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Synthese Etat Actionnaire
Synthese Etat Actionnaire
L’ÉTAT ACTIONNAIRE
Rapport public thématique
Synthèse
Janvier 2017
g AVERTISSEMENT
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
Recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
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Introduction
Utilise-t-il ses participations dans les entreprises à bon escient, comme un outil
de politique publique ?
Le rapport Nora sur les entreprises publiques estimait déjà en 1967 que
« le secteur public offre l’image d’un paysage aux frontières imprécises et à la
physionomie chaotique ». Il dénonçait « la dilution des responsabilités » et
recommandait de donner aux entreprises publiques une très large autonomie
de gestion. En 2003, le rapport Barbier de La Serre déplorait en des termes
très proches la confusion des rôles remplis par l’État à l’égard des entreprises
publiques, l’identification insuffisante de la fonction d’actionnaire, le manque
d’orientations claires données aux dirigeants, le mauvais fonctionnement des
conseils d’administration et une présence excessive de l’État dans la gestion
des entreprises. L’Agence des participations de l’État a été créée en 2004 pour
remédier à ces dysfonctionnements.
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1 Un ensemble vaste
et hétérogène, des défis majeurs
La France est l’un des pays de l’OCDE participation publique et même une
dans lesquels la part des entreprises à sur six si l’on se réfère au seul emploi
participation publique est la plus salarié hors fonction publique. Les
importante. Elles emploient 2,4 millions participations publiques sont présentes
de salariés, soit 10 % de l’emploi dans un très large éventail de secteurs :
salarié total : une personne sur dix audiovisuel, énergie, transports, services,
est employée par une entreprise à finances et industrie.
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Un ensemble vaste et hétérogène,
des défis majeurs
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tissement. des entreprises dont il est actionnaire.
2 Une situation financière
préoccupante
Les résultats financiers, s’ils ne sont lourde perte (- 10,1 Md€), fruit des
pas le seul indicateur de l’efficacité de difficultés structurelles du système
la politique d’intervention en fonds ferroviaire (SNCF) et des grands
propres, n’en constituent pas moins opérateurs de l’énergie (Areva, EDF).
un élément d’appréciation essentiel. Or
La rentabilité financière des entreprises à
la situation financière globale des
participation publique chute lourdement
entreprises à participation publique
pour s’établir à 2,8 % en moyenne entre
s’est sensiblement dégradée au cours des
2010 et 2015, contre 10 % pour les
dernières années et pèsera fortement à
entreprises de l’indice SBF 120. La
l’avenir sur les finances publiques.
valeur boursière du portefeuille coté
décroche sensiblement, avec une baisse
Des performances financières de 54 % entre 2006 et 2016, à périmètre
contrastées, mais globalement constant. Alors que la performance du
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Source : Cour des comptes d’après données APE
Une situation financière préoccupante
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Une situation financière préoccupante
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Une situation financière préoccupante
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Une situation financière préoccupante
L’État engage par ailleurs des crédits, publiques une partie de ses propres
comparativement plus importants, au engagements : il mobilise la Caisse
profit des entreprises publiques, des dépôts et consignations pour
notamment dans les secteurs ferroviaire entrer à ses côtés au capital d’au-
et audiovisuel : 10 Md€ par an, dont tres entreprises et laisse certaines
6 Md€ pour la seule SNCF. Ces dépenses entreprises publiques s’endetter à
sont liées pour une part aux spécificités l’excès, leur dette n’étant pas incluse
de ces entreprises à participation dans la dette des administrations
publique et aux dysfonctionnements de publiques (dite « maastrichtienne »).
l’État, qui impose par exemple des
investissements non rentables au La structure financière des entreprises
groupe SNCF et se voit ensuite amené à publiques (détenues à plus de 50 % par
contribuer à son exploitation. l’APE) s’est fortement dégradée. Leur
dette financière nette, qui atteignait
La prise en compte de l’ensemble des 136,6 Md€ à la fin de 2015, a augmenté
flux liés aux participations de l’État de 63 % depuis 2007. Elle représente, à
(opérations en capital, dividendes, la fin de 2015, 150 % de leurs capitaux
crédits budgétaires) fait finalement propres (contre un ratio de 25 %
ressortir un bilan déséquilibré pour seulement pour les entreprises du
les finances publiques. Encore ce CAC 40) et 4,8 années d’excédent brut
bilan ne tient-il pas compte du fait d’exploitation (contre 2,9 en 2007).
que l’État reporte sur d’autres entités
Les besoins budgétaires liés aux satisfaire ces besoins avec les seules
participations dans les entreprises ressources de cession prévues à brève
sont devenus inhabituellement élevés, échéance. Il faudra donc soit amplifier
en raison de la dégradation de la fortement le programme de cessions,
situation financière des grandes entre- soit mettre à contribution le budget
prises publiques et des recapitalisations général et augmenter ainsi la dépense
annoncées dans l’énergie (7 Md€ dès et la dette publiques.
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2017). Il ne paraît pas possible de
3 Les contradictions
de l’État actionnaire
Les tensions sont les plus fortes dans qualité des programmes), un dis-
des secteurs où l’État est resté un positif réglementaire complexe
actionnaire dominant ou exclusif : (cahiers des charges et contrats
d’objectifs lourds et redondants),
- dans le domaine des transports et la présence d’une autorité de
ferroviaires, l’État porte des régulation investie du pouvoir de
demandes nombreuses et contra- nomination des dirigeants. Dans
dictoires : création de lignes à un contexte où les dirigeants des
grande vitesse dont l’exploitation entreprises ne sont désignés ni par
sera déficitaire ; soutien à la filière leur actionnaire ni par leur conseil
industrielle ferroviaire, conduisant à d’administration, mais par l’auto-
demander à la SNCF de commander rité de régulation (le Conseil supé-
de nouvelles rames dont l’utilité est rieur de l’audiovisuel), la fonction
incertaine et la rentabilité négative ; d’actionnaire a du mal à trouver sa
modernisation inachevée de l’orga- place et à faire prévaloir les inté-
nisation du système ferroviaire. rêts propres des entreprises
Sans stratégie à long terme, l’État concernées. La situation d’ensem-
agit fréquemment au détriment des ble des médias de service public
intérêts économiques du groupe porte la trace de ces
SNCF et de son équilibre financier, contradictions : gouvernance ina-
aggravant son endettement ; daptée, réformes inabouties,
modèle économique structurelle-
- dans le secteur de l’énergie, les ment fragile, résultats financiers
contradictions entre les multiples négatifs.
objectifs poursuivis par l’État ont
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Les contradictions de l’État actionnaire
19
4 Des progrès de gouvernance
notables, des carences
persistantes
Confrontés depuis longtemps aux diffi- Si le recul manque pour apprécier les
cultés inhérentes au rôle d’actionnaire, performances de Bpifrance, la détention
les pouvoirs publics se sont efforcés de participations publiques par son
d’y remédier. Les améliorations ont intermédiaire présente des avantages :
été tangibles mais insuffisantes : en la détention déléguée à un tiers protège
les entreprises des injonctions
dépit de ces progrès, l’État n’est pas
contradictoires de l’État ; le caractère
parvenu à maîtriser suffisamment le
minoritaire des participations
jeu de sollicitations contradictoires contraint l’actionnaire public à adopter
auxquelles il est soumis et à respecter un comportement plus proche des
pleinement l’autonomie de gestion bonnes pratiques de marché ; et le
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Des progrès de gouvernance notables,
des carences persistantes
son intérêt social, et non, comme a-t-il par exemple vocation à rester
dans le cas de la tutelle en vertu d’un actionnaire de référence de
pouvoir administratif exercé sur les constructeurs automobiles ou d’un
actes émis par une personne opérateur de télécommunications inter-
publique. Cette confusion restreint le venant sur des marchés aujourd’hui
rôle des conseils d’administration des entièrement concurrentiels ?
entreprises publiques, comme le
montrent les exemples analysés par Le manque de rigueur dans la définition
la Cour (SNCF Réseau, SNCF des objectifs poursuivis emporte
Mobilités, Port autonome de Paris, différentes conséquences : évaluation
imparfaite des résultats effectifs de
France Télévisions, Radio France).
l’actionnariat public, et recouvrements
entre l’APE et Bpifrance d’un côté et
Le statut d’établissement public
entre Bpifrance et le programme
maintenu pour les trois entités du
d’investissements d’avenir (PIA) de
groupe ferroviaire SNCF, présente des l’autre. À part pour la mission de
inconvénients substantiels : fragilité sauvetage d’entreprises en cas de
au regard du droit européen, absence risques systémiques, convenablement
d’intérêt social précisément identifié, remplie, le degré d’atteinte des objectifs
rôle diminué du conseil d’administration. affichés par l’État actionnaire
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5 Les voies de progrès
défense.
règles applicables au fonctionnement
des organes sociaux et aux relations Par ailleurs, le portefeuille des par-
avec l’actionnaire public. ticipations publiques devrait être
redimensionné en fonction des objectifs
L’application de ces différentes de politique publique poursuivis. La
recommandations permettrait de Cour présente à cet égard deux options,
substantiels progrès, mais elles ne entre lesquelles il ne lui appartient pas
suffiront vraisemblablement pas. de trancher. Elles concernent les trois
Pour rendre ces améliorations effectives principaux actionnaires publics, et au
et durables, il est nécessaire d’aller au- premier chef l’APE.
delà et d’envisager une transformation
plus profonde. L’évolution de l’APE La première option vise à ajuster le
vers un statut d’agence autonome périmètre des participations, sans que
dans sa gestion permettrait de faire la réduction des taux de participation
réellement évoluer les pratiques de n’entraîne de pertes d’influence. Cette
l’État actionnaire et d’améliorer la option ne constitue pas une rupture
gouvernance des entreprises qu’il par rapport à la politique actuelle des
détient. participations publiques, puisqu’elle
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Les voies de progrès
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Conclusion
Les constats effectués par la Cour, appuyés sur une analyse des années 2010 à
2016, appellent une appréciation critique de l’aptitude de l’État à être un bon
actionnaire. Cinquante ans après le rapport Nora, les mêmes faiblesses demeurent :
un portefeuille de participations dispersé et peu mobile, des opérations trop souvent
dictées par l’urgence, un étau de contradictions aboutissant à ce que les autres
objectifs de politique publique l’emportent sur les préoccupations patrimoniales,
aux dépens des entreprises détenues.
L’État doit rompre avec une vision inappropriée de son rôle d’actionnaire et avec
son penchant à intervenir sous la pression du moment, par crainte d’apparaître
impuissant. Car lorsqu’il procède ainsi, il ne peut qu’affaiblir les entreprises dont
il est actionnaire et, finalement, s’affaiblir lui-même.
Dans ces conditions, des transformations profondes sont d’autant plus nécessaires
que, depuis cinquante ans, l’environnement s’est grandement modifié. L’économie
s’est ouverte, la concurrence s’est installée, le numérique et la transition énergétique
bouleversent le contexte industriel et commercial, L’entreprise publique n’est
plus le modèle, y compris social, qu’elle a incarné au XXème siècle. La gestion d’un
portefeuille de participations publiques de 100 Md€ se conçoit différemment dans
un pays qui souffre d’un déficit public structurel et supporte une dette publique
de 2 200 Md€.
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