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L 18250 - 74 - F: 6,90 € - RD
Aérojournal n°74
Décembre 2019 / Janvier 2020
Belgique, Espagne, Italie, Portugal Cont., Lux. : 7,90 €
Canada : 14$C - Suisse : 13 CHF - Maroc : 75 MAD
carapresse &tère DÉC. 2019
cara tère
éditions JANV.
2020
presse & éditions
ACTUELLEMENT EN KIOSQUE
Aérojournal cara tère
n° 74 Batailles & Blindés n° 94
presse & éditions
Ligne de Front n° 82
cara publishing
tère
De la Belgique à Cambrai
LE PÈRE DE L'AILE DELTA La 7. Panzer-Division de Rommel en 1940
Les ailes volantes du Pr. Alexander
Alfredo Carpaneto
Une tête de mule (italienne) au combat
VILLERS-BOCAGE
Un magazine des éditions
Belgique, Italie, Portugal Cont., Lux., Espagne : 7,90 €
Suisse : 13 CHF - Autriche : 8,20 € - Canada : 14$C
Décembre 2019 / Janvier 2020
Batailles & Blindés n°94
L 18284 - 94 - F: 6,90 € - RD
Me-262
L’ÉPOPÉE DU GRAF SPEE
UN KAMIKAZE NOMMÉ YAMATO
w
LE CORSAIRE DE L’ATLANTIQUE SUD
OPÉRATION « TEN-ICHI-GŌ »
MESSERSCHMITT
STUG III KURZ
LE CAMOUFLAGE DE SURFACE
DE LA KRIEGSMARINE
AUX ORIGINES DE L’OPÉRATION « VADO »
QUAND LA MARINE FRANÇAISE
Belgique / Espagne / Grèce/ Italie / Lux. / Portugal Cont : 7.90 €
VOULAIT BOMBARDER L’ITALIE Belgique, Espagne, Italie, Portugal Cont., Lux. : 7,90 €
Canada : 14$C - Suisse : 13 CHF - Maroc : 75 MAD Autriche : 8.20 € — Canada : 14 $C — Suisse : 13 CHF
norme sud des Pays-Bas. C’est dire les espoirs fondés par les
ront de Allemands et les moyens considérables engagés par la
a guerre Wehrmacht dans ces manœuvres stratégiques désespérées.
aille de Côté allié, la surprise est totale, mais la résistance et la
s » sont réaction américaines seront tout aussi spectaculaires.
rrestres, Avec ce hors-série passionnant, vous plongerez au cœur
orter la de l’« offensive de la dernière chance » d’Hitler !
09/09/2019 13:36:18
Renseignements : Éditions Caraktère - Résidence Maunier - 3 120, route d’Avignon - 13 090 Aix-en-Provence - France
Tél : +33 (0)4 42 21 06 76 - www.caraktere.com
L'ACTUALITÉ DE L'AÉRONAUTIQUE p. 04
NOTAM
N°
74 Recensions
La rédaction !
DU N°75
3 120, route d'Avignon Rédacteur en chef / Group Captain : Y. Kadari ervice des ventes et réassort :
S
13 090 Aix-en-Provence - France Secrétaire de rédaction / Junior Technician : L. Becker À juste Titres - 04 88 15 12 41
SARL au capital de 100 000 euros Direction artistique / Wing Commander : A. Gola
Infographie / Armourers : N.
Bélivier - M. Mioduszewska Réassort et quantités modifiables sur :
Et aussi sur Twitter : @caraktere RCS Marseille B 450 657 168
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Tondeur Diffusion - Avenue F. Van Kalken, 9
1070 Anderlecht – Belgique
© Copyright Caraktère. Toute reproduction ou représentation intégrale ou
partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans la présente Notre couverture : Aux commandes de son Messerschmitt Bf 109 G-2 codé MT-222, l'as des as de
publication, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une
contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement
l'aviation finlandaise, Eino Ilmari Juutilainen, vient à bout le 31 août 1943 de son tout premier Lavochkine
réservées à l’usage du copiste et non destinées à une utilisation collective La-5 soviétique. © Piotr Forkasiewicz – Aérojournal 2019
et, d’autre part, les analyses et courtes citations justifiées par le caractère
spécifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées. Loi
du 11.03.1957, art. 40 et 41; Code Pénal, art. 425. Une lettre d’information accompagne votre magazine. Elle est réservée aux abonnés et clients VPC.
l'Actualité
de l'Aéronautique
Recensions
ACTUALITÉ DU LIVRE
Par Yann Mahé, Max Schiavon et Laurent Tirone
4
Le siècle des As
Pierre Razoux
Il travaille depuis plusieurs années sur les As a combattu en 1988 lors de la guerre Iran-Irak.
de l’aviation, ces pilotes qui ont abattu plus de Quant à la France elle en compte 189. Enfin, le
cinq avions ennemis (selon un critère défini en record absolu est détenu par l’Alemand Erich
1915). Le sujet n’est pas anodin car, depuis la Hartmann, qui est crédité de 352 victoires !
création de l’aviation militaire, un avion abattu Une analyse de leur personnalité comme de
sur deux l’a été par un As. leurs parcours montre que ces As sont souvent
Avec cet ouvrage, il s’est fixé trois objectifs : des individualistes au fort caractère (surtout
écrire la première synthèse historique sur le avant 1945), excellents au niveau tactique
phénomène en prenant en compte tous les mais peu aptes à s’élever au niveau straté-
pays et tous les conflits ; rendre un hommage gique. De fait, très peu d’entre eux deviendront
mérité à ces pilotes d’exception du XXe siècle de grands chefs.
qui ont dominé le ciel durant presque 75 ans – Bousculant nombre d’idées reçue, objectif,
car réaliser de tels exploits semble aujourd’hui Pierre Razoux a utilisé une abondante bibliogra-
et à l’avenir très difficile ; enfin réfléchir à phie et a pu interroger des As encore vivants.
l’aura et à l’impact de ces héros sur notre Soulignons qu’il traite des derniers conflits du
imaginaire collectif. Moyen-Orient, très peu renseignés jusqu’à pré-
Cette histoire mondiale des « chevaliers du sent. En annexe, et pour la première fois, il
ciel » nous en apprend beaucoup. Pour ne donne le palmarès des As par conflits suivi
citer que quelques éléments, 8 000 pilotes des types d’avions utilisés.
ont droit au qualificatif d’As (dont un tiers Il n’est pas nécessaire d’être un passionné
d’Allemands), 20 % ont obtenu ce qualificatif d’aviation pour s’enchanter de cette passion-
Spécialiste des conflits contemporains, Pierre durant la Première Guerre mondiale, mais 75 % nante enquête, très agréable à lire. (MS)
Razoux est directeur de recherches au minis- entre 1936 (début de la guerre d’Espagne)
tère des Armées. Il a notamment publié un et 1945, que l’auteur qualifie d’âge d’or des Perrin, 2019
ouvrage remarqué sur La guerre Iran-Irak : pilotes de chasse. Un quart des As a été tué au 462 pages, 25 €
première guerre du Golfe (Perrin, 2013). combat. Le dernier As est un pilote iranien, qui ISBN : 978-2-262-04827-3
5
AVION
1940
1945
L E MAL-AIMÉ
DORNIER Do17
PARTIE 2 : POUR QUI SONNE LE GLAS
Profils couleur : Jean-Marie Guillou Par Chris Goss, traduction : Yann Mahé
L
Dornier Do 17 P-1 de la 4.(F)/121 hérite d’une mission
e Dornier Do 17 fait sa première apparition en masse de reconnaissance sur l’axe Oxford - Portsmouth - île
dans le ciel britannique le 3 juillet 1940. À cette époque, de Wight - Swindon, mais il est intercepté en chemin et
les seules unités de bombardement encore équipées de sévèrement touché par des chasseurs britanniques ; il
cet appareil sont les KG 2 et KG 3 ; le II./KG 76 est alors rentre à sa base avec deux blessés, l’un d’eux mortelle-
transformé sur Ju 88 et la KG 77 vient elle aussi d’entamer sa ment. Cet appareil serait apparemment la première perte
de la bataille d’Angleterre et à mettre au crédit du No 145
conversion sur le nouveau Junkers. Ce jour-là, les 1., 2., 8. et Squadron. S’ensuit la disparition d’un autre Dornier, de
9./KG 77 perdent chacune un Do 17. Par ailleurs, le Stab/KG 2 la 4./KG 3, qui est abattu au large de la côte du Norfolk
déplore un « crayon volant » gravement endommagé, alors qu’un par le No 66 Squadron. Cet après-midi là, 26 Do 17 du
autre de la 3./KG 3 termine au fond de la Manche. Tous ces I./KG 2 et 26 du III./KG 2 s’en prennent à un convoi
au sud de Douvres, revendiquant trois cargos coulés
bimoteurs succombent à des combats aériens et un seul s’écrase (pour 21 000 tonnes) et en endommageant trois autres
sur la terre ferme. (pour 19 000 tonnes). Sauf que dans les faits, un seul
navire de 466 tonnes est envoyé par le fond ! En face,
BOB : DES DÉBUTS TROMPEURS Un Dornier Do 17
photographié en vol en août
la RAF prétend avoir descendu trois Do 17 et en avoir
1940 ; deux mois après endommagé quatre, alors que l’escorte des bimoteurs
Alors que débute le Kanalkampf le lendemain, les Dornier ce cliché, la production allemands souffre considérablement avec huit appareils
sont engagés dans une série d’attaques de convois dans du « crayon volant » abattus (plus deux non confirmés) et huit endommagés.
cesse définitivement.
la Manche jusqu’au 10 juillet, les seules pertes endurées Sauf mention contraire, Là encore, la réalité est un peu différente, puisqu’un seul
consistant en deux avions du II./KG 2 endommagés au toutes photos C. Goss Dornier ne rentre effectivement pas, et deux autres se
combat le 4 et un du III. Gruppe subissant le même posent en catastrophe sur le sol français avec des tués
sort le 7. ou des blessés à bord.
Au cours du mois, des vols de reconnaissance réguliers Le 11 juillet, la participation des Do 17 aux opérations
sont effectués par des Do 17 P, même si leurs unités se limite à des reconnaissances armées le long du litto-
sont elles aussi en cours de transformation sur Ju 88. ral en raison du mauvais temps, ce qui n’empêche pas
Par conséquent, du 3 au 10 juillet, les seules formations un appareil de la 4./KG 2 de rentrer « troué » comme
de reconnaissance à opérer uniquement sur Dornier au une passoire : à son retour, les mécanos comptent 220
sein de la Luftflotte 3 sont les 2.(F)/123 et 3.(F)/31. impacts de balle d’un Hurricane du No 85 Squadron
Le 10 juillet 1940, la bataille d’Angleterre commence. Un que l’équipage a pourtant réussi à envoyer au tapis !
6
Le mail-aimé
Dornier Do17
t Endommagé au combat
au-dessus de la Manche le
10 juillet, ce Do 17 Z codé
U5+AH de la 1./KG 2 a
fait un atterrissage forcé à
Wimereux (Pas-de-Calais).
L'Obergefreiter Georg Kröhl
(chef de bord) et le Gefreiter
Martin Assum (radio) sont
blessés, le Feldwebel Franz
Enderle (mitrailleur) est tué,
alors que l'Oberfeldwebel
Karl Deckarm (observateur)
s'en sort indemne.
7
L'Oberleutnant Rudolf
Hallensleben, Staffelkapitän
de la 2./KG 76, s'entretient
avec ses mécaniciens en
août 1940. L'insigne de la
2. Staffel est particulièrement
imposant ! Au cours de la
guerre, Hallensleben devait
être récompensé par la
remise de l'Ehrenpokal (coupe
d'honneur de la Luftwaffe), de
la Deutsches Kreuz in Gold
(Croix allemande en or) et
de la Ritterkreuz (Croix de
chevalier de la Croix de fer). Il
sera tué le 19 avril 1945 quand
son véhicule sera mitraillé par
des chasseurs américains.
8
Le mail-aimé
Dornier Do17
bas que possible : les défenses aériennes se d’une série de reconnaissances armées et UNE ATMOSPHÈRE
déchaînent, les Britanniques utilisant tout ce
qu’ils ont à leur disposition, y compris des
d’attaques d’aérodromes exécutées par un
seul avion. Le III./KG 3 est le seul à faire une DE FIN DE CYCLE
câbles en acier tendus verticalement à l’aide de apparition en force l’après-midi du 20 août Le 21 août, le temps une nouvelle fois exé-
parachutes. Trois hangars et plusieurs autres avec un peu moins de 30 bimoteurs qui bom- crable dans l’est de l’Angleterre ne permet
bâtiments sont soufflés, les lignes télépho- bardent Eastchurch et perd l’un d’entre eux que des Störangriffe (attaques de nuisance)
niques sont coupées, et un certain nombre de au passage. de la part des KG 2 et KG 3. Bien mal leur en
Hurricane ainsi qu’un Blenheim sont incendiés. Si l’activité des Do 17 se concentre natu- prend : six Do 17 sont définitivement portés
Neuf personnels volants anglais sont tués et rellement dans le sud-est de l’Angleterre, le manquants, ce qui se traduit sur le plan humain
sept blessés. Mais les assaillants de la KG 76 Küstenfliegergruppe 606 se déplace sur Brest, par 10 tués et 14 prisonniers.
paient un lourd tribut à cette attaque. Si le où il doit accomplir des missions de recon- Les quatre jours suivants sont plus calmes : un
I. Gruppe déplore un avion perdu au-dessus de naissance maritime armées et des attaques seul appareil du Stab de la KG 2 est descendu
l’Angleterre et deux endommagés (trois tués, nocturnes contre des cibles terrestres. Par par la DCA le 23 (ses quatre occupants sont
trois blessés et deux capturés), le III. Gruppe, exemple, au crépuscule de ce 20 août, sept capturés), un de la 3./KG 76 amerrit sur le
en particulier la 9. Staffel, rentrent fortement appareils de la 1./606 bombardent les aéro- « Channel » le soir du 25 au retour d’une mis-
diminués. Un avion de la 8./KG 76 s’écrase dromes britanniques en Cornouailles. Il est sion sur Hawkinge (deux membres d’équipage
dans la Manche avec ses trois membres intéressant de noter qu’à partir de ce moment, blessés), et un Do 17 de la 1./606 ne rentre
d’équipage, tandis que la 9./KG 76 assiste les raids de nuit figurent de plus en plus dans pas d’une reconnaissance armée au-dessus
au crash de deux de ses avions – dont celui les carnets de vol ; les bombardements de jour de la mer Celtique.
du Staffelkapitän – sur le sol anglais, puis des Dornier sur la Grande-Bretagne prendront L’amélioration de la météo, le 26 août, auto-
à celui de deux autres en pleine mer. À ces fin vingt-six jours plus tard et 66 d’entre eux rise une série d’attaques majeures contre
pertes déjà très lourdes s’ajoutent cinq Dornier seront perdus dans cette intervalle… les aérodromes ennemis afin de détruire au
diversement endommagés. La 9. Staffel tota- sol autant de chasseurs de la RAF que pos-
lise à elle seule sept morts, huit blessés et La Kette de tête de la 9./KG 76 passe au large sible. Juste avant midi, un petit nombre de
quatre capturés ! Une hécatombe d’autant plus du cap Béveziers (Beachy Head) le 18 août 1940. bimoteurs du III./KG 3 décollent pour une
grave que les disparus comptent parmi les plus attaque de diversion sur Manston. Cette for-
Un Dornier Do 17 Z largue sa mortelle
expérimentés de l’escadrille. Ainsi disparait cargaison sur l'Angleterre... mation est accompagnée d’une puissante
l’Oberleutnant Hermann Magin, mortelle- Nationalmuseet, Danmark escorte de chasse afin d’attirer l’attention.
ment blessé par une balle l’ayant atteint en
pleine poitrine. Son Beobachter (observateur),
l’Oberfeldwebel Wilhelm-Friedrich Illg a tenté
de prendre les commandes afin de permettre à
tout l’équipage de sauter, mais il n’est d’abord
pas parvenu à faire demi-tour, les jambes de
Magin étant restées coincées sur le palonnier,
et l’avion ayant par conséquent poursuivi sa
trajectoire vers le centre-ville de Londres. Le
reste de l’équipage est finalement parvenu à
extraire Magin de son siège et à ainsi libérer la
place pour Illg qui a aussitôt redirigé le Do 17
vers le sud. L’appareil a retraversé la Manche
sans incident et Illig a dû s’y reprendre à quatre
fois pour le poser. Magin succombe à ses bles-
sures sur le chemin de l’hôpital et, pour sa
conduite héroïque (il n’avait jamais piloté un
avion auparavant), Illig sera recommandé pour
l’attribution de la Ritterkreuz et une promotion
au rang d’officier.
La dégradation des conditions météos réduit
logiquement les sorties au cours des deux
journées suivantes, la KG 2 se contentant
9
L’effet recherché est atteint et un combat celui du mitrailleur, le Gefreiter Heinz Huhn, de ses Dornier rentrant avec son radio blessé.
aérien s’ensuit, toutes les pertes étant enregis- s’échouera sur une autre plage britannique. Il n’est guère surprenant, dans ces conditions,
trées par la 7. Staffel. Un de ses Do 17 s’écrase Ce Dornier est celui qui devait être récupéré de voir la KG 2 se concentrer, durant les cinq
en mer, un autre amerrit sur la Manche sur le par le RAF Museum en 2013. derniers jours du mois d’août, sur des bombar-
chemin du retour et un troisième atterrit en Environ deux heures plus tard, le I./KG 2 s’en- dements nocturnes exécutés sur Hull, Harwich,
France avec trois blessés à bord. Un dernier, vole en direction de Hornchurch et le III./KG 2 Colchester, Derby et Thameshaven. Le ciel
le Dornier 17 Z-2 WNr. 1160 codé 5K+AR, se vers la base aérienne de Debden. Le I. Gruppe nocturne fournit une protection efficace aux
pose en catastrophe sur le banc de Goodwin : subit deux pertes, soit sept prisonniers et un Dornier, du moins en théorie, car deux appareils
le Feldwebel Willi Effmert et l’Unteroffizier tué ; six autres membres d’équipage sont bles- du II. Gruppe et un du III. sont touchés par des
Hermann Ritzel (Beobachter) sont les seuls sés mais ont au moins la chance de revenir à chasseurs de nuit adverses : les équipages de
survivants. Le corps du Bordfunker (radio), leur terrain. Quant au III. Gruppe, il laisse trois deux bimoteurs sautent en parachute au-dessus
l’Unteroffizier Helmut Reinhardt, sera plus tard avions éparpillés sur le sol anglais, ce qui repré- de la France et de la Belgique, et le troisième
retrouvé sur la côte néerlandaise, alors que sente trois hommes tués et neuf capturés, un se crashe à l’atterrissage. Le seul auteur
z Le Do 17 P immatriculé
5D+JL, relevant de la
3.(F)/31, est abattu par le
No 238 Squadron près de
Tavistock le 27 août. Le
Leutnant Walter Haffa (chef
de bord), le Feldwebel Gustav
Klauschenke (observateur)
et le Gefreiter Johannes
Schlesiel (radio) sont tous
capturés. Leur avion est
ici exposé à Salisbury.
{ Célèbre vue de
Do 17 survolant Londres
en septembre 1940.
Certainement l'une des
photos les plus connues de
la bataille d'Angleterre.
10
Le mail-aimé
Dornier Do17
Dornier Do 17 Z
5./KG 2
11
Le point faible du Dornier Do 17 Z : l'armement défensif
12
Le mail-aimé
Dornier Do17
u Ce Dornier Do 17 Z de
la 8./KG 3 a hâtivement été
camouflé avec de la peinture
noire sur tout le ventre, au
cours de l'hiver 1940-1941.
Notez les rideaux posés sur la
verrière du poste de pilotage !
Ce jour-là, les trois escadres de Do 17 essuient Do 17 à la KG 2 (un du fait de la DCA, cinq du Bomber Command. La KG 2 rapporte s’en
des pertes : les II. et III./KG 2 déplorent sept sur accidents et un en opération). Il faut dire être pris ainsi à Honington, Newmarket et
appareils en moins et de nombreux autres que les équipages n’effectuent presque plus Mildenhall le 27 octobre, sa 8. Staffel réité-
endommagés (18 morts, 10 blessés et 7 que des missions nocturnes. De son côté, rant une attaque contre Newmarket deux jours
capturés !), le II./KG 3 six avions et plusieurs le Küstenfliegergruppe 606 poursuit ses plus tard tandis que la 6. Staffel bombarde
autres touchés (13 morts, 5 blessés et 11 Störangriffe avec un certain succès. À l’aube Wattisham. Aucune perte n’est enregistrée
prisonniers), et enfin les I. et III./KG 76 six du 3 octobre, trois avions larguent des bombes au sortir de ces incursions.
bimoteurs également (16 tués, 4 blessés et 10 sur St Eval et un raid similaire est effectué le Les deux derniers mois de 1940 sont marqués
prisonniers). Cette hécatombe est celle de trop. lendemain sur l’aérodrome gallois de Penrhos. par un retour des attaques nocturnes sur des
Elle conduit la Luftwaffe à cesser l’utilisation Les jours suivants, des bombardements de ce cibles aussi lointaines que Londres et Coventry.
du Dornier Do 17 dans des raids massifs de type sont accomplis de jour comme de nuit. Quatorze Do 17 disparaissent au combat en
jour, l’appareil étant jugé bien trop vulnérable Fin octobre, les bombardiers de la Luftwaffe novembre et cinq en décembre. Dans ce total,
par rapport au Ju 88 ou au He 111, défaut s’essaient à une nouvelle tactique. Sous le dix sont perdus au-dessus ou au large de la
rédhibitoire auquel s’ajoute son rayon d’ac- nom de code « Opernball » débute la cam- Grande-Bretagne, dont trois le même jour. Les
tion limité et son faible emport en bombes. Le pagne de Zerstörangriffe, qui repose sur des pertes de nuit sont essentiellement dues à la
« crayon volant » ne sera dès lors plus utilisé appareils pilotés par des équipages expéri- DCA ou à des accidents ; le premier Dornier
que pour des bombardements de nuit ou pour mentés opérant individuellement ou par Kette abattu par un chasseur nocturne ne le sera que
des attaques diurnes sur des objectifs isolés et effectuant des attaques à basse altitude, le 15 janvier 1941, date à laquelle n’opéreront
accomplies par des équipages expérimentés généralement à l’aube ou au crépuscule et plus sur la Grande-Bretagne que les KG 2, KG 3
capables de piloter par mauvais temps ou à par mauvais temps, contre les aérodromes et Küstenfliegergruppe 606.
basse altitude.
Par conséquent, après cette date, avec la
raréfaction des sorties, les pertes en Dornier
s’amoindrissent d’autant. Il faut attendre
le 20 septembre avant de voir un Do 17 P
de la 4.(F)/121 rentrer truffé de plomb par
des chasseurs de la RAF, deux bimoteurs du
Küstenfliegergruppe 606 se vomissant en bout
de piste le lendemain au retour d’une sortie
nocturne sur Liverpool. En fait, la plupart des
missions ne prennent plus la forme que de raids
en solitaire du type Störangriffe. Par exemple,
le 19, un Dornier isolé du Küstenfliegergruppe
606 a attaqué St Eval, et le 24, un appareil de
la 2./KG 76 s’acquitte d’une Störangriff sur
Londres en utilisant les nuages comme couver-
ture, ce qui ne l’empêche pas d’être intercepté
par le No 605 Squadron et contraint à l’atter-
rissage forcé près de Boulogne. Le seul autre
Dornier abattu au cours du mois est un avion
de la 8./KG 3 qui s’écrase dans la Manche le
30 septembre.
Le mois d’octobre et la dégradation supplé-
mentaire des conditions climatiques diminuent
encore les pertes, de l’ordre de seulement sept
13
t Le Do 17 Z WNr. 1180,
immatriculé U5+HH, de la 1./
KG 2 a fait un atterrissage
forcé à Vitry au retour d'un
raid aérien sur Londres
au cours de la nuit du
13 novembre 1940. L'appareil
est endommagé à 55%.
Le mois suivant, le II./KG 2 débute sa conver- derniers étant regroupés au sein de la 2. Staffel. d’entre eux venant à bout d’un Wellington
sion sur Do 217 et le Küstenfliegergruppe 606 Il reste difficile d’attribuer la moindre victoire du No 115 Squadron. L’autre victoire sur
sur Ju 88, puis c’est au tour des I. et II./KG 3 aérienne aux chasseurs de nuit Kauz II, étant Do 17 Z-10 est obtenue par le Feldwebel
de passer sur Junkers. À la mi-mars 1941, donné qu’ils sont déployés en nombre infime. Vincenz Giessübel qui abat lui aussi un
seuls les I. et III./KG 2 ainsi que le III./KG 3 Par exemple, entre juin et octobre 1940, les Wellington, mais de la 11 Operational Training
demeureront à l’ouest, puis, à compter d’avril, Do 17 Z-7 et Z-10 n’accomplissent que 22 Unit, dans le ciel de Bassingbourne le 24 avril
le Do 17 aura définitivement disparu de l’ordre sorties en 19 nuits, mais d’après la Luftwaffe, 1941, la malheureuse victime entraînant dans
de bataille de la Luftwaffe pour le Blitz. deux missions aboutissent à des victoires de sa chute un second bimoteur anglais. Les pertes
En janvier 1941, trois Dornier sont portés man- Kauz sur des avions de la RAF. La première en Do 17 Z-10 sont insignifiantes en raison de
quants en opération et seulement six en février, est créditée la nuit du 10 au 11 février 1941 leur faible nombre, d’autant que leurs incursions
chiffre comprenant le dernier Do 17 perdu au cours d’une sortie de quatre Dornier, l’un cessent le 13 octobre sur ordre du Führer.
par le Küstenfliegergruppe 606, un bimoteur
abattu au cours de la nuit du 17 février par un DERNIERS BAROUDS
Beaufighter du No 219 Squadron. Le pilote de
la RAF vainqueur affirmera que le Do 17 était
DANS LES BALKANS ET À L’EST
si lent par rapport à sa machine qu’il avait dû Le 6 avril 1941, la Wehrmacht envahit les plus de ses Stukas. Les pertes sont légères
effectuer une série de S pour pouvoir rester Balkans. Les seules unités sur Do 17 mobi- durant cette campagne, la KG 2 étant la
dans sa queue légèrement au-dessus de lui, évi- lisées pour ces opérations sont la 2.(F)/11, formation qui souffre le plus des combats.
tant parfois de moins de 10 mètres la collision. les Stab, I., 6. et III./KG 2, et le III./KG 3 Jusqu’en mai, alors que l’offensive la porte
En mars, seuls deux bombardiers sont descen- qui alignent un total de 105 appareils. La successivement en Yougoslavie, Grèce et
dus dans le ciel anglais, avant que la plupart des StG 2 dispose également de six Do 17 P en Crète, l’escadre déplore la perte de 14 avions
escadrilles ne soient dirigées vers l’est début
avril. La nuit du 13 mars, le Stab de la KG 2
perd en effet un avion sous les coups d’un
Beaufighter du No 29 Squadron lors d’un raid
sur Hull (aucun survivant). La seconde perte
est un appareil de la 2./KG 3 chargé d’une
reconnaissance météorologique armée en pré-
vision d’une Störangriff contre Chelmsford ;
le pilote utilise les nuages bas pour masquer
son approche, mais il est abattu par la DCA
en arrivant sur la côte du Suffolk (l’équipage
parvient à sauter en parachute, mais seulement
trois hommes survivent).
Le dernier combat aérien diurne de l’année sur
le Royaume-Uni a lieu le 26 mars : le No 605
Squadron revendique un Do 17 de la 2./KG 2
au-dessus de la mer du Nord, sauf que le bimo-
teur allemand parvient à rentrer avec des dégâts
mineurs et son pilote blessé. Dès lors, les seules
incursions de Dornier sur le Royaume-Uni ne
sont plus que le fait que du I./NJG 2, formé
à partir du II./NJG 1 en septembre 1940. Ce
Gruppe vole sur Ju 88 et Do 17 Z-10, ces
14
Le mail-aimé
Dornier Do17
u Parade de la victoire
pour le III./KG 2, dont les
Do 17 Z survolent l'Acropole
en ce jour d'avril 1941. Le
plus proche est le U5+AD
du Stab du III. Gruppe, le
plus éloigné étant le codé
U5+GT de la 9./KG 2.
y Un Do 17 Z, appartenant
probablement au I./KG 2 (au
vu de la bande blanche de
nez) photographié durant
l'opération « Barbarossa ».
L'appareil arbore
l'incontournable bande jaune
d'identification du front de
l'Est sur l'arrière du fuselage.
En prévision de l'offensive
contre l'URSS, le I./KG 2 a
quitté Athènes-Tatoi pour
Göttingen le 1er juin 1941,
puis a gagné l'aérodrome
prussien d'Arys-Rostken le 18.
Il sera successivement basé
à Suwalki, Silce, Wereteni et
Rjelbitzy durant l'été 1941.
directement du fait de l’ennemi, la plupart sur que la 8. Staffel devient la première escadrille Créée au début du mois, cette escadrille de
des coups au but de la DCA. Durant cette du III./KG 3 à en porter un manquant le 28 juin. reconnaissance nocturne sera bientôt renfor-
même période, le III./KG 3 en perd trois au Le 29, une unité récemment formée cée par les 2. et 3. Nachtaufklärungsstaffel,
feu, la 2.(F)/11 deux dès le premier jour de déplore elle aussi sa première perte : la puis par la 4. Nachtaufklärungsstaffel en
l’offensive (3 hommes capturés et 3 dispa- 1. Nachtaufklärungsstaffel fait état d’un août 1942. Malheureusement, on ne
rus), le Stab du StG 2 un seul. Toutes ces Do 17 P abattu en Biélorussie (équipage tué). sait pas grand-chose de leurs activités...
unités rapportent également des appareils
perdus sur accident ou endommagés au
combat à divers degrés.
Au sortir de l’occupation des Balkans, les
avions et les équipages sont envoyés au
repos en Allemagne en prévision de l’opération
« Barbarossa », l’invasion de l’Union soviétique
qui débute à l’aube du 22 juin 1941. Sont
engagées au combat les mêmes unités que lors
de la précédente offensive – à l’exception de la
StG 2 qui a troqué entre-temps ses Do 17 pour
des Bf 110 – auxquelles il convient de rajouter
toutefois les Wekusta 1 et Wekusta 26. Pas
moins de 151 Do 17 sont ainsi disponibles à
l’Est le 21 juin, mais en décembre, ce parc
aérien aura fondu comme neige au soleil…
La KG 2 perd un appareil dès le premier jour de
« Barbarossa » et trois autres rentrent endom-
magés. La 2.(F)/11 fait état de deux avions
revenus avec des dégâts le lendemain et perd
son premier appareil deux jours plus tard, alors
Dornier Do 17 Z
5./KG 2
15
t Il y a au total quatre
Nachtaufklärungsstaffeln,
numérotées de 1 à 4, qui
opéreront toutes sur le
front de l'Est à partir de la
fin 1941, initialement sur
Do 17 M et P, avant de
passer sur des avions plus
modernes. Ce cliché montre
un panachage de Do 17 P
et Z entièrement peints en noir
de l'une de ces escadrilles.
x 19 juillet 1942. Le Do 17 Z
codé A1+EZ de la 15.(Kroat)/
KG 53 photographié en
vol près du lac Ilmen alors
que l'escadrille croate
est basée à Soltsy.
Ce qui est certain, en revanche, c’est que la dernière de ses escadrilles à perdre un avion le novembre 1942, date à laquelle la Luftwaffe
supériorité aérienne acquise par la Luftwaffe 11 décembre. Une seule Staffel de bombarde- convient qu’une escadrille de Do 17 ne peut
dans le ciel soviétique autorise le renforce- ment sur Do 17 demeure alors sur l’Ostfront : plus peser d’aucune manière avec des avions
ment de l’Aufklärungsgruppe 11 dont les 3. et la 10.(Kroat)/KG 3. Lorsque la Croatie procla- aussi obsolètes et vulnérables, si bien qu’au
4. Staffeln perçoivent des Do 17 P, de même mée indépendante par les Oustachis en avril milieu du mois, les huit appareils survivants
que la 1.(F)/33. Alors que les Allemands s’em- 1941 est appelée à fournir des volontaires sont renvoyés en Croatie où ils seront utili-
bourbent à l’est, la Nachtaufklärungsstaffel pour la « croisade contre le bolchévisme », une sés dans la lutte anti-partisans. Pertes au
devient la principale formation à employer escadrille de chasse croate est formée (future combat, maintenance défectueuse du parc
le Dornier, cependant que la dernière perte 4.(Kroat)/JG 52), de même qu’une escadrille aérien et désertions altèreront l’efficacité de
enregistrée sur cet appareil le sera le 27 sep- de bombardement initialement dénommée l’escadrille croate qui n’alignera plus que cinq
tembre 1942 par la 2.(F)/11, en l’occurrence 5 Zrakoplovna bombaska skupina (5 ZBS). Dornier en juillet 1944, justifiant sa dissolution
un Do 17 Z. Une fois son entraînement complété, cette le 21 du mois.
Quant aux équipages de bombardiers Do 17, dernière arrive sur le front russe le 22 octobre L’ultime campagne offensive impliquant le
leur présence en URSS est assez courte, 1941 ; les équipages croates passent alors Do 17 se déroule dans le cadre des raids
puisque le III./KG 2 est de retour en Allemagne sous l’autorité du III./KG 3 et leur unité est Baedeker sur la Grande-Bretagne, durant
dès le 26 septembre 1941 et le I./KG 2 le 1er rebaptisée 10.(Kroat)/KG 3. Lorsque le groupe lesquels Exeter, Bath, Norwich et York sont
novembre, l’un et l’autre pour y être trans- tout entier est rapatrié en Allemagne, il laisse bombardés : la première sortie des Dornier
formés sur Do 217. Le III./KG 3 entame son sur place ses Do 17 à la Staffel croate qui a lieu sur Exeter au cours de la nuit du 23
retrait le même mois pour passer sur Ju 88, prend désormais le nom de 15.(Kroat)/KG 53. au 24 avril 1942, la dernière étant exécu-
la 9. Staffel ayant le triste privilège d’être la Celle-ci demeure sur le front de l’Est jusqu’en tée sur cette même ville celle du 3 au 4
mai, même si certains soutiennent que de
telles attaques se sont encore poursuivies
de façon isolée. Trois Do 17 Z du IV./KG 2
sont perdus durant cette période, le dernier
lors de la mission du 3 mai, avion probable-
ment abattu par le Flight Lieutenant Edward
Crew, du No 604 Squadron.
À l’exception de ces Dornier engagés au-des-
sus de la Grande-Bretagne en avril-mai
1942 et de ceux de la 15. (Kroat)/KG 53
à l’Est, les seules unités utilisant encore un
tant soit peu le Do 17 sont la 2.(F)/22 et la
Nachtaufklärungsstaffel en Russie. La première
perd son dernier Dornier le 1er octobre, juste
avant sa conversion sur Ju 88, alors que la
seconde se sépare aussi de ce vieux modèle
pour des avions plus récents. L’ultime men-
tion d’un Do 17 déployé sur la ligne de front
fait état d’un accident impliquant un antique
Do 17 M de la 2. Nachtaufklärungsstaffel le
20 avril 1943.
Toutefois, à l’arrière, plusieurs unités d’entraî-
nement et de liaison continueront à opérer de
longs mois durant sur Dornier 17. La plus impor-
tante d’entre elles est la Luftlandegeschwader 1
(LLG 1) qui est basée en France et en Italie
16
Le mail-aimé
Dornier Do17
en 1943, avant de participer au ravitaillement à ce stade tardif de la guerre, il devient plus du No 39 Squadron (1 mort et trois blessés
puis à l’évacuation de la 17. Armee dans la difficile d’en savoir davantage sur les vols du dont le Staffelkapitän).
tête du pont du Kouban de février à octobre « crayon volant ». L’ultime perte connue est À la fin de la guerre, les épaves de Do 17
1943. En décembre 1944, la 2./LLG 1 est un Do 17 E de la Schleppstaffel Z.b.v. Reich jonchent bon nombre d’aérodromes du nord-
reconstituée en tant que Schleppstaffel Z.b.v. victime d’un accident le 4 février 1945, alors ouest de l’Europe et du front de l’Est, ce qui
Reich avec 18 Do 17 et 18 planeurs DFS 230, que la dernière endurée au combat est un est pour le moins paradoxal dans la mesure où,
puis elle est rebaptisée 4./Schleppgruppe 1 Do 17 Z de la Nahaufklärungsstaffel Kroatien à part quelques morceaux ou pièces de l’avion
en février 1945 ; les Schleppgruppen 1 et 3 – une unité formée en avril 1943 et au par- exposés dans des musées, aucun exemplaire
disposent aussi d’un petit nombre de Dornier à cours fort méconnu – abattu au-dessus de la n’a été préservé jusqu’à la récupération de
cette époque. Avec la raréfaction des sources Croatie le 10 octobre 1944 par un Beaufighter celui du RAF Museum en 2013.
{ Les versions les plus
anciennes du Do 17 sont
« recyclées » pour le
remorquage de planeurs.
Ce Do 17 E traîne derrière
lui un incontournable
DFS 230 codé CB+ZB.
u Le Do 17 E WNr. 956,
codé GS+NE, découvert
sur l'aérodrome de
Melsbroek, en Belgique
en 1944. Il était affecté au
Luftdienstkommando 2/3 et
a été immobilisé à la suite
d'un accident à Saint-
Trond le 26 août 1943.
Dornier Do 17 Z
5.(Kroat)/KG 2
Gilze en Rijen, Union soviétique, ae 1942
17
UNITÉ
1945
18
Les guerriers
de l’hiver
Le
30 novembre 1939, bien malgré elle, la Finlande entre en conflit avec son voisin
soviétique à propos d’un différend frontalier. Complètement surclassée d’un point
de vue numérique mais également technique, l’armée de l’air (Suomen Ilmavoimat)
de ce petit État indépendant depuis 1917 va pourtant faire mieux que se défendre
en tenant la dragée haute aux « faucons rouges de Staline » pendant quasiment cinq années au
travers de deux guerres successives.
À Christian-Jacques Ehrengardt (CJE)
DE NEIGE ET DE FEUX alors à Helsinki. Or, les finances manquent, si bien que
rien de bien significatif ne sera fait en la matière pendant
La Finlande est pays d’un peu plus de 300 000 km2. Par convention et pour plusieurs années.
Baigné au sud par la mer Baltique, il tangente celle des favoriser la fluidité de Dès l’origine, les aéronefs des Finnois arborent pour
Barents dans sa partie la plus septentrionale. Il est en la lecture, plutôt que emblème un swastika bleu sur fond blanc. Cette cocarde
outre traversé en son milieu par la ligne imaginaire figurant d’utiliser les grades est maintenue jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mon-
les limites du cercle polaire. Longtemps demeurée sous finlandais, j’ai choisi diale. Elle n’a toutefois rien de national ni la moindre
leur équivalent français
domination suédoise avant de passer sous celle de la connotation politique. Il s’agit seulement d’un élément
tel qu’Everstiluutnantti,
Russie au XIXe siècle, la Finlande s’émancipe en 1917 soit lieutenant-colonel. du blason de la famille von Rosen, de vieille noblesse
de la tutelle de son puissant voisin oriental à la faveur De même, j’emploie le suédoise, dont un des fils, le comte Eric, offrit à la cause
de la révolution bolchévique. Cependant, des tensions terme escadrille et donc finlandaise son premier Morane. L’appareil était paré de ce
apparaissent très rapidement au sein du nouvel État le féminin pour designer symbole religieux, sans doute d’origine indienne, réputé
national entre les progressistes (socialistes), s’intitulant l’unité de base de l’armée porter chance !
eux mêmes Gardes rouges et à ce titre soutenus par la de l’air finlandaise, Au début des années 1920, la Finlande dispose de
Russie des soviets, et les Blancs, conservateurs bénéfi- la Lentolaivue, ses quelques avions qu’elle a pu se procurer en France, en
ciant d’une assistance militaire suédoise puis allemande subdivisions organiques particulier des Breguet XIV destinés à la reconnaissance
seront qualifiées de
de plus en plus pesante. Celles-ci permettent aux seconds et au bombardement léger ou des Caudron G3 réservés
sections équivalents à
de l’emporter en mai 1918 : les forces rebelles rouges un Flight dans la RAF à l’entraînement et aux liaisons. À partir de 1923, ils
sont écrasées. ou une escadrille dans seront remplacés par des C.60 du même constructeur.
En 1920 alors qu’à l’ouest l’empire allemand à été vaincu l’armée de l’Air. Petit à petit, une industrie aéronautique locale émerge
et qu’à l’est les Soviets sont confrontés eux-mêmes à une néanmoins en produisant d’abord sous licence, dès 1922,
sanglante guerre civile, la Finlande, jusque-là grand duché des hydravions monoplans Hansa-Brandenburg W.33…
rattaché à la Russie, obtient par le traité de Dorpat (Tartu) conçus en 1916 !
d’être enfin reconnue comme un véritable État indépen- Cependant, au milieu des années 1920, Helsinki se tourne
dant par son puissant voisin et ancien protecteur russe. vers la Grande-Bretagne, qui devient ainsi son premier
Les premiers aéroplanes en service ont été utilisés dès pourvoyeur de matériels volants à usage militaire. C’est
1918 par les Blancs. Il s’agit d’une flotte dépareillée consti- q L'un des biplans français ainsi que des Gloster Gamecock et des Bristol Bulldog
Caudron C-60 achetés
tuée d’appareils obsolètes tels que des Morane-Saulnier rejoignent l’armée de l’air finlandaise, l’Ilmavoimat offi-
par la Finlande à partir
Type L, des Nieuport 10 et 23 ou encore des Albatros, de 1923. Celui-ci fait une ciellement créée depuis le 6 mars 1918. Affichant sa
et même quelques DFW CV. Toutefois, cet embryon de démonstration en mars neutralité diplomatique durant l’entre-deux-guerres, la
force aérienne, qui réalise à peine quelques missions de 1927 : son acquisition a Finlande diversifie ses sources d’approvisionnement en
suscité la curiosité d'une
reconnaissance avant la fin des hostilités, tombe ensuite foule nombreuse !
se fournissant également auprès de l’avionneur tchécoslo-
rapidement en décrépitude. Une modernisation s’impose Finnish Aviation Museum vaque Aero, de l’allemand Junker ou du néerlandais Fokker.
19
Cependant, l’industrie aéronautique d’État établie à est impulsée dès 1932 par le nouveau chef d’état-major z Un frêle VL Sääski II
Tampere, Valtion Lentokonetehdas (en abrégé VL), se de l’Ilmavoimat, le général Jarl Frithiof Lundqvist, qui photographié en février
1929, un an après son
révèle désormais capable de produire – en petites séries, conservera ce poste jusqu’en 1945, gage d’une remar- tout premier vol. Il s'agit
généralement moins de 40 exemplaires – des avions quable continuité ! de l'une des premières
d’entraînement de conception locale comme les VL Entre 1937 et 1939 sont ainsi acquis 34 biplans Fokker productions de l'industrie
Sääski, Viima et Tuisku. Entrées en service entre 1928 C.X, des biplaces destinés au soutien aérien rapproché aéronautique nationale.
Coll. Valtion Lentokonetehdas
et 1936, ces machines sont comparables respectivement et à la reconnaissance. Ils sont de fait assez compa-
aux Avro 504, Tiger Moth et Boeing PT-17. rables aux Henschel Hs 126 allemands. De même, le
Au debout des années 1930, des remous politiques nés chasseur monoplace Fokker D.XXI est également retenu
des oppositions entre conservateurs modérés, majori- en vue d’équiper les groupes de chasse encore dotés
taires, et la frange la plus extrême de leur mouvement, de biplans Bulldog. Sept de ces monoplans à train fixe
conduisent Carl Gustaf Emil Mannerheim, ancien officier sont achetés directement au Pays Bas, 35 autres devant
de l’armée du tsar et grand artisan de la victoire sur les être produits sous licence par l’usine VL de Tampere.
Rouges, à obtenir le portefeuille de la défense avec le Au niveau des bombardiers, le choix d’Helsinki se porte 1 - Magnifique vue d'un VL
Tuisku dans le ciel de Kokkola
grade de maréchal. Cette nomination permet la mise en sur le Bristol Blenheim Mk. I : une commande portant le 22 juillet 1943. Ayant volé
œuvre d’une véritable politique de défense, ce qui passe sur une première tranche de 18 appareils est passée pour la première fois en
évidemment par un accroissement des budgets alloués. au Royaume-Uni, tandis qu’est également acquise la janvier 1934, cet appareil
Au niveau aérien, l’expansion – relative – des moyens licence de production. utilisé pour la reconnaissance
et l'entraînement dégage
une réelle impression
de robustesse.
Sauf mention contraire,
toutes photos SA-Kuva
20
Les guerriers
de l’hiver
2 3
En même temps que l’acquisition de ces maté- deux formations de chasse, et le troisième de renouvelés, les matériels de l’Ilmavoimat,
riels plus récents se précise l’organisation des deux unités de bombardement. En outre, une bien que rustiques et entretenus avec soin, ne
unités aériennes. Chaque escadrille de coo- escadrille de reconnaissance maritime (ErLLv), sont plus de première jeunesse, à l’exception
pération agissant dans un cadre terrestre ou équipée entre autres de vieux Blackburn Ripon, peut-être des bombardiers légers Blenheim.
naval devra rassembler 13 appareils, chiffre opère de façon autonome. Mais plus que la qualité, c’est la quantité qui
réduit à 9 pour celle de bombardement, mais Les aviateurs finlandais sont en général de pêche lourdement. Helsinki n’a en effet que
porté à 27 pour celle de défense (chasse). Au bons professionnels disposant d’un moral neuf escadrons et 114 appareils de première
début de l’été 1939, l’ensemble est réparti, élevé. Leurs tactiques sont éprouvées et effi- ligne à opposer aux dizaines de formations
de façon très homogène, en trois régiments caces. Ainsi, les chasseurs volent en patrouille (regroupant jusqu’à 2 800 avions) que les
(Lentorymentti en abrégé LeR). Le premier de quatre à la mode de la Luftwaffe, auprès Soviétiques massent alors sur leur frontière
aligne quatre escadrilles (Lentolaivue ou LLv) de laquelle certains officiers viennent de faire Nord-ouest afin d’appuyer leurs revendica-
de coopération. Le second est constitué de un stage. Toutefois, même partiellement tions territoriales sur la Carélie et la Laponie.
21
qui devait me conduire à proxi-
Ordre de bataille de l’Ilmavoimat au 1er septembre 1939 mité de ma base d’Utti. Quand
je m’y suis présenté tôt le len-
Unité Matériel Effectifs Terrain Chef de corps demain matin, j’ai appris l’ordre
(théoriques) d’opération de mobilisation générale. Notre
LeR 2 Imatra Colonel Opas escadrille fut rapidement des-
serrée sur le terrain d’Immola.
LLv 10 Fokker C.X 13 Lappeenranta Commandant Janarmo Nous avions ordre de nous y
LLv 12 Fokker C.X 13 Suur-Merijoki Commandant Nisonen tenir prêts à toutes éventuali-
LLv 14 Fokker C.V et C.X 13 Laïko Capitaine Moilanen tés. Pendant quelques jours, la
préparation de ce déplacement
LLv 16 Blackburn Ripon et Junker K.43, W 34 12 Värtsilä Capitaine Viherto nous a tenu très occupés dès
LeR 2 Immola Colonel Lorentz l’aube et très souvent jusqu’au
LLv 24 Fokker D.XXI 27 Immola Capitaine Magnuson cœur de la nuit. Les moteurs
Mercury de nos Fokker D.XXI
LLv 26 Fokker D.XXI et Bristol Bulldog 27 Heinjoki Capitaine Heinilä tournaient à la perfection, l’ar-
LeR 4 Joroinen Lieutenant-colonel Somerto mement était vérifié et revérifié,
LLv 44 Bristol Blenheim 9 Joroinen Commandant Steinbäck nous aidions à la confection des
LLv 46 Bristol Blenheim 9 Luonetjärvi Commandant Sarko bandes de munitions, au pliage
des parachutes et au charge-
LLv 36 Blackburn Ripon 6 Vuosaari Capitaine Helenius ment des camions avec tout
ce qui nous serait nécessaire
À cette époque, la Finlande fait les frais du pacte de non-agression pour opérer depuis cette piste avancée. Le 11 octobre, la LLv 24
germano-soviétique, dont les clauses secrètes placent le pays dans s’est envolée au grand complet vers Immola. À cette époque, mon
la sphère d’influence de Moscou. Dès octobre 1939,
la diplomatie soviétique, mêlant volonté de protéger
Leningrad et de procéder à des rectifications de fron- La Finlande et son voisin soviétique
tière, réclame à Helsinki la location pour 30 ans du port
de Hanko, qui commande l’entrée du golfe de Finlande, Péninsule Rybachi
le recul de la frontière Sud sur l’isthme de Carélie afin de Petsamo
mettre Leningrad hors de portée de l’artillerie lourde, et Salmijarvi
l’octroi de la région de Petsamo, unique accès finnois sur
l’océan Arctique qui plus est riche en nickel, en échange
Mourmansk
d’un territoire carélien certes deux fois plus étendu du Noulsi
côté de Repola et Porajärvi mais sans importance car
recouvert de marécages.
Après avoir cherché en vain le compromis, les Finlandais
estiment bientôt qu’il n’est plus question de céder aux
pressions de Moscou.
Kuolojarvi Kandalakcha
SUÈDE
Sans doute rassérénée par la victoire remportée en
Markajarvi
Extrême-Orient contre le Japon et rassuré par le pacte
germano-soviétique, Staline, qui vient de partager la
Salla
Rovaniemi
Pologne avec son nouveau partenaire allemand, estime- Kemijarvi
Mer
t-il que la petite Finlande, comme d’ailleurs les États Tornio Blanche
U.R.S.S
baltes, ne sont pas de taille à lui résister. S’agissant de Kuusamo
la première, il se trompe lourdement… Kemi
Après une période de montée des tensions tout au long
de l’été et d’une partie de l’automne 1939, l’Armée rouge
déclenche le 26 novembre un important feu d’artillerie Golfe Oulu Suomussalmi
sur les positions ou supposées telles de l’armée finlan- de Botnie
daise. Le 30, les 7e, 8e, 9e et 14e armées soviétiques, Kuhma
soit 21 divisions représentant environ 400 000 hommes,
franchissent l’isthme de Carélie et pénètrent en territoire Repala
finlandais… C’est la guerre ! Nurmes
Vaasa
Ilomanisi Porajarvi
VEILLÉE D’ARMES Joensu Tolvojorvi
F INL AND E
Dès les premiers affrontements aériens qui les opposent à Suojorvi
Onega
Sortovolo Pitkaranta
soviétique), certains pilotes de chasse de l’Ilmavoimat
révèlent toute la palette de leur savoir-faire. Parmi les Tampere Salmi
premiers as à émerger, qui finiront pour la plupart par Aunus
Lac
accumuler une extraordinaire expérience du combat en Viipuri Ladoga
zone arctique, figure Eino Luukkanen. Celui qui terminera Turku
la guerre avec 56 victoires homologuées à son palma- HELSINKI
Porvoo Koivisto
rès livre ici ses souvenirs des premières heures de la
Hanko Golfe de Finlande
guerre d’Hiver :
« J’étais en permission depuis une semaine quand, le 6 Leningrad
octobre, j’ai reçu un télégramme me rappelant d’urgence
dans mon unité. En moins d’une heure, j’étais dans le train ESTONIE
22
Les guerriers
de l’hiver
23
Fokker C.X
3/LLv 16
Viiksjärvi, Finlande, mаrs 1942
Fokker D.XXI
1/LLv 24
Avion d'Eino Karlsson
Immola, Finlande, octobre 1939
24
Les guerriers
de l’hiver
{ Bien que pris de loin et assez flou, on ne peut qu'apprécier ce cliché d'une formation de Fokker
D.XXI finlandais au décollage de l'aérodrome de Tiiksjärvi le 21 mai 1942. Indispensable durant la
guerre d'Hiver, le chasseur d'origine néerlandaise est dépassé durant celle de Continuation, mais il
continue à rendre des services en termes de bombardement léger et d'appui au sol des troupes.
BAPTÊME DU FEU
« Nous volions sous la base des nuages à
une altitude de 600 mètres et à 300 km/h.
Dans ces conditions, il nous faudrait au
moins 20 minutes pour atteindre notre zone
de patrouille. C’était en réalité plus qu’il
n’en fallait aux bombardiers pour accomplir
Le 30 novembre, le plafond était bas et l’aube Après les avoir fait chauffer un moment et leur tâche et faire demi-tour. Quand nous
paresseuse. Nous nous sommes retrouvés avoir vérifié le bon fonctionnement de tous sommes arrivés en vue de cette ville que je
dans le noir autour de nos chasseurs dési- nos systèmes, les contacts furent coupés et connaissais bien, mes craintes se sont hélas
gnés pour la première patrouille. Les vents Immola fut de nouveau envahi par le silence confirmées. Des fumées s’élevaient près de
polaires soufflaient en rafales et des flocons de l’hiver. À 9h00, le thermomètre marquait la gare de triage de Maaskola. Nous avons
virevoltaient un peu partout. Frigorifiés, nous 3° C, le plafond était toujours aussi bas et pu apercevoir de loin deux bimoteurs dispa-
avons effectué les pré-vols, tandis que les la vague clarté du jour polaire s’était timide- raître dans la brume… Nous arrivions trop
mécaniciens actionnaient les démarreurs à ment installée. Les commandants d’escadrille tard. Nous sommes montés au-dessus de la
inertie, éveillant à la vie nos Mercury rétifs. furent réunis pour recevoir leurs ordres du jour. couche nuageuse, où le soleil nous a surpris ;
25
toutefois, nous n’avons pu reprendre contact avec l’en-
nemi, bien que nous ayons alors poussé notre patrouille
jusqu’à Kuolemajärvi. Nous avons seulement croisé
quelques appareils finlandais. Notre niveau de carburant
baissant dangereusement, nous sommes rentrés au terrain
très déçus d’avoir manqué notre premier rendez-vous avec
Ivan. Malgré la tempête de neige qui sévissait maintenant,
nous avons pu regagner la base, pour y apprendre que les
Soviétiques, arrivés sur leur cible à 9h42, nous y avaient
précédés de seulement 3 minutes ! La météo se dégrada
tellement dans l’après-midi, que nous fûmes même dis-
pensés de tenir l’alerte. Cette situation nous a permis de
considérer objectivement la situation. Pour notre pays aux
prises avec un adversaire disposant de forces cinquante
fois supérieures, elle n’était pas vraiment brillante.
J’ai mal dormi cette nuit-là. Le lendemain [1er décembre],
j’étais sur pied à 5h30. J’ai enfilé mon équipement d’hi-
ver et, ayant renoncé à prendre un petit déjeuner, je me
suis précipité vers l’alvéole où mon FR-104 se trouvait
toujours, recouvert de son drap blanc de camouflage.
Comme à mon habitude, j’ai effectué l’essai moteur.
Tout semblait fonctionner parfaitement. L’épreuve du feu p Le prince du Liechtenstein mitrailleur arrière m’avait pris pour cible. C’est comme
serait peut-être pour aujourd’hui. Petit à petit, le ciel gris en discussion avec le major cela que j’interprétais les éclairs d’un orange très vif qui,
a évolué vers une teinte rose-orangée du côté du levant. Magnusson (au premier soudain, se sont mis à danser devant mon pare-brise.
plan à droite) lors d'une
Soudain, le téléphone a sonné dans notre tente. Nous visite de courtoisie durant la Sur le moment, j’ai noté leur présence sans m’en trop
devions assurer une couverture permanente au-dessus de guerre d'Hiver. Le lieutenant inquiéter. Je voulais plus que tout descendre mon adver-
Vuoksenlaakso en y maintenant constamment au moins Sarvanto est assis au fond, saire. Nous volions à très basse altitude, quand j’ai noté
derrière Magnusson.
de deux avions en patrouille. J’ai décidé de prendre le que quelque chose s’en détachait : le pilote avait décidé
deuxième tour de garde. de larguer ses bombes afin de s’alléger. Mon pauvre
Au bout de 90 minutes, nous avons donc relayé sur Fokker et moi avons été secoués dans tous les sens par
place les deux camarades dépêchés en premier et qui le souffle de leurs explosions. J’ai pu néanmoins maintenir
rentraient au terrain sans avoir rien remarqué de suspect. [1] À cette époque de le contact. M’étant rapproché à très courte distance, je lui
l’année, à cette latitude,
Nous volions à 300 mètres quand, dans le secteur d’Enso, ai décoché une nouvelle rafale qui a labouré son fuselage.
le soleil se lève aux
nous avons repéré deux bombardiers. J’ai fait signe à alentours de 9 heures et J’ai alors vu le Russe abaisser son train d’atterrissage.
mon ailier Vic Pyötsiä de mettre plein pot pour tenter de se couche vers 15h15, J’ai réduit les gaz afin de rester bien calé dans sa queue
les intercepter, tout en manœuvrant afin de nous placer soit une durée du jour d’à et de suivre ainsi sa trajectoire. J’ai arrosé le moteur
peine plus de 6 heures !
en bonne position dans la queue des deux bimoteurs droit qui s’est aussitôt mis à fumer. Son hélice a tourné
aux formes élancées. Nous ayant repérés, ces derniers encore quelque secondes, puis a fini pas s’arrêter. Il a
ont alors viré de bord et mis cap au sud-est. C’était une piqué du nez, évitant de justesse un petit bosquet et
erreur tactique, car cela nous a permis d’arriver plus s’est finalement retourné comme une crêpe au milieu
rapidement que prévu en bonne position. Le plus proche { En haut : Le 8 janvier d’un petit champ de neige. Je pouvais à peine y croire.
des deux appareils s’est alors mis à grandir dans mon 1940, le lieutenant Jorma C’était ma première victoire. Je l’avais obtenue à l’instinct
viseur au fur et à mesure que je gagnais du terrain, 400 Sarvanto (17 victoires) exhibe sans penser à rien, sinon au fait que je voulais sa peau.
fièrement un morceau de l'un
mètres, 300 mètres, 200 mètres. J’étais très concentré des six Iliouchine DB-3 qu'il a J’ai soudain été pris d’un doute, était-ce bien un Russe ?
sur ma visée quand j’ai ouvert le feu sur lui. J’ai vu mes abattu en l'espace de quatre À aucun moment, je n’avais cherché au moins de façon
balles traçantes s’enfoncer dans le bombardier dont le minutes (!) l'avant-veille. consciente à m’assurer de la nationalité et encore moins
Fokker D.XXI
3/LLv 24
Avion du lieutenant Eino Luukkanen
Utti, Finlande, décembre 1939
26
Les guerriers
de l’hiver
MOISSONS HIVERNALES
En fait, les affaires de l’Ilmavoimat débutent plutôt bien.
Toujours le 1er décembre, après le premier succès du jour
porté à l’actif de Luukkanen, la LLv 24 en rapporte onze
autres, tous aux dépends de bimoteurs Tupolev SB-2
des 24e et 41e SBAP (régiments de bombardiers rapides),
victoires obtenues pendant les quelques heures volables
de ces très courtes journées polaires [1].
Pendant la quinzaine suivante, les conditions météo-
rologiques déplorables limitent l’activité des chasseurs
finlandais. Néanmoins, le 19 décembre, une amélioration
permet au groupe du capitaine Magnusson de réaliser
58 sorties, dont 22 donnent lieu à des engagements qui p Un Fiat G.50 en alerte sur cette occasion l’un des premiers as de la Seconde Guerre
se soldent par la destruction de deux I-16 victimes du le terrain de Rautu (actuelle mondiale en abattant, en moins de quatre minutes, pas
Sosnovo, en Russie) le
sergent-chef Virta, sept SB-2 et cinq Iliouchine DB-3 ; 3 septembre 1942. Trente-cinq
moins de six Iliouchine ! Tous étant tombés en territoire
le 44e SBAP paye un lourd tribut, puisque cinq de ses de ces chasseurs italiens finlandais, les homologations seront aussitôt accordées
Tupolev ne rentrent pas. Deux de plus sont perdus le 23 sont achetés par Helsinki en au pilote victorieux sorti indemne de cette mission d’in-
décembre, tombés sous les balles du lieutenant Sarvanto. novembre 1939 et transitent terception, à la différence de son appareil qui a récolté
par la Suède, où ils sont
Quatre I-16 des 7e et 64e IAP subissent le même sort, un discrètement sortis des
23 impacts et est bon pour l’atelier…
doublé étant reconnu au sergent Tilli. Au terme de son caisses et remontés. On Dix jours plus tard, le 17 janvier, les Fokker tombent
premier mois d’engagement, la LLv 24 revendique 54 imagine le calvaire enduré par par surprise sur 25 SB-2 du 54e SBAP qui viennent de
victoires, pour la perte au combat d’un seul de ses D.XXI. les pilotes finlandais installés bombarder les avant-postes finlandais. Neuf sont abattus
dans le cockpit ouvert au beau
Contenus dans les airs, les Soviétiques semblent l’être milieu de l'hiver carélien ! et plusieurs autres endommagés lors d’un combat qui
également au sol où leur offensive piétine face à des s’étale sur près d’une demi-heure. Le 19, le sergent Vitra
troupes finnoises déterminées, connaissant parfaitement et le lieutenant Nieminen s’adjugent chacun un SB et
le terrain et passées maîtres dans l’art de l’embuscade. accèdent au statut d’as. Ils sont imités le lendemain par
Le 6 janvier 1940, alors que le 6e DAPB (régiment de l’adjudant Pyötsiä et le sergent Tilli lors d’une interception
bombardiers à long rayon d’action) dépêche 17 de ses conduite dans le secteur du lac Ladoga par le lieutenant
Iliouchine DB-3M sur Kupio, ceux-ci sont pris à partie Luukkanen. Les Finlandais rapportent à cette occasion
par la chasse adverse. Le lieutenant Sarvanto devient à la destruction de cinq SB supplémentaires.
27
Ces scores élevés pourraient laisser penser
qu’il s’agit de sur-revendications. Mais le fait
que les VVS, qui ne peuvent subir indéfiniment
une telle correction, suspendent toutes opé-
rations aériennes pendant les deux semaines
suivantes, est néanmoins plutôt de nature
à confirmer la réalité des succès des pilotes
de chasse de l’Ilmavoimat. Car, au-delà des
lourdes pertes infligées par l’ennemi, s’ajoute
toute l’attrition résultant pour partie de l’ex-
périence limitée de beaucoup d’équipages
soviétiques, confrontés le plus souvent à
des conditions de vol déplorables au-dessus
de l’isthme de Carélie, où se sont déroulés
la plupart des combats. Quoi qu’il en soit, la
trêve qui s’impose de facto à la fin du mois de
janvier permet aux deux adversaires de refaire
leurs forces.
DEUXIÈME ROUND
DE LA GUERRE D’HIVER
À Helsinki, où le maréchal Mannerheim, cumu-
lant dorénavant les fonctions de ministre de
la Défense et de chef d’état-major, s’affirme
comme l’homme fort du pays, la montée en
puissance de l’Ilmavoimat se traduit par l’en-
trée en service des 35 Fiat G.50 acquis en
novembre 1939 auprès de l’Italie et qui com-
mencent alors à être intégrés au sein de la
LLv 26. Les premiers sont livrés en Suède, où
ils sont remontés et transférés par la voie des
airs sur le front de Carélie. La première victoire
à l’actif du chasseur italien est remportée aux
dépens d’un SB-2 le 13 janvier par un pilote
d’essai, le capitaine Ehrnrooth, alors comman-
dant de la Koel (unité d’expérimentation). Le
rôle du voisin scandinave va toutefois bien
au-delà de la seule assistance logistique. En
effet, une escadrille de volontaires suédois,
la Lentorykmentti 19 (Flygflottilj 19 en sué-
dois) dotée de Gloster Gladiator et de Hawker
Hart, vient en effet d’être engagée contre les
Soviétiques, avec pour mission de couvrir le
secteur Nord d’un front jusque-là dégarni. Le
12 janvier, les Hart, couverts par les Gladiator,
s’en prennent ainsi avec succès au terrain du
145e IAP établi près de la ville de Märkäjärvi.
Néanmoins, lors du vol de retour, deux Hawker
s’accrochent en vol, ne laissant aucune chance
à leurs équipages. Un troisième est victime des
Polikarpov I-15bis, mais l’un des biplans sovié-
tiques tombe sous les coups des chasseurs
d’escorte. C’est la première victoire aérienne
remportée par un pilote suédois lors du second
conflit mondial. Malheureusement, il ne reste
au détachement qu’un seul Hart disponible !
Déception de courte durée, car ces Gladiator
suédois sont bientôt suivis d’autres, au titre
d’une trentaine d’exemplaires cédés par le gou-
vernement britannique à celui d’Helsinki. Ils
équipent partiellement la LLv 26 qui ne reçoit
dans un premier temps ses Fiat G.50 qu’au
compte-gouttes, puis ils seront transférés aux
LLv 12 et 14, au sein desquelles ils prendront
le relais des Fokker C.X particulièrement mal-
menés. Au rang des donateurs figure aussi la
France qui, dans les premiers jours de 1940,
cède à son tour 50 Morane-Saulnier MS.406.
Les premiers, prestement remontés et affectés
28
Les guerriers
de l’hiver
29
et Retour d'une mission
de reconnaissance d'un
Gloster Gladiator Mk. II à Utti
le 24 juin 1941, alors que nous
sommes très exactement
à la veille de la reprise des
hostilités entre la Finlande
et l'Union soviétique. Le
commandant Ahokas pose à
la descente devant son biplan.
Pour leur part, les Soviétiques ont réalisé ces nouvelles intimidations de Moscou, les peu partout au gré des disponibilités et sans
plus de 100 000 sorties, au cours desquelles relations avec la Finlande se tendent à nou- le moindre souci de standardisation – souci
427 victoires ont été revendiquées pour des veau. Au-dessus du golfe de Finlande, les probablement considéré comme une lubie de
pertes au combat s’élevant officiellement à patrouilles des deux aviations se croisent, riches – l’Ilmavoimat reçoit des bombardiers
261 appareils, mais celles du seul fait de l’en- se provoquent, viennent échanger des petits Blenheim supplémentaires : 22 exemplaires,
nemi pourraient cependant avoir été en réalité gestes pas toujours amicaux ni respectueux. dont la moitié sont de nouveaux Mk. IV livrés
deux fois plus importantes et donc proches des Avant de retomber un tout petit peu, cette par la Grande-Bretagne durant les dernières
chiffres avancés par le camp d’en face. Par crise culmine le 14 juin, quand un Junkers heures de la guerre d’Hiver. D’autres Blenheim
ailleurs, aucune mention n’est faite des pertes Ju 52 civil de la compagnie nationale Aero Oy ne tarderont pas à être produits localement
subies sur d’autres causes ou des appareils est abattu… par erreur par deux bombardiers (pour le compte, il s’agira de Mk. I, seule
irrécupérables abandonnés dès leur retour de soviétiques Iliouchine DB-3 pendant la Grande variante pour laquelle la licence de production
mission. Dans ces conditions, c’est sans doute trêve, alors qu’il reliait Helsinki depuis Tallinn. a été accordée dans un premier temps). Des
plus d’un millier d’appareils que les VVS ont Les VVS se montrent plus agressives : dans les Avro Anson arrivent également du Royaume-
vu disparaître dans cette aventure finlandaise 48 heures qui suivent, l’Armée rouge réoccupe Uni afin de former les équipages de bimoteurs
qui laisse à tous les pilotes comme un goût sans coup férir les trois pays Baltes. et d’assumer les tâches de liaison, tandis
d’inachevé. Dès lors, isolée de tous, sauf peut-être de la que 12 Westland Lysander reprennent cer-
Suède neutre, la Finlande doit plus que jamais taines des missions assumées par les Fokker
compter sur ses propres ressources unique- C.X. À cette même époque, la livraison par
LA GRANDE TRÊVE ment. En plus des avions de chasse acquis un l’Union sud-africaine de vieux Gloster Gauntlet
30
Les guerriers
de l’hiver
Ravitaillement en essence
d'un Bristol Blenheim de
la LLv 46 à Tikkakoski le 7
mars 1940. Celui-ci est de
la version Mk. IV, dont onze
exemplaires sont perçus par
les Finlandais, de la part de
Londres, durant les ultimes
heures de la guerre d’Hiver.
(prédécesseur du Gladiator, lui-même désormais obsolète) est sans lors de la guerre d’Hiver et conservés sous les couleurs nationales après
doute appréciée… à sa juste valeur. Par chance, la chute de la France l’armistice, peuvent être considérés comme une obole un peu insolite
et la bonne volonté de ses nouveaux maîtres allemands, désireux de concédée par l’ennemi soviétique.
s’attirer les bonnes grâces d’Helsinki au cours de la « croisade » qu’ils Quoi qu’il en soit, au printemps 1941, la situation de l’aviation finlan-
projettent, permet à l’aviation finlandaise de mettre la main sur 25 daise s’est améliorée, tandis que comparativement celle des unités
Morane 406 supplémentaires et 16 Curtiss H-75 A (de différentes soviétiques basées dans la région de Leningrad s’est détériorée tant
versions). Pour être tout à fait précis, il ne s’agit pas ici de dons mais d’un point de vue qualitatif que quantitatif. Le rapport de forces dans le
bien de ventes, voire d’échanges de bons procédés (avions contre droit Grand nord n’est maintenant plus que de 2 contre 1 en faveur des VVS !
de passage sur le territoire finnois en prévision de « Barbarossa »). Enfin, Résultat d’intenses mais tardives tractations secrètes avec l’Alle-
les huit Polikarpov I-153, ainsi que les cinq TB-3 et huit SB-2, capturés magne, le 17 juin 1941, la Finlande décrète la mobilisation générale.
31
x Vol de Curtiss H-75 A des LLv 12 et 36 du Lentorykmentti 1 dans le secteur
de Nurmoila, le 18 octobre 1943. La grande force des pilotes finlandais est
de savoir tirer le meilleur de leurs machines a priori obsolètes et d'exploiter
à fond les qualités qu'ils en ont décelé. Le Curtiss est ainsi très apprécié,
au point d'être surnommé « Sussu » (« nénette ») dans l'Ilmavoimat !
32
Les guerriers
de l’hiver
Caudron C.714
LLv 30
Tampere, Finlande, janvier 1941
Marinens-Hoever MF.11
4/LLv 6
Îles Åland, Finlande, août 1942
33
z Un Fiat G.50 finnois sur
l'aérodrome de Joroinen le 29
juin 1941. Mécano et pilote
attendent, avec un flegme
typiquement finlandais, la
prochaine alerte sous le
soleil radieux de cet été
placé sous le signe de la
revanche de tout un pays !
t Un Brewster Buffalo
camouflé en bordure de la
piste de Selänpää le 24 juin
1941. Nul part ailleurs dans
le monde, cet appareil de
construction américaine,
si décrié, n'enregistrera
autant de succès.
Le caporal Lampi, pilotant un Buffalo de la ma lancée, je me suis alors attaqué au touchant la surface d’un lac. Par ailleurs, j’ai
LLv 24, était aux premières loges ce 25 juin : troisième élément de leur formation. Il a noté que le sergent Kinnunen en avait eu
« Nous avons décollé à deux sur alerte. Cinq commencé à fumer en perdant de l’altitude. deux lui aussi. » En fait, les deux pilotes qui
minutes plus tard, nous sommes tombés, Mais quand j’ai voulu lui porter le coup de ont affronté les SB-2 du 201e SBAP seront
en vue de Heinola, sur une forte escadre grâce, il s’est comme arrêté en plein vol. crédités chacun de 2,5 victoires, permettant
ennemie. J’ai attaqué le bombardier situé Emporté par ma vitesse, je l’ai dépassé et par la même occasion à Lampi d’accéder
à l’extrême droite du dispositif adverse. Je son mitrailleur a ainsi pu m’allumer à courte au statut d’as. Encore une fois, l’état des
l’ai tout de suite touché. Il a piqué tout droit distance. Je suis parvenu à me dégager et pertes soviétiques corrobore pratiquement
dans une forêt. Je m’en suis pris ensuite à à revenir au contact. Cette fois, je n’ai pas les revendications de l’autre camp, puisque
deux de ses congénères que j’ai touchés pris de risque : je l’ai tiré de loin, juste une 19 SB-2 et un TB-3 sont rapportés comme
presque simultanément. Poursuivant sur courte rafale. En feu, il s’est désintégré en perdus du fait de la chasse ennemie !
34
Les guerriers
de l’hiver
y Le sergent-chef Oiva
Tuominen (44 victoires) pose
accoudé sur l'aile de son
Fiat G.50 le 7 juillet 1941.
On remarque que les écarts
de températures hiver-été
ont sérieusement attaqué
la peinture de son avion
pourtant pratiquement neuf !
Les Morane de la Llv 28, eux, doivent se qu’une seule mitrailleuse 12,7 mm en état de Le 8 juillet, ils rapportent la destruction de deux
contenter de miettes, en l’occurrence un fonctionner, parvient le 4 juillet à descendre bombardiers et six chasseurs. Le lendemain,
SB-2 égaré. Après cette cuisante défaite, quatre SB-2 du 72e SBAP, dont toutes les lors d’un combat à 9 contre 15, les pilotes
les VVS poursuivent leurs actions contre épaves pourront être retrouvées ! du commandant Magnusson, parmi lesquels
la Finlande quelques jours encore, mais de Les troupes du maréchal Mannerheim passent figure l’adjudant Juutilainen (le futur as des as
façon plus sporadique. Au terme de cet à l’offensive en Carélie le 10 juillet, appuyant de l’Ilmavoimat), utilisant la technique du Hit
épisode, elles revendiquent finalement la de fait la poussée de la Wehrmacht au nord de and run, descendent huit I-153 sans enregistrer
bagatelle de 130 « avions fascistes » détruits l’Union soviétique. En moins de six semaines, de leur côté la moindre perte.
en vol ou au sol. Pour autant, aucun appa- l’armée finlandaise reprendra ainsi tous les Alors que la Carélie cédée un an plus tôt est
reil de l’Ilmavoimat n’est mis définitivement territoires perdus l’année précédente. Début finalement reprise à la fin du mois de juillet,
hors de combat du fait de l’ennemi, alors septembre, elle pénètrera même en URSS et la LLv 32 est engagée au feu avec son parc
même que 34 victoires (la plupart justifiées) atteindra la rivière Svir au nord de la ville de hétéroclite composé de Hurricane Mk. I, de
sont revendiquées par ses pilotes en retour. Leningrad dont les Allemands entameront Curtiss H-75 A et de quelques B-239. Le 15
On notera, au passage, la performance du le terrible siège. L’aviation finnoise soutient août, les rives du lac Ladoga sont investies,
sergent-chef Tuominen, de la LLv 26, qui, cette progression du premier au dernier jour. le 30 la ville de Vyborg, située à 30 km au
malgré la défaillance d’une partie de son Dès le début, les féroces B-239 de la LLv 24 nord-ouest de Leningrad, est prise après un
armement de bord ne laissant à son G.50 font des ravages dans les rangs ennemis. siège de quelques jours. Dans les airs, alors
que les appareils d’appui et les Blenheim se
démènent pour apporter tout l’appui possible
aux troupes terrestres, les chasseurs pour-
suivent leur moisson de victoires très souvent
récoltées aux dépens de biplans de chasse
Polikarpov. C’est ainsi que neuf d’entre eux
sont abattus le 12 août, de nouveau victimes
des Brewster en maraude, Juutilainen revendi-
quant à lui seul trois Tchaïka. Le 3 septembre,
sept autres tombent sous les coups des Curtiss
H-75 de la LLv 32 emmenés ce jour-là par le
capitaine Berg.
Cependant, la palme de l’agressivité et de la
réussite revient aux Morane 406 (qui l’eût
cru !) de la LLv 28, dont une patrouille envoie
à elle seule au tapis, lors de deux engagements
distincts au-dessus de la Svir, six I-16 et I-153
avant de faire subir le même sort à trois bom-
bardiers et deux de leurs chasseurs d’escorte.
Soit un total extraordinaire de 11 victoires en
moins d’une heure reparties entre les quatre
pilotes impliqués (trois triplés et un doublé).
Le 23 septembre, des Buffalo surprennent des
I-16 qui attaquent les avant-postes au sol.
35
z Un Hawker Hurricane photographié au décollage
à Immola le 10 octobre 1941. Les douze appareils
de ce modèle subissent leur baptême du feu à
l'occasion de « Barbarossa », car ils sont arrivés trop
tard pour être engagés lors de la guerre d'Hiver.
En deux missions, les chasseurs d’origine tableau de chasse, suivie par la LLv 28 qui le chiffre de 13 victoires : Oiva Tuominen, qui
américaine balaient le ciel, huit monoplans en compte 70, et les LLv 26 et 32 créditées est devenu le premier aviateur à recevoir la
soviétiques restant sur le carreau. de 52 chacune. Ces succès ont été obtenus plus haute distinction militaire de son pays,
Avec l’arrivée précoce de l’hiver, l’avance pour la perte de seulement 10 appareils : 5 instituée 16 décembre 1940, à savoir la Croix
ralentit et les lignes se figent peu à peu. Les Morane 406 et 5 Curtiss H-75. Intouchable, le de Mannerheim (qui lui est décernée le 18
escadrilles de chasse finlandaises peuvent Brewster B-239 affiche un insolent 132 à 0 qui août), Ilmari Juutilainen, et Lauri Nissinen. Mais
enfin souffler. Elles l’ont bien mérité. En six se passe de tout commentaire. Au rayon des le palmarès de Juutilainen va bientôt monter
mois, la LLv 24 a inscrit 135 victoires à son as, trois pilotes ont vu leur palmarès atteindre beaucoup, beaucoup plus haut.
36
Les guerriers
de l’hiver
u Départ en mission
pour ce Fokker D.XXI du
Lentorykmentti 1 basé à
Nurmoila. Nous sommes à
l'aube du 18 octobre 1943
et les premiers rayons de
soleil pointent à l'horizon.
37
1
En avril, l’Armée rouge contre-attaque sur la de leurs faibles effectifs). C’est ainsi que plu- propres bases de départ, les VVS décident
Svir, mais son avance est rapidement blo- sieurs Blenheim disparaissent sur accident d’écraser ce nid de vipères (l’histoire ne dit
quée et ses divisions refoulées. Dans les airs, ou du fait de l’ennemi, laissant les unités pas si elles étaient lubriques selon l’expression
il en va autrement. Si tout se passe toujours de bombardement dangereusement à court chère à Staline). Contrariés par une mauvaise
aussi bien pour les chasseurs, les avions de de moyens. Le 6 avril, après avoir attaqué météo, les Soviétiques ne peuvent finalement
reconnaissance, d’appui et de bombardement à plusieurs reprises l’aérodrome de Tiiksjärvi y dépêcher que sept bombardiers escortés par
frappés du swastika bleu, intensivement mis à (Carélie) et avoir essuyé en retour la riposte des 18 chasseurs Hurricane. Repérée très tôt par
contribution, le payent au prix fort (à l’échelle Buffalo de la LLv 24, y compris jusque sur leurs le réseau de guet adverse, la foudre s’abat sur
38
Les guerriers
de l’hiver
1 - Autre cliché des deux Morane vus précédemment la formation : deux SB-2 et pas moins de 12 demi-tonneau et a piqué vers le sol. Je l’ai
sur un terrain d'aviation letton le 9 septembre Hurricane sont en effet revendiqués par les suivi en lui décochant de courtes rafales. Son
1943. Nous n'avons pas pu déterminer la raison
pilotes finnois. Trois d’entre eux le sont par le moteur a laissé échapper une petite fumée
de leur présence dans ce pays balte.
sous-lieutenant Nissinen (LLv 24), auteur du grise. Il n’a jamais redressé et a percuté à la
2 et 4 - Morane-Saulnier MS.406 décollant rapport reproduit ici : verticale dans un bois de sapins. Tout s’est
pour une reconnaissance armée depuis « J’étais le leader de la patrouille haute. On ensuite calmé d’un seul coup, les Russes ayant
l'aérodrome de Viitana, le 17 mars 1942.
rentrait d’une mission de reconnaissance sur rompu l’engagement. Cependant, quelques
3 - Une escadrille de Morane MS.406 basée à Belomorsk quand le contrôle nous a avertis minutes plus tard, je suis tombé sur un autre
Joensuu, sur la rive du lac de Pyhäselkä, le 25 juillet de la présence de 25 appareils ennemis dans isolé essayant de se défiler à basse altitude.
1941. En bordure de piste, les fûts d'essence notre zone. Nous avons pris de l’altitude afin J’ai pu me placer dans son angle mort sans
et bouteilles d'oxygène sont (trop) près des
appareils parés à décoller à la moindre alerte.
de les engager avec le maximum d’avantage qu’il m’aperçoive et je l’ai abattu à son tour.
tactique. Au contact, cela a tout de suite Nous avons ensuite poursuivi une paire de
dégénéré en combat tournoyant. Je tirais sur monomoteurs « rouges ». Mon troisième de
tout avion ennemi passant à ma portée sans la journée était l’un d’eux. Attaqués par en
parvenir à en descendre un seul, jusqu’à ce dessous, ils ont à peine réagi… et de toute
que j’avise un Hurricane solitaire. J’ai ouvert façon trop tard. Je n’ai récolté dans mon appa-
le feu. Pour se dégager, il a alors exécuté un reil aucun impact résultant de tirs ennemis. »
39
Les VVS reconnaissent la perte d’un Tupolev
SB-2 du 80e BAP ainsi que de six Hawker 1
des 609e et 767e IAP, mais rapportent quatre
victoires. Il semble en fait qu’un seul Brewster
ait été sérieusement endommagé et son pilote
blessé, l’un comme l’autre touchés par des tirs
de défense du SB abattu.
Les combats se poursuivent tout au long du
printemps avec des scores toujours aussi favo-
rables aux pilotes du commandant Magnusson.
Le 8 juin, ils enregistrent un 5 à 1, puis un 4 à
2 le 25 du même mois. Depuis quelques jours,
la fin mai très exactement, est intervenue une
profonde réorganisation de l’ordre de bataille de
l’aviation finlandaise. Désormais, les régiments
(LeR) ne sont plus constitués en fonction du
rôle que leurs composantes sont amenées à
tenir mais selon une répartition géographique.
Ainsi, concentrés sur le front de Carélie, le
LeR 1 est placé au centre (région d’Olonets),
les LeR 2 et 3 sur chaque flanc (respectivement
au nord sur le lac Onega et au sud le long
de l’isthme de Carélie). Enfin, le LeR 4, sans
affectation géographique précise, regroupe
les bombardiers, dont 15 Dornier Do 17 Z, un
cadeau personnel du Reichsmarschall Göring 2
récemment pris en compte [voir l’article sur le
Do17 dans le précédent numéro].
Les combats se font alors plus rares sur le
front de Carélie, des braises s’étant rallumées
au sud, autour du golfe de Finlande, où les
adversaires de l’Ilmavoimat ne sont plus les
VVS mais les VMF (Voïenno-Morskoï Flot),
autrement dit l’aéronautique navale soviétique.
Ce virtuel changement d’adversaire ne se tra-
duit pas une opposition plus forte, puisque le
vieux I-16 constitue encore le cheval de bataille
des unités de chasse de la flotte russe. Dans
ces conditions, la LLv 24, encore et toujours
de la partie, n’a aucun mal à tirer une fois de
plus son épingle du jeu. C’est ainsi que le 18
août 1942, quatre jours après s’être adjugé
11 Polikarpov du 4e GIAP, ses pilotes reven-
diquent la destruction de 13 I-16, deux Pe-2
et un Hurricane à l’issue d’un très important
accrochage. La Flotte de la Baltique admet
seulement la perte d’un Yak-1 de son 21e IAP
et d’un LaGG-3 du 71e IAP.
Cependant, les chasseurs finlandais ne sont
pas les seuls à se distinguer. Les Tupolev
SB-2 de prise de la LLv 6, chargés des mis-
sions de patrouille maritime au-dessus de la
Baltique, marquent également des points.
Ainsi, le capitaine Birger Ek et son équipage
revendiquent-ils, entre le 8 juin et le 22 sep-
tembre, la destruction de quatre sous-marins
ennemis ! Pour ce fait d’arme, Ek reçoit à son
tour la prestigieuse Croix de Mannerheim, dont matériels bien plus modernes que les siens. composantes de l’armée de l’air finlandaise ont
il devient Chevalier à l’instar de plusieurs de ses Qu’à cela ne tiennent, les Finlandais vont beaucoup souffert de cette année de combat,
camarades pilotes de chasse et de quelques- démontrer une fois encore qu’avec du cou- qui laisse l’Ilmavoimat, au 31 décembre 1942,
uns du bombardement. Le récipiendaire et rage, du savoir-faire et un peu de chance, un avec seulement 135 appareils de première
son équipage survivront au conflit après avoir Curtiss peut affronter un MiG-3 ou un LaGG-3 ligne, soit près de 50% de moins qu’à la même
réalisé ensemble plus de 1 000 missions de et en sortir… vainqueur ! Entre les mois de date l’année précédente.
guerre. Il apparaît cependant qu’aucun des mai et de décembre 1942, la LLv 32 obtient S’agissant précisément des chasseurs qui,
quatre submersibles portés à leur crédit n’a l’homologation de 65 appareils ennemis sans dans leur globalité, revendiquent 355 victoires
en réalité coulé ! Tous ont en effet rejoint, qu’aucun des siens ne soit perdu au combat. aériennes pour l’ensemble de l’année 1942,
endommagés, leur port d’attache … Avec l’arrivée de l’hiver, un épais manteau l’adjudant Juutilainen en est à 34 victoires. Si
Dans la partie centrale du front, la LLv 32, blanc recouvre une fois de plus tout le front l’on excepte son dauphin de la LLv 26, Oiva
déployée à Nurmoila près du lac Onega, doit, Nord. Il est le bienvenu pour chacun des Tuominen, qui vole toujours sur Fiat, les quatre
avec ses H-75, faire face à un fort parti, puisque protagonistes qui va en profiter pour refaire as en tête du palmarès de l’Ilmavoimat sont
les unités qui lui sont opposées disposent de ses forces. Hormis la chasse, les autres tous aux commandes d’un Brewster B-239.
40
Les guerriers
de l’hiver
3 4
1 - Le lieutenant Karhunen
donne ses ordres sur la carte 5
avant le vol de sa 3/LLv 24
à Rantasalmi le 10 juillet
1941. De gauche à droite :
Ilmari Juutilainen, Jorma
Karhunen et Lauri Nissinen.
3 - Couronne célébrant la
1 000e mission de guerre de
Birger Ek et son équipage
à Malmi, ce même 21
octobre 1943. Notez la
gouverne parée des quatre
victoires sur des sous-
marins russes (qui sont en
réalité tous des overclaims)
et l'insigne de l'escadrille.
41
1 3
2 4
2 - Recharge d'air comprimé nécessaire au démarrage d'un autre Fiat G.50 sur le
terrain de Noljakka, à la sortie de Joensuu, sur le lac de Pyhäselkä le 26 juillet 1941.
4 - Le sergent Eero Kinnunen (as aux 22,5 victoires), de la 2/LLv 24, pose fièrement
devant son Brewster Buffalo, sur le terrain de Selänpää, le 24 juin 1941. Les denses
forêts caréliennes prodiguent un camouflage efficace en bord de piste pour les avions.
42
Les guerriers
de l’hiver
z L'Ilmavoimat reçoit
des Allemands 23 des 24
Junkers Ju 88 A-4 achetés
début 1943 (l'un d'eux s'est
écrasé lors du convoyage)
qui intègrent les rangs du
LeR 4, en remplacement des
Bristol Blenheim, dépassés
à ce stade de la guerre.
t Dernières vérifications
des mécaniciens finlandais
avant le décollage sur un
Messerschmitt Bf 109 G-2
de la HLLv 34 basée sur
l'aérodrome de Malmi
le 7 janvier 1944.
Pour leur part, les vieux B-239 continuent à dont le but est de saccager les voies de équipages perdus et sept autres bimoteurs
faire face malgré une réelle disproportion des communications et les industries ennemies. endommagés… Heureusement, avec la
forces. Ceux de la LLv 24 engrangent encore Les succès qu’elles remportent sont loin fin de l’année, arrivent 30 « nouveaux »
des victoires face aux appareils de plus en d’être négligeables, bien qu’elles subissent Blenheim construits localement sous licence.
plus performants qui leur sont opposés. Au parfois de lourdes pertes. C’est ainsi que Ce modèle constitue toujours la colonne
printemps 1943, en six semaines, les as de 15 de ses appareils sont descendus le 20 vertébrale du LeR 4, dont les effectifs
cette unité exceptionnelle revendiquent la des- septembre au-dessus du golfe de Finlande sont complétés par les Do 17, les Ju 88
truction de 81 appareils ennemis pour la perte par des Brewster et des Messerschmitt cédés par la Luftwaffe et désormais des
de… deux des leurs. Dans le même temps, déchaînés qui s’en sortent sans une Pe-2, deux exemplaires ayant été captu-
les Bf 109 G de la LLv 34 font état de 46 égratignure. En revanche, la mission de rés et six autres rachetés aux Allemands
succès obtenus en parallèle aux dépens des représailles conduite quelques jours plus qui s’en étaient eux-mêmes emparés.
marins-aviateurs de la Flotte de la Baltique. par leurs camarades bombardiers du LeR 4 Cet appareil rapide prendra la relève du Blenheim
Durant l’été, les VVS s’engagent dans une tourne au fiasco. La base soviétique frap- dans son rôle d’avion de reconnaissance stra-
offensive aérienne à visées stratégiques, pée est à peine endommagée, pour deux tégique. Restons-en aux prises de guerre.
43
Le parc finnois comptabilise également trois en compte la nature de leur mission. Les VVS attaquent la capitale finnoise trois nuits
ou quatre LaGG-3 reconditionnés et affectés à escadrilles de chasse deviennent des HLLv de suite au mois de février. Or, l’Ilmavoimat
la LLv 32. Enfin, les Tupolev SB-2 et les vieux (Hävittäjälentolaivues), celles de bombarde- ne dispose d’aucun chasseur de nuit digne de
biplans Polikarpov continuent d’être affectés, ment des PLLv (Pommituslentolaivue) et les ce nom. Par chance, son adversaire non plus.
en compagnie d’un Heinkel He 115 ex-norvé- autres des TLLv (Täydennyslentolaivue), nom Voilà qui permet aux bombardiers du LeR 4, et
gien, aux missions de lutte anti-sous-marine qui semble leur conférer une vague vocation en particulier aux Ju 88 A de la PLLv 44, de
voire à des opérations clandestines au sein de pour les missions de reconnaissance. pister leurs homologues russes jusqu’au-des-
la LLv 6. Au titre de l’année 1943, l’Ilmavoimat Après un mois de janvier relativement calme, sus de leurs aérodromes estoniens, puis de
s’est un peu remplumée : elle compte en effet le front s’embrase de nouveau en février 1944, les y bombarder alors qu’ils atterrissent ! Le 9
188 appareils de combat opérationnels. Les après que les Soviétiques sont parvenus à mars, la base de Tallinn (située à vol d’oiseau à
chasseurs sont crédités de 307 homologations, dégager la ville de Leningrad assiégée depuis moins de 80 km d’Helsinki) est ainsi durement
pour 35 des leurs victimes de l’ennemi. En près de 900 jours. frappée. Les équipages finlandais font état de
revanche, la défense antiaérienne ne fait état Avec cette défaite allemande, la Finlande se la destruction d’au moins 10 appareils ainsi que
que de 16 succès, soit 10 fois moins que l’an- retrouve encore placée en première ligne face d’importants dommages infligés à plusieurs
née précédente, attestant ainsi d’une relative au rouleau compresseur de l’Armée rouge. autres de même qu’aux infrastructures. Un
stabilité des lignes qui ne vont pas manquer Cette situation pousse le gouvernement d’Hel- mois plus tard, c’est le terrain d’aviation de
de bouger en 1944. sinki à tenter une ouverture diplomatique en Käty, près de Leningrad, qui subit le même
En attendant, Helsinki change la dénomination vue d’une paix séparée. En attendant, les sort… encore plus sévèrement, puisque 17
de ses unités aériennes qui prend désormais combats continuent et les bombardiers des destructions au sol sont signalées.
z L'hydravion Heinkel
He 115 A du capitaine Malinen
photographié à Hirviranta,
sur le lac Höytiäinen, le 24
août 1941. Cet appareil,
anciennement norvégien et
cédé par les Allemands, est
alors versé à la LLv 15.
44
Les guerriers
de l’hiver
u Le Messerschmitt
Bf 109 G-2 codé MT-213 de
la HLLv 34 sur le tarmac d'Utti
le 24 avril 1943. Il s'agit a
piori de l'appareil de l'as Eero
Riihikallio (16,5 victoires).
y Un autre Messerschmitt
Bf 109 G-2 de la HLLv 34,
dont le code n'est
malheureusement pas lisible
en entier (MT-23?), dans le
ciel de Malmi le 6 février 1944.
Le 17 mai, un raid diurne conduit par les VMF hommes de Luukkanen, tandis que trois Yak Deux jours plus tard, les appareils de la flotte
sur la ville et le port de Kotka (au sud de la de l’escorte subissent le même sort pour la soviétique se présentent à nouveau au-des-
Finlande, sur la côte de la Baltique) est contra- perte d’un seul Messerschmitt. Le capitaine sus de la petite ville côtière. Les hommes de
rié par les Messerschmitt de la HLLv 34 aux Puhakka a participé à cette mission mémo- Luukkanen, qui s’en tirent sans mal, reven-
ordres d’une vieille connaissance : le désor- rable : « Juste après le décollage, j’ai repéré diquent cette fois la destruction de deux Pe-2
mais commandant Eino Luukkanen. En mars la formation ennemie s’approchant de Kotka. et de quatre Yak-9. Les VVS ont retenu la
déjà, alors que son escadrille était encore Elle se composait d’au moins 10 bombardiers leçon : ce raid sera le dernier de la série !
équipée de Bf 109 G-2, l’as finnois et ses et du double de chasseurs. Cependant, ils nous
pilotes avaient repoussé une incursion enne- ont sans doute également aperçus et ont alors
mie, abattant au passage cinq Pe-2 et deux viré vers l’est. Ne pouvant passer au-dessus LA DERNIÈRE OFFENSIVE
chasseurs d’escorte La-5. Deux mois plus tard, de l’escorte ennemie, j’ai décidé d’attaquer
l’unité de Luukkanen, ainsi que la HLLv 30, ont les Pe-2 par en dessous. J’en ai descendu En juin 1944, l’Armée rouge lance sa gigan-
perçu de nouveaux Messerschmitt. Il s’agit de un en flammes. Il est tombé tout droit dans tesque offensive de printemps sur presque toute
Bf 109 G-6 bien plus performants que les G-2 la mer à proximité de Hamina. Un second n’a l’étendue de la ligne de front, de la Baltique à la
vieillissants qui ont été remisés à la HLLv 24. pas tardé à l’y rejoindre. J’ai vu un membre mer Noire. Dans le nord, ce ne sont pas moins
Ce 17 mai 1944, donc, pas moins de huit Pe-2 d’équipage sauter… mais aucun parachute ne de 15 divisions couvertes par 1 550 appareils
du 12e GPBAP sont victimes de l’habilité des s’est ouvert. » qui se lancent à la reconquête de la Carélie.
45
p Le major Eino Luukkanen s'apprête à décoller d'Immola le 15 juin 1944 Certes, les Soviétiques alignent moins de moyens ter-
à bord de son Messerschmitt Bf 109 G-6 de la HLLv 34. restres et aériens qu’en 1939, mais leurs unités sont
q Démarrage à la manivelle du Daimler-Benz DB 605 du Messerschmitt Bf 109 G-2 du lieutenant Jorma aguerries et dotées d’un matériel abondant et techni-
Saarinen (23 victoires), de la HLLv 24, à Suulajärvi le 12 mai 1944. La présence ou non du bosselage de capot quement au point. En outre, c’est l’été et les conditions
permet de distinguer d'un coup d'œil les deux versions du célèbre chasseur livrés par le Reich à la Finlande. météos favorables font toute la différence. Encaissant le
choc, les troupes de Mannerheim reculeront néanmoins et
devront abandonner Vyborg le 20 juin (presque trois ans
après l’avoir conquis). La poussée soviétique, jusque-là
circonscrite au sud, gagnera alors le centre puis la partie
Nord des lignes. La région d’Olonets, ainsi que les rives
occidentales des lacs Ladoga et Onega seront à leur
tour menacées.
Le 9 juin, au moment où l’Armée rouge se lance à l’assaut
des positions finnoises, la situation de l’Ilmavoimat est
loin d’être satisfaisante. Organiquement constituée de
cinq régiments, elle dispose de six escadrilles de chasse
alignant un total de 96 appareils. La majorité est consti-
tuée de modèles dépassés comme les MS.406, MS.410
et les Mörkö Moraani (fruit d’une remotorisation du vieux
chasseur français avec des Klimov 105 de prise entraînant
une hélice VIsh-61P), ou encore les Curtiss H-75 A et les
Brewster B-239 survivants des premières années. Il en
va de même des deux derniers LaGG-3 en état de voler.
La seule composante moderne et efficiente est consti-
tuée par les HLLv 30 et 34 qui totalisent ensemble 24
Bf 109 G-6, et dans une moindre mesure, la HLLv 24
équipée de 14 G-2 de seconde main.
Quant au bombardement, il repose toujours sur 26
Blenheim, 13 Ju 88 A, 9 Do 17 Z et 10 appareils ex-so-
viétiques (SB-2, Il-4/DB-3 et Pe-2). Les unités de soutien
et de reconnaissance à l’étiage disposent encore des
Fokker (C.X et D.XXI), des Gladiator et des Lysander.
Par ailleurs, une escadrille de choc est dotée des Morane
de diverses versions, soit en tout 35 avions. Enfin, la
PLLv 6 (ex-LLv 6) poursuit ses missions aéronavales
avec essentiellement des SB-2, soit 19 avions début juin.
46
Les guerriers
de l’hiver
Morane-Saulnier MS.406
1/LLv 14
Avion du sous-lieutenant Kullervo Virtanen
Tiiksjärvi, Finlande, juillet 1943
Mörkö-Morane
1/HLLv 28
Avion du sergent Lars Hattinen
Värtsilä, Finlande, août 1944
Tupolev SB-2
LLv 6
Avion du capitaine Rolf Birger Ek
Malmi, Finlande, octobre 1943
Heinkel HE 115
LLv 15
Hydravion du capitaine Malinen
Hirviranta, Finlande, août 1941
47
les Finlandais reçoivent de nouvelles livrai-
sons massives de Messerschmitt, puisque
plus de 80 Bf 109 G-6 leur sont alors four-
nis par le Reich ! Ceux-ci arrivent à point
nommé pour palier à l’échec du chasseur
national VL Myrsky. Construit par la Valtion
Lentokonetehdas, il s’agit d’un monoplan
à moteur radial Pratt & Whitney R-1830
SC3-G, maniable et agréable à piloter mais
lent et mal armé (4 mitrailleuses de 12,7 mm).
Très voisins par bien des aspects du Republic
P-43 Lancer ou du Reggiane Re 2000 Falco,
les Myrsky I (présérie) et II (série), mauvais à
tout, sont néanmoins fabriqués à 51 exem-
plaires au cours du premier semestre 1944 ;
quant aux 10 Myrsky III à moteur Chvetsov
M-63 commandés, ils ne dépassent pas la
planche à dessin.
Tout au long du mois de juin 1944, les chas-
seurs de l’Ilmavoimat se démènent pour
interdire l’espace aérien finlandais aux bom-
bardiers ennemis, tandis que ses propres
appareils de bombardement s’efforcent de
ralentir l’avance des colonnes soviétiques.
Avec la multiplication des sorties, les succès
sont au rendez-vous. Le 11 juin, 16 victoires
sont homologuées par les Finnois. Dix-huit le
sont encore trois jours plus tard. Le 16 juin
enfin, 21 appareils soviétiques sont revendi-
qués, tandis que le 20, jour de la chute de
Vyborg, les chasseurs du général Lundqvist
font état de 25 succès ! Il n’en demeure pas
moins que les Finlandais sont acculés à la
En tout, l’aviation finlandaise fait donc face appartenant à la 4./JG 54 et à la 1./SG 5, défensive et en état d’infériorité numérique
avec moins de 210 appareils de première ainsi que quelques Junkers Ju 87 D Stuka de inquiétant. Qu’importe ! Le 30 juin, Juutilainen,
ligne, dont au moins les deux tiers sont désor- la 1./SG 3, l’ensemble étant basé à Immola. qui vole à présent sur un Bf 109 au sein de
mais complètement obsolètes. Trop tard, trop peu : rien ne peut alors la LLv 34, remporte six victoires en une seule
Conscient de cet état de faiblesse, le par- arrêter le déferlement des divisions sovié- mission. « Nous volions en patrouille double,
tenaire allemand apporte son concours tiques et de leurs escadrilles de protection soit huit appareils. Nous avons rencontré
avec 30 Focke-Wulf Fw 190 A-6 et F-8 et d’accompagnement. Pour y faire face, l’ennemi au-dessus de Tali (Tali-Ihantala).
z Un Messerschmitt
Bf 109 G-2, désormais à
la HLLv 24, immortalisé
en bordure de la piste de
Suulajärvi le 8 mai 1944.
t Westland Lysander à
Petroskoi (actuelle ville
russe de Petrozavodsk) le
24 octobre 1941. Dix-sept
appareils de ce modèle ont
été achetés par Helsinki,
mais seulement 12 ont été
livrés par les Britanniques
entre mars et mai 1940,
avant que Londres ne
place le nombre restant
sous embargo pour ses
propres besoins.
48
Les guerriers
de l’hiver
Nos adversaires étaient des Airacobra. J’ai touché p Le VL Myrsky II, tentative
avortée de l'aéronautique
le premier au niveau de l’arrière du fuselage qui
finlandaise de mettre au
s’est brisé net. L’appareil s’est écrasé dans un parc, point son chasseur national.
où son carburant enflammé a allumé un incendie. Conçu par le trio Arvo Ylinen
J’ai descendu le second à l’issue d’une attaque en (auquel succède par la
suite Edward Wegelius),
piqué. Il est tombé entre Säiniö et Karhusuo. J’ai Martti Vainio et Torsti
ensuite noté la présence d’une cinquante d’autres Verkkola, ingénieurs de la
appareils ennemis. Il s’agissait de bombardiers et Valtion Lentokonetehdas,
de leur escorte de chasse. J’ai pris de l’altitude pour l'appareil est victime de
nombreux problèmes de
pouvoir de nouveau les engager en piqué et dans motorisation et ne connaît
leur angle mort. C’est ainsi que j’ai eu deux Yak-9 qu'un déploiement limité au
coup sur coup. Sur le chemin du retour, nous avons sein des TLLv 12 et 16.
Finnish Aviation Museum
croisé une formation de Il-2 également escortée.
J’ai noté qu’un des Chtourmovik était à la traîne.
Quelle qu’en ai été la cause, ce manque de rigueur
à tenir sa formation lui a été fatal. Toutefois, les
La-5 de l’escorte nous ont alors engagé. Après avoir
bataillé avec eux cinq bonnes minutes, j’ai fini par en
descendre un qui s’est écrasé à 3 ou 4 kilomètres
de l’épave du Il-2 que j’avais eu précédemment. »
Sur un total de six victoires (globalement confirmées
par les archives soviétiques), deux iront enrichir
le palmarès personnel de l’as et les quatre autres
seront portées au crédit de son unité.
De tous les chasseurs de l’Ilmavoimat, les Bf 109 G
sont de loin les plus actifs durant la grande offen-
sive (9 juin-17 juillet), puisqu’ils effectuent à eux
seuls 2 168 sorties, leur pilotes revendiquant 425
victoires pour seulement 18 Messerschmitt perdus u L'as des as Eino
à l’ennemi (8 aviateurs tués et 3 faits prisonniers). Juutilainen (1914-1999)
Pendant ces 38 jours, les bombardiers finnois réa- totalise 94 victoires
lisent pour leur part 1 232 sorties, soit 38 par confirmées en 437 sorties. Il
en obtient 58 sur Bf 109 G,
jour, avec une flotte disponible quotidiennement 34 sur Brewster Buffalo
d’environ 40 bimoteurs ! et 2 sur Fokker D.XXI.
49
Alors que tout semble annoncer à brève
échéance un effondrement de la résistance de
l’armée finlandaise, les Soviétiques stoppent
quasiment leur offensive au début du mois de
juillet. L’Armée rouge fait pivoter son centre de
gravité vers le sud puis vers l’ouest, en direction
de Narva, et concentre dès lors tous ses efforts
contre la Wehrmacht, estimant sans doute
qu’avec la reprise de la Carélie elle a atteint
dans le nord tous ses objectifs de campagne.
En août, le maréchal Mannerheim devient pré-
sident. Cumulant ainsi tous les pouvoirs civils
et militaires, il dispose d’une réelle autorité pour
pousser de l’avant les négociations visant à
établir une paix séparée avec l’URSS. Un proto-
cole élaboré dès le 4 septembre 1944 instaure
un cessez-le-feu, puis l’accord de Moscou est
officiellement signé le 19 : ce texte (confirmé
définitivement par le traité de Paris en 1947)
ramène la frontière finno-soviétique au niveau
où elle se trouvait au sortir de la guerre d’Hi-
ver. Revoilà les Finlandais revenus au point de
départ ! Des combats aériens ont néanmoins
lieu jusqu’au tout dernier moment. Ainsi, Ilmari
Juutilainen enregistre-t-il sa 94e et dernière
victoire aux dépens d’un avion de transport
Lissounov Li-2 le 3 septembre 1944, moins
de 24 heures avant le cessez-le-feu. Le pilote
est alors toujours simple adjudant et pourtant
vient de terminer la guerre avec le statut d’as
des as finlandais !
CONCLUSIONS
p Eino Juutilainen mime l'un de ses combats aériens à un camarade le 10 septembre 1942.
Conformément au traité signé en septembre
q Joli cliché d'un Messerschmitt Bf 109 G-2 de la HLLv 24 au décollage à Suulajärvi le 12 mai
1944 avec Moscou, les Finlandais sont obligés
1944. On reconnaît le MT-213 du lieutenant Eero Riihikallio déjà vu ultérieurement.
« d’évacuer » de leur territoire leurs anciens
alliés allemands avec le concours de leurs nou-
veaux « partenaires » soviétiques. Cette guerre
de Laponie qui éclate en octobre voit finalement
les Allemands quitter la Finlande avec armes et
bagages presque sans coup férir vers la Norvège
occupée. Face à une Luftwaffe anémique, l’Il-
mavoimat revendique seulement trois victoires
aériennes, mais perd tout de même onze de ses
appareils victimes de la Flak. L’hiver 1944-1945
éteint cette fois définitivement le conflit dans
cette partie de monde. La Finlande en viendra
au cours des années suivantes à un statut de
stricte neutralité. Bénéficiant de la bienveil-
lance attentive de Moscou, elle servira, un peu
à l’image de l’Autriche, de zone tampon entre
l’est et l’ouest. Peut-être la résistance opiniâtre
de ses forces armées explique-t-elle en partie
ce « régime de faveur ».
En cinq années de combats seulement interrom-
pus par une courte trêve entre mars 1940 et juin
1941, les aviateurs finlandais ont revendiqué la
destruction en vol de 1 807 appareils ennemis
pour la perte de 257 des leurs et la mort de
353 membres d’équipage. Bien que de vives
polémiques ressurgissent de temps à autres sur
de possibles revendications exagérées, force est
de constater que l’ours russe a mis énormément
de temps à venir à bout de la détermination fin-
landaise. Cette résilience extraordinaire a fait des
pilotes de l’Ilmavoimat les héros de leur petite
nation, ses as (plus d’une centaine d’entre eux),
figurant sans doute parmi les meilleurs chasseurs
de toute la Seconde Guerre mondiale.
50
Les guerriers
de l’hiver
VL Myrsky II
KoeeLv
Tampere, Finlande, mars 1944
Junkers Ju 88 A-4
1/LLv 44
Onttola, Finlande, septembre 1943
51
Les as finlandais
1 Prénom - Nom Victoires LLv
Ilmari Juutilainen 94 24, 34
Hans Wind 75 24
Eino Luukkanen 56 24, 34
Urho Lehtovaara 44,5 28, 34
Oiva Tuominen 44 26, 34
Olli Puhakka 42 26, 34
Olavi Puro 36 6, 24
Nils Katajainen 35,5 24
Lauri Nissinen 32,5 24
32, 30, 34,
Kyösti Karhila 32
24
Jorma Karhunen 31 24
Emil Vesa 29,5 24
Tapio Järvi 28,5 24
Klaus Alakoski 26 26, 34
2 Kalevi Tervo 23 24, 32, 34
Jorma Saarinen 23 24
Eero Kinnunen 22,5 24
Antti Tani 21,5 28, 34
Paavo Myllylä 21 28, 34
Väinö Suhonen 19,5 24
Viktor Pyötsiä 19,5 24
Erik Teromaa 19 24, 26
Lauri Pekuri 18,5 24, 34
Jouko Huotari 17,5 24
Yrjö Turkka 17 24, 34
Jorma Sarvanto 17 24
Aulis Lumme 16,5 24
Eero Riihikallio 16,5 24
Eero Halonen 16 24
Martti Alho 15 24
3 Aaro Nuorala 14,5 30, 14, 34
Heimo Lampi 13,5 24
Pekka Kokko 13,5 24
Yrjö Pallasvuo 13 32, 34
Per-Erik Sovelius 12,5 24
Lasse Aaltonen 12,5 26, 34
Urho Sarjamo 12,5 24
Onni Paronen 12,5 26, 34
Eino Koskinen 12,5 32
Leo Ahokas 12 24
Iikka Törrönen 11 24
Urho Nieminen 11 26
Hemmo Leino 11 30, 14, 34
Niilo Erkinheimo 10,5 32, 34
Martti Kalima 10,5 30, 10, 14
Kai Metsola 10,5 24
1- Olli Puhakka (42 victoires) 2- Eino Luukkanen (56 victoires) Eino Peltola 10,5 24, 34
3- Ilmari Juutilainen (94 victoires) 4- Hans Wind (75 victoires) Kullervo Lahtela 10,5 32, 34
5- Jorma Karhunen (31 victoires)
52
Les guerriers
de l’hiver
53
CONSTRUCTEUR
1939
1945
LE PÈRE
DE L' AILE DELTA
LES AILES VOLANTES DU PR. ALEXANDER
Profils couleur : Jean-Marie Guillou Par Jean-Claude Mermet
A
lexander Mar tin L ippisch est né le volantes en flèche ou en delta. Il y consacrera toute
2 novembre 1894 à Munich. Dès l’âge de sa carrière aéronautique. Lippisch, à la réputation
15 ans, après avoir assisté à une démonstra- grandissante, devient en 1925 directeur des bureaux
tion d’Orville Wright à Berlin-Tempelhof, d’étude de la Rhön-Rossitten Gesellschaft (RRG),
il se prend de passion pour l’aviation naissante. une société de recherches sur les planeurs. À la suite
Incorporé en 1915 dans l’armée allemande, il a la de l’échec de ses planeurs de type aile volante en
chance d’être affecté dans une unité volante, au sein flèche, Lippisch se lance dans les ailes volantes en
de laquelle il servira comme photographe et car- delta. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale,
tographe aérien. Une fois libéré de ses obligations Alexander Lippisch s’expatrie aux États-Unis où, en
militaires, il rejoint la société Zeppelin en 1919. Son 1950, il intègre le département aéronautique de la
centre d’intérêt, cependant, est la conception d’avions Collins Radio Company à Cedar Rapids, Iowa. C’est
« sans queue » ou, plus techniquement parlant, d’ailes dans cette ville qu’il décède, le 11 février 1976.
54
Le père
de l'aile Delta
55
Par ailleurs, depuis mars 1938, Alexander Lippisch tra-
vaille sur son projet DFS 194, reprenant peu ou prou la
même formule que le Delta IVd. Après la destruction
du DFS 40, le DFS 194 reste le seul développement de
ce type en lice. Prévu avec le même moteur propulsif
Argus As 8, cet avion se présente sous la forme d’une
aile volante munie d’un fuselage à courte dérive, ayant
une envergure de 9,30 m pour une longueur de 5,25 m ;
la surface alaire est de 17,52 m².
LE LIPPISCH Me 163
Le 1er septembre 1939, la guerre éclate et cette situation
entraîne le ralentissement, voire l’arrêt, des travaux
expérimentaux de la Luftwaffe... Le Projekt X est offi-
ciellement interrompu, mais Alexander Lippisch ne se
soumet pas à cet ordre : pensant que le Me 163 ne
verra jamais le jour, il modifie le DFS 194, qui sera doré-
navant propulsé par un moteur-fusée Walter, puisqu’il
offre la seule cellule entièrement métallique disponible
après l’interdiction de Hitler de développer tout nou-
vel avion « classique » jusqu’à la « victoire finale ».
Propulsé par le moteur Walter R I-203 de 425 kgp, ses
premiers essais en vol à Peenemünde, en août 1940,
sont concluants ; l’appareil se comporte bien et se révèle
« merveilleux à piloter avec des performances au-dessus
de tout ce que l’on pouvait espérer », selon son pilote
d’essai Heini Dittmar. Une vitesse de 550 km/h est en
effet atteinte ! Devant ces résultats encourageants, la
Reichsforschungsleitung (Direction de la recherche alle-
mande) lève l’interdiction de développement du 8-163
qui se verra doté d’un nouveau moteur, le Walter R
II-203 à poussée réglable de 50 à 750 kgp. Mais ceci
est une autre histoire : le futur Me 163 Komet étant en
bonne voie chez Messerschmitt-AG, Alexander Lippisch
peut s’investir dans d’autres projets.
LE MESSERSCHMITT Me 265 :
SUCCESSEUR AVORTÉ
AU Me 210
Le Messerschmitt Me 210 A, bimoteur polyvalent et
remplaçant prévu du Bf 110, ne donnant pas entière
satisfaction – c’est un doux euphémisme ! – depuis son
entrée en service opérationnel en 1941, Lippisch, officiant
toujours au département L de Messerschmitt-AG, propose
un successeur qui en utiliserait de nombreuses pièces.
Ainsi naît, courant 1942, le projet LP.10 consistant en un
chasseur lourd (Zerstörer) dont la construction sera par
la suite confiée au Dipl.Ing. Stender, programme attribué
à Messerschmitt-AG et qui reçoit du RLM la référence
8-265 (Me 265).
Le Lippisch Me 265 se présente sous la forme d’une
aile volante bimoteur avec un fuselage comportant
une simple dérive munie du gouvernail de direction.
Ce fuselage est celui du Me 210, raccourci et biplace
en tandem dos-à-dos, de même qu’est entièrement
repris l’armement du calamiteux bimoteur, y compris
les barbettes latérales de défense arrière commandées LE MESSERSCHMITT Me 329
depuis le cockpit, ainsi que la plupart des instruments
et autres accessoires. La partie arrière du court fuse- Au début de 1944, assisté de son adjoint, le Dr.Ing. Hermann Wurster, Alexander
lage est nouvelle, tout comme le train d’atterrissage. Lippisch reprend le concept de son projet de chasseur lourd/bombardier rapide
Les moteurs DB 603, montés sur le bord de fuite de P. 04-114, daté du 1er août 1942, et, sous le même titre générique de LP.10
l’aile, sont propulsifs et entrainent chacun une hélice (Me 265), en propose une amélioration pour un chasseur-bombardier (Jagdbomber)
quadripale. Malgré la construction d’une maquette biplace côte-à-côte, l’équipage prenant place dans un court fuselage de section
d’aménagement et de modèles volants, le Lippisch circulaire, sous une verrière « bulle ». Ce Me 329 est donc toujours une aile volante
Me 265 est abandonné en faveur du Me 410 Hornisse en flèche (aile moyenne) muni d’une dérive en légère flèche. Au contraire du Me
qui a l’avantage de reprendre beaucoup plus d’élé- 265, les moteurs sont montés dans des nacelles intégrées à l’épaisseur de l’aile,
ments du Me 210. rendant le profil beaucoup plus fluide. La vitesse estimée est de l’ordre de 690 km/h.
56
Le père
de l'aile Delta
À gauche, en haut :
Modèle de soufflerie du
Lippisch-DFS 194 à moteur
Argus As 8 de 120 ch.
Coll. MMT, origine EADS
À gauche, au milieu :
Le DFS 194 pendant sa
transformation en avion-fusée.
Coll. MMT, origine EADS
À gauche, en bas :
Photo tirée d’une brochure au
profit du RLM, d’un modèle
de présentation du Lippisch
Me 265. Archives MMT
Lippisch P. 04-114
Archives MMT via Nowarra/B&G
57
LES PROJETS
MARQUANTS DE LIPPISCH
Le projet Lippisch P. 09 est daté du 1er novembre 1941,
pour la première configuration basée sur le Me 163 A
en cours de développement. C’est un monoplace biré-
acteur à moteurs logés dans les emplantures d’ailes et
noyés dans le fuselage. Les réacteurs prévus sont de
type Heinkel HeS 011 encore à l’état de la définition...
Le train d’atterrissage, assez court, est classique avec
la roulette de queue remplacée par un patin intégré au
fuselage, sous la dérive. L’envergure de l’appareil est
de 11,60 m, sa longueur de 7,10 m. L’armement serait
de deux MG 213.
Ce projet est modifié (2. Entwurf) en mai 1942 par l’adop-
tion d’une aile delta et l’adaptation du fuselage à l’emport
de deux moteurs-fusées HWK de 1 500 kgp chacun. Le
nez est vitré et se prolonge aérodynamiquement sur le
cockpit monoplace. L’envergure est passée à 10,00 m
et la longueur à 7,40 m.
Contemporain, car daté de novembre 1941, le projet
Lippisch P. 10 (1. Entwurf) est basé sur le précédent,
mais l’avion est agrandi pour un emploi en tant que
Zerstörer monoplace pouvant emporter 1 000 kg de
bombes dans le fuselage et deux canons MG 151/20
dans le nez. La propulsion prévue reposerait sur deux
réacteurs HeS 011. L’aile a une envergure de 13,40 m
et le fuselage fait 8,15 m de long. En mai 1942, le projet
est remanié sous le terme de Lippisch P. 10 (2. Enfwurf),
pour emporter, dans le fuselage et derrière le cockpit,
un moteur à combustion interne Daimler-Benz DB 606
(deux DB 601 couplés) de 2 700 ch entraînant, via un
arbre assez long (3,45 m) une hélice propulsive située
à l’extrémité du fuselage de 9,85 m de long et proté-
gée du sol par une dérive-béquille également nantie d’un
gouvernail de direction. La configuration générale est
reprise du Me 163 A mais agrandie avec un nez vitré
et une verrière « bulle » fermant l’habitacle monoplace.
58
Le père
de l'aile Delta
59
Lippisch P.11
Coll. MMT via Nowarra/B&G
Première proposition en configuration d’aile volante p En décembre 1942, le Lippisch P. 11 se voit nanti
en flèche pour le Schnellbomber Lippisch P. 11. d’une verrière « bulle » disposée à l’avant du fuselage.
Elle est datée de septembre 1942.
Aucune indication n’est donnée sur l’alimenta- reprend les caractéristiques de l’appareil pré- et éventuellement placées entre les dérives
tion en air et sur le refroidissement du moteur, cédent avec les mêmes équipements mais une à l’extrémité du fuselage. L’évolution en vol,
mais ces deux fonctions ne pouvaient être assu- aile haute. Son envergure est de 13,65 m, en gauchissement et en lacet, est contrôlée
rées que par des prises d’air et des radiateurs sa longueur de 8,14 m et la voie du train est par des ailerons, tandis que la profondeur est
frontaux situés dans les bords d’attaque des de 2,90 m. assurée par des spoilers. Le train d’atterrissage
ailes (envergure de 16,00 m), le plan ne mon- Le troisième projet est radicalement différent tricycle s’escamote dans le fuselage pour la
trant aucune excroissance sur les surfaces... des précédents, puisqu’il se mue en un chas- roue avant, et dans l’épaisseur de l’aile pour
Le Lippisch P. 10 (2. Enfwurf) est classé seur biréacteur monoplace (Einsitzerstrahljäger l’atterrisseur principal constitué de diabolos.
Schnellbomber (bombardier rapide) et il peut 3. Entwurf) dénommé Delta VI. Sa genèse Henschel est chargée de la construction du
emporter 1 000 kg de charge militaire. Le train remonte à décembre 1943, et il est retenu premier prototype, mais les atermoiements
est classique avec roulette de queue non esca- par le RLM lors de la conférence des 21 et de la firme font que Lippisch décide de le
motable. L’armement est constitué de deux 22 novembre 1944 portant sur le futur déve- construire lui-même à Vienne dès janvier 1945.
armes tirant vers l’avant mais non définies. loppement des avions de la Luftwaffe. L’avion Lors de l’armistice du 8 mai, le fuselage est
Sous la désignation commune de Lippisch se présente désormais sous la forme d’une déjà construit, mais il disparaît sans laisser
P. 11, nous répertorions trois propositions. aile volante en delta munie de deux dérives de traces...
La première, datée de septembre 1942, est espacées de 1,95 m situées sur le bord de Le Lippisch P. 12 est un projet d’avion à tuyère
un Schnellbomber biplace en tandem pouvant fuite de l’aile. Pour tester la formule, un planeur thermopropulsive alimentée par du carburant
emporter une bombe SC 1000 en soute. C’est grandeur nature doit être construit. Lippisch liquide de type aviation J2, comme celui utilisé
une aile volante avec dérive et train d’atter- innove en employant, à la place du classique dans les réacteurs allemands. Il se présente
rissage tricycle. Le fuselage, d’une largeur contreplaqué aéronautique, des matériaux syn- sous la forme d’une aile delta à saumons à
totale de 3,20 m, englobe les deux réacteurs thétiques moulés et assemblés en plusieurs dièdre négatif servant de point d’appui au
de type Jumo 004 C de 1 010 kgp chacun. couches pour l’ensemble de la cellule qui est sol, le fuselage reposant sur un énorme patin
L’appareil a une envergure de 13,00 m, une de type monocoque « à structure creuse ». fixe et caréné. Cet intercepteur monoplace a
longueur de 7,50 m ; l’empattement du train Le fuselage a le même profil que l’aile mais une envergure de 11,00 m et une longueur
est de 3,60 m. Deux fusées d’assistance au est de corde bien plus courte, provoquant une de 7,08 m.
décollage peuvent être montées à l’arrière du grande échancrure entre les deux dérives. Enfin, le premier projet de Lippisch P. 13,
fuselage. Deux armes tirant vers l’avant et Le nez contient l’habitacle monoplace et un remontant à novembre 1942, se présente
placées dans les emplantures d’ailes, sont minimum de deux canons de 30 mm, pro- sous la forme d’une aile volante à dièdre nul
vraisemblablement du modèle MG 151/20. bablement des MK 103 tirant vers l’avant. de 12,80 m d’envergure pour 9,40 m de long
Le second projet, de décembre 1942, consiste Quatre fusées Walter HWK d’assistance au et une hauteur de 3,80 m. C’est un bimoteur
toujours en un Schnellbomber biplace qui décollage, de 2 000 kgp chacune, sont prévues en tandem (des DB 605) : le moteur avant
60
Le père
de l'aile Delta
Lippisch P.13
Coll. MMT via Nowarra/B&G
entraîne une hélice tractive, le moteur arrière une hélice propulsive. L’armement
se compose d’une bombe SC 1000 externe sous le fuselage. Mais le projet
englobé sous cette désignation va considérablement évoluer !
61
CARACTÉRISTIQUES DU LIPPISCH P. 11 (3. Entwurf)
TYPE
chasseur monoplace à réaction
DIMENSIONS
envergure : 10,96 m ; Longueur : 7,68 m ; Hauteur sur train tricy-
cle : 2,78 m ; Surface alaire : 50 m²
MASSE À VIDE
2 000 kg ; Masse totale au décollage : 7 300 kg dont 3 000 kg
(3 600 litres) de carburant
MOTEURS
2 Jumo 004 B de 980 kgp chacun
VITESSE ESTIMÉE
1 000 km/h à 5 900 m d’altitude ; Temps de montée à 10 000 m :
~ 15 min
62
Le père
de l'aile Delta
Akaflieg DM-1
américains en 1945.
[2] l se peut que le RLM ait
Coll. MMT via Nowarra/B&G eu l’intention d’intégrer ce jet
au programme des avions
« béliers » qui, consistant à
les utiliser pour l’abordage
volontaire des appareils
ennemis à grande vitesse,
auraient constitué la seule arme
imparable pour descendre
un bombardier quadrimoteur.
C’est peut-être la raison de
la configuration de la dérive
considérée comme une aile
verticale. Pour économiser
le nombre d’avions-béliers,
il aurait fallu disposer d’un
appareil assez solide capable
d’effectuer plusieurs abordages
avec des dégâts limités pouvant
être réparés rapidement.
Cependant, dans ses mémoires
publiées en 1976 (Ein Dreieck
fliegt), Alexander Lippisch, à
qui on avait posé la question,
estimait que la propulsion du
P. 13 A aurait été inadaptée
Plan du Lippisch P. 13 A. On remarquera la
à ce type de mission.
position du cockpit. Coll. MMT via Nowarra/B&G
Lippisch P.13
Aux couleurs d'un Gruppenkommandeur de la
JG2
Vue d'artiste
63
Lippisch 13 B
Coll. MMT via Nowarra/B&G
Le fameux planeur Akaflieg DM-1 construit par les étudiants des universités techniques
aéronautiques de Darmstadt et de Munich en vue de tester la formule de la très
grande dérive posée sur l'aile delta et englobant le poste de pilotage. US Nara
La pointe avant du DM-1, avec son pan inférieur vitré qui octroie une bonne
visibilité au pilote vers le bas (on aperçoit le palonnier). US Nara
Le planeur Akaflieg DM-1 préfigure le jet Lippisch P. 13 A, dont la tuyère thermopropulsive
fonctionnant au poussier de charbon aurait encore accru l'étrangeté !
US Nara
64
Le père
de l'aile Delta
LIPPISCH ET LA CONVAIR
Il a souvent été dit et répété que la 4 août 1955 ! La loi des sections, est
Consolidated Vultee Aircraft Corporation redécouverte par Richard Whitcomb, aux
(Convair) s’est inspirée des travaux États-Unis en 1952, qui la peaufinera
d’Alexander Lippisch pour son projet à l’extrême grâce à son propre tunnel
MX-813, futur XP-92. S’il est bien avéré de soufflerie supersonique redessiné par
que l’Allemand a été consulté par la firme lui-même. La « loi Whitcomb » ou Aera
et a participé à de longues discussions Rule, implique de considérer la combinai-
avec l’équipe d’ingénieurs américains son aile-fuselage comme un tout aéro-
sur les avantages et les inconvénients dynamique, c’est-à-dire que la surface
de l’aile en delta, il n’en demeure pas de chaque section de l’avion, section
moins également vrai que les points de d’aile comprise, le cas échéant, ne doit
vue ont divergé sur de nombreux points, pas être supérieure à la surface maximale
notamment le rejet catégorique d’une de la section la plus grande du fuselage
aile épaisse – comme celle du P. 13 A – seul. Cette loi sera intégralement appli-
jugée impropre aux vols supersoniques. quée pour la première fois sur le Convair
Avec le recul du temps et l’expérience YF-102 en 1954. Le résultat de cette loi
vécue par la Convair, on peut se deman- est la fameuse « taille de guêpe » (ou
der si le P. 13 A aurait pu être faci- Coca-Cola Bottle Shape) des fuselages
lement supersonique. En effet, même des avions supersoniques.
si les essais en soufflerie de modèles Convair n’est pas la seule firme à pro-
réduits confirment, durant la seconde fiter des enseignements de Lippisch.
moitié des années 1940, les espoirs des Une semaine tout juste après l’armis-
techniciens, le prototype XF-102 Delta tice du 8 mai 1945, deux ingénieurs de
Dagger (évolution du XF-92A agrandi par chez Douglas, Gene Root et A. Smith,
un coefficient de 1,22 : 1), qui effectue débarquent à Paris pour s’entretenir
son premier vol le 24 octobre 1953, avec le Dr. Lippisch emprisonné à Paris
est incapable de franchir le mur du son Saint-Germain, et lui soutirer de précieux
en vol horizontal, car la trainée due à la renseignements sur l’aile en delta. Au
compressibilité le long du fuselage est passage, ils font main basse sur les docu-
supérieure à la poussée du réacteur Pratt ments français de chez Messerschmitt et
& Whitney J-57 de 5 000 kgp. Le dessin Lippisch sur les ailes volantes, pour les
du fuselage devra être entièrement repris microfilmer. De retour aux États-Unis, ils
en relation directe avec la loi des aires, appliquent fidèlement les leçons reçues
élaborée d’abord chez Junkers et établie et testent des modèles réduits en souff-
définitivement par Richard Whitcomb. lerie, à Pasadena, tout au long de l’année
En effet, en mai-juin 1943, sur le projet 1946. Un beau jour, l’US Navy lance
EF 116 de chez Junkers, les réacteurs un programme d’intercepteur ; Douglas
sont regroupés par trois sous chaque propose alors son modèle D-571 dérivé
aile et cette disposition montre qu’elle des études allemandes de Lippisch sur
augmente le Mach critique. L’étude très les ailes volantes en delta. Intensément Évolution du Douglas D-571 dessiné selon
poussée des effets de compressibilité éprouvé en soufflerie, le D-571 aboutit les préceptes de Lippisch, vers le F4D-1
sur la forme de cette nacelle triple per- au Douglas D‑571‑4, puis au très élégant Skyray. Arrangement document Douglas
met à Junkers de développer sa propre Douglas F4D-1 Skyray, un des meilleurs
« loi des sections », plus tard appelée intercepteurs américains, et le seul avion
[3] NORAD : North American Aerospace Defense
« loi des aires », dont les principes sont de l’US Navy [VF(AW)-3], œuvrant pour
Command ; ADC : Air Defense Command.
entérinés par un brevet déposé le 21 la défense aérienne des États-Unis au
mars 1944, qui ne sera accordé que le sein du NORAD/ADC [3].
65
AS
1940
1945
Les As de la
chasse italienne
DES VIRTUOSES SUR TOUS LES FRONTS (1940-1945)
Profils couleur : J.M.Guillou Par David Zambon
L
es as de l’aviation de chasse p Un pilote d’une unité les bonnes œuvres de la propagande,
inconnue s’apprête à partir
fascinent à plus d’un titre. Ces en mission. La vérification du ou bien propulsés au sommet de la hié-
« chevaliers du ciel » incarnent, parachute « Salvator » est
indispensable. Les Fiat G.50
rarchie militaire. Si la première partie
depuis la Grande Guerre, le et G.50bis n’ont en effet que de cette image d’Épinal est éculée en
courage et la dextérité. Leurs vertus peu à offrir face aux Hurricane
et aux Curtiss P-40. ACS
1940, la seconde demeure plutôt la règle.
s’expriment lors de joutes des temps Sauf en Italie fasciste, où l’idéologie
modernes : sanglés dans leurs machines unanimiste met en avant le groupe et
aux couleurs chamarrées, ils se saluent efface l’individu. C’est pourquoi aucune
avant d’engager le duel tout en espérant liste officielle d’as n’existe à l’époque au
que le valeureux adversaire pourra s’ex- sein de la Regia Aeronautica et les vic-
traire de la carcasse concassée. Plus le toires revendiquées le sont au nom de
palmarès est étoffé, plus la popularité est l’unité. Pour autant, on estime à plus
grande et les décorations prestigieuses. d’une centaine le nombre de pilotes de
Les « meilleurs » pilotes, bon gré mal chasse italiens ayant abattu au moins
gré, sont alors expédiés à l’arrière pour cinq adversaires.
66
Les As de la
chasse italienne
COMBATTRE pas, le régime s’évertue surtout à assurer les Castiglione del Lago, sur le lac Trasimène,
À ARMES INÉGALES commandes afin d’éviter que les ouvriers des en Ombrie. Un pilote breveté de la spécialité
centaines de petites et moyennes entreprises compte 145 heures de vol, dont 5 dévo-
Le régime fasciste est en partie l’héritier de ne se retrouvent pas au chômage et n’expri- lues au combat en haute altitude et 4 au
l’esprit futuriste qui magnifie le risque, la ment leur mécontentement. Cela entraîne la tir sur cibles statiques et mobiles, ce qui
vitesse et la guerre. C’est pourquoi l’aviation dispersion des modèles, puisqu’à l’entrée en paraît bien peu. Bien que peu puissants,
est privilégiée par le régime et bénéficie de guerre de l’Italie, le 10 juin 1940, il n’existe pas les appareils italiens sont maniables, c’est
subsides importants. À l’aune de la trentaine de moins de cinq types de chasseurs (Fiat CR.32, pourquoi l’instruction privilégie la maîtrise
records collectionnés par la Regia Aeronautica, CR.42, G.50, Macchi C.200 et IMAM Ro.44), de l’avion et les acrobaties aériennes, en
la puissance de cette dernière est surestimée avec tous les problèmes logistiques que cela filiation directe avec les expériences de la
à la veille de la guerre. suppose. Comme le dit Santoro, « chaque firme Grande Guerre. Il s’agit là d’un des nom-
En effet, les handicaps ne manquent pas, importante avait son appareil et son moteur breux archaïsmes que l’on retrouve dans
notamment au niveau technologique et indus- et ne s’adaptait pas – ou mal – à celui des l’ensemble des forces armées italiennes (et
triel. Le Centro Sperimentale de Guidonia autres [2] ». Enfin, les raffineries transalpines pas seulement elles), les « huiles » étant par
suscite l’admiration des visiteurs étrangers ne parviennent pas à produire du carburant principe réfractaires à tout esprit novateur.
qui y sont invités bien qu’aucune innovation avec un taux d’octane suffisant, sans parler L’habileté des pilotes de la Regia Aeronautica
digne de ce nom n’en sorte. L’État semble des lubrifiants qui sont pour la plupart d’origine est mise en exergue dans de nombreux témoi-
y investir à fonds perdus, puisque l’hélice à végétale et « autarcique ». gnages émanant tant des camarades allemands
pas variable, le train rétractable ou le système Parlons maintenant des ressources humaines. qui les ont côtoyés que des adversaires qui
antigivre, pour ne citer qu’eux, sont pensés Après une période transitoire initiée en 1923, les ont affrontés. Comme le déclare le
à l’étranger. De brillants ingénieurs existent la Scuola di Pilotaggio dell’Academia est inau- Kommodore de la Jagdgeschwader 27 Eduard
pourtant, mais, comme l’écrit le général gurée le 6 août 1927 à Capoue. Une fois Neumann, « la plupart d’entre eux étaient des
Giuseppe Santoro après la guerre : « Tandis formés, les pilotes intègrent les Scuole di pilotes particulièrement capables qui étaient
que l’industrie parvient à mettre au point un Specialità, celle de la chasse étant située à nés pour voler et étaient bien entraînés.
joyau de moteur de 2 500 cv pour le record
de vitesse, il est impossible pendant 10 ans de
produire un moteur de 1 000 à 1 500 cv pour
la chasse [1] ». Soulignons qu’aucun moteur
utilisé par les appareils de la Regia Aeronautica
n’est de conception italienne : ils sont tous
construits sous licence ! Les innovations princi-
pales sont le plus souvent écartées par mesure
d’économie ou pour ne pas grever les béné-
fices d’avionneurs qui, bien qu’incapables de
présenter des modèles compétitifs (comme la
Caproni), encaissent toujours les subventions.
Ces derniers persistent à employer le moteur
en étoile alors que la plupart des concurrents
équipent leurs derniers modèles des moteurs
en ligne bien plus puissant. À cela s’ajoute le
problème d’approvisionnement en matières
premières, dont le pays est presque totalement
dépendant. L’on oublie souvent que l’Italie est
à l’époque un nain industriel où les grandes
firmes sont rares. La rationalisation n’existe
67
Ils étaient exceptionnellement habiles et
leur façon de piloter donnait une très bonne
impression. J’avais personnellement une haute
considération pour eux. Je crois qu’ils ont
donné de bien meilleurs pilotes de guerre, en
termes de capacité de pilotage, que l’histoire
a bien voulu leur accorder. [3] » Le Squadron
Leader Neville Duke, du No. 112 Squadron,
reconnaît quant à lui que « Les pilotes italiens
étaient bien plus enclins que les Allemands
à engager un combat tournoyant en raison
de la puissance inférieure et de la meilleure
maniabilité de leurs appareils [4] », tandis que
le fantasque George Beurling, l’as canadien aux
31 victoires, confie à un journaliste en 1943 :
« Les Italiens sont relativement faciles à abattre.
Oh, ils sont courageux, sans aucun doute. Je
pense même que les Ritals sont plus coura-
geux que les Allemands, mais leur tactique
n’est pas aussi bonne. Ce sont de très bons
pilotes, mais ils cherchent à exécuter d’habiles
acrobaties, même quand les choses tournent
mal, alors que les Allemands, eux, prendraient
la tangente [5] ».
L’autre point noir des chasseurs italiens
demeure l’armement, bien trop léger. Jusqu’à
l’apparition des modèles de la serie V, il se com-
pose quasi exclusivement de deux mitrailleuses
Breda SAFAT de 12,7 mm, une arme de très
bonne facture, mais lourde et à la cadence de
tir peu élevée. L’ajout de deux Breda SAFAT de
7,7mm (Macchi C.202 serie VII et suivantes,
Reggiane Re.2001 et premiers exemplaires du
Macchi C.205V) ne change guère la donne en
terme de puissance de feu. Dans son opus, le
général Santoro souligne la qualité des muni-
tions de l’arme, mais d’autres mettent en
exergue le manque de projectiles perforants qui,
couplés aux incendiaires, cause pourtant des
dégâts majeurs. Si l’on ajoute à ce tableau un
équipement radio inexistant, dans un premier afin de favoriser l’esprit de corps. Il n’en reste pilotes victorieux. Ordre est donné de dresser
temps, ou défaillant, l’on mesure dans quel état pas moins qu’au bout de quelques mois de des listes précises, ce qui est une gageure au
d’infériorité chronique se trouvent les pilotes guerre, des instructions sont données afin de vu du flou artistique des années précédentes.
aux fasci face à leurs adversaires, et ce dès le rédiger des journaux de marche plus précis, De même, quelques mois avant l’armistice,
premier jour de la guerre, lorsque les biplans mentionnant, entre autres, le nom des pilotes des primes sont attribuées en fonction du type
Fiat CR.42 se mesurent aux Dewoitine D.520 ayant abattu un ou plusieurs adversaires. Selon d’appareil abattu : 5 000 lires pour un chasseur
de l’Armée de l’air. Enfin, il semblerait que les les chercheurs Giorgio Apostolo et Giovanni et 15 000 pour un quadrimoteur. Le chan-
expériences vécues par un certain nombre de Massimello, dont les travaux font depuis long- tier reste en l’état au moment de l’armistice
pilotes au sein du corps expéditionnaire qui temps autorité, les modalités d’homologation du 8 septembre 1943, tandis que les pilotes
s’est battu en Espagne n’ait eu qu’une inci- sont diverses et variées, allant de la nécessité de l’Aeronautica Nazionale Repubblicana,
dence limitée, ou tout au moins inégale, sur les d’obtenir plusieurs témoignages à la simple qui poursuivent le combat aux côtés des
tactiques adoptées au combat. En revanche, bonne foi du chasseur lui-même, par l’entre- Allemands, sont soumis aux procédures de
la gabegie de fonds et de matériel a nui consi- mise de son rapport de mission [6]. Les pilotes la Luftwaffe. Dans tous les cas, les scores qui
dérablement à l’aggiornamento technologique sont autorisés à mentionner leurs victoires sur sont attribués aux pilotes, quels qu’ils soient,
de l’industrie aéronautique italienne. leur carnet de vol [7]. Comme partout, les over- sont surtout indicatifs, compte tenu de la dif-
claims, à savoir les exagérations, sont coutu- ficulté de confirmer ou d’infirmer les victoires.
mières et s’expliquent par l’insigne difficulté de
LA LISTE DES AS, savoir, dans un combat tournoyant opposant [3] E. Neumann dans L. Lucas, Malta, the thorn in
LE FLOU ARTISTIQUE parfois des dizaines d’appareils, qui a vraiment Rommel’s side, London, Stanley Paul, 1992, p. 168.
donné le coup de grâce. De plus, les Italiens [4] N. Duke dans C. Shores & H. Ring, Fighters
Établir une liste exhaustive et précise des sont confrontés à un autre problème, de taille, over the desert, New York, ARCO, 1969, p. 224.
pilotes revendiquant au moins cinq adver- à savoir que sur les fronts où ils se battent de
[5] G. Beurling dans G. Massimello, Furio
saires envoyés au tapis nous semble « mission concert avec la Luftwaffe, leurs adversaires Niclot Doglio, un pilota indimenticabile,
impossible », quelle que soit la nationalité de la pensent que toutes leurs pertes sont à mettre au Milano, G. Apostolo ed., 1998, p. 63.
force aérienne en question. Et probablement crédit des Allemands (de bonne ou de mauvaise
[6] G. Massimello & G. Apostolo, Italian aces of
plus encore pour la Regia Aeronautica, étant foi), surtout lorsque les machines transalpines à
WW2, Oxford, Osprey Publishing, 2000, p. 44.
donné qu’aucune procédure de certification et moteur en ligne, dont la silhouette se rapproche
d’homologation des victoires n’existe avant de celle des Bf 109, font leur apparition à la [7] C’est ainsi que le charismatique Adriano
la fin de l’hiver 1942. Comme nous l’avons fin de l’année 1941. Au mois de mars 1942, Visconti passe de 26 à 10 victoires dans le
succinctement évoqué en préambule, les suc- le haut commandement italien revoit sa posi- classement, après l’examen de son logbook
réapparu à la fin des années 1990.
cès sont attribués au groupe ou à l’escadrille tion et tente de faire en sorte de valoriser les
68
Les As de la
chasse italienne
z En haut : Un pilote du 21° Gruppo Autonomo grimpe dans le cockpit de son Macchi
MC.200. Un rampant l’y aide, avec une carte sous le bras, indispensable pour tenter
de se repérer sur des étendues aussi immenses et planes que celles de l'Ukraine. ACS
z En bas : Sur cette photo de groupe du 155° Gr. CT, on peut reconnaître, entre
autres, le sergente maggiore Falerio Gelli (2e en partant de la gauche, debout),
abattu le 27 juillet 1942 en même temps que Niclot Doglio (il crashe son appareil
et, quelques jours plus tard, Beurling pose avec des trophées provenant de son
C.202) et le maresciallo Aldo Buvoli (3e en partant de la gauche, agenouillé), crédité
de 6 victoires, lui aussi abattu au-dessus de Malte et capturé. Coll. Ambrosio
69
Le maggiore Luigi Filippi participe aux premières
opérations sur la Côte d’Azur. Il est abattu par
Pierre Le Gloan le 15 juin 1940, journée faste pour
le pilote français devenu « as en un jour » pour la
propagande (4 victoires en réalité). Pendant sa carrière
opérationnelle, Filippi est crédité de 7 victoires. Il
perd la vie en Tunisie en février 1943. USSMA
70
Les As de la
chasse italienne
de s’opposer à la Regia. La colonne vertébrale grecs le 14, avant d’envoyer au tapis un Fairey au détriment d’un Blenheim Mk.I du No. 211
des unités de chasse hellènes est formée des Battle de la 33 Mira le 13 février suivant. Les Squadron. Mario Bellagambi (355a Sq., 24° Gr.
monoplans à ailes hautes PZL P.24F et G, CR.42 rivalisent avec les Gladiator, le tenente Aut.), appelé à devenir le top scorer de l’ANR
d’origine polonaise, flanqués, entre autres, de Eber Giudice (5 victoires), du 160° Gruppo avec 12 succès homologués sur un total de
9 Bloch MB.151, tandis que les escadrilles Autonomo, s’en adjuge un du No. 80 Squadron 14, parvient à descendre le Hurricane Mk.I
de bombardement sont composées de maté- le 21 décembre 1940. Ce sont surtout les du Flight Lieutenant « Dicky » Abrahams le
riels hétéroclites. Techniquement, les Grecs Blenheim qui leur paient un lourd tribut : le 28 février 1941. Évoquons enfin le tenente
peuvent rivaliser avec les Italiens, mais ces sergente Osvaldo Bertolaccini, du 150° Gr., Livio Bassi (395a Sq. du 154° Gr. Aut.),
derniers ont l’avantage du nombre et de l’ex- en revendique trois le 6 janvier 1941 et deux sympathique pilote originaire de Trapani,
périence, tout au moins jusqu’à ce que les autres le 27 février [13]. Les pilotes de G.50, en en Sicile. Le 20 décembre 1940, il cause
Anglais n’interviennent sur ce théâtre d’opé- dépit de la moindre maniabilité de leur monture, la perte d’un Potez 63 de la 31 Mira puis,
rations au début du mois de novembre. Bien ne sont pas en reste. Le 11 novembre, le capi- le 6 janvier 1941, il participe à la destruc-
que les conditions météorologiques soient tano Pier Luigi Scarpetta, commandant de la tion d’un Blenheim du No. 211 Squadron
épouvantables pendant des mois, l’activité 395a Sq. du 154° Gr. Aut., déjà titulaire d’une avant d’en abattre un autre individuellement.
aérienne y est assez intense. Giorgio Graffer, victoire en Espagne, revendique un Blenheim L’équipage britannique parvient à amerrir et
premier pilote italien à remporter une vic- Mk.IV de la 32 Mira, puis un autre bimoteur se jette à l’eau. Bassi exécute alors des mou-
toire nocturne le 14 août 1940 [12], participe du même modèle, mais de la RAF cette fois, vements avec son appareil afin de mener sur
à la destruction de trois chasseurs grecs le le 13 février 1941 [14]. Le 22 décembre, le les lieux un torpilleur italien, qui récupère les
2 novembre, mais il perd la vie le 28 du même sergente Manfredo Bianchi (154° Gr. Aut., 5 hommes promis à une mort certaine en raison
mois lors d’un combat contre des Gladiator victoires) abat deux Blenheim Mk.I du No. 84 du froid. Livio Bassi, crédité de 6 victoires,
du No. 80 Squadron. Le 3 novembre, Ugo Squadron, tandis que le sottotenente Giuliano est grièvement blessé lors d’un combat avec
Drago ouvre son compteur (un PZL P.24 de Fissore, du même groupe de chasse (6 vic- des Hurricane le 20 février ; il décède dans un
la 23 Mira), et y ajoute deux autres chasseurs toires), ouvre son compteur le 31 décembre hôpital italien le 2 avril suivant.
t Ce pilote du 160° Gruppo Autonomo
CT s’apprête à décoller d’un aérodrome
albanais. On reconnaît l’insigne
de la 394a Squadriglia, un profil du
Duce Benito Mussolini. ACS
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EN AFRIQUE ORIENTALE, L’AS DES AS
DES BIPLANS DE TOUTE LA GUERRE p Le tenente Mario Visintini est le premier as
italien reconnu et « l’as des as » sur biplans
L’autre théâtre d’opérations de la « guerre scientifico, « le chasseur scientifique », par la de toute la guerre, avec 16 victoires au moins.
Certes, à cette époque, les nations alignant ces
parallèle » voulue par Mussolini se situe sur propagande, pour son souci du détail et son modèles en première ligne ne sont pas légion, en
le continent africain. Les fronts sont ouverts étude minutieuse des machines qu’il affronte. Il l’occurrence l’Italie et le Commonwealth. USSMA
afin de ne point laisser l’Allemagne vaincre est par ailleurs chronologiquement le premier as
z Le tenente Livio Bassi assis sur le capot de
seule, d’autant que le dictateur latin mise sur transalpin de la guerre, lorsque son cinquième son Fiat G.50. Titulaire de 6 victoires, il disparaît
une victoire rapide de son puissant allié. succès est homologué le 1er septembre. durant la guerre italo-grecque. Coll. Bassi
Les forces armées royales d’Afrique orien- Le 11 juillet 1940, c’est le sergente maggiore
tale italienne (AOI) sont totalement isolées Enzo Omiccioli, de la 410a Sq. [15], qui inau- Ils se placent, soleil dans le dos, au-dessus
et ne peuvent compter que sur un ravitaille- gure son palmarès (5 victoires). Originaire des lents bombardiers qu’ils escortent, afin
ment sporadique, par voie aérienne. La Regia des Marches, cet homme posé et respecté de plonger sur les Gladiator et les Hurricane
Aeronautica y aligne essentiellement des Fiat pour ses qualités humaines envoie un Hawker attirés par le gros gibier. Le 29 décembre
CR.32 et CR.42 au sein de ses escadrilles de Hartbeeste du No. 40 SAAF Sqn. au tapis, 1940, alors que des Hurricane du No 2 SAAF
chasse. Les formations du Commonwealth ne aux commandes d’un CR.32. Un autre pilote Squadron attaquent l’aérodrome de Bardera,
sont guère mieux loties. Elles possèdent un de la même escadrille, le sergente Alberto le sottotenente Osvaldo Bortolozzi (413a Sq.)
matériel hétéroclite, la South African Air Force Veronese [16], abat un Blenheim le 18 août, décolle avec son ailier et descend le Flight
(SAAF) et la Southern Rhodesian Air Force alors que le Somaliland est en passe d’être Lieutenant R.S. Blake, premier de 6 succès
épaulent une RAF qui en a bien besoin. Ce abandonné par les Britanniques aux troupes homologués (dont 3 en AOI). Quatre autres
n’est finalement que sur le plan de la logistique du duc d’Aoste. Il s’agit de la première de pilotes se distinguent sur ce front oublié de la
que les forces de l’Empire britannique sont ses 6 victoires, toutes obtenues sur CR.32. Seconde Guerre mondiale, comme le sergente
véritablement supérieures. Le 14 juin 1940, un Veronese accomplit même l’exploit de des- maggiore Luigi Baron (412a Sq.), qui reven-
Vickers Wellesley Mk.II du No. 14 Squadron cendre un Martin 167F [17] le 16 décembre dique son douzième adversaire le 25 mars
est abattu par le tenente Mario Visintini, de 1940 et le Hurricane Mk.I du Major L.A. au-dessus de Keren avant d’être lui-même
la 412a Sq., dans le secteur de Massaoua. Wilmot (No 1 SAAF Squadron) le 23 février abattu. Parvenu indemne au sol, il se cache
Ce remarquable pilote originaire d’Istrie (en 1941 ! Si les pilotes italiens revendiquent pendant deux ans avant de pouvoir regagner
Croatie actuelle), vétéran d’Espagne (2 vic- davantage de succès que leurs opposants sur l’Italie ! Dans la même escadrille que Baron,
toires), est rapidement surnommé il cacciatore ce front, c’est grâce à une tactique bien rodée. citons le maresciallo Aroldo Soffritti, crédité
72
Les As de la
chasse italienne
LE « VERDUN DU CIEL » DES ITALIENS [18] Raffi revendique 5 victoires, dont 4 Gladiator,
selon H. Gustavsson & L. Slongo, Gladiator vs
Cette comparaison avec la bataille la plus dans la mesure de leurs moyens, éparpillés CR.42 Falco, Oxford, Osprey, 2012, p. 76.
emblématique de la Grande Guerre sur le entre l’Afrique, l’Albanie et la Méditerranée. [19] Son frère Licio, nageur de combat de la
front de l’Ouest n’est pas usurpée. En effet, Les raids de bombardiers sont sporadiques et Xa Flottiglia MAS, est tué lors d’une opération
la plupart des groupes de chasse de la Regia ne provoquent que relativement peu de soucis contre Gibraltar le 8 décembre 1942. Les
Aeronautica y accomplissent un cycle, à l’instar aux défenseurs de l’île. La guerre aérienne qui deux frères sont décorés de la Medaglia
d’Oro al Valore Militare à titre posthume.
des unités françaises de l’époque de Verdun, la est menée est quasi chevaleresque, les belligé-
« noria » voulue par le général Pétain, sauf que rants communiquant chaque soir par câble afin [20] White Anglo-Saxon Protestant.
les Italiens y tiennent le rôle des Allemands. de s’enquérir du sort des pilotes et équipages
En outre, nombre de pilotes y connaissent des non rentrés à la base. Tout change à partir du
fortunes diverses, face à un adversaire résolu mois de décembre 1940 avec l’arrivée en Sicile le capitano Claudio Solaro (70a Sq., 23° Gr.
et équipé d’excellentes machines. du X. Fliegerkorps de la Luftwaffe, accouru Aut.), qui, aux commandes de son Falco, cueille
Malte, l’épine dans le pied des forces de l’Axe sur place pour dompter les effrontés. la première de ses 10 victoires, après une pre-
en Méditerranée, tient bon, même à la limite de De nombreux combattants y remportent leurs mière homologuée en Espagne, le 23 novembre
l’asphyxie durant l’été 1942. Jusqu’au mois premiers succès ou étoffent leur palmarès à la 1940 aux dépens du Hurricane du Flight
de décembre 1940, les Italiens n’agissent que verticale de l’inexpugnable forteresse, comme Lieutenant H.F. Bradburry (No. 261 Squadron).
73
En 1941, ce sont surtout les escadrilles équipées de
Macchi C.200 qui sont concernées, une fois les machines
débarrassées de leurs problèmes structurels. Le sottote-
nente Natalino Stabile (88a Sq., 6° Gr. Aut.) s’adjuge un
Hurricane et un autre en collaboration le 23 mars, tandis
que le sergente Walter Omiccioli (7° Gr., 54° St.), frère
cadet d’Enzo, abat son premier le 30 juin avant d’en
revendiquer deux autres le 26 juillet et le 26 août, soit le
tiers de ses victoires totales obtenues au-dessus de Malte.
L’un des pilotes les plus prolifiques de la Regia, le sot-
totenente Leonardo Ferrulli (91a Sq., 10° Gr., 4° St.),
note sa quatrième victoire de la guerre (sur un total de
20) le 4 juillet, cependant que le tenente Franco Lucchini
(90a Sq., 10° Gr.) inscrit 5 Hurricane à son tableau de
chasse entre le 27 juin et le 4 septembre (total de 21).
Le mois de septembre 1941 marque d’ailleurs le début
de la transition sur Macchi C.202 Folgore au sein des
escadrilles stationnées en Sicile. Fin et racé, ce nouveau
chasseur est supérieur au Hurricane et sensiblement égal
au Spitfire Mk.V, sauf en armement, toujours lamenta-
blement insuffisant. La première victoire sur C.202 est
obtenue par le sottotenente Iacopo Frigerio (97a Sq.,
9° Gr., 4° St.) le 30 septembre au détriment du Pilot Leonardo Ferrulli est l’un des principaux as italiens, avec 20 victoires.
Il est abattu le 5 juillet 1943 au-dessus de la Sicile. DR
Officer Lintern, du No. 185 Squadron, tandis qu’entre le
19 octobre et le 1er novembre, Teresio Martinoli (73a Sq.) Cette photo prise le 24 juin 1942 permet d’immortaliser un excellent pilote, le capitano
note trois Hurricane et un Blenheim dans son logbook. Carlo Miani (au centre), commandant de la 360a Squadriglia du 155° Gruppo CT. Avec
Idem pour le tenente Alvaro Querici (73a Sq., 9° Gr., deux autres pilotes, il est décoré d’une Medaglia al Valore Militare après la bataille
aéronavale qui vient de se dérouler. Il est crédité de 7 victoires. Coll. Miani
4° St.), qui revendique trois monoplans le 20 octobre
et le 23 novembre.
En 1942, l’affaire maltaise se corse car les adversaires
ont troqué leurs vieux Hurricane pour des Spitfire Mk.Vc
flambants neufs. Alvaro Querici en revendique tout de
même un le 4 mai, quatrième de ses 6 victoires, tandis
que Franco Lucchini, passé à la 84a Sq., s’en adjuge
deux entre le 9 et le 15 mai, plus un autre endommagé.
Le top scorer italien, Martinoli, n’est pas en reste et
inscrit 5 Spitfire et un autre probable à son crédit entre
le 4 et le 16 mai. Un nouvel appareil, doté du même
moteur en ligne d’origine allemande – le Daimler-Benz
DB 601 – que le C.202, participe aux combats de la fin
du printemps et de l’été 1942, lorsque l’île est soumise
à un Blitz intense qui semble annoncer une opération
amphibie imminente [21]. En effet, le Reggiane Re.2001
équipe la 150a Sq. du 2° Gr. Aut., au sein duquel se
distinguent le marseciallo Olindo Simionato, qui annonce
2 Spitfire détruits le 10 mai et le 7 juillet (sur un total
de 6 victoires opérationnelles), tandis que le tenente
Agostino Celentano en revendique 5, ce qui ferait de
lui le seul as connu sur ce type d’appareil (5 succès,
plus 2 avec l’ANR).
Les mois de juin, juillet et août soumettent les pilotes
des deux camps à une activité harassante. Les convois
« Harpoon » et « Pedestal », destinés à ravitailler Malte,
donnent lieu à deux engagements aéronavals de grande
ampleur, notamment autour de Pantelleria. Le tenente
Adriano Visconti (76a Sq., 7° Gr., 54° St.), ancien pilote
d’assaut, y obtient sa première victoire le 15 juin aux
dépens d’un Blenheim, avant d’ajouter deux Spitfire le
13 août. Le capitano Carlo Miani, commandant de la
360a Sq., se met en évidence le 2 juin et le 7 juillet en
annonçant la destruction de trois Spitfire, d’un probable
et de deux autres endommagés. En face des Germano-
Italiens, le Pilot Officer George F. Beurling, originaire du
Canada et en poste au No. 249 Squadron, se taille une
solide réputation de chasseur impitoyable [22]. Évoquant
son combat du 6 juillet au journaliste Leslie Roberts,
pendant lequel son appareil est endommagé mais au
cours duquel il s’adjuge un C.202 et un Re.2001, le
Canadien déclare : « J’ai appris quelque chose d’autre Furio Niclot Doglio, ici à bord de son Macchi MC.202 au premier plan, revendique une victoire sur
Fiat G.50 en Afrique du Nord puis combat au-dessus de Malte en 1942. Il est alors commandant de la
sur ce coup, quelque chose dont j’avais souvent entendu 151a Sq. du 51° Stormo, avec son célèbre insigne du gatto ed i sorci verdi (le chat et les souris vertes).
parler mais que je n’avais jamais vu. C’était des Macchi, Il y revendique 6 Spitfire Mk.Vc. Il est abattu et tué par l’as canadien G. Beurling le 27 juillet 1942. DR
74
Les As de la
chasse italienne
COMBATTRE DANS DES CONDITIONS EXTRÊMES [23] G. Beurling et L. Roberts, Malta Spitfire,
Ces deux théâtres d’opérations se caracté- machines. En Afrique du Nord, le sable use Mechanicsburg, Greenhill books, 2012, p. 140.
risent par les difficiles conditions climatiques les moteurs et en réduisent les performances [24] Ennio Tarantola dans G. Massimello, op. cit., p. 53.
qu’ils imposent à la fois aux hommes et aux qui sont déjà médiocres. Les filtres anti-sable
75
1 2
C’est notamment le cas de Franco Lucchini, (77a Sq.) qui envoie au tapis six appareils enne- « Woody » Woodward : « Ils étaient de bons
au sein de la 90a Sq. ; lors du second semestre mis entre le 29 juin et le 12 décembre. chasseurs, ces Ritals, et n’avaient rien à envier
1940, il abat trois appareils et 16 autres en En 1940-1941, les escadrilles de chasse ita- à n’importe quel Boche dans le domaine du
collaboration. Il participe au combat épique liennes combattent sur Fiat CR.42 et G.50bis, combat aérien [25] ». Certains pilotes vivent
du 4 août 1940 qui aurait pu coûter la inférieurs aux Hurricane, avant de passer sur une longue permanence en Afrique, dans
vie à deux futurs as britanniques, le Flight Macchi C.202. Pour autant, les biplans mènent des conditions qui usent les organismes et le
Lieutenant « Pat » Pattle (descendu par la vie dure aux monoplans de l’Empire bri- moral : dysenterie, permissions rares, cour-
Lucchini) et le Pilot Officer Wykeham-Barnes tannique, qui doivent aussi composer avec rier aléatoire, ravitaillement inégal. De plus, à
(abattu par le capitano Duilio Fanali, remar- les Bf 109 F du Fliegerführer Afrika depuis la mesure que la guerre se prolonge et que les
quable pilote auquel certaines sources attri- fin du mois de février 1941. Contrairement États-Unis entrent dans la danse, la supériorité
buent 15 victoires alors que son logbook ne à ce que laisse entendre la propagande de de l’ennemi (numérique, logistique et techno-
ferait apparaître que 4 succès individuels). guerre de l’époque, les pilotes de Sa Majesté logique) devient écrasante. Parmi les « vieux »
L’un des aviateurs les plus capés de l’année ne sous-estiment point leurs opposants latins, d’Afrique, citons le maresciallo Angelo Savini
1940 en Libye est le capitano Giulio Torresi comme l’écrit l’as canadien Pilot Officer Vernon (378a Sq., 155° Gr. Aut.), qui revendique 7
1. Le capitano Raineri
3 Piccolomini Clementini Adami
(92a puis 90a Sq.) se forge
un beau palmarès en Afrique
du Nord. Il y revendique au
moins 7 victoires. Coll. Zavattini
2 et 3. Des pilotes et du
personnel italiens inspectent
les épaves d’un Hurricane et
d’un Curtiss P-40 abattus par
des chasseurs de la Regia
Aeronautica en Libye. ACS
5. Le sottotenente Franco
Bordoni Bisleri trône
sur son CR.42 de la 95a
Squadriglia. On note son
surnom « Robur » inscrit
à l’arrière. Il est crédité
de 19 victoires selon la
plupart des sources. DR
76
Les As de la
chasse italienne
77
u Un Macchi C.202 de la 81a Squadriglia s’apprête
à décoller d’un aérodrome libyen. L’arrivée d’un
tel appareil permet aux pilotes italiens de rivaliser
technologiquement avec leurs opposants, mais
le problème de l’armement demeure. ACS
78
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chasse italienne
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1 2
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chasse italienne
3 4
CONSIDÉRATIONS FINALES
Comme nous l’avons évoqué en début d’article, tous
les succès revendiqués ne sauraient être attribués
comme sûrs. Ni les journaux de marche des esca-
drilles (nationales et adverses) ni les logbooks ne sont
fiables à 100%, sans parler des archives manquantes
ou disparues pour de multiples raisons. Pour autant, les
scores des pilotes de chasse italiens sont parfaitement de ravitaillement en carburant et en pièces de rechange, et une production de
comparables à ceux de leurs homologues occidentaux, guerre qui s’éparpille en de multiples projets, au lieu de se concentrer sur un ou
allemands exceptés, qui oscillent généralement entre 5 deux modèles, et qui ne parvient à sortir que quelques dizaines d’appareils par
et 30 victoires. Les overclaims, selon l’anglicisme consa- mois. À l’aune des témoignages dont nous pouvons disposer, il apparaît clairement
cré, ne sont pas plus significatifs qu’au sein de la RAF que l’habileté des pilotes de la Regia Aeronautica fait l’unanimité, même chez les
ou de l’USAAF par exemple. Il convient aussi de prendre Allemands, pourtant peu enclins aux compliments [31]. Rares sont ceux qui ont
en compte l’infériorité chronique des machines (notam- prétendu le contraire [32], le plus souvent pour des motifs qui n’ont rien à voir
ment dans le domaine de l’armement), les difficultés avec la réalité historique.
81
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n°23 : Le bombardier en piqué (Réf. 523) n°47 : Les Stukas de Rommel (Réf. 547) Ville : ...............................................
n°25 : Le Menschel RS 123 en opérations (Réf. 525) n°52 : 49th Fighter Group au combat (Réf. 552) Pays : ..............................................
n°26 : Jagdgeschwader, les escadres de chasse (Réf. 526) n°53 : La menace fantôme, V1 contre RAF (Réf. 553) E-mail : ............................................
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n°37 : Kamikaze, la vanité de l’héroïsme (Réf. 537) n°67 : L'aviation embarquée allemande (Réf. 11067)
Date d’expiration : ...........................
n°38 : Jagdgeschwader, les escadres de formation (Réf. 538) n°68 : « Tueurs de chars » (Réf. 11068) Signature :
n°40 : Insurrection en Irak (Réf. 540) n°69 : Les P-47 du 353rd Fighter Group (Réf. 11069)
n°41 : Kampfgeschwader KG 200 (Réf. 541) n°70 : Dans l'ombre de Marseille (Réf. 11070)
n°42 : KG 200 « Beethoven » (Réf. 542) n°71 : Mission 84 - Le 1 raid sur Schweinfurt (Réf. 11071)
er
n°43 : Les As de l’armée impériale japonaise (Réf. 543) n°72 : Le Focke-Wulf Ta 152 en opération (Réf. 11072)
n°44 : Monstres marins : le Martin PBM Mariner Réf. 544) n°73 : Convair B-36 Le "Pacificateur" (Réf. 11073)
n°45 : Jagdverband 44 (Réf. 545) n°74 : L'aviation finlandaise (Réf. 11074) Attention ! Les Eurochèques, cartes Maestro
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