Co5) 199 9
NE or
JOURNAL DE
SYGHOLOGIE
normale et pathologique
FONDATEURS : P. JANET ET G. DUMAS
DIRECTEUR : I. MEYERSON
SECRETAIRES : Y. LEROY, J. P. VERNANT
MANIFESTATIONS VOCALES
Y. Lenov. — Communication acoustique et socialité chez les Mam-
M. Goustarp. — Les vocalisations des Singes anthropomorphes. .
ANALYSES ET COMPTES RENDUS
¥
PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCEa0 JOURNAL DE PsvcHOLoGrs
ralité, La montée des cadences accrott Io névrosisme et I'émotion. Commo
Yavait affirmé W. Grossin : « Les temps étroitement préparés, imposés,
cenlévent & individu le godt de l'organisation et de la production des temps
personnels. Is limitent sa disponibilits, sa sociabilité. » On assiste & un
fenfermement sur soi-méme, & un « effet de robotisation », qui s'aceroissent
‘avec Page. La désocialisation la plus accusée se trouve chez ceux qui tra-
vvaillent depuis le plus de temps au rendement.
La notion que Ie temps & soi doit pouvoir étre construit par le travaillewr
Iui-méme & mesure qu'il conduit son travail ressort pleinement de cette
recherche bien conduite.
A, Fennanper-Zolta.
Lovts Duwoxr. — Homo hlerarehicus. Le systitme des castes ot ses impli-
cations. 1 vol. in-16 de x1-449 p. Collection : « Tel ». Paris, Gallimard,
1979.
Homo hiererchieus, publié en. 1966 (nous en avons rendu compte ici
Journal de Psychologie, 1968, p. 105), est aujourdhui republié par le méme
Editeur. Le texte est le méme, y compris ses quatre substanticls Appendices,
la bibliographic ot les notes étant mises & jour. Cette édition ajoute une
Préface et une courte Postface.
‘La Préface répond en détail aux critiques qui ont accueili la premitre
dition, surtout a celles d’autours anglo-saxons, habituellement imprégnés
dempiricisme, Souvent done ils alldguent des faits, — sans prondre assox
‘en compte les nombreuses recherches positives de I'auteur, menées souvent
‘sur le terrain, D’autres fois ils incriminent ses positions théoriques."A ebté
du reproche, que L. Dumont récuse, de donner le primat & Vidéologie dans
Vexplication d'une société, certains chercheurs ont refusé son dualisme,
Yopposition générale entre Phomo hierarchicus (dont le modéle, W'Inde,
‘est la seule société structurée en castes, celles-ci se définissant moins par
exclusion mutuelle que par la relation aux autres et & l'ensemble) et
Thomo aequalis (disons, Vindividualisme et la séparation des faits et des
valeurs) ; c@ demier mode de penser nous est devenu si habituel que nous
sommes allergiques & la higrarchio ot n’arrivons plus & la comprendre.
Crest a Pétude de ce mode occidental moderne que L. Dumont s'est consacré
ces demniéres années et un premier volume a été publié. Autre aspect
fondamental du dualisme qui n'a pas toujours été admis : Ia séparation,
dans Finde, entre statut et pouvoir, brahmane et roi. Sur tous les points,
importants, L, Dumont maintient ses positions ou méme les renforee.
‘La Postface en ébauche Ie cadre théorique élargi. Pour la pensée
‘moderne, il y a juxtaposition des éléments, et dialectique : les contradictions,
doivent étre dépassées, et la synthése apparalt comme une réalité nouvelle,
tun changement, Dans In ponsée hiérarchique, la totalité est premiére, le
rapport est celui de lenglobant et de lenglobé, et le contradictoire n'est
AWALYSRS BT COMPTES RENDUS ™
‘pas rejoté mais situé dans le systéme, ou, comme dit Ie texte, il y a « trans
feendance au cosur de la vie sociale ». Peut-stre pourrait-on se demander
fi L. Dumont ne sous-estime pas le fait que le mode linéaire et indivi-
Gualiste a déja largement fait place & des formes de réalité et de penste
« systémiques » 7
‘En oe qui conceme le systéme des castes, L. Dumont, qui y a consacré
tant de recherches, estime que les problémes qu'il souléve sont encore
loin a’étre pleinement élucidés.
M, Danpuvant.
‘Parnrcx Tone. —Physique de I'Etat, Examen du Corps politique de Hobbes.
4 vol. 13,6 x 24 om de 72 p. Paris, Vrin, 1978.
Patrick Tort nows propose une lecture do Hobbes qui fait apparatre
laneture physique » de sociétés humaines, comme cela déeoule des théores
proposées dans le « Corps politique» do 4640, Le postulat do Hobbes est. que
ry relations humaines sont & Tintérieur de la société comme des Schanges
‘er des foros singuliéres qui, dans un expace de coexistence et 'aftron-
ement virtue, tendent & s'onnuler réciproquemént dans la mort. Pour
Hobbes, parce que la mort limite Ta vie do chacun et paroe quo chacun
f pourel de mort sur autru, i existo ont les hommes une éyalité natu-
hes Pégalité devant la mort. Par ailour, sila société des Absiles ext
Tatwrellement harmonieuse, il n’en est pas de méme pour les sociétés
Thumaines, car les hommes s'opposent par la diverité de leurs tempéra-
‘ments, celle de leurs jugements, celle de leurs passions. ‘Liétat de guerre
vet naturel cher Vhomme. Pour qu'une sciété humaine puisse se constituer
sce maintoni il faut que Passociation repose sur un consentement. ins
ston Hopbes, P6tat naturel social de Vhomme est Ia tension, mais estte
feuion peut Bre combattue par convention, par contrat, Pour Hobbes,
Yhomme naturel devient homme contractant grice & Veffet «
homme pense Pautre par rapport & Tuismfme. II en natt une défiance
vntuale gui ne peut Eire rompuo que par contrat. Ainsi la théorie hob-
Henne ge déroule comme uno « physique »: le « Corps politique » existe dos
fom quaux relations agonistiques ont sucobdé des relations contractulles.
‘Mais cet état social en appello un autre plus stable qui repose sur la
présence d’une autorité, d’un pouvoir, d'un souverain, Ge nouvel équilibre
vival elimine lo sujet paychologiquo présent dans la spécularité, et V'indi-
Mt devient une personne juridique. Ainsi, dans un second temps de Ta
physique de Etat, le contrat engendre le souverain.
a question qu pose P. Torta la théorie hobbienne est celle de savoir
si cet Omulibye social 20 constitu do maniére naturllo ou artifical, s'il
That en shercher une forme de référence prélimineire de type physiologique,
Ghimigue, mathématique, physique ou esthétique.
Pour Hobbes, la chute adamique correspond au dérigloment de Vhomme-1 JOvRNAL DB PsvcHOLOGIS
‘animal. La nature humaine est alors une nature dégénérée. Il se construit
lune société humaine, un ftat-monstre, grand automate, un Léviathan
auquel la société d'Abeilles sert de modéle ; mais, notons-le bien, non a la
maniére d'une référence absolue, mais & la maniére relative d'un moddle
eathétique.
On sait que Hobbes a proposé uno classification des sciences. La Poli-
tique s'y comprend comme une physique des passions, bien que homme,
instituteur des droits et des devoirs, puisse imaginer un modble plus abstrait,
construit selon une mathématiquo. Tin fait, modéle mathématique, modéle
physique cooxistent et s'opposent dans la théorie politique de Hobbes.
Tl faut louer Patrick Tort do la finesse de son analyse qui montre les
‘nuances contenues dans Pcouvre de Hobbes concornant ce qui est naturel et
artificiel dans la société humaine. Plus de trois cents ans aprés le Léviathan,
Jo recours aux modéles animaux pour comprendre les comportements
humains est toujours en vigueur, souvont de maniére moins prudente que
chez Hobbes, et le probléme de V'inné et de Vacquis continue & se poser de
manitre aussi fantaisiste en sociologio humaine que chez Hobbes, malgré
acquisition de données scientifiques pourtant importantes.
Petit ouvrage trés dense, & lire
Yv. Lenov.
Juan Renvorsé. — Web of violenes, A study of family violence. 4 vol. in-16
do-256 p. (Routledge & Kegan Paul, 1978) et Penguin Books, Harmonds-
worth, 1979
On parle abondamment de la violence ces tomps-ci, mais ils'agit presque
toujours de ce qui se passe en public. Ici, ils'agit — objet d’étude beaucoup,
plus difcile& atteindre — de ce qui a lieu & Vintériour des familles : femmes
battues, vieillards maltraités, enfants battus (sur lesquels auteur avait
publié un livre en 1974), incestes. La vietime, le plus souvent, ne révéle pas
‘ow méme s’efforce de dissimuler son malheur, — par honte, par ignorance
des protections légales, par peur des représailles, par impossibilité de vivre
séparée, par accoutumance, ote. Aucune statistique n'est actuellement
possible, mais quelques recherches sériouses, médicales ou sociologiques, ont
‘commencé & explorer le terrain, et l'autour en donne des exemples étendus.
‘Son dessein est, & partir des premiéres causes analysées, de proposer quelques,
remédes, Du fait que auteur est une Anglaise, ses remarques sur la situation
légale et sociale et sur les organismes de secours ne sont pas toutes transpo-
sables ; néanmoing il y a lien d’étro attentit & ses réflexions et suggestions.
Lellivre commence par Vexposé détaillé du cas d'une femme qui vient se
faire soigner. Ses grands-parents battaient ses parents, ceux-ci ont gardé
homme qu'elle aimait,
ANALYSES BT COMPTES RENDUS 1
tion dont il bénéficiait) ; aprés plusieurs essais de reprise de la vie commune,
‘lle se sauve avec Venfant ; puis elle prend un amant avec qui la vie est
Wabord calme, mais, lorsqu’ils ont & lour tour un enfant, homme se prend
ne plus supporter le fils de Pautre, et a le battre ainsi que la femme.
Celle-ci non seulement se met & répondre aux hommes coup pour coup, mais,
lle se sent contaminée par l'impulsion & frapper : c'est pour protéger ses,
enfants qu’ello viont domander & étre traitée.
‘Aux détails prés, beaucoup de cas ressemblent & celui-la. Ce qui fait Ia
sgravité de ces comportements (en dehors méme des drames), c'est leur per-
sistance et lour enchainement, leur mécanisme de «toile d’araignée », comme
it le titre du livre, Une fois le pas franchi, les premires blessures physiques,
‘ou morales infligées, la violence no cesse pas spontanément, de plus elle se
propage par imitation ou déséquilibre acquis, aggravée souvent par Valcoo-
Tisme et aussi par "'amoindrissomont des rapports avec le milieu. Souvent
homme et parfois la femme se venge sur les enfants des mauvais traite-
‘ments repus des parents et évontuollement du conjoint : il y a ainsi des
familles o8 ne savent s’établir, de génération en génération, que des relations
do violence.
Certes, la situation do la femme s'est améliorée quand elle a cessé d’étre
‘coupable aux yeux de la loi si elle quitte le domicile pour se protéger ; mais,
il faut aussi qu'elle ait un métier ou des moyens d’élever soule les enfants.
Quant aux enfants maltraités, ils souffrent des coups, surtout sls sont trés
jounes (membres cassés, retards de croissance, etc.) ; mais ils souffrent aussi
des tins croisés entre les parents 4 quiils servent souvent d'otages ou d’appat,
de la fatigue des nuits agitées, des départs do la mére, de l'atmosphere irres-
pirable. Ils deviennent renfermés ou agressifs, lour personnalité se détériore
‘considérablement. Souvent aussi, le pire violent devient un modéle, V'enfant.
ot Padolescent s"habitue & employer la violence pour obtenir ce qu'il veut.
Ainsi, de bien des fagons, 1a violence engendre Ia violence. A lui seul,
Aailleurs, le manque de tendrosse ot do sécurité est nocif dés le début de la
vvie, et cette frustration a d’étonnantes conséquences. L'auteur paratt
regretter Ia pratique des femmes du Tiers Mondo qui portent constamment
sur elles leur bébé, dont elles connaissent aussitOt les besoins ; en tout cas,
lle estime qu'il faut éviter toute séparation brutale aprés Paccouchement.
‘Un chapitre est consacré & T'inceste, — encore plus difficile & déceler que
les autres violences, mais qui n'est, lui non plus, ni rare ni passager. 1! ne
s'agit presque jamais de relations sexuelles entre une mere ot son fils, mais,
entro un frére et ses scours plus jeunes, ou surtout, et c’est le plus domma-
gable, entre un pére et sa fille alnée. Les relations commencent d’ordinaire
par des chatteries, plus rarement par des brutalités, menaces et viol. De
‘toute fagon, une fois le trés fort tabou enfreint, les relations ne cessent pas
jusqu’au départ de la maison de la fille alnée, & laquelle peuvent succéder
‘sea scours. Elles en gardent un déséquilibre souvent grave, au moins unewe JouRNAL Dx PSrOROLOOLE
A travers Gobineau ot Vacher de Lapouge, se sont instauris le culte do
aryen ct Veugénisme du nationalsocilisme de Hitler. Un modéle de
~ société, clles des ‘Termites, proposé par V'entomologiste Escherich, vient
{& point nommé servr les vues do I'Btat nazi: « discipline absolue, subor-
dination totale de chaque individu & une volonté commune, sacrifice de
chacun & Vidéo do IEtat...» tat tormite, Btattotalitaie, socité parfaite
dont on a trop soutfert, Pourquoi revenir sur eet insoutenable passé ?
Gest qu'une nouvelle science, ou prétenduetelle, no du méme darwinisme,
nourrie des propos d'un autre entomologiste, B. O. Wilson, spécialiste des
Fourmis, offre beaucoup de similitudes avec le nazisme : c'est la socto-
Viologio américaine, Entre autres, la sociobiologie postule que tous les
comportements humains sont contrélés génétiquement. Dire exla, c'est
niertotalement toute liberté. La sociabiologie prone aussi le réductionnisme,
« instrument traditionnel de Panalyse scientifique », qui pose que homme
a pour ancétre direct un Pongidé — ce qui n'est pas véritié parla paléon-
tologie : une longue série de Primates, autres que les Pongidés, préctde
apparition de Homme. L’hominisation n'est pas lo résultat d'une simple
spéciation. Quoi qu’en pensent les sociobologistes, Vhomme ne saurait étre
duit & un animal. Divers arguments V'attestont : la généalogio humaine
{oreuves paldontologiques), ’étude comparde de Vhomme et des Pongidés
(012 caractéres anatomiques propres & Vhomme, 491 earactéres communs &
homme et au Chimpanza), la structure du corveau (1/50 du poids du corps
chez Yhomme, 1/20 chez le Chimpanzé), Ia nature des sociétés (aucune
commune mesure entre une bande do Chimpansés et une sociéts de Pyg-
1ées). Cependant, les garnitures chromosomiques et cerlaines molécules
(hémoglobine, par exemple) sont trés voisnes chez Phomme ot le Ghimpanzé
Liéthique humaine du nazisme, comme colle de la sociobiologie, est une
‘thique sociale plus qu’une éthique de Vindividu, Resto & savoir ce quest
exactement le phénoméne social
Bn un long chapitre, P. P. Grassé, qui est & Vorigine de la découverte
de «effet de groupe », analyse les fondements et les modalités de la socia-
1ité(interattraction ; appétitions «sociale» et sexuelle, famille, coopération,
fffet de groupe). Un des faits qu'il est important de rappeler est qu'il
existe pas une phylogénie de la socalits:celle-ci appara ¢& et Bk, diver-
sement au cours de l'évolution.
La place de Pindividu par rapport Ala société n'est pas équivalente selon
Jnniveeu zoologique auquel on se situc. Bn particulier, les socitésd’Insectes
sociaux t los socétés de Vertébrés different par le fait que ches les premiers
tout est instinct, alors quo cher les seconds I” «acquis » prend une grande
part dans Paccomplissement des comportements. Un chapitre est consacré
AVinné et a Pacquis chez les animaux et chex Vhomme.
Bion que biologste ct zoologiste, P. P. Grassé trate dans son ouvrage
de Phomme. De sa connaissance du vivant, des animaux en particulier,
4o leurs comportements sows toutes les latitudes (ila eréé le centre de
ANALYSES BT COMPTES RBNDUS 09
recherches de Makokou au Gabon), il est amené & déterminer co qui est
propre & Thomme. Tl compare les comportements animaux aux conduites
hhumainos et tente do comer les traits spécifiques do la nature humaine.
[Les jugements do valeur moraux ot esthétiques, Pingquidtude métaphysique,
Ja religisité, lo sens ot I'usago de la liborté, une conscience do univers,
tune transcendance de Vhomme, Vacquisition et le développement dune
culture sont autant de marques de Mhumain,
Si chacun des chapitres, riche en référonces et en faits précis, apparatt
comme une synthise du théme traits, n’oublions pas la visée de Vouvrage
indiquée dés le titre: « De la biologie & la politique ». L’homme est bien le
seul animal politique : il construit ses soeiétés comme il 'entend. TI a te
pouvoir de se révolter contre son maltre, de détruire Vordre établi.. La
révolution, phénoméne caractéristique des soci6tés humaines, met en lumiére
Ja différonce fondamentale qui sépare callesci dos sociétés animales.
P. P. Graseb précis : « La biologie n'epprend point a respoctor la ve.
Quiimporte pour le devenir de la planéte, la présence ou absence de tels
ov tes dtres vivants, Le respect do la vie est une notion d'origine ot des-
sence humaines. Ce que nous considérons eomme étant Ie principe fonda
rental de toute sociéts, co respect de la vie sous toutes ses formes, est Io
pur produit de Ia morale et ne s'est imposé que lentoment & notre soci. »
« L’homime (..) @ activement participé & sa propre évotution. Il est le
seul étre vivant & avoir ét6 en toute certitude, partiellement soa propre
artisan. » « Aujourdhui, plus que jamais, il demeure le mattre de son évo-
Jution qui (.) so continue au sein du social et (qui) sera ce qu'il voudra
quello soit.»
Biologiste, P. P. Grassé condamne, au nom de 1a biologie, la croyance
‘Ja toute-puissanco do la biologie. L’homme a & prendre son destin et elu
de Phumanité en main,
Ce livre, d'une pensée dense ot d'une documentation tris riche, est en
sméme temps un acte de courage
'Y. Lanoy.
Maurxnrurs. — Vonus physique, suivi de Lettre sur le progrés des sciences.
Panic Tons. — L’Ordre du eorps. 4 vol. 13%22 em de 175 p. Collection
Palimpeesto. Paris, Aubier-Montaigne, 1980.
4045, C’était avant Lamarck, avant Mendel, avant Pasteur, Avant done
les conceptions modemos de la génétique et de P’évolution biologique.
En 1745, Mauportuis publio la Vénus physique. Dans cot ouvrage, il fait
Je point sur les conceptions des anciens (Aristote, Descartes) et des contem-
porains de l’époque (Fallope, Lewenock, Graaf, Harvey, Réaumur, Trem-
bley, Verheyen, Louis Lémery) sur la téeondation des ovules par les sperma-
tozofdes encore mal comprise & cette 6poque. La question de la génération »
est disoutée sous différents angles : hérédité humaine et animale, hybridationnimale, origine de la diversité des types humains, diversité des modes de
reproduction chez les animaux. Suit la e Lettre sur le progrés des sciences »
qui préfigure nos programmes et plans de recherche.
Cotte réimpression de quelques couvres de Maupertuis est préeédée d'un
‘essai de Patrick Tort intitulé L'ordre du corps. Que cherche eet auteur dans
une relecture de Maupertuis ? Les scionees avancont, elles ont un passé
et un devenir historique. Elles so dynamisent do ferments heuristiques, elles
se nourrissent d’hypothéses,
Pour P. Tort, les sciences on reviennent toujours a s'interroger sur
Yharmonic du monde, toute investigation supposant une présomption
ordre. Par rapport & Vordre, doux positions s'opposent. Dans T'innéisme,
Vordre de Vunivers dépend d’une penséo ordonnatrice parfaite. Dans
Yempirisme, ordre se construit entre les corps et une « pensée » qui s'éveille
au « contact » du monde. Comment se situe Maupertuis par rapport & ces
positions inniste et empiriste ?
En 1748, Maupertuis, dans les Remargues philosophigues sur Uorigine
des langues et ta signification des mots, s'arrdte sur Vexpression « il y a»
Elle nat, selon Iu, de la répétition, do la réitération d’une expérience
perceptive qui aboutit a affirmation d'une existence objective des choses,
Dans cet « il y a», le langage abrége, fait des économies d’expression et de
mémoire, mais ne trahit-il pas la vérité ? L’objet existe-t-il en soi ? Quand
ip dis «iy a », objet existe par mon énonos et pourtant objet existe
avant comme rivélé, « J’avoue, dit Maupertuis, qu’il y a une cause dott
Aépondent toutes nos perceptions, parce que rien nest jamais comme il
‘est sans raison. Mais quelle est cette cause ? Je ne puis la pénétrer, puisque
rien de ce que j'ai ne lui ressomble. Renfermons-nous sur cela dans les
Domes qui sont prescrites & notre intelligence. »
Innéiste, Maupertuis ? Peut-étre, mais aussi empiriste, ear, commo les
‘empiristes, Maupertuis considére lo langage comme la création de homme,
cot on cela soumis a Mimperfection de sa pensée et de son jugement. Comme
les empiristes aussi, Maupertuis cherche & détinir des concepts (Locke)
4 Glaborer une langue bien faite (Gondillac), & préciser les lois générales de
Vunivers, de la matitre, des corps vivants, Ainsi la position de Maupertuis
n'est pas trés claire en soi et pas tris nette par rapport & Bacon, Male-
branche, Leibniz, Berkeley, Locke, Condillae. Mais Ia question de Patrick
‘Tort va au-dela. Empiriste de fait, ou empiriste sans le savoir, Maupertuis
procéde par « présomption de régularité analogique » dans In maniére de
formuler sa réflexion sur les faits do sciences. Ce faisant, il procéde par
systéme. Il adhére au théme de Pattraction de Newton, en rapproche Pati
nité des chimistes et en déduit, au niveau du vivant, un principe dunio
assemblage (Syst2me de la nature, 1754) pour expliquer Vagrégat. des
molécules organiques, « merveillewx arrangement » du corps, du mystre
do la génération (attraction de deux semences) ou de Vembryogénie normale
‘ow monstrueuse,
Procédant par systime, par analogie, Maupertuis proctde par « réci-
procation » entre Vorganicité du tout du corps vivant et pensant et la
tolalité de univers matériel, Mais V « amas de matidre » du corps est pensé
sur un mode holistique : Io tout est « quelque chose de plus » que la somme
do ses éléments. L’organisme vivant échappe & la soule loi de Paccumulation
quantitative. I! se produit un « saut qualitatif » qui préserve la suprématie
du résultat sur la somme organico-physique qui constitue Vétre. L’dme et
Dieu retrouvent leur place. Mais Maupertuis ne peut plus croire en un Diew
eréatour d'ordro. Pour lu, le désordre est & Morigine du changement, V'éeart
est eréateur de norme. L’accident, le hasard, loin d’étro les arguments d'un
‘matérialisme, apparaissent comme preuves de la sagesse de Dieu dans V'éeo-
nomie de la eréation,
Dans son introduction, P. Tort dit ; « L’hypothése dans les sciences
érive toujours d’une présomption d’ordre », et il ajoute : mais « de quel
ordre Vhypothése dans les sciences est-elle présomptive ? »
‘Mauportuis par sos réflexions sur la génération comme Louis Lémery
par les siennes sur la monstruosit6, raisonnont sur les faits en empiistes,
mais ils normalisent Ie désordre et cédent en cela a la satisfaction de Ia
théologie physique selon P. Tort, au déisme tout court, pourrait-on dire.
‘Yv. Leroy.
Ant VAniX. — The Swodenborgian background of William James?
philosophy. 4 vol. in-8° de 448 p. Helsinki, Suomalainen Tiedeaka-
temia, 1977.
Il n'est pas facile de parler d’un auteur dont apport le meilleur est
passé dans divers courants de pensée, courants dont on oubli plus ou m«
Vinventeur. Au surplus, los concoptions philosophiques et psychologiques
de William James nous apparaissent comme des piéoes séparées dont nous
ne voyons guére I'unité. Le philosophe finlandais Armi Varila en donne un
nouvel éclairage en les rattachant & 'influence de Swedenborg, transmise
ar son pére Henry James. Parville tentative assurément renouvelle les
problémes ; elle n'est pas & tout moment également convaincante. On
admettra volontiers quo W. James ait hérité de V'intérét pour la religion
— encore qu'insister sur le bienfait ot Vefficacité de Ia « volonté de croire »
dévalue singulidrement 1a religion on la psychologisant. Il est. possible
—commo A. Varila en fait "hypothése — que le « courant de conscience
soit Ie « fluide spirituel » de Swedenborg avec ses caractéristiques de change-
ment, do continuité, de sélection. Chemin faisant, dailleurs, d’autres
auteurs sont cités, comme Mach et Bergson.
‘Mais M. A. Varila insiste surtout sur Ia théorie do 1a connaissance et Ia
Philosophie, done sur Vempitisme radical et le pragmatisme, ConceptionsJOURNAL DE
SYGHOLOGIE
normale et pathologique
FONDATEURS : P. JANET ET G. DUMAS
DIRECTEUR : I. MEYERSON _—
REDACTEUR EN CHEF: ¥. LEROY <@RAQY
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THEMES D’ART,;~ 4 ;
ARTS PLASTIQUES, sa is bu iNcaceclasse ¢ ers, homme de cette
ulture tacit le — caractéristique de
trad sa vie avait brilé d’une
e ramassage. Tl ensei=
catholique des Arts et
Métiers de Lille, i on individuelle confron-
tée aux nécessi Ebauche d’un cata-
logue bio-bibliogra ur adolescence,
paraitront onze fascicules
et Poésie, avec 850 noms. Bt patiemment
n ; livres et outils au
Musée de Voutil et de
eur vie du travail d
sous le titre Nécessité, Adol
il collectera qui illustre cett pat
la pensée oucriére in vieil hotel de la ville restauré par les
Compagnons du du Tour de France. Cet homme collectionnait les
aux de maitres ou Jes meubles anc
views outils comme d'autres les tab! ns
Bt il réfléchissait sur eux, sur V'intelligence que mettaient en euvre aussi
que Jour usage approprié, comme on
bien leur conception et lour fabricati
ut se fixer sur le peintre et la peinture : en témoigne son important
avrage en collaboration avec Fernand Tourret, L’outil, dialogue de l'homme
avec J.-P. Rostenne. L'Homo
avec la matire (1969), suivi de Métiers
Jaber était pour lui évidence, déja sapiens, et méme plus que l'homme
ralifié tel, ce « manchot a grosse téte » qui a oublié la valeur humaine du
avail, créateur d’euvres et réalisateur d’hommos véritables.
Ga froisiéme passion élait religieuse : c’était son affaire, l'axe et lo
Sologie aussi inclassable que lui,
moteur de sa vision du monde, une t
dépourvue de tout prosélytisme. Tout cela nourrissail un réseau de relations
ssi étendu que diversifié : l'abbé Plaquevent, un autre inclassable, puis
Michel Ragon, Henry Poulaille, Roger Boutefeu, sans oublior Sartre,
ve
compagnon de captivite qui écrivit pour lui son Bariona. Un voyage dans
des marges généralement ignorées ou négligées, plus pouplées, plus riches
début du voyage : suite
» saurait Pimaginer. Plus exactement
e et annoncée.
Ewe Pouuat.
Parnick Tont. — L’origine du Paradoxe sur le comédien. La partition
intérieure. 1 vol. in-8° de 76 p. Paris, Vrin
Vingt ans avant le Paradoze sur le comédien de Diderot (1770), parais-
dant la olémique, sans qu’on sache
at Diderot a eu connaissance de ces précurseurs
nt M. Tort montre qu’il est un
saient deux ouvrag
mn
Tl faut laiss
jéme text
autre source signalée depuis la premiére publica-
ns la Reoue d'Histoire du Thédtre. Le simple fait de
enu et la structure des ceuvres, mais
plagiat. 11 mention
tion de son
réfléchir non plus seu
av
ment sur le ¢ANALYSI
87 COMPTES RENDUS 189
sur leur représentation, sur le jeu de V'acteur, était une nouveauté. L’idée
traditionnelle, issue de Platon et plus ou moins implicite, voulait que pour
jouer V’acteur soit on proje 1 « enthousiasme »; chez Pacteur antique,
@ailleurs, le port du masque et la dissociation entre un récitant et un
mime pouvaient rectifier les variations de la sensibilité.
L'un des toxtes précurscurs est Le Comédien, par Rémond de Sainte-
Albine, en 1747 ; cet écrivain se démarque d’ailleurs moins qu’il ne croit
de Vesthétique traditionnelle. L’autre auteur, Frangois Riccoboni, comédien
et fils de comédien, pose plus nettement les problémes en termes modernes
@apprentissage, dans L’art du thédtre, 1750,
Mais pour situer les idées de I’époque sur la pratique dramatique, il est
utile — et c’est objet de la deuxiéme partie du livre — de voir ce quisert
de référence, & quels autres arts le jeu théatral est apparenté. Il Ta 6té
surtout a la peinture, non en tant qu’organisation de Vespace et dessin,
maisen tant qu’utilisation des couleurs, mélange des nuances. Cela a signitié,
en fait, non seulement effacement du trait et du procédé, mais aecentuation
de Vinstantané et du singulier, de l’émotionnel, de 'irrégulable. 11 est plus
juste, estime M. Tort — et c’est ce que font F. Riccoboni et d’autres comé-
diens —, de Papparenter & la musique, dont Pharmonie ct Je rythine sont
préétablis & Pexécution. La déclamalion exige Vinvariance ; la mémoire
prend la place de I'inspiration. C’est avec Diderot seulement que sera
abandonné le refus de la régulation, le régne d’une sensibilité changeante.
A ce stade, on accepte d’apparenter l'art dramatique A la mécanique, on
cosse de traiter avec mépris soit l'emploi du miroir par V’acteur, soit les
spectacles de pantins, automates et marionnottes. La régularité Pemporte
sur la singularilé. L’émotion peut étre communiquée au spectateur sans
étre éprouvée par I’actour.
Outre la rupture dans histoire du théatre au milion du xvi siécle,
cette trés bonne monographie évoque ainsi les problémes de Vexpression
et de la communication, notamment Ja dissociation (la partition) entre la
sensibilité ot l'effot. produit,
M. Dawpuyanr.
Cunisttan Moncer. — Exposé de poétique. De quelques phénoménes
Psychologiques : description et théorie expérimentale. T. 2 et 8, 2 vol.
15x21 cm de 86 et 41 p. Riorges, 131, rue du Maréchal-Foch, 1980.
Lauteur considére son Exposé de poctique comme une contribution &
une psychologic globale telle que Ja définit Piaget a la confluence de la
psychanalyse ct des processus cognitifs.
L/auteur scrute divers états psychologiques : invention mathématique,
Vamour, le réve, la création podtique & travers 1a double consistanee de
Vindividu : celle du Je et celle du Moi. Cotte maniére d’analyse de soi
Vaméne a nuancer certains énoncés de Freud, par exemple sur le réve.Joural ck poyole od (A
b we
fot -olyg pila
ANALYSES ET COMPTES RENDUS
PSYCHOLOGIE DU LANGAGE
‘angge estan. Prague soils et nteracton. N38 de Comnesions 1, 16
X23 cm, de 142 p, Pars, Edtons de TET, 1982
Ianitre tuts geérale comme Fan
es actes de langage en situation iterative, Listerventon, dans x nowres cay
‘eta, de psychologes, de sociologue et deingsitesndiguesutammeat
sfc we consitue une convergence; débordat des cates de a ingutgee
tmdonsei,
une linguisique de I prate ov de Ténone, toate es
lave, prychosnclope des acts de parce das a situation
ng commniatonel,cherche 8 répondre& des questions ul
renvoient idee que le dsouret moin pour die que pout are = uf onset
‘org pore, entation de convertion, un Enon qui nes edi jms so
seule spinon inguistique erie Quelle place et quale fonton tment, a
‘eat ov Ace de von scours, es marquear non-erbaus (gestalt ton de avn,
‘moves visage, fur dives) qulitervement sur intllecton de sigcaton da
sf3cous tens ? Quel nlchisement lst, ravers te ou el chit interpeai
ons une station de réponse a un questonnement otendil donner nu vor qt
oppose & un ou plusiurs iteoeters ? Ouch comportement epee i
<écencer das a pratique argumentative de ante odes ates pricpants
Comment sy rents oar négocer ua eapport de force, ou pour atinie me
‘ésitble ene de pale lorsque cei est mag par un thbme ern pls ox
mots sire ? Longue, cherchant 4 metre n lace ls conditions une sna
‘u dcours qu sists Aces nouvelle exigenses de slob, Pick Charades
lt que Le mot