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Sommaire
Remerciements....................................................................................... IX
Prologue.................................................................................................. XI
Partie I
Les Autres : quel fléau !
VI Le Manager positif
Sommaire VII
Partie II
Et Moi, et Moi !
Bibliographie.......................................................................................... 239
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Remerciements
Prologue
La folle journée
de Jacques Dubloc
Je ne descends pas travailler, je descends m’amuser !
Youssef Chahine, cinéaste égyptien
Coincé dans les embouteillages d’une grande métropole située quelque part
entre Lille et Marseille, à Lyon, à Nantes, à Toulouse ou peut-être à Bordeaux,
bref dans un enfer automobile qui rivalise avec la région parisienne, Jacques
Dubloc est furieux, tous les poils hérissés comme un chat face à une meute de
chiens enragés. Les guirlandes de Noël qui longent son parcours ne peuvent en
rien adoucir son courroux.
Il est parti dix minutes en retard par rapport à son horaire habituel après avoir
interprété son jeu1 favori « J’ai perdu mon portefeuille ». Il a cherché partout,
1. Éric Berne en décrit toute une collection dans Des jeux et des hommes (Stock). Sans le
savoir, le lecteur joue à « Voyons voir si ça m’intéresse ! » et l’auteur à « Nulle part
ailleurs ». Le jeu est une situation de communication récurrente qui suppose trois joueurs,
un persécuteur (ici Jacques), une victime (ici sa femme) et un sauveteur (ici, Zoé-Li) la
petite fille du couple qui retrouve le portefeuille. L’objectif est d’obtenir son content de
stimulations émotionnelles, bénéfice principal (à la fois négatif et positif) qui solde le jeu
avant d’en inventer un nouveau.
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Prologue XIII
Il déboule dans le couloir en devançant une vieille taupe à l’œil torve qui
travaille dans un bureau voisin. Il presse le pas, les mâchoires crispées par le
stress alors qu’un regard incrédule à la pendule lui signifie par un cliquetis une
mauvaise demi-heure de retard. Il heurte un collègue qui le croise en le hélant
« Eh Jacques, t’as l’air bien pressé, y’a pas le feu au lac ! ». Mort de rire, mais
une autre fois peut-être : il réprime une invective en expectorant, de sa gorge
asséchée par une incoercible angoisse, un vague borborygme.
Devant son bureau, un visiteur l’attend alors qu’il lui faut encore s’y reprendre
rageusement à deux fois avant de réussir à insérer son badge dans la fente à la
vitesse requise pour que la chevillette choit sous les yeux de sa secrétaire
effarée. La première chut pendant que la seconde se tut en lui tendant un
dossier : « Ca va merci » lâche-t-il sans un regard puis, se tournant vers
l’importun chenu : « Et vous que voulez-vous ? J’ai pas le temps ! » balance-
t-il, l’œil furibard en furetant dans le dossier qui vient de lui échoir.
« Mais… », ose le vénérable. « Y’a pas de mais, je file en réunion ! » tranche
Jacques, soudain misérable en s’apercevant qu’un de ses verres de lunettes a
été cassé dans une des bousculades précédentes. Sous le poids du destin qui
l’accable, il expire un râle à fendre les cœurs les plus durs, mais alentour
personne ne compatit.
Il entre en catimini, inutile de s’excuser, le boss ne le supporterait pas. Il se
glisse vers une chaise libre en bout de table alors que le cinquième slide est
commenté en karaoké par le boss qui rajoute quelques ornements de péro-
raison habituelle sur l’avenir du groupe, l’incontournable développement
durable, notre responsabilité sociétale et les répercussions de notre action dans
le temps et dans l’espace alors que le sixième slide croque la norme 26000 en
quelques formules incantatoires en insistant sur les droits humains fonda-
mentaux que « notre entreprise citoyenne respecte évidemment depuis
longtemps ». Jacques se sent à moitié rassuré pendant qu’il réprime une pensée
sauvage qui lui traverse l’esprit et se bouscule au bord de ses lèvres : « Mais
nous ne pratiquons pas l’esclavage que je sache ! ». Il vient de lire l’autre
Jacques, Attali, qui affirme sans sourciller que le salariat est un travail forcé
qui a succédé à l’esclavage, ou pour respecter l’auteur, le monde moderne a
inventé « un travail un peu plus libre que l’esclavage ou le servage : le
salariat »2.
Le dernier slide est ponctué par un truisme : « Voilà, vous savez tout sur la
norme 26000. J’insiste sur le fait que le management, pour être à la hauteur
2. Jacques Attali, Une brève histoire de l’avenir, Fayard, Livre de Poche, 2006, p. 51.
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des enjeux qui nous attendent et des défis que nous devons relever dans le
cadre concurrentiel de la globalisation, doit concourir au développement
personnel de chacun. Cet objectif me semble plus accessible que les autres
préconisations sur lesquelles nous avons en fait peu d’action, grâce à
l’entretien professionnel notamment, dont vous êtes les maîtres d’œuvre. Nous
devons donc fonder un management positif qui se manifeste dans toutes vos
relations à chaque seconde d’une journée de travail qui doit ainsi devenir un
plaisir pour ceux qui vous entourent. Prenez exemple sur Google ! Des
questions ?… Non ? Alors vous pouvez retourner manager vos troupes en
gardant cette dernière maxime en tête : montrez-vous résolument po-si-
tifs !… »
Ouf, pile à l’heure… Voici comment une réunion bien gérée, respectant le
temps de début et finissant de même, permet de recaler un cadre surmené dans
son emploi du temps.
Regonflé par les fortes paroles du boss et ayant rattrapé son retard, Jacques
croise dans les couloirs ses collègues et collaborateurs qui, bizarrement, ont le
visage fermé ou détournent les yeux sur son passage. « Mais qu’est ce qu’ils
ont tous ? » Sa réflexion lui apporte la réponse : la bousculade matinale a fait
des dégâts dans son réseau relationnel et il doit maintenant se forcer à repriser
la toile par un bonjour sonore assorti du nom de chacun et d’un large sourire.
L’expérience lui montre qu’il s’avère plus facile d’être et rester négatif que de
restaurer la confiance : le management positif ne se décrète pas. Il faut s’y
préparer avant d’entrer en scène et mettre en œuvre un ensemble de compé-
tences cumulatives qui se démontrent dans le comportement : le moindre
impair se paie cash apparemment, rumine-t-il en s’installant à son bureau.
Il continue son chemin de Damas, qui croise celui des dames, en retrouvant
Christine. Elle possède cette caractéristique touchante des petits chats blessés
qui gémissent et se bloquent toute la journée quand ils sont abandonnés sans
leur dose de caresses. Il consacre donc quelques instants à demander des
nouvelles de ses enfants, propose un café, poursuit par quelques banalités pour
remettre la machine en route. Mais, à ce régime, les chatons ronronnent plus
facilement. Il doit supporter la méchante humeur de sa secrétaire qu’il a
déclenchée au premier contact du matin et se prend à rêver d’avoir un secré-
taire homme, comme c’est souvent le cas dans les administrations et jusqu’à la
mairie de Paris. Pour cela il convient de masculiniser le mot, mais peut-on dire
un secrétaire, sans « e » ? Il efface bien vite cette idée en se souvenant du
discours du boss.
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Prologue XV
avoir rassemblé ses idées, compulsé le dossier, branché le haïku, il s’y rend
d’un pas ferme et délibéré, les épaules larges et les joues pleines pour s’emplir
d’assurance. Il est à peine surpris par l’injonction frappée du sceau du
management positif enjoint lors de la réunion matinale :
– Alors Dubloc ! Encore en retard ?
– Bonjour, Monsieur ! Le dossier est prêt. Le voici. Une première feuille vous
résume l’ensemble en trois tableaux et un schéma. D’un seul coup d’œil vous
avez tous les éléments… Le reste, je m’en charge. Des questions ? termine-t-il
doucereux…
Un ronchonnement flaubertien lui répond assorti d’un geste coupe-vent.
« Bonne journée, Monsieur le directeur ! »
Sobre et efficace, aller à l’essentiel, posément, brièvement, c’est ce qu’il
demande toujours, en plus il a horreur des excuses : 15 secondes chrono pour
un compte rendu, des faits, des actes, des preuves, des graphiques et pas d’états
d’âme. Jacques se souvient du portrait éclair que lui avait fait le chasseur de
têtes qui l’avait présenté à son patron : « Il est comme Flaubert, il rognonne, il
maugrée, il grogne, il ronchonne même contre lui-même ».
L’entretien est terminé aussi vite que prévu. Il reste à Jacques quelques minutes
à consacrer aux affaires domestiques en suspens. Chacun sait qu’il adore les
histoires de robinet. Il doit appeler le plombier car, ce matin encore, un lavabo
fuyait : un mètre cube tous les deux jours et depuis deux semaines qu’il essaye
de le joindre… À trois euros cinquante le mètre cube, la note devient vite astro-
nomique, ou plutôt salée, même si c’est de l’eau douce. Tiens, cette fois
l’homme de l’art ne fait pas sa tête, il décroche rapidement et propose après les
salutations d’usage « Bon, peut-être que je pourrais venir cette semaine ?… ».
S’enchaîne alors la séquence apprise à l’avance, conclue sur un rendez-vous
ferme, noté sur les agendas respectifs, pour jeudi matin à 9 heures « Oui, ma
femme sera là. À propos vous penserez aussi à amener un raccord de 12 pour
le tuyau d’alimentation du chauffe-eau… ». Un « Merci beaucoup » sonore,
assorti d’un suave « Je compte sur vous pour jeudi, 9 heures » termine
l’échange. Jacques envoie illico un mail de confirmation pour se mettre en
conformité avec l’un des théorèmes de base de la communication : l’infor-
mation, pour être retenue, doit être ternaire et bimodale6.
Maintenant l’assurance, pour les lunettes cassées. Il écoute un certain Ludovic
après la série classique « Nos bureaux, tapez 1… Pour vous assurer, tapez 2 ;
Prologue XVII
Prologue XIX
Lyv n’a pas donné de ses nouvelles depuis six mois, ni par mail ni autrement.
En d’autres temps, Jacques aurait commencé par des reproches sur l’ingra-
titude de sa grande fille, aurait rapporté l’inquiétude de sa mère et les ques-
tions de Zoé-Li la cadette. Il aurait même ajouté quelques mots bien sentis sur
tout ce fourbi dont elle se charge inutilement. Elle aurait boudé tout au long du
trajet ou pris un taxi en lui laissant les bagages. Il aurait cru entendre une
syllabe dissonante… Pour ce soir il est radieux, il le montre, il la fait sauter
dans ses bras comme du temps où elle pesait une plume, il l’embrasse et la
félicite de sa mine superbe. « Oh papa, t’as l’air zarbi ! » susurre-t-elle. Pour
toute réponse, il se charge de ses lourds bagages (« 32 kg chacun, juste la
limite autorisée », pèse-t-il dans sa tête). Elle pépie pendant tout le chemin
comme lorsqu’elle était gosse, tandis qu’il se faufile en blaguant dans les
embouteillages pour rejoindre le bercail.
Arrivés à destination, Lyv, toute guillerette d’avoir pu parler avec son père,
s’éclipse en sautant sur le perron tandis que Jacques s’apprête à rentrer la
voiture au garage. Il passe devant la maison de son voisin qui a déplacé,
comme à l’accoutumée, la poubelle devant sa porte de garage. De nombreux
échanges très peu amènes ont scellé une volcanique inimitié. Il a donc décidé
d’engager à nouveau le dialogue : « Alors Monsieur Martin, comment va
aujourd’hui ? » « Mal, vous voyez bien ! Encore votre satanée poubelle qui
n’est pas rentrée, que j’ai dû mettre à sa place ». Le disque est en train de
tourner à plein régime, prêt à s’emballer. Jacques adopte la stratégie du jour :
tout écouter puisque nous sommes au niveau du dérapage de la relation. Tout
barrage qui explose a une quantité finie d’eau. Il faut donc seulement attendre
la dernière goutte. Sept minutes prédisent les augures, dans ce cas. Effecti-
vement à la sixième, Martin n’ayant pas de grain à moudre commence à
s’épuiser, très étonné que la réplique ne lui soit pas donnée pour ce jeu à
l’intitulé maintenant classique : « ta poubelle n’est pas belle ».
Le jeu n’est pas estampillé « pur Berne », mais ce soir c’est le dernier de la
série qui occupe les voisins depuis des lustres. Jacques, par son silence placide
et son air entendu, a décidé de mettre un point final à ce triangle dramatique
qui entraîne d’habitude les épouses des deux larrons dans une spirale infernale
de stupeurs et de tremblements : « Voyez-vous, Monsieur Martin, je crois que
j’ai bien compris votre demande. Vous pouvez être certain qu’à partir de ce
jour, je veillerai personnellement à ce que ma poubelle soit à sa place ou
rentrée aussitôt les éboueurs passés. Sommes-nous bien d’accord ?… Ah !
encore une chose. Au cas, improbable mais toujours possible évidemment,
voyez-vous, où vous la découvririez encore mal située, pouvez-vous avoir
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XX Le Manager positif
Introduction
7. H. Sérieyx, Les pilotes du 3e type, Seuil, 1984, et L’entreprise du 3e type, Le Point, 2000.
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2 Le Manager positif
par les lois Auroux sabotées de toutes parts dès leur origine, et la gestion du
personnel se limite à l’administration de la feuille de paie8. Autant de carences
ne pouvaient conduire qu’à des désastres. Ils furent parfois économiques,
souvent sociaux et restent humains vingt-cinq ans plus tard, par négligence,
aveuglement ou cynisme de la part de ceux qui ont la responsabilité des
hommes et des femmes qui travaillent, qu’ils soient responsables des
ressources si peu humaines, ou chefs de service. Hervé Sérieyx persiste et
signe ce constat dans son dernier ouvrage Jeunes et entreprise9. Oui, l’esprit
n’y est toujours pas…
Notre activité de conseil et de recherche-action au sein de grands groupes dans
lesquels nous œuvrions pour ces changements de paradigmes nous avait
conduit à ces mêmes conclusions et notre « limage de cervelles », pour
reprendre une expression chère à Montaigne10, avec des dirigeants de bonne
volonté, des empereurs d’entreprises du 3e type et des managers japonais en
particulier, nous avait montré les bienfaits et les difficultés d’un tel projet.
Beaucoup de dirigeants étaient effectivement « morts dans leurs têtes » et leur
parcours éducatif ne les préparait en rien à leur mission pragmatique en
adéquation avec les problèmes réels d’une entreprise, comme le démontre très
bien Henry Mintzberg dans son « Voyage au centre des organisations »11.
Un quart de siècle plus tard la multiplication des fusions-acquisitions, la priva-
tisation des entreprises publiques en France, la mondialisation et son « effet
papillon »12 ont accéléré le processus de fragilisation de l’économie hexa-
gonale mais le constat d’Hervé Sérieyx perdure13. Nous ne pouvons que le
confirmer à la lumière d’une expérience de terrain analogue qui nous avait
aussi permis de croiser cet éminent collègue lorsque tous deux avions les
mêmes illusions, dont certaines se sont effritées au contact d’une dure réalité
organisationnelle. En effet, les dirigeants qui doivent produire un retour sur
investissement de 15 % pour satisfaire l’appétit féroce de leurs nouveaux
actionnaires, fonds de placements et autres financiers voraces, n’ont toujours
8. Une de mes étudiantes de 5e année est toute contente d’avoir trouvé un stage dans un service
RH, dans un centre de promotion sociale important : elle est affectée au contrôle des feuilles
de paie.
9. H. Sérieyx, Jeunes et entreprise, Éditions d’Organisation, 2005.
10. M. Montaigne, Les Essais, I, 26.
11. H. Mintzberg, Voyage au entre des organisations, Éditions d’Organisation, 2000.
12. L’effet papillon est constitué par les répercussions dans le temps et dans l’espace du
moindre phénomène et l’illustration la plus récente nous est fournie par la crise des
subprimes.
13. H. Sérieyx, ibidem.
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14. Les chiffres varient selon les sources et selon l’âge auquel on a dénomme les seniors à
50 ans (67 %, OCDE) ou 55 ans (63 %, INSEE).
15. H. Séryex, op. cit., p. 17.
16. J. Ellul, Le bluff technologique, Hachette, 1988.
17. La publigande est l’art et la manière dont les media nous racontent des fables pour nous faire
consommer et voter droit, comme nous l’avons expliqué dans Cinq thèses de communi-
cation sociale, PUB, 1998 (chapitre 5).
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4 Le Manager positif
vous en catimini dans un hôtel d’Agadir. Une fois la belle arrivée dans ses
atours séducteurs, alors que le duo classique entamait sa parade, au bord de la
piscine caché derrière un palmier, à l’ombre de la mosquée, le portable du
Roméo-Mohamed se mit à sonner : le charme était rompu.
Les méthodes utiles au « manager positif » existent donc puisqu’elles sont
pratiquées par de nombreux organismes. Il faut maintenant les rassembler en
un seul corpus pragmatique, dans une boîte à outils clairement répertoriée,
avec des modes d’emplois simples et passibles d’un apprentissage concret
pour les mettre à disposition du personnel d’encadrement.18 La seule condition
réside dans la volonté de chaque manager : il doit considérer que cette décision
va lui servir de sauf-conduit pour atteindre son Graal (ses aspirations person-
nelles qui l’ont conduit à vouloir prendre des responsabilités, décider un projet
professionnel, entreprendre une carrière), satisfaire ainsi lui-même ses propres
besoins fondamentaux et, au-delà, obtenir la progression, l’épanouissement, la
réalisation et le développement personnel auxquels il aspire.
Cet ouvrage est donc consacré à des propositions concrètes qui doivent
permettre aux managers de mettre en œuvre des pratiques utiles à prendre en
charge les diverses populations dont ils doivent mobiliser l’énergie pour les
écouter, les informer, les reconnaître, les faire progresser. Cette action quoti-
dienne doit être constamment adaptée à des personnes qui ont une existence
propre, des contraintes et des projets en dehors de leur vie de labeur et qui
doutent de leur utilité professionnelle parce qu’elles se perçoivent trop souvent
comme des fusibles qui seront déconnectés et jetés au moindre aléa. L’objectif
du manager « positif » consiste donc, via la stimulation de ces besoins psycho-
logiques fondamentaux et l’exercice de pratiques simples mais persistantes
d’ingénierie des ressources humaines, de les motiver, les impliquer et les inté-
resser à remporter les nouveaux défis qui se présentent à eux dans le cadre
d’un organisme de travail profondément perturbé et fragilisé par la
mondialisation et les dérives du système capitaliste19.
Dans ce contexte qui s’apparente plus à un nouveau désordre mondial que
véritablement à un ordre policé et prévisible, chacun, dans sa fonction (comme
dans sa vie de consommateur d’ailleurs), doit comprendre qu’il n’est plus du
18. Le lecteur trouvera les méthodes fondamentales du management positif (évaluation des
compétences, description de fonction, démarche qualité et communication) rassemblées et
développées dans GPEC, pour une stratégie durable et adaptable. AFNOR Éditions, 2008.
Cet ouvrage rappelle les procédures et principes adaptés à quelques situations typiques
auxquelles tout manager est confronté.
19. J. Stiglitz, La grande désillusion, Livre de Poche, 2003.
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20. Pratique qui consiste à confier à des sous-taitants des fonctions à un coût moindre : la paie,
la comptabilité, la formation, etc. afin de se recentrer sur le cœur de métier… À la limite,
c’est le concept de l’entreprise sans usine. ni structure : un bureau, fax, mail et téléphone
suffisent.
21. J. Attali, Une brève histoire de l’avenir, Fayard, 2006.
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Partie I
Les Autres : quel fléau !
Depuis la réflexion de Jean Paul Sartre, l’univers du travail se révèle plus que
jamais emblématique de ce constat : « L’enfer, c’est les autres ! » La vie en
collectivité serait tellement simple si elle excluait l’autre, ce double insuppor-
table qui nous renvoie notre image en permanence et nous montre, comme une
caricature, tous les travers qui nous habitent. Si nos relations avec autrui appa-
raissent aussi tendues, aussi problématiques et aussi difficiles, si le conflit
surgit à la moindre contradiction, et entraîne la kyrielle des violences coutu-
mières, c’est parce que les autres constituent un miroir impitoyable sur nos
propres défauts, nos petites vertus et nos grandes lacunes, notre médiocrité de
chaque instant et la grandeur de notre aveuglement continu envers nous-mêmes.
Quoique nous disions et quoique nous fassions, le jugement et le regard
d’autrui s’immiscent au plus profond de notre être pour nous rendre totalement
dépendants de l’évaluation d’autrui. Cette évaluation est le plus souvent la
cause d’une dramatique dévalorisation de nos actions qui retentit au plus
profond de notre être, inhibe notre énergie, pénalise notre motivation et
pervertit nos performances. Ainsi sommes-nous conduits à jouer un rôle de
composition pour plaire à l’autre, satisfaire à ses attentes ou éviter sa vindicte.
En retour, celui-ci ne fait rien pour nous. Ou plutôt si : l’autre fait tout pour
perturber notre action, vicier nos relations, contredire nos avis, s’opposer à
nous en toute chose avec plus ou moins de violence et de férocité.
Cette dissonance permanente entre ce que nous faisons et la façon dont nous
sommes perçus remet en cause profondément notre savoir-être, notre compor-
tement vis-à-vis d’autrui, nos convictions sur la nature humaine, notre sécurité
intérieure en produisant un sentiment de dévalorisation intense que nous cher-
chons à compenser par le dénigrement systématique de ces agents troubles de
notre quiétude psychologique. S’ensuivent alors des dysfonctionnements
personnels et relationnels plus ou moins aigus qui se déroulent comme autant
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10 Le Manager positif
22. Les études sont incomplètes mais une seule d’entre elles, réalisée dans les entreprises, en
Bourgogne en 1999-2000, a recensé 400 suicides et dix fois plus de tentatives tandis que
l’enquête de 2004 du Haut comité de la santé, montre que 20 % des Français se disent
harcelés, 30 % se déclarent exposés à la violence verbale et physique et 44 % se plaignent
du stress sur leur lieu de travail. Rapport « Violences et santé ».
23. P. Molinier, Les enjeux psychiques du travail, Payot, 2006.
24. A. Labruffe, Communication et qualité, AFNOR Éditions, 2008.
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12 Le Manager positif
1
Tous des nuls !
14 Le Manager positif
fournisseur allemand, mais qui est livrée et montée par des Nuls, alors que la
production doit démarrer dès demain matin ! Quant à cet artisan, il ferme dans
dix minutes et ne pourra percer ces fichus trous que demain ! Et en plus il faut
se prosterner devant lui pour passer en priorité dès l’ouverture de son atelier, à
huit heures du matin. Tout cela pour percer et tarauder deux malheureux trous
dans un carter de protection. En ce qui concerne le bordereau d’envoi pour
accompagner cette opération, il faut que je m’en occupe moi-même car je ne
peux rien demander à ma secrétaire qui est en train de partir : 16 heures
quarante-trois : c’est l’heure de la débauche à cause des trente-cinq heures et
de ces sept minutes par jour de départ anticipé sur l’horaire habituel pour faire
un compte rond. Pas moyen de lui demander : elle est nullissime ! Tous des
nullards, mêmes ces députés qui ont voté la loi, le législateur qui l’a conçue et
le gouvernement qui l’a mise en place alors que pendant ce temps-là nos
concurrents se frottent les mains : ils travaillent ! C’est vraiment nul !
Ainsi va la nullité endémique alors que la cohorte des nuls s’allonge dans
l’esprit de notre manager qui ferait bien de s’éveiller à l’esprit positif pour
enrayer la déprime qui le gagne en égrenant la longue liste des nuls qui
l’entourent, l’accablent et le conduisent tout droit à l’asphyxie de sa pensée et
à l’infarctus de son myocarde. Il serait temps qu’il apprenne à manager en se
ménageant lui-même (voir chapitre 8).
Aurait-il pu agir différemment et obtenir de meilleurs résultats si sa représen-
tation des autres eut été différente ? Le management positif, démontré
notamment par le toyotisme26 se fonde sur un état d’esprit résolument opti-
miste et une conception de l’homme qui le place au centre du système organi-
sationnel, comme Edwards Deming le voulait lorsqu’il s’est mis en devoir
d’aider ses collègues du Japon pour redresser l’économie du pays au
lendemain de la reddition d’Hiro-Hito.
L’état d’esprit optimiste manifesté par l’indéfectible croyance dans les possibi-
lités des hommes et la stimulation de leurs besoins psychologiques fonda-
mentaux constitue les deux piliers du management relationnel tel que l’avait
compris Edwards Deming. Il avait en effet décelé chez les salariés nippons un
profond attachement à des valeurs culturelles nationales qui se traduisait par une
émulation, une motivation et une détermination sans faille à servir l’organisme
pour lequel ils travaillaient. Or cette motivation était déclenchée par une organi-
sation en réseau et une méthode de communication généralisée (le nemawashi)
26. A. Labruffe, 101 tableaux de bord pour mieux communiquer dans l’entreprise,
AFNOR Éditions, 2007, chapitre 2.
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27. Définition donnée par Robert Escarpit concernant la communication dans Théorie générale
de l’information et de la communication, Hachette, Paris, 1988.
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16 Le Manager positif
18 Le Manager positif
33. J’ai connu un chef de service, dans une université parisienne de renom, qui avait déclaré que
puisque certaines fêtes chrétiennes étaient chômées, il en allait de même pour les fêtes
juives. Dans des écoles d’ingénieurs de renom, certains intégristes de tous bords en profitent
pour chômer les fêtes religieuses qui leur conviennent, et chaque semaine, le vendredi pour
les uns, le samedi pour d’autres. Quant au mois du ramadan, mon correspondant à Alger
m’indique avec un art de la litote non consommé que « les affaires sont ralenties » !
34. Expression due à Bateson, dans Vers une écologie de l’esprit, tome I, coll. « Points-Essai »,
Seuil, 1995.
35. Leader de l’École de Palo-Alto spécialisée, à l’origine, dans les thérapies familiales (voir
Marc E. et Picard D., L’École de Palo-Alto, Retz, 1980.
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36. D’après deux études menées en Bourgogne où les médecins du travail ont enregistré
400 suicides en un an et en Basse Normandie où se chiffre est tombé à 100. En tenant
compte de la vingtaine de régions françaises, l’estimation se situe donc entre 2 000 et
8 000 suicides annuels dans les entreprises et 20 000 à 80 000 tentatives (Source :
www.infosuicide.org).
37. R. Amiel, P. Sivadon, Psychopathologie du travail, ESF, 1969.
38. C. Dejours, Travail, usure mentale : essai de psychopathologie, Bayard, 2008.
39. A. Labruffe, Audit de l’entreprise communicante. Bases, méthodes, enjeux et stratégies de
la communication, Bordeaux, Socrate, 1991.
40. F. Perucca et G. Pouradier, La bouffe d’égout, Ramsay, 1999.
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20 Le Manager positif
celle qui est initiée par une autorité. Le management doit donc s’efforcer de
stimuler ce besoin à toute occasion : un regard, un mot, un encouragement, une
oreille attentive, un moment de discussion pour échanger, faire le point,
recueillir un avis et – stimulation suprême – décider.
Napoléon rendait visite à chacun de ses soldats avant la bataille et ceux-ci
étaient prêts à se faire hacher menu pour leur idole, dit la légende. Monsieur
Honda avait l’habitude de faire la tournée de ses usines en saluant chacun de
ses salariés et en demandant des nouvelles de sa famille. Il n’avait pas de
bureau propre ni de dossier, mais son occupation principale résidait dans cette
tournée perpétuelle. Les automobiles Honda sont toujours réputées pour leur
excellente fiabilité et arrivent, depuis deux décennies, en tête des hit-parades
de qualité établis par les organismes certificateurs et les revues spécialisées.
Là encore ces exemples démontrent comment communication et qualité sont
étroitement liées au besoin fondamental qu’il est nécessaire d’exciter de façon
continue : la reconnaissance. Un mot, un regard, un encouragement y suffisent
le plus souvent. Une récompense, l’amélioration du statut, plus de responsabi-
lités, un avantage matériel ou une médaille pourront servir dans les autres cas.
Edwards T. Hall44 notait que les femmes américaines découvraient leur
féminité en se promenant en Europe, car elles étaient regardées par les
hommes et avaient enfin le sentiment d’être considérées en tant que femmes,
objet de désir et non d’exclusion. Le regard porté à l’autre le fait donc accéder
à l’existence. De jeunes femmes marocaines rencontrées à l’Université
Ibn Zohr d’Agadir m’ont confié que, le jour où elles se voileraient, elles
auraient le sentiment de renoncer bien plus qu’à leur féminité mais à leur exis-
tence même de femme, d’être humain ; pour elles cette décision correspondait
à un suicide. Or d’une année sur l’autre ce phénomène s’étend davantage sous
la pression sociale45. En France, que peuvent alors ressentir ces employés ayant
peu de qualification, qui ne sont ni regardés ni salués par les personnes qu’ils
côtoient, comme c’est par exemple le cas des personnels de nettoyage dans les
bureaux, les supermarchés, les administrations, les hôpitaux. Chacun a pu le
constater : ils sont – au mieux – considérés comme des gêneurs avec leur
attirail encombrant de techniciens de surface.
22 Le Manager positif
50. O. Gélinier, Le secret des structures compétitives, Éd. Hommes et Technique, 1968.
51. M. Crozier, L’entreprise à l’écoute, Interéditions, Paris, 1996.
52. H. Mintzberg, Voyage au centre des organisations, Éd. d’Organisation, 1998.
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24 Le Manager positif
2
Incompétents, vous dis-je !
28 Le Manager positif
30 Le Manager positif
32 Le Manager positif
34 Le Manager positif
36 Le Manager positif
Un format A3 (double page) est conseillé ainsi que l’emploi d’un crayon
et d’une gomme dans le temps de la rédaction en groupe. Ensuite la rédaction
sur ordinateur facilitera l’apport de toutes les précisions utiles, la transformation
ou l’amélioration des formulations puis les validations nécessaires.
38 Le Manager positif
c) prévoir les évolutions technologiques et leur impact sur les fonctions et les
compétences requises ;
d) établir des cartes de compétences de certaines populations, notamment les
seniors (les quinquagénaires que nous appellerons « jeniors »), pour
bonifier leurs compétences et les utiliser au mieux ;
e) réaliser des cartes de compétences synthétiques d’un service pour prévoir
les évolutions de compétences nécessaires et les recrutements indispen-
sables tout en mettant en évidence les personnes ressources et celles
passibles d’une impérative mise à niveau dans tel ou tel domaine de
compétence.
40 Le Manager positif
60. A. Labruffe, Guide pour l’évaluation continue des personnels de santé, LEH, 2008.
61. A. Labruffe, Le savoir-être ! Un référentiel professionnel d’excellence, AFNOR Éditions,
2008.
62. Tous les conseils utiles sur www.socratemanagement.fr.
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42 Le Manager positif
44 Le Manager positif
Légende : Dans la colonne « acquis », les notes 1,2,3,4 indiquent les degrés de maîtrise comme
défini plus haut (1 = hésitant ; 2 = effectué de façon erronée ; 3 = réalisé aisément et vite ;
4 = exécuté les yeux fermés)
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46 Le Manager positif
48 Le Manager positif
3
Celui-là, c’est une erreur
de recrutement !
50 Le Manager positif
Il est d’autant plus important de réagir à ces pratiques que même un certain
nombre de sectes proposent ces techniques d’évaluation des personnes, qui
confinent à la magie, pour s’implanter dans les entreprises. En les affublant
d’une apparence pseudo-scientifique, les gogos adhéreront ensuite à leur
cause. En outre, lors d’un recrutement, certains choix sont justifiés par
l’appartenance du candidat à des partis politiques, à une religion, ou à des
mouvements idéologiques dans lesquels trois points en triangle ou un compas
servent de signes de reconnaissance et de sésame à une fonction stratégique.
Pour se démarquer de telles pratiques obscurantistes et manifester sa réelle
responsabilité sociétale, le management relationnel peut alors être défini
comme un ensemble de compétences impulsant des actions basées sur des
méthodes, des normes et des procédures qui s’inscrivent dans le champ de la
normalisation 9000/2001 sous le sigle générique FDX 50-183. La normali-
sation en cours avec la nouvelle norme WD/26000.3 l’invite aussi à respecter
trois principes majeurs. Le recrutement des organismes doit alors s’inscrire
dans le cadre du développement durable des ressources humaines et de la
responsabilité sociétale dont leurs dirigeants se réclament haut et fort :
– le respect des droits humains fondamentaux excluant notamment
l’emploi des enfants et des conditions de travail insupportables ;
– le développement personnel et l’épanouissement de salariés tout au long
de leur carrière ;
– la formation continue des personnels dès leur embauche.
De l’opportunité et de la pertinence de cette compétence dévolue à l’embauche
dépendent à la fois l’épanouissement harmonieux du candidat dans le réseau
clients-fournisseurs et sa performance nécessaire à l’obtention de la qualité
attendue par le client final. Or ce double enjeu, humain et organisationnel, est
loin d’être perçu par la plupart des dirigeants qui utilisent des pratiques pour le
moins curieuses afin d’opérer ce choix déterminant pour enrichir le capital des
compétences de l’organisme. Or un candidat à l’embauche, homme ou femme,
jeune ou plus expérimenté, ne peut ni se réduire en une équation ou un algo-
rithme permettant de prévoir son comportement, ni se deviner par le biais de
techniques sans rapport avec ce qu’il peut lui-même exprimer, analyser et
vouloir. Il s’agit donc tout bonnement de le faire s’exprimer sur son vécu et de
l’écouter activement, moyennant une formation et des outils qui facilitent cette
action d’observation et d’analyse concertée. Quant à l’usage des tests psycho-
techniques à l’utilité fort réduite, ou celle des inventaires de personnalité aux
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52 Le Manager positif
résultats aussi aléatoires que pernicieux, ils sont légalement réservés à des
psychologues du travail dûment diplômés d’un master (Bac + 5)66.
Or la réalité est bien différente. Pour évaluer des candidats à l’embauche, défi
majeur de la gestion des ressources humaines, de multiples acteurs prétendent
imposer leurs incantations divinatoires : gourous, cabinets conseils douteux,
consultants-charlatans et autres mages aux recettes stupéfiantes rivalisent
avec des pratiques obsolètes et des recettes inadaptées. Ils envahissent ce
domaine capital de la gestion des entreprises au détriment d’une méthode
rigoureuse qui s’impose tout au long d’un parcours semé d’embûches et de
chausse-trappes…
Le manager doit donc souscrire à une procédure qui rompt avec des pratiques
d’un autre âge et introduire de la rationalité dans cette étape capitale. Elle
détermine la composition efficace d’une équipe en fonction de compétences
directement utilisables et de caractéristiques objectives de personnalité
prouvées par l’expérience et un comportement démontré lors des entretiens
qui jalonnent la procédure. Il y faut de la patience, de la rigueur et beaucoup
d’humilité dans une situation où l’écoute, la naïveté (apparente) et la prépa-
ration jouent un rôle capital pour opérer un choix valide. Le recruteur doit
aussi se souvenir que le candidat a tendance à jouer lui aussi un jeu, celui du
chat et de la souris, et que les jeunes – en particulier – effectuent un simulacre
de soumission pour obtenir une décision en leur faveur, en masquant leurs
réelles motivations (élucidées au prochain chapitre 4).
54 Le Manager positif
56 Le Manager positif
Ce guide d’entretien peut être précisé par l’élaboration et l’utilisation d’un formulaire plus précis
qui permet de passer au crible et d’enregistrer toutes les informations recueillies au cours de
l’entretien. C’est le but de l’exemple du tableau 3 conçu et utilisé pour le recrutement de
vendeurs dans une concession automobile d’un grand constructeur français.
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PERFECTIONNEMENT :
PERMIS. Depuis quand avez-vous le permis ? ____________ Points : ____ /12
SERVICE NATIONAL.
STAGES PRATIQUES.
Où ? Quoi ? Lieux Durées
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58 Le Manager positif
EMPLOIS.
CONNAISSANCES ET COMPÉTENCES.
Secteur auto : Bureautique Travail en concession :
Secteur géographique :
Vente : Crédit : Achat : Conduite auto :
Expression orale : Expression écrite :
INTÉRÊTS ET LOISIRS.
Bricolage Culture Sports Voyages
Informatique
Association Autres
FAMILLE.
PORTRAIT.
++++ Dynamisme/Relationnelle -- -- —
RÉFÉRENCES.
JUSTIFICATIFS.
Permis de conduire : Casier judiciaire : Bulletins de salaire : Diplômes :
ÉLÉMENTS RÉDHIBITOIRES.
IMPRESSIONS.
AVIS DE SYNTHÈSE.
VISA
Décision finale
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60 Le Manager positif
62 Le Manager positif
67. Alain Labruffe, 60 tableaux de bord pour la gestion des compétences, AFNOR Éditions,
2007.
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64 Le Manager positif
Vu par :
RÉSUME HISTORIQUE
Formation
Perfectionnement
Carrière
FONCTIONNEMENT INTELLECTUEL
MOTIVATIONS
REMARQUES
AVIS DE SYNTHÈSE
Visa du rédacteur
Entretiens E1 E2 E3 E4
Nom candidat - - - -
Date entretien - - - -
A Comportement positif
1. Ouverture du corps
2. Intonation
3. Regard
4. Respiration
B Stratégie
1. Entrée en relation
2. Objectif d’adhésion
3. Créativité
4. Interaction
C Écoute active
1. Amortisseur
2. Silence actif
3. Encouragement
4. Empathie
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66 Le Manager positif
Entretiens E1 E2 E3 E4
Nom candidat - - - -
Date entretien - - - -
D Progression
1. Synthèses
2. Effet miroir
3. Interrogation
4. Accords
E Contrôle affectif
1. Transformation – en +
2. Gestion des
provocations
3. Jéricho
4. Énergie
Score général
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4
Ah, les jeunes !
Blousons noirs pendant les sixties, quarante ans plus tard, ils nous traitent de
bouffons en nous regardant comme si nous sortions de nos cavernes pour
découvrir leur monde hi-tech fait de bruit et de fureur, de passions aussi éphé-
mères que les nouvelles stars, avec l’air de ceux qui sont revenus de tout parce
qu’ils ont été partout et n’y ont vu nulle trace de futur. Ils dodelinent de la tête
en ruminant un chewing-gum à la place de la cigarette qu’ils n’ont plus le droit
de fumer dans les lieux publics. Mais, en privé, nombre d’entre eux se font des
joints (le cannabis est moins toxique que le tabac, c’est bien connu ; mais cela
fait 10 % de morts sur la route) et beaucoup goûtent à des drogues dures. Ils se
demandent pourquoi nous, les vieux de plus de trente ans, ne leur laissons pas
notre place car ils sauraient aussi bien faire que nous, sûrement mieux
d’ailleurs. Nonchalamment assis dans l’antichambre du service RH qui les
reçoit un jour de convocation pour examiner leur candidature, ils sont branchés
de partout et ruminent en cadence en branlant du chef, un sourire béat au coin
des lèvres, délaissant ostensiblement les revues de présentation de la société.
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68 Le Manager positif
Pendant que nous les recevons pour leur accorder le fameux sésame qui leur
ouvrira les portes d’un « boulot » dans notre « boîte » qu’ils ont préalablement
décortiquée sur le site internet, ils s’emploient à nous en mettre plein la vue sur
la connaissance de nos « produits de haute technologie » (c’est leur préfé-
rence) et notre « position leader sur son marché ». Ils perdent de leur superbe
quand nous opérons un renversement de perspective :
« Je suis content de voir que vous êtes informé(e)… mais vous, Monsieur (ou
Mademoiselle), qui êtes-vous et qu’êtes-vous prêt(e) à faire pour vous investir
dans l’emploi que nous vous offrons ? ».
Question ridicule évidemment. Mais comment osons-nous mettre en doute
leur dynamisme à toute épreuve, leur mental inoxydable, leur haute opinion
qu’ils ont de leurs compétences (d’autant plus haute qu’ils n’en ont guère
d’opérationnelles, et les filles encore plus que les garçons) et l’inextinguible
adaptabilité dont ils sont capables ? D’ailleurs leurs diplômes sont là pour
prouver leurs allégations (certains ont même un double cursus et deux masters,
appris – et oublié – deux langues étrangères – dont le japonais ou le chinois).
Mais quel temps perdu ! La célèbre scène du permis de conduire interprété par
Jean Yanne défile dans la tête du recruteur, tout de suite associé à une invite
pressante : « Que suis-je bête ! Mais oui, Mademoiselle évidemment, je
n’attendais que vous ! ». Mais non, point n’est besoin de répondre à la
provocation par un sarcasme. Enchaînons.
« J’ai besoin de voir à qui accorder ma confiance et avec qui je m’embarque
pour travailler en équipe et mener à bien les projets en cours. »
D’accord, elle est diplômée d’HEC, mais a-t-elle vendu quelque chose ?
D’accord, il est ingénieur en modélisation mais, sorti des algorithmes des
abaques, de Fluent, Abaqus ou C ++, a-t-il déjà travaillé avec des équipes de
terrain ou de conception d’un bureau de recherche et développement, réel-
lement vu et analysé une chaîne de production, étudié une file d’attente aux
urgences d’un hôpital, observé une salle de marchés dans une banque ? Lui, a
fait Sciences Po et c’est un beau parleur ; mais pour dire quoi, et mieux encore,
déployer quelles compétences directement utiles à une entreprise ? Cette autre
a « fait de la com » à l’ISIC (Institut spécialisé en journalisme, communication
et multimédia, à Bordeaux) ou au CELSA (Centre d’études littéraires et scien-
tifiques appliquées, à Paris) et veut « faire de l’événementiel », comme si les
entreprises passaient leur temps à « communiquer » au lieu de produire des
biens ou des services ! Le collègue comptable a une interrogation plus terre à
terre, il veut simplement savoir si ce diplômé de finances sait se servir d’un
trombone… et mieux encore, lire un vrai bilan.
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68. Simone Rollin, élue au Sénat, émule de Maria Montessori et chef de réseau pendant la
Résistance.
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70 Le Manager positif
69. Selon H. Sérieyx, op.cit p. 17, pour les 16-25 ans, soit 7 700 000 jeunes, 62 % sont scola-
risés contre, 43 % en Allemagne et 28 % au Royaume-Uni. En 1950, 77 des jeunes Français
de 20 ans travaillaient contre 22 % en 1995.
70. Chiffre obtenu sur le terrain dans deux écoles représentatives.
71. H. Sérieyx, op.cit, p. 123.
72. I. et M. Rovere, La face cachée de Google, Payot, 2008.
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73. Lors du sommet de la Terre de Rio, en 1992, 173 pays adoptent un programme d’actions
pour le XXIe siècle (Agenda 21) afin de s’orienter vers un développement durable de la
planète concernant la gestion des ressources en eau et l’assainissement, la gestion de l’agri-
culture, des déchets, la santé, le logement, la pollution de l’air, la gestion des mers, des
forêts et des montagnes, la désertification.
74. H. Sérieyx, op.cit., p. 47.
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72 Le Manager positif
74 Le Manager positif
76 Le Manager positif
78 Le Manager positif
Le meilleur exemple est constitué par ce BTS commercial qui, après cinq années de
vente de produits agricoles, a su négocier son expérience dans un secteur connexe
d’activité en doublant son salaire précédent, puis après encore cinq années, créait son
entreprise.
Ceux qui sortent des grandes écoles sont normalement sur une voie royale car
ils bénéficient de préjugés favorables : les managers supposent toujours que
leur formation leur a permis d’être adaptables, facilement malléables et tout de
suite opérationnels. Or cette apparente adaptabilité n’est en rien de la
plasticité : il s’agit plutôt d’un rituel de soumission pour obtenir rapidement un
emploi qui leur permette d’assouvir leurs passions extérieures puis, si l’herbe
s’avère plus verte dans le pré d’à côté, aller voir ailleurs pour cumuler tous les
avantages qu’ils en attendent :
– autonomie ;
– aucune bride sur le cou ;
– responsabilités immédiates ;
– direction de groupes et surtout de projets ;
– voyages à l’étranger.
La cerise sur ce gâteau crémeux est symbolisée par des signes extérieurs de
reconnaissance de leur réussite professionnelle dans le cadre de 35 heures dont
ils n’ont toujours pas compris qu’elles ne s’adressent pas à eux mais à des
employés qui cumulent les handicaps du tripalium originel :
– dures contraintes et délais impératifs ;
– rythme de travail ;
– souffrance issue de la charge physique et mentale ;
– absence d’autonomie et de progression ;
– pénibles conditions de travail ;
– pression autoritaire d’un encadrement archaïque ;
– précarité de la condition liée à l’absence de formation continue ;
– fins de mois difficiles pour un pouvoir d’achat en berne sans espoir de
l’améliorer ;
– horizon de retraite qui s’éloigne chaque jour davantage.
Un jeune ingénieur nous confiait qu’il avait compris son rôle de manager quand,
pendant un stage chez Michelin et dans une ambiance de fournaise, il avait
soulevé les gueuses de fonte qui servaient de moules aux pneumatiques…
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80 Le Manager positif
82 Le Manager positif
5
Ah, les vieux !
S’il est une image dévastatrice pour le moral des intéressés, c’est bien celle
forgée par l’ensemble des préjugés colportés au sujet des salariés qui
dépassent l’âge fatidique des 50 ans. Habituellement appelés les « seniors »
nous préférons les appeler « jeniors » pour réserver l’appellation senior à ceux
qui sont partis à la retraite après l’âge légal fixé, depuis 2003, à 65 ans. Non
contents de supporter dans leurs amours le fameux démon de midi ou les
chaleurs de la ménopause, ils doivent supporter l’étiquette infamante de has
been et de radoteur patenté, plus dans le coup au plan professionnel. Tout se
passe alors comme si les entreprises procédaient à un grand coup de balai pour
évincer les plus de cinquante ans pour n’y maintenir qu’un jenior sur trois.
Des manœuvres dilatoires en tout genre précèdent cette éviction : les invita-
tions aux réunions se font plus rares, les remarques sur la santé ou la forme
physique se multiplient, les informations importantes semblent disparaître, les
responsabilités s’amenuisent, les directions de projets deviennent des
souvenirs et des placards s’ouvrent en grand entre deux étages ou dans le fond
d’un sombre couloir.
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84 Le Manager positif
Il est une autre réalité qu’il s’agit de prendre en compte pour changer notre
façon de voir et décider de mettre en œuvre une politique dynamique des
ressources humaines pour remettre ou maintenir en selle les jeniors (mais aussi
84. Laîné F., Les seniors et la formation continue, Premières synthèses DARES, n° 12,
mars 2003.
85. In Les seniors et l’emploi en France, La Documentation française, 2004, p. 102 et 104.
AF_LMP_Corps.fm Page 85 Vendredi, 24. octobre 2008 11:42 11
86. A. Labruffe, Seniors : talents et compétences dans l’entreprise, AFNOR Éditions, 2007,
p. 7.
87. J. Attali, op.cit., p. 145.
88. Source INSEE.
AF_LMP_Corps.fm Page 86 Vendredi, 24. octobre 2008 11:42 11
86 Le Manager positif
Le manager expérimenté s’est forgé tout seul, sur le tas, de façon pragmatique,
par essais et erreurs, sur les seuls modèles qu’il a pu copier au cours de sa vie :
le maître, le militaire, le patriarche. Ce modèle a été renforcé par le système
taylorien mis en place dans tous les organismes, de l’école à l’industrie en
passant par l’administration et l’hôpital. Une image de chef, souvent despo-
tique et autocratique, refusant la discussion, niant et réprimant les besoins
psychologiques fondamentaux des membres de son entourage est parfois
renvoyée dans son foyer, sans aménité, par ses enfants ou son entourage
familial. Ce type de management traditionnel provoque désormais la
soumission, la conformité et le découragement chez des cohortes de subor-
donnés démotivés et passifs. Ce sont alors autant de caractéristiques appa-
rentes, montées en épingle par de jeunes collègues, qui ne font que se renforcer
et se rigidifier, passé le cap de la cinquantaine. En outre, ne pouvant accéder à
un autre comportement basé sur des méthodes et des compétences qui ne sont
pas favorisées par l’envoi en formation (ou qu’il rejette quand il parvient à
suivre de tels stages), le cadre se replie sur une position de plus en plus recro-
quevillée. Il cristallise ainsi un comportement dépassé puis sclérosé, fossilisé
dans des structures archaïques de comportement et de relations, complètement
en dysharmonie par rapport aux nouvelles exigences organisationnelles et
déconnecté des besoins psychologiques et des attentes des collaborateurs.
88 Le Manager positif