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Conférence 1ère partie

Les neurones de la lecture

Par Stanislas DEHAENE

Saisi par Françoise Néri

Stanislas Dehaene, Professeur au Collège de


France, membre de l'Académie des sciences, fait
le point de l'état actuel de la recherche sur le
fonctionnement du cerveau lors de la lecture à
travers deux ouvrages
« Apprendre à Lire Des sciences cognitives à la
salle de classe »
« Les neurones de la lecture »

Nous avons écrit ce petit livre avec plusieurs collègues, qui sont spécialistes de l’apprentissage de la lecture,
pour essayer de mettre ensemble les données qui existent dans le domaine de la compréhension des
mécanismes de la lecture dans le cerveau et de les rapprocher d’idées pédagogiques. Essayer de voir si nous
pouvons, d’une certaine manière, émettre des principes pédagogiques à partir des connaissances que nous
avons du fonctionnement cérébral.
Nous sommes arrivés à plusieurs idées clés que je vais vous énoncer.
Je ferai un exposé en deux temps : dans un premier temps, vous montrer ce que nous connaissons de
l’organisation du cerveau dans le domaine de la lecture et, dans un deuxième temps, passer en revue ces
principes pédagogiques.

La première idée que je souhaite vous faire passer nouvelle et celle qui lui permet d’internaliser les
est que le cerveau de l’enfant est fortement symboles propres à une culture donnée. Apprendre
structuré. Il ne faut pas penser, en pédagogie, que à lire, c’est s’adapter à un système d’écriture bien
l’on a affaire à un cerveau vide, que l’on va particulier. Nous allons le faire avec un circuit qui
« remplir » progressivement par des connaissances est universel mais qui va progressivement se
scolaires. Ce n’est pas du tout comme cela que les spécialiser pour un système d’écriture particulier.
choses se passent au niveau cérébral. En fait, nous Cela signifie qu’il y a des contraintes sur
héritons de notre évolution des réseaux cérébraux l’apprentissage. Le système préexistant de l’enfant
qui sont spécialisés dans toutes sortes de va induire des contraintes sur la manière dont il
domaines. Il y a une modularité partielle du cerveau peut apprendre. Il ne faut pas penser que
et il y a des systèmes spécialisés pour la vision, l’apprentissage n’est pas contraint ou que la
pour la reconnaissance des visages, pour le culture, en général, est un système hors de toute
langage parlé, pour le nombre – j’en ai beaucoup contrainte. Nous avons parfois cette idée que
parlé dans « La bosse des maths »… L’enfant l’espèce humaine est une espèce libre des
arrive à l’école avec des idées, des connaissances contraintes, des instincts libres des contraintes de
– qui ne sont pas toujours aussi développées que la biologie, ce n’est évidemment pas vrai et notre
nous le souhaitons – qui peuvent être différentes de culture – même si elle a un espace de combinatoire
celles qui sont souhaitées pour lire, par exemple, très large, a une variabilité culturelle – mais cette
mais qui sont un point de départ. variabilité est canalisée, est contrainte par notre
appareil cérébral.
La deuxième idée est précisément ce que j’ai
appelé « Le recyclage neuronal » c’est-à-dire que La dernière idée que je vais tenter de vous détailler,
nous apprenons, l’enfant apprend en modifiant ses c’est que les mécanismes de cet apprentissage
systèmes cérébraux préexistants en les commencent à être connus, à la fois par ce que
interconnectant, en les réorientant d’une manière nous pouvons appeler « les algorithmes

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d’apprentissage » qui fonctionnent dans le cerveau et Or, parce que nous avons appris à lire, ces
« les étapes » par lesquelles l’enfant va passer. Sans marques prennent du sens, évidemment, et il y
pouvoir prescrire une méthode particulière – je ne a une sorte de miracle de la lecture, qui a été
pense pas que l’on puisse dire qu’il y ait une méthode détaillée par beaucoup d’écrivains : « Je
unique qui soit compatible avec le cerveau – mais je converse avec les défunts », « J’écoute les
pense que nous pouvons énoncer un certain nombre morts avec les yeux » : ce sont des formules
de principes. Si nous respectons ces principes, nous extrêmement frappantes, c’est un aspect
sommes alors en harmonie avec l’organisation du remarquable de la lecture de pouvoir parler avec
cerveau de l’enfant et la manière dont il apprend. les morts, de pouvoir écouter la voix de Socrate,
c’est une sorte de miracle qui est rendu aussi
J’essayerai donc de vous énoncer un certain nombre
par la lecture, l’art de communiquer les pensées
de principes. Je ne parlerai que de la lecture mais, au
à l’esprit par les yeux c’est-à-dire que le
moment de la discussion, nous pourrons aussi parler
langage, la pensée vont être communiqués non
du domaine de l’arithmétique.
pas par l’oral qui s’envole mais par des marques
Je souhaite revenir à écrites. La plus grande invention du monde
la base de la base : selon Abraham Lincoln. J’aime beaucoup cette
qu’est-ce que c’est phrase de Nabokov : « Nous sommes
que lire ? Si vous absurdement accoutumés aux miracles de
n’aviez pas appris à quelques signes écrits, capables de contenir
lire, toutes les pages une imagerie mortelle des tours de pensée, des
de textes ressem- mondes nouveaux avec des personnes vivantes
bleraient à cela, c’est- qui parlent, qui pleurent, qui rient ».
à-dire une espèce de
Évidement c’est le miracle du roman et de
texture avec des
l’ensemble de la littérature d’être capable de
marques, mais rien de
nous entraîner dans n’importe quel espace de
plus.
pensée à partir des marques écrites.

Nous voyons déjà une première idée extrêmement simple sur la lecture : c’est l’accès à un système de langage
parlé par le biais de l’écriture. Cela est une invention nouvelle. Nous avons probablement dans le cerveau des
structures innées pour le langage parlé, nous pouvons imaginer qu’il y a eu dans l’espèce humaine une
évolution pour le langage parlé. Pour le langage écrit, par contre, c’est une invention récente – il y a seulement
quelques milliers d’années – c’est un bricolage qui a d’ailleurs évolué et qui n’est pas venu tout sorti de la
cuisse de Jupiter, c’est un système imparfait mais une invention culturelle.

Lorsque nous lisons une page, il faut savoir que visuel… ne permettent pas autre chose qu’une
notre système visuel n’a pas une résolution lecture du ou des mot(s) qui se situe(nt) proche(s)
uniforme. Nous avons l’impression que nous du centre de notre regard.
voyons le monde dans toute sa clarté mais lorsque
nous fixons un mot, voilà à quoi ressemble une
page.
La partie périphérique de la page n’est pas visible
de façon très claire et plus nous nous éloignons en
périphérie par rapport au point de fixation central,
moins la page est lisible. Nous pourrions
évidemment dire : « Il n’y a qu’à approcher le
texte » mais si nous approchons le texte, les mots
partent encore plus en périphérie et comme la Et lorsque nous regardons quelqu’un qui lit, nous
précision est proportionnelle à l’excentricité du voyons immédiatement qu’il va lire en faisant des
texte, en fait, nous ne pouvons pas lire très bien saccades visuelles de la gauche vers la droite –
autre chose que les mots qui sont proches du dans notre système – pratiquement vers chacun
centre, ce que nous appelons « la fovéa ». C’est des mots. Pas tout à fait, car un bon lecteur
une première observation extrêmement simple : « saute » les petits mots grammaticaux mais
notre « capteur » : l’œil, la rétine, le système pratiquement tous les mots à contenu vont être

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fixés. C’est une contrainte du système visuel car si Si nous faisons une sorte de caricature de ce que
nous ne déplacions pas notre regard, nous ne nous venons de voir, c’est un début de modèle mais
pourrions pas discréminer ces mots. Cela signifie il n’est pas très précis, bien que toutes ces régions
immédiatement plusieurs choses : sont attestées comme contribuant à la lecture, nous
voyons que nous pouvons distinguer plusieurs
 Qu’il y a un entraînement du regard dont je
étapes. Évidemment, lorsque nous lisons, cela
parlerai peu dans cette conférence car nous ne
rentre dans le cortex visuel, qui nous sert à
savons pas beaucoup de choses au niveau
reconnaître n’importe quel objet (les mots mais aussi
cérébral sur ce sujet mais apprendre à lire, c’est
les visages, les objets, les lieux…) et une région un
un entraînement du regard, du déplacement du
petit plus spécialisée que nous appelons « l’aire de
regard, en partie.
la forme visuelle des mots ». Dans mon livre, je
 Apprendre à lire, c’est aussi apprendre à l’avais appelée « La boîte aux lettres du cerveau ».
identifier les mots et l’identification des mots – C’est un raccourci pour dire que cette région est
pratiquement 95 % des études de psychologie spécialisée dans la forme des lettres, c’est elle qui
de la lecture porte sur l’identification des mots – va nous permettre de reconnaître la série des lettres
c’est un bon point d’entrée dans la lecture car la qui compose un mot. Et d’autres régions, juste à
lecture se fait pratiquement mot à mot, même côté, vont servir à reconnaître les visages, les
dans des phrases. Dans le reste de cet exposé, objets, les lieux… A ce niveau, il y a donc un début
je vous parlerai beaucoup de ce qui se passe de spécialisation et nous nous situons, à ce
lorsque nous fixons un mot. moment-là, déjà dans l’hémisphère gauche. Nous
pouvons distinguer des réseaux qui s’intéressent
 Grâce à l’imagerie cérébrale, nous commen- ensuite à la prononciation et à l’articulation du mot et
çons à pouvoir disséquer les circuits dans le d’autres réseaux qui s’intéressent à l’accès au sens
cerveau qui s’activent lorsqu’une personne lit un
du mot ou de la phrase. Ce sont deux grandes voies
mot. Dans cette image, vous allez voir le
de traitement dans le cerveau.
décours temporel, environ une demi-seconde,
après qu’une personne ait vu un mot. Nous lui Nous pouvons distinguer cette série d’étapes et
flashons un mot sur un écran d’ordinateur et vous avez vu le film correspondant. Nous ne
nous regardons toutes les étapes de traitement sommes pas encore tout à fait certains de la
dans le cerveau. fonction de chacune de ces régions mais cette
distinction entre un circuit, disons de prononciation,
et un circuit du sens est tout à fait fondamentale et
commune à beaucoup d’approches du cerveau.
Il faut bien comprendre que tous les réseaux qui
sont en orange et en vert ne sont pas uniques à la
lecture. Ils vont s’activer tout autant lorsque nous
écoutons de la parole. Ce sont des réseaux
communs à la lecture et au langage oral. Ils existent
déjà chez le très jeune enfant. L’enfant pré lecteur,
avant qu’il apprenne à lire (même un bébé de
quelques mois), a déjà dans la tête des réseaux
cérébraux spécialisés pour le traitement du langage
Ici, c’est un hémisphère gauche. Pour vous orienter, oral.
ceci est l’avant du cerveau, ceci est l’arrière et c’est là
que se projettent les informations visuelles, c’est là
que se trouve le cortex visuel, c’est là que nous allons
voir entrer le mot et vous allez voir se propager
l’activité. C’est un film encore approximatif de toute
l’activité cérébrale qui se déroule lorsque nous lisons
un mot. Nous voyons tout de suite que la lecture n’est
pas la fonction d’une région du cerveau, c’est la
fonction d’un réseau. Cela rentre dans le cortex visuel,
cela se propage dans la partie inférieure du cortex
visuel et il y a ensuite cette espèce d’explosion
d’activités dans l’hémisphère gauche – qui est
l’hémisphère du langage chez la plupart d’entre nous –
dans le lobe temporal et dans la région frontale
inférieure.

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Toutes ces régions vont déjà être activées. Cela ne Pour ce faire, il faut spécialiser une région et ses
veut pas dire qu’il fait déjà de la syntaxe ou du lexique, interfaces vers le système du langage oral. C’est là
etc. ! Il n’en est pas tout à fait là encore mais avant que, dans le domaine de la lecture, nous allons
même qu’il gazouille, il a déjà des représentations distinguer deux grandes voies : la voie vers la
protholinguistiques dans la tête et, évidemment, à prononciation et la voie vers l’accès au sens. C’est
l’âge de 2/3 ans il commence à avoir de la syntaxe, de valable évidemment pour la lecture en français ou
la sémantique, un lexique qui explose extrêmement dans une langue alphabétique mais c’est valable en
rapidement (de 10 ou 20 mots par jour appris par un fait – et c’est un point intéressant – dans toutes les
jeune enfant à cet âge-là !). L’enfant pré lecteur est un langues du monde même le chinois.
enfant qui a un langage oral structuré et, dans ce
contexte, nous voyons que l’apprentissage de la
lecture consiste à mettre en place une interface : il
s’agit de rentrer dans ce système du langage oral par
le biais de la vision. C’est cela la nouveauté de la
lecture.

Il y a deux voies de lecture :

 La première voie de lecture est le passage une manipulation explicite de phonèmes et de se


de l’écrit au son qui nous permet de décoder, rendre compte qu’il y a un « pe » dans poule et
de déchiffrer les lettres pour passer au son qu’on peut l’enlever, que c’est une unité de la
correspondant du langage et qui nous parole. Si vous avez une personne illettrée en face
permet de déchiffrer même des mots de vous, vous pouvez lui demander de jouer un
nouveaux, les néologismes. jeu : enlève la première syllabe. Je dis « Paris », tu
dois dire « ris ». Une personne illettrée sait faire
Cette voie-là, dans le cadre de l’écriture
cela. Mais si vous lui dites d’enlever le premier
alphabétique, est particulière car elle
son : Je dis « Paris », tu dois dire « aris », une
nécessite un passage du graphème au pho-
personne illettrée n’arrive pas à jouer à ce jeu-là
nème, qui nécessite de prendre conscience
car il faut avoir une représentation explicite de la
de cet objet très particulier qu’est le
phonologie, une représentation consciente du
phonème.
phonème.
Qu’est-ce que le phonème ? C’est une unité
Une difficulté supplémentaire évidemment dans le
minimale de la parole qui permet de distinguer deux
cas de l’écriture alphabétique, c’est qu’il existe des
mots. Par exemple, « boule » versus « poule ». Ces
mots réguliers comme « canari » où chacun des
deux mots sont distingués par un phonème « b »
graphèmes (lettre ou groupe de lettres) correspond
ou « p ». Le phonème n’est pas directement visible
à un phonème. Mais il existe évidemment des mots
dans le signal de parole, c’est une unité
irréguliers dans lesquels un son donné va
relativement abstraite qui est utilisée par les
correspondre à des lettres différentes ou un groupe
linguistes pour parler de cette différence entre les
de lettres donné va correspondre à des sons
mots comme « boule » et « poule ». L’existence
différents. Cela fait partie de la difficulté particulière
même des phonèmes n’est pas quelque chose
du français que d’avoir une certaine irrégularité de
d’évident pour l’enfant et c’est en grande partie le
la correspondance entre graphème et phonème.
résultat de l’apprentissage de la lecture.
L’apprentissage de la lecture dans un code  Et, comme je vous le disais, ce n’est qu’une
alphabétique crée une représentation phonologique seule des deux routes que nous utilisons, ce n’est
explicite. Il en existe une implicite chez le jeune pas la seule et toutes les langues du monde font
enfant mais elle devient explicite et manipulable appel à une deuxième route qui est le passage de
consciemment chez une personne qui a appris à l’écriture au sens, c’est-à-dire une voie plus directe
lire. Ce que je dis là peut paraître abstrait mais qui ne passe pas nécessairement par le décodage
c’est extrêmement simple : un jeune enfant est des sons mais qui va plus directement envoyer de
capable d’entendre des syllabes, il entend qu’il y a la forme de l’écrit aux éléments de sens. C’est
« pou » dans « poule », il est capable d’entendre évidemment ce qui nous permet de lire des mots
les rimes assez rapidement mais s‘il n’apprend pas irréguliers. Lorsque nous lisons le mot « femme »,
un code alphabétique, il n’entend pas qu’il y a le nous ne disons pas « fèm » car nous avons accès
son « pe » et que ce son « pe » peut être le même à un code lexical qui ne dit que c’est un mot qui est
dans « poule » et dans « houp », par exemple. Cela une exception et nous utilisons, pour ce faire, une
est le résultat de l’apprentissage de la lecture et voie plus directe, lexicale, lexico-sémantique. Mais
une personne illettrée n’est pas capable de faire surtout, cette voie va s’appuyer sur les morphèmes,

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c’est-à-dire les éléments de son. Lorsque nous Cette décomposition morphologique est absolu-
regardons un mot comme « décomposeraient » par ment indispensable pour comprendre le mot mais
exemple, notre système visuel et notre système également pour l’orthographe. Les deux voies sont
linguistique décomposent automatiquement ce mot utilisées en permanence par notre cerveau. Nous
en toutes ses unités. n’en avons pas conscience et selon les mots qui
sont présentés, nous allons utiliser plutôt une voie
ou plutôt l’autre. Si le mot est très régulier, la voie
de décodage graphème/phonème va être extrême-
ment rapide et c’est elle qui va gagner. Si le mot est
irrégulier, comme « femme » par contre, c’est la
voie de passage de l’écrit au sens qui va gagner et
l’autre va même devoir être inhibée dans la mesure
où la prononciation serait incorrecte si on se basait
sur la correspondance graphème/phonème. Il faut
donc imaginer une sorte de compétition corticale
aux deux grandes voies de passage qui partent
Nous reconnaissons qu’il s’agit d’un verbe, qu’il est d’une analyse de l’écrit mais qui sont en
conjugué, que la terminaison nous donne des compétition pour essayer de trouver de quel mot il
indications précieuses sur le temps et le nombre et s’agit et quelle est sa prononciation.
qu’il y a aussi deux préfixes qui sont présents.

Il y a une petite complication supplémentaire qui est que toutes les langues alphabétiques n’ont pas le même
degré de complexité. Même si toutes utilisent le même alphabet dans presque tous les pays européens, il y a
des différences très fondamentales d’apprentissage de la lecture liées à la complexité de ces voies de lecture.

Cela veut dire qu’il va y avoir un effort particulier qui


doit être fait dans la langue française car nous ne
pouvons pas nous contenter, comme en Italie,
d’apprendre comment prononcer chaque lettre mais
il va falloir apprendre énormément d’exceptions,
des cas particuliers, de graphèmes complexes,
d’objets qui ne sont pas des lettres uniques mais
des paires de lettres, parfois trois lettres comme « e
a u » qui sont nécessaires pour arriver à décoder
les mots en français. Comme vous le savez tous,
évidemment, nous y passons pas mal de temps à
l’école. Dans mon laboratoire, nous faisons des
expériences d’imageries cérébrales pour essayer
de comprendre comment ces changements se
Une différence fondamentale est liée à la régularité passent dans le cerveau. Je voulais vous montrer
de ces correspondances graphème/phonème. On les résultats d’une étude récente qui nous ont
peut donc montrer qu’en fin de CP, un enfant montré l’ensemble des changements cérébraux liés
allemand ou italien – langues dans lesquelles la à la lecture en faisant une expérience simple mais
correspondance graphème/phonème est très que personne n’avait faite auparavant qui est de
régulière – savent déjà lire 95 % des mots et même recruter des gens qui sont des lecteurs et de les
des pseudo-mots, c’est-à-dire des néologismes, comparer à des personnes qui sont illettrées et qui
qu’on leur présente alors qu’un français va faire n’ont pas eu la chance d’aller à l’école. Nous
22 % d’erreurs et un anglais 67 % d’erreurs. Il faut l’avons fait ici à l’âge adulte, nous le faisons aussi
deux ans de plus à un enfant anglais pour atteindre chez l’enfant. Nous essayons de comparer les
la même performance qu’un enfant italien ! Le enfants, juste avant le CP et en fin de CP, par
français, malheureusement, est la deuxième pire exemple. Chez l’enfant, c’est un peu difficile car
langue d’Europe. Un enfant de 7 ans, en anglais, évidemment ils changent d’âge aussi ! Il y a donc
va être encore à un taux d’erreur très important : une maturation cérébrale et séparer la maturation
80 % d’erreurs sur les pseudo-mots. Cela va de l’éducation n’est pas toujours évident. Ici, nous
décroître progressivement mais le taux d’erreurs avons à faire à des adultes de même âge et
est moindre en espagnol mais en français, certains ont eu la chance d’aller à l’école, d’autres
malheureusement, nous ne sommes pas très bien pas. Nous avons donc pu faire une sorte de
placés. cartographie de tous les changements liés à
l’apprentissage de la lecture dans le cerveau.

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