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MORTALITE ET MORBIDITE EN
ANESTHESIE PEDIATRIQUE
INTRODUCTION
Sur les 8 millions d’anesthésies pratiquées en France en 1996, environ 1 million
concernait les enfants âgés de moins de 15 ans [1]. Entre 1980 et 1996, le nombre
d’anesthésies réalisées chez des enfants de moins de 5 ans a augmenté de 96 %. Si
41 % des anesthésies des enfants de moins de 1 an sont réalisées dans les CHU, la
majorité des anesthésies d’enfants de plus de 1 an est réalisée dans les cliniques privées
(60 % et 56 % dans les tranches d’âge de 1 à 4 ans et de 5 à 14 ans respectivement).
Entre 1 et 4 ans, l’anesthésie pour chirurgie ORL représente 64 % des anesthésies.
L’analyse de la mortalité et de la morbidité liées à l’anesthésie chez l’enfant est un
préalable à la réflexion portant sur les restructurations hospitalières visant à regrouper
les moyens tant matériels qu’humains dans les prochaines années.
cette incidence était de 19/10 000 anesthésies avant l’âge de 1 an contre 2/10 000 entre
1 et 14 ans [12]. Une série canadienne plus récente (1982 à 1987) retrouve des résultats
comparables : l’incidence des arrêts cardiaques était de 24/10 000 anesthésies avant
l’âge de 1 an contre 5/10 000 entre 1 et 14 ans [13]. L’enquête australienne des années
90 (Australian Incident Monitoring Study) [14], retrouve une incidence des arrêts car-
diaques 10 fois plus élevée chez l’enfant de moins de 10 ans que chez l’enfant plus âgé.
Deux grandes causes d’arrêts cardiaques sont retrouvées chez le jeune enfant, les
complications respiratoires et cardiovasculaires, ces dernières étant le plus souvent en
rapport avec un surdosage absolu ou relatif avec l’halothane [15-17]. La plupart d’en-
tre eux ont été considérés évitables.
Tableau I
Incidence des arrêts cardiaques peranesthésiques chez l’enfant [12-13, 15-16]
Tableau II
Registre américain des arrêts cardiaques périopératoires en anesthésie pédiatrique
(1994, 1996) [18]
Tableau III
Incidence des bradycardies durant l’anesthésie chez le nourrisson et l’enfant [28]
Nombre de bradycardies 59 19 5 1
réalisés en urgence. On observait ainsi 2,5 fois plus de bradycardies chez les patients
ASA 3 à 5 versus ceux qui sont classés ASA 1 et 2, et le risque de bradycardie augmen-
tait de 11 % par heure de chirurgie. Par contre, l’incidence des bradycardies chez l’enfant
était deux fois plus faible lorsque l’anesthésie était réalisée par un anesthésiste entraîné
à la pédiatrie que lorsque l’anesthésie était réalisée par un anesthésiste non entraîné. La
conclusion de cette étude condamnait clairement la pratique pédiatrique occasionnelle.
Des résultats comparables sont retrouvés dans l’enquête française INSERM [12].
L’incidence des complications majeures était de 4,3/1 000 anesthésies chez le nourris-
son de moins de 1 an contre 0,5/1 000 chez les enfants de 1 à 14 ans (tableau IV).
Tableau IV
Facteurs de risque de complications périopératoires chez l’enfant
(enquête INSERM) [12]
complications
Nb d'anes- p
sur 1> 000
thé sies
anesthé sies
Classe ASA
I 36A 903 0,4 pA < 0,001
II 1A 461 3,4
III 518 11,6
IV à V 122 16,4
Urgence
non 33A 391 0,5 p < 0,05
oui 5A 918 1,5
métrie et de la capnographie, mais les causes cardiovasculaires liées aux effets des
agents anesthésiques demeurent au premier plan, et restent responsables d’une surmor-
talité chez les nourrissons de plus de 6 mois sans pathologie associée.
Tableau V
Plaintes auprès des compagnies d’assurance américaines. Accident à l’origine de la
plainte : comparaison entre adultes et enfants [29]
* l'halothane était l'agent anesthésique principal chez 74 % des enfants versus 19A %
des adultes (pA < 0,01)
L’enquête canadienne conduite par Marsha M Cohen entre 1982 et 1987 retrouve
également une incidence de complications majeures périopératoires plus élevée chez
les nouveau-nés (23,8 %) que chez les nourrissons (5 %) et les enfants plus âgés (3 %).
Dans l’enquête australienne [17], 10 % des incidents rapportés étaient survenus dans la
population pédiatrique. Parmi ceux-ci les laryngospasmes, et les complications respira-
toires lors de l’extubation étaient plus fréquents chez les enfants que chez les adultes.
L’absence d’une aide compétente était souvent en cause dans les incidents rapportés
dans cette étude. Plusieurs études ont souligné la surmorbidité anesthésique des jeunes
enfants présentant une infection aiguë des VAS [30-37]. En 1979, McGill [30] rappor-
tait 11 cas de complications respiratoires graves lors de l’induction anesthésique. Tous
les enfants sauf un, avaient présenté une infection aiguë des VAS dans les jours précé-
dant l’anesthésie. En 1991, Marsha M Cohen a colligé plus de 20 000 anesthésies [32]
et démontré qu’une infection aiguë des VAS augmentait la morbidité anesthésique chez
l’enfant. En effet, le risque de complications respiratoires périopératoires était multi-
plié par 4 à 7 chez les enfants symptomatiques et par 11 si les enfants devaient être
intubés (tableau VI). L’âge, l’état clinique (classification ASA), le type de chirurgie et
l’urgence ne permettaient pas d’expliquer cette surmorbidité.
Certaines complications comme les laryngospasmes sont plus fréquentes chez le
jeune enfant que plus tard dans la vie [38]. Cette incidence évaluée à 17,4/1 000 anes-
thésies chez l’enfant de moins de 9 ans est considérablement augmentée par la présence
d’une infection respiratoire (95,8/1 000) ou d’une complication lors d’une anesthésie
antérieure (54,7/1 000). Ces données déjà anciennes ont été réévalués par Schreiner et
coll. [39]. Dans cette étude, les enfants ayant présenté un laryngospasme étaient 2,05 fois
plus fréquemment considérés par leurs parents comme ayant présenté une infection
récente des voies aériennes supérieures que les enfants du groupe contrôle. De plus, ces
enfants étaient plus jeunes, étaient plus souvent programmés pour une chirurgie ORL et
leur anesthésie était plus souvent prise en charge par des anesthésistes moins expéri-
mentés que ceux du groupe contrôle.
92 MAPAR 2000
Tableau VI
Facteur prédictifs de complication respiratoire périopératoire [32]
intervalle de confiance
Facteur Risque relatif
95> %
L’incidence des inhalations du contenu gastrique est plus élevée chez les enfants de
moins de 9 ans que chez les enfants plus âgés avec une incidence particulièrement
élevée chez les nourrissons de moins de 6 mois [40].
Dans cette grande enquête suédoise réalisée entre 1967 et 1983, 83 cas d’inhala-
tions ont été colligés sur un total de 185 358 anesthésies (4,7/10 000). L’incidence
d’inhalation était de 8,6/10 000 chez les enfants de moins de 9 ans. Les autres facteurs
de risque d’inhalation étaient l’urgence, le travail nocturne, une pathologie œsopha-
gienne et une intubation difficile. Dans l’enquête INSERM [12], l’incidence des
inhalations était de 1/10 000 anesthésies chez l’enfant et 1/1 000 chez le nourrisson de
moins de 1 an. L’enquête récente faite à l’hôpital d’enfants de Pittsburgh [41] retrouve
une incidence d’inhalation plus élevée de 10,2/10 000. Aucun décès n’a été lié à une
inhalation dans cette large étude portant sur 50 880 anesthésies. Les auteurs concluaient
que l’inhalation de liquide gastrique était rare et que ses conséquences étaient modes-
tes. L’enquête effectuée à la Mayo Clinic entre 1985 et 1997 [42] retrouve une incidence
d’inhalation du contenu gastrique de 4/10 000 anesthésies chez l’enfant. Le risque était
majoré en urgence (1/373 vs 1/4 544). Aucun décès n’a été imputé à cet accident, et les
conséquences ont là aussi été le plus souvent modestes. Les enfants qui n’avaient pas
développé de signes pulmonaires dans les 2 premières heures (15 enfants sur 24) n’ont
pas eu de séquelles respiratoires.
Les anciens prématurés ont un risque élevé d’apnées postopératoires [43]. Cote et
al. [44] ont colligé les résultats de 8 études publiées entre 1987 et 1993 qui tentaient
d’évaluer ce risque chez l’ancien prématuré après cure de hernie inguinale. Ils ont dé-
montré que le risque d’apnées postopératoires était :
• inversement corrélé à l’âge gestationnel et à l’âge post-conceptionnel ;
• que la survenue d’apnées au domicile était un facteur de risque supplémentaire ;
• que les enfants hypotrophes étaient relativement préservés par rapport aux enfants
non hypotrophes ;
• que l’anémie était un facteur de risque supplémentaire en particulier pour les enfants
d’âge post-conceptionnel > 43 semaines ;
• par contre aucune corrélation n’a pu être montrée avec les facteurs suivants : antécé-
dents d’entérocolite, apnées en période néonatale, syndrome de détresse respiratoire,
présence d’une bronchodysplasie et utilisation peropératoire de curares et/ou de mor-
phiniques. Pour ces raisons, les anciens prématurés doivent être surveillés étroitement
pendant les 12 à 24 heures suivant une anesthésie, même lorsque l’anesthésie ne com-
porte qu’une rachianesthésie sans sédation associée.
ANESTHESIE PEDIATRIQUE PAR UN ANESTHESISTE NON PEDIATRE 93
Tableau VII
Incidence (%) des symptômes postopératoires après chirurgie ambulatoire chez
l’enfant (n = 551) [54]
A A domicile
Symptôme l’hôpital le jour Le jour Durée ≥ 2
(%) même (%) suivant (%) jours
Douleur 17 56 37 19
Nausées 11 12 2 1
Vomissements 7 7 2 1
Sédation 39 77 37 9
Vertiges 10 16 1 1
Céphalées nd 11 4 1
Difficultés à la marche 5 17 6 3
nd : non déterminé
Dans une large enquête prospective portant sur 551 enfants [54], l’incidence des
modifications comportementales négatives était de 47 % en postopératoire immédiat
alors que des modifications positives étaient observées chez 17 % des enfants. Les
manifestations négatives concernaient plus souvent les enfants de 1 à 3 ans. Quatre
semaines après l’hospitalisation, 9 % des enfants présentaient encore des troubles du
comportement. Parmi ceux-ci, les pleurs et terreurs nocturnes, les cauchemars, la de-
mande d’attention, les troubles du sommeil étaient les plus communs. Les facteurs
prédictifs de ces troubles du comportement prolongés étaient le jeune âge, une douleur
sévère en postopératoire immédiat, la persistance d’une douleur modérée au domicile,
et une mauvaise expérience d’une hospitalisation précédente. Cette étude souligne, s’il
en était besoin, l’importance d’une prise en charge attentive de la douleur postopératoire.
CONCLUSION
Si la mortalité directement liée à l’anesthésie est, actuellement, extrêmement faible,
elle est proportionnellement plus élevée aux 2 extrémités de la vie, et en particulier
chez les nourrissons de moins de 1 an. La morbidité liée à l’anesthésie est également
plus élevée chez le nourrisson que chez l’enfant plus âgé. La plupart des complications
sont d’origine respiratoire et cardiovasculaire et une partie sont aisément évitables (en
particulier le surdosage en agents anesthésiques). D’autres facteurs comme l’urgence,
ou l’état clinique grave du patient ne sont pas différents de la pratique adulte. Beaucoup
d’études mettent en avant la réduction significative de la morbidité lorsque l’anesthésie
est confiée à un anesthésiste expérimenté en pédiatrie. Une pratique régulière de l’anes-
thésie pédiatrique est un facteur déterminant pour réduire la morbidité de l’anesthésie
pédiatrique. La condamnation de la pratique occasionnelle doit constituer un point de
réflexion des futures restructurations hospitalières.
ANESTHESIE PEDIATRIQUE PAR UN ANESTHESISTE NON PEDIATRE 95
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