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Mouvements littéraires : Du Moyen âge au XXème siècle

1. Définition du « mouvement littéraire et culturel » : groupe d’écrivains et


d’artistes qui revendiquent certaines règles d’écriture ou de production artistique,
des idées nouvelles par rapport à ce qui se faisait jusque-là. Ils consignent ces
règles et idées dans un « manifeste » (texte de référence du mouvement) et se
reconnaissent souvent un « chef de file » (un écrivain emblématique du
mouvement, comme Victor Hugo pour le Romantisme).

2. Le Moyen âge
Cette époque comprend dix siècles. Elle est donc marquée par de nombreux
changements, les hommes de l’an 500 étant fort différents de ceux de l’an 1450.
Selon les historiens, trois événements majeurs ont marqué le Moyen Âge :

 l'émergence des pays et des peuples européens ;


 le développement des villes ;
 la naissance de l'université.

À une époque où la notion de liberté individuelle est à peine concevable et où


les connaissances scientifiques sont embryonnaires, ce sont le système social
et les conceptions religieuses qui déterminent la manière dont vivent les
hommes et les femmes, et leur façon de percevoir le monde qui les entoure.
 La société du Moyen Âge est une société fortement hiérarchisée, fondée sur la
transmission héréditaire du pouvoir, des titres et de la richesse. Au XIIe siècle,
la société est divisée en trois classes ou ordres : les clercs et les hommes
d’Église, les guerriers (seigneurs et chevaliers) et les « travailleurs », qui sont
paysans, artisans, etc. Deux de ces classes se disputent le pouvoir : les
guerriers et les hommes d’Église. Dans les faits, toutefois, aucune de ces trois
classes n’est plus importante que les autres, puisqu’elles sont
interdépendantes. En effet, ceux qui travaillent ont besoin de la protection des
guerriers, qui ont, en retour, besoin du fruit des labeurs des paysans et des
produits des artisans. Quant aux hommes d’Église, ils ont besoin à la fois de
la protection des chevaliers et du travail des paysans et des artisans. En retour,
les deux autres ordres ont besoin de l’Église pour s’assurer du bien-être de leur
âme et obtenir la « vie éternelle ».
 Ainsi, la féodalité est un moment particulier dans l’histoire occidentale qui est
la conséquence directe de la dissolution de l’autorité publique, assumée
jusqu’alors par le roi. En effet, l’affaiblissement de la royauté au IX e siècle
change les rapports politiques et, peu à peu, le pouvoir de commander, de
rendre justice et de taxer les gens du commun se répartit entre de petites
cellules autonomes construites autour des châteaux. Les seigneurs de ces
domaines (qui sont parfois très vastes) ont coutume de les séparer en plus
petits lopins, qu’ils font cultiver par des paysans libres. Ces parcelles de terres
sont appelées fiefs – en fait, le mot « féodalité » est apparu au XVIIe siècle
pour qualifier ce qui se rattache au fief. C’est donc dire que la société et
l’économie du XIIe siècle sont fondées sur l’exploitation des paysans par
l’aristocratie dans le cadre de la seigneurie. Même si la terre ne leur appartient
pas, les paysans peuvent en garder les fruits ; ils doivent cependant remettre
une partie de leur récolte au seigneur et payer pour divers services (entre
autres, pour traverser les ponts et pour l’utilisation du moulin seigneurial).
 La féodalité est donc un régime économique et politique : le roi divise ses
terres en fiefs qu’il distribue à ses barons à la condition expresse que ceux-ci
les défendent. À leur tour, les barons divisent ces espaces en territoires plus
petits, que les serfs (paysans libres) cultivent pour eux. C’est toute une
pyramide qui se construit alors, chaque homme détenant sa terre d’un autre,
plus puissant que lui.
 Entre eux, les hommes sont liés par le serment de fidélité, prononcé au cours
de la cérémonie de l’hommage. Il s’agit d’un contrat liant deux personnes par
un serment de protection et de travail (le fort protège le faible, qui travaille
pour lui). Le seigneur le plus puissant, le suzerain, reçoit l’hommage du
seigneur plus faible ou du simple paysan, qui devient son vassal. En échange,
il l’investit d’un fief. Au cours de la cérémonie, le vassal, sans armes,
s’agenouille devant son suzerain, place ses mains jointes dans les siennes en
signe de soumission et se déclare son « homme ». Le suzerain le relève, lui
donne un baiser sur la bouche (signe de paix) et lui remet un objet (un bâton
ou une lance, souvent) symbolisant le fief – c’est l’investiture. Puis, le vassal
jure sur les Évangiles ou sur des reliques qu’il sera fidèle à son suzerain. Dans
les premiers temps de la féodalité, le fief revient au suzerain à la mort du
vassal. Il peut alors le donner à un autre de ses vassaux ou aux descendants du
défunt. Peu à peu, cependant, les vassaux prennent l’habitude de le transmettre
en héritage à leurs descendants, de sorte que le fief devient héréditaire. Mais,
justement, comme les vassaux le retransmettent à tous leurs fils et à toutes
leurs filles, ils morcellent et appauvrissent les domaines.
 Les deux personnes unies par l’hommage ont des devoirs l’une envers l’autre,
elles ont des obligations réciproques. Le vassal doit à son suzerain le service
d’ost (l’assistance militaire : il doit rejoindre son seigneur avec ses hommes,
en cas de guerre), le service de cour ou de conseil (il doit siéger à la cour ou
au tribunal) et l’aide aux quatre cas, c’est-à-dire une aide financière spéciale
(pour la rançon, l’armement du fils aîné, le mariage de la fille aînée ou le
départ pour la croisade)1. Le suzerain, quant à lui, doit à son vassal aide et
protection et ne doit commettre aucune injustice à son égard. À cette
protection on ajoute habituellement le devoir d’entretien, c’est-à-dire qu’il lui
revient de fournir à son vassal de quoi vivre, ce qu’il fait le plus souvent en
l’investissant d’un fief. En fait, le seigneur joue souvent un rôle économique
puisqu’il aménage le territoire en construisant moulins et étangs, met en place
une administration, avec des « officiers », percepteurs de redevances et juges.
Ainsi, avant de s’organiser autour de l’église, la ville naissante s’organise
autour du château fort... souvent loin de l’image qu’on s’en fait2.
 Le lien d’hommage unit les deux hommes toute leur vie, sauf manquement de
la part de l’un ou de l’autre à ses obligations. Celui qui rompt sciemment le
contrat peut être accusé de félonie ; pour le vassal, cette accusation peut mener
à la confiscation par le suzerain de son fief.
 L’organisation féodale a pu causer parfois quelques problèmes. En effet, que
faire quand on est lié à plusieurs seigneurs qui se font la guerre entre eux ?
C’est le concept d’hommage-lige qui a permis de répondre à cette épineuse
question : il s’agit de l’hommage principal, celui qu’il faut respecter en
priorité. (Mais il est même arrivé que certains vassaux se voient dans une
situation où les deux seigneurs dont ils étaient les hommes-liges entrent en
guerre...)
 Le roi, bien sûr, est au-dessus de cette organisation sociopolitique, puisqu’il
est « élu par Dieu ». En fait, le roi, au départ simple suzerain, se voit conférer
une autorité supérieure, une autorité incontestable par le sacre. Toutefois,
l’hérédité du fief fait en sorte que la puissance du roi diminue puisque certaines
terres lui échappent ; ses revenus diminuent d’autant, comme les hommes à sa
disposition pour le service d’ost. En n’ayant pas la puissance militaire pour
faire valoir son droit divin, il est souvent plutôt une figure symbolique qu’un
roi tout-puissant comme on en verra plus tard (comme Louis XIV, par
exemple).

2.1 La courtoisie et la chanson de geste

À partir du XIe siècle dans le sud de la France, et du XIIe siècle dans le nord, la société
féodale ajoute une nouvelle valeur à l’idéal chevaleresque : le service d’amour, qui met
les préoccupations amoureuses au centre de la vie. La cour imaginaire du roi Arthur dans
les romans de la Table Ronde devient le modèle idéal des cours réelles : non seulement
le chevalier est brave, mais il a en plus le désir de plaire ; parce que les femmes sont
présentes, le chevalier doit avoir des attitudes élégantes, des propos délicats. Dans le
service d’amour, pour plaire à sa dame, le chevalier essaie de porter à leur perfection les
qualités chevaleresques et courtoises : il doit maîtriser ses désirs, mériter à travers une
dure discipline l’amour de sa dame. Cet idéal est bien celui des gens de cour.
En effet, le mot « courtois » signifie au départ « qui vient de la cour ». La courtoisie
désigne une façon d’être, l’ensemble des attitudes, des mœurs de la cour seigneuriale dans
laquelle les valeurs chevaleresques sont modifiées par la présence des dames. L’amour
courtois est un code que doit suivre le chevalier.

La cour

Sous l’influence de l’Église qui incitaient les seigneurs à faire la paix (trêve de Dieu),
les mœurs s’adoucissent. Moins tournés vers les Croisades et la défense de leur fief, les
seigneurs s’habituent à la vie de cour. Puis, peu à peu, les mœurs subissent aussi
l’influence de l’univers féminin plus délicat. Sous l’instigation de femmes de haut rang,
comme Aliénor d’Aquitaine, d’abord femme du roi de France, puis femme du roi
d’Angleterre, s’instaurent des cours d’amour où les artistes chantent la femme, idéalisée,
parfaite, inaccessible. Découlant du mot latin domina s’impose bientôt le mot
français dame, titre donné à la femme et soulignant son caractère de maîtresse. Suzeraine,
la femme l’est en effet en amour.

La dame

L’amant courtois est séduit par la dame, une femme dotée d’une beauté et de mérites
exceptionnels, qui est mariée, accomplie. Au Moyen Âge, il existe une forte tension entre
l’amour et le mariage. On ne se marie pas alors pour l’amour : on se marie par intérêt,
pour perpétuer la famille, pour s’allier à un clan. Le mariage est affaire de raison, et
souvent décidé d’avance par les parents des époux.
Alors que le mariage est à la portée de tous, l’amour vrai, quant à lui, n’est ressenti que
par les âmes nobles (c’est du moins le point de vue des auteurs du courant courtois).
L’amour noble n’est ni banal ni vulgaire. Il n’est ni facile ni intéressé, même s’il est
généralement éprouvé envers une femme d’une condition supérieure. Cet écart entre les
statuts sociaux rend la femme inaccessible, l’élève au rang des divinités à adorer.

Le fin’amor

Si l’acte sexuel est la consécration de l’amour, le sentiment noble invite à la


sublimation. Ne se laissant pas dominer par ses désirs charnels, l’amant courtois gagnera
le cœur de sa dame en lui témoignant un amour empreint de délicatesse et de retenue. Sa
passion doit l’amener à surpasser son désir pour la dame afin d’éprouver pour elle un
amour raffiné, profond, véritable, un amour transposé sur un plan supérieur. Cet amour
« spirituel » – on l’appelle fin’amor en langue d’oc, ce qui veut dire « amour parfait » ou
« amour sublimé » – est caractérisé par le plaisir provoqué par la manifestation du divin
chez l’autre. Le fin’amor est rare et, comme il a été déjà mentionné, incompatible avec le
mariage. Ce sentiment incite le chevalier à se surpasser pour s’élever au niveau de sa
dame : le cœur noble est l’idéal à atteindre pour l’homme.

L’amant courtois

L’amant courtois est un guerrier héroïque. On sait que le code du chevalier est basé sur
l’honneur. Il est fort, adroit, mais, surtout, loyal envers son suzerain. Sa noblesse de cœur
fait de lui un homme franc, poli et subtil. La force physique valorisée dans les textes
épiques existe toujours, mais elle est maintenant canalisée dans les tournois, des combats
rangés où le chevalier défend les couleurs ou même l’honneur de sa dame. La vaillance
du chevalier est donc toujours exigée, mais elle trouve désormais une expression
amoureuse. En fait, l’amour devient source de toute vaillance et de toute générosité.
L’amant courtois est totalement soumis et dévoué à sa dame : abnégation, obéissance
et discrétion sont ses mots d’ordre. Pour mériter l’amour de sa dame (qui fait preuve de
froideur et de caprices), afin de prouver l’intensité et la constance de son amour, le
chevalier devra se plier au « service d’amour », c’est-à-dire qu’il devra se soumettre aux
coutumes de l’attente et sortir vainqueur d’une série d’épreuves souvent fixées par sa
maîtresse. Mais cela lui importe peu : lorsque le cœur noble est épris, plus rien ne compte.
Les exploits accomplis, la souffrance, le grandiront moralement. Rudement mis à
l’épreuve, le chevalier amoureux doit même trouver de la joie dans la souffrance et la
séparation. Les épreuves, preuve de sa perfection morale, lui permettront de conquérir sa
bien-aimée et d’obtenir une récompense.
Quand il aime, le chevalier courtois rend hommage à sa dame, elle devient la suzeraine
de son cœur : il s’y soumet aveuglément. La loyauté à la dame passe avant celle au
suzerain : il doit faire preuve d’une obéissance totale, d’une fidélité indéfectible. Cette
soumission amène ainsi, pour le chevalier, le conflit qui oppose son amour à son honneur.
Renoncer à l’honneur pour l’amour représente le sacrifice le plus grand qu’il puisse faire.

Les joies d’amour

Après la discipline, l’attente, les épreuves, le sacrifice de son honneur, le chevalier peut
enfin s’abandonner au plaisir sensuel. En effet, les troubadours, idéalistes mais aussi
réalistes, voyaient l’acte sexuel – mérité de la sorte – comme le sacrement de l’amour. La
vulgarité de la sexualité s’efface devant la discipline imposée. Une passion sans frein, qui
ne recule pas devant le scandale, est choquante. Les conséquences sont désastreuses pour
les amants : la dame perd son honneur, élément essentiel à sa perfection et... à son titre,
alors que le chevalier voit ignorer sa valeur, qui n’est ni reconnue ni publiée.
Toutefois, il se peut que cet acte d’amour ne se produise jamais, et que les faveurs de
la dame, jamais accordées, aient entretenu de beaux rêves, suscité d’ardents espoirs,
inspiré des actes généreux. Ce complexe état d’âme créé par cette attente et cet effort est
ce qu’on appelle la « joie d’amour ».

L’amour fatal

Si la littérature courtoise – qui s’inscrit souvent dans un monde merveilleux, peuplé


d’éléments surnaturels, de personnages mystérieux et fantastique (des mages, des fées,
des nains et des géants, etc.) – présente ainsi les jeux aimables de l’amour ; il n’en
demeure pas moins que cet amour, parfois peint de façon mélancolique, est soumis
quelquefois aux vicissitudes du destin. On rencontre alors le thème de l’amour
malheureux, de l’amour contrarié qui se heurte à des obstacles, qui se brise parfois sur
des écueils, mais qui demeure malgré tout victorieux, car l’amour courtois, par-delà la
mort même, est un sentiment vrai et éternel.

2.1.1 Yvain ou le Chevalier au lion. Etude de texte

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