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EA : cas du Mont Saint Michel

1. Un site emblématique

Sur un îlot rocheux au milieu de grèves immenses soumises au va-et-vient de puissantes


marées, à la limite entre la Normandie et la Bretagne, s'élève la « merveille de l'Occident »,
abbaye bénédictine de style gothique dédiée à l'archange Saint Michel, et le village né à l'abri
de ses murailles.

Sanctuaire situé en un lieu peu accessible, le Mont-Saint-Michel est un des hauts lieux de la
civilisation chrétienne du Moyen Âge dans ses aspects les plus caractéristiques.

Le Mont Saint Michel est aujourd’hui le site littoral le plus visité en France avec près de 2,4
millions de visiteurs annuels estimés. Son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO
en fait un site emblématique du patrimoine français.

2. Un site en danger

Cette merveille de l’occident a cependant été menacée dès la fin du 19ème siècle. La
construction de canaux à proximité de la baie afin d’améliorer l’irrigation des terres agricoles
adjacentes conduit à une poldérisation de la Baie, favorisant donc son ensablement. Ce
phénomène est largement intensifié par la construction en 1879 de la digue qui relie le Mont
au continent et la mise en service en 1969 du barrage de La Caserne empêchant la marée
de remonter le Couesnon.

Les conséquences sont irréversibles, le flux de la marée montante étant plus important que le
flux de la marée descendante les sédiments se déposent au fond des baies et favorise
l’ensablement de la baie.

De multiples études menées dans les années 1970 tirent la sonnette d’alarme concernant la
perte imminente du caractère maritime du Mont Saint-Michel. Il devrait être totalement
ensablé en 1995 et entièrement entouré d’herbus en 2042. L’Etat met alors à l’étude le
‘désensablement’ du Mont-Saint-Michel. La recherche d’une puissance suffisante pour
chasser le sable propose un projet au coût juger exorbitant, ce qui engendrera l’abandon de
ce dernier pour cette raison en 1989.

3. Une opération de restauration de grande envergure

Afin de ralentir la continentalisation du Mont Saint Michel à cause du processus de


sédimentation qui le menace, le Mont a fait l’objet d’une multitude de discussions concernant
le rétablissement de son caractère maritime malheureusement jamais mises en place. C’est
sous l’angle du paysage que cette question est reprise, avec l’organisation en 1991 par l’Etat
d’un concours d’idées, entre cinq architectes ou paysagistes, en vue d’un aménagement
global du site.

Aucune décision ne sera alors cependant arrêtée mais la réhabilitation du site de la Pointe
du Raz en 1994 conduit le Premier Ministre à souhaiter une intervention au Mont-Saint-
Michel. Après plusieurs mois de concertation avec les collectivités locales devant en
assumer la maîtrise d’ouvrage, ce dernier annonce en avril 1995 le projet du ‘rétablissement
du caractère maritime du Mont-Saint-Michel’.
Même si le contenu du projet initial a subi plusieurs évolutions depuis son lancement, le jour
de son lancement il s’inscrit dans un objectif double fixé par Édouard Balladur le 28 mars
1995 et rappelé par le CIADT de juillet 1999 de :

 Rétablir le caractère maritime du Mont Saint-Michel


 Requalifier le site en valorisant l'acceuil et l'approche des visiteurs

Ce projet monumental s’appuie sur des objectifs préétablis qui se résume en quatre points
Pour cela, il a été prévu de :
 Transférer les parcs de stationnement et réaliser des bâtiments d’accueil du public ;
 Couper la digue route actuelle et la remplacer par un pont passerelle afin de libérer
l’espace proche du Mont sur lequel vient buter la digue ;
 Dégager les remblais adossés aux remparts afin de restaurer la vision des
fortifications dominant la grève, tout en maintenant un accès permanent au Mont (les
travaux relatifs aux fortifications sont sous maîtrise d’ouvrage du ministère de la
Culture) ;
 Mettre en service des navettes permettant le transport des visiteurs depuis les parcs
de stationnement, jusqu’au Mont.

L’objectif de ce projet peut alors être entraperçu sous un angle plus général : le
rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel vise à concilier l’activité
touristique de masse et la protection d’un site patrimonial à haute valeur culturelle. Ce projet
colossal ne se limite donc pas à simplement modifier le Mont seul mais implique de prendre
en compte son environnement et son paysage maritime altérés depuis des dizaines d’années
par les mauvaises politiques d’aménagement du territoire sur les abords du Mont Saint
Michel. En effet, le Mont Saint Michel ne s’appréhende pas uniquement au travers de son
patrimoine bâti, il s’envisage plutôt dans sa globalité, intégrant le patrimoine naturel qui
l’entoure. D’ailleurs, ce sont bien le monument et la baie qui sont inscrits sur la liste du
patrimoine mondial de l’Unesco et qui font l’objet de nombreuses mesures de protection.

Ce projet s’inscrit donc dans une logique de développement et de gestion durable d’un site à
héritage culturel exceptionnel et représente comme cet article le montrera par la suite un
exemple de stratégie de gestion du patrimoine.
4. Un projet en plusieurs étapes

Ce vaste projet initié en 1995 a duré près de 20 ans. Depuis le 22 juillet 2014, les visiteurs
peuvent se rendre au mont par les nouveaux ouvrages d'accès créés par l'architecte Dietmar
Feichtinger. Ces 20 années de gestion de projet auront été parfois chaotique comme le
reconnait l’Etat lui-même. Ainsi le rapport de 2013 de la Cour des comptes trouve ce projet
« mal conduit » et s'interroge sur sa pertinence quand bien même l’Etat s’était alors engagé à
hauteur de près de 85 millions d’euros.

Ces critiques et cette perpétuelle remise en question de ce projet lui ont cependant permis de
ne jamais laisser s’enliser ce projet d’ampleur. Après un premier rapport initial en 1995 pour
lancer le projet, trois autres rapports sur le projet de rétablissement du caractère maritime du
Mont-Saint-Michel ont fait l’œuvre de Missions Interministérielles avec notamment la
participation de l’inspection générale des finances et de l’administration dès 2005, puis celle
des affaires culturelles et du conseil général de l’environnement et du développement durable
à partir de 2013 lorsque le projet a évolué suite à une prise de conscience plus globale du
projet avec l’ajout des dimensions écologiques et sociales.

Les trois rapports seront présentés par la suite afin de comprendre toute leur importance dans
la gestion du projet. L’Etat a choisi d’avoir une vision critique de ce travail d’ampleur afin de
ne jamais tomber dans la caricature et de toujours pouvoir modifier la direction du projet si
jamais ce dernier n’allait pas dans le bon sens.
Rapport de 2005 : un projet coûteux mais jamais remis en question

Ce premier rapport montre les limites de la gouvernance. La conduite du projet a été


globalement satisfaisante du point de vue de sa gestion technique. En revanche, sa grande
faiblesse a été que la contrainte budgétaire n’est jamais apparue comme déterminante dans les
choix, en dépit du coût potentiel du projet. Plus concrètement, les grandes compétences
techniques mises au service de ce projet par l’Etat n’ont pas eu d’équivalent en matière de
contrôle budgétaire. La limitation des dépenses, tant du point de vue du coût d’investissement
que de fonctionnement, n’est pas apparu comme une véritable contrainte.

Si l’on compare ainsi globalement les coûts estimés en décembre 2004 à ceux du programme
de 1995 actualisés par l’inflation (31,4% selon l’index TP01), les dépenses passent de 80M
d’euros à près de 220M. Les principales causes d’évolution des coûts peuvent être ainsi
résumées :
 L’évaluation de 1995 avait été établie sans projet préalable
 Deux évolutions majeures sont en effet intervenues dans le programme, concernant
l’hydraulique et le parc de stationnement, en 1999 :
o les coûts de l’hydraulique sont multipliés par 8, pour un programme beaucoup
plus ambitieux (cf. point 2 ci-dessous).
o A partir d’une interprétation restrictive de la loi littoral, le futur parc de
stationnement ne sera pas implanté en limite du domaine public maritime entre
le Mont (au nord) et le hameau de La Caserne (au sud), mais au sud de la
Caserne, beaucoup plus en arrière du rivage.

Mais ce premier rapport ne se limite pas à montrer les limites de la gouvernance, il propose
des solutions et des enseignements du passé afin d’améliorer la gestion du projet et de rendre
la gouvernance plus efficace. Les trois enseignements majeurs sont les suivants :
- d’une part, en recherchant des modes de gestion du projet plus adaptés à la phase de
réalisation puis le cas échéant de fonctionnement (1) ;
- d’autre part, en réexaminant le processus de décision pour permettre à l’Etat de se faire
entendre sur les choix techniques et budgétaires (2) ;
- enfin, au sein de l’Etat, par une meilleure identification et revalorisation de la fonction
budgétaire (3).
Rapport de 2013 – 2014 : Un projet non plus seulement technique mais durable

Deux rapports ont été rendu en octobre 2013 et mars 2014 afin de faire un bilan de la gestion
du projet.

Le premier rapport porte sur le bouclage financier du projet et sur le service public relatif au
stationnement et au transport des visiteurs. La mission indique que :
 Le projet RCM sera achevé dans le respect de l’enveloppe financière de 180 millions
d’euros
 Le fonctionnement du site en général et le dispositif d’accueil des visiteurs en
particulier ne visent pas à assurer la satisfaction des visiteurs
Suite à ce rapport, la mission recommande plusieurs actions que ce soit à l’Etat ou au syndicat
mixte, qui sont :
 D’engager conjointement une stratégie commerciale répondant prioritairement aux
attentes de la clientèle touristique
 De clarifier rapidement la répartition des responsabilités entre l’Etat et le syndicat
mixte

Le second rapport porte sur la question de la gouvernance la plus appropriée pour l’après
2015, date de la fin des travaux du rétablissement du caractère maritime. Ce rapport
représente une prise de conscience du problème globale et des enjeux du projet. Celui-
ci a été géré jusqu’à maintenant avec une approche purement technique dans laquelle
les objectifs culturels, environnementaux et touristiques qui constituaient le prétexte
fondateur du projet en ont été oublié.

Le rapport assure qu’il n'est pas trop tard pour construire les bases du projet culturel et
environnemental, condition sine qua non du projet touristique.
Le projet de développement touristique devrait en conséquence se fonder sur cette alliance
porteuse de sens. L’objectif final est donc de relier mer et terre dans une vision du
développement durable qui repose sur la volonté de préserver de façon égale pour les
générations futures l’environnement (faune, flore, paysages…) et le patrimoine monumental.
Le projet initial de rétablissement du caractère maritime dans sa dimension technique
devient la pierre angulaire de ce projet global.

Ce rapport se conclut sur l’impératif de transformer l’organisation du Mont Saint-Michel afin


de pouvoir mener à bien ce projet global. En effet, la mission a fait le même constat que
l’UNESCO en 2011 : le Mont Saint-Michel est « un labyrinthe d’organisations responsables »
qui a profondément besoin d’être simplifié.
Rapport de 2017: la conclusion d’un projet de développement durable d’ampleur

Deux décisions sont prises :

 Le Gouvernement engage la création d’un établissement public à caractère industriel


et commercial (EPIC) national du Mont-Saint-Michel, dont la mission sera de
coordonner la gestion et le développement du site, depuis le stationnement et les
transports jusqu’à l’Abbaye ;
 Dans la phase de création de l’EPIC, l’Etat reprend la responsabilité de l’exploitation
du barrage sur le Couesnon pour poursuivre les travaux hydrauliques et le suivi
environnemental de la Baie, confirmant ainsi l’enjeu national que recouvrent ces
travaux. Cette décision conduira l’Etat à apporter l’ensemble des financements
nécessaires pour l’exploitation du site, pour 2017 et 2018, dans l’attente d’une
décision définitive sur l’insertion de ce barrage dans le périmètre d’un futur
établissement assurant la gestion et le développement du Mont Saint-Michel.

Rapport parallèle : gestion de l’aspect environnemental

On retrouve tous les piliers du DD:


 Social (touriste)
 Économique (gestion des fonds)
 Écologique (sauver le site)

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