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extrait des douze clefs de philosophie de frère Basilius Valentinus (Basile Valentin).
AVANT-PROPOS
Savez-vous que dans les prisons de l’esprit, rien qu’un simple bruit de trousseau
de clés peut ouvrir une porte ?
Tout comme deux cœurs qui palpitent et dialoguent pour s’ouvrir l’un à l’autre,
pour s’entrouvrir avec désir, crainte, courage ou humilité, ou pour se fermer un
temps ou même pour la vie... C’est ainsi, depuis toujours, la clef, son trou et la
serrure sont comme des corps qui se coulent l’un dans l’autre en produisant de
langoureux cliquetis ; tels des corps qui se convoquent, s’appellent, s’attirent et
s’articulent en coïncidences plus ou moins ajustées, dans un jeu de pénétration et
de pêne mystérieux.
Oui, clés et verrous, sont comme de grandes histoires d’Amour, avec un grand A,
aux portes mêmes du ciel et du Cosmos. Quand un dieu ou quelques Rois ne
viennent pas s’en mêler, depuis Marc-Antoine et Cléopâtre, jusqu’à Tristan et
Iseult, Romeo et Juliette, Héloïse et Abélard ou Paul et Virginie, les portes
s’ouvrent et se ferment, les clefs et les serrures cliquent autour de grandes
comédies romantiques ou pour des drames shakespeariens, ou des tragédies
comme Andromaque, Phèdre et Hippolyte de Jean Racine. C’est cybernétique,
quand une clef O aime une serrure H qui aime une clef P qui aime une serrure A
qui aime H’ tué par A’ durant la guerre de Troie, les portes portent malheur !
C’est une évidence de bec-de-cane, quand les clés, les verrous et les portes
s’articulent en ces mouvements par lesquels un corps en pénètre un autre pour se
tourner sur lui-même dans une harmonie plus ou moins ajustée, il y a de la vie et
du mystère ! De la vie et du mystère comme dans ces contes de panneton, cette
partie de la clé qui pénètre profondément dans les trous de serrures de la réalité,
pour agir et réveiller le pêne dormant comme la Belle dormant au bois de Charles
Perrault.
Des huis clos et des chambres jaunes dont les portes et les volets sont verrouillés
et fermés de l’intérieur ; des histoires de bobinettes, de chevillettes et de loquets
parfois absents, parfois bloqués comme dans des contes et des comptines de clés
tachées de sang, c’est-à-dire de sens et de non-sens, car toutes les clefs sont de
nature magique !
Clef, trou, verrou, porte sont comme de divines mécaniques, aux loquets des jours
et des corps visibles et invisibles qui coïncident comme caresse bien huilée, tout
comme des engrenages de pendule.
Bien au-delà des trous de mémoire, comme un Saint Graal « La clé de l’Homme »
nous manque amèrement ! Oui, les clés nous fascinent, tout comme nous
envoûtent les trous noirs dans la voute céleste et les trous de serrure des portes
secrètes. L’homo sapiens est-il la clef de l’Homme, ou l’Homme n’est-il pas tout
simplement une énigme de Sphinx, une folie des dieux et une intrigue pour tout
homme sage ?
Tourner la clef, dans un sens ou dans l’autre, cela est mécanique et cinématique
en même temps ; mais n’est-ce pas toujours tourner en rond en quelque sorte ?
Entrer pour ressortir, passer d’un acte à un autre, d’un lieu à un autre, d’une
nouvelle preuve à une nouvelle épreuve ? D’ouvertures possibles à d’impossibles
passages, avec des portes qui se ferment toutes seules en claquant d’un bruit sec ;
des portes qui coincent, couinent et finissent par s’ouvrir finalement pour abolir
le temps et l’espace par leur dimension sémantique, imaginaire ou symbolique ?
Des générations de serrure en témoignent ; chaque mot est « une clef », une perle
de clef, celle d’une porte d’alchimiste, d’un atelier d’artiste, d’un bureau de poète,
d’un laboratoire ou d’un oratoire ; d’une porte qui s’ouvre sur toujours plus de
Réel ou sur quelques réalités des plus banales ; dès lors, il nous faut donc rester
debout et vigilant, et surtout faire attention à notre manière d’utiliser les clefs et
d’ouvrir les portes, et à la matière même dont nous façonnons les clés, et plus
encore, à la façon la plus sage que nous avons d’entrebâiller les portes et d’ouvrir
les mots pour les entrouvrir à toujours plus de liberté, de vérité et de réalité.
(...)
LES DOUZE PORTES, extrait.