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23/09/2019
Soulever les grandes questions normatives soulevées par nos sociétés
Validation travail sur table à la fin de chacun des deux semestres, questions sur le cours
La vie économique des sociétés dans lesquelles nous vivons pose des problèmes techniques
(comment réduire le chômage ?). La science économique s'emploie à décrire les sociétés et à
proposer différents procédés pour remédier à ce qui est perçu comme des problèmes.
À l'arrière plan de ces questions techniques, il y a des prises de position normatives sur le
fonctionnement économique. Si nous cherchons à réduire le chômage, c'est que nous jugeons qu'il
est mauvais que les gens soient sans emploi. Si nous cherchons à réduire les inégalités, c'est que
nous jugeons qu'il est mauvais ou qu'il est injuste qu'il y ait des inégalités ou de trop fortes
inégalités à l'intérieur de la société.
Toute société humaine doit s'organiser pour couvrir les besoins de ses membres, pour mobiliser leur
force de travail afin de se fournir les uns aux autres des biens.
Cette organisation économique est une institution humaine, et à ce titre, cette organisation de la vie
économique est quelque chose qui dépend de nous, ce n'est pas un donné de la nature, qui est
susceptible d'être évalué par nous comme bon ou mauvais. On peut se poser la question de quelle
est l'organisation la plus efficace, la plus juste… à chaque fois nous adoptons un point de vue
normatif et tentons de déterminer quelle est l'organisation qui est la meilleure.
On peut distinguer le marché de deux formes plus simples d'organisation économique de la société.
Historiquement, le marché, l'organisation marchande de la vie économique, n'apparaît que
relativement tardivement dans l'histoire des sociétés humaines malgré des prémisses dans les
sociétés antiques et médiévales, ce n'est vraiment qu'à la fin du XVIIIè siècle et au cours du IXXè
siècle que le marché va devenir le mode d'organisation dominant voire exclusif de la vie
économique.
Karl Polanyi, La Grande Transformation
Expérience de pensée : Supposons que l'on a faim, quelles sont les grandes méthodes possibles nous
permettant de satisfaire notre besoin de manger, en excluant la violence ?
1. La chasse ou la cueillette, si l'on a spontanément cette idée, c'est que l'on vit dans une
société de chasse et de cueillette (SCC) Marshall Sahlins Âge de Pierre, Âge d'Abondance,
l'Economie des sociétés Primitives. On pourrait dire société de l'âge de pierre/société
paléolitique.
Dans une société de ce type, on ne connaît pas la propriété privée, mais il existe des espaces
communs qui sont le territoire du groupe et qui fournissent à ce groupe les ressources dont il
a besoin.
On y connaît qu'un très faible degré de division sociale du travail, une très faible répartition
des tâches productives distinctives : on cueille en groupe, on chasse en groupe, et l'on se
répartit ensuite les fruits de la chasse ou de la cueillette
On ne connaît que de manière résiduelle l'échange, le mode d'organisation par défaut est le
communisme de groupe
On ne vit pas pour produire, la vie économique ne représente qu'une petite fraction de
l'existence de chaque membre du groupe. On dispose de beaucoup de temps libre.
Historiquement, si les sociétés de chasse et de cueillette sont des sociétés de l'âge de pierre et ne
perdurent maintenant plus que dans des petites sociétés isolées, ce mode d'organisation présente des
traits structuraux qui le rendent attrayant ; la liberté, la relation immédiate avec une nature non
cultivée (wilderness), les communs/l'absence de propriété privée, et le loisir. Mais c'est peu
productif.
2. Aller dans la basse-cours tuer un poulet, ou chercher un sac de blé dans le grenier à blé, ou,
si l'on a des chaussures ou des paniers dont nous sommes l'artisan, nous allons les troquer
contre un poulet ou contre un sac de blé. Si c'est comme ça que nous envisageons de couvrir
notre besoin alimentaire, c'est que nous vivons dans une culture d'agriculture et d'artisanat,
qui apparaît 10 000 ans avant J-C, au néolithique. Société néolithique. Période très longue.
Traits de ces sociétés :
Les communs ont disparu, on y connaît à l'inverse la propriété privée, on y cultive son
champ, on y élève ses moutons, on y fabrique ses paniers avec ses outils dans son atelier.
La cueillette en groupe est remplacée par une division sociale du travail, selon un vieux
principe que Platon décrit au livre II de La République, une société ne commence vraiment à
exister que lorsqu'il y a une certaine division sociale du travail
Parce que ces sociétés connaissent à la fois la propriété privée et la division sociale du
travail, elles pratiquent également l'échange. L'échange en question est une forme directe ou
différée de troc. Il est possible que pour faciliter le troc, comme Aristote l'explique dans
l'Ethique à Nicomaque, que la monnaie s'introduise. Le troc peut être médiatisé par la
monnaie.
Ces sociétés, si elles pratiquent un échange de type troc, sont des petites sociétés, des
sociétés dans lesquelles on pratique l'échange de face à face ; si je produis des chaussures, je
sais pour qui je les produis, et quel type de chaussures je dois produire si je veux avoir un
mouton en échange. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'échanges au loin.
Fonctionnent sur des circuits courts, on consomme ce qui est produit localement
3. Aller au supermarché pour y acheter de quoi nous nourrir. Si c'est comme cela que nous
songeons spontanément à couvrir notre faim, c'est que nous vivons dans une société
marchande/société de marché.
Aristote : à partir du moment où la monnaie est introduite pour médiatiser le troc, il peut y avoir des
gens qui sont intéressés par la monnaie elle-même, ce qui pour lui est une perversion.
Pour avoir une société marchande, il faut que gagner de l'argent soit un mobile normal pour mener
une activité productive (D'où "La Grande Transformation" de Polanyi).
Pour que le supermarché fonctionne, il faut que des gens soient intéressés par la contre-valeur des
marchandises (valeur d'usage). Est-ce qu'il suffit qu'apparaisse des gens comme ça pour que le
supermarché soit la norme de couverture des besoins humains ?
Non, il faut en outre, que les communs, et la propriété d'auto-subsistance aient disparu, que nous ne
puissions pas nous fournir à nous mêmes, le super-marché devient le lieu de couvrir nos besoins
alimentaires si nous n'avons plus la possibilité de couvrir par nous-mêmes nos besoins.
Or, à quelle condition est-il possible que nous soyons placés dans une telle situation de
dépendance ? Dans une position telle que chaque société ne puisse couvrir ses besoins que grâce au
supermarché ? À la condition que l'on ait contribué, que l'on ait préalablement vendu d'autres
marchandises, que l'on se soit soi-même impliqué dans la production de biens marchands. J'acquiers
des marchandises avec la contre-valeur monétaire de ma propre production.
Généralisation du mobile chrématistique. Tous les sociétaires sont des producteurs ou des
co-producteurs de marchandises, tout le monde cherche à gagner de l'argent, il faut la généralisation
du mobile chrématistique pour que le marché soit le mode exclusif de couverture des besoins
humains.
Le marché n'est non pas le lieu physique où l'on achète les marchandises, mais est le système de
production qui fait que la couverture des besoins humains s'opère via la forme marchandise, une
société dans laquelle les besoins humains sont couverts via le gain monétaire que le producteur
obtient en les couvrant. On gagne à faire du bien. Lorsque tout le monde a ce mobile, l'organisation
marchande devient le mode exclusif d'organisation de la société.
Une bonne partie de la critique philosophique du marché repose sur l'idée qu'il y a quelque chose
qui ne va pas dans l'idée que l'on fait du bien aux gens non pas pour leur faire du bien, mais pour
gagner de l'argent. On contente les gens non pas dans le but de les rendre heureux, mais dans le but
de s'enrichir soi-même. « Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière, ou du
boulanger, que nous attendons notre dîner, mais du soin qu'ils apportent à leur intérêt, nous ne nous
adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme, et ce n'est jamais de nos besoins que nous leur
parlons, mais toujours de leur avantage » (Adam Smith, La Richesse des Nations, livre I, chapitre II,
It is not from the benevolence of the butcher, the brewer, or the baker that we expect our
dinner, but from their regard to their own self-interest. We address ourselves not to their
humanity but to their self-love, and never talk to them of our own necessities, but of their
advantages.)
Cette description des choses n'est pas complète, nous n'avons pas fait apparaître l'essence du
marché.
Si on s'en tient à cette description, on ne fait pas apparaître ce qu'il y a de particulier à une économie
marchande. Celui qui l'a fait apparaître, c'est Adam Smith. Dans cette description, on a le sentiment
que la société marchande n'est qu'une sorte de raffinement des sociétés de troc. Dans le troc
néolithique, je donne une chaussure contre un poulet, dans une société de marché il y aurait la
même chose mais décomposée en deux étapes. On a dans cette description l'impression que tous les
sociétaires sont dans une situation de parité vis à vis du modèle chrématistique. Mais en réalité, c'est
l'idée centrale de Smith dans le traité sur la richesse des nations, c'est que l'émergence du marché
présuppose en réalité l'émergence d'un type d'acteur économique qui est sans équivalent dans les
sociétés d'agriculture et d'artisanat, c'est ce que l'on appelle les entrepreneurs, ou les capitalistes ; les
détenteurs de capitaux.
La Richesse des Nations « Quand la société est encore dans cet état d’enfance où il n’y a aucune
division du travail, où il ne se fait presque point d’échanges et où chaque individu pourvoit
lui-même à tous ses besoins, il n’est pas nécessaire qu’il existe aucun fonds accumulé ou amassé
d’avance pour faire marcher les affaires de la société. […] Mais, quand une fois la division du
travail est généralement établie, un homme ne peut plus appliquer son travail personnel qu’à une
bien petite partie des besoins qui lui surviennent. Il pourvoit à la plus grande partie de ces besoins
par les produits du travail d’autrui achetés avec le produit de son travail ou, ce qui revient au même,
avec le prix de ce produit. Or cet achat ne peut se faire à moins qu’il n’ait eu le temps, non
seulement d’achever tout à fait, mais encore de vendre le produit de son travail. Il faut donc qu’en
attendant il existe quelque part un fond de denrées de différentes espèces, amassé d’avance pour le
faire subsister et lui fournir, en outre, les matières et les instruments nécessaires à son ouvrage. […]
Puis donc que, dans la nature des choses, l’accumulation d’un capital est un préalable nécessaire à
la division du travail, le travail ne peut recevoir des subdivisions ultérieures qu’en proportion de
l’accumulation progressive de capitaux. […] Le travail ne peut acquérir [une] grande extension de
puissance productive sans une accumulation préalable de capitaux. »
La condition de possibilité ultime de l'économie de marché est l'existence d'une classe spéciale
détenant le capital ; de personnes qui veulent valoriser leur capital.
Supposons que nous naissions, que nous soyons seuls sur terre, et que les choses utiles pour nous
soient enfermées dans un supermarché auquel il faut accéder. Pour y accéder, il faut contribuer
soi-même à l'achalander. L'idée de Smith est la suivante : on ne pourra jamais accéder au
supermarché. Il nous faudra un certain temps pour produire quelque chose, des outils, des matières
premières, il faut donc nécessairement qu'il y ait un stock accumulé primitivement qui va nous
permettre à la fois de consommer pendant le temps que nous produisons, et de mener l'activité
productive à laquelle nous nous livrons. Une société marchande n'est possible que s'il existe des
sociétaires ayant un rôle très spécial, sans équivalent dans les sociétés précédentes : les apporteurs
de capitaux. Une société de marché est certes une société dans laquelle le mobile principal est de
gagner de l'argent, mais ce mobile est d'abord et au premier chef de ceux qui mettent en
mouvement, règlent ou dirigent les opérations productives en fournissant le capital qui leur est
nécessaire. Principe de la primauté motrice du capital, ce qui met en mouvement une activité
productive c'est le soucis d'un détenteur de capital pour la valorisation (ou chez Marx, la
survalorisation) de son capital. En couvrant les besoins des gens, les détenteurs de capitaux
accroissent la valeur de leur capital.
Est-ce qu'il est une bonne chose de conditionner la couverture des besoins humains à leur
profitabilité ?
Deuxième thème : Dans le cas où l'on peut mettre en valeur, mettre en évidence, que l'économie
marchande n'a pas d'alternative et fonctionne, en dépit du scandale moral à la base de ce mode
d'organisation (je vous nourris seulement si j'y gagne de l'argent), est-ce que le marché doit être le
mode d'organisation exclusif ? On va s'interroger sur les limites à la fois économiques et morales du
marché.
Est-ce que si l'on trouve des arguments en faveur de l'efficience du marché (hayekiens), tous les
biens peuvent être apportés le plus efficacement par le marché ? Non, il y a des limites économiques
au marché
Il y a aussi peut-être des limites morales au marché, on pourrait facilement couvrir les besoins de la
population en transfusion sanguine si l'on autorisait un marché de la transfusion sanguine, si l'on
autorisait les gens à gagner de l'argent en transmettant leur sang.
Troisième thème : La primauté motrice du capital, nous nous intéresserons au marché capitaliste.
Nous nous demanderons s'il est possible qu'il y ait un marché sans détenteurs de capitaux.
Analyses de Marx dans Le Capital sur l'exploitation, savoir s'il y a à la base de la survalorisation du
capital une forme d'exploitation du travail humain
Cinquième thème : Savoir si les inégalités qui sont générées par le fonctionnement d'une économie
de marché sont d'un point de vue normatif quelque chose qui pose problème.
S'il faut les considérer comme des injustices, comme des maux politiques qui minent la société.
S'il faut une série de correctifs permettant de limiter les inégalités générées par le marché.
Théories de la justice distributive.
Sixième thème : On se demandera si le marché doit avoir des frontières, s'il est bel et bon d'acheter
français.
On abordera les positions du nationalisme et du cosmopolitisme en matière économique.
Bibliographie :
Adam Smith, Wealth of Nations ( La Richesse des Nations)
Karl Marx Le Capital, livre I
Friedrich Hayek, Law, Legislation and Liberty (Droit, Législation et Liberté)
Cours 2
30/09/2019
Toute l'activité économique est médiatisée par ce que Marx appelle la forme marchande
Un grand nombre d'auteurs considère que l'on peut, et même que l'on doit garder le marché car il n'a
pas d'alternative viable, mais qu'on peut lui adjoindre des correctifs pour endiguer ses effets
négatifs.
Critique de la discipline, de la science qui s'appelle économie politique, des œuvres d'Adam Smith
et Ricardo
Examen critique de la vie économique humaine, de la vie au travail, de la condition humaine qu'il
estime avoir été sous-estimée par la philosophie antérieure, le fait que la plupart des gens passent le
plus clair de leur temps à travailler.
Manuscrits philosophico-économiques de 1844 = Début du projet de critique
L'Idéologie Allemande
Contribution à la Critique de l'Economie Politique 1859
Le Capital, livre 1, 1867
Dans Le Capital, on trouve deux choses : d'abord une critique de l'économie marchande en tant que
tel, du principe même de l'économie marchande, c'est l'objet du chapitre I, et on trouve ensuite dans
un deuxième temps une critique de l'économie marchande capitaliste. Il y a une simultanéité entre la
diffusion du marché et l'émergence d'une économie capitaliste, mais on peut imaginer une société
de marché non-capitaliste.
Marx prétend expliquer la survaleur du capitalisme, chose que selon lui ni Ricardo ni Adam Smith
n'étaient parvenus à expliquer. En amont de cette analyse, il y a une analyse critique du marché en
tant que tel, le principe même de l'économie de marché est là visé par Marx.
Fétichisme de la marchandise
Qu'est-ce qu'une marchandise ? Ce qui caractérise une société marchande c'est que l'on y produit
des marchandises, des biens qui sont tels que l'on peut les vendre. C'est le détenteur de capitaux qui
en fin de compte est le marchand de l'économie marchande.
Marx commence par s'interroger sur ce que c'est qu'une marchandise.
1) Une marchandise c'est un produit du travail humain, rien n'est une marchandise si elle n'est
une œuvre de l'homme
2) C'est le plus souvent une chose physique concrète (Même si dans les sociétés modernes,
c'est le plus souvent un service) qui possède une valeur d'usage, une utilité subjective, si le
travail humain la produit, c'est parce qu'elle produit des bénéfices pour les êtres humains,
elle possède une utilité subjective (Pas le vocabulaire de Marx). Utilité = contribution au
bien-être d'un agent.
Mais pour Marx, après avoir dit ça, on n'a toujours pas dit ce qu'était une marchandise, dans toutes
ces caractéristiques, aucune n'explique la marchandicité de la marchandise, c'est-à-dire le fait qu'elle
ait un prix.
Le point de départ d'analyse de Marx, si l'on veut comprendre la marchandicité (pas un mot de
Marx), il suffit de remarquer que grâce à sa valeur marchande/d'échange/valeur, n'importe quelle
chose utile concrète, aussi différenciée, aussi spécifique soit-elle, que ce soit dans sa source (le
travail qui la produit) et l'utilité qu'elle produit, peut être comparée à n'importe quelle autre et mise
dans un rapport d'équivalence avec les autres. Ce qui fait qu'un paquet de café est une marchandise,
c'est que l'on puisse dire, un paquet de café = trois citrons. « La valeur marchande apparaît rapport
quantitatif d'une valeur d'usage avec d'autres valeurs d'usage » p42
Qu'est-ce que ce simple constat peut nous faire comprendre de l'essence de la marchandicité ? Cette
valeur marchande, même si elle s'exprime par un prix, n'est en rien une convention arbitraire. Il y a
une réalité derrière. Quand on dit 1 téléphone = 100 paquets de café = 500 citrons, on n'institue pas
un rapport arbitraire de valeur, mais on exprime un rapport objectif de valeur, les prix de marché
oscillent autour d'un rapport objectif de valeur. Ce qui est conventionnel dans la valeur marchande,
c'est l'unité monétaire, le fait que la valeur s'exprime en euro/marks etc.. ce qui n'est pas
conventionnel, c'est le rapport de valeur lui-même.
Si on admet que la valeur marchande est quelque chose d'objectif, ce quelque chose :
1. Est une réalité purement quantitative, effectivement, l'essence de la valeur marchande, c'est
d'être une équivalence générale, de permettre une comparaison objective d'un produit avec
un autre produit
2. C'est une réalité qui, quelle qu'elle soit, peut exister à l'identique dans des choses
qualitativement très différentes, on peut dire qu'il y a la même valeur marchande dans un
paquet de café et dans un paquet de thé. Si on admet que la valeur n'est pas quelque chose de
conventionnel mais d'objectif, il doit y avoir dans les choses quelque chose qui est
responsable de leur valeur et quelque chose qui en outre peut donc être présent
identiquement dans toutes les marchandises.
La thèse de Marx est que la seule chose qui soit commune à un téléphone, un paquet de café, un
citron, un acte médical, et en outre, qui puisse être corrélé à la valeur marchande comparative de
chacun se ces objets, c'est le quantum de travail humain incorporé dans chacun.
Mais en même temps le travail requis pour travailler un téléphone, artichaut ou un citron sont un
travail différent, il introduit donc le concept de travail général indifférencié simple abstrait
uniforme.
Le travail réel fourni par les gens réels est quelque chose de qualitativement différent alors que le
travail pour fabriquer un citron n'est pas la même chose que le travail nécessaire pour fabriquer un
téléphone. Néanmoins il est possible de ramener chacun de ces travaux spécifiquement différents à
une grandeur moyenne de travail
3 personnes peuvent consacrer 300h de travail de leur vie. Ce stock d'heures de travail est une
ressource à leur disposition, supposons que le groupe décide d'affecter 200h à un produit A, 80h à
un produit B, 20h à un produit C. C'est ça pour Marx qui va faire la valeur du produit.
Marx n'ignore pas que pour produire un objet il ne faut pas seulement du travail, il faut aussi des
matières premières et des machines. Le raisonnement est le suivant : qu'est-ce qui va faire la valeur
des matières premières ? La quantité de travail requis pour les extraire. Des machines ? La quantité
de travail requis pour les produire. Derrière chaque objet il y a toujours du travail humain, soit du
travail vivant, de ceux qui produisent effectivement, ou du travail mort, du travail qui a été fourni
pour produire la machine, le brevet, etc.. on peut reconduire la totalité de la valeur à la quantité de
travail parce qu'il n'y a pas seulement le travail vivant de celui qui a produit le stylo mais le travail
en amont de celui qui a travaillé dans la raffinerie qui a produit le plastique avec lequel il est fait...
Aujourd'hui on considère cette théorie de la valeur, présente aussi chez Adam Smith et Ricardo
comme erronée, elle ne permet pas de rendre compte des rapports de valeur et de l'équivalence
générale ; on lui préfère une théorie de la valeur qui se réfère à la valeur objective, à la rareté des
ressources ; au coût d'opportunité, et son utilité.
Économistes, valeur = rapport entre la rareté relative et l'utilité de la marchandise.
Mais ce n'est pas très important, même si on adopte une autre théorie de la valeur, il y a une chose
qui reste vraie : il y a un certain quantum de temps de vie humaine incorporé dans un produit.
Dans une économie marchande, les gens travaillent les uns pour les autres, et plus précisément, pour
tous les autres. Dans une économie de chasse et de cueillette, les gens ne travaillent pas pour les
autres, ils font tout en groupe. Dans une économie d'artisanat on peut dire que les gens travaillent
partiellement pour eux, et partiellement pour les autres, mais les autres qui sont dans leur proximité,
auxquels ils vont ajuster leur travail.
Dans une société marchande, les gens ne travaillent que pour les autres, ou alors la production qui
leur est destinée est résiduelle, et ils le font pour n'importe quel autre ; quand je produis une
marchandise je la destine à quiconque pourra l'acquérir, et donc virtuellement au monde entier, sans
avoir besoin de les connaître ; on destine sa production à l'ensemble potentiel des êtres humains.
Cela veut dire que dans une économie marchande, le travail humain devient un travail social ;
c'est-à-dire qu'en travaillant, chacun sert la société en général, il ne se sert pas lui, ni son ami, ni son
voisin, mais quiconque voudra de la marchandise. Le marché socialise le travail humain.Si on
analyse la réalité de ce qu'il se passe dans l'économie marchande, les gens consacrent une partie de
leur vie à rendre service à tous les autres, à faire pour n'importe quel autre des choses, produire des
biens, fournir des services, qui ne plaisent pas à lui, mais rendent service aux autres. Je consacre du
temps de ma vie à produire de l'utilité, à faire le bien des autres.
Mais ce n'est pas comme ça que les gens vivent leur travail. Ils sont mus par la contre-valeur
marchande et non par la valeur d'usage.
Qu'est-ce que le fétichisme de la marchandise ? Si mes artichauts se vendent, qu'est-ce que cela veut
dire ? Que mon travail a été socialement utile. J'ai consacré des heures de ma vie à cultiver mes
artichauts, je les ai vendus. Ce qui a vraiment de la valeur, c'est le travail accompli en produisant
mes artichauts. Mais l'économie marchande voile cette réalité, empêche les gens de voir la réalité, et
en plus, si elle ne voile pas cette réalité, le système s'effondre ; si les gens n'ont plus pour but de
gagner de l'argent, le système s'effondre.
Ce que perçoit et valorise le producteur d'artichauts ce n'est pas la portion de sa vie qu'il a consacrée
aux autres, mais le prix qu'il a obtenu en vendant ses artichauts. Or la réalité qui est derrière le bon
prix, c'est l'utilité sociale de son travail. Pourquoi ses artichauts se vendent bien ? Car le quantum de
travail incorporé dans cet objet a généré de l'utilité sociale. Mais il est fondamental que lui ne
raisonne qu'en terme de profit marchand. Pour que le système marche, il faut que les opérateurs, les
acteurs, les producteurs, ne voient pas la réalité de leur pratique, il faut qu'ils ne voient que ce qui
n'est qu'un fétiche dans leur pratique : la valeur marchande, la contre-valeur monétaire obtenue par
leur propre pratique. Les hommes sont contraints de ne pas voir la réalité de leur pratique.
Pamphlet, Charles De Brosses, Le Culte des dieux fétiches, inspire Marx, une tribu fait des choses
sacrées, et adorent un caillou, la marchandise, c'est un peu cela, c'est comme s'il y avait une sorte de
valeur sacrée dans la marchandise.
Cours 3
07/10/2019
Le marché donne une conscience illusoire de la réalité pratique. La réalité de la pratique est que
l'économie marchande réalise une socialisation marchande quasi universelle de la productivité de
presque tous les humains. Dans une société marchande, il n'y a plus d'auto-consommation
Dans une économie marchande chaque opérateur, chaque acteur économique, travaille pour
quiconque en aura besoin. Son activité est tournée vers la satisfaction des besoins humains en
général. Dimension cruciale de l'économie marchande que Marx considère comme quelque
chose de positif, meilleur que ce que l'on peut trouver dans les modes de production
antérieurs
Marx valorise la dimension universelle de l'économie marchande, la neutralité des produits,
qui ne sont pas destinés à tel ou tel peuple, ou tel ou tel individu.. mais à celui qui en a besoin.
La réalité de l'économie marchande est la socialisation du travail humain.
Si c'est la réalité de l'économie marchande, ce n'est pas comme ça que les acteurs voient leur
pratique, et il est fondamental qu'ils ne voient pas leur pratique comme ça, qu'ils ne se perçoivent
pas comme des serviteurs de l'humanité, comme accomplissant une sorte de service social. En effet,
quand le producteur d'artichauts travaille pour les autres en fabriquant des artichauts, son mobile
n'est pas de servir l'humanité, c'est de gagner de l'argent. C'est ça qu'il doit voir. C'est seulement s'il
se base là-dessus qu'il va faire quelque chose de socialement utile.
Il a besoin de regarder son activité avec l'œil égoïste de celui qui veut gagner un maximum d'argent.
L'argent voile aux acteurs la réalité de leur pratique.
Ce n'est pas une critique qui dit que c'est immoral de gagner de l'argent. La critique est que les êtres
humains sont condamnés à se leurrer sur ce qu'ils font, et sur quelque chose que Marx considère
comme bénéfique qui est le service universel des hommes.
Dans les analyses post-marxistes cette contradiction est présentée comme d'un côté la dimension
objectivement altruiste de l'objet économique et de l'autre la mentalité de l'homo-oeconomicus.
Mentalité engendrée par la société marchande et par laquelle le sujet est en permanence soucieux de
gagner de l'argent, de bien dépenser son argent.. cette psychologie est un sous-produit du marché,
elle est inconnue des sociétés de l'âge de pierre.
Et donc la contradiction que Marx exprime entre destination sociale de la pratique et conscience
bornée des acteurs on peut aussi la décrire en terme moraux ; on a affaire à une pratique altruiste et
une psychologie qui elle est tournée vers soi, vers la maximisation de la valeur marchande que l'on
produit, qui est typique de l'homo-oeconomicus
Quand on a mis en évidence cette contradiction, tension, entre la réalité et la conscience, est-ce
qu'elle peut être levée ? Est-ce qu'il est possible de réconcilier la conscience avec la réalité ?
Puisque la valorisation fétichiste de l'argent est l'essence même de l'économie marchande, changer
la conscience suppose de changer l'organisation de la vie économique. Il faut modifier l'organisation
économique pour que les acteurs n'aient plus à passer par le fétichisme de la marchandise.
Ce sont des modes d'organisation non-marchands qui auraient pour caractéristiques de ne pas
condamner les acteurs à la fausse conscience et de leur permettre de vivre en adéquation avec la
réalité de leur pratique
Ce que nous cherchons à définir, c'est une méthode pour mobiliser la force productive des membres
d'une société. Imaginons un groupe, par quel moyen peut-il mobiliser la force de travail potentielle
des sociétaires afin de couvrir leurs besoins ? Il faut donc assigner des tâches, assigner un temps de
travail, déterminer des produits à produire …
La solution 1 est celle donnée par Marx à la fin du chapitre 1 du Capital, cette solution, il la déduit
de son analyse du fétichisme.
Le fétichisme est une contradiction entre la réalité et la conscience. Une contradiction ne peut pas
durer. Pour faire disparaître cette fausse conscience il suffirait que les acteurs économiques fassent
consciemment ce que le marché leur fait faire inconsciemment.
Le marché est un dispositif qui fait ça automatiquement, et d'une manière qui va tirer de la
répartition un optimum d'utilité. De l'ensemble des capacités disponibles, le marché va en tirer le
maximum d'utilité possible sous la contrainte des ressources disponibles (=optimum)
Comment lever la contradiction entre la pratique et la conscience ? Il faudrait faire que les acteurs
fassent eux-mêmes ensemble ce que le marché fait inconsciemment à leur place en les condamnant
à valoriser l'argent. Il faudrait donc « imaginer une association d'hommes libres dépensant
consciemment leurs nombreuses forces de travail individuel comme une seule force sociale »
Grâce à ce passage du marché à l'association, le produit du travail de chacun apparaît comme un
produit social et chacun apparaît comme un participant à ce processus social de production. Nous
avons là dans le principe une vraie alternative au marché.
On peut rapprocher le texte sur le fétichisme de la marchandise à un texte plus ancien qui figure
dans les Manuscrits de 1844 où il fait une différence entre le communisme grossier et le sien.
Le communisme grossier est une solution au problème du partage des biens, solution au problème
de l'inégalité, c'est le communisme comme mise en commun des choses, pour améliorer le partage.
Mais pour partager les choses il faut les produire, le communisme de Marx est un mode
d'organisation de production des biens. Chacun prend en fonction de son investissement au travail et
non en fonction des son besoin
Le communisme ne se base pas sur la mise en commun des biens mais sur la prise de décision sur
ce qui est produit, en quelle quantité... c'est mieux de pouvoir décider collectivement de la quantité
de travail que l'on est prêt à fournir pour les autres, le type de bien qui mérite vraiment d'être
produit... Derrière, il y a une organisation particulière dans laquelle on prend des décisions en
commun. Idéal de liberté, d'autonomie...
Mais comment prendre des décisions en commun avec 7 500 000 000 de personnes ?
On peut prendre un petit groupe, mais moins il y a de gens, moins le travail est productif
Une autre solution est envisageable, elle permet de résoudre en partie le problème de la décision
collective dans des groupes larges.
C'est de confier la tâche d'organisation consciente du travail social (= de l'ensemble des sociétaires
en tant qu'il est orienté vers la satisfaction des besoins des sociétaires) à un corps spécialisé de
représentant des producteurs en charge de l'organisation de la production. Economie dirigée.
On va imaginer un corps de spécialiste dont la tâche va être de planifier l'activité économique
générale, de planifier la répartition des tâches productifs entre les sociétaires, les quantités à
produire, etc... on remplace le mécanisme inconscient du marché par un guidage rationnel.
C'est ce qui correspond à une économie dirigée, ou une économie socialiste.
Emile Durkheim, Cours de 1895, « On appelle socialiste toute doctrine qui réclame le rattachement
de toutes les fonctions économiques au centre directeur et conscient de la société ». Ce qui est
socialisé dans le socialisme, c'est la décision concernant l'affectation des ressources, la décision
fondamentale du quoi produire, en quelle quantité. Socialisé ne veut pas dire mis entre les mains des
sociétaires, mais mis entre les mains des représentants des sociétaires
Durkheim, p55, « Le socialisme ne se réduit pas à une question de salaire ou comme on dit
d'estomac, c'est avant tout une aspiration à un réarrangement du corps social ayant pour effet de
situer autrement l'appareil industriel dans l'ensemble de l'organisme, de le tirer de l'ombre où il
fonctionnait automatiquement, de l'appeler à la lumière et au contrôle de la conscience »
Le problème du socialisme est le problème de la maîtrise de l'organisation économique. Dans une
économie marchande, personne ne pilote.
C'est le fait que personne ne contrôle qui est au cœur de l'alternative qu'est le socialisme=économie
planifiée=économie dirigée
Hayek, il faut absolument des droits de propriété, il faut donc une instance qui les régule.
La réponse à l'organisation de la production doit être prise par le marché, elle est prise par les
micro-décisions des opérateurs sur le marché.
Les autres solutions essaient de remplacer le marché par un processus de décisions conscientes et
rationnelles, soit par la collectivité soit par une instance qui la représente.
Mais on peut imaginer une sorte de transformation interne du marché qui consisterait à voir les
opérateurs, les acteurs, corriger progressivement leur fausse conscience et injecter de l'altruisme
dans leurs pratiques.
À la racine de cette approche il y a un texte qui ne visait pas directement ça, Marcel Mauss
(1872-1950), sociologue et ethnologie français, Essai sur le Don, 1923
Typique des sociétés mélanésiennes, polynésiennes, et des société nord-américaines. Mauss résume
à partir d'un terme des sociétés nord-américaines : potlatch.
Dans ces sociétés, on ne pratique pas l'échange économique comme chez nous. On trouve à la place
une ivresse de dons, de clan à clan, de tribu à tribu. Le comportement cherché par chacun n'est pas
de gagner le plus, mais de donner ce qui a le plus de prix, organiser la fête la plus chère. Et ce
comportement génère une forme d'obligation générale ; celle de redonner à son tour, pas au même,
mais à un autre, de montrer que l'on est capable de donner à autant, voire même plus.
Le point central est que cette pratique enveloppe d'une forme de réciprocité, on peut recevoir sans
donner à son tour, mais l'opération de base est dénuée de toute recherche de réciprocité intéressée.
Le don fait plutôt penser à une forme de société agonale, c'est-à-dire dans laquelle il y a une
rivalité : lorsque vous donnez, celui à qui vous donnez est embarrassé et doit amasser des richesses
pour redonner derrière (pas forcément au donneur)
Mauss, à la fin du texte propose ce qu'il appelle l'échange-don, chose qui fait que vous donnez, et il
affirme que dans les sociétés humaines, dans l'histoire des sociétés humaines, la norme c'est le don,
et l'exception c'est l'esprit utilitaire, l'échange intéressé, la recherche de la maximisation d'avantages
personnels.
« Il faut revenir à des mœurs de dépense noble, il faut que les riches reviennent librement et ainsi
forcément à se considérer comme des sortes de trésoriers de leurs concitoyens... antique dépenses
obligatoires... il faut revenir à l'archaïque » p262-263, écrits de sociologie et d'anthropologie,
Marcel Mauss PUF Quadrige
Qu'est ce que serait faire entrer l'esprit de don dans les sociétés modernes ? Ça correspond non pas à
une réforme du marché mais à un changement d'orientation de la motivation des opérateurs qui
continuent de vouloir gagner de l'argent. Cet argent, on ne souhaite pas le gagner pour le capitaliser,
on n'a plus l'ambition de la survalorisation. On veut gagner pour le donner. Pour en faire bénéficier
l'ensemble des sociétaires par le biais, de fondations, caisses de secours, fondations artistiques..
à la place d'une société basée sur l'intérêt, on a une société qui pratique une sorte de potlatch
marchand, je donne, et ça oblige les autres.
Il y a là un petit nombre d'alternatives non-régressives que l'on peut proposer comme alternative à
des économies de marché.
Mais ces trois alternatives ne sont pas satisfaisantes.
Cependant, ces idéaux peuvent venir compléter ou corriger à la marge une société marchande.
Et quant à l'esprit de don, on le retrouve dans une certaine forme de philosophie de l'état
providence.
Par trois alternatives du marché, le problème qui est visé n'est pas le problème des inégalités, du
partage, de la misère... le problème central est le problème du non-contrôle, de l'hétéronomie.
Le marché donne un sentiment d'hétéronomie, personne ne décide, et on se retrouve ensuite avec X
pratique, X mode de vie … c'est cette dimension qui est au cœur de la critique de Marx.
Cours 4
14/10/2019
Hayek (1899-1992)
Critique des deux alternatives non-régressives au marché données au cours précédent (communisme
associatif et socialisme dirigé par une instance centrale), critique qui emporte avec elle une
justification ou une défense du marché. Si l'on accepte cette analyse, on doit se résoudre à voir dans
le marché la base organisationnelle de toute société économique viable.
1. Discours qui valorise le marché au nom de la liberté individuelle sur laquelle il repose et sur
son caractère juste (Nozick, Anarchy, State and Utopia, la bonne société est la société dans
laquelle on est le plus libre, la société dans laquelle on est maximalement libre est une
société de marché, parce qu'autrement les décisions sur la production sont prises par la
société et non par l'individu). Hayek adopte parfois cette justification libérale du marché.
Mais on pourrait penser à limiter la liberté individuelle au nom d'une autre valeur, comme
l'autonomie collective, la capacité pour un collectif de maîtriser son destin, empêcher
l'hétéronomie (que nos lois nous soient données par autrui)
2. Discours interne à la science économique que l'on appelle l'économie du bien-être, approche
qui vise à justifier le marché par sa capacité à atteindre, pour un niveau donné de ressources,
l'optimum de bien-être compatible avec le niveau de ressources disponibles. Quel est le
maximum de bien-être que l'on peut produire sous contrainte ? Il y a des théorèmes qui
montrent qu'un marché permet d'obtenir un optimum de bien-être, à condition qu'il
fonctionne de manière pure. Cela dit, on peut dire qu'en réalité le marché n'est pas conforme
aux théorèmes sur lesquels l'économie du bien-être repose.
3. La justification apportée par Hayek est que le marché vaut non pas parce qu'il est
l'expression de la liberté, ni parce qu'il est le meilleur moyen d'assurer le bien-être humain,
mais parce qu'il est le seul dispositif capable de traiter de manière complète la somme
d'informations requise pour organiser un groupe humain élargie. Le marché est le seul
capable d'organiser les activités économiques à une échelle large. Thèse qui ne justifie pas le
marché en termes normatifs, ni en terme d'efficacité, c'est une justification épistémologique.
Elle est essentiellement basée sur l'esprit et sur les capacités cognitives de l'esprit humain, et
sur les différents types d'ordre qui peuvent se trouver dans l'univers ; pas seulement dans la
société mais aussi dans la nature.
Thèse d'ordre métaphysique selon laquelle il existe dans le monde, que ce soit dans la nature ou le
monde social, deux grands types d'ordre : les ordres mûris et les ordres confectionnés
Ordre : pour qu'il y ait ordre, il faut une pluralité d'éléments, c'est seulement s'il y a une pluralité
d'éléments qu'il y a une alternative entre ordre et désordre. Il y a ordre au sein d'une pluralité
lorsque la relation mutuelle des éléments est prévisible. On peut reprocher que cela renvoie à une
performance cognitive, mais on peut remplacer cognitive par régulière. Il y a ordre lorsqu'à l'échelle
macroscopique il y a une une structure (pattern) qui apparaît et qui se reproduit dans un ensemble
d'éléments. Exemple : les molécules d'un gaz ne sont pas ordonnées, mais des oiseaux migrateurs
prennent une forme stabilisée qui dure et traverse le temps.
L'idée centrale de Hayek est que des multiplicités ordonnées de ce type on en trouve à plusieurs
niveau dans le monde naturel (Disposition des oiseaux migrateurs en vol, fourmilière, termitière...),
et pourtant, elles n'ont pas d'ordonnateur.
Comment explique-t-on l'ordre ? Par le fait que chaque élément de l'ensemble répond de manière
régulière, répétée, au comportement des autres éléments, et lorsque ce dispositif se multiplie à
grande échelle, chaque fourmi/termite/oiseau fait ça, il finit par émerger une structure stable (une
fourmilière, par exemple). C'est un ordre qui émerge du comportement de chaque élément générant
de l'ordre car c'est un comportement qui consiste à réagir de manière régulière au comportement des
autres.
Les êtres humains, par contraste avec ce que l'on peut observer dans la nature, ont la capacité de
confectionner des ordres ; la capacité de créer eux-mêmes des structures ordonnées (chorégraphes,
managers... etc.. en fixant des règles de comportement etc.).
Créer un ordre, ordonner, ce n'est pas seulement une opération performative (donner des ordres),
mais c'est aussi une opération cognitive ; il faut que l'ordonnateur sache comment agencer les
éléments pour créer le type de structure et atteindre le type de fin qu'il veut atteindre.
Créer un ordre, c'est aussi mobiliser un certain nombre d'informations pour savoir comment
ordonner les agents.
Hayek appelle cosmos les ordres naturels (émergents, spontanés, fourmilière par exemple), sans
ordonnateur, et taxis les ordres confectionnés (chorégraphie par exemple)
La thèse d'Hayek est que ce serait une illusion de croire que tout ordre social, tout ordre à l'intérieur
d'un groupe humain est nécessairement un ordre confectionné, qu'il n'y ait d'ordre que confectionné.
Il y a ordre confectionné lorsqu'il y a ordonnateur, et il y a des registres de la vie sociale où il y a un
ordre sans ordonnateur : la société internationale présente un ordre stable, et prévisible jusqu'à un
certain point, mais personne n'a confectionné cet ordre. Des guerres et des conflits, a fini par
émerger un ordre relativement stable que personne n'a confectionné.
Ordre ne veut pas forcément dire ordre indestructible (une fourmilière est destructible), si un ordre
irrationnel entre dans le jeu, l'ordre peut être défait. Ce n'est pas un argument contre l'existence d'un
ordre qu'il est susceptible de disparaître.
Dans le domaine économique, l'organisation d'une société peut relever de la taxis (ordre spontané).
Pour créer une organisation, il faut computer des informations sur les ressources
naturelles/humaines disponibles, sur les besoins ou les attentes des gens, et sur l'aptitude des
producteurs potentiels.
Une société économique ordonnée par un ordonnateur est possible, mais c'est possible seulement si
la quantité d'informations à traiter est limitée, donc si nous avons affaire à une micro-société dans
laquelle ces informations est à la portée d'un seul esprit humain.
Mais dès que la quantité d'informations sur les ressources, les besoins, et les aptitudes va augmenter
, alors les capacités d'un esprit organisateur seront nécessairement dépassées ; il n'aura pas la
possibilité de prendre en compte toutes les informations requises pour bien ordonner l'ensemble
qu'il se propose d'ordonner.
Dans le domaine économique, les ordres confectionnés ne sont possibles que dans de petites
sociétés, et donc dans des sociétés peu productives.
Le marché est un substitut quasi providentiel aux limites cognitives de l'esprit humain. Le marché
est un dispositif de traitement des informations nécessaires à l'organisation économique. Le marché
traite les informations à notre place et mieux que nous pourrions le faire.
Comment cette idée de marché se développe ? L'intuition derrière cela est la suivante :
Dans une économie de marché, personne ne dit à personne quoi faire. Il se trouve que les gens font
les uns des artichauts, les autres des T-shirts, mais personne ne les a mis à cette tâche.
Donc lorsque l'on regarde les choses de loin, on a une organisation ou une chaîne, alors que
personne ne les a commandées.
Comment ont-ils fait ? Ils ont observé les prix sur le marché et observé si, compte tenu de ce qu'ils
se savaient pouvoir faire, il y avait de l'argent à gagner. Le marché est un dispositif qui via le
système des prix, traite sous un format accessible à l'esprit humain toutes les informations
indispensables pour organiser un collectif afin que celui-ci produise et couvre les besoins de ses
membres.
2. Si on suppose un collectif soumis à des règles prohibitives, alors si un dispositif permet que
dans ce collectif des prix émergent, les prix concentreront en eux toute l'information
pertinente, et le système total fonctionnera comme un substitut à un esprit humain
computant des informations économiques.
Exemple de l'étain (The Use of Knowledge in Society) : supposons que pour une raison
quelconque, une matière première utilisée par un groupe humain vienne à baisser. Si l'on
imagine un planificateur rationnel, la baisse de la quantité de cette matière première sera une
information dont il aura besoin, qu'il est important qu'il ait, car si l'on continue la production
d'objets en étain et que l'étain se raréfie, au bout d'un moment, on ne pourra plus en
produire, il faudra alors convaincre les gens d'utiliser moins d'étain.
Dans une économie de marché, cette information est véhiculée par la variation du prix de
l'étain sur le marché ; les gens qui sont intéressés pour utiliser de l'étain vont voir que le prix
de l'étain augmente sans cesse. Qu'est ce que ça va les inciter à faire ? Ça va les inciter à
rechercher un substitut à l'étain, ils vont donc financer des recherches pour que l'on trouve
un produit de substitution. Et à la fin, la société dans son ensemble consommera la quantité
d'étain disponible, la production d'objets en étain se sera ajustée de sorte que l'on produira
autre chose à la place.
Dans ce deuxième exemple de société, les informations économiques sont véhiculées par les
prix, un prix est essentiellement une entité épistémique qui me donne des informations sur la
rareté relative de la ressource et le désir.
Ce sont les informations de base dont a besoin un planificateur économique. Il devrait faire
des enquêtes extrêmement longues et en permanence, il devrait computer beaucoup
d'informations et le faire en permanence. Les prix font ce travail pour nous, mais à la
condition que les prix soient des vrais prix, c'est-à-dire qu'ils soient fixés sur des marchés
concurrentiels, qu'ils ne soient pas fixés par une autorité politique qui décide arbitrairement
du prix d'une ressource, ou par une entité en situation de monopole, le prix reflète alors plus
le pouvoir de marché que le sous-jacent (les facteurs de production et l'état de la demande).
Si l'on prend un ensemble d'individus soumis à des règles de droit prohibitives, et si on
suppose que les gens jouent le jeu des prix du marché, jouent le jeu marchand, ces gens
seront placés dans les conditions leur permettant de tirer bénéfice, le meilleur bénéfice
possible des informations disponibles pour pouvoir organiser leur activité économique. Le
système des prix est le substitut des défaillances de l'esprit humain dès lors que l'esprit
humain doit computer un très grand nombre d'informations.
Dans cette thèse, le marché apparaît seulement comme une technique, un dispositif possible pour
structurer la vie économique, il y en a d'autres : la planification, la décision collective...
Pas un argument qui marche contre les sociétés de chasse et de cueillette.
Par rapport aux alternatives non-régressives, le marché est le seul capable de traiter toute
l'information requise pour pouvoir organiser, structurer la vie économique. Le résultat n'est pas
nécessairement juste, pas nécessairement optimal au sens de l'économie du bien-être, mais
quiconque voudrait planifier à la place du marché ferait moins bien que lui.
Dans cette approche le marché n'est pas justifié (Hayek critique même ceux qui voudraient que le
marché soit juste, il est ni juste ni injuste).
Que devient la critique marxienne du fétichisme ? Un marxien dira que l'argument du fétichisme
reste vrai. Les gens font science fausse de la réalité de leur pratique.
D'un côté, la théorie du fétichisme est dissoute par la théorie des prix comme information, l'idée
selon laquelle un prix, avant d'être une mesure de valeur est une information sur la rareté et le désir ;
et donc les prix sont un substitut à la communication.
Pour Hayek, c'est une erreur de raisonner comme ça, car les prix c'est justement ce qui remplace un
langage commun qu'il serait impossible d'élaborer.
Les prix nous permettent de ne pas avoir à parler, et donc nous épargnent le coût de cette
communication.
L'erreur de Marx est de prendre au sérieux la valeur, l'idée de maximisation de la valeur : certes, les
acteurs croient à la valeur, cherchent à l'accumuler, cherchent à accumuler de l'argent, mais la
valeur exprime une information.
Les gens qui raisonnent comme ça ne disent pas que le marché peut tout faire ou qu'il faut le laisser
à lui-même, mais simplement, si vous voulez vous en passer, il faut que vous computiez
l'information vous mêmes. Il faut aller chercher l'information sur le désir des gens, sur la quantité
d'étain, la plus ou moins grande facilité à extraire l'étain. Cette information, on la retrouve dans le
prix, et même une IA ne peut pas l'obtenir. L'IA dépasse la capacité de computation humaine, mais
si on la nourrit en données, or, là, le problème est d'aller chercher la donnée.
L'argument du fétichisme est dissout par la théorie des prix comme connaissance, c'est celui qui
croit à la valeur qui est leurré.
Marx connaissait cette dernière théorie de la valeur, car elle était défendue par Jean-Baptiste Say.
Cours 5
21/10/2019
Les limites économiques du marché
Si on admet l'idée que le marché fait mieux que le planificateur (il traite de façon plus
complète et en temps réel les informations qui sont objectivement les informations que l'on doit
recueillir pour pouvoir répartir le travail social, organiser de nouvelles productions... pas un
argument normatif), est-ce que cela implique que le marché est une solution universelle, c'est-à-dire
que le marché est adéquat à tous les biens et services qui peuvent intéresser les gens ? Ne faut-il pas
prévoir des exceptions ?
Des limites économiques, idée qu'il existerait une classe de biens et de services pour
lesquels la méthode marchande ne serait pas efficace au sens défini, ne permettrait pas de
traiter les informations de manière optimale
Des limites morales, idée selon laquelle il n'y a des biens et des services qui pourraient être
bien produits par le marché, mais qui pour des raisons morales, ne doivent pas l'être.
(Exemple : marché du sang). Si l'on admet l'argument hayekien, est-ce que l'on doit adopter
une universalité de la marchandise ?
Le marché est inefficient chaque fois que l'on a affaire à des biens collectifs, à des biens
communs, et à des externalités.
Conditions d'efficacité du marché : l'idée centrale de Hayek est que le marché est efficace si
les prix reflètent la rareté relative des ressources, et/ou leur utilité sociale relative. Le prix enregistre
cette double information concernant la rareté et l'utilité. Lorsque les prix sont capables de véhiculer
cette information, alors il suffit que les acteurs économiques se guident sur les prix pour qu'ils
agissent de manière adaptée à la quantité de ressources disponible et aux besoins.
Qu'est-ce qui pourrait faire que le marché ne fonctionne pas ou ne fonctionne pas bien ?
Il existe des ressources dont soit la rareté, soit l'utilité, ne se refléterait pas, ou se refléterait mal
dans un système de prix. Des biens et des services d'une nature telle que s'ils étaient sur le marché,
alors leur prix ne refléterait pas leur utilité et leur rareté.
1. Biens collectifs. Il existe des biens et des services qui en raison de leur nature sont tels
que les gens peuvent les consommer sans les payer, gratuitement. S'il existe des biens et des
services qui par leur nature, leur physique, leur ontologie, sont tels que les gens peuvent les
consommer sans payer, il est clair que le prix de ces biens ne reflétera pas leur utilité
sociale. Les prix ne reflètent l'utilité sociale que si les gens doivent payer pour obtenir le
bien (Prix haut si grande demande, prix bas si satiété). Ces biens seront nécessairement
sous-produits dans des conditions de marché, il y en aura forcément moins que nécessaire
pour couvrir les biens des sociétaires.
2. Biens communs. Tragédie des communs. Cas qui s'applique à des ressources, qui sont
telles qu'on peut les utiliser sans payer ou en payant un prix inférieur à celui qui refléterait
leur rareté objective. Idée selon laquelle s'il existe des ressources que l'on peut se procurer
gratuitement ou partiellement gratuitement, ces ressources seront nécessairement non pas
sous-produites mais sur-utilisées, car leur usage ne sera pas régulé par le prix à payer pour
les obtenir. Ex : pêche.
3. Externalités négatives. Cas de ressources qui sont telles que leur utilisation pour produire
des biens et des services génère des destructions d'autres ressources, sans que cette
destruction se reflète dans le prix de la ressource. Le bien consomme plus que ce qui est
reflété dans le prix. Le problème est la consommation réelle de ressources du producteur.
Exemple type : la pollution.
Il existe des biens et des services qui répondent à ces conditions, et donc cela veut dire que
le marché fait correctement son travail, répond à la description qu'en donne Hayek, si les
consommateurs paient toutes les utilités qu'ils se procurent (0 gratuité) et si les producteurs payent
tout le coût des ressources qu'ils mobilisent, c'est-à-dire si le coût reflète la rareté objective de la
ressource.
Asymétrie entre les externalités positives et les externalités négatives, il ne semble pas que
les externalités positives doivent être payées. (Ex, musicien proche de chez nous, si l'on aime sa
musique, on n'a pas à le payer, exemple que Nozick donne ""The principle of fairness"" Anarchy,
State, and Utopia, p90-95)
1. Premier cas, biens collectifs.= bien publics = public goods = collective, préférer collectif à
public car il y a une équivoque dans le concept « public ». Public peut avoir un sens
juridique et désigner un statut ; le statut de la propriété d'un bien, par exemple, un banc
public est un banc qui n'appartient pas à une personne privée mais à une personne publique
(commune, état..) et qui est mise au service du public. Beaucoup des biens publics qui nous
intéressent sont publics au sens juridique du terme, mais il y a des biens publics au sens
juridique du terme qui ne sont pas des biens collectifs du terme (c'est le cas d'un banc, la
l'occupation d'une place de banc exclue l'occupation de cette place par les autres personnes).
Il nous faut faire une différence entre le sens juridique des mots public et collectif, et leur
sens économique.
Ce sont des biens en libre accès, non-excluables, (excluable = de l'usage duquel les gens
peuvent être exclus). Dès qu'ils existent, tout le monde peut les utiliser, c'est le cas de
certains biens naturels comme la lumière du Soleil, ou des phares (si je construis un phare,
les autres en profitent aussi).
Qui ont aussi et en même temps une autre propriété qui pervertit le fonctionnement du
marché, c'est qu'ils sont des biens non-rivaux, leur consommation par l'un, ne réduit pas leur
consommabilité par les autres, quand on consomme, on ne frustre par les autres, on ne les
empêche pas de consommer aussi.
Les biens de ce type posent nécessairement un problème au marché, ils sont un problème
pour un système de marché sur la base d'un système des prix où les gens produisent ou ne
produisent pas en fonction du signal que leur donne les prix. Le problème se pose pour les produits
du travail humain type, un phare : il est impossible à quiconque prendrait l'initiative de produire
pour gagner de l'argent de rentrer dans ses frais, il n'arrivera pas à se faire payer, à part peut-être par
quelques généreux. Un grand nombre seront des passagers clandestins, des free-riders, ils tireront
bénéfices de la chose sans payer. S'il existe des biens qui ont cette caractéristique là, ces biens là ne
pourront pas être adéquatement produits dans des conditions de marché, personne ne va s'engager
dans leur production. Le marché ne produit pas de biens collectifs.
Certains services sont des biens collectifs, comme la défense nationale ou la sécurité
publique. Dès lors qu'il existe des gens qui sont là pour défendre le pays vis à vis de l'extérieur ou
pour faire régner l'ordre public, alors, tout le monde bénéficie. On pourrait imaginer comme Nozick
qu'ils soient fournis à des conditions de marché (Anarchy, State, and Utopia), mais personne ne
paiera.
Nozick pose la question, pourquoi faudrait-il qu'il y ait un état plutôt que pas ? Dans l'état de
nature, je vis dans une forme d'insécurité, de crainte, etc... les sociétaires souhaitent sortir de cet état
et vont confier à une instance le monopole de la violence. Mais Nozick pose la question de pourquoi
ce scénario s'imposerait, pourquoi ne demanderait-on pas à une agence de le faire pour nous ? Il
essaie d'expliquer pourquoi de telles agences auraient du mal à se faire payer, il est rare que même
une mafia ait un monopole. Des agences de ce type se convertiraient inévitablement en état. (Je
pense que ce n'est pas vraiment le propos de Nozick, ce n'est pas ça qui ferait que ces agences se
convertiraient en Etat, l'Etat chez Nozick est une simple organisation privée qui a le monopole sr la
violence sur un territoire.)
2 Biens communs
Ressources naturelles qui ont la double propriété d'être non-excluables mais en revanche
d'être rivales, n'importe qui peut les utiliser, n'importe qui y a accès ; quand quelqu'un consomme la
ressource, il diminue la quantité disponible pour les autres. Garrett Hardinn, The Tragedy of the
Commons. L e système de la liberté va forcément conduire à une surconsommation, lorsque l'éleveur
ajoute une bête de plus à son troupeau, le bénéfice est pour lui, mais la perte est diluée entre tous les
éleveurs, il diminue la quantité d'herbe et d'air disponible pour l'ensemble des bêtes (notamment
pour les bêtes qui ne sont pas les siennes). Il ajoute un élément qui lui apporte 100%, et en faisant
ça il rajoute une désutilité, mais ceci, c'est répandu entre tous les autres moutons. Le libre-accès fait
que dans ce type de système, rien n'impose aux utilisateurs de limiter leur usage de la ressource
parce qu'au fond les bénéfices de leur activité sont privés.
Idée que quand on est dans ce type de cas, la seule manière d'échapper à ce problème est de
privatiser, supprimer le communisme de la ressource ; chacun divise le pâturage en autant de
parcelles qu'il y a d'éleveurs et ensuite chacun se débrouille avec sa ressource, on a
internalisé les coûts de leur activité.
Quota
Taxation, on va introduire une taxe chaque fois que quelqu'un va ajouter un mouton de plus,
et cette taxe sera croissante, ce qui fait que le coût de la taxe dissuadera les gens.
→ Il faut un tiers qui régule l'usage de la ressource. Figure possible pour l'état, mais
l'essentiel des problèmes de tragédie des communs aujourd'hui se pose à l'échelle internationale.
C'est à l'international qu'il existe des common globals comme l'atmosphère ou les ressources
halieutiques, où l'on a affaire à des ressources où il n'y a pas d'état pour fixer une régulation de
l'utilisation des ressources communes
biens :
rivaux excluables : marketables, le marché peut les produire efficacement car il y a rivalité et
excluabilité, économie du marché
non-rivaux excluables : biens de club, économie des péages (routes, plages, parcs publics..)
Si nous rationnons l'utilisation de cette ressource, elle devient non-rivale pour les utilisateurs. Non
rivale si à un club d'utilisateurs son utilisations.
non-rivaux non-excluables : biens collectifs purs, économie des impôts. (Nozick Anarchy, State,
and Utopia, p 90-95, festival de musique = externalité positive payée par l'impôt, juste?)
Aspect économique : lorsqu'une activité acquitte le coût de sa propre réalisation et génère des coûts
supplémentaires ou génère des bénéfices autour. Exemple : tannerie, lave le cuir dans la rivière,
mais il y a des pêcheurs en aval de ladite rivière → dommages économiques sur ces pêcheurs
Externalité positive : entreprise chinoise qui s'implante dans la creuse → plus d'activité → plus de
taxes → plus de services publics/d'infrastructures
(Exemple de Meade, 1952, External Economies and Diseconomies in a Competitive Situation,
externalité positive réciproque, un apiculteur profite de la proximité d'un arboriculteur et obtient un
miel de meilleure qualité, l'arboriculteur profite de la proximité de l'apiculteur car ses abeilles
pollinisent ses arbres)
Le marché a des trous, il laisse passer des pertes ou des gains qui ne sont pas reflétés dans les prix.
Le tanneur ne paie pas la destruction de valeur chez les pêcheurs, et sa destruction n'a pas
d'incidence sur les prix de ce qu'il vend.
Asymétrie effet externe positif et négatif : nous sommes plus enclin à demander à une personne
produisant un effet négatif de payer qu'à demander aux profiteurs d'effets positifs de payer. (Nozick,
Anarchy, State, and Utopia, festival de musique, p90-95)
Externalités négatives → taxes pour internaliser les coûts (du tanneur par exemple)
Cours 6
04/11/2019
Philosophie de l'impôt
Impôt en tant que tarification obligatoire des biens collectifs. L'impôt est ce que l'état force
les gens à payer pour financer ces biens collectifs qui ne pourraient pas être fournis à des
conditions de marché
Cas dans lequel l'impôt ne sert pas à financer les biens collectifs mais à mettre à prix les
effets externes négatifs que les sociétaires génèrent gratuitement (Exemple : taxe carbone)
Définition de l'impôt : Gaston Jeze 1896, Traité des Finances Publiques, l'impôt est une prestation
pécuniaire requise des particuliers par voie d'autorité à titre définitif et sans contrepartie.
Exemple : Pratique de la corvée, où l'on forçait les gens à travailler pour le seigneur. Il s'agit dans
notre cas de forcer les gens à donner de l'argent.
voie d'autorité : différence avec l'état qui ferait appel à une souscription volontaire des sociétaires
sans contrepartie : distingue l'impôt au sens strict du terme des redevances qui sont affectées à des
activités particulières et qui ne sont payées par les gens que s'ils utilisent ce service particulier.
Exemple : redevance audiovisuelle, qui n'est payée que si l'on possède une télévision
Premier problème de toute théorie normative de l'impôt : la justifiabilité de cet acte de prélèvement
par voie d'autorité. (Le pouvoir de lever l'impôt est un des pouvoirs caractéristiques de l'état)
Ce prélèvement a des origines problématiques, il est dans la filiation du tribut imposé par le
vainqueur au vaincu, de la corvée imposée du seigneur à son serf, de pratiques de dominations dans
lesquelles le dominant concrétise sa domination par un prélèvement soit sur les ressources soit sur
le temps de travail du dominé.
Mais il y a une différence d'essence entre l'impôt et ces pratiques de domination et de prédation,
c'est que l'impôt repose, ou est censé reposer sur le consentement de principe des contribuables, que
l'on trouve dans l'article 14 de la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, qui en plus
appartient au préambule de la Constitution française de 1958.
« Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité
de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la
quotité, l'assiette, le recouvrement, et la durée »
Présent dans toutes les constitutions des démocraties libérales
Important car il signifie que l'état ne prélève l'impôt sur les citoyens qu'en ayant été habilité par eux
à le faire. Les citoyens doivent comprendre rationnellement le bien-fondé de cette prestation
pécuniaire fondée par voie d'autorité.
L'état a certes le pouvoir de forcer les individus à payer, mais c'est comme si c'était les individus
eux-mêmes qui habilitaient l'état à les forcer à payer. Force-nous à payer, car si tu ne nous forces
pas à payer, nous ne pourrons pas par des mécanismes purement privés, associatifs, de marché,
disposer de la quantité de biens collectifs que nous souhaitons avoir, et nous subirons les effets
externes négatifs de notre activité sans que ceux qui les génèrent n'en paient le prix.
Pour analyser les différents types de finance publique, de sources et fonctions de l'argent prélevé et
dépensé par l'état, il propose de diviser toute l'action d'un état moderne en trois grands départements
types d'activité que peut remplir un état moderne/un état dans les conditions d'une société moderne.
1. Le département des allocations, des allocations de biens collectifs, c'est l'activité principale
de l'état, fournir des biens et des services publics. C'est donc une première destination des
finances de l'état.
2. Le département de la redistribution. Cette fois-ci le rôle de l'état n'est pas de fournir des
biens collectifs mais de redistribuer totalement ou à la marge les revenus générés par les
activités de marché des sociétaires. Deuxième flux d'argent public qui n'a rien à voir avec le
premier, il s'agit ici de transférer de l'argent des uns vers les autres
Quand on regarde l'état par le prisme de l'argent qui passe entre ses mains, cet argent peut servir à
trois choses très différentes : payer des biens collectifs, opérer de la redistribution à l'intérieur de la
société, et dynamiser l'activité économique par de la dette.
1. L'impôt service est l'impôt qui sert à payer à l'état les services rendus aux sociétaires
« L'impôt est la quote-part à payer par chaque citoyen pour la dépense des services publics »
- Pierre-Joseph Proudhon.
L'état fournit des services, ces services ont un coût, ce coût est assuré par le paiement de
l'impôt.
2. Impôt redistributif.
En France :
Je requiers une prestation pécuniaire non pas pour qu'ils financent des services publics mais
pour redistribuer une partie de leurs revenus à d'autres sociétaires
Cette distinction entre l'impôt service et l'impôt justicier est importante car on peut être contre
l'impôt justicier, soutenant qu'il n'y a rien de moralement problématique dans l'inégalité, et donc par
conséquent pas de justification à ce que l'état lutte contre les inégalités, et donc pas de justification
pour qu'il y ait un prélèvement sur les uns plutôt que sur les autres. (Robert Nozick, Anarchy, State,
and Utopia)
Mais difficile d'être contre l'impôt service si l'on utilise le service et qu'on le perçoit comme
nécessaire.
Dans la réalité de l'impôt, ces deux fonctions ne sont pas distinguées, c'est un même prélèvement
qui va alimenter aussi bien le financement des services publics que la redistribution, et ça rend plus
sujet à débat le consentement à l'impôt, car il peut y avoir débat sur la justifiabilité de l'impôt
justicier.
Si néanmoins on veut raisonner sur l'impôt, il faut faire abstraction de l'impôt justicier.
La justification de l'impôt justicier suppose, que pour qu'il y ait un consentement à l'impôt justicier
il faut qu'il y ait entre les sociétaires un consensus sur ce qu'est qu'une société juste, sur ce qu'est
que la justice distributive en matière sociale et économique. La justifiabilité de l'impôt justicier
dépend de la capacité d'une société d'obtenir un consensus de regroupement sur un certain nombre
de règles économiques et sociales. (John Rawls)
Mais imaginons une société dans laquelle il n'y a pas d'impôt justicier, mais il y a un état qui en
raison des défaillances du marché fournit certains biens collectifs et pour cette raison, demande aux
sociétaires de bien vouloir payer. Le bien collectif est tel que les gens peuvent le consommer sans
payer. Tous ceux qui vivent sur le territoire bénéficient du service collectif (de police, d'armée,
etc..). L'état doit être en droit de demander remboursement.
Deux problèmes lorsque l'on se concentre sur ce problème : à quelle condition est-ce que l'impôt
service peut être justifié ?
Le problème de la quantité de biens collectifs que les citoyens sont prêts à financer par voie
d'impôts, car il ne suffit pas que quelque chose soit un bien collectif pour que l'état soit
justifié à le produire.
Exemple de Robert Nozick, Anarchy, State and Utopia, « « principle of fairness » », p90-96,
sonoriser une ville. Ce n'est pas parce que quelque chose est un bien collectif que les gens
veulent le payer. Certains affirment qu'il suffit de se voir offrir un bien collectif pour être
obligé de payer ce bien collectif, mais ce raisonnement ne vaut pas, car il y a des dizaines de
biens collectifs pour lesquels gens ne sont pas prêts à payer. → Comment est-ce qu'on
décide des biens collectifs que l'état doit produire ? Du niveau des biens collectifs que l'état
doit produire ? Et de la part de revenus que l'on est prêt à consacrer pour acheter des biens
collectifs ?
Consentement à l'impôt, dans une société démocratique, les citoyens consentent à l'impôt, et
donc s'ils consentent à l'impôt, il n'y a pas préjudice. À ceux qui consentent aucun préjudice
n'est fait. Quoi que ce soit que l'autre me fasse, si je donne mon consentement, je ne peux
pas me plaindre.
Argument sceptique : porté par James Buchanan, 1919-2013, fondateur de l'école des choix
publics : le principe du consentement à l'impôt est un principe purement formel car la réalité
de la vie démocratique conduit les gouvernants à se faire concurrence en matière de dépense
publique. La seule manière d'imposer un débat démocratique sur les biens collectifs d'une
société que la société souhaite avoir, c'est de mettre une borne, d'adopter ce que ces auteurs
appellent une constitution fiscale, d'inscrire dans la constitution de l'état une limite a priori
au prélèvement fiscal. Par exemple : règle d'or : interdiction du déficit public, ou bouclier
fiscal
Supposons une collectivité capable de consensus sur le type de biens collectifs à produire.
Cette collectivité est prête à payer pour le bien collectif. Elle doit être prête à payer l'impôt
qui le finance. Mais il y a une condition, c'est que le paiement de ces services, le
financement de ces services soient équitablement répartis entre-eux. Il ne s'agit pas de
redistribution mais d'équité dans le financement des biens collectifs.
Comment répartir le paiement ?
Quatre façons de répartir la charge totale des biens collectifs entre les sociétaires
Déterminer une proportion, un taux, du revenu de telle sorte que les citoyens paient non pas
la même chose mais la même proportion de leur revenu. Chacun va payer 20% de son
revenu. Impôt proportionnel, flat tax, taxe uniforme, ce n'est pas la taxe qui est uniforme
(flat) mais le taux.
Définir des taux différents par seuil de revenu. 0-1000 0%, 1000-2000, 10% 2000-3000,
25%... plus on a de revenu, plus on paye une proportion importante. Impôt progressif.
Déterminer une série décroissante de taux, impôt régressif, plus le revenu est haut, plus le
taux baisse.
Est-ce que l'impôt service doit être forfaitaire, registre de financer des biens collectifs.
Deux manières de raisonner :
1. Considérer que tous les sociétaires tirent un égal bénéfice des biens collectifs, voire même
les plus pauvres en tirent un plus grand bénéfice car si l'état ne les fournissait pas ils ne
pourraient pas se les fournir à eux-mêmes. Il serait juste que tout le monde paie autant, voire
un impôt régressif
2. Considérer que ce qui doit être pris en compte n'est pas la somme que chacun paie mais la
désutilité que ce paiement représente pour lui, c'est-à-dire la perte d'utilité que ce paiement
représente pour lui. Et donc on peut accepter le principe de l'égalisation ; payer 10 quand on
a 100 et payer 10 quand on a 10 000 ce n'est pas pareil. Ce qu'il faut regarder ce n'est pas la
somme transférée mais la désutilité que représente cette somme pour celui qui la transfère.
→ impôt progressif, qui fait en sorte que chaque prélèvement génère la même quantité de
désutilité, je cherche à égaliser la désutilité. Ce que 10 est à 100, 1000 l'est à 10 000.
Souffrance égale due à l'impôt. L'équité est le correctif qui permet d'atteindre l'égalité en
désutilité.
On vit dans une société qui n'est pas une société de domination si l'on a notre mot à dire dans cette
société
Ici société démocratique = société où les gens ont un minimum de droits, pas la souveraineté
absolue de la majorité.
On vient de voir les conditions dans lesquelles l'impôt service pouvait être justifié.
Si vous levez l'impôt, vous prélevez, acquérez des ressources publiques. Mais dans ce type de cas,
les ressources, à quoi vont elles-servir ? Pas à financer des services collectifs, nous ne sommes pas
dans la logique de l'impôt service.
Ce qui serait ici légitime, c'est que le financement prélevé serve à financer la réduction des
externalités négatives que l'on souhaite faire disparaître. Par exemple, j'utilise le produit d'une taxe
carbone pour financer les investissements dans des énergies non carbonées, ou pour faciliter le fait
de s'orienter vers un mode de vie moins carboné.
Ici on a une logique et une justifiabilité complètement différente,
On cherche ici à infléchir les comportements, on cherche à influer le prix afin qu'il reflète
réellement la rareté de la ressource.
Dans le cas de l'impôt service, la justification de l'impôt c'est éviter les comportements de profiteur,
free-rider, forcer les gens à payer parce qu'ils consomment un service collectif qu'ils souhaitent
avoir.
David Gauthier, Morals by Agreement « Un profiteur jouit d'un avantage sans en payer le prix, ou
en ne payant qu'une partie de celui-ci, un parasite jouit d'un avantage en faisant payer par un autre la
totalité ou une partie du prix de celui-ci »
Thèse du livre : une société juste est une société qui se prémunit contre les comportements de
profiteurs et de parasiteurs
Cours 7
18/11/2019
Difficulté dans la détermination de quel bien collectif l'État doit produire. Exemple de Nozick
p90-95 Anarchy, State and Utopia
Il ne suffit pas de fournir un bien collectif pour que l'on soit fondé à forcer les gens à le payer.
Qu'est-ce qui est un bien collectif indispensable dont on peu comprendre que l'État le fournisse et
que les gens soient forcés de payer pour sa fourniture ?
La grande difficulté dans les États modernes c'est que ce que les États fournissent ne sont pas
seulement des biens collectifs (libre accès, non rivalité) mais c'est aussi des biens qui pourraient être
fournis par le marché. Des biens qui ne présentent pas de défaillance de marché mais que l'on
estime devoir être fourni par l'État. "Biens méritoires" (Terme de Musgrave, Théorie des Finances
Publiques).
Quel type de biens collectifs (non rivaux, non excluables) un État devrait fournir ?
Il ne suffit pas qu'un bien soit collectif pour que l'État le fournisse et soit fondé à demander les gens
à le payer.
Biens qu'il est difficile d'imaginer qu'un État ne les fournisse pas
Ensemble de biens ou de services régaliens car ils servent à définir l'État, ce que fait un État, à quoi
sert un État. Théorie des biens collectifs régaliens antérieure à la théorie des biens collectifs, les
prérogatives classiquement associées à l'État correspondent à ces biens collectifs régaliens.
Hobbes, livre XVIII, Leviathan, définit l'essence de la souveraineté par une liste de prérogatives :
c'est celui qui prend en charge la défense et la sécurité du territoire, celui qui édicte des règles telles
que « chacun sache ce qui lui appartient en propre », celui qui a la prérogative d'être le monopole du
pouvoir, de faire respecter ses règles par des mesures de police et par un système judiciaire. Fait la
loi, assure l'ordre public et la défense.
Si l'on y réfléchit bien, ces trois services présentent une utilité pour les êtres humains, peu d'actions
humaines qui pourraient bien se passer sans règles, et sans dispositif permettant de faire respecter
ces règles à l'ensemble des sociétaires. Bien = bon au sens du bon et du mauvais, quelque chose qui
rend un service/présente une certaine utilité. Quand je bénéficie d'un cadre légal je ne diminue pas
la quantité de légalité disponible pour les autres (non-rival), et en libre accès car à partir du moment
où il y a un système légal l'ensemble es individus vont en bénéficier.
Défense, législation et ordre public pourraient être fournis à des conditions de marché. Mais si des
gens paient, tous les autres vont bénéficier de ce système ou du fait de vivre dans un cadre dans
lequel il existe une protection. Difficile de demander à un agent de police de ne protéger que ceux
qui ont payé. Ce sont des biens mieux fournis par l'État.
La raison d'être minimale de l'État est traditionnellement ces biens.
Correspond en bonne partie aux infrastructures qui rendent possibles la vie sociale et la qualité de la
vie sociale. Ce sont des biens collectifs, mais il y a une différence, tous ces biens sont moins
essentiellement des biens collectifs qui ne peuvent être produits que par l'État que les biens
collectifs régaliens. On peut imaginer un système dans lequel ces biens sont fournis comme des
biens de club. (Autoroute à péage, collectif pour ceux qui ont payé le péage).
La justification c'est vraisemblablement que ces biens ne sont pas simplement des biens collectifs
qui présentent la caractéristique de non-excluabilité et de non-rivalité, mais qui sont indispensables
à la qualité de la vie sociale. S'ils étaient fournis comme des biens de club, ils ne seraient pas
collectifs pour toute la société, si toutes les routes étaient à péage, il y a des gens qui ne pourraient
pas rouler.
3. Biens méritoires.
Les biens collectifs régaliens, si on leur ajoute une partie des biens collectifs d'infrastructure,
correspondent à ce que faisait un État à la fin du XIXè siècle, à une époque où les prélèvements
obligatoires, prélèvements que l'État force les gens à payer représentaient 10% du revenu national.
Ces biens collectifs ne coûtent pas très chers. Or, dans les sociétés modernes, 45%, dépenses
publiques représentent plus de 50% des richesses nationales. L'État fournit bien plus de service que
ces biens collectifs régaliens ou ces biens d'infrastructure
Quels sont ces biens qui expliquent que les gens paient une proportion d'impôts beaucoup plus
importante ?
L'école, l'instruction des enfants, est-ce un bien collectif ? Non. Ça n'a ni les propriétés de
non-excluabilité, ni de non-rivalité, c'est un service qui pourrait être fourni à des conditions de
marché. De manière intrinsèque l'instruction n'est pas un bien collectif.
Les soins de santé ne sont pas non plus un bien collectif, ce sont des biens, mais on peut imaginer
une société dans laquelle le marché s'en occupe, fournit aux gens des médicaments et des services
médicaux aux conditions de marché. N'a pas la propriété intrinsèque d'être un bien collectif.
Or, l'État les fournit. Qu'est-ce qui justifie que l'État prenne en charge la fourniture de ces services
alors qu'ils n'ont pas ces caractéristiques intrinsèques qui justifient l'intervention de l'État (D'être un
bien collectif) ? (En France, ces biens représentent 6,7% du PIB)
Qu'est-ce qui justifie que l'instruction des gens soit un service rendu par l'État, que les gens doivent
payer via leurs impôts alors que de manière intrinsèque ce service pourrait être fourni à des
conditions de marché ?
Réponse possible :
L'État doit former lui-même les jeunes gens pour s'assurer qu'ils pensent bien. Réponse qui nous
paraîtrait ridicule mais qui n'a pas toujours paru ridicule et ne paraît pas ridicule à tout le monde.
Vérifier que le programme réponde à certains standards n'est pas une idée étrangère à la réalité.
Qu'est-ce qu'on attend d'un service d'instruction ? Qu'il prépare les élèves au marché du travail ?
Qu'il donne aux gens une culture nationale qui leur permette de s'intégrer dans une collectivité
nationale ?
Si on leur donnait une formation purement intellectuelle, l'élément de culture nationale ne serait pas
présent.
Est-ce que la culture nationale est un bien collectif qu'il revient à l'État de préserver ?
Si l'esprit national existe, c'est un bien collectif, mais fait-il partie des attributs de l'État ? Ce n'est
pas évident. Donc ça ne peut pas être la justification de l'école publique, c'est une thèse
controversée.
Si l'école était fournie à des conditions de marché, alors l'accès à l'école dépendrait des revenus des
gens, et il pourrait se faire que certains ne puissent pas se payer un service d'instruction suffisant, ou
ne puissent pas bénéficier de tout le service d'instruction dont ils souhaiteraient bénéficier.
Justification différente qui est que le marché n'est pas défaillant mais excluant, le marché ne permet
pas d'assurer que tous ceux qui ont besoin d'un certain bien pourront à des conditions de marché
acquérir ce bien.
Il y a toutes sortes de biens qui ont la propriété d'être produits à des conditions de marché de sorte
qu'une partie des sociétaires sont exclus de la possibilité de les acquérir
L'instruction n'a pas seulement une utilité subjective, c'est un besoin humain de base, un objet dont
chaque sociétaire a besoin pour pouvoir mener une vie satisfaisante. S'il n'a pas une instruction d'un
certain niveau, sa vie sera brève, misérable, ressemblera à ce que Hobbes appelle un État de nature.
Les biens qui sont mis sous la juridiction de l'État sont les biens dont on estime que les sociétaires
méritent de les avoir. (Musgrave : Merit goods, même si ce n'est pas tellement une question de
mérite. Traduisible par bien tutélaire mais connotation très paternaliste, ce ne serait pas la
justification ultime de l'école publique.)
On peut imaginer un système dans lequel l'école n'est pas publique, dans lequel elle est fournie à
des conditions de marché, mais l'État fournit des chèques-éducation, et garantit que chaque
responsable d'enfant a un niveau de revenu suffisants pour pouvoir payer un système éducatif. Cela
ne fournit pas le bien en dehors des conditions du marché mais permet de corriger l'exclusion.
Si le système fournit l'éducation en quantité suffisante pour chaque sociétaire, il n'y a plus de
justification pour l'école publique en dehors d'une justification politique.
L'école n'est pas produite par l'État car c'est un bien collectif, on peut imaginer qu'il soit produit à
des conditions optimales par le marché.
Dans les États modernes, qu'est-ce qui justifie que l'État prenne en charge plus que les biens
collectifs régaliens et d'infrastructure ?
Il y a des biens qui s'ils étaient produits par le marché seraient problématiquement excluants car ils
répondent à des besoins humains. On peut admettre cet argument, l'État ne remédie pas aux
défaillances de marché, il assure la satisfaction de base. Il y a peu de philosophes qui pensent que ce
n'est pas une mission des États modernes de couvrir les besoins de base des citoyens. Logique de
corriger l'inadéquation du marché à l'ordre des besoins commun.
Hayek ne prétend pas que les marchés sont capables de couvrir tous les besoins humains, mais étant
donné une société dans laquelle il faut répartir des ressources pour les biens et les services quel est
le meilleur système global pour ça ? La planification ou le système de prix ? Le système de prix,
mais il ne dit pas que le système de prix a toutes les qualités, il peut y avoir besoin de corriger le
marché, non pas au sens économique, mais pour faire en sorte qu'il y ait des mécanismes qui
garantissent l'accès aux besoins.
Il y a une partie des services rendus par les États modernes qui ne tombent pas sous ce concept de
service répondant à un besoin humain de base. On peut défendre le fait que l'État s'occupe de l'école
ou de la santé en disant que l'on est dans l'ordre du besoin de base
Mais y a à côté de l'école publique, des soins de santé, ou encore des HLM, des biens et des
services qui ne rentrent pas dans cet exemple. Par exemple, les théâtres publics. Ou, exemple que
prend Ronald Dworkin, les opéras. Les citoyens paient pour les spectacles donnés à l'opéra de Paris
peu importe où ils habitent en France. Comment justifie-t-on cela ?
On n'est pas dans l'ordre du bien collectif, ni dans l'ordre des besoins humains de base
Idée que si on laissait ces biens être fournis à des conditions de marché, alors ces biens finiraient
par ne plus être fournis parce que la demande de ces biens et leur coût fait que ce n'est pas rentable.
Personne n'investira donc dedans.
Dworkin, toute personne sensée devrait considérer qu'il y a quelque chose de problématique à voir
disparaître des formes de la culture humaine et donc il est normal que l'État force les gens à payer
pour empêcher que ces biens ne disparaissent.
Là on a un argument d'ordre paternaliste, d'après lequel l'État doit veiller à préserver la qualité de la
vie sociale et la qualité de la culture sociale. S'il laissait les choses être faites par le marché les gens
n'iraient pas voir Phèdre ou Les Suppliantes d'Eschyle. Si l'on veut qu'il y ait toujours Les
Suppliantes d'Eschyle, il faut que l'État nous impose pour le financer. L'État doit financer cela car il
est bel et bon que cette chose existe.
Paternaliste a une connotation péjorative, voici ce qu'est qu'agir de manière paternaliste : A fournit
X à B de manière paternaliste non pas si B veut X mais si A estime que X est bon pour B.
Je suis paternaliste non pas si j'empêche les autres de vous causer des torts mais si je vous empêche
vous-mêmes de vous causer des torts. C'est lorsque l'État traite les citoyens comme ses enfants
(Locke)
On pourrait dire qu'il n'appartient à un État libéral de s'occuper de ce qui est bon ou mauvais pour
les individus, car un État libéral est un État qui respecte la règle que propose Mill dans De la
Liberté : la collectivité n'a le droit de contraindre un individu que pour l'empêcher de nuire à un
autre, mais jamais pour l'empêcher de se nuire à lui-même, les nuisances qu'il s'infligerait, cela ne
regarde pas les autres.
Dworkin pense qu'un certain degré est compatible avec le libéralisme, on ne force pas les gens à
aller voir Les Suppliantes d'Eschyle mais on crée les conditions pour que s'ils le souhaitent ils
puissent y aller.
Cours 8
25/11/2019
Biens et services que le marché peut fournir au sens économique du terme, mais qui seraient d'une
nature telle que le marché ne devrait pas les fournir. D'une nature telle qu'il y aurait quelque chose
de moralement problématique dans le fait de les faire fournir par un mécanisme de marché.
Peut-on considérer comme immoral de recourir au marché pour allouer certains biens ou certains
services ?
Que faut-il mettre derrière le concept de marché lorsque l'on se pose la question de ses limites
morales ?
Le marché est une synecdoque, figure où l'on désigne le tout par la partie. Le tout est une
organisation du travail social qui se caractérise par le fait que l'on produit pour vendre, on produit
des marchandises pour tirer de la consommation d'autrui un profit monétaire. Le marché est un
système de motivation (gagner de l'argent) et un système de traitement d'informations (Hayek) car
en sachant combien quelque chose coûte j'ai une information sur la rareté et l'utilité de ce produit.
Chaque joueur doit transformer ses ressources en produit, et la règle du jeu est : choisissez comment
transformer en vous guidant sur le prix auquel vous allez payer la ressource et le prix auquel vous le
vendrez, le gagnant étant celui qui aura maximisé la différence entre les deux.
Le point de départ de l'analyse de Sandel est de reconnaître que le marché est une technique efficace
de transformation sociale des ressources en utilité. Il n'y a pas de problème dans le fait qu'une
société confie le soin de mettre à disposition des sociétaires des biens et services, y compris
nécessaires à la vie quotidienne. Pas une critique du marché en terme de justice sociale.
Sandel est aussi auteur de Liberalism and the Limits of Justice, 1989, qui est une critique du
libéralisme politique dans la version qu'en a donnée John Rawls dans la Theory of Justice.
Rawls définit une société libérale comme une société dans laquelle l'État s'efforce d'être neutre du
point de vue des conceptions du bien, c'est-à-dire du point de vue de ce que les sociétaires jugent
être de bonnes façons de vivre ou des choses bonnes pour la vie. Rawls ne se soucie que de la
justice dans la distribution de certains biens premiers, mais pas de si la vie est conforme à certaines
valeurs transcendantes. Une caractéristique d'une société libérale est qu'une société doit s'interdire
de condamner certaines formes de pratique au nom de la dignité, de ce qui est noble et vide, haut et
bas... ce ne sont pas des points de vue illégitimes mais des points de vue qui restent inaccessibles au
politique.
La thèse de Sandel et qu'une société de ce type est non-viable, il est impossible qu'une communauté
politique ne soit pas soudée par un minimum de valeurs morales communes, valeurs sur lesquelles
la communauté s'entend et qui définissent le fait que l'on a affaire à une communauté, il y a des
choses communes. Il y a l'idée d'une neutralité totale de l'État dans une société libérale, donc ça
prouve bien qu'il n'y a pas de société neutre. L'idée du libéralisme politique serait contraire à
l'essence même du libéralisme politique.
Le neutralisme moral qui est caractéristique du libéralisme politique fait que l'État s'interdit de
condamner des formes de vie, l'État doit s'attacher à empêcher les citoyens de se faire du mal aux
uns et aux autres et à la justice sociale mais pas aux formes de vie. Pour Sandel, lorsque l'on vit
dans une société qui s'efforce à pratiquer un neutralisme moral, cela rend possible une extension
indéfinie du marché, par exemple, cette société pourra parfaitement considérer que ce peut être une
bonne méthode de mettre à disposition des sociétaires qui en ont besoin des reins à greffer que de
proposer à ceux qui en ont à donner de les vendre, car cela créera une incitation à donner et en
même temps un rationnement dans l'utilisation des reins disponibles. Cette technique pourrait être
appliquée, et cette idée est rendue possible par le fait que le marché se développe dans des sociétés
qui sont politiquement libérales.
Le libéralisme peut désigner une certaine doctrine d'utilisation du marché dans une société,
doctrine d'après laquelle non seulement le marché est meilleur que la planification, mais en
outre, il doit être aussi minimalement que possible régulé par la puissance publique. Théorie
qui a pour objet l'économie de marché et qui dit que dans cette économie de marché la
régulation étatique, l'intervention étatique pour produire des biens collectifs, et la régulation,
doivent être minimales. Mais pas nulle, personne ne soutient que le marché peut se
développer dans l'État de nature.
Idée selon laquelle l'État ne doit pas guider les individus sur le chemin du bonheur. Son rôle
n'est pas de déterminer ce qui est bon et mauvais pour chacun, mais uniquement d'arbitrer
les différends entre les individus et d'empêcher que les individus se nuisent les uns aux
autres. Dans une telle société, l'État laisse à la liberté individuelle, à la discrétion de chacun,
le soin de décider de la forme de vie qu'ils souhaitent mener.
Libéralisme s'oppose ici à ce qu'on peut appeler une forme de perfectionnisme politique,
idée selon laquelle le rôle de l'État est de conduire les citoyens vers une perfection de la vie.
Vers une vie qui a des caractéristiques qui font qu'elle a une certaine dignité : vers une vie
religieuse, une vie laïque, etc..
L'essence du libéralisme politique peut être résumée par une formule de Mill « La seule
raison légitime que puisse avoir une communauté pour user de la force contre un de ses
membres est de l'empêcher de nuire à quelqu'un d'autre... » harm principle. Essence de ce
que Sandel critique, il n'appartient pas à l'État de légiférer lorsque la motivation de sa
législation est d'empêcher les gens de nuire à eux-mêmes
La thèse de Sandel est que l'économie de marché lorsqu'elle se développe dans le contexte du
libéralisme politique, peut acquérir une extension potentiellement indéfinie
« Nous n'avons plus une économie de marché, nous sommes devenus une société de marché, voici
la différence : l'économie de marché est l'outil principal de l'organisation de l'activité productive,
tandis qu'une société de marché est un mode de vie tel que les valeurs marchandes s'insinuent dans
le moindre aspect des affaires humaines » (p44 vf)
Une société de marché est une société où toutes les dimensions sont progressivement envahies par
les valeurs marchandes et les relations marchandes. Une société de marché est une société qui fait
du marché le seul lien social et la seule valeur qui prévaut à l'intérieur de la société.
Où est le problème ?
Le marché tend à s'insinuer dans des activités sociales jusqu'ici régulées soit par le sort, soit par la
règle premier arrivé premier servi. Il prend pour exemple : payer des gens pour faire la queue à
votre place pour obtenir des billets de théâtre ou de concert, et donc une société se propose d'aller
faire la queue à la place des gens. On paiera pour que les gens aillent faire la queue le plus
rapidement possible (à 0h00).
Aux États-Unis, il y a des files réservées aux véhicules prioritaires, et il est possible de payer pour
avoir le droit d'utiliser cette file (file à Lexus (Lexus lane))
On peut imaginer que l'on mette un prix à des organes, vendre son sang ou ses reins. L'argument de
Sandel est le suivant :
Le problème est qu'il doit y avoir rationnement, il n'y a pas assez de billets de théâtre pour tout le
monde, de place sur la route pour tout le monde, assez de reins à greffer pour ceux qui en ont
besoin, donc on est dans une situation où il y a de la rareté à gérer. Et donc le marché peut
fonctionner. Mais le rationnement marchand introduit un biais en faveur des plus riches. Le
problème est un problème d'équité. Dans un certain nombre de cas, il n'y a pas de difficulté à ce que
le marché rationne. Mais il y aurait des biens et des services où le sort pourrait les répartir, et là où
le sort peut les répartir, le résultat est plus acceptable, plus équitable que là où le rationnement est
basé sur l'argent.
Sort et premier arrivé premier servi exclue tout autant mais d'une manière que les gens ne jugeront
pas contraire à leur dignité, dégradante ou humiliante...
Ce n'est qu'un aspect de la critique. Le marché enveloppe une forme d'humiliation sociale pas
présente dans les mécanismes de tirage au sort.
Le deuxième argument est l'argument principal qui va nous amener au promène de la motivation.
Soumettre certaines activités à un mécanisme marchand entraîne une certaine forme de corruption,
corruption à la fois des gens et à la fois des valeurs. Dévalorisation, dégradation de certaines
valeurs.
1. Corruption peut vouloir dire que le marché peut inciter à soudoyer les donneurs, à essayer de
les amener à vendre à des conditions qui ne seraient pas acceptables. Mais là, il s'agit de la
corruption au sens d'acheter les gens.
2. La corruption ne concerne pas tant les gens que certaines attitudes que le marché évince.
Une société qui dit « Vendez votre sang/vos reins » ou « Il est permis de vendre son sang/ses
reins », évince la valeur du don généreux. Cette société fait que les sociétaires ne
connaissent plus la générosité de donner. L'idée générale est que lorsque l'on introduit un
mécanisme marchand, dans un certain nombre de cas on évince des attitudes plus nobles
qu'il serait préférable que l'État entretint. Le marché n'est pas qu'un simple mécanisme, il
incarne/présuppose certaines normes et valuations (p120 vf).
Exemple : fait de payer les gens pour qu'ils perdent du poids ou prennent certains
traitements médicaux. Grâce à ce mécanisme, on amène les gens à perdre du poids.
Si on fait ça, on évince, on sacrifie la valorisation de la santé et de la bonne santé qui est une
attitude positive à l'égard de soi et qu'il faudrait inciter les gens à avoir
Autre exemple : Dans certaines écoles, on paie les enfants quand ils ont de bonnes notes, ou
quand ils ont lu et prouvé qu'ils ont lu certains livres. Ça marche.
On évince la valorisation de la réussite personnelle et de la culture, puisqu'à la place de
vouloir travailler pour réussir ou vouloir travailler pour être cultivé, on a vouloir travailler
pour avoir de l'argent. Ici, la motivation pécuniaire évince des attitudes jugées plus nobles et
surtout des attitudes dont on juge qu'il faudrait que la société ne priva pas les sociétaires.
Autre exemple : Dans une crèche israélienne, des parents viennent chercher leurs enfants en
retard. Remède : on instaure des punitions monétaires en fonction du retard. Les gens
n'arrivent pas à l'heure pour autant, mais considèrent que c'est une façon pour eux de payer le
droit de ne pas respecter la règle.
Argument selon lequel la marchandise évince une attitude noble, le respect de la règle et le
respect d'autrui : les employés de la crèche ont envie de rentrer chez eux donc il serait
normal que j'arrive à l'heure par respect pour eux et en même temps par respect pour la règle.
(Cela conduit à critiquer comme marchandisation illégitime le fait de mettre un prix aux
externalités négatives, le fait de mettre une taxe carbone, puisque l'on peut traiter la taxe carbone
comme ce que l'on doit payer pour avoir le droit de polluer)
Ce qu'il peut y avoir d'immoral n'est pas qu'il y a des choses qui en elles-mêmes ne devraient pas
être des marchandises, ce serait un argument irrationnel.
Argument pour le fait de mettre un prix pour la gestation pour autrui, on peut y objecter car on ne
peut pas mettre un prix sur un corps humain. L'argument de Sandel est de dire que lorsque l'on
fournit un bien à un prix, on sacrifie d'autres attitudes qui pourraient être développées, comme le
don, le fait de participer généreusement, etc..
1. Le fait de fournir des biens et des services à des conditions de marché, en étant encouragé ou
autorisé à les vendre, à en tirer un profit. Exemple : vendre son sang
2. Être incité à des comportements par des récompenses ou des punitions monétaires.
Exemple : récompenser les bonnes notes des enfants grâce à de l'argent.
Est-il immoral ou y-t-il un problème particulier à utiliser des incitants monétaires pour amener
quelqu'un à certains comportements ?
Y a-t-il quelque chose de moralement problématique à faire fournir des biens et des services par un
mécanisme marchand ?
Qu'est-ce qu'il y a de problématique dans le fait de payer des enfants pour réussir à l'école ?
Car on sacrifie quelque chose qui est noble, à savoir, le goût de la réussite ou le goût de la haute
culture.
Supposons que ce soit un objectif social admis qu'il faut amener les enfants à travailler à l'école, ou
qu'il faudrait amener la population à être en moyenne en moindre surpoids, est-ce que c'est le rôle
de l'État d'encourager les gens à adopter certaines attitudes au nom de la bonté intrinsèque, de la
valeur intrinsèque de ces attitudes ?
Si on admet que l'État doit être libéral, il n'a pas à dire aux gens ce qui est bon ou mauvais dans la
vie, n'a pas à dire Flaubert c'est mieux qu'un manga, alors il est difficile à dire que les incitants
monétaires ne sont pas des expédients qui ont pour principale vertu d'amener les gens à adopter un
certain comportement sans leur dicter une forme de vie particulière, sans les amener à valoriser
certaines choses, et donc sans les amener à adopter telle ou telle forme de vie.
Aussi paradoxal que ça puisse paraître, des incitants ou désincitants monétaires c'est plus libéral que
la contrainte, ou la persuasion et la honte publique. (?)
Monde 1 : Monde que l'on peut dire accueillant aux vieux célibataires misogynes et stériles.
Vieux célibataire misogyne et stérile désire avoir un enfant et l'élever. Il se rend donc dans une
gamèterie, boutique, où il achète des gamètes après les avoir sélectionnées.
Il se rend ensuite dans une entreprise de gestation où il paie une fécondation in vitro et passe contrat
avec une gestatrice pour qu'elle porte l'embryon.
Au bout de 9 mois, il devient le père légal d'un enfant avec lequel il n'a aucun lien génétique ni
conceptionnel
Dans les deux cas, toutes les parties prenantes sont consentantes, il n'y a pas de partie prenante qui
selon la formule de Mill subirait une nuisance du fait des autres.
Difficile d'imaginer des dommages à des tiers.
S'il y a consentement individuel, rien ne s'oppose à la mise au marché de quelque chose, et les deux
mondes ne font appel qu'au consentement individuel, il n'y a pas de tiers qui subit une nuisance
quelconque
Il y a deux positions
S'il y a consentement individuel, rien ne s'oppose à la mise au marché de quelque chose, et les deux
mondes ne font appel qu'au consentement individuel, il n'y pas de tiers qui subit une nuisance
quelconque
Si ces pratiques sont interdites par la société, c'est parce que celle-ci n'est pas entièrement libérale,
mais juge qu'il y a certaines pratiques, certaines institutions qui méritent d'être encouragées,
valorisées, et c'est au nom de la défense de ces valeurs et institutions qu'on est bien fondé à interdire
ces pratiques, parce que si elles avaient lieu, cela ne constituerait pas une profanation, mais
certaines attitudes, certaines valeurs, disparaîtraient.
Si l'on creuse cette idée jusqu'au fond, ça veut dire que si l'on condamne l'extension du marché,
nécessairement on endosse une forme de perfectionnisme politique, on endosse l'idée selon laquelle
il appartient à l'État de veiller à la préservation de certaines valeurs sociales, de certaines attitudes
humaines à l'égard de la vie, l'enfantement, la mort.. et sous-entendu, si l'État n'est pas gardien de
ces valeurs, elles seront corrompues, elles disparaîtront.
Vision de l'État paternaliste. C'est l'État qui doit prendre en charge l'état des valeurs.
Si l'on est en démocratie, ce qui est mis en œuvre, c'est les valeurs de la majorité. Et les minorités
du coup ? La règle de choix majoritaire vaut dans les domaines où ne sont pas mis en cause des
droits fondamentaux. Mais là, sont mis en cause ce que certains auteurs considéreraient des droits
fondamentaux.
Cours 9
02/12/2019
La très grande majorité des participants au processus de production sont des travailleurs salariés.
Angle de la qualité de vie à l'intérieur d'une société de marché capitaliste.
Qu'est-ce qu'une société dans laquelle une partie des gens peut passer l'essentiel de leur vie à coudre
des semelles de chaussure avec une machine ?
Marx
Adam Smith
Le Capital entend expliquer ce que Adam Smith voit et nomme, (dans La Richesse des Nations)
c'est-à-dire le rôle central que jouent les détenteurs de capitaux dans les économies de marché
moderne. Marx prétend expliquer ce que Adam Smith voit et nomme mais est incapable d'expliquer.
(Chez Marx l'économie politique classique = Smith, Ricardo).
Smith introduit le marché dans son acception moderne. Le marché invite les producteurs à produire
quelque chose en vue de sa valeur marchande.
Si l'on s'en tient là, on a une société de marché extrêmement simple où l'on a la mise en
communication d'acteurs individuels.
Mais Smith sait que ce n'est pas exactement comme ça que les choses se présentent, en particulier à
son époque.
Le livre de Smith commence par la description d'une fabrique d'épingles, qui met en évidence la
division du travail de la fabrique d'épingles, de petites opérations chacune assignée à certains
travailleurs. Grâce à une division technique du travail, la productivité du travail humain est accrue
et l'on produit un plus grand nombre d'épingles par unité de temps que si chaque épingle était
produite par un seul artisan épingleur.
Il est clair que cette fabrique d'épingles introduit une complexité supplémentaire dans l'organisation
d'une société marchande, car elle fait apparaître deux rôles distincts :
1. Le rôle de l'apporteur de capitaux, qui avec son capital avance de quoi payer les machines, la
matière première et les salaires des ouvriers pendant le temps que ceux-ci produisent des
épingles.
2. Des travailleurs salariés qui contribuent à produire un bien qui sera mis sur le marché par le
détenteur de capitaux.
Le paradoxe de l'ouvrage de Smith est que Smith voit clairement le rôle moteur que joue dans la
dynamique de l'économie marchande l'apporteur de capitaux, c'est lui en particulier qui est sensible
aux signaux prix, qui décide d'investir son capital pour produire des aiguilles ou des épingles plutôt
que des colliers de petits-pois car il perçoit une rentabilité dans la production du premier et non
dans celle de ce dernier.
Ce qu'il désire c'est faire croître la valeur de son capital. Ce qui le motive c'est la valorisation, ce
que Marx va appeler la « survalorisation indéfinie » de son capital.
Le point de départ de Marx est que Smith voit le rôle moteur de l'appétit du capital pour sa
survalorisation indéfinie, mais il est incapable d'expliquer comment le capital se survalorise, ou il ne
le fait qu'en invoquant des explications contingentes ou accidentelles.
Exemple : à un moment donné l'importance du chômage permet de maintenir des salaires bas. Mais
si c'était l'essence de la chose, ça voudrait dire que le capital ne se survalorise pas dans d'autres
conditions.
Le mécanisme de survalorisation doit être essentiel, et c'est ce mécanisme que Marx prétend avoir
découvert.
Pour comprendre l'analyse que Marx propose de la survalorisation du capital, il est nécessaire de
rappeler sa théorie de la valeur.
Problème : expliquer que dans une économie marchande, des choses concrètes comme un téléphone
ou un citron ont une propriété qui est d'avoir une valeur marchande. Un téléphone 800€ un citron
1€. Une valeur monétaire qui les rend achetables/échangeables. Mais qu'est-ce que c'est que valoir
800 ou 1€ ?
Cette question, on ne la comprend que si l'on accepte que la valeur marchande n'est pas qu'une pure
convention, une pure fiat, : il y a une raison derrière. Une théorie de la valeur doit expliquer cet
élément objectif qui correspond aux rapports de valeur.
La théorie de la valeur de Marx est une réponse à cette question. Cette réponse est dans son principe
la même que celle de Smith et Ricardo.
Deux grandes théories de la valeur : théorie de la valeur travail (Smith, Ricardo), et l'idée selon
laquelle la valeur des biens est le reflet du rapport entre leur rareté et leur utilité (Économie
néoclassique)
Valeur travail : la valeur marchande d'un bien est déterminée par la quantité de travail qu'il
incorpore.
Là où Marx innove par rapport à Smith et Ricardo, c'est en précisant quel travail est mesure de la
valeur. Ce n'est pas le travail concret, le geste technique, le travail qualitativement différencié (en
anglais work) mais ce que Marx appelle le « travail abstrait » ou « indifférencié », c'est-à-dire le
temps moyen de travail (en anglais labour).
Peu importe mon travail, je dépense de l'énergie laborieuse, et c'est ça qui est exprimé par la
dimension "labour" et qui rend tous les "work" comparables. C'est par la quantité de labeur que les
objets sont comparés les uns aux autres.
Deuxième point d'innovation, analyse de ce qu'il appelle la forme valeur, de ce que c'est l'étalon
dans lequel se mesure la valeur.
Le but est d'expliquer pourquoi la valeur s'exprime en € (ou en étalon quelconque) plutôt qu'en unité
de labour ?
Lorsque l'on regarde les marchandises, avoir une valeur marchande c'est être universellement
comparable.
On pourrait exprimer la valeur de tous les biens en nombre de citrons, le citron pourrait être utilisé
comme étalon. Pour Marx, quand le citron joue ce rôle, d'être ce en quoi on exprime la valeur
marchande des choses, il cesse de fonctionner comme une marchandise comme les autres et devient
l'équivalent de toutes les marchandises, un équivalent universel : je peux ramener toutes les
marchandises à des citrons.
Cependant il y a un rôle réel derrière le rôle que le citron joue dans cet exemple. Ce fait objectif
c'est qu'un citron, pour être produit, contient 800 000 moins de travail qu'un téléphone (s'il faut 800
000 citrons pour acheter un téléphone). Dans un citron est incorporé un certain quantum de labeur et
c'est grâce à ce quantum de labeur que le citron peut devenir un équivalent général.
La forme-valeur des marchandises consiste dans l'élévation d'une marchandise au rang d'équivalent
général.
Si notre étalon c'est l'or, on peut dire qu'il y a un quantum de travail dans chaque gramme d'or,
quantité moyenne de valeur, on peut arriver à normaliser statistiquement le temps moyen de travail
dans une mine ici et à calculer le temps moyen de travail pour chaque gramme d'or et donc l'or peut
servir d'équivalent général.
Une fois que l'on a introduit un équivalent général, il est alors possible pour faciliter le
fonctionnement de l'économie marchande d'introduire une unité de compte conventionnelle qui va
éviter de transporter de l'or ou des citrons. 100€ = 10g d'or.
Le point clef est de montrer que la réalité ontologique ultime de l'argent c'est le labeur humain.
Derrière l'euro, il y a dans sa théorie du labeur. Les euros naissent du labeur, ils sont du labeur, ils
sont une certaine représentation du labeur humain, puisque toute valeur marchande prend sa source
dans la fatigue humaine.
C'est une économie marchande où le marché est juste un détour pour faciliter l'échange de produits
entre différents producteurs, et dans un tel système le passage par la valeur marchande n'est qu'un
medium. Ce qui m'intéresse n'est pas de gagner de l'argent mais avec le produit de la vente de mes
choux-fleurs de m'acheter de la bière et du pain.
Marx dit que cette société de marché simple a pour formule générale M-A-M, Marchandise contre
Argent contre Marchandise.
A est la contre-valeur en euros de M.
Si M c'est 10h de travail, et 1€ = 1h de travail
A = 10€
Et avec A je vais acheter une M avec 10 heures de travail.
Mais dans cette affaire il y a des opérateurs libres et on n'a pas de profit. La motivation c'est
pourvoir à ses besoins ou acquérir des commodités pour la vie.
= économie de marché non-capitaliste
Une économie de marché capitaliste fonctionne sur une autre formule que M-A-M.
Les acteurs de marché ne sont pas des producteurs indépendants. Celui qui met les téléphones sur le
marché dans une société capitaliste est un apporteur de capitaux, celui qui a mis ses capitaux dans la
production de téléphones.
Lui, comment se comporte-t-il ? Il apporte de l'argent, il le transforme en marchandise, et ensuite
avec la vente de ce téléphone il entend retrouver de l'argent.
Donc la formule d'une économie marchande capitaliste c'est A-M-A
A-M-A
J'apporte de l'argent
Avec cet argent je fais des marchandises
Et avec ces marchandises je refais de l'argent
Essence de cette variante capitaliste de l'économie de marché.
Raisonnement de Marx
1€ = 2h de travail
Pour produire des petits mouchoirs en coton, on va acheter 10kg de coton brut pour 10€, c'est-à-dire
que ça incorpore 20h de travail. Il faut 20h de travail indifférencié pour produire 10kg de coton.
Une broche à filer 10kg de coton (se détruit ensuite), 2€ = 4h
On achète un fileur qui travaille à la journée et on le paie 3€ jour = 6h. Ce n'est pas lui qui
représente 6h, il faut 6h de travail pour produire l'ensemble de biens dont on a besoin pour survivre
par jour.
Supposons que l'on fasse travailler le fileur pendant 6h et que 6h soit le temps pour filer 10kg de
coton, il va produire 10 petits mouchoirs
Quelle est la valeur des 10 petits mouchoirs ? La quantité de travail incorporée en eux.
On a investi 27€, mais il y a 60h de travail incorporés dans mes mouchoirs, donc je peux mettre en
vente mes mouchoirs 30€. Mehrwert = 3€
D'où vient la Mehrwert ? Du surtravail du fileur, et le surtravail c'est le travail au-delà du temps
nécessaire pour produire la valeur du travailleur, c'est-à-dire pour produire la valeur des biens
nécessaires pour assurer sa subsistance.
Pour assurer sa subsistance il faut 3€, donc pendant les 6 premières heures de la journée, le salarié
travaille uniquement pour payer ce qui va le nourrir. Au-delà de ces 6 premières heures on entre
dans le surtravail, là la valeur vient uniquement accroître la valeur originelle de celui qui a investi.
Le mystère de la survaleur est le fait que de valeur systémique, le travail humain est soumis à un
régime d'exercice, de fonctionnement, qui garantit à celui qui l'achète, qui le mobilise, de dégager
un volant de surtravail. C'est le surtravail qui fait la survaleur.