dé-
tenait des éléments probants et irréfutables.
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6. Les révélations du Rapport


de l’OFNAC

« Le premier qui dira la vérité,


Il sera exécuté. »

La Vérité – Guy Béart


Auteur-compositeur-interprète français

Les premières incohérences constatées par les au-


diteurs de l’OFNAC résident dans l’organigramme
même du COUD. Des dysfonctionnements criants
qui rendent l’organisation du COUD lourde, inco-
hérente et inopérante surtout à cause des services en
doublon. Une comparaison entre le nouvel et l’ancien
organigramme a révélé des chevauchements entre les
services et une pléthore d’unités qui pouvaient être re-
groupés.

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Scandale au cœur de la République

Les bizarreries dans l’organigramme

Le cas du département de la restauration universi-


taire en est une parfaite illustration. Ce département
est composé de quatre services. De l’avis des auditeurs,
le service de gestion et de promotion de la restauration
express pourrait très bien être dissout dans le service
des restaurants universitaires. La restauration express
avait été créée par le COUD pour alléger l’engorge-
ment des restaurants. Mais, était-il nécessaire de créer
un service dévolu à cet effet ?

Autre ambiguïté, la dénomination et la multiplica-


tion inutile des services. C’est l’exemple du service des
infrastructures de restauration. On ignore si cette unité
s’occupe de la maintenance des infrastructures déjà en
place, de la construction de nouveaux bâtiments ou du
mobilier des restaurants. Une nébuleuse totale.

Au niveau du département des ressources humaines,


dans l’ancien organigramme, la DRH était un service
du département de l’administration. Il fut transformé
en un département à part entière. Et au sein de ce nou-
veau département, on dénombre quatre services dont
deux pourraient facilement être fusionnés. Il s’agit du
service du personnel permanent et celui du personnel
temporaire.

Autre incohérence relevée, c’est au niveau du dépar-


tement des services techniques. Le service de l’hygiène

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Le dossier du COUD

et de la salubrité et celui de l’aménagement du cadre


de vie peuvent bel et bien être regroupés en une seule
entité car accomplissant les mêmes tâches au sein du
département des services techniques.

Tous ces services nouvellement créés, avaient en fait


pour seul objectif le recasement d’un personnel plétho-
rique et le plus souvent politique.

Au niveau du département du matériel, de l’équipe-


ment et de la logistique, le constat était ahurissant. Il
n’y avait pas de séparation entre les fonctions d’achat,
de réception, d’enregistrement et de contrôle. Et pour-
tant, lors de son dernier rapport, la Cour des comptes
avait donné des injonctions fermes. Mais on constate
que le service de l’approvisionnement et celui de la
comptabilité des matières sont tous les deux logés au
département du matériel, de l’équipement et de la lo-
gistique. A la fois parti et juge, le service de l’approvi-
sionnement procède à la commande auprès des four-
nisseurs, achète et réceptionne les biens et matériels.
Le contrôle des biens et matériels achetés revient au
service de la comptabilité des matières. Nous sommes
clairement ici devant un problème d’éthique. Car le
regroupement des services de l’approvisionnement et
de la comptabilité des matières dans le même dépar-
tement ne garantit pas les principes de transparence et
d’intégrité que requiert la fonction d’achat. L’un des
piliers essentiels du contrôle interne est la séparation
des fonctions. Ainsi, le COUD était dans l’obligation,

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Scandale au cœur de la République

dans le cadre des mesures préventives, de procéder à la


séparation des services de l’approvisionnement et de la
comptabilité. Malheureusement, tel n’a pas été le cas.

Par ailleurs, le nouvel organigramme avec sa multi-


plication de services avait entrainé une dépense supplé-
mentaire injustifiée, pour une institution confrontée à
de sérieux problèmes budgétaires. A titre d’exemple,
tout chef de service bénéfice de 130 000 Frs de prime
de chef et de 100 000 Frs de prime de transport.

Le COUD, un as dans le fractionnement des mar-


chés publics et la prédominance des marchés de gré
à gré

Force est de constater qu’au sein du COUD, le frac-


tionnement est la règle et l’appel d’offre l’exception.

Sur la base du rapport de l’OFNAC, les marchés au


COUD se passent de gré à gré ou par entente directe
foulant au pied levé le Code des marchés publics. En
atteste la gestion du restaurant de la FASTEF (ex Ecole
Normale) confiée par entente directe à Mme Thiam
et celle du restaurant de Thiès confié à Mme Ndeye
Ndiaye. Au même moment, des restaurants sont gérés
en régie, occasionnant une porte ouverte à la dérive.

Plus grave, M. Babacar Diouf, le chef de service


de l’approvisionnement reçoit selon le rapport de
l’OFNAC, directement des mains de l’agent comptable

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Le dossier du COUD

une enveloppe de 150 millions tous les 10 jours pour


l’achat de denrées devant servir aux repas des étudiants.
La justification se fera après avoir effectué les dépenses.

Ainsi, grâce à cette régie où l’achat et le contrôle re-


viennent au département du contrôle des opérations
financières et des affaires juridiques, une manne finan-
cière incontrôlée est gérée directement par le directeur
via ses hommes de confiance.

Marché irrégulier octroyé par la direction du


COUD à l’ancien ACP Bara Fall

Dans l’audit de l’OFNAC, ressortait en solde débi-


teur de la balance des écritures comptables de M. Bara
Fall, la somme de 10 millions non justifiés. L’OFNAC
a constaté que, pour lui permettre de rembourser les
10 millions, un marché juteux de rénovation de bâti-
ments pour un montant de 21 millions lui a été attri-
bué de façon irrégulière en guise de cadeau de départ
par le directeur Cheikh Oumar Hann et le chef du dé-
partement des services techniques, M. Hamel Thiam
en 2015.

Ce qui révèle un conflit d’intérêt manifeste. Mieux


les auditeurs de l’OFNAC soupçonnent un marché fic-
tif ou une surfacturation permettant alors de dégager
sur un marché de 21 millions un résultat net de 10
millions

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Scandale au cœur de la République

Décaissements irréguliers non justifiés autorisés


par le Directeur Cheikh Oumar Hann

La générosité du directeur du COUD n’a pas échap-


pé aux amateurs de course hippique. Il leur a généreu-
sement apporté son soutien sur les fonds du COUD.
L’OFNAC a constaté deux dysfonctionnements.

- Dans le cas d’espèce, il s’agit de décaissements


irréguliers et non justifiés, car cet événement ne
présente aucun lien direct avec l’objet social du
COUD, compte tenu des priorités et de la situa-
tion de trésorerie très difficile du COUD.

- Pour les 20 millions de FCFA dépensés par


Messieurs Babacar Diouf (10 millions de FCFA)
agent du COUD, Malick Seye (5 millions de
FCFA), également agent du COUD et Doudou
Ndiogou Fall (5 millions) président du comité,
l’OFNAC n’a reçu aucune pièce justificative en
bonne et due forme.

Soirée Doudou Ndiaye Mbengue

L’OFNAC a constaté qu’une dame du nom de Ma-


riama Ndiaye, a décaissé la somme de 3 000 000 FCFA
du COUD à l’occasion de la soirée du chanteur Dou-
dou Ndiaye Mbengue.8 Interpellée à ce sujet elle n’a pu
apporter la moindre pièce justificative relative à l’uti-
8. Soirée Doudou Ndiaye Mbengue 3 Mars 2015 « Gala de l’émergence »

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Le dossier du COUD

lisation de ces fonds publics. Elle considère qu’il s’agit


d’une dépense souveraine et par conséquent le COUD
n’a pas à la justifier auprès d’aucun corps de contrôle.
Quelle audace !

Le fameux ndogu de Claudel

Un montant de 15 millions a été dégagé pour organi-


ser un ndogou en faveur des étudiantes de la Cité Clau-
del.9 Mais la direction du COUD et l’Agence comp-
table sont dans l’incapacité de préciser à l’OFNAC le
montant exact dépensé et encore moins de lui fournir
la moindre pièce justificative relative aux dépenses ef-
fectuées.

Primes budgétaires irrégulières et non justifiées

L’OFNAC, en fouillant les états financiers du COUD,


a remarqué que lors de l’élaboration du budget, des
primes non justifiées allant de 200 mille à 1 million 200
mille de francs CFA sont allouées à des agents dont le
seul mérite est d’être directeur ou proche de ce dernier.

Or, au moment de l’audit, avec la pléthore de per-


sonnel temporaire, l’enveloppe de 700 millions desti-
née au paiement de ces derniers était déjà épuisée alors
que l’année n’était pas encore terminée. Pire, le person-
nel permanent risquait d’être en cessation de paiement
à partir du mois de septembre.
9. Ndogu au Claudel le 22 septembre 2014

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Scandale au cœur de la République

Népotisme et clientélisme politique flagrant dans


le recrutement du personnel

Avec l’arrivée du directeur Cheikh Oumar Hann,


l’OFNAC a relevé plus de 155 employés natifs de
Ndioum, commune dont M. Hann est le premier ma-
gistrat. Pire, en voulant donner des niveaux de rému-
nérations supérieurs aux agents originaires de Ndioum,
M. Cheikh Oumar Hann a créé une situation discri-
minatoire inédite entre agents temporaires.

Les nouveaux recrutés, moins expérimentés, origi-


naires de Ndioum, étaient mieux rémunérés que les
autres qui avaient parfois plus de 10 ans d’expérience,
mais venaient des autres coins du Sénégal. Cette si-
tuation discriminatoire n’était pas tenable et a obligé
le directeur à relever tous les salaires des travailleurs
temporaires de 44 000 FCFA à plus de 70 000 FCFA
par mois. L’effectif pléthorique du personnel tempo-
raire conjugué à l’augmentation des salaires a conduit
le COUD à des difficultés de trésorerie sans précèdent
dès le mois d’avril 2015. Ainsi, les crédits inhérents
au personnel temporaire se sont épuisés dès le mois
d’avril avec des impayés de 6 957 859 FCFA. Selon le
rapport de l’OFNAC, la masse salariale mensuelle du
personnel temporaire est passée de 154 951 501 FCFA
en juin 2014 à 225 653 475 FCFA en juin 2015, soit
une hausse de plus de 45 % d’une année à l’autre. En
guise de comparaison : la masse salariale du personnel
temporaire était de 1 575 724 882 FCFA pour toute

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Le dossier du COUD

l’année 2014, alors que celle du premier semestre 2015


avait déjà atteint 1 308 552 459 FCFA. Comment af-
fronter dans ces conditions le second semestre de l’an-
née  2015 ?

Le rapport de l’OFNAC de révéler que dans le re-


gistre du népotisme, le directeur du COUD, Cheikh
Oumar Hann, n’a pas hésité à nommer la petite sœur
de son épouse chef du service de gestion et de promo-
tion de la restauration express. Le cas de Mme Bousso
Niane est d’ailleurs frappant. N’ayant aucune expé-
rience en matière des œuvres universitaires, elle a été
nommée chef de service de la restauration express. Un
service en réalité qui n’existe que de nom et qui se li-
mite à la seule personne de Mme Bousso Niane. Elle se
retrouve avec une indemnité de chef de 130 000 FCFA
et une prime de transport évaluée à 100 000 FCFA,
avec un véhicule commandé à la société EMG à hau-
teur de 12 millions dans le cadre du « Car Plan Auto »
du COUD.

Par ricochet, Mme Aminata Kane Ndao, le chef des


services administratifs, directrice adjointe du COUD,
a fait recruter ses deux enfants. Sa fille C. N est nom-
mée lingère avec un salaire mensuel de 260 710 FCFA
et son fils O. B. N. technicien supérieur avec un salaire
mensuel de 205 094 FCFA.

Ils occupent des postes juteux alors qu’ils n’ont pas


les compétences requises. Plus grave, étant encore des

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Scandale au cœur de la République

étudiants, ils ne se présentent même pas au COUD,


ce qui ne les empêche pas de bénéficier de tous leurs
traitements.

Un cas a particulièrement attiré l’attention des véri-


ficateurs de l’OFNAC. Il s’agit de M. El Hadj Niang
Mboup, un agent du COUD, parti à la retraite depuis
plus de 6 mois et dont le seul mérite est d’être le se-
crétaire général du CNTS FC. Il a bénéficié en 2014
d’une subvention personnelle de 9 000 000 FCFA sans
aucune base juridique. Il a été maintenu en tant que
chef de résidence en doublon avec un salaire net de
444 000 FCFA, auquel s’ajoute sa pension de retraite
du COUD.

Il bénéficie d’un contrat à durée déterminée d’un an


renouvelable à partir du 31 octobre 2015 et continue
à occuper son logement de fonction sans droit ni titre.

En somme l’OFNAC a décelé, dans le recrutement


effectué par le directeur du COUD, M. Cheikh Ou-
mar Hann, de nombreuses irrégularités inhérentes au
favoritisme, au népotisme et au clientélisme politique.

« Car Plan Auto » avec un taux de subventionne-


ment de 90 %

Dans sa mission de vérification, l’OFNAC n’était pas


au bout de ses surprises. Les vérificateurs vont saisir des
documents relatifs à un financement « Car Plan Auto ».

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Le dossier du COUD

Il s’agit d’une convention tripartite entre la Banque


UBA SENEGAL, le COUD et la concession dénom-
mée Emiante Guarantie Universal Auto SA (EMG).
Les agents du COUD éligibles au programme ouvrent
un compte courant à la banque UBA en vue d’obtenir
un crédit pour financer l’achat de véhicules neufs. La
concession EMG se chargera directement des formali-
tés du gage du véhicule au profit de la banque jusqu’au
remboursement total des échéances. Le COUD s’en-
gage à accorder une subvention exceptionnelle repré-
sentant 90 % du montant équivalant aux mensualités
pour chaque agent bénéficiaire du programme « Car
Plan Auto ».

Aucun apport n’est exigé pour l’agent du COUD


et la durée du prêt est de 48 mois au bout desquels
le véhicule sera la propriété de l’agent du COUD.
Dans leur rapport, les vérificateurs de l’OFNAC ont
été très surpris par le taux de subventionnement de
90 % supporté par un établissement public très endet-
té, en l’occurrence le COUD. D’où la question : en
quoi l’agent du COUD serait-il plus méritant que le
policier ou le gendarme de la République pour devoir
bénéficier d’un taux de subvention de 90 % pour le
financement d’un véhicule personnel à terme ? Quelle
serait la base juridique d’un tel niveau de subvention-
nement ? Plus grave, la subvention exceptionnelle a été
mise en place et versée depuis fin juillet 2015, par une
simple note de service du directeur Cheikh Oumar
Hann sans l’aval préalable du conseil d’administration.

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Scandale au cœur de la République

Le « Car Plan Auto » établi entre la concession EMG


et le COUD concernait 44 agents pour un coût glo-
bal de 949 280 119 FCFA. Le directeur du COUD,
Cheikh Oumar Hann, en vertu des pouvoirs qui lui
sont conférés, devrait faire supporter les 90 % de ce
financement, c’est-à-dire 854 352 107 FCFA. Com-
ment, s’interrogent les vérificateurs de l’OFNAC, le
directeur du COUD pouvait-il accorder en juillet et
en août une subvention exceptionnelle de 90 % à 44
agents du COUD pour l’acquisition de véhicules per-
sonnels, alors qu’au même moment, le COUD était
confronté à des difficultés de trésorerie avec des dettes
aux fournisseurs, des dettes fiscales et surtout des ar-
riérés de salaires du personnel temporaire de plus de 2
mois ?

L’AUDIT DE LA COMPTABILITE DU COUD

Dans son rapport, l’OFNAC a révélé des manipu-


lations comptables au niveau du logiciel comptable
« Ciel ». Autrement dit les principes de régularité, de
sincérité des comptes et d’image fidèle des états finan-
ciers du COUD sont entachés de nombreuses irrégu-
larités.

On peut citer :

1. le non-respect du référentiel comptable SYSCOA


par le COUD.
2. le mauvais archivage au sein de l’Agence comp-

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Le dossier du COUD

table du COUD. L’OFNAC n’a pas pu retrouver


la moindre trace de la facture de régie d’avance
de 2013 de Dakar et de celle de 2014 de Bambey,
alors que les décaissements sont respectivement
de 1 512 852 050 FCFA (un milliard cinq cent
douze millions huit cent cinquante deux mille
cinquante FCFA) et de 350 369 110 FCFA (trois
cent cinquante millions trois cent soixante neuf
mille cent dix FCFA). Le régisseur de caisse
d’avance, M. Mansour Ndoye et l’agent comp-
table n’ont pu apporter à l’OFNAC la moindre
pièce justifiant l’utilisation de ces fonds.
3. des manipulations comptables ont été constatées
au niveau de l’Agence comptable du COUD.
L’OFNAC de se demander en conséquence,
comment l’Etat s’assure-t-il de la véracité et de
la fiabilité des dettes fournisseurs dont certaines
datent de plus de huit (8) ans.
4. le non-respect de la séparation des exercices.
En guise d’exemple, la première caisse de régie
d’avance du 10 janvier 2013 pour un montant
de 79 978 725 FCFA a été prise en compte dans
la gestion de l’année 2012 alors que selon les
vérificateurs de l’OFNAC, elle devrait être rat-
tachée à l’exercice de 2013. Ce non-respect de
séparation des exercices s’explique également par
le fait que le COUD n’arrête pas ses comptes sys-
tématiquement en fin d’année.

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Scandale au cœur de la République

Le COUD viole la Législation fiscale en vigueur

Dans sa mission de vérification, l’OFNAC a consta-


té que le COUD ne respecte pas les obligations décla-
ratives en matière de TVA inhérente à l’article 38 du
Code général des impôts qui stipule que « les établisse-
ments publics, les entreprises et autres organismes qui
procèdent à la retenue, reversent la taxe à la recette des
taxes indirectes sur la base d’une déclaration distincte
de celle relative à leurs propres opérations. Un état in-
dividuel par entreprise, l’adresse exacte, le NINEA, le
numéro et la date de la facture, le taux de la taxe rete-
nue sont adressés mensuellement au receveur des taxes
indirectes par le service ayant opéré la retenue. »

De même, les vérificateurs ont constaté que le


COUD ne respecte pas l’obligation de retenue de 5 %
sur les sommes versées aux prestataires de service, en
violation de l’article 133 du Code général des impôts
qui impose « une retenue de 5 % du montant hors taxes
des sommes versées ou des produits perçus lorsque le
montant de la prestation indiquée sur une facture est
égal ou supérieur à 25 000 FCFA. »

Autre manquement fiscal : l’usage abusif de « sta-


giaire » pour les salaires perçus par une bonne partie
du personnel non permanent (temporaire), alors qu’ils
sont de véritables employés au sens de la législation
fiscale.

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Le dossier du COUD

Pour rappel, le COUD reste redevable, au titre des


retenues à la source sur salaire (RAS/S) et de la TVA,
d’un montant global de 4 629 084 114 FCFA (quatre
milliards six cent vingt-neuf millions quatre-vingt-
quatre mille cent quatorze FCFA) à la date du 2 août
2015. A partir du 2 septembre 2015, un moratoire de
dix millions de FCFA (10.000.000 FCFA) par mois a
été accordé au COUD par le Bureau du recouvrement
de la DGID par lettre du N° 001172 MEF/DGID/
DR/CGE/BR du 6 août 2015.

Quand le comptable public entrant décèle des


manquements et avertit

Dès sa prise de fonction, Mme Marcelline SYLLA,


qui a remplacé M. Bara Fall à la comptabilité publique,
a formulé des réserves sur sa gestion. Elle a fini par
adresser un courrier au directeur de la comptabilité
publique et du trésor suite à la mission de l’OFNAC.
Mme Marcelline Sylla avait constaté une somme de
10 millions non justifiées qui ressortait en solde débi-
teur de la balance des écritures comptables. En réalité
il s’agit des 10 millions que la direction l’a aidé à rem-
bourser, en lui donnant ce fameux marché de gré à gré
de 21 millions.

Elle fait également apparaître des excédents de paie-


ments à deux fournisseurs de l’ordre de 8 millions.
L’un des fournisseurs a reconnu les faits et procédé au
remboursement pour 5 millions de FCFA. Le second a

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Scandale au cœur de la République

également reconnu les faits et déclaré avoir remboursé


par caisse, mais ne pas avoir reçu de quittance.

Toujours dans le cadre des infractions décelées par


Madame Marcelline Sylla, dans un courrier adressé au
directeur général de la comptabilité publique et du tré-
sor le 30 juillet 2015 à la suite du démarrage de la mis-
sion de l’OFNAC, elle va relever : « Qu’ils ne tiennent
pas compte des quittances loyers, des guides de l’étu-
diant retrouvés dans les tiroirs du régisseur central. Ce
stock du caveau présenté ne tient, non plus compte des
quittances collecteurs (Série n° 2701 à 3 000, 12 001 à
15 000) détenues par le caissier principal d’une part.
Il en ressort également des ruptures de services et un
manquant de versement de fonds de la part des régies
de l’ordre de 6 225 000 FCFA »

S’y ajoute que les bulletins des salaires des tempo-


raires payés en janvier n’ont pas été retrouvés pour un
montant de 126 470 848 FCFA. Toutes ces infractions
ont été portées sur le procès-verbal de passation de
service du 26/02/2015 entre Mme Marcelline Sylla,
comptable entrant et M. Bara Fall, comptable sortant.

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Le dossier du COUD

GASPILLAGE DES DENIERS PUBLICS 

Quand Cheikh Oumar Hann se fait plaisir…

Pour son confort, Cheikh Oumar Hann ne lésine pas


sur les moyens. Les travaux de rénovation des bureaux
du directeur du COUD et de celui de l’ACP ont coûté
plus de 38 353 090 FCFA (soit 22 383 192 FCFA pour
celui du directeur et 15 969 898 FCFA pour celui de
l’ACP) en 2015 alors que ces mêmes bureaux étaient
occupés respectivement par M. Abdoulaye Diouf Sarr
et M. Bara Fall.

Mission du directeur Cheikh Oumar Hann au


Sommet de la qualité à New York

Un fait avait attiré l’attention des vérificateurs de


l’OFNAC. M. Iba Oumar Sall, agent du COUD et
chauffeur du directeur du COUD a bénéficié le 7 Mai
2015 d’une subvention du COUD de 3 000 000 FCFA
pour l’achat de cadeaux et autres préparatifs pour le dé-
placement du directeur Cheikh Oumar Hann à New
York. Interpellé à ce sujet, aucune pièce justificative n’a
été fournie à l’OFNAC par M. Iba Oumar Sall. Les en-
quêteurs vont révéler que d’autres décaissements au bé-
néfice du directeur Cheikh Oumar Hann ont été effec-
tués. Tout d’abord, il s’est octroyé une avance de fonds
de 7 000 000 FCFA. A cela s’ajoute un billet d’avion
de 2 628 800 FCFA et une contribution financière de
2 809 800 FCFA représentant la quote-part contribu-

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Scandale au cœur de la République

tive du COUD à l’événement « International Quality


Summit Convention » du 21 mai 2015 à New York.

Et parmi les pièces justificatives présentées par le di-


recteur Cheikh Oumar Hann, les enquêteurs étaient
surpris de trouver :

1. une facture de 500 euros, soit 327 500 FCFA,


pour l’enregistrement d’une interview de 7
minutes sur les aspects les plus importants du
COUD payée à la Business Initiatives Directions
à Madrid le 24 mai 2015.
2. une facture de 200 euros, soit 130 000 FCFA,
pour la clé USB contenant les photos de la parti-
cipation du COUD à l’événement.

En fait, l’opération de remise de prix décerné au


COUD par le cabinet espagnol organisateur s’ap-
parente à une véritable escroquerie. Tout d’abord, le
COUD a financé toute l’opération.

- En assurant les frais préparatifs (3 000 000 FCFA),


son déplacement (2 628 800 FCFA) et sa prise en
charge à New York (7 000 000 FCFA),
- En apportant une contribution financière de
4 200 euros, soit 2 809 800 FCFA,
- En supportant l’achat de tous les produits déri-
vés et accessoires relatifs à l’événement (500 euros +
400 euros + 200 euros) soit 720 000 FCFA.

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Le dossier du COUD

En somme, l’événement « Sommet international


sur la qualité » a dû coûter au COUD la somme de
15 438 600 FCFA pour une cérémonie dont on a du
mal à trouver le lien avec l’objet social du COUD et
encore moins à mesurer son impact en terme d’image,
estiment les enquêteurs de l’OFNAC.

Comment un établissement public si endetté,


confronté au problème du paiement des salaires de
son personnel a-t-il pu se payer un tel luxe ? Où sont
les règles de bonne gestion ? Toutes ces questions ne
trouvent pas de réponse.

Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Car


dans les pièces comptables présentées par M. Cheikh
Oumar Hann, les enquêteurs de l’OFNAC ont décelé
une facture de Michael Kors pour l’acquisition d’un
sac pour femmes de 380 dollars, soit 235 000 FCFA,
imputé entièrement au COUD. Cet achat a été effec-
tué le 29 mai 2015 à l’aéroport de JFK international
Airport Terminal 1.

Ce déplacement de 4 jours du directeur du COUD a


dû coûter 15 438 600 FCFA. A la suite de la mission de
l’OFNAC, il a dû reverser deux reliquats de 5 270 000
FCFA et de 300 515 FCA. Au final le voyage a coûté
au COUD la somme de 9 868 085 FCFA, à laquelle
s’ajoutent les frais de mission. Pour pratiquement rien !

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Scandale au cœur de la République

Emplois fictifs et recrutement à titre posthume

Dans sa mission de vérification, en matière d’em-


plois fictifs et chevauchements des contrats de travail,
l’OFNAC a identifié dans le fichier temporel, 85 em-
plois fictifs et chevauchement de contrats de travail. Le
procédé consistait à modifier les numéros de matricule,
les lieux de naissance ou enfin les numéros de carte na-
tionale d’identité. Ces manœuvres ont été décelées dans
le fichier 2015 du personnel temporaire du COUD.

Un cas frappant a véritablement intéressé les vérifi-


cateurs de l’OFNAC. Il s’agit du recrutement à titre
posthume de M. Lat Fatim Ndiaye, décédé acciden-
tellement le 8 novembre 2014 sur l’autoroute à péage
avec le caissier principal du COUD, M. Papa Moha-
med Gueye. Un contrat à son nom a été retrouvé dans
le fichier du personnel permanent de 2015.

Lat Fatim Ndiaye, en tant que chauffeur, ne faisait


pas partie du personnel permanent du COUD. Ainsi,
aucun salaire en tant qu’agent permanent, ne lui a été
versé ni avant ni après sa mort. Or, son nom figure
dans le fichier du personnel permanent du COUD en
2015, alors qu’il est décédé en novembre 2014. En réa-
lité, révèlent les enquêteurs de l’OFNAC, les personnes
interrogées sont formelles et reconnaissent qu’il a été
régularisé à titre posthume dans le fichier du personnel
permanent du COUD par Cheikh Oumar Hann pour
éviter toutes poursuites de la part de la famille de la

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Le dossier du COUD

victime. De même, l’épouse de feu Lat Fatim Ndiaye,


dénommée F. D., a été embauchée en CDI en tant que
lingère au COUD sans période d’essai ou CDD au
préalable.

Que cache tout cela ? Rappelons les faits. Le same-


di 8 novembre 2014, vers 14 h 30 deux « agents » du
COUD de retour d’une mission à Thiès pour procé-
der au paiement des salaires des agents temporaires ont
perdu la vie suite à un accident survenu sur l’autoroute
à péage. Il s’agit de Pape Mohamed Gueye, caissier
principal et Lat Fatim Ndiaye qui conduisait le véhi-
cule. Malheureusement cette mission était entachée de
nombreuses irrégularités. Ainsi, le caissier principal,
qui était parti en mission à Thiès et à Bambey pour
payer les salaires, n’avait pas d’ordre de mission. A
cela s’ajoute que le véhicule utilisé ne semblait pas être
un véhicule de fonction du COUD. Dans l’accident,
en dehors des pertes de vies humaines et du véhicule
calciné, une importante somme d’argent est partie en
fumée. C’est, du moins ce qui a été déclaré – sait-on ja-
mais avec le COUD et son DG Cheikh Oumar Hann ?

Sachant qu’il est civilement responsable, bien que


n’étant pas au courant de ces légèretés pour cette mis-
sion, Cheikh Oumar Hann, le directeur du COUD, a
cherché à sauver la face en procédant à une régularisa-
tion de la mission. C’est ainsi qu’un contrat à durée in-
déterminée a été accordé à titre posthume à Lat Fatim
Ndiaye qui conduisait le véhicule. Mieux, des ordres

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Scandale au cœur de la République

de mission ont été également signés pour éviter d’éven-


tuelles poursuites par les familles des défunts. Enfin, un
contrat à durée indéterminée a été accordé à la veuve
de Lat Fatim Ndiaye. Il s’agit de Madame F. D. recru-
tée en tant que lingère par le directeur Cheikh Oumar
Hann. Ce faisant, l’affaire a été étouffée. Comme de
très nombreuses autres, dont la moins grave devrait lui
valoir au moins le relèvement de ses fonctions.

Abus de biens sociaux de la part de Madame Ma-


riama Ndiaye

Toujours dans ses vérifications, l’OFNAC s’est ren-


du compte que Madame Mariama Ndiaye a fait em-
baucher son personnel de domicile par le COUD tout
au long de sa carrière, d’abord à la tête du service du
personnel, puis du département des ressources hu-
maines. Il s’agit de sa femme de ménage, Mademoiselle
D. G. et de son gardien, M. P. A. S. engagés sur la base
de contrats à durée déterminée renouvelés pendant de
nombreuses années. Ils sont tous les deux agents du
COUD avec un CDD en bonne et due forme. D. G.
est recrutée en tant que lingère et affectée à l’ESP. Quant
à P. A. S., il bénéficie d’un CDD en tant qu’agent de
sécurité (garde du corps) affecté auprès de sa patronne,
Mme Mariama Ndiaye. Son stratagème consistait à les
faire embaucher par le COUD afin de ne plus devoir
supporter leurs salaires et de les affecter à des postes où
ils terminent tôt la journée pour les utiliser le reste du
temps à son domicile.

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Le dossier du COUD

Enfin, le rapport de l’OFNAC révèle qu’elle s’est fait


attribuer aussi une indemnité de carburant de 100 000
FCFA par mois, alors qu’elle ne dispose pas de véhicule.

Détournement des derniers publics et escroque-


rie sur la vente du matériel réformé par le commis-
saire-priseur Maitre Ibrahima Beye

L’OFNAC a découvert que le COUD a organisé une


vente de matériel réformé qui comprenait entre autres,
de la ferraille issue des pavillons démolis, des véhicules
utilitaires, autres mobiliers et équipements. Une vente
qui a eu lieu entre le 14 décembre 2013 et le 9 juillet
2014 et pour une durée réelle de 75 jours au regard
des carnets de vente. Les vérificateurs de l’OFNAC
ont décelé de nombreuses manœuvres d’escroquerie
et de fraude orchestrées durant toute l’opération par
le commissaire-priseur, Maître Ibrahima Bèye, avec la
complicité des membres de la commission, de l’agent
comptable, M. Bara Fall et du directeur du COUD, à
l’époque M. Abdoulaye Diouf Sarr.

Les frais de vente ont été imputés à la fois aux adjudi-


cataires et au COUD. Or au point 3 du procès-verbal
de vente, il a été précisé, relève le rapport de l’OFNAC,
que « les adjudicataires paieront leur prix d’adjudica-
tion entre les mains de l’officier vendeur soussigné,
plus 8 % du prix ». Ces frais de vente s’élevaient à
douze millions douze mille neuf cent trente-sept FCFA
(12 012 937 FCFA).

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Scandale au cœur de la République

Également, les frais d’enregistrement ont été impu-


tés à la fois aux adjudicataires et au COUD, alors qu’au
point 4 du PV de vente il a été stipulé que « les frais
d’enregistrement sont à la charge de l’adjudicataire ».
Ces frais d’enregistrement (5 % du prix de vente HT)
sont de sept millions cinq cent huit mille cinquante
FCFA (7 508 050 FCFA).

Et n’oublions pas la TVA précomptée et non rever-


sée à l’Etat. D’ailleurs, dans le PV, il a été mentionné
une taxe sur la valeur ajoutée de 18 %. Cette TVA pré-
comptée, soulignent les enquêteurs de l’OFNAC, a été
totalement détournée par le commissaire-priseur.

Elle est égale à 150 


161 
000 FCFA x 18 % =
27 028 980  FCFA.

A cela s’ajoutent, révèle toujours le rapport de


l’OFNAC, d’autres manœuvres frauduleuses portant
sur le nombre de jours de vente qui était de 74 au lieu
des 145 jours facturés. Les indemnités de déplacement
ont été calculées sur la base de ces 74 jours à raison de
367 000 FCFA par jour à Dakar. Et enfin les erreurs
de calcul.

Récapitulons avec les enquêteurs de l’OFNAC les


montants détournés par le commissaire-priseur au dé-
triment du COUD :

1) frais de vente indus : 12 012 937 FCFA

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Le dossier du COUD

2) frais d’enregistrement indus : 7 508 050 FCFA


3) paiement des manœuvres indus (trop perçu) :
4 000 FCFA x 18 x 75 J = 5 400 000 FCFA
4)  
indemnités journalières de déplacement
(trop-perçu au regard du nombre de jours réel
de vente).

Pour 75 déplacements à l’intérieur de Dakar facturés


à 367 000/jour le trop-perçu s’élève à 367 000 FCFA x
75 = 27 525 000 FCFA
TVA de 18 % précomptée et non reversée (men-
tionnée sur le PV) : 150 161 000 FCFA x 18 % =
27 028 980  FCFA.
Mieux encore, révèle l’OFNAC, le commissaire-pri-
seur l’avait déduite du montant HT perçu par le
COUD.

L’OFNAC révèle toujours pour ce qui concerne la


ligne « Transport et déplacement des manœuvres »,
qu’il y a une double escroquerie qui porte encore
sur le nombre de jours de vacation (75 jours au
lieu de 145 jours) et sur l’erreur de calcul (145 j x
2 500 = 362 500 FCFA au lieu des 2 900 000 FCFA
indûment imputés au COUD). Or, les frais de dé-
placements des manœuvres ne devraient pas dépas-
ser 75 j x 2 500 = 18 500 FCFA soit un trop-perçu
2.715.000 FCFA.

Escroquerie rien que sur cette rubrique !

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Scandale au cœur de la République

Sans oublier, soulignent les enquêteurs, une autre


ligne de dépenses fantômes dénommée « séjours » de
10 h à 16 h. Sommes-nous dans une auberge ou dans
un hôtel ? L’escroquerie porte à la fois sur l’existence de
frais de séjour et sur le nombre jours de vacation.

A supposer que ces frais de séjour existent, le mon-


tant escroqué par M. Ibrahima Beye, commissaire-pri-
seur, est de 16.700 x 75 J = 1 252 500 FCFA.

En somme, constate l’OFNAC, pour un prix de


vente de 150 161 000 FCFA, le commissaire-priseur a
imputé au COUD des frais tous azimuts d’un mon-
tant de 90 090 770 240 FCFA, représentant 60,44 %
du prix de vente HT avec la complicité de l’ancien di-
recteur du COUD, des membres de la commission du
COUD pour la vente aux enchères du matériel réfor-
mé et de l’ancien agent comptable, M. Bara Fall. Il en
a facturé autant aux adjudicataires.

Comble du ridicule, c’est à des prix dérisoires que


certains objets ont été vendus, en l’occurrence trois
véhicules : un véhicule Peugeot 306 VP immatriculé
DK 0884 EP 14 ; un véhicule TOYOTA TERCEL VP
immatriculé DK 0893 EP 14 est un véhicule Renault
225 immatriculé DK 1038 EP 14. Ils ont été vendus
ou plutôt bradés à 225 800 FCFA chacun.

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Le dossier du COUD

Faux et usage de faux relatifs aux justificatifs de


dépenses de 89 millions débloqués par le COUD
pour l’accueil du chef de l’Etat au campus social de
l’UCAD le 31 Juillet 2015

A l’occasion de l’accueil du chef de l’Etat, son Ex-


cellence le Président Macky Sall le 31 juillet 2015 au
campus social de l’UCAD, le directeur Cheikh Oumar
Hann a accordé 4 subventions au régisseur Babacar
Diouf, chef du service Approvisionnement :

1. une subvention de 8 000 000 FCFA destinés aux


étudiants de l’UCAD ;
2. une subvention de 15.000.000 FCFA pour l’ha-
billement d’accueil pour les étudiants ;
3. une subvention de 32.000.000 FCFA pour l’ha-
billement des femmes et des hôtesses du COUD ;
4. une subvention de 34.000.000 FCFA pour la
confection de tee-shirts, bodys et casquettes
pour les étudiants et le personnel du COUD.

Compte tenu des montants engagés, 89.000.000


FCFA, pour un accueil de quelques heures seulement,
les enquêteurs de l’OFNAC ont effectué une visite sur-
prise à M. Babacar Diouf, pour s’assurer de la bonne
utilisation des fonds publics. A leur grande surprise,
lors de cette opération, M. Babacar Diouf leur a remis
de fausses factures sans aucun bordereau de livraison,
soulignent-ils.

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Scandale au cœur de la République

Les enquêteurs de l’OFNAC vont prendre le soin


de visualiser le film de la visite du chef de l’Etat qui a
eu lieu un vendredi. Ils n’ont pas pu retrouver les 100
costumes, les 100 paires de souliers, les 100 chemises
et les 100 cravates qui figuraient sur certaines factures
pro-forma. Interrogé, M. Babacar Diouf, le régisseur,
déclare aux enquêteurs que les costumes ou autres ha-
billements étaient à la discrétion du directeur Cheikh
Oumar Hann.

S’agissant des 8 000 000 FCFA destinés aux étu-


diants de l’UCAD, le rapport de l’OFNAC constate
de nombreuses irrégularités. Le clientélisme politique
a fait ses preuves. Le paiement effectué par M. Baba-
car Diouf ne correspond pas à la répartition propo-
sée et justifiée par M. Babacar Diagne, chef du service
social. Ainsi, les étudiants de la Faculté des Sciences
économiques et de gestion et ceux de la Faculté de mé-
decine et de pharmacie et odontologie n’ont pas reçu
les 2 000 000 FCFA qui leur étaient réservés alors que
ceux d’autres facultés ont eu droit à une seconde part.
Au total, il n’y a eu que 7 000 000 FCFA qui ont été re-
partis, le reliquat de 1 000 000 FCFA ayant mystérieu-
sement disparu entre les mains de M. Babacar DIOUF,
relèvent les enquêteurs.

Les vérificateurs de l’OFNAC vont également effec-


tuer une visite surprise au principal fournisseur de cos-
tumes pour l’accueil du Chef de l’Etat, GIE LES MA-
MELLES, pour obtenir les doubles des factures. LES

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Le dossier du COUD

MAMELLES étaient dans l’incapacité de leur apporter


la moindre pièce justificative.

En somme, sur les 89.000.000FCFA dépensés à


l’occasion de l’accueil du chef de l’Etat au campus so-
cial de l’UCAD, l’OFNAC ne dispose d’aucune pièce
justificative en bonne et due forme hormis de fausses
factures.

Quand le COUD supporte les dépenses de la


commune de Ndioum

En tant que Maire de Ndioum, Cheikh Oumar Hann


avait fini d’utiliser les ressources financières du COUD
au profit de sa commune. L’enquête de l’OFNAC
révèle un détournement d’actifs et de personnel du
COUD au profit de la commune de Ndioum. Pour
ses activités politiques, il utilisait les véhicules, le per-
sonnel du COUD sans oublier les frais supportés par
l’établissement. En termes de préjudice, les enquêteurs
de l’OFNAC soutiennent qu’en 10 mois, le COUD a
perdu 5050 litres de carburant sans compter des frais
de personnel (chauffeurs et gardes du corps mobilisés
et les indemnités de déplacement.) Une manne finan-
cière que les enquêteurs de l’OFNAC ont eu du mal à
évaluer.

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Subventions irrégulières, injustifiées et parfois


fantômes

La gestion de Cheikh Oumar Hann excellait, se-


lon les enquêteurs, dans l’attribution de subventions
irrégulières et injustifiées et parfois fantômes. Plus de
216 343 323 FCFA de subventions ont été accordées
en 2014. Et ce n’est pas tout 238 132 758 FCFA autres
ont été accordées aux agents du COUD durant les 8
premiers mois de 2015.

Le montant des subventions « fantômes », c’est-à-


dire sans bénéficiaire d’après le grand livre comptable,
s’élève à 35.000.000 FCFA. Elles ont été accordées par
le directeur Cheikh Oumar Hann entre le 1er et le 15
octobre 2015.

Escroquerie, fraude et détournement des deniers


publics sur les régies d’avance de caisse pour la res-
tauration des étudiants

Selon les enquêteurs de l’OFNAC, le montant du


préjudice est estimé à plus de 802 millions de FCFA en
6 mois (de janvier à juin 2015), avec comme respon-
sables M. Babacar Diouf, régisseur à Dakar pour un
préjudice de plus de 612 millions de FCFA, M. Ma-
lick Seye, régisseur à Thiès pour un préjudice de plus
de 143 millions de FCFA et M. Ousmane Dieme, ré-
gisseur à Ziguinchor pour un préjudice de plus de 46
millions FCFA.

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Le dossier du COUD

Il faudra souligner que ces détournements ont pu se


faire avec la complicité des fournisseurs, de la direction
du COUD, de l’ACP et des membres de la commis-
sion de réception des denrées alimentaires. En guise
d’exemple l’OFNAC note que le kg de niébé sénéga-
laise était facturé au COUD à 4 500 FCFA en 2015. Il
en est de même pour les prix homologués.

L’OFNAC révéle aussi qu’aucune facture n’a


été retrouvée pour les décaissements en caisse de
1 512 852 050 FCFA en 2013 et de 350 369 110 FCFA
en 2014, décaissements effectués par M. Mansour
Ndoye dans le cadre des régies d’avance de caisse pour
la restauration des étudiants.

Toujours dans leur enquête, les membres de


l’OFNAC ont constaté que la régie d’avance de caisse
à Dakar ne portait au départ que sur trois restaurants.
Et, au 20 mai 2015, ces restaurants ont pu trouver un
repreneur. En principe, il n’y avait pas lieu de conti-
nuer à faire les achats alimentaires. Pourtant, le régis-
seur de Dakar, M. Babacar Diouf a continué à effectuer
le même niveau de dépenses de 150 000 000 FCFA par
décade (tous les 10 jours), comme si de rien n’était et
ce jusqu’au 30 juin 2015.

Fouillant de plus près, les enquêteurs de l’OFNAC


découvriront l'acquisition d’une villa à Ngor-Almadies
par le régisseur de Dakar M. Babacar Diouf, sans ou-
blier les versements suspects d’espèces retrouvés dans

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son compte personnel à Eco Bank à Yoff en septembre


2015 : plus de 22 millions de FCFA non justifiés. Lors
de son audition en présence du commissaire Mody
Ndiaye, le régisseur Babacar Diouf va déclarer ceci
« Bien que je gère des marchés de plus de 2 milliards
par an, je préfère démissionner plutôt que de déclarer
mon patrimoine ».

Emplois fictifs sur trois chargés de mission

Lors de sa mission, l’OFNAC a également décou-


vert des emplois fictifs. Il s’agit de chargés de mission
qui figurent sur les états de paie des salaires dans la
rubrique des cadres supérieurs, alors qu’ils ne figurent
nullement dans l’annuaire du personnel. Il s’agit de M.
Assane. Dione, chargé de mission avec un salaire men-
suel de 325 000 FCFA en 2015 ; M. Saliou Fall, chargé
de mission avec un salaire mensuel de 309 000 FCFA
en 2015 ; M. Aliou Faye, chargé de mission avec un
salaire mensuel de 342 201 en 2015.

Il en est de même pour un professeur d’enseigne-


ment secondaire de classe exceptionnelle du nom de
M. Matar Manga avec un salaire mensuel de 709 000
FCFA et, pour une autre personne, M. Diague Diame
Bop, avec comme mention dans les états de paiement
des salaires : « personne solde particulière » avec un sa-
laire mensuel de 116 865 FCFA en 2015.

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Le dossier du COUD

Goulot d’étranglement, abus d’autorité pour faire


échouer la mission de l’OFNAC

La mission de l’OFNAC au sein du COUD n’a pas


été facile. Certains agents de l’établissement qui ont
déférés à la convocation de l’OFNAC pour être enten-
dus, ont été lourdement sanctionnés et mutés par le di-
recteur du COUD, M. Cheikh Oumar Hann et le chef
du département des ressources humaines, Mme Maria-
ma Ndiaye. Cette dernière avait dissuadé tout membre
du personnel de collaborer avec l’OFNAC. Pire, ils
n’ont jamais tenue compte des recommandations de
l’OFNAC consistant à geler tout recrutement et tout
mouvement du personnel hormis les départs en retraite
jusqu’à la remise du rapport d’audit. Ils n’ont tenu
compte d’aucune recommandation, étant sûrs que cette
mission de l’OFNAC n’entrainerait des actions pour au-
cun d’eux. Ils étaient sûrs de leur fait car, trois longues
années après, le dossier de l’OFNAC dort sur la table
du Procureur de la République et le DG du COUD a
été bombardé entre temps Ministre de l’Enseignement
supérieur de la Recherche et de l’Innovation.

Les conclusions du rapport

Pour les enquêteurs de l’OFNAC, les travaux d’au-


dit et de vérification effectués au COUD, ont mis en
évidence des faits d’escroquerie, de fraude, de détour-
nement de derniers publics et de gaspillage de fonds
publics, tous les forfaits présumés que la plainte ano-

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Scandale au cœur de la République

nyme adressée à l’OFNAC dénonçait avec vigueur. Les


enquêtes et les vérifications de l’OFNAC lui ont égale-
ment permis de mettre en évidence différents dysfonc-
tionnements relatifs :

1. aux marchés publics,


2. aux décaissements (irréguliers, non justifiés et
non documentés relatifs aux subventions aux
agents du COUD),
3. aux emplois fictifs,
4. au népotisme et au clientélisme politique,
5. à la violation de la législation fiscale,
6. à l’abus d’autorité,
7. au faux et usage de faux,
8. aux détournements d’actifs,
9. à l’escroquerie et au détournement de derniers
publics, aux manipulations comptables portant
sur le logiciel « Ciel » mis en place au sein du
COUD et qui portent atteinte à la régularité, à
la sincérité et à l’image fidèle des états financiers.

Ces constats ont conduit la mission à émettre de


sérieux doutes sur la véracité des dettes aux fournis-
seurs, en raison de l’absence de système d’archivage
au-delà de deux ans dans le système comptable du
COUD.

L’analyse des faits pour les enquêteurs établit l’exis-


tence d’une fraude par collusion impliquant à la fois
des régisseurs, des membres de la direction du COUD,

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Le dossier du COUD

des fournisseurs et d’autres intermédiaires. Cette


fraude, note l’OFNAC, a conduit à une importante
surfacturation sur des denrées alimentaires, parfois
homologués, de plus de 868 677 330 FCFA. Il en est
de même pour des décaissements inhérents aux ré-
gies d’avance de 2013 et de 2014, respectivement de
1 512 852 050 FCFA et de 359 369 110 FCFA sur les-
quels l’OFNAC ne dispose d’aucune facture ni d’au-
cune de pièce comptable à l’appui. Pour l’OFNAC,
les anomalies soulignées relèvent purement et simple-
ment de la délinquance financière. En conséquence
les responsables impliqués devront s’engager à rem-
bourser tous les décaissements irréguliers et non jus-
tifiés ainsi que les dépenses entachées d’irrégularité ou
de fraude. Quant au COUD, il s’engagera à respecter
et à faire respecter toutes les dispositions du Code
des marchés publics et du Code général des impôts,
en l’occurrence celles relatives à l’application de la re-
tenue de 5 % et aux obligations déclaratives d’enre-
gistrement et de retenue à la source au précompte de
la TVA. Ils doivent sans délai s’employer à reverser
l’intégralité des sommes collectées pour le compte de
la DGID.

En ce qui concerne le directeur du COUD,


Cheikh Oumar Hann, le rapport de l’OFNAC a non
seulement recommandé qu’il soit relevé de ses fonc-
tions, mais aussi qu’il ne soit plus nommé à la tête d’un
organe public, en plus de l’ouverture d’une informa-
tion judiciaire.
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Troisième partie
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1. Le Palais en ébullition

« Il faut qu’on arrive forcément à dissocier la famille de


l’Etat, en éloignant systématiquement celle-ci de la gestion
vertueuse, équitable et transparente des biens publics »
Aliou Sow
Homme politique — ancien ministre — Sénégal

Immédiatement après la publication officielle du


rapport d’activités de l’OFNAC 2014-2015 le 24 mai
2016, c’est le branle-bas au palais. Le Président Macky
Sall est entré dans une colère noire. Il considérait cette
sortie publique de Nafy Ngom Keïta comme une of-
fense et, pire, comme une manière de jeter en pâture
son régime. Le soir même, son ministre directeur de
cabinet, Me Oumar Youm, se fait inviter sur le plateau
du 20 h de la TFM. Faisant fi de toute élégance répu-
blicaine, il brocarde la présidente de l’OFNAC. Endos-
sant sa robe d’avocat, il déclare sans sourciller avec ef-
fets de manche qu’en publiant son rapport, « l’OFNAC

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Scandale au cœur de la République

n’a pas respecté son obligation de réserve. » Dans ces


instants de délire, car la colère est perceptible dans ses
propos, il ajoute ; «  …Tous les concernés par la loi ont
fait leur déclaration de patrimoine… », croyant ainsi
avoir tourné cette page noire de leur gestion et proté-
gé les proches du Président. Mais, c’était sans compter
avec la ténacité de la présidente de l’OFNAC.

Invitée de l’émission « Opinion » sur WalfTV,


Mme Nafy Ngom Keïta remet les pendules à l’heure.
Elle commence par recadrer le Ministre directeur de
cabinet du Président en ces termes « Il faut qu’on cla-
rifie certaines choses, parce qu’à un certain niveau de
responsabilité, on ne peut pas se permettre des accu-
sations ou critiques gratuites contre des autorités ad-
ministratives. Quand on exerce certaines responsabili-
tés, on doit se garder de dire certaines choses. » Avant
d’ajouter : « Me Oumar Youm, vu le statut qu’il occupe
dans l’appareil d’Etat, devait se garder de faire certains
commentaires sur le rapport de l’OFNAC. »10

Abordant la violation de l’obligation de réserve, la


présidente de l’OFNAC révéle que le chef de l’Etat
a reçu en premier dix copies du rapport. Et c’est Me
Oumar Youm lui-même qui les avait réceptionnées.
Qu’en a-t-il fait ? Mystère et boule de gomme. Mieux,
la publication annuelle d’un rapport par l’Office na-
tional de lutte contre la fraude et la corruption obéit
10. Nafy Ngom Keita invitée de l’émission hebdomadaire « OPINIONS »
dimanche 29 Mai 2016

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Le dossier du COUD

à la loi. En effet, l’article 17 de la loi n° 2012-30 du


28 décembre 2012 portant création de l’OFNAC dis-
pose : « L’OFNAC établit chaque année un rapport
d’activités qui comporte notamment les propositions
de mesures tendant à prévenir les actes de fraude ou
de corruption. Ce rapport est remis au président de la
République. Il est rendu public par tous moyens ap-
propriés. »

En ce qui concerne les déclarations de patrimoine,


Mme Nafy Ngom Keïta se veut claire et précise, le mi-
nistre directeur de cabinet aurait dû se rapprocher d’elle
ou de ses services pour avoir la bonne information. « Je
n’ai pas dit que tous les assujettis devaient faire tout
suite leurs déclarations, j’ai juste déclaré que tous les
ministres l’ont fait mais, qu’il reste d’autres agents de
l’administration qui trainent les pieds malgré l’appel
du chef de l’Etat à s’acquitter de cette déclaration. »
a-t-elle précisé. Rappelons que le Président Macky Sall
avait lancé, aux concernés qui faisaient encore preuve
de mauvaise volonté un ultimatum en ces termes sans
équivoque, du moins en apparence : « Toutes les per-
sonnes qui sont assujetties à la déclaration de patri-
moine ont jusqu’au 31 décembre 2014 pour la faire.
Sinon elles seront sanctionnées. » On connaît la suite :
l’ultimatum du Président a pratiquement été ignoré.
La remplaçante de Mme Nafy Ngom Keita, Mme Sey-
nabou Ndiaye Diakhaté, a reconnu en 2018 qu’au
moins 300 personnes assujetties à la déclaration de
patrimoine ne s’en étaient pas acquittées. Mme Nafy

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Scandale au cœur de la République

Ngom Keïta, toujours dans l’émission de Walf TV, rap-


pelle que « l’OFNAC, c’est du sérieux, ce sont 12 hauts
cadres des plus talentueux et expérimentés de notre ad-
ministration qui y sont en fonction ». Sur le dossier
du COUD, elle reste intransigeante « l’OFNAC dis-
pose de preuves solides. » D’ailleurs, elle annonce que,
«… d’autres enquêteurs vont se rendre de façon immi-
nente au COUD, pour une autre mission qui concerne
un dossier financier scandaleux. Quant à Cheikh
Oumar Hann, il peut dire ce qu’il veut, ce qu’il fait
est inacceptable. Il a refusé de déférer à sa deuxième
convocation, après avoir été entendu sur procès-verbal.
Son dossier, comme 8 autres, sont entre les mains du
procureur à qui j’ai d’ailleurs rendu une visite de cour-
toisie. La suite judiciaire dépend de lui. »

Interpellée sur la très médiatisée affaire Petro-Tim


qui épingle Aliou Sall, le frère du Président de la Ré-
publique, elle révèle que le mis en cause a bel et bien
été entendu sur PV, et que l’OFNAC ira jusqu’au bout
des enquêtes, quelle que soit la sensibilité supposée du
dossier. Dans la foulée, elle annonce que l’affaire des
12 milliards versés à Adama Bictogo est dans le col-
limateur de l’OFNAC, suite à une dénonciation. Sur
le dossier de Pétro-Tim, Mme Nafy Ngom Keita en
savait assez. Car, dès son installation à la Présidence,
Macky Sall avait demandé à l’IGE, dont elle était la
Vérificatrice générale, de diligenter une enquête afin
de l’édifier sur ce dossier suite à une plainte de Tullow
Oil. Après quelques jours d’investigations l’IGE s’était

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Le dossier du COUD

rendu compte que Pétro-Tim n’avait ni les capacités


techniques et encore moins financières pour explorer
les blocs Cayar offshore et Saint Louis offshore pro-
fonds. Le Président fut donc largement édifié par l’IGE
qui lui recommanda de signer un quelconque décret en
faveur de Pétro-Tim informé. Mieux, le Président avait
également l’information que son jeune frére Aliou Sall
était au cœur de ce dossier scandaleux. Mais il fera la
sourde oreille et signera, malgré tout, les décrets d’ap-
probation en faveur Petro-Tim.

Avant la fin de l’émission, elle fut interpellée sur ses


prétendues brouilles avec le chef de l’Etat. Elle pré-
féra dégager en touche et répondit « Je n’y crois pas ;
d’ailleurs, c’est le président de la République lui-même
qui a émis sa volonté de lutter contre la corruption en
mettant en place l’OFNAC. Je reste convaincue que
le président de la République ne protègera personne
comme il s’y était engagé ». Elle restait dans le langage
politiquement correct.
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2. Le président de la République bloque


le rapport de l’OFNAC

Le Président Macky Sall avait déclaré urbi et orbi que


« La CREI c’était pour les autres mais que l’OFNAC
c’était pour nous. » Y croyait-il vraiment ? Le doute est
légitimement permis. Car, il a tout mis en œuvre pour
que le premier rapport d’activités de l’OFNAC ne fût
jamais publié. L’office avait bouclé son rapport d’acti-
vités au mois de décembre 2015. Dix exemplaires en
ont été envoyés au Palais. Après avoir pris connaissance
du rapport, le président Sall serait entré dans une co-
lère noire. Il fallait à tout prix éviter que ce rapport
fût rendu public ! A cette fin, tous les moyens étaient
bons. Le plus simple était de refuser d’accorder une au-
dience à l’équipe de Mme Nafy Ngom Keïta pour une
présentation solennelle et officielle du rapport. Tout
naturellement c’est la stratégie qu’il a adoptée, avec ses
proches collaborateurs.

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Scandale au cœur de la République

Mais, connaissant l’entêtement de la présidente de


l’OFNAC à vouloir respecter la loi, et la faire respecter,
en publiant le rapport de l’office, le Président Macky
Sall recourut à d’autres subterfuges pour la convaincre,
non seulement de ne pas publier le rapport, mais,
mieux, de quitter la tête de l’OFNAC. Pour la décider à
quitter, plusieurs points de chute, et non des moindres,
lui auraient été proposés.

Précisons que, avant la publication officielle du rap-


port le président Macky Sall l’a reçue à maintes re-
prises. Des sources sûres affirment qu’ils entretenaient
de bonnes relations. Le chef de l’Etat recueillait sou-
vent ses conseils sur certains dossiers, ce qui n’était pas
toujours du goût de son entourage. Compte tenu de
leurs bonnes relations, le Président ne pouvait pas se
permettre de brusquer son départ. Ainsi il opta pour
un départ négocié contre plusieurs propositions de
nominations à des fonctions importantes notamment
celles de ministre, d’ambassadeur, de Commissaire de
l’UEMOA, de vice-gouverneur de la BCEAO, etc.…
Mme Ngom Keita déclina respectueusement mais fer-
mement toutes ces propositions « alléchantes ».

Nous ne passerons pas sur le double jeu du Président


et de ses proches collaborateurs. C’est ce que probable-
ment Mme Ngom Keita a compris très tôt, les connais-
sant assez. A plusieurs reprises, le cabinet du Président
lui a refusé une audience pour lui permettre de présen-
ter le rapport de l’OFNAC 2014-2015 au Président,

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Le dossier du COUD

lui opposant toujours son agenda chargé. Pourtant,


dans la même période, le tapis rouge a été déroulé à
Mme Aminata Tall, alors présidente du Conseil éco-
nomique, social et environnemental (CESE) pour
qu’elle présente son rapport au maître des lieux. Le
même privilège a été accordé à Mme Innocence Ntab
Ndiaye, présidente du Haut conseil pour le dialogue
social. C’est pour la présidente de l’OFNAC, et pour
elle seule que l’agenda du Chef de l’Etat est surchargé.

Consciente donc qu’en réalité le Président de la Ré-


publique ne voulait en aucune manière la recevoir pour
qu’elle présente son rapport d’activités, la présidente
Nafy Ngom Keïta prit ses responsabilités pour respec-
ter la loi qui exigeait de l’OFNAC, qu’une fois par an,
il rende son rapport d’activités. D’ailleurs, il convient
de le rappeler lors de leurs audiences, le discours du
président n’a jamais varié. Il répétait sans cesse : « Nafy,
je t’en supplie, je ne veux pas de conférence de presse
pour exposer le rapport de l’OFNAC. J’ai d’ailleurs
intimé l’ordre à tous les responsables des corps de
contrôle de ne pas publier de rapport et ils vont res-
pecter ma volonté. Maintenant ton rapport, il faut se
contenter de le poster sur ton site internet comme les
autres. Si vous faites une conférence de presse, ces jour-
nalistes corrompus vont en faire leurs choux gras pour
vilipender mon régime. Et je ne l’accepterai pas. »

En fait, le Président savait qu’au moins certains de


ses proches ont été lourdement épinglés dans le rap-

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Scandale au cœur de la République

port de l’OFNAC, comme il se souvenait du fameux


rapport de l’ARMP qui avait accablé Awa « coudou »
Ndiaye, qui avait fini d’ailleurs par transhumer à l’APR
avec toutes ses casseroles dorées. Ce rapport de l’AR-
MP, comme beaucoup d'autres, avait mis à nu le degré
de prévarication de nos maigres ressources financières,
sous le magistère du Président Wade. Les Sénégalais
étaient sous le choc.

Mais la présidente de l’OFNAC est restée intran-


sigeante. Ainsi, le 24 mai 2016, elle invita toute la
presse, les représentations du Corps diplomatique ainsi
que des chefs religieux pour présenter le rapport qui
dérangeait : celui couvrant la période 2014-2015. Au-
paravant, le Palais avait sonné le branle-bas. Aucune
institution de la République ne devait assister à cette
présentation. L’ordre émanait directement du pré-
sident de la République. Une manière de délégitimer le
rapport. Mais, au final, on retiendra surtout de la pré-
sentation de ce rapport qu’au Sénégal, rien n’a vérita-
blement changé. Bien au contraire ! La dilapidation de
nos maigres ressources financières en si peu de temps
sous le règne du Président Sall, le candidat qui théori-
sait « une gouvernance sobre et vertueuse », prenait des
proportions inquiétantes

Et, pour le chef de l’Etat, cette présentation pu-


blique du rapport de l’OFNAC n’était ni plus ni moins
qu’une déclaration de « guerre » de sa présidente qui
osa lui tenir tête.

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Le dossier du COUD

La sortie du ministre Me Oumar Youm, sur les pla-


teaux de la TFM pour s’en prendre vertement à Nafy
Ngom Keïta, avait bel et bien ouvert la voie à suivre
par les hauts responsables du pouvoir.
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3. Cheikh Oumar Hann contre-attaque

« Il convient de signaler que le directeur du COUD


a tout fait pour empêcher l’exécution correcte de la
mission de vérification, menaçant ouvertement les
membres de l’équipe de l’OFNAC et intimant l’ordre
aux travailleurs du COUD de ne pas déférer aux
convocations des enquêteurs. Ainsi, dès que les vérifi-
cations ont commencé à mettre en évidence certaines
pratiques, il a initié des actes de sabotage de la mission,
relevant de leurs fonctions des agents qu’il soupçonnait
d’avoir fourni des informations à l’équipe de vérifica-
tion. Ce comportement a rendu impossible l’audition
de certaines personnes pour permettre de recueillir leurs
dépositions sur des faits les concernant » révélait le rap-
port de l’OFNAC. Aussi le concernant, l’OFNAC fait-
il à l’Etat cette recommandation-ci « Qu’il soit relevé
de ses fonctions, mais aussi qu’il ne soit plus nommé à
la tête d’un organe public, en plus de l’ouverture d’une
information judiciaire »

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Scandale au cœur de la République

Dès le lendemain de la présentation du rapport,


Cheikh Oumar Hann a tenu à démentir les infor-
mations rendues publiques. Tout d’abord, il soutient
«…n’avoir pas reçu de pré-rapport qui pouvait lui per-
mettre d’apporter sa version des faits avant la publica-
tion du document qui indexe sa gestion ».

En ce qui concerne les subventions de 2014-2015,


le directeur du COUD soutient que « l’importance
du montant avancé (434 476 081 FCFA) se justifie es-
sentiellement par l’indemnisation assimilée à des sub-
ventions accordées aux étudiants victimes de blessures
graves et de handicaps lors des événements du 14 août
qui avaient entrainé la mort de l’étudiant Bassirou
Faye ». Sur les subventions accordées sans identifica-
tions formelles des bénéficiaires chiffrées à 35 millions
FCFA, il indique que « les pièces justificatives (déci-
sions, bons de caisse, états récapitulatifs des bénéfi-
ciaires ayant été payées) sont comptabilisés, classées,
puis archivées par les services de l’agent comptable
particulier, avec le numéro de téléphone, le numéro de
carte d’étudiant, le numéro d’identification nationale
et l’émargement des concernés. »

Revenant sur la visite du Président Sall pour laquelle


89 millions ont été dépensés, Cheikh Oumar Hann
soutient que « toutes les pièces justificatives concer-
nant ces subventions datent du 29 juillet 2015 (soit
deux jours avant l’événement qui a eu lieu le 31 juillet
2015). Tout ce qui a été fait se fonde sur des pièces

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Le dossier du COUD

justificatives existantes archivées au niveau de l’agence


comptable du COUD. « Tous les documents sont là »,
affirme-t-il avant d’ajouter « Un événement exception-
nel nécessite des subventions et les moyens qu’on a dé-
pensés. M’accuser d’avoir détourné les moyens dégagés
pour les habits, pour l’organisation c’est jeter en pâture
mon honneur et ma respectabilité sans aucune raison.
Mais, j’ai la conscience tranquille. » conclut-il.

Revigoré et sûr de lui-même à cause de la position


affichée par le Palais, Cheikh Oumar Hann décida de
porter plainte au nom du COUD.

Il poursuit les services de Mme Nafy Ngom Keïta


« pour diffamation et violation du secret profession-
nel. » L’avocat du COUD, Me Babacar Ndiaye, es-
time que « l’OFNAC s’est trompé. Son rapport trahit
une violation manifeste du sacro-saint principe de la
contradiction ».

Refusant de s’arrêter en si bon chemin, Cheikh


Oumar Hann dira que « les attaques c’est l’arme des
faibles, et que quand on se cache pour attaquer, on n’y
peut rien. » Saluant le départ de Nafy Ngom Keïta de
la présidence de l’OFNAC, il dira « En son temps, je
disais que les attaques ne venaient pas de l’OFNAC
parce que cet organe ne m’a jamais attaqué. C’est Nafy
Ngom Keïta qui m’a attaqué pour des raisons basse-
ment personnelles. Je n’accepterai jamais dans la vie
que quelqu’un puisse me faire chanter » tonnait le pa-

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Scandale au cœur de la République

tron du COUD. Légitime est de se poser des questions


simples : Pour quelles raisons bassement personnelles la
Présidente de l’OFNAC l’avait attaqué ? Qui a voulu le
faire chanter ? Mystère et boule de gomme.

En réalité, il pouvait pavoiser, dandiner car sûr et


certain qu’aucune suite judiciaire ne serait réservée à
ce rapport. Des instructions fermes avaient été don-
nées à la chancellerie. Ce rapport avait comme princi-
pale destination les tiroirs de Dame justice. En atteste
l’aveu du Procureur de la République, Serigne Bassirou
Gueye, lors de sa conférence de presse commanditée
pour incriminer Khalifa Ababacar Sall sur le dossier
de la caisse d’avance. Interpellé sur le sort réservé au
rapport de l’OFNAC sur le COUD, il répond de fa-
çon tranchante : « Le rapport de l’OFNAC est en train
d’être étudié par la section financière de mon parquet.
Je sais qu’il y a beaucoup de bruit autour de cette ques-
tion. Vous verrez, c’est comme un mauvais gruyère, il y
a plus de trous que de fromage » dira-t-il. On imagine
que personne ne sera incriminé. Bien au contraire, les
agents accusés d’avoir dilapidé les deniers publics, sont
contre toute attente, gratifiés d’une promotion. Ce qui
donne un sens à la fameuse phrase de l’autre selon la-
quelle « d’une gouvernance sobre et vertueuse, on est
passé à une gouvernance sombre et vicieuse. »
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4. Le Président Sall veut à tout prix la tête


de Nafy Ngom Keïta

Il était plus que décidé à laver l’affront subi après


la publication officielle du rapport de l’OFNAC.
Après les sorties de ses thuriféraires, pratiquement
la bave à la bouche pour s’attaquer à la dame, il lui
revenait d’appliquer la sentence. Et pour limoger
Mme Nafy Ngom Keïta, la main du Président « sobre
et vertueuse » ne va jamais trembler. Pour cause, il est
conscient que depuis l’avènement de son magistère,
aucun segment de la société (classe politique, socié-
té civile, magistrature, médias, confréries religieuses,
etc.) n’a réussi à empêcher l’accomplissement d’aucun
de ses moindres désirs et volontés. Même si ceux-ci
ne sont pas conformes aux textes et lois qui régissent
notre République.

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Scandale au cœur de la République

Peu avant Mme Nafy Ngom Keïta, c’est Ousmane


Sonko président du PASTEF11 qui a eu à subir les
foudres du Chef. Suite à une procédure disciplinaire
fallacieuse déclenchée par le Ministère de l’Economie
et des Finances et exécutée par la Direction des Impôts
et Domaines, il a été radié de l’administration. Il était
alors inspecteur principal des impôts et domaine, après
quinze ans de loyaux services.

Pratiquement deux mois, jour pour jour, après la


présentation du rapport de l’OFNAC, le Président Sall
mit fin aux fonctions de Mme Nafy Ngom Keïta. De
manière lapidaire, le communiqué rendu public est li-
bellé ainsi : « Le président de la République du Sénégal
a nommé, par décret n° 2016-1004 du 25 juillet 2016,
Madame Seynabou Ndiaye Diakhaté en qualité de pré-
sidente de l’Office national de lutte contre la fraude et
la corruption (OFNAC). Elle remplace à ce poste Nafy
Ngom Keïta dont le mandat est arrivé à terme. » Un
machiavélisme froid ! Rappelons puisqu’il faut toujours
rappeler dans notre pays, que quelques semaines aupa-
ravant, le Président Sall a profité de plusieurs audiences
pour la convaincre de quitter l’OFNAC à l’amiable,
contre la nomination à un poste prestigieux de son
choix. La réponse de l’honorable dame a été toujours
11. PASTEF les patriotes est un parti politique créé en janvier 2014. Ous-
mane Sonko en est le Président. Il est élu député à l’Assemblée Nationale du
Sénégal aux élections législatives. Il termine à la troisième place de l’élection
présidentielle du 24 février 2019 avec plus de 687 000 voix soit 15,67 %,
derrière le Président sortant Macky Sall et l’ancien Premier ministre Idrissa
Seck

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Le dossier du COUD

claire et sans équivoque : « C’est vous qui m’avez nom-


mé à la tête de l’OFNAC. C’est à vous qu’il appartient
de m’en enlever si telle est ta volonté, mais ce ne sera
sans aucune condition acceptée de ma part »

Avec son limogeage, Mme Nafy Ngom Keïta ve-


nait d’avoir la certitude — puisqu’elle en avait déjà
le pressentiment — en réalité le Président Sall n’était
pas dans les dispositions véritables pour lutter contre
la corruption et la dilapidation de nos ressources.
Son slogan « Gouvernance sobre et vertueuse » n’était
qu’un slogan creux. Une politique cosmétique desti-
née à appâter les Sénégalais d’une part et d’autre part à
convaincre les bailleurs de fonds. Pour le Président Sall,
Mme Nafy Ngom Keïta a eu le tort de prendre la mis-
sion de l’OFNAC à la lettre et de croire qu’elle pouvait
lutter contre la fraude et la corruption en s’appuyant
sur les compétences que lui reconnaissait la loi. Elle ne
pouvait pas s’imaginer alors qu’on ne devait pas lever
le plus petit doigt sur les hommes et les femmes de son
régime ainsi que de sa famille.

Pourtant, il y a eu un avant-goût assimilable à une


gifle d’avertissement administrée à Mme Nafy Ngom
Keïta. Il s’agissait de l’affaire El Hadji Seck Ndiaye
Wade-directeur des transports routiers, responsable
APR qui a été épinglé pour complicité de concussion
et de corruption par le juge du 1er cabinet près le tri-
bunal de grande instance de Louga suite à une affaire
de vente supposée de permis de conduire au niveau

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Scandale au cœur de la République

des services des mines de Louga. Suite à une dénoncia-


tion anonyme, l’OFNAC s’est saisi de l’affaire. Après
enquête, on a procédé à son arrestation. Il est placé
sous mandat de dépôt le 31 mars 2016 avec 4 autres
agents du service des mines. Non seulement il sera
exfiltré on ne sait encore comment, mais comme s’il
voulait se moquer de l’OFNAC, le Président partisan
va le nommer président du Conseil d’administration
du Fonds d’entretien routier autonome (FERA) du
Sénégal, dont le budget avoisine 150 millions. Quelle
belle promotion pour une personne inculpée et mise
sous mandat de dépôt. Normal, il est responsable de
l’APR ! Mais les 4 autres agents sont encore en prison
et attendent d’être jugés. Suprême humiliation pour
l’OFNAC. Pire encore, suprême reniement de l’enga-
gement pris par le Président de ne protéger personne.
Il a protégé sans état d’âme El hadj Seck Ndiaye Wade.
Il en a protégé bien d’autres, tout en laissant Ababacar
Khalifa Sall croupir en prison.
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5. Une séparation à la tronçonneuse

La présidente de l’OFNAC avait vu venir cette sépa-


ration après les audiences à la limite houleuses avec le
chef de l’Etat. Déjà, avant même la parution du rap-
port sur l’obligation de déclaration de patrimoine, des
personnalités de la République sont parties à maintes
reprises se plaindre auprès du président de la Répu-
blique. Sans cesse, le Président invitait la Présidente
de l’OFNAC à mettre la pédale douce sur l’applica-
tion de cette loi. Un ministre de la République, et pas
des moindres, est allé jusqu’à suggérer que la loi sur
la déclaration de patrimoine soit applicable à moitié.
En d’autres termes, poursuit-il, si 50 % des personnes
assujetties à la loi font leur déclaration de patrimoine,
ça suffit. Choquée, la présidente de l’OFNAC répon-
dait de manière invariable au Président : « L’OFNAC
n’a rien à voir avec cela, c’est la loi. Et nous sommes
chargés de la faire appliquer. Toute personne qui gère
un budget de 1 milliard doit faire sa déclaration de
patrimoine. » Plus de trois ans après son départ de

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Scandale au cœur de la République

l’OFNAC, 300 à 400 agents de l’Etat assujettis à la dé-


claration de patrimoine, ne l’ont pas toujours fait. Le
Président, lui-même qui, une fois réélu devait faire une
nouvelle déclaration de patrimoine traine les pieds. Il
est vrai que la comparaison entre le patrimoine de 2012
et celui de 2019 peut laisser apparaître un fossé abyssal.

Consciente que son mandat qui devrait prendre fin


en mars 2017, allait être interrompu par le président
de la République, et bien avant de recevoir le décret
lui notifiant la fin de sa mission, Nafy Ngom Keïta
avait adressé une lettre à Macky Sall pour lui faire sa-
voir qu’elle n’avait commis aucune faute et n’avait pas
failli à son obligation de loyauté envers les institutions
de la République.

Elle explique sa difficulté à comprendre la raison de


son départ de l’OFNAC avant le terme de son mandat.
En fait « Date d’échéance de mon premier mandat à la
présidente de l’OFNAC » est l’intitulé de la lettre que
Nafy Ngom Keïta a envoyée au président de la Répu-
blique. Un problème de droit se pose. Précisant qu’elle
est entrée en fonction, après prestation de serment, le
27 mars 2014, la présidente de l’OFNAC estime qu’à
compter de cette date, son premier mandat d’une du-
rée de trois (3) ans arrive à échéance le 26 mars 2017.
En effet, les avancées pour 2016 qui, à ses yeux, sont
d’une très grande importance dans la mise en place du
système national d’intégrité du pays sont, entre autres,
les raisons qui expliquent les propositions de nomina-

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Le dossier du COUD

tions que lui a faites le Président Sall, mais qu’elle a


tout bonnement refusées.

« ...c’est pour toutes ces raisons, Monsieur le Pré-


sident de la République, que j’ai respectueusement
décliné les propositions de nominations aux fonctions
de ministre, ambassadeur, commissaire de l’UEMOA,
vice-gouverneur de la Banque centrale, que vous avez
eu l’amabilité de me faire, en échange de mon départ
de l’OFNAC » écrit Nafy Ngom Keïta dans sa lettre.
Dans le même sillage, la dame porta à la connaissance
du Président sa préférence à retourner à l’Inspection
générale d’Etat (IGE), si ce dernier devrait mettre un
terme à son mandat en cours. « Si malgré ces éclairages,
mon mandat en cours devait être interrompu avant
son terme légal, je serais dans l’obligation de décliner
toute autre proposition de collaborer et prierais, dans
ce cas-là, de bien vouloir signer le décret me remettant
à la disposition de mon corps d’origine, l’Inspection
générale d’Etat, pour y terminer ma carrière en 2022 »,
indiqua Nafy Ngom Keïta dans sa lettre.

Toutefois, à ceux qui suggèrent de saisir la Cour


suprême pour « excès de pouvoir », suite à la publica-
tion du décret notifiant l’interruption de son mandat,
Mme Nafy Ngom Keïta explique les raisons pour les-
quelles elle renoncerait à un tel recours « Je m’abstien-
drai de saisir la Cour suprême pour excès de pouvoir
car, son premier président, M. Badio Camara, qui
est sensé recevoir mon recours, est en désaccord avec

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Scandale au cœur de la République

l’OFNAC, parce qu’il s’abstient de faire sa déclaration


de patrimoine comme du reste vos ministres, conseil-
lers. Quand je vous ai rendu compte, vous m’avez de-
mandé de le laisser tranquille alors qu’il est assujetti à la
déclaration de patrimoine en sa qualité d’ordonnateur,
dont les opérations annuelles dépassent le montant
d’un milliard de FCFA fixé par la Loi n° 2014-17 du
02 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine »,
renseigne encore Mme Keïta.

Après cette missive, pleine de révélations, le palais


décide de contre-attaquer. Une source anonyme va
porter des accusations puériles contre la présidente
de l’OFNAC. La source anonyme soutient que Nafy
Ngom Keïta ne serait pas orthodoxe en matière de
bonne gouvernance. Cumul de revenus, gestion patri-
moniale basée sur du népotisme sont entre autres les
accusations portées à son endroit.

Dans une colère noire, Nafy Ngom Keïta menaça de


tenir une conférence de presse pour solder les comptes.
Et ce serait légitime. Conscient du danger de l’éven-
tualité d’un tel déballage préjudiciable à son magistère,
le Président Macky Sall fait intervenir certains chefs
religieux pour calmer la dame.
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6. Nafy Ngom Keïta attaque le décret

Même si elle était dans de bonnes dispositions pour


partir sans bruit, les attaques puériles contre sa per-
sonne avaient fini par l’excéder. Ainsi elle décida de se
battre sur le terrain du droit. Elle attaqua le décret du
Président Sall pour abus de pouvoir. Le recours fut dé-
posé à la chambre administrative de la Cour suprême
pour contester ce décret qui l’avait éjectée de son fau-
teuil de présidente de l’OFNAC. Elle estime qu’ayant
fait sa prestation de serment le 27 mars 2014, elle a été
limogée avant la fin de son mandat.

Profitant de la passation de services avec Seynabou


Ndiaye Diakhaté, le 5 août 2016, Nafy Ngom Keïta
est revenue sur les raisons pour lesquelles elle a dépo-
sé le recours, malgré les exhortations de certains chefs
religieux et les conseils amicaux d’hommes politiques.
Selon elle le recours vise essentiellement à dénoncer un
décret « illégal » pris par le président de la République.
« Mon combat, notre combat, le combat de tout un

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Scandale au cœur de la République

peuple est une question de responsabilité, un com-


bat de principe, un combat pour la sauvegarde de
la société démocratique, qui dépasse les contours de
la démocratie institutionnelle. C’est précisément la
principale raison de mon recours à la Cour suprême
du fait que le chef de l’Etat a mis terme illégalement
au mandat de la présidente de l’OFNAC. Je tiens
à préciser que ce recours ne vise nullement la per-
sonne du président de la République, mais bien la
décision illégale qu’il a prise. Il ne vise pas non plus
ma remplaçante Mme Seynabou Ndiaye », assène-t-
elle. Avant de poursuivre ; « En réalité, il serait pa-
radoxal que l’OFNAC qui est devenu un espace de
libre expression des frustrations nées de la corruption
et de diverses formes d’injustice publique, subisse à
travers ma personne une injustice sans la dénoncer
par les moyens appropriés. » Très sereine, elle ajoute ;
« Quelle que soit l’issue de ce recours, le Sénégal en
sortira gagnant, car le droit administratif et la juris-
prudence administrative en seront renforcés. » Pour
elle, « même le Président doit respecter la Loi ».

Abordant la campagne de dénigrement orchestrée


depuis le Palais et dont elle fait l’objet, elle l’assimile à
une « campagne qui frise le ridicule »

Fait marquant de cette passation de service,


Mme Nafy Ngom Keïta avait du mal à quitter l’im-
meuble qu’abritait l’OFNAC sur l’avenue Lamine
Gueye. De manière spontanée, elle a reçu les hom-

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Le dossier du COUD

mages de la rue. Les marchands du Parc Lambaye, les


marchands ambulants l’ont fortement ovationnée, le
temps qu’elle s’engouffre dans sa voiture.
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7. Les éclairages du professeur de Droit


administratif Jacques Mariel Nzouankeu

Dans une longue contribution publiée dans la


presse, le professeur de droit administratif donne des
éclairages pointus sur le débat. Il précise que pour la
mise en place de l’OFNAC, le président de la Répu-
blique a pris trois décrets en 2013 :

- le décret 25 juillet 2013 nommant le président


de l’OFNAC,
- le décret du 17 octobre 2013 portant nomina-
tion du vice-président de l’OFNAC,
- le décret du 31 décembre 2013 portant nomi-
nation des autres membres de l’OFNAC.

Il précise en outre que la Loi n° 70-14 du 6 fé-


vrier 1970 modifiée, fait obligation au Gouvernement
de les publier au Journal officiel.
Les formules exécutoires de chacun de ces décrets
font obligation au Gouvernement de les publier au
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Scandale au cœur de la République

Journal officiel. Aucun de ces actes n’a cependant été


publié au Journal officiel. Ces actes, ainsi que les me-
sures que leurs bénéficiaires pourraient prendre ne sont
pas opposables aux tiers. Ainsi, poursuit le professeur
de droit, après la nomination de son président le 25
juillet 2013, l’OFNAC attendait que l’effectif de ses
membres soit au complet pour démarrer les activités
que la loi lui a prescrites. Lorsque cet effectif a pu enfin
être complété le 31 décembre 2013, les actes portant
nomination de leurs membres n’avaient toujours pas
été publiés au Journal officiel rendant impossible le dé-
marrage de ses activités. Pour M. Nzouankeu, le terme
de mandat de trois ans des membres de l’OFNAC
nommés en 2013 se détermine à compter de la date de
leur prestation de serment. En droit, écrit-il, au regard
des observations formulées, c’est la cérémonie de pres-
tation de serment, à la Cour d’Appel de Dakar, en date
du 26 mars 2014 qui :

- rend publiques et opposables à tous, les nominations


des membres de l’OFNAC effectuées en 2013,

- constitue le point de départ de la détermination de la


durée et du terme de leur mandat,

- leur donne titres et qualités pour entrer en fonction,


conformément à la loi portant création de cette insti-
tution,

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Le dossier du COUD

- confère l’irrévocabilité à leur mandat de trois ans, sauf


application de l’article 6 de la loi portant création de
l’OFNAC,

- leur impose les sujétions et obligations prescrites par


la loi, mais aussi les habilités à jouir des prérogatives et
avantages qu’elle prescrit.

En fait, souligne le professeur, c’est seulement après


la cérémonie de prestation de serment devant la Cour
d’Appel de Dakar, le 26 mars 2014, que les membres de
l’OFNAC nommés en 2013 ont commencé à utiliser
les prérogatives que la loi leur confère pour conduire
des activités de lutte contre la corruption.

Pour M. Nzouankeu, le mandat de Madame Nafy


Ngom Keïta n’est pas arrivé à son terme. Au terme
de l’article 10, alinéa 2 de la loi portant création de
l’OFNAC, avant leur entrée en fonction, les membres
de l’OFNAC prêtent serment devant la Cour d’appel
siégeant en audience solennelle. La loi a ainsi voulu
que la durée de la période de trois ans pour laquelle
les membres sont nommés soit déterminée à comp-
ter de la date de leur prestation de serment. Madame
Keïta ainsi que les autres membres de l’OFNAC ayant
prêté serment devant la Cour d’Appel de Dakar le 26
mars 2014, son mandat de trois ans arrive à terme
le 25 mars 2017, conclut le professeur de Droit
administratif.

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Scandale au cœur de la République

Même si elle avait introduit un recours à la Cour


suprême, Mme Nafy Ngom Keïta ne fondait aucun
espoir sur la suite qui lui serait donné. Et pour cause !
Le président Badio Camara, proche du Président, qui
entretenait un conflit avec l’OFNAC en refusant de
faire sa déclaration de patrimoine, n’allait jamais tran-
cher en sa faveur en disant seulement le droit. Le 14
juillet 2017, le procureur général a demandé le rejet
du pourvoi. Une requête accordée par la chambre ad-
ministrative de la Cour suprême : Mme Nafy Ngom
Keïta a été déboutée. Bref, il n’y a pas eu de surprise en
fin de compte. Et comme toujours, depuis le début de
son magistère, Macky Sall a eu ce qu’il désirait, comme
les damels du Cayor et bourba Djoloff au beau milieu
de leur régne.
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8. Les misères de Nafy Ngom Keïta

Réintégrée dans son corps d’origine, l’Inspection gé-


nérale d’Etat, Nafy Ngom Keïta n’avait pas encore fini
de vivre les misères du régime.

Epiée, suivie, traquée, mise sous écoute, le régime


du Président Macky Sall avait élaboré tout un dispo-
sitif de persécution pour lui imposer un silence total
par l’intimidation. D’autant plus que, lors de sa passa-
tion de services avec Seynabou Ndiaye Diakhaté, elle
avait annoncé une conférence de presse pour éclairer
l’opinion sénégalaise sur de nombreuses zones d’ombre
dans la gestion de la République. Quand bien même
elle était revenue à de meilleurs sentiments grâce à l’in-
tervention de guides religieux, Mme Nafy Ngom Keïta
était très étroitement surveillée. Pourtant, l’ancienne
patronne de l’OFNAC n’avait pas le droit à la parole
publique, les inspecteurs généraux d’Etat étant soumis
au devoir de réserve. Mais, ce n’est pas de gaieté de
cœur que le Président Maky Sall a signé son décret de

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Scandale au cœur de la République

réintégration à l’IGE. Et pour cause ! L’IGE ayant ses


locaux à la présidence, le chef de l’Etat appréhendait
l’idée de devoir supporter la présence de Nafy Ngom
Keïta dans un bureau non loin du sien. Ainsi, ordre a
été donné à François Collin, le patron de l’IGE, d’user
de tous les moyens à sa disposition pour empêcher l’an-
cienne patronne de l’OFNAC de trouver un bureau à
la présidence. Ce sera chose faite. Dès son retour, les
services de l’IGE lui ont notifié qu’un bureau se trou-
vant à l’avenue Carde, près de la division des Investiga-
tions criminelles, était mis à sa disposition. Elle refusa
systématiquement d’occuper ces locaux, réclamant son
bureau à la présidence. Ce traitement qu’on lui faisait
subir manquait d’élégance républicaine. Car, elle fut
vérificatrice générale de l’IGE pendant 7 ans. Elle fut
remplacée par François Collin. Elle pouvait et devait
bénéficier de plus d’égards. Mais, en lieu et place, une
stratégie d’humiliation a été concoctée contre elle.

Déjà à l’aéroport, elle avait été interdite d’embar-


quer sur un vol Emirates pour la bonne et simple rai-
son qu’elle n’avait pas un ordre de mission signé par le
vérificateur général François Collin. Il s’en était suivi
des échanges de propos aigres-doux avec les agents du
commissariat spécial de l’aéroport. Elle avait fini par
rebrousser chemin. Nafy Ngom Keïta est revenue 4
jours plus tard munie de l’ordre de mission signé par
le vérificateur général pour pouvoir voyager. Excédée
par cette volonté manifeste d’intimidation et d’hu-
miliation, elle finira par demander une disponibilité

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Le dossier du COUD

pour s’installer aux Etats-Unis afin de décrocher un


diplôme en PHD en matière de bonne gouvernance.
Une manière de mettre à l’aise le régime du Président
Sall qui ajoute ainsi à sa liste d’exilés « volontaires »,
après Karim Wade parti à Doha, une autre citoyenne,
Nafy Ngom Keïta.
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9. Cheikh Oumar Hann nommé ministre


de l’Enseignement supérieur,
de la Recherche et de l’innovation

« La récompense n’est pas toujours


donnée à celui qui la mérite. »

Samuel Ferdinand-Lop
Les nouvelles pensées et maximes (1970)

Après le départ-provoqué de Nafy Ngom Keïta de


la présidence de l’OFNAC, Cheikh Oumar Hann
était aux anges. Très en verve, il tonna avec une voix
de stentor : « En son temps, je disais que les attaques
ne venaient pas de l’OFNAC parce que cet organe ne
m’a jamais attaqué. C’est Nafy Ngom Keïta qui m’a
attaqué pour des raisons bassement personnelles. Je
n’accepterai jamais dans la vie que quelqu’un puisse
me faire chanter. » A ce moment, savait-il déjà que son

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Scandale au cœur de la République

mentor-protecteur, le Président Sall, allait fouler aux pieds


les recommandations de l’OFNAC pour le gratifier d’un
poste prestigieux ? En tout cas le départ de Mme Nafy
Ngom Keita, il le savait très bien puisqu’il l’a annoncé à
ses collaborateurs au moins une semaine avant.

A la stupeur et surprise générales, il sera propulsé


ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche
et de l’Innovation pour le second mandat du Président
Sall. Pour une personne à l’endroit de laquelle la cin-
quième recommandation de l’OFNAC était « ...de le
relever de ses fonctions de directeur du COUD pour
entrave à l’exécution normale d’une mission de vérifi-
cation et de prendre toutes les mesures utiles pour qu’il
ne lui soit plus confié la responsabilité de diriger un
organisme public. », cette nomination à un poste aussi
prestigieux est pour le moins étonnant et un parfait
pied de nez aux principes de la bonne gouvernance.
Conséquence : les réactions ont fusé de partout.

D’autant plus qu’on apprenait en même temps qu’il


a été épinglé par l’Autorité de Régulation des Marchés
publics (ARMP). L’ARMP avait décelé un scandaleux
gré à gré dans la gestion et l’exploitation des restau-
rants universitaires Claudel, ESP, ENSEPT, BLOC
ISFAR, ENSECMRT, UFR SANTE, Hôtel du Rail,
Ziguinchor et EPT Thiès. En effet dans sa décision nu-
méro 126/ARMP/CRD, l’instance de régulation des
marchés publics au Sénégal a été catégorique : « Les
prestations relatives à la restauration des universités en

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Le dossier du COUD

objet ont été exécutées en dehors des règles de procé-


dures de passation des marchés. »

Dans son milieu naturel, l’espace universitaire, les


étudiants, stupéfaits, ont considéré cette nomination
ahurissante. Pour eux «… c’est une grande déception
car convaincus qu’il n’a pas les compétences pour tenir
les rênes du ministère ». «… Comment quelqu’un qui
a eu de la peine à gérer le COUD peut-il gérer un por-
tefeuille ministériel ? Sur quelle base a-t-il été nommé ?
Lui qui a été cité dans des scandales et épinglé par des
corps de contrôle » ? Pour les étudiants, «… il n’a pas
été nommé parce qu’il est compétent ou parce qu’il a
fait ses preuves au COUD. Cette nomination ne peut
être que politique. »

En tout cas, la nomination de Cheikh Oumar Hann


au poste de ministre de l’Enseignement supérieur, de
la Recherche et de l’Innovation, le cadeau-surprise
du chef à l’intéressé est la mauvaise surprise pour le
peuple sénégalais. Le Président Macky Sall venait ainsi
de récompenser à sa façon la mauvaise gouvernance.
Et jamais une nomination n’aura créé autant de po-
lémiques. Les partisans de la bonne gouvernance et
de l’orthodoxie dans la gestion des deniers publics
ont beau s’étrangler de rage, rien n’y fit : la volonté du
grand chef était accomplie, même si le peuple, dans son
entièreté, s’en indignait — s’en indignait-il d’ailleurs ?
Car le peuple sénégalais avale trop passivement des
couleuvres, depuis 1960 et surtout depuis avril 2000.
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10. Quand le Procureur de la République


devient l’avocat de Cheikh Oumar Hann

« Nous rendons rarement justice à celui dont nous


croyons avoir à nous plaindre. »

Edouard Bricon — auteur, poète,


libraire (19éme siècle)

On l’avait vu venir ! Acculé le jour où il tenait une


conférence de presse, le 3 mars 2017, sur la caisse
d’avance pour accabler Khalifa Sall, Serigne Bassirou
Gueye, Procureur de la République, avait indiqué sub-
tilement le traitement qu’allaient subir les rapports
de l’OFNAC déposés sur sa table depuis 2016. Plus
précisément, celui consacré à la gestion du COUD.
Sans sourciller, ni prendre de gants, Serigne Bassirou
Gueye déclara : « Le rapport de l’OFNAC sur la ges-
tion du COUD est en train d’être étudié par la section

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Scandale au cœur de la République

financière de mon parquet. Je sais qu’il y a beaucoup


de bruits autour de cette question. Vous verrez, c’est
comme un mauvais gruyère, y a plus de trous que de
fromage… ». Le tout, sur un ton moqueur qui frise la
dérision. La messe était dite ! Le rapport de l’OFNAC
sur la gestion du COUD allait être classé sans suite.

Malgré cette sortie, le rapport de l’OFNAC conti-


nuait d’être un boulet pour le régime de Macky Sall qui
avait du mal à écrire ses lettres de noblesse en matière
de bonne gouvernance. Le rapport sur la gestion du
COUD était devenu une chape de plomb étouffante.
Alors, il fallait lui réserver de manière officielle un en-
terrement de première classe. Et ce sera chose faite. En
tout cas tant que le Président Sall sera aux affaires.

Et ce sera probablement le procureur Serigne Bas-


sirou Gueye qui va s’en charger. Saisi par le gouverne-
ment pour diligenter une enquête sur le scandale du
pétrole qui éclabousserait le Président Sall et son frère
Aliou Sall, le procureur tient une conférence de presse.

A l’occasion, il commence par évacuer « le scandale


du pétrole » qui avait fini de tenir en haleine tout un
peuple, se prononce ensuite sur le rapport de l’OFNAC
mettant en cause la gestion du COUD. Se faisant plus
clair il annonce qu’il a décidé de renvoyer à l’OFNAC
«… son rapport sur un présumé détournement au
COUD, » pour « avoir décelé des dysfonctionnements
dans le dossier ». Ne s’arrêtant pas en si bon chemin,

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Le dossier du COUD

il déclare : « Les enquêteurs de l’OFNAC ont retenu


de prétendus détournements qui, pour eux, pouvaient
être imputés au directeur du COUD, au régisseur, au
chef du service de l’approvisionnement et au comp-
table… ». Il soulignera que «…. l’exploitation du rap-
port les a mis dans des difficultés assez sérieuses. »

Toujours dans sa volonté, d’affaiblir le dossier de


l’OFNAC il poursuit «… En matière judiciaire, il y
a un principe sacro-saint de contradiction ». Tenant
toujours à mettre Cheikh Oumar Hann hors de cause
il affirme «… En ce qui concerne le montant de 82
millions, le directeur du COUD, à qui un présumé
détournement est imputé, n’a pas encore été entendu.
C’est sur cette base que nous avons décidé de faire un
retour du rapport à l’OFNAC. » Clap ! On tourne la
page… Mais c’était sans compter avec Mody Niang,
inspecteur de l’enseignement élémentaire à la retraite,
ancien conseiller technique, puis ancien porte-parole
de l’OFNAC. Tout d’abord, Mody Niang s’inter-
roge sur les 18 dossiers qui dorment sur la table du
procureur depuis 2016. Trois ans après, il ne brandit
qu’un seul dossier : celui du COUD et c’est pour nous
faire remarquer qu’il est émaillé de « faiblesses et dys-
fonctionnements ; pire il n’a pas respecté le droit à la
contradiction ».

L’ancien porte-parole de l’OFNAC de préciser que


« ... le rapport du COUD a été renvoyé à l’OFNAC
qui a bel et bien répondu. » Pourquoi le procureur

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Scandale au cœur de la République

a-t-il omis de le dire ? Et Mody Niang de faire une


mise au point «… l’OFNAC est organisé par une loi.
Cette loi ne prévoit pas un rapport contradictoire…
L’OFNAC mène une enquête, entend les mis en cause
sur procès-verbal qu’ils signent eux-mêmes. C’est eux-
mêmes qui écrivent leurs réponses aux questions qui
leurs sont posées… » souligne-t-il. Pour lui, c’est faux
de dire que Cheikh Oumar Hann n’a pas été entendu.
Cheikh Oumar Hann n’a pas été entendu ! Comment
le Procureur de la République a-t-il-pu faire une telle
déclaration ? L’ancien DG du COUD doit être surpro-
tégé. « Cheikh Oumar Hann a été entendu. Ses agents
ont été entendus par écrit sur procès-verbal. Ils ont si-
gné et ces procès-verbaux ont été joints au dossier puis
envoyés au procureur de la République. » précise-t-il.
Avant d’ajouter «… qu’en un moment donné le direc-
teur du COUD a eu peur de la tournure que prenaient
les événements et a intimé l’ordre à ses agents de ne
pas répondre. Il a fallu que la mission de l’OFNAC
fasse appel à un huissier pour qu’ils se remettent à ré-
pondre aux questions de l’OFNAC. Ça, le procureur
de la République le sait. » Pour Mody Niang, « Ce dos-
sier du COUD a été fait dans les règles de l’art, par
des personnes compétentes en la matière, et tout dos-
sier passe au dernier moment à l’Assemblée générale
de l’OFNAC qui comprend les 12 membres nommés
par le président de la République, laquelle assemblée
est naturellement présidée Mme Nafy Ngom Keïta.
Si tous les membres estiment que ce dossier doit être
transmis au procureur de la République, la présidente

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Le dossier du COUD

y procède ». Et l’ancien porte-parole de l’OFNAC de


révéler que «… durant leurs investigations, les mis-
sionnaires de l’OFNAC se sont rendus compte que des
choses beaucoup plus graves que les faits dénoncés se
sont passés au COUD. Ils ont saisi la présidente de
l’OFNAC à l’époque. Et celle-ci de leur recomman-
der de se limiter aux faits qui ont été dénoncés. Après
traitement de ces faits-là, elle enverra une seconde mis-
sion. Elle a effectivement envoyé cette autre mission
pour enquêter sur les autres faits que les enquêteurs
ont décelés au cours de leurs investigations. C’est à ce
moment-là que les grosses complications ont commen-
cé pour la présidente. On connaît la suite : elle a été
relevée de ses fonctions. Donc, la seconde mission n’a
pas pu aller jusqu’à son terme. »

Ces répliques de Mody Niang vont donc à l’en-


contre des arguments faciles du procureur dont d’ail-
leurs nombre de compatriotes doutaient déjà de leur
pertinence, de leur sérieux tout court.

Ces explications de Mody Niang seront confor-


tées par l’actuelle présidente de l’OFNAC. Seynabou
Ndiaye Diakhaté qui, rompant son silence enfin, dira
« J’ai beaucoup de respect pour mon collègue, le pro-
cureur de la République, mais ça m’étonnerait qu’il
puisse nous retourner nos dossiers d’enquête (...)La
procédure pénale en cours à l’Ofnac, n’est pas celle
qui est prévue dans le Code de procédure pénale.
L’OFNAC ne travaille ni sous l’autorité, ni sous la

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Scandale au cœur de la République

direction du procureur de la République. Ce sont les


officiers de police judicaire et les agents de police ju-
dicaire qui travaillent sous son autorité.... Le dossier
du Coud a été transmis au procureur depuis 4 ans.
Lui-même, dit avoir reçu 19 rapports de l’OFNAC.
Et aucun dossier n’a été exploité. Je l’invite plutôt à
exploiter les dossiers reçus de l’OFNAC pour prendre
une décision » 12

Dans un remarquable commentaire en réaction à la


sortie du procureur sur le « scandale du pétrole », Ma-
madou Oumar Ndiaye écrivait «…. On nous dit que
toute la lumière va être faite par la justice sénégalaise.
Encore une fois, ce n’est pas un gag : cette même justice
qui a fini de faire la preuve de son asservissement et de
son aplatissement devant le président Macky Sall, cette
même justice qui avait mis sous le coude, voire dormi
sur les dossiers du COUD, du Prodac... L’on nous prie
de croire que cette glorieuse justice couchée se débar-
rassera, croix de bois, croix de fer, de ses chaînes pour
une fois, afin d’enquêter en toute indépendance et im-
partialité sur celui qui la tient sous sa botte. Ce n’est
pas Noël, voyons, et puis, de toutes façons, les adultes
que nous sommes, et mêmes les enfants d’ailleurs, ne
croient plus au Père Noël. Le Parquet n’étant dans nos
pays, et c’est encore plus vrai au Sénégal, qu’une ma-
rionnette de l’Exécutif, et le Président Macky Sall ex-
cellent dans l’art de tirer les ficelles… On nous prend
12. 26 Juin 2019 en marge de l’atelier de validation technique du rapport de
la stratégie nationale de lutte contre la corruption

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Le dossier du COUD

pour des idiots. » . C’est du « Foutage de gueule » pour


reprendre le titre du commentaire Mamadou Oumar
Ndiaye.
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Conclusion

« Ou, comme on peut le lire dans Les Suppléants


d’Eschyle (page 24) :
Le Coryphée – La justice protège ceux qui com-
battent pour elle.
Le Roi — Oui, si dès le début elle a été de votre
côté. »

Avons-nous été tout simplement naïfs ? Car, le


Président Sall, malgré ses discours sur la bonne gou-
vernance, nous a à maintes reprises mis en garde.
Ainsi répondant à une interview de l’hebdomadaire
« Jeune Afrique », qui l’accusait de poursuites sélec-
tives, il précisait « Il n’y a pas d’acharnement sur qui,
que ce soit. Vous seriez surpris par le nombre de dos-
siers auxquels, je n’ai pas donné suite. » Mieux, à la
Voix de l’Amérique, il répondra sans sourciller : « J’ai

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Scandale au cœur de la République

mis sous le coude beaucoup de dossiers »13. Il fait ici


un aveu de taille qui ne prête à aucune équivoque : il
est le seul maître à bord, le seul maître des poursuites
judiciaires. La destination d’un rapport d’un organe
de contrôle lui incombe. Et il en fait ce que bon lui
semble. Un point, un trait ! Pour le paraphraser. Quant
à l’OFNAC, comme le résume si bien Mody Niang,
inspecteur de l’enseignement élémentaire à la retraite,
ex-conseiller technique et porte-parole de l’OFNAC
« L’office est devenu ce pour lequel le président de la
République l’avait créé : une sorte de faire-valoir. Il a
rendu ainsi inoffensif l’Office, l’a rabougri et réduit à
sa plus simple expression. » Il ajoute : « On n’en entend
pratiquement plus parler d’ailleurs. Pourtant, confor-
mément à la loi, il doit publier annuellement un rap-
port d’activités, après l’avoir présenté au président de
la République. Nous sommes en fin 2018, les rapports
de 2016 et de 2017 sont toujours attendus ». Et Mody
Niang de faire remarquer que «…. l’OFNAC n’est pas
le seul organe de contrôle à être rendu muet par le pré-
sident de la République. Comme l’Office, l’IGE n’a
rien publié depuis 2015 et son “Rapport public sur
l’état de la gouvernance et de la reddition des comptes”
qu’elle doit publier chaque année est toujours attendu.
L’inspecteur d’éducation est d’avis “qu’il n’y a rien à
13. A la faveur du premier sommet Etats Unis/Afrique Août 2014 Macky
Sall va accorder plusieurs interviews au site Jeuneafrique.com, à la Voix de
l’Amérique, et à la Radio France Internationale (RFI). Acculé sur la conduite
des dossiers judiciaires il dira « Il n’y a pas d’acharnement, sur qui que ce
soit. Vous seriez surpris par le nombre de dossiers auxquels je n’ai pas donné
suite. »

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Le dossier du COUD

faire pour permettre à l’OFNAC d’exercer pleinement


sa mission de prévention et de lutte contre la fraude,
la corruption, les pratiques assimilées et les infractions
connexes. Vraiment rien, tant que le Président-poli-
ticien est à la tête du pays. Rien ne peut se faire en
matière de contrôle, de lutte contre la corruption, la
fraude et autres pratiques assimilées sans son feu vert.
Or, tout le monde sait qu’il a horreur du contrôle, sur-
tout du contrôle dont les résultats sont rendus publics.
Avec lui à la tête du pays, rien vraiment rien ne se fera
pour permettre à l’OFNAC, à l’IGE et à d’autres or-
ganes de contrôle de faire leur travail.”

En tout cas la remplaçante de Nafy Ngom Keïta,


Seynabou Ndiaye Diakhaté a réussi sa mission : ré-
duire l’OFNAC au silence total devant les scandales de
corruption et de concussion de grande envergure qui
alimentaient et alimentent toujours les débats. Pire,
au moment où on attendait le deuxième rapport déjà
bouclé par Nafy Ngom Keïta et dont la sortie était pré-
vue entre le mois de novembre et décembre 2016, une
surprise nous attendait. Le rapport portait sur l’affaire
Petro-Tim, le détournement dans certains centres fis-
caux, le scandale foncier sur le domaine public mari-
time. En lieu et en place, Seynabou Ndiaye Diakhaté
et son équipe publient une étude sur la perception de
la corruption réalisée en 2016. Une véritable insulte à
l’intelligence des Sénégalais.

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Scandale au cœur de la République

Acculé par l’opinion publique à cause de la léthar-


gie de l’OFNAC et du non-respect de la publication
de rapport annuel, à l’approche de la présidentielle
2019, une cérémonie de remise solennelle de rapport
est organisée au Palais. Le 05 octobre 2018, Seynabou
Ndiaye Diakhate remet le rapport 2016 de l’OFNAC
au chef de l’Etat. Un rapport roman qui ne révèle rien.
D’ailleurs le Président Sall, très heureux de son com-
portement, va la gratifier d’un second mandat de trois
ans à la tête de l’OFNAC.

Mais on avait fini par être édifié sur ce régime qui


nage en plein et en permanence dans la tromperie ou
escroquerie sur la marchandise, pour reprendre mon
cher confrère Momar Diongue.

Je terminerai par ces paroles de mon regretté ami,


l’ancien ministre feu Me Jacques Baudin : “L’impru-
dence d’un chef d’Etat qui persiste dans l’erreur est
de n’écouter que les laudateurs dont il s’entoure et de
balayer d’un revers de main toute forme de critique,
fût-elle constructive.” Et de mettre en garde, en pa-
raphrasant Racine dans Athalie : “L’esprit de l’impru-
dence et de l’erreur, de la chute des régimes, funeste
avant-coureur.” Que cette mise en garde soit matière à
réflexion pour ceux qui nous gouvernent aujourd’hui,
comme qui aspirent à nous gouverner demain !
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Table des Matières

Préface 7
Introduction 13

Première partie 17
Avant-propos
« Le temps de l’impunité est révolu… » Macky Sall 19
1. L’OFNAC, la trouvaille de Macky SALL 25
2. Les déboires de l’OFNAC 31
3.L’OFNAC, une naissance aux forceps 35

Deuxième partie 41
1. Rapport d’activités 2014 — 2015
de l’OFNAC : Le coup de tonnerre 43
2. Le Centre des œuvres universitaires
de Dakar (COUD) 45
3. Le COUD, la vache à lait de tous
les régimes politiques 49
4. Le limogeage de Sitor Ndour et la
nomination d’Abdoulaye Diouf Sarr 53
5. COUD, le règne de l’impunité 59
6. Les révélations du Rapport de l’OFNAC 61

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Scandale au cœur de la République

Troisième partie 97
1. Le Palais en ébullition 99
2. Le président de la République bloque
le rapport de l’OFNAC 105
3. Cheikh Oumar Hann contre-attaque 111
4. Le Président Sall veut à tout prix la tête de Nafy
Ngom Keïta 115
5. Une séparation à la tronçonneuse 119
6. Nafy Ngom Keïta attaque le décret 123
7. Les éclairages du professeur de Droit
administratif Jacques Mariel Nzouankeu 127
8. Les misères de Nafy Ngom Keïta 131
9. Cheikh Oumar Hann nommé ministre de
l’Enseignement supérieur, de la Recherche et
de l’innovation 135
10. Quand le Procureur de la République
devient l’avocat de Cheikh Oumar Hann 139

Conclusion 147
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Scandale au cœur de la République Pape Alé Niang

Pape Alé Niang


Élu le 25 mars 2012 quatrième président de la République du Sénégal,
Macky Sall s’est voulu l’apôtre de la bonne gouvernance. À l’occasion

Scandale au cœur
de son premier discours à la nation, le 3 avril 2012, il déclara
solennellement : « L’assainissement de l’environnement des affaires et la
lutte contre la corruption et la concussion me tiennent particulièrement
à cœur. » D’un ton ferme, Macky Sall prévenait sans équivoque ses
collaborateurs et les membres de sa coalition en ces termes : « À tous

de la République
ceux qui assument une part de responsabilité dans la gestion des deniers
publics, je tiens à préciser que je ne protégerai personne. Je dis bien
personne !  »

Scandale au cœur de la République


« Malheureusement, à l’épreuve des faits, ces engagements ont fondu
comme du beurre au soleil. D’une "gouvernance sobre et vertueuse »
on est passé à une « gouvernance sombre et vicieuse". En attestent les
révélations du rapport 2014-2015 de l’Office national de lutte contre la
Fraude et la Corruption (OFNAC) sur la scandaleuse gestion du Centre
des Œuvres universitaires de Dakar (COUD).
Un carnage financier qui est resté sans suite judiciaire. Et qui
Le dossier du COUD
illustre la tromperie politique de nos dirigeants sur les questions de
bonne gouvernance. »
Pape Alé Niang

Titulaire d’une maîtrise en sociologie à l’université Cheikh Anta Diop de


Dakar et diplômé de l’Institut supérieur des Sciences de l’Information et de
la Communication (ISSIC), Pape Alé Niang est journaliste. En 2007 il sera
rédacteur en chef de la première chaîne de télévision privée au Sénégal, la
2STV. Membre de la Cellule Norbert Zongo (CENOZO), qui regroupe les
journalistes d’investigation en Afrique de l’Ouest, Pape Alé Niang se fait re-
marquer par son indépendance dans l’exercice de son métier, mais également
par sa témérité à débusquer les méthodes et manœuvres aux antipodes de la
bonne gouvernance.
Photo © Adobestock

ISBN : 979-10-302-0323-3

17 €
2020-1

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