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AMOS

1. CONTEXTE POLITIQUE ET RELIGIEUX

Pour tracer un tableau de l'époque d'Amos nous avons de sources bibliques et de


sources extrabibliques:
 Sources bibliques: Allusions dans le livre même d'Amos; Livre des Rois1.
 Sources extrabibliques: Ostraca de Samarie (période de Jéroboam II); Documenta-
tion des fouilles archéologiques assyriennes.

1.1. L'époque historique: situation politique

Omri avait choisi Samarie comme capital du royaume du Nord (1 R 16,23-28), où


Amos réalise son activité pendant le deuxième quart du VIIIe siècle, à l'époque de Jéroboam II
(Am 1,1; 7,9-16), dont le règne fut long (40 ans environ: 783-743) et prospère.

1.1.1. La situation historique dans le Proche - Orient


Dans l'horizon d'Israël apparaît déjà une puissance étrangère: l'Assyrie. Pour l'instant
son heure n'est pas encore arrivée:
 Salmanassar III arrive à vaincre une coalition, en 853, dont Israël en faisait partie,
mais Achab n'a pas payé de tribut, c'est Jéhu qui le paiera.
 Après l'activité guerrière de Salmanassar III, l'Assyrie retourne à une période
d'inactivité. Israël en profite pour se retourner contre ses voisins araméens de Damas et contre
les Ammonites pour régler leurs différends.

1.1.2. Incidents d'Israël avec ses voisins


 Les Araméens dont la capitale était Damas. Le roi Hazaèl était un ennemi dange-
reux (Am 1,3-4; cf. 1 R 19,15s; 2 R 8,15; 10,32-33; 12,18; 13,3).

1
Il faut garder une certaine méfiance du point de vue historique, à cause de la théologie de la rétribution de la
rédaction deutéronomiste des livres des Rois.

1
 Les Ammonites, dont la capitale était Rabba, profitèrent de la difficile situation
d'Israël à cause de Damas et ils l'attaquèrent cruellement dans la région de Galaad (Am 1,13).
 Après la période d'inactivité assyrienne, un autre roi, Adad-Nirari III part contre
Damas (vers 800) et la réduit à l'impuissance avec son roi Ben-Hadad II. Cela donne un répit
à Israël. L'Assyrie retourne à l'inactivité, mais elle sera toujours une sérieuse menace. Tant
que cette menace est endormie, Israël peut faire comme si de rien n'était.

1.1.3. Succès guerriers de Jéroboam II


Après la conquête de Damas, au temps de Ben-Hadad, successeur de Hazaèl, nous
assistons à un mouvement de reprise en Israël avec Jéroboam II (2 R 14,25). Il restituât les
frontières jusqu'aux limites de l'empire de Hamat à l'Arabah, récupérant les territoires envahis
par les Araméens et les Ammonites.
Jéroboam, sans aucun doute, fut un grand roi, un de plus grands d'Israël. Le livre des
Rois ne nous dit pas grande chose, car les thèses deutéronomistes interdisaient toute louange
d'un roi schismatique, comme tous les rois d'Israël (royaume du Nord).

1.2. Contexte économique

La conséquence de la paix établie par Jéroboam II fut une grande prospérité écono-
mique:
 La paix favorisait le commerce international, étant donnée la situation géogra-
phique privilégié de la Palestine, lieu de passage entre l'Égypte, l'Arabie, la Transjordanie et
les ports phéniciens. Les caravanes devaient payer des impôts (Ez 26,2).
 Grâce à cette prospérité, quelques commerçants et spéculateurs s'étaient enri-
chis et menaient une vie luxueuse à Samarie, dans des palais en ivoire, avec des maisons
d'hiver. C'était le luxe, la vie sybarite, le gaspillage (Am 3,12.15; 4,1; 5,11; 6,4.6).
 Ces paroles d'Amos ont été confirmées par les découvertes archéologiques à Sama-
rie. Les restes découverts appartiennent, sans aucun doute, à l'époque de Jéroboam II. Nous
sommes donc à la moitié du VIIIe siècle av. J.-C.

1.3. Contexte social et religieux

 Cette prospérité cachait, cependant, une décomposition sociale:

2
 La condition de la classe humble était très dure et l'État ne faisait rien pour la sou-
lager. Il y avait de grandes injustices et de différences brutales entre riches et pauvres. Ce
système, dur en soi-même, s'aggravait par la convoitise des riches qui exploitaient les pauvres,
devenant leur situation de plus en plus insupportable (3,9s; 5,11).
 L'immoralité régnait tous azimuts: dans le commerce: balances faussées (8,4-6);
dans la justice: juges corrompus (2,6; 5,7; 5,12; 6,12); désordre sexuel: père et fils vont vers
la même fille (2,7).
 Une grande corruption religieuse accompagnait cette décomposition sociale:
 L'activité religieuse était très intense: les grand sanctuaires étaient en pleine activi-
té, mais la religion ne se conservait pas dans toute sa pureté: Béthel, Guilgal; Béer-Shéva
(4,4s; 5,5.21-23). Beaucoup de sanctuaires étaient ouvertement païens, encourageant les cultes
de la fertilité et pratiquant la prostitution sacrée. D'autres, la plus grande partie, même s'ils se
présentaient comme des sanctuaires yahvistes, leur culte était complètement détourné, jouant
une fonction totalement négative: apaiser la divinité avec de rites et de sacrifices pour tran-
quilliser la conscience, croyant ainsi garantir le bien-être du pays. Ce culte purement forma-
liste et extérieur complètement dissocié d'un comportement éthique juste est durement criti-
qué par Amos.
 Tout cela était uni à une conception tout à fait erronée de la religion israélite: Les
bienfaits de YHWH du passé n'encourageaient pas la générosité, mais un sentiment de sécuri-
té et de supériorité. L'alliance était restée lettre morte sans aucune influence sur la vie quoti-
dienne. Malgré tout, le peuple attendait encore "le jour du Seigneur" (hw"hy> ~Ay:
5,18).
Dans ce contexte de prospérité économique et de stabilité politique, d'inégalités so-
ciales et d'injustices, de paganisme et de corruption religieuse, apparaît ce premier prophète
avec son oeuvre écrite: Amos2.

2
Cf. L. ALONSO SCHÖKEL – J.L. SICRE DIAZ, Prophètes, vol. II. Ediciones Cristiandad. Madrid 1980,
p.952.

3
2. LA PERSONNE DU PROPHÈTE

2.1. Date et lieu de naissance et profession

 Sur la date de sa naissance, ainsi que celle de sa mort, nous ne savons rien.
 Quant au lieu de sa naissance, le texte nous dit qu'il est originaire de Téqoa, bour-
gade à 9 km au sud-est de Bethlehem (1,1), au royaume du Sud. Il est donc juif.
 Concernant sa profession, le prophète affirme qu'il est éleveur du bétail et cultiva-
teur de sycomores3 (7,14; cf. 1,1). Était-il propriétaire ou salarié? Les deux cas sont possibles:
 La vente et l'achat d'animaux, ainsi que la culture de sycomores4, l'ont obligé, sans
doute, à effectuer de nombreux voyages.
 Cela explique les renseignements qu'il nous donne sur les événements des pays voi-
sins dont il connaît à fond leur situation sociale, politique et religieuse, surtout
d'Israël.
 Il apparaît comme un homme intelligent qui n'aime pas les idées abstraites, mais,
par contre, il saisi les problèmes en profondeur et les attaque à leur racine.
 Son langage est dur, énergique et concis.
Mais il n'est pas un prophète professionnel: il n'a aucune relation avec la prophétie ni
avec les confréries prophétiques (7,14). Pourtant, il a la pleine conviction que Dieu l'a envoyé
à prophétiser à Israël: il le sent comme un ordre irrésistible (3,8). Nous ne connaissons pas
avec certitude la date de sa vocation, mais la plupart d'auteurs la situent entre 760 et 7505.

2.2. Activité prophétique

Amos réalisa son activité prophétique dans le royaume du Nord, dans le royaume
d'Israël. Certains auteurs pensent que son activité prophétique fut très brève. Morgenstern
réduit son activité à un seul discours de 20 ou 30 minutes, mais cela est difficile à concilier
avec toute la série des petits oracles conservés dans le livre.

3
Plante de la famille des moracées. C'est un figuier propre d'Égypte, avec des feuilles semblables à celles du
mûrier, qui donne de fruits petits, de couleur blanche jaunâtre et de bois incorruptible qui utilisaient les égyptiens
pour fabriquer les sarcophages où on déposait les momies.
4
Le sycomore ne se donnait pas à Téqoa, mais à la Mer Morte et à la Shéphéla.
5
Selon Alonso Schökel, Wolf, basé sur la dureté et concision du langage, pense qu'il était jeune, mais ce n'est
qu'une simple hypothèse. (Cf. L. ALONSO SCHÖKEL – J.L. SICRE DIAZ, op. cit., p. 953).

4
Il est très probable que sa prédication ait duré quelques semaines ou quelques mois à
divers endroits: Béthel, Samarie, Guilgal. Selon nombreux auteurs, cette activité finit avec
l'opposition des dirigeants (7,10-13). D'autres pensent qu'il continua son activité prophétique
dans le royaume du Sud.

3. MESSAGE DU PROPHÈTE

3.1. Thème des visions

Pour comprendre le message d'Amos il faut commencer par les visions, même si elles
se trouvent à la fin du livre.
C'est vrai que les visions ne sont exactement pas l'équivalent de l'expérience de sa
vocation. Pourtant, elles reflètent l'expérience profonde que Dieu avait fait vivre au prophète
et l'attitude adoptée par celui-ci dans sa prédication.
Il est important noter une progression croissante:

3.1.1. Première et deuxième vision (7,1-6)


La scène de deux visions est semblable et se présente en trois temps: 1e) Dieu mani-
feste sa volonté de punir le peuple. 2e) Le prophète intercède. 3e) Dieu a pitié et pardonne.
Amos centre son attention sur le châtiment sans penser s'il est juste ou injuste. La rai-
son de demander pardon s'appuie sur la "petitesse" du peuple.

3.1.2. Troisième et quatrième vision (7,7-9; 8,1-3)


Ce qui caractérise ces deux visions c'est le fait que Dieu oblige le prophète à fixer son
attention sur la situation du peuple:

3.1.2.1. Troisième vision (7,7-9)

Une fois de plus nous avons trois temps dans la vision: 1e) Israël est comparé à un mur
qui menace ruine. 2e) Dieu met le fil à plomb qu'il a dans sa main. 3e) Amos comprend par là
que le mur ne peut plus tenir debout (cf. Is 34,11; 30,13).

5
Cette fois-ci le mal n'est pas dehors (sauterelles, sécheresse), mais dedans. En consé-
quence, l'intercession n'a pas de sens et Amos se tait.

3.1.2.2. Quatrième vision (8,1-3)


Israël ressemble à une corbeille de fruits mûrs. L'oracle s'appuie sur un jeu de mots:
#yIq' / #qe (figue, fruit d'été, fruit mûr / fin, ruine). La vie des fruits finit avec sa matu-
rité et à ce moment il est à la merci du premier passant. La même chose arrive au royaume du
Nord.

3.1.3. Cinquième vision (9,1-4)


Cette vision développe la même idée, mais avec une image différente: le tremblement
de terre (9,1s) qui laisse la place à une catastrophe militaire suivie d'une persécution, œuvre
de Dieu même.
Nous comprenons mieux la progression croissante des visions: d'un châtiment appa-
remment injustifié (1e et 2e: sauterelles, sécheresse) on passe a la révélation de la corruption
du peuple (3e et 4e: mur qui menace ruine, corbeille de fruits mûrs) qui fait que la catastrophe
soit inévitable (5e: tremblement de terre). Voilà ce qui arrivera 40 ans plus tard, lorsque
l'Assyrie envahira Samarie et tout le royaume du Nord disparaîtra. Évidement, dire cela au
temps de Jéroboam II était une folie, une chose impossible à comprendre et à accepter.

3.2. Thème du châtiment

Le thème du châtiment se répète tout au long du livre comme un leitmotiv insistant:


 Des annonces générales (2,13; 5,17).
 Des annonces concrètes (3,11; 4,2-3; 5,9.27; 6,8b-9.11.14).
Mais Amos ne se limite pas à parler de châtiment, il donne aussi les raisons qui l'ont
motivé, en dénonçant de péchés concrets et spécialement en parle de quatre:
 Le luxe.
 L'injustice.
 Le faux culte.
 La fausse sécurité religieuse.

6
3.2.1. Le luxe des hautes classes de la société
C'est une des choses qu'Amos critique le plus des hautes classes de la société israélite,
en observant leurs magnifiques bâtiments et leur style de vie. Il s'attaque aux palais des riches,
à leur deuxième résidence (3,15) où ils passent leur temps à festoyer, entourés de toutes sorte
de confort (6,4-6a)6. Au luxe est uni le fait l'insouciance qui est nécessaire pour ne pas gâter la
jouissance (6,6b). Comme souligne Von Rad, ce luxe a des racines plus profondes: "ce qu'il
(Amos) regrette des classes supérieures est quelque chose de très intime; il ne s'agit pas de la
transgression de commandements déterminés, puisque aucun commandement n'interdisait pas
coucher sur de luxueux lits ou s'oindre des huiles très coûteuses, ainsi qu'il n'existe non plus
aucun autre qui oblige à s'affliger des malheurs de Joseph. Il y a donc une attitude totale visée
par Amos; c'est une compassion solidaire avec les événements du peuple de Dieu"7.

3.2.2. Les injustices


Le pire de cette situation c'est que seulement les riches peuvent se permettre cela aux
dépens de pauvres, en les oubliant (6,6b) et en les opprimant. En somme, ce que les riches
amassent dans leurs palais ne sont pas des "maisons d'ivoire" (3,15), ni des "divans de Da-
mas" (3,12b), mais "violence et rapine" (3,10). Ils ont obtenu leurs richesses "en opprimant les
pauvres" (4,1), "en méprisant les indigents" (5,11), "en leur dépouillant" (8,4), "en réduisant
les pauvres à esclavage" (2,6), "en faussant les balances" (8,5b).
Cette façon d'agir est contraire à l'esprit fraternel exigé par Dieu et, pourtant, elle est
favorisée par la vénalité des juges (5,7.10.12).

3.2.3. Le faux culte


Les israélites pensent que cette situation est parfaitement compatible avec une vie reli-
gieuse: on fait de pèlerinages aux grands sanctuaires de Béthel, Guilgal, Béer-Shéva, de sacri-

6
Le v. 4 nous parle des meubles sont ornés avec des incrustations en ivoire. On peut observer en hébreu les alli-
térations et assonances: qBer>m; %ATmi ~ylIg"[]w: !aC{mi ~yrIK'
~ylIk.a{w> ~t"Afr>[;-l[; ~yxirUs.W !ve tAJmi-l[;
~ybik.V{h; ("Couchés sur des lits d'ivoire, vautrés sur leurs divans, ils mangent les agneaux du trou-
peau et les veaux pris à l'étable"). Voir les assonances: xrs / fr[ / ~ylIk.a{ / ~yrIK' /
~ylIg"[]. Le raffinement verbal et sonore pourrait être une imitation ironique des personnages (cf. L.
ALONSO SCHÖKEL – J.L. SICRE DIAZ, op. cit., p. 982).
7
G. VON RAD, Teología del Antiguo Testamento, vol. II. Ediciones Sígueme. Salamanca 41980, p.175.

7
fices, on paie la dîme, on organise de prières et actions de grâces, on fait des vœux et on cé-
lèbre des fêtes.
Ils croient que cela suffit pour être agréables à Dieu, mais il rejette tout cela à travers
son prophète, car les visites aux sanctuaires ne servent qu'à pécher (4,4) et les autres choses
sont agréables aux hommes, mais non pas à Dieu (4,5). Ce qui est agréable à Dieu c'est le
droit et la justice (5,21-22).

3.2.4. La fausse sécurité religieuse


Le peuple se sent en sécurité par le fait d'être le "peuple de Dieu", libéré par lui de
l'Égypte (3,1) et choisi entre toutes les familles de la terre. Il se considère dans une situation
privilégiée, de sorte qu'aucun malheur ne pourra lui arriver (9,10). Il attend le "jour du Sei-
gneur" (hw"hy> ~Ay), jour de lumière et de splendeur, de triomphe et de bien-être.
Mais Amos met par terre cette conception religieuse, car Israël n'est pas meilleur que les
autres nations (6,2) et la sortie d'Égypte n'est pas un privilège unique d'Israël (9,7). Si bienfait
il y en a, ce n'est pas pour se glorifier, le prendre comme un privilège et se sentir plus en sécu-
rité, mais pour le prendre comme une plus grande responsabilité devant Dieu. Tous ces privi-
lèges dont le peuple n'a pas voulu en tirer profit deviennent une accusation et cause de châti-
ment (3,2). Le "jour du Seigneur" (hw"hy> ~Ay) sera plutôt ténèbres et non lumière
(5,18-20; 8,9-10).
Cela nous ramène au début et nous pose cette question: Existe-t-il pour Amos la possi-
bilité d'échapper à cette catastrophe? Paraît-il que oui. Au centre du livre nous trouvons:
"Cherchez-moi et vous vivrez!" (5,4-6). Mais ces versets montrent de façon négative en quoi
consiste la recherche de Dieu. La survie est étroitement liée à la recherche du bien, à lutter
pour une société plus juste. C'est la seule manière d'échapper au châtiment. Malheureusement,
le peuple n'écouta pas ce conseil. Pourtant, le dernier mot n'est pas de condamnation, au
moins le rédacteur final le pense ainsi (cf. les oracles de salut: 9,11-12.13-15).

8
4. STRUCTURE ET PROBLÈMES DU LIVRE

4.1. Structure actuelle du livre

Nous prenons le livre dans sa rédaction finale tel qu'il nous est arrivé jusqu'à nous au-
jourd'hui. Nous pouvons faire le suivant regroupement des différents éléments du livre
d'Amos comme suit: 1) oracles contre les nations (1-2); 2) oracle contre Israël (3-6; 8,4-14;
9,7-10); 3) cinq visions (7,1-9; 8,1-3; 9,1-4); 4) oracles de salut (9,11-15); 5) doxologies
(4,13; 5,8-9; 9,5-6), intercalées dans le texte.

1) Oracles contre les nations (1-2):

1,3 : Ainsi parle YHWH pour … Damas


1,6 : » » » » … Gaza
1,9 : » » » » … Tyr
1,11: » » » » … Édom
1,13: » » » » … Ammon
2,1 : » » » » … Moab
2,4 : » » » » … Juda
2,6 : » » » » … Israël

2) Oracles contre Israël (3-6; 8,4-14; 9,7-10):

3,1 : Écoutez cette parole


4,1 : Écoutez cette parole
(4,13: doxologie)
5,1 : Écoutez cette parole
5,7 : Malheur8 à ceux …
(5,8-9: doxologie)
5,18: » » »
6,1 : » » »

8
Presque tous les auteurs restaurent l'exclamation yAh ("malheur"; cf. 5,18; 6,1), disparue du texte par "haplo-
graphie": ~ykip.hoh; yAh: Œho(h;) y(A)ho (cf. H.W. WOLFF, Joel and Amos. Fortress
Press. Philadelphia 1977, p. 228). Le v. 7 s'attaque aux juges corrompus et cet oracle, interrompu par un hymne
(5,8-9), continue au v. 10.

9
3) Les visions (7,1-9; 8,1-3; 9,1-4):
7,1 : Voici ce que me fit voir le Seigneur YHWH
7,4 : » » » » » » » » »
7,7 : » » » » » » » »
(7,10-17: conflit avec Amasias)
8,1 : » » » » » » » » »
8,4 : Écoutez ceci
9,1 : Je vis le Seigneur
(9,5-6: doxologie)

4) Oracles de salut (9,11-15):

9,11: En ce jour-là
9,13: Voici que viennent des jours
C'est comme ça que les rédacteurs ont organisé le matériel en tenant compte trois cri-
tères: contenu, mots crochets ou formules qui se répètent. Il est intéressant signaler que le
contenu central du livre (3,4-9,6) se trouve encadré par deux thèmes, formant une double in-
clusion9: d'une part, les oracles contre les nations et la mention d'Israël secoué parmi les na-
tions (1,3-2,16 et 9,9), d'autre part, la référence à "l'élection" comme base pour le jugement et
non comme source de "privilèges (3,1-3 et 9,7-8):
1,1-2,16: Israël parmi les nations
3,1-3: L'élection n'est pas un privilège
(le reste du livre)
9,7-8: L'élection n'est pas un privilège
9,9-10: Israël parmi les nations
9,11-15: Appendice: oracles de salut.
Le contenu de tout le livre est donc comme suit:
1e) Titre (1,1) et prologue (1,2).
2e) Oracles contres les nations étrangères (1,3-2,5) qui culminent avec l'oracle contre
Israël (2,6-16). Cet oracle est plus développé dans la dénonciation des péchés d'Israël et an-
nonce son châtiment. C'est une section très importante où Dieu apparaît comme le grand dé-
fenseur de la justice devant toutes les nations.

9
Cf. J.M. ABREGO DE LACY, Los libros proféticos. (IEB) vol. 4. Editorial Verbo Divino. Estella 1993, p. 54.

10
3e) Oracles contre Israël (3,1-6,14). Ils sont divisés en trois sections: a) 3-4; b) 5,1-17
(avec une structure concentrique très intéressante); c) 5,18-6,14: c'est la section des oracles de
malheur. Le prophète dénonce les injustices, le faux culte, le refus de conversion, le luxe, l'or-
gueil des hautes classes de Samarie. Alors, Dieu, dans un face à face avec Israël, lui demande-
ra de lui rendre comptes (3,2), Dieu (4,12), car il va passer au milieu du peuple (5,17).
4e) Les visions (7,1-9,10). Cette section est complexe où sont célèbres la cinquième
vision (9,1-4) et le conflit avec Amasias (7,10-17).
5e) Oracles de salut (9,11-15) où on annonce la restauration de la dynastie davidique
(9,11-12) et une période de bien-être (9,13-15).

4.2. Problèmes du livre

4.2.1. Anomalies sur la structure du livre


Nous voyons que les premiers oracles coïncident par leur contenu et par une séries de
formules qui se répètent (WNb,_yvia] al{å h['ÞB'r>a;-l[;w> …

y[eäv.Pi ‘hv'l{v.-l[; hw"ëhy> rm;äa' hK = "Ainsi parle


Yahvé : Pour trois crimes de … et pour quatre je ne le révoquerai pas")10. Le contenu a une
influence á l'heure de regrouper les oracles contre Israël et ses voisins. Il y a, cependant, cer-
taines anomalies: la quatrième vision est séparée de la troisième et de la cinquième. La cause
de la séparation entre la troisième et quatrième vision est sans doute la référence à Jéroboam
II qui attira le récit du conflit avec Amasias. La raison pour laquelle 8,4-14 a été inséré entre
la quatrième vision et la cinquième (logiquement devrait aller après 5,1) pourrait bien être la
justification, par ses dénonciations, du châtiment qui arrive sur Israël11.

4.2.2. Authenticité du livre


Le problème de l'authenticité est très discuté12. On admet, généralement, que la plus
grande partie du livre est authentique: elle proviendrai d'Amos. Pour Eissfeldt, les strophes

10
L'imparfait hiph`il WNb,_yvia] avec suffixe de 3e personne masculin singulier a été objet de multiples
traductions. La plus juste est celle de "ne pas se rétracter Dieu, de ne pas revenir sur sa parole, sa décision de
punir les crimes", sa décision est irrévocable, comme traduit la BJ: "je l'ai décidé sans retour" (cf. H.W. WOLFF,
op. cit., p. 128 et 138; cf. aussi J.A. SOGGIN, Il profeta Amos. Paideia Editrice. Brescia 1982, pp. 56-57).
11
Il faudrait tenir compte que les visions annoncent la destruction mais sans la justifier.
12
Nous suivons sur ce point Alonso Schökel (L. ALONSO SCHÖKEL – J.L. SICRE DIAZ, op. cit., p. 958).

11
sur Tyr, Édom, Juda (1,9-12; 2,4-5), les trois brèves doxologies (4,13; 5,8-9; 9,5-6) et les
oracles de salut (9,11-15) sont des additions. Osty considère comme additions la strophe sur
Juda (2,4-5), les doxologies (4,13; 5,8-9; 9,5-6) et deux gloses (5,26; 8,8). Pour Wolff, les
additions sont les strophes sur Tyr, Édom, Juda (1,9-12; 2,4-5), les oracles de salut (9,11-15),
ainsi que 4,6-13 et d'autres versets et phrases. Rudolf est plus modéré: il attribue au prophète
presque tout le livre sauf quelques versets.
Authentique ou non, il est important pour connaître la mentalité du prophète. Il faut
savoir pourquoi ces additions ont été ajoutées et comment complètent et nuancent les affirma-
tions antérieures.

4.2.3. La formation du livre


 Le noyau est constitué par les récits, manifestés (ou écrits ???) par Amos lui-même,
de ses visions (7,1-9; 8,1-3; 9,1-4), ainsi que les oracles contre les nations (1-2).
 Plus tard, dans l'école d'Amos, la collection qui recueillait ses paroles plus person-
nelles (3-6) sera insérée entre les oracles contre les nations et les visions. Nous en avons la
preuve dans la violence du titre: "Paroles d'Amos… dont il eut la vision" (1,1). On introduit,
en plus, le récit sur le conflit avec Amasias (7,10-17), provenant probablement d'un sympathi-
sant du prophète qui aurait été témoin oculaire ou auditif des événements.
Le livre dans son actuelle structure daterait de ce deuxième période. Après il y a eu
quelques retouches.
 Dans un troisième temps, ont été ajouté certaines gloses: a) brefs hymnes ou bien
des fragments au Dieu Créateur (4,13; 5,8-9; 9,5-6); b) gloses de l'école deutéronomiste, in-
diquant que Juda avait aussi péché (2,4-5); c) réflexion éclaircissante sur le prophétisme
(2,11-12; 3,7); d) oracles de salut, présentant une espérance en consonance avec la période du
post-exil (9,11-15).
 L'édition finale est l'œuvre du rédacteur deutéronomiste qui, en plus d'introduire
des gloses qui parcourent tout le livre comme un fil conducteur, ajoute les indications tempo-
relles et sur la condition de l'auteur (1,1).

12
5. COMMENTAIRE DES CHAPITRES 1-2

5.1. Les oracles contre les nations (1,1-2,16)

5.1.1. Titre et prologue (1,1-2)


Le premier verset du livre nous présente l'auteur, la date et le thème. Le chapitre 7
ajoute d'autres renseignements intéressants. Les règnes des rois cités se situent entre le 767-
739 et le 782-752. Il est donc contemporain de la première activité d'Osée. Un autre élément
intéressant pour la datation est l'information sur le "tremblement de terre", encore présent à
l'esprit des auditeurs / lecteurs à l'époque de la dernière édition du livre.
Il s'agit d'un prophète juif, originaire du royaume du Sud, qui est envoyé prêcher en
Israël, c'est-à-dire, au royaume du Nord. Il apparaît dans le texte comme un homme assez cul-
tivé: il connaît l'histoire sainte d'Israël, il a aussi des connaissances d'histoire et de géographie
profanes. En somme, Amos connaît assez bien son milieu culturel et son environnement,
probablement comme conséquence de ses multiples voyages dans le pays et dans les pays
environnants, c'est pourquoi il ne devait pas être un simple berger13.
Les oracles sont définis comme "paroles" d'Amos dont il eut la "vision". Nous avons,
d'une part, la "vision" et, d'autre part, les "paroles" ne sont pas l'objet d'une "audition", mais
d'une "vision". Il faut tenir compte qu'en hébreu le terme rb"D" signifie non seulement
"palabra", mais aussi "chose", "événement".
Le point de départ de la prophétie d'Amos se trouve à Sion qui est la demeure terrestre
de YHWH. C'est comme un rugissement puissant qui traverse les frontières et qui dessèche
(comme l'Harmattan) les pâturages jusqu'au sommet du Carmel: la nature écoute et reconnaît
la voix de Dieu avant les hommes et cette voix a montré qui exécute ce qu'elle annonce.
Alors, "qui ne craindrait?" (3,8).

13
Le terme h[,ro (pasteur / berger) n'est pas le plus indiqué. Le h[,ro avait la réputation de voleur,
ivrogne et bagarreur. Si Amos est un homme cultivé, quelle sorte de pasteur était-il? En 1,1 le texte dit qu'il était
dqEnO, c'est-à-dire une sorte de berger responsable de plusieurs troupeaux. Selon 7,14, il est slEAB =
pinceur de sycomores et rqEAB = bouvier, tandis qu'il ajoute en 7,15 qu'il a été pris de derrière du "troupeau"
(!aco = petit bétail). Quel est le sens de ces termes?. Si dqEnO n'est pas un simple berger, en tout cas il le
serait de "gros bétail" et pas nécessairement pauvre. Probablement, il était "éleveur", car lorsqu'il refuse de ga-
gner sa vie comme prophète (7,14), il semble revendiquer une autre manière de le faire, soit avec son salaire, soit
avec ses propriétés. (Cf. J.M. ABREGO DE LACY, Los libros proféticos. (IEB) vol. 4. Editorial Verbo Divino.
Estella 1993, p. 52).

13
5.1.2. Les oracles contre les nations (1,3-2,16)
Ces chapitres présentent une solide construction. Il s'agit d'une série d'oracles qui se
répètent avec rigueur formelle et légères modifications d'un même schéma: sentence, délit et
châtiment. La valeur constructive, la symétrie et la régularité laisse la place à l'expressivité et
l'agressivité, à l'ampleur et au pathétique.

5.1.2.1. Schéma littéraire des oracles


Tous ces oracles suivent un même schéma:
1) Introduction: "Ainsi parle YHWH"
2) Accusation:
a) Accusation générale: formule stéréotypée14: "Pour trois… et pour quatre"
b) Accusation particulière: seulement le quatrième délit est énoncé concrète-
ment, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Il est important noter
que les délits dénoncés ne sont pas contre le peuple de Dieu, mais contre
les nations, ce que nous appelons aujourd'hui le droit international, car la
préoccupation de YHWH est les relations entre les peuples au-delà des
frontières de son peuple15.
3) Châtiment: dans sept sentences c'est le "feu" qui détruit la capitale avec quelques
additions occasionnelles.
4) Conclusion: quatre oracles finissent par: "Dit YHWH" (1,8.15; 2,3) "Oracle de
YHWH" (2,16).

5.1.2.2. Schéma géographique des oracles


La composition de cette série d'oracles suit un ordre géographique. C'est comme si un
messager proclamait son message dans toutes les directions:

(3e) Tyr NO NE (1e) Damas

(8e) Israël

14
C'est un recours numérique (n+1) qui apparaît souvent dans la littérature sapientielle (cf. Pr 30,15s.18s.21-
23.29-31; Si 25,7s; 26,5.28).
15
Cet universalisme du message d'Amos est important pour la théologie de la mission.

14
(5e) Ammon

(6e) Moab
(7e) Juda

(2e) Gaza SO SE (4e) Édom

Le messager suit un mouvement qui va du NE (Damas) au SO (Gaza) pour monter


vers le NO (Tyr) et descendre vers le SE (Édom) pour remonter à l'E (Ammon) et redescendre
vers Moab. En écoutant ces six premiers oracles et l'annonce du châtiment contre les nations
étrangères, leurs ennemies, Juifs et Israélites devaient être ravis de joie. Mais voilà que, subi-
tement, le messager s'adresse vers le CS (Juda). Les israélites peuvent se réjouir au dépends
de leurs frères du Sud, dont ils ont toujours aversion. En ce moment, le messager fait un mou-
vement vers le CN (Israël) quand celui-ci ne s'y attendait pas. Cet oracle est le plus étendu,
comme si tout ce qui a précédé n'était qu'un prélude.
En plus, même du point de vu formelle, nous pouvons remarquer, en même temps,
l'interrelation internationale: Gaza et Tyr (2 et 3) font du commerce avec Édom (4); celui-ci
qui collabore avec 2 et 3 devra souffrir aux mains de Moab (6); Galaad se trouve sous la
double pression de Damas et de Ammon (1 et 5). Les grands empires, Égypte et l'Assyrie,
restent en dehors de l'horizon d'Amos.
Concernant le genre littéraire, nous sommes devant le genre "oracle / sentence prophé-
tique de châtiment.

5.1.2.3. Oracle contre Damas (1,3-5)

Le délit dont on accuse Damas16 est d'avoir détruit les terres de culture de Galaad17.
Le châtiment par le feu —l'incendie est une vengeance de guerre— arrive, envoyé par
Dieu jusqu'au cœur même de la nation coupable: les palais royaux de la dynastie, le verrou
des portes et les remparts qui protègent la ville des ennemies. Il y a probablement un sens

16
Il est probable qu'il y ait une allitération entre Damas et "battre le blé / fouler avec des traîneaux de fer"
(qf,M,D: / ~v'WD).
17
C'est le territoire qui se trouve à l'Est du Jourdain.

15
ironique des noms cités: !w<a' peut signifier richesse et vanité, échec et réussite;

!d<[, est la volupté et délices des riches. Ces noms pourraient faire référence à la Beqaa
et à Bit-Adini. Si Qir est le lieu d'origine des Araméens, le retour aux origines signifierait la
perte du pouvoir et de splendeur (cf. 9,7)18.

5.1.2.4. Oracle contre Gaza (1,6-8)

Des cinq villes de la fédération Philistinne manque Gath, parce qu'à l'époque d'Amos
elle n'appartenait plus aux Philistins.
Le délit de Gaza était le lucratif commerce d'esclaves, capturés probablement après
d'expéditions militaires ou des razzias.
Le châtiment est la destruction des "remparts" par le feu qui dévorera même ses pa-
lais, de sorte que Gaza deviendra "rempart brûlé"19. Le châtiment s'étendra aussi aux autres
villes philistinnes (Ashdod, Ashqelôn et Eqrôn) avec l'extermination de leurs habitants, de
sorte qu'Eqrôn restera sans "descendance" (rq,[e = descendant; cf. Lv 25,47) 20.

5.1.2.5. Oracle contre Tyr (1,9-10)

Il s'agit probablement d'une addition à une époque où Tyr entre dans l'horizon des inté-
rêts d'Israël.
Le délit de cet oracle est construit avec des éléments de l'oracle précédent: le com-
merce d'esclaves, mais avec un aggravant: le manque de respect au pacte fraternel avec Israël
(1 R 5,26; 9,13). L'accusation implique que Tyr avait trahit par argent: son esprit marchand
l'applique aux hommes qui avaient droit à la liberté et à être traités fraternellement.

5.1.2.6. Oracle contre Édom (1,11-12)


Le délit d'Édom est d'avoir attaqué son frère Israël, dont leur fraternité remonte au
temps d'Esaü et de Jacob21. Mais il est encore plus grave avoir "étouffé sa pitié". En effet, si

18
Cf. L. ALONSO SCHÖKEL – J.L. SICRE DIAZ, op. cit., p. 64.
19
Il y a probablement un jeu de mots entre hZ"[' (La Forte, participe Qal fem. sing. de zz[) et z[o
(force, forteresse, bastion).
20
Nous avons encore un jeu de mots entre !Arq>[, et rq"[' (stérile) et rq,[e (descendant).
21
Édom est le territoire occupé par Esaü, frère jumeau de Jacob / Israël (cf. Gn 27). Comme explique la note "r"
de la TOB à Am 1,11, "Une rancune familiale tenace opposa toujours les deux peuples. Édom, jaloux, entretient
volontairement cette hostilité par des agressions répétées" (Nb 20,14-21; Ab; Ps 137,7).

16
un coup de colère peut être excusée, l'entretenir et la garder au dessus de toute pitié fraternelle
n'a pas de pardon.
Le châtiment sera la destruction par le feu des villes où résident les chefs d'Édom:
Témân et Boçra (Gn 36,15; Jr 49,7.13; Ab 9), représentant tout le pays.

5.1.2.7. Oracle contre Ammon (1,13-15)


Le délit d'Ammon22 était particulièrement grave (cf. 2 R 8,12; 15,16; Os 14,1). Il ne
s'agit pas seulement de cruauté inhumaine, mais d'acharnement qui prétend anéantir toute des-
cendance à sa même source vitale, c'est-à-dire on élimine l'avenir même du peuple, et tout
pour élargir son territoire.
Puisque le forfait est plus grave que celui du Pharaon, le châtiment divin sera plus
éclatant: au milieu de cris de guerre, Dieu se présente sous l'image de l'orage d'une théopha-
nie, en jetant le feu de la foudre justicière divine. Cette fois-ci le peuple est frappé dans la
personne du roi et des autorités23.

5.1.2.8. Oracle contre Moab (2,1-3)

Le délit de Moab est un manque de respect pour les morts de son voisin méridional,
Édom. Le forfait de Moab est plus que nier la sépulture digne des morts ou de les jeter dans
une fosse commune, c'est la destruction ignominieuse des derniers restes, privant aux défunts
leur repos au-delà de la mort24.
Le châtiment atteindra non seulement la nation, la capitale, le "juge" (roi) et ses offi-
ciers, mais aussi toute la population. En effet, de trois fois qui apparaît le nom de Moab, une
fois fait référence à la nation (v. 1) et les deux autres fois font référence à la capitale (v. 2a) et
aux habitants (v. 2b).

5.1.2.9. Oracle contre Juda (2,4-5)

Le délit de Juda est d'un autre ordre: il s'agit, en général, du mépris de la Loi du Sei-
gneur et plus spécialement du premier et fondamental commandement, c'est-à-dire, de l'idolâ-
trie. L'auteur considère que ce péché est devenu un délit héréditaire et traditionnel. Elie avait

22
Ammon est le peuple descendant de Loth (Gn 19,30-37), établi à l'Este du Jourdain et de Galaad entre le terri-
toire d'Aram et Moab, au sud du Yabboq, dont la capitale était Rabba (1,14). C'est l'actuelle Amman, capitale de
la Jordanie.
23
Cf. TOB, note "u" à Am 1,15.
24
Cf. TOB, note "v" à Am 2,1.

17
déjà luté contre ce péché du peuple (1 R 18; 19,10) et nous pouvons voir que celui-ci est le
champ de bataille de tous les prophètes.
Le châtiment de ce péché justifiera la destruction de la ville sainte, Jérusalem, par le
feu (2 R 25,9)25.

5.1.2.10. Oracle contre Israël (2,6-16)


Dans cet oracle nous pouvons observer un changement de style: il s'élargie prenant la
forme d'un discours accusatoire de la partie lésée: Dieu ne figure pas ici comme juge de l'his-
toire, jugeant d'en haut, comme une instance suprême, les délits contre l'ordre international.
Par contre, il apparaît comme la partie offensée qui se querelle contre son offenseur, prouvant,
d'une part, son innocence et, d'autre part, la culpabilité d'Israël et qui exerce, en même temps,
son droit à la justice vindicative. La base de cette accusation est l'engagement mutuel de l'al-
liance, de sorte que les bienfaits octroyés deviennent un aggravant.
L'ordre de l'accusation n'est pas rigoureux, mais suit à peu près un ordre alternatif
montrant l'opposition entre "faire le bien" et "faire le mal" (cf. Dt 28,63; Jos 24,20), en énu-
mérant: 1) une série de délits (vv. 6b-8); 2) les bienfaits du Seigneur (vv. 9-11); 3) un nouveau
délit (v. 12); 4) en annonçant le châtiment (vv. 13-16).
Il faut souligner que l'ordre de bienfaits est aussi inversé: l'ordre n'est pas chronolo-
gique. Il le serait si l'on invertit les vv. 9 et 10 ce qui donnerait: 2.1.3, c'est-à-dire, sortie
d'Égypte et conduction à travers le désert (v. 10); destruction de l'Amorite (v. 9); don des pro-
phètes et des nazirs (v. 11).
Or, la présence des prophètes et des nazirs comme témoins et porte-parole de Dieu ne
fait qu'aggraver leur obstination: Dieu a fait tout son possible pour convertir le peuple à la
fidélité, lui rappelant ses obligations, l'appelant à l'ordre, lui répétant des menaces, etc. Le
peuple ne peut donc donner comme prétexte l'ignorance ou l'oubli. C'est pourquoi, au moment
du châtiment, exécuté par Dieu même, il n'y aura pas d'échappatoire possible.
 vv. 6b-7a:
Les délits sont contre la justice sociale et correspondent aux délits précédents contre le
droit international. Il s'agit de l'oppression des pauvres et des indigents, introduits par quatre
termes: qyDIc; / !Ayb.a, / lD; / wn"['. Le premier adjectif (qyDIc;)

qualifie les trois autres. Il s'agit d'innocents: ils ne sont pas coupables pour mériter un châti-

25
Pour beaucoup d'exégètes ces versets sont une glose de style deutéronomiste, ajoutée après la chute de Sama-
rie et avant la chute de Jérusalem, tout comme les oracles contre Tyr et Édom.

18
ment ni ont des dettes pour être vendus. Si dettes ils en ont, il s'agit des sommes qui ne justi-
fient pas les mesures mercantilistes impitoyables prises par les puissants à leur égard (cf. Ex
21,7-11; Lv 25,39-43; Dt 15,7-14; 2 R 4,1).
 vv. 7b-8:
Le délit est triple avec de connotations cultuelles ou sacrées:
 Le premier délit est original dans sa formulation, même s'il est parenté avec la légi-
slation conjugale (Lv 18; 20). La fille n'est pas décrite comme une prostitué ou une prostitué
sacrée. Il s'agirait donc d'une fille israélite déshonorée par ces doubles relations. Par le fait
même d'être une israélite son déshonneur a un sens religieux, car il atteint l'honneur du Saint
Nom qui a voulu honorer et garantir les relations sexuelles honnêtes.
 Le deuxième délit touche la législation qui défend les droits élémentaires des
pauvres (Ex 22,25-26; Dt 24,12-15.17). La clause sur "chaque autel" est probablement une
addition et sonne comme un aggravant de l'injustice faite.
 Le troisième délit est à peine insinué. En effet, les amendes pouvaient être payées
dans le temple ou directement à qui on avait fait du tort, comme compensation (Ex 21,22; Dt
22,19). L'abus pourrait consister à exiger ces amendes pour assouvir ses propres vices ou bien
à profiter les autorités de ces amendes pour eux-mêmes. L'expression "dans la maison de leur
dieu" pourrait aussi être une addition qui aggrave le délit.
Les trois délits se rapportent à l'injustice sociale: par elle est atteinte la sainteté de
Dieu (1e délit) et des circonstances diverses peuvent être un aggravant (2e et 3e délits).
 vv. 9-10:
Cette injustice sociale ressort sur le fond des bienfaits divins, spécialement le don de la
terre: ceux qui ont reçu gratuitement ce don de Dieu pour en jouir devraient le faire en l'admi-
nistrant avec justice. Le "et moi" (ykinOa'w.) souligne de façon emphatique l'interven-

tion personnel de Dieu, comme souverain, en chassant les anciens propriétaires pour y établir
Israël, car cette entreprise était au-delà de leurs possibilités. Tout cela est exprimé avec trois
vers d'excellente facture26. La "sortie d'Égypte" et la "traversée du désert" sont racontées avec
manque de dramatisme, avec la tranquille sécurité du protagoniste souverain.
 vv. 11-12:

26
Il est remarquable la sonorité de certains termes: ykinOa' – yrImoa/ / ~yzIr"a] –
~ynIALa; / dymiv.a;.

19
La quatrième action divine se déroule dans la Terre Promise: nomination ou établis-
sement de chefs. Amos ne parle pas de juges ni de rois, mais de "nazirs" et de "prophètes" qui
sont les plus imprévisibles et les moins contrôlables de l'action divine.
Les "nazirs" sont des personnes consacrées à YHWH qui doivent suivre des normes
très strictes (Nb 6)27 dont une est s'abstenir de vin et de toute boisson fermentée (Nb 6,3).
Alors, si on soûle un nazir, on l'oblige à violer son vœu du naziréat, annulant ainsi son témoi-
gnage vivant du Seigneur.
La chaîne de prophètes remonte jusqu'à Débora (Jg 4,4) et Samuel (1 S 3,20). Or,
l'interdiction de parler l'entend personnellement Amos (7,12-17; cf. Is 30,10). Ce thème de la
résistance aux prophètes est caractéristique de Jérémie. Cela fait partie intégrante de son mi-
nistère prophétique (Jr 1,19), dont il est un exemple vivant (cf. 11,18-22; 15,10; 18,18; 20,10;
23,9), mais il y avait des antécédents au temps d'Amos (cf. Élie: 1 R 19,1s).
 v. 13:
Ceux qui considèrent les vv. 10-12 une addition tardive, unissent le v. 9 (bienfaits di-
vins) au v. 13 (châtiment).
Le châtiment est annoncé de manière emphatique avec ykinOa' hNEhi
("voilà que c'est moi-même qui")28, mais cette fois-ci il ne s'agit pas du feu comme dans les
oracles précédents. De quel châtiment s'agit-il concrètement? L'interprétation du texte s'avère
difficile: le verbe qW[29 n'apparaît que deux fois dans l'AT et les deux dans ce verset, en

participe (qy[ime) et à l'imparfait (qy[iT') hiph`il. Si nous tenons compte l'image

du chariot surchargé, il faut penser à la "fente", à la "fissure" ou à la "tranchée" faite sur le


terrain par la trace des roues30. Si cela est ainsi, parmi les diverses traductions, celle qui
semble plus plausible est "écraser". S'agit-il dans chariot pacifique qui écrase tout sous le
poids d'une récolte extraordinaire? Donner cette image comme châtiment est vraiment un sar-
casme et peut être l'auteur veut insinuer ironiquement que les richesses injustes finiront pour
écraser la classe riche qui exploite les pauvres. Le texte, cependant, n'offre suffisamment

27
Le représentant plus renommé des "nazirs" est Samson (Jg 13-16).
28
La particule hNEhi apparaît normalement chez Amos en relation avec le jugement (4,2; 6,11; 8,11; 9,8.9).
29
Dans LXXB nous avons le verbe kuli,w (rouler), tandis que dans LXXA nous avons kwlu,w (empêcher).
Dans ce cas-ci le terme qui est dessous c'est qWc (presser, resserrer, opprimer), dont l'équivalent araméen est
qW[. Cette solution semble être provisoire.
30
Cf. H. GESE, Kleine Beiträge zum Verständnis des Amosbuches: VT 12 (1962) 421, cité par H.W. WOLFF,
op. cit., p. 171, note 325, et par J.A. SOGGIN, op. cit., pp. 76-77. Selon cet auteur, nous avons aussi une réfé-
rence au tremblement de terre dont on parle en 1,1 et 9,1 (cf. 4,11; 6,8-11; 8,8).

20
d'éléments pour répondre avec assurance, il se limite à sélectionner simplement du monde
végétal les gigantesques cèdres et les lourdes gerbes et du monde agraire le vin qui soûle et le
grain qui écrasera31. En tout cas, ce qu'il faut retenir c'est que le châtiment a une correspon-
dance avec le délit.
 vv. 14-16:
Le passage du chariot pacifique à l'invasion des guerriers sans échappatoire possible
n'est pas moins ironique. Les deux qualités militaires plus appréciées sont la force pour résis-
ter et l'agilité pour manoeuvrer et se replier ou fuir s'il le faut. Parmi les guerriers est juste
mettre en relief les cavaliers et les archers à cause de leur efficacité dans la bataille. Et bien,
même ceux-là ne pourront pas échapper au désastre.

31
Cf. L. ALONSO SCHÖKEL – J.L. SICRE DIAZ, op. cit., p. 967.

21
6. TABLE DE MATIÈRES

AMOS......................................................................................................................................... 1
1. CONTEXTE POLITIQUE ET RELIGIEUX ......................................................................... 1
1.1. L'époque historique: situation politique .......................................................................... 1
1.1.1. La situation historique dans le Proche - Orient ........................................................ 1
1.1.2. Incidents d'Israël avec ses voisins ............................................................................ 1
1.1.3. Succès guerriers de Jéroboam II ............................................................................... 2
1.2. Contexte économique ...................................................................................................... 2
1.3. Contexte social et religieux ............................................................................................. 2
2. LA PERSONNE DU PROPHÈTE ......................................................................................... 4
2.1. Date et lieu de naissance et profession ............................................................................ 4
2.2. Activité prophétique ........................................................................................................ 4
3. MESSAGE DU PROPHÈTE.................................................................................................. 5
3.1. Thème des visions ........................................................................................................... 5
3.1.1. Première et deuxième vision (7,1-6) ........................................................................ 5
3.1.2. Troisième et quatrième vision (7,7-9; 8,1-3) ............................................................ 5
3.1.2.1. Troisième vision (7,7-9) .................................................................................... 5
3.1.2.2. Quatrième vision (8,1-3) ................................................................................... 6
3.1.3. Cinquième vision (9,1-4) .......................................................................................... 6
3.2. Thème du châtiment ........................................................................................................ 6
3.2.1. Le luxe des hautes classes de la société .................................................................... 7
3.2.2. Les injustices ............................................................................................................ 7
3.2.3. Le faux culte ............................................................................................................. 7
3.2.4. La fausse sécurité religieuse ..................................................................................... 8
4. STRUCTURE ET PROBLÈMES DU LIVRE ....................................................................... 9
4.1. Structure actuelle du livre ................................................................................................ 9
4.2. Problèmes du livre ......................................................................................................... 11
4.2.1. Anomalies sur la structure du livre ......................................................................... 11
4.2.2. Authenticité du livre ............................................................................................... 11
4.2.3. La formation du livre .............................................................................................. 12
5. COMMENTAIRE DES CHAPITRES 1-2 ........................................................................... 13

22
5.1. Les oracles contre les nations (1,1-2,16) ....................................................................... 13
5.1.1. Titre et prologue (1,1-2) ......................................................................................... 13
5.1.2. Les oracles contre les nations (1,3-2,16) ................................................................ 14
5.1.2.1. Schéma littéraire des oracles ........................................................................... 14
5.1.2.2. Schéma géographique des oracles ................................................................... 14
5.1.2.3. Oracle contre Damas (1,3-5) ........................................................................... 15
5.1.2.4. Oracle contre Gaza (1,6-8) .............................................................................. 16
5.1.2.5. Oracle contre Tyr (1,9-10) ............................................................................... 16
5.1.2.6. Oracle contre Édom (1,11-12) ......................................................................... 16
5.1.2.7. Oracle contre Ammon (1,13-15) ..................................................................... 17
5.1.2.8. Oracle contre Moab (2,1-3) ............................................................................. 17
5.1.2.9. Oracle contre Juda (2,4-5) ............................................................................... 17
5.1.2.10. Oracle contre Israël (2,6-16).......................................................................... 18
TABLE DE MATIÈRES .......................................................................................................... 22

23

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