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Depuis 15 ans, on note une baisse progressive de la mortalité du sepsis sévère (défini par l’association
d’une ou plusieurs défaillances d’organe, ou une hypoperfusion tissulaire définie par une hypotension
artérielle, une augmentation de la lactatémie ou une oligurie) grâce à une amélioration des connaissances
physiopathologiques et à une approche innovante de la prise en charge thérapeutique. Le concept global
de protection de la perfusion et de l’oxygénation des organes dans les premières heures est aujourd’hui
reconnu comme un élément-clé du pronostic. Le rôle des structures d’urgences est donc particulièrement
sensible dans l’identification et la stratification du risque de sepsis, permettant la mise en route précoce
d’un traitement optimal (dans les six premières heures), mais aussi dans l’organisation d’une orientation
rigoureuse de ces patients. Les recommandations récemment actualisées de la Surviving Sepsis Campaign
(SSC) apportent une définition plus précise du sepsis, du sepsis sévère et du choc septique, ainsi que des
mesures thérapeutiques et du monitorage à mettre en œuvre. La mise en place d’interventions de stratégie
d’optimisation précoce et ciblée semble réaliste et faisable. La capacité à mettre en place et faire respecter
ces recommandations semble donner aujourd’hui les premiers résultats de diminution de mortalité (23 %
versus 49 %) et de durée de séjour en réanimation. Globalement, l’application des recommandations de
la SSC permet de sauver une vie tous les six patients présentant cette pathologie.
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Les critères de SRIS sont tellement larges qu’ils n’ont aucune définit le choc septique [19–21] . Même si cela semble intuitif, un épi-
spécificité, en tout cas en réanimation (80 % des patients ont ces sode d’hypotension artérielle est associé à une augmentation de la
critères), et l’identification de l’infection devient alors prépon- mortalité [22] . Une baisse de 1 mmHg de la PAS augmente le risque
dérante. Et même avec ces critères larges, il persiste un nombre de mortalité de 0,02 % [23] . Il a été montré dès 1964 qu’un taux
substantiel de patients ne remplissant pas les critères de SRIS, de lactate supérieur à 4 mmol/l était corrélé à une mortalité de
alors qu’ils ont à l’évidence une infection grave et d’autres signes 87 % [24] . Son identification ne pose en principe pas de problème.
de sepsis sévère [12] . Ces critères restent cependant un moyen de La démarche initiale est la même que lors d’un sepsis sévère, mais
dépistage, simple mais peu spécifique, des états septiques, en par- l’urgence thérapeutique n’en est que plus grande.
ticulier aux urgences.
ciblés (urine, liquide cérébrospinal [LCS], plaie, pulmonaires ou en ventilation spontanée avant l’apparition de signes cliniques
autres) seront réalisés en fonction du contexte clinique. d’hypoxie [32] . Il en est de même chez les patients ventilés chez qui
Il est bien rare qu’en cas de sepsis sévère ou imminent, un une chute brutale de la SpO2 peut signifier une intubation sélec-
(ou plusieurs) foyer infectieux ne soit pas suspecté clinique- tive ou un débranchement du ventilateur en gardant à l’esprit que
ment. L’imagerie (échographie, tomodensitométrie) dirigée par les temps de réponse restent relativement longs. Dans ces derniers
l’examen clinique et les symptômes donnent le plus souvent une cas, le monitorage du CO2 téléexpiratoire (EtCO2 ) semble plus
orientation diagnostique. approprié.
d’une thérapeutique inotrope si la correction de l’anémie, de est fortement corrélée à la lactatémie initiale des patients : 28,4 %
l’hypovolémie et de la vasoplégie par les vasoconstricteurs n’a pas (> 4 mmol/l) versus inférieure à 5 % (< 2,5 mmol/l) [47] . La lactaté-
permis l’amélioration hémodynamique. L’échocardiographie est mie initiale ne permet pas de détecter exhaustivement tous les
donc un outil de choix pour le diagnostic et de monitorage [35] patients septiques sévères ; il faut une association aux paramètres
dont la répétition informe sur l’évolution du patient et sur l’effet macrocirculatoires initiaux. Cependant, l’évolution de la valeur
des thérapeutiques administrées. de la lactatémie au cours des premières heures de prise en charge
est un bien meilleur indicateur pronostique que la valeur brute de
Pression veineuse centrale lactate initiale [48] . Le taux de décroissance initial du lactate (mal-
La mise en place d’un cathéter veineux central permet une adroitement appelée « clairance » du lactate) reflète l’évolution
meilleure administration des traitements par voie intraveineuse. combinée de la production endogène et de la clairance vraie du
Ce cathéter peut également servir d’instrument de surveillance lactate. Un taux de décroissance supérieur à 10 % au cours des
hémodynamique en mesurant la PVC. La valeur de la PVC n’est six premières heures de prise en charge d’un patient présentant
le plus souvent pas prédictive de la réponse au remplissage, en un sepsis sévère témoigne d’une bonne réponse au traitement
particulier chez le patient en ventilation mécanique, du fait de entrepris et traduit un meilleur pronostic [49] .
la pression intrathoracique positive. À retenir cependant que, en On peut ainsi proposer un dosage de la lactatémie toutes les
ventilation mécanique, une valeur de PVC très basse (< 5 mmHg) deux heures, de façon à suivre l’efficacité des thérapeutiques entre-
est un bon signe prédictif de la réponse au remplissage et qu’au- prises et de porter un pronostic dès la phase initiale des patients
delà de 5 mmHg la seule mesure de la PVC reste insuffisante pour septiques admis aux urgences.
évaluer les besoins en remplissage d’un patient ventilé [36] .
Ainsi, même si le recours à la voie veineuse centrale reste un
sujet de controverse dans les structures d’urgences, il existe une
Protéine C-réactive et procalcitonine
recommandation à son usage chez le patient septique avec un La procalcitonine (PCT) est un biomarqueur largement utilisé
objectif de PVC de 8 à 12 mmHg en ventilation spontanée ou de pour détecter la présence d’une infection bactérienne. On sait
12 à 15 mmHg en ventilation mécanique [37] . qu’il est plus spécifique et plus sensible pour détecter la présence
Des mesures hémodynamiques non invasives par impé- d’une infection bactérienne débutante que ne l’est la protéine
dancemétrie bioélectrique peuvent être réalisées en structures C-réactive (CRP) [50] . La PCT a montré son intérêt sur les plans
d’urgence, notamment en appréciant, entre autres, l’index car- diagnostique, pronostique et thérapeutique (tel que la durée de
diaque qui semble associé à la mortalité hospitalière [38] . l’antibiothérapie) pour la prise en charge des infections bacté-
riennes hospitalisées [51, 52] .
Saturation veineuse centrale en oxygène Au cours du sepsis, la surveillance de la PCT apporte une
La saturation veineuse centrale en oxygène (SvcO2 ) consiste information en termes diagnostique et pronostique. Des études
en la mesure de la saturation en oxygène du sang veineux dans réalisées en structure d’urgence ont également montré que le
un cathéter veineux central. Sa valeur et surtout les variations dosage de la PCT permettait de prédire le risque de bactériémie en
de sa valeur sont assez bien corrélées à celles de la saturation cas d’infection bactérienne, notamment d’origine pulmonaire [53] .
du sang veineux mêlé prélevé au niveau de l’artère pulmonaire Les valeurs-seuils retrouvées sont variables entre 0,4 et 2 mg/l [54] .
(SvO2 ) (par un cathéter artériel pulmonaire), gardant à l’esprit Une valeur de PCT inférieure à 0,1 mg/l rend le diagnostic de sep-
que la SvO2 est 5 à 7 % plus basse que la SvcO2 [39–41] . C’est un sis extrêmement peu probable, avec une valeur prédictive négative
monitorage pertinent de l’adéquation des apports en oxygène au de 98,2 % [55] .
niveau périphérique, qu’il soit mesuré de manière continue ou Il est intéressant d’associer le dosage de ces marqueurs de
discontinue [42] . Le monitorage de la SvcO2 permet d’adapter la l’inflammation au cours du sepsis, avec la mesure de la lactaté-
réanimation hémodynamique précoce du patient en choc sep- mie [56, 57] . La PCT et le lactate sont des marqueurs diagnostiques
tique, et ce dès l’admission aux urgences [7] , même si le caractère et pronostiques indépendants [56] . Sur le plan diagnostique, la PCT
invasif reste limitant. La SvcO2 a une valeur pronostique montrant est plus performante pour porter le diagnostic de sepsis, tandis que
une mortalité supérieure chez les patients hypoxiques (SvcO2 le lactate était plus performant pour juger de la sévérité du sepsis.
≤ 70 %) (40 %) et hyperoxiques (SvcO2 90–100 %) (34 %) par rap- L’existence d’une valeur de PCT supérieure à 0,8 mg/l associée à
port aux patients « normoxiques » (21 %) [43] . une lactatémie supérieure à 2 mmol/l est associée à une morta-
Une autre approche moins invasive est d’appréhender lité de 56 %, tandis que l’élévation d’un seul de ces paramètres
l’oxygénation par la saturation tissulaire en oxygène (StO2 ) selon s’accompagnait d’une mortalité respectivement de 22 et 24 %. La
la méthode near infrared spectroscopy. Cependant, chez des patients mesure simultanée de la lactatémie et de la CRP permet d’apporter
septiques aux urgences, la StO2 n’est pas corrélée à la SvcO2 (sur- des informations pronostiques complémentaires [57] . Les patients
estimant pour des valeurs de SvcO2 basses et inversement) [44] . qui avaient une lactatémie initiale supérieure à 4 mmol/l et une
CRP supérieure à 10 mg/l présentaient une mortalité à 28 jours
Lactate de 44 %, tandis qu’une lactatémie similaire associée à une CRP
inférieure à 10 mg/l s’accompagnait d’une mortalité de seulement
La présence d’une hyperlactatémie est fréquente au cours du
10 %.
sepsis et témoigne de sa gravité. Le lactate plasmatique reste
Le dosage de ces biomarqueurs permet d’évaluer l’importance
aujourd’hui le meilleur biomarqueur du degré de souffrance cel-
de la réponse inflammatoire face à une infection systémique et à
lulaire et doit être mesuré à la phase initiale de la prise en charge
un rôle pronostique (en les confrontant à la clinique).
du sepsis (triage) [1] . Il permet d’apprécier le pronostic et de suivre
l’efficacité de la thérapeutique.
Le lactate doit être préférentiellement dosé sur sang artériel.
Il existe une meilleure corrélation entre lactates veineux et arté- Conduite à tenir
riel sur le sang prélevé sur voie veineuse centrale que prélevé thérapeutique [1]
Tableau 2.
Conduite à tenir devant un sepsis sévère ou choc septique. qui, associée à l’hétérogénéité locorégionale du tonus vasculaire,
entraîne une anomalie de la redistribution du débit sanguin aux
Le diagnostic de sepsis sévère (ou de choc septique) conduit à dépens du territoire splanchnique. Au cours du choc septique,
Mettre en place, sans délai, une voie d’abord vasculaire de bon calibre et le remplissage doit être rapidement accompagné d’une adminis-
démarrer un remplissage vasculaire par des cristalloïdes (30 ml/kg), en tration de substances vasoactives [64] . La mise en route d’un tel
évaluant la réponse hémodynamique (index cliniques de remplissage traitement est recommandée d’emblée en cas de PAD inférieure à
vasculaire, lactate, diurèse, mesure de la PVC et SvcO2 ) 40 mmHg ou après l’absence d’efficacité du remplissage vasculaire
Prélever sans délai deux séries d’hémocultures, et obtenir les autres par des cristalloïdes.
prélèvements à visée microbiologique guidés par l’examen clinique L’objectif est de maintenir une PAM supérieure ou égale à
Puis administrer des antibiotiques sans délai (dans l’heure et au 65 mmHg. Une étude a montré qu’une titration de noradréna-
maximum dans les trois heures) a , adaptés à l’origine présumée du foyer line dans l’objectif d’obtention d’une PAM à 65 mmHg permet
infectieux, à l’épidémiologie générale et locale, et aux risques de préserver la perfusion tissulaire [65] . Il faut noter que cet
spécifiques du patient, en tenant compte du résultat d’éventuels objectif de PAM supérieure ou égale à 65 mmHg est légèrement
examens directs de prélèvements différent du chiffre retenu pour le diagnostic de sepsis sévère
Compléter si nécessaire, les examens biologiques (fonction rénale, (PAM < 70 mmHg). Comme il est souligné dans la SSC, ce niveau
glycémie, hématologie et coagulation) et obtenir un dosage de lactate de PAM doit être adapté individuellement car un sujet jeune sans
s’il n’est déjà disponible, pour préciser les caractéristiques et le antécédent peut tolérer des niveaux de PAM plus bas qu’un patient
retentissement fonctionnel du syndrome septique souffrant d’athérosclérose ou d’hypertension artérielle. L’agent de
Instaurer une surveillance rapprochée des fonctions vitales (PA, diurèse, première intention est la noradrénaline qui augmente la PAM par
SaO2 , lactate) un effet vasoconstricteur avec une faible répercussion sur la Fc
Demander sans délai un avis au réanimateur pour évaluer le patient sur et moins d’augmentation du volume d’éjection systolique (VES)
place et organiser la suite de la prise en charge et son transfert en comparée à la dopamine. La noradrénaline est préférée à la dopa-
réanimation, en tenant compte des aspects éthiques mine [66, 67] , car même si cette dernière est intéressante lorsque la
L’absence de réponse satisfaisante au remplissage vasculaire au-delà de fonction systolique est altérée, elle entraîne plus de tachycardie et
90 minutes (choc septique) impose le transfert rapide dans une structure est reconnue plus arythmogène que la noradrénaline [68] . En effet,
de réanimation, après avoir mis en route l’ensemble des mesures la dopamine augmente la PAM et le débit cardiaque par une aug-
thérapeutiques précédentes, et débuté un traitement vasopresseur. mentation VES et de la Fc à la différence de la noradrénaline. Il
est maintenant reconnu que l’utilisation de la dopamine à faible
PA : pression artérielle. dose ne joue pas de rôle de protecteur de la fonction rénale [69] .
a
L’antibiothérapie (C3G) doit être administrée dès la constatation d’un purpura
d’allure infectieux.
Les recommandations ne retiennent son indication que chez les
patients avec un faible risque de tachyarythmie ou de bradycardie.
La phényléphrine n’est pas recommandée en dehors des
• PVC égale à 8–12 mmHg ; cas de patients présentant des arythmies sévères sous nora-
• PAM supérieure ou égale à 65 mmHg ; drénaline, de débit cardiaque élevé avec une hypotension
• diurèse supérieure ou égale à 0,5 ml/kg par heure ; artérielle ou en sauvetage quand la combinaison de drogues
• SvcO2 égale à 70 % ou SvO2 mêlée égale à 65 %. inotropes/vasoconstrictrices à des faibles doses de vasopressine
Cette stratégie basée sur ces objectifs à atteindre a montré son échoue à atteindre l’objectif de PAM.
efficacité, permettant de diminuer la mortalité absolue à j28 de L’adrénaline n’est pas recommandée en première intention car
17,7 %(in [58] ). elle accroît la demande en oxygène et compromet le débit sanguin
splanchnique. Elle augmente la lactatémie par stimulation des
récepteurs 2-adrénergiques du muscle squelettique (en dehors
Remplissage vasculaire de tout processus anaérobique) et peut gêner le suivi de ce para-
mètre (notamment sa clairance) comme guide de la réanimation.
Il ne souffre aucun retard et constitue une urgence dans sa mise Elle est une bonne alternative à la noradrénaline et est recomman-
en route dès le diagnostic de sepsis sévère ou d’état de choc posé. dée en support ou à la place de la noradrénaline pour maintenir
Il est un des quatre éléments des recommandations à réaliser dans un niveau de PA adéquat [70] .
les trois premières heures (Tableau 2). L’utilisation de dobutamine est recommandée après le remplis-
Le choix du produit de remplissage doit selon les dernières sage et la mise en route du traitement vasoconstricteur en présence
recommandations se porter sur un cristalloïde plutôt qu’un col- d’une dysfonction myocardique (augmentation des pressions
loïde. Il était classique de dire qu’il n’existait aucune supériorité de remplissage et bas débit cardiaque) ou de signes persistants
de l’un ou de l’autre mais la littérature de ces dernières années d’hypoperfusion malgré la restauration d’une volémie et d’une
s’est étoffée [59–61] . La recommandation contre l’utilisation des col- PAM adéquates. En 2012, une stratégie basée sur l’augmentation
loïdes (hydroxyéthylamidon 6 %) est basée sur l’augmentation de l’index cardiaque à des niveaux supranormaux prédéterminés
des insuffisances rénales aiguës. L’étude CRYSTAL comparant les
n’est plus de rigueur. À la différence de la dopamine, de la nora-
cristalloïdes aux colloïdes devrait apporter de nouveaux éléments.
drénaline et de l’adrénaline, la dobutamine est la seule amine à
L’utilisation de l’albumine pourrait trouver une indication
diminuer la pression capillaire d’occlusion.
privilégiée dans ce contexte [62] , notamment chez les patients
nécessitant de grandes quantités de cristalloïdes. Une méta- À un stade précoce du choc septique, les taux de vasopres-
analyse ayant agrégé 17 études randomisées a trouvé une baisse sine sont élevés, mais au cours de la progression du choc ils se
modérée de la mortalité absolue de 2,2 % à j28 en utilisant normalisent, entraînant un état de déficience relative en vaso-
l’albumine versus cristalloïde [63] . pressine. L’utilisation de la vasopressine peut être considérée chez
L’utilisation de sérum salé hypertonique n’est pas recomman- les patients présentant un choc septique réfractaire malgré un
dée actuellement. remplissage bien conduit et de hautes doses d’amines vasopres-
Il est recommandé de débuter le remplissage vasculaire par des sives. Elle ne doit pas être proposée en première intention à ce
cristalloïdes (30 ml/kg) en monitorant la réponse au remplissage jour, étant donné l’absence d’études randomisées. À la différence
par des tests dynamiques ou statiques. de la dopamine et de la noradrénaline, la vasopressine possède
un effet vasoconstricteur direct sur le muscle lisse vasculaire, et
est dénuée de tout effet inotrope et chronotrope. Dans toutes les
Catécholamines études menées sur l’utilisation de cet agent au cours du sepsis, il a
été montré une augmentation de la PAM et une discordance des
Les diminutions de la contractilité myocardique et du tonus résultats sur le débit cardiaque qui doit rendre prudente sa pres-
vasoconstricteur se traduisent par une hypotension artérielle cription en cas de dysfonction myocardique. Cet effet semble en
réfractaire au remplissage et péjorative sur un plan pronostique. relation avec des doses élevées. Il est recommandé de ne pas dépas-
Il faut prendre en compte l’hétérogénéité de la diminution de ser une dose de 0,03 à 0,04 U/min. La recommandation retenue
la réponse vasculaire périphérique aux agonistes ␣-adrénergiques en 2012 pour la vasopressine dans le traitement du choc septique
est son ajout avec la noradrénaline dans l’intention d’atteindre En ce qui concerne les infections virales, une thérapie antivi-
la PAM cible ou de réduire les posologies de noradrénaline en rale doit être débutée le plus tôt possible, notamment contre les
ultime recours [71] . N’étant disponible en France que sous forme Influenza virus.
d’une autorisation temporaire d’utilisation, l’utilisation de la ter- A contrario, il convient de ne pas débuter une antibiothé-
lipressine à la posologie de 1 à 2 mg par voie intraveineuse directe rapie chez les patients souffrant d’un syndrome inflammatoire
(50–70 kg), 1,5 mg (70–90 kg), 2 mg (> 90 kg) a été proposée, en de nature non infectieuse. Il faut garder à l’esprit que plus de
remplacement de la vasopressine. Sa prescription dans le choc 50 % des patients souffrant de sepsis sévère ou de choc septique
septique reste à préciser. bénéficiant d’une antibiothérapie empirique ont des hémocul-
L’utilisation de catécholamines doit amener à réaliser la pose tures négatives même si la cause est réellement bactérienne ou
d’un cathéter artériel dans les meilleurs délais afin de monitorer fongique. L’arrêt du traitement doit rester basé sur le jugement
de manière invasive et continue la PA. clinique.
La question essentielle associée à cette démarche diagnostique
est celle de l’opportunité d’une intervention invasive idéalement
Antibiothérapie réalisée dans les 12 heures suivant le diagnostic (radiologie inter-
ventionnelle ou chirurgie : drainage d’une collection suppurée
La précocité et la qualité (caractère adapté) de l’antibiothérapie ou ablation d’un foyer infecté le plus souvent intra-abdominal
initiale sont des éléments majeurs du pronostic des états septiques [péritonites, abcès parenchymateux ou intra-abdominal, réten-
graves, sinon le plus important. Le taux de mortalité augmente tion d’urines infectées, etc.]), après les manœuvres de réanimation
de 7,6 % pour chaque heure de retard dans le traitement antibio- appropriées (remplissage vasculaire, drogues vasoactives, intuba-
tique [72] . tion et ventilation mécanique, etc.) garant d’une stabilisation de
Les données cliniques permettent généralement de guider l’état hémodynamique et respiratoire. Il ne faut pas oublier que
les prélèvements locaux des sites accessibles, en complément les accès vasculaires peuvent être sources du sepsis imposant leur
des hémocultures systématiques prélevées d’emblée avec exa- retrait.
men direct par Gram, qui oriente le traitement antibiotique.
L’administration d’antibiotiques doit être effectuée dès la cons-
tatation d’un liquide louche ou purulent lors d’une ponction Glucocorticoïdes
lombaire, associée à l’administration de dexaméthasone.
Au cours du choc septique, il existe fréquemment une insuf-
La valeur des prélèvements locaux est très grande lorsqu’il s’agit
fisance surrénalienne, le plus souvent relative (incidence de
de sites normalement stériles prélevés dans de bonnes condi-
6 à 75 %), dont le mécanisme physiopathologique n’est pas
tions d’asepsie (LCS, urines, cavité péritonéale, bronches distales,
univoque. Cet état semble se compliquer d’une résistance péri-
etc.). Ils doivent toujours être interprétés avec prudence en cas
phérique aux corticostéroïdes. Il a également été montré qu’une
de prélèvement en « milieu ouvert » (urines chez un malade
synergie d’action existe entre les corticoïdes et les amines
sondé, plaies et drains, etc.), en particulier chez le malade déjà
vasoconstrictrices, les corticoïdes potentialisant les effets hémo-
hospitalisé.
dynamiques des catécholamines. Au cours du choc septique, la
Le choix des antibiotiques et la décision d’administration
réponse vasculaire aux catécholamines endogènes est diminuée
doivent être pris dans l’heure de la reconnaissance du choc
alors que leur concentration sérique est élevée. Une désensibili-
septique ou de sepsis sévère [73] , tandis que le traitement symp-
sation des récepteurs ␣ et , la production excessive de NO ainsi
tomatique (accès veineux et remplissage vasculaire) est poursuivi.
qu’une hyperperméabilité capillaire pourraient en être la cause.
Le choix du traitement antibiotique est fonction du mode
Il a été montré expérimentalement que les corticostéroïdes aug-
d’acquisition de l’infection (communautaire ou lié aux soins),
mentaient le nombre d’adrénorécepteurs ␣ et , et restauraient
du foyer infectieux supposé, d’un traitement antibiotique
leur sensibilité aux catécholamines. L’insuffisance surrénalienne
récent (dans les trois derniers mois), des comorbidités, et de
relative est définie par un taux de cortisol dans le sang inférieur
l’épidémiologie générale et éventuellement locale (notamment
à 15 g/dl ou entre 15 et 34 g/dl avec une augmentation de la
pour les infections hospitalières) associée à ce type d’infection,
cortisolémie inférieure à 9 g/dl après le test de stimulation à la
de la pharmacocinétique des molécules utilisées et des risques
postadrenocorticotropic hormone.
d’intolérance prévisibles.
Ainsi, l’administration de corticoïdes n’est recommandée qu’au
Les doses prescrites doivent être maximales d’emblée [74] , paren-
cours du choc septique résistant au traitement par remplis-
térales, avec une dose de charge initiale, en particulier pour les
sage vasculaire et catécholamines [1] . Uniquement dans ce cas,
-lactamines.
de l’hydrocortisone à la posologie de 200 mg/j est adminis-
En l’absence d’orientation étiologique initiale devant un sep-
trée pour une durée de trois à sept jours environ (évitant les
sis sévère ou un choc septique, un traitement empirique par une
effets rebonds), sans que la durée optimale ne soit connue. Elle
association définie localement (le plus souvent une -lactamine
doit être administrée en perfusion continue (plutôt qu’en boli
à large spectre active sur les staphylocoques, les streptocoques
répétés) afin d’éviter une hyperglycémie et une hypernatrémie.
et les entérobactéries dans les infections communautaires, ou
L’amélioration hémodynamique semble plus le fait d’un effet vas-
une quinolone active sur le pyocyanique dans les infections
culaire que d’un effet modulateur de la réponse inflammatoire. Par
nosocomiales, en association avec un aminoside) est débuté. Il
ailleurs, les recommandations soulignent que les corticostéroïdes
a été montré que la mise en place de procédures sous forme
ne doivent pas être administrés chez des patients en sepsis sans
d’algorithme aidant à la prescription de cette antibiothérapie
choc.
empirique permettait de répondre aux recommandations, notam-
En 2012, il n’est plus recommandé de réaliser de prélèvement
ment en termes de délai de prescription [75] .
pour dosage de la cortisolémie juste avant et une heure après un
Dans tous les cas, le traitement doit être réévalué dès réception
test au Synacthène® pour les patients éligibles à l’hydrocortisone.
des premiers résultats microbiologiques (qu’ils soient positifs ou
Il a été montré que ce test ne permettait pas d’identifier les patients
négatifs) et, de manière systématique, 48 heures après le début du
dits répondeurs (ne nécessitant pas de traitement substitutif) par
traitement afin de prévenir le développement de résistance, de
rapport aux non-répondeurs.
réduire la toxicité et les coûts. La durée de la prescription peut
se baser sur l’évolution de biomarqueurs comme la PCT [76] . Il est
recommandé de ne pas dépasser trois à cinq jours de traitement Produits de support
à large spectre (hors exceptions comme l’endocardite, infection à
Pseudomonas aeruginosa) et de revenir à une antibiothérapie simple L’administration de concentrés globulaires, quant à elle,
dès que le profil est connu pour une durée de sept à dix jours en est appliquée pour optimiser l’oxygénation une fois résolue
dehors des patients présentant une réponse clinique lente, des l’hypoperfusion tissulaire. Elle est indiquée lorsque le taux
sites d’infection non accessibles au drainage, des bactériémies à d’hémoglobine est inférieur à 7 g/dl, en dehors de toute pathologie
S. aureus, certaines infections virales ou fongiques, ou des patients coronaire, d’hypoxémie sévère, d’hémorragie aiguë ou d’acidose
avec déficiences immunitaires (patients neutropéniques). lactique (signant la persistance d’une hypoperfusion tissulaire),
Ces référentiels concernent les sédation, ventilation, contrôle PAS : pression artérielle systolique ; PAM : pression artérielle moyenne ; PVC :
de la glycémie, épuration extrarénale, traitement de l’acidose, pression veineuse centrale ; SvcO2 : saturation en oxygène de l’hémoglobine du
sang veineux en veine cave supérieure.
prophylaxie de la thrombose veineuse (héparines de bas poids
moléculaires) et de l’ulcère (inhibiteurs de la pompe à protons).
Quoique n’ayant pas été obtenue strictement chez des patients de
réanimation en sepsis sévère, une réduction de mortalité a pu être vants liés aux comorbidités et/ou à la nature de l’infection. Ces
observée par le contrôle strict de la glycémie à moins de 1,80 g/l éléments déterminent l’orientation du patient :
(après deux mesures successives) [77] . Il est recommandé de contrô- • patient en sepsis : résolution des signes cliniques
ler la glycémie (veineuse ou artérielle, et non capillaire) toutes les d’hypoperfusion, absence de comorbidité significative,
une à deux heures jusqu’à stabilité, puis toutes les quatre heures. type d’infection établi et de pronostic généralement
Il en est de même pour l’utilisation d’une stratégie de ven- favorable : transfert dans une unité pouvant assurer une
tilation protectrice, avec un volume courant de 6 ml/kg et une surveillance non invasive continue avec objectifs tensionnnels
pression de plateau inférieure ou égale à 30 cmH2 O chez les (PAM > 65 mmHg), et de diurèse supérieure à 0,5 ml/kg par
patients ventilés mécaniquement et en positionnant le patient heure, ainsi que le dépistage d’une défaillance viscérale. Tout
intubé–ventilé demi-assis à 30 à 45 ◦ pour éviter le risque objectif non atteint doit faire discuter l’admission secondaire
d’inhalation. dans une unité de réanimation ;
Les recommandations abordent aussi la sédation et la curarisa- • patient en choc septique : persistance totale ou partielle des
tion qui doit le plus possible être évitée (notamment en l’absence signes d’hypoperfusion clinique, lactatémie initiale supérieure
de syndrome de détresse respiratoire aigu), mais dans tous les cas ou égale à 4 mmol/l, présence de comorbidité significative, de
monitorée (train de quatre). signes de défaillance viscérale, type d’infection indéterminé
Il convient de ne pas utiliser les bicarbonates dans le but ou aggravant le pronostic. La présence de l’un de ces facteurs
d’améliorer l’état hémodynamique ou de réduire les besoins en conduit à l’admission d’emblée ou le plus rapidement possible
vasopresseurs en cas d’hypoperfusion induite par une acidose lac- dans une unité de réanimation.
tique si le pH est supérieur ou égal à 7,15.
Antibiotiques dans un
délai de 1 à 3 h et contrôle
de la source
< 8 mmHg
PVC Cristalloïde ou colloïde
< 70 %
> 70%
inotrope
Non
Objectif atteint
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Wiel E, Gosselin P, Marc JB. État septique aigu. EMC - Médecine d’urgence 2015;10(2):1-11 [Article
25-090-A-10].
Depuis 1995, la Direction générale de la santé (DGS) a mis en place l’accès à une prophylaxie lors des
accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques (AES) avec risque de transmission du virus de
l’immunodéficience humaine (VIH), pour le personnel de santé. Ultérieurement, la DGS a élargi l’accès de
cette prophylaxie aux expositions non professionnelles, en particuliers sexuelles. Le traitement
postexposition (TPE) est une trithérapie antirétrovirale débutée pour une personne exposée à un risque de
transmission VIH. Le TPE doit être pris le plus tôt possible et au plus tard dans les 48 premières heures
suivant l’exposition. Le TPE associe deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse et un
inhibiteur de la protéase. Un dispositif national a été mis en place dans les établissements de santé pour la
prise en charge rapide des AES. Les services d’urgences ont été associés à cette démarche pour la prise en
charge d’une personne exposée afin de favoriser l’accès rapide aux trithérapies. Un médecin référent
prend le relais pour l’indication du maintien de la prophylaxie et pour assurer le suivi du patient. Le
système de référence est vaste, médecins infectiologues des centres d’information et de soins de
l’immunodéficience humaine (CISIH), généralistes, médecins du travail et des centres de dépistage
anonyme et gratuit (CDAG). Le risque de l’exposition est réévalué selon la source, le délai et l’acte
contaminant. Le TPE est maintenu si le risque est réel. Les co-infections, en particulier les hépatites B et C,
sont aussi surveillées. Dans le cadre des professions de santé, l’application des recommandations
standards et l’utilisation de matériel sécurisé doivent permettre de diminuer la fréquence des AES. En
dehors des situations professionnelles, la prévention de la transmission du VIH est connue par la
population générale mais la possibilité d’un recours à une prophylaxie postexposition semble méconnue
et sous-utilisée.
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Plan ■ Définition
¶ Définition 1 Toute personne exposée par un contact percutané ou cuta-
néomuqueux au sang ou à un liquide biologique d’une autre
¶ Risque de transmission par le VIH, VHB et VHC, épidémiologie 2
personne porteuse du virus de l’immunodéficience humaine
Expositions professionnelles 2
(VIH) ou des hépatites B et C (respectivement VHB ou VHC) est
Expositions non professionnelles 3
victime d’un accident d’exposition aux liquides biologiques et
¶ Prévention des accidents d’exposition au sang 3 sanguins (AELBS ou AES). La majorité des AES survient dans le
Prévention des accidents d’exposition professionnelle 3 cadre du travail (surtout des professions de santé) ou lors d’une
Prévention des accidents d’exposition sexuelle 3 exposition au cours d’un rapport sexuel ou d’utilisation de
Prévention chez le toxicomane 3 drogues intraveineuses.
¶ Modalités de prise en charge des accidents d’exposition au sang 4 La surveillance des contaminations professionnelles chez le
Dispositif de prise en charge 4 personnel de santé a été mise en œuvre de façon rétrospective
Prise en charge spécifique d’un AES aux urgences 4 et prospective en 1991 pour le VIH et en 1997 pour l’hépatite
Évaluation du risque de transmission du VIH 5 C [1, 2].
Traitement postexposition 5 Depuis 1995, les personnes exposées à un AES professionnel
Prophylaxie et conduite à tenir en cas d’exposition au VHB 6 ont une prise en charge thérapeutique renforcée suite aux
Prophylaxie et conduite à tenir en cas d’exposition au VHC 6 résultats de l’enquête montrant une réduction de 80 % du
risque de transmission du VIH chez les soignants victimes d’un
¶ Surveillance et suivi 6
AES ayant pris de la zidovudine (AZT) [3].
Principes généraux 6
Le ministère de la Santé a émis la circulaire DGS/DH/DRT/
Suivi des AES 7
DSS n° 98-228 du 9 avril 1998 et plus récemment la circulaire
¶ Cas particulier de l’enfant 7 DGS/DHOS/DRT/DSS/SD6 A n° 2003-165 du 2 avril 2003 [4],
¶ Conclusion 8 relatives aux recommandations de mise en œuvre d’un traite-
ment antirétroviral après exposition au risque de transmission
Médecine d’urgence 1
25-090-A-20 ¶ Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques
2 Médecine d’urgence
Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques ¶ 25-090-A-20
Expositions sexuelles
Expositions au VIH ■ Prévention des accidents
Le risque de contamination lors d’un rapport sexuel avec d’exposition au sang
un(e) partenaire séropositif(ve) varie de 0,04 % lors d’un rapport
oral (fellation réceptive) à 0,82 % après un rapport anal réceptif Prévention des accidents d’exposition
entre hommes et partenaire positif au VIH [14]. Le risque de
contamination d’un rapport vaginal est intermédiaire à 0,1 %, professionnelle
ce risque est plus important pour la femme que pour La sécurité du personnel soignant passe par le respect des
l’homme [21, 22]. recommandations standards, anciennement appelées précau-
Certains facteurs augmentent le risque de transmission : tions universelles. Ces dernières ne tenaient pas compte du
• charge virale élevée, notamment en période de primo- risque de transmission soigné-soignant.
infection (risque multiplié par 20) ou à un stade avancé de la En dehors de ces précautions, le matériel utilisé dans les
maladie (la charge virale dans les sécrétions génitales est gestes invasifs s’est amélioré. De plus en plus de matériel est dit
globalement corrélée à celle de la charge virale plasmatique) ; « sécurisé » (ce matériel est recensé dans un guide du
• autres infections ou lésions chez le partenaire infecté (par GERES) [23].
augmentation de la quantité du virus dans les sécrétions Par ailleurs, la vaccination contre l’hépatite B est obligatoire
génitales) ; pour le personnel soignant depuis la loi du 18 janvier 1991
• infections ou lésions génitales chez la personne exposée ; (article L du CSP et arrêté du 26 avril 1999).
• ectropion du col de l’utérus ; Les précautions standards sont les suivantes :
• menstruations ou saignements lors du rapport sexuel. • rinçage et désinfection de toutes blessures ;
À l’inverse, le risque est plus faible en cas de charge virale • lavage et désinfection des mains entre chaque patient ou
basse ou indétectable sous traitement efficace. Mais il faut savoir entre deux activités ;
que le virus reste détectable dans le tractus génital chez 10 à • port de gants, de lunettes, de masque et de surblouse selon
20 % des hommes ayant une charge virale indétectable. l’acte pratiqué entre chaque patient ou entre deux activités ;
La prise de substances psychoactives ou les rapports sexuels • manipulation du matériel souillé : ne pas recapuchonner les
avec plusieurs partenaires constituent des situations à risque qui aiguilles, avoir des conteneurs adaptés proches du lieu de
incitent à proposer un TPE en cas de rapport anal ou vaginal soins ;
non protégé avec un(e) partenaire de sérologie VIH inconnue • procédures appropriées de stérilisation ;
(Tableau 2). • nettoyage des surfaces à l’eau de Javel.
Expositions au VHB Ces précautions standards sont détaillées dans le
Tableau 3 [24].
Le risque de transmission par voie sexuelle du VHB est plus
élevé que pour le VIH, mais il n’existe pas de données disponi-
bles pour en évaluer la probabilité.
Prévention des accidents d’exposition
sexuelle
Expositions au VHC
La lutte contre le sida passe par la prévention. L’utilisation
Le risque de transmission sexuelle par le VHC est beaucoup systématique des préservatifs (féminins ou masculins) reste le
moins important sauf en cas de relation traumatique ou seul moyen efficace de protection contre le VIH et autres
sanglante. infections sexuellement transmissibles.
Expositions liées à la toxicomanie
En cas de partage de seringues et/ou d’aiguilles entre toxico-
Prévention chez le toxicomane
manes, le risque de transmission du VIH est évalué à 0,67 %. En La prévention passe par l’information des risques de conta-
cas de partage du reste de produit ou de matériel d’injection mination lors du partage des aiguilles, mais aussi de tout le
(cuillères, eau de rinçage, coton...), le risque n’a pas été matériel d’injection, ainsi que le risque de diverses infections
quantifié mais semble très faible. manuportées.
Médecine d’urgence 3
25-090-A-20 ¶ Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques
4 Médecine d’urgence
Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques ¶ 25-090-A-20
Figure 1. Arbre décisionnel. Prise en charge d’un accident d’exposition au sang et aux liquides biologiques (AES) aux urgences. VIH : virus de
l’immunodéficience humaine ; TPE : traitement postexposition.
• si le sujet-source est VIH traité et/ou en échec thérapeutique ; Pour les accidents professionnels, il faut évaluer la blessure, sa
• si le sujet-source est suspect de primo-infection ; nature, sa profondeur, le matériel mis en cause.
• chez la femme enceinte ou allaitante ; Il faut vérifier si la personne a fait les premiers gestes de
• si la personne a un traitement contre-indiquant ou interfé- lavage et de désinfection de la blessure.
rant avec les antirétroviraux (cf. infra). Pour les expositions sexuelles, il faut connaître la date et
l’heure de l’accident, la nature de l’exposition, l’utilisation ou
Évaluation du risque de transmission non de préservatif, rupture ou glissement de préservatif, les
du VIH facteurs de risques associés augmentant le risque de contamina-
tion (infection génitale, lésion génitale, rapport pendant les
Personne-source règles, partenaire appartenant à un groupe à risque) et les
Il est essentiel de connaître le statut sérologique de la situations à risques (partenaires multiples, utilisation de
personne-source. substances psychoactives).
Quand la personne-source est sur place (patient hospitalisé, En cas d’injection de drogues par voie intraveineuse, il faut
partenaire) et son statut sérologique inconnu, après information déterminer le délai, le type de matériel utilisé, la présence de
et avec l’accord de la personne-source, celle-ci est prélevée pour différents usagers et si possible leurs statuts pour les virus VIH,
une sérologie VIH. VHB, VHC.
En cas de séropositivité VIH, il est important de recueillir
d’autres informations sur la personne-source : le stade clinique,
les traitements antérieurs, le taux de lymphocytes CD4 et la Traitement postexposition
charge virale.
Lorsque le statut sérologique de la personne-source est Le TPE est pris en charge à 100 % par l’assurance maladie. Le
inconnu, tous les efforts doivent être consentis à la détermina- coût d’une trithérapie est élevé et 1 mois de Combivir ® -
tion de celui-ci et recourir au test de diagnostic rapide avec Kaletra® revient actuellement à 800 Q.
l’accord de la personne.
Si le statut de la personne-source reste indéterminé, l’évalua- Antirétroviraux conseillés [14]
tion du risque de transmission repose sur le type d’exposition
Le TPE comporte avant tout une trithérapie associant généra-
et sur la prévalence théorique de l’infection à VIH dans la
lement deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase
population à laquelle est supposé appartenir le sujet-source.
inverse (INTI) et un inhibiteur de la protéase (IP).
En cas d’agression sexuelle, dans la mesure du possible, il est
important d’obtenir la sérologie de l’agresseur. Si l’agresseur L’association zidovudine + lamivudine (Combivir ® ) est
n’est pas identifié, il a été considéré que, compte tenu de la actuellement largement utilisée pour sa simplicité de prise,
nature possiblement traumatique du rapport et la notion d’une 1 comprimé matin et soir. Une autre association pourrait être
appartenance de l’agresseur à un groupe de prévalence de prochainement proposée, l’association d’emtricitabine + tenofo-
l’infection à VIH potentiellement élevée (5 % environ selon les vir (Truvada®) qui consiste en 2 comprimés par jour.
données recueillies auprès de différents services d’urgences Parmi les IP/r, on utilise préférentiellement le lopinavir/
médicojudiciaires), la victime bénéficie d’un TPE [4]. ritonavir (Kaletra®). Il permet une simplicité de prise avec sa
nouvelle galénique en comprimés : 2 comprimés matin et soir.
Type d’exposition Le nelfinavir (Viracept ® ) est de moins en moins utilisé,
Le TPE est réservé aux situations à risque identifiable de certaines études ayant montré une tolérance moins bonne que
transmission du VIH. celle du Kaletra® [25, 26].
Médecine d’urgence 5
25-090-A-20 ¶ Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques
6 Médecine d’urgence
Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques ¶ 25-090-A-20
Tableau 5.
Suivi biologique en cas d’exposition aux VIH, VHB et VHC et syphilis en cas d’AES [14].
Source
Personne exposée AES traité AES non traité Exposition sexuelle traitée Exposition sexuelle non traitée
j0 Sérologies VIH, VHB, VHC Sérologies VIH, VHC, VHB Sérologies VHC, VHB Sérologies VHC, VHB
NFS, ALAT (ou anticorps anti-HBs (ou anticorps anti-HBs
ou anti-HBc si vacciné) ou anti-HBc si vacciné)
Créatinine
TPHA, VDRL TPHA-VDRL
bHCG si doute
NFS, ALAT, amylase
bHCG si doute
j15 NFS, ALAT, créatinine PCR VHC si source VHC+ NFS, ALAT
(si ténofovir) Créatinine si ténofovir
PCR VHC si source VHC+
M1 NFS, ALAT Sérologie VIH NFS, ALAT Sérologie VIH
VHC si risque VHC Sérologie VHC et ALAT TPHA, VDRL TPHA et VDRL
M2 Sérologie VIH Sérologie VIH
M3 Sérologie VIH Sérologie VIH et Ac anti-HBc si
Sérologie VHC et ALAT non répondeur ou non vacciné
suivi des AES est organisé au sein même du service pour de Suivi des AES sexuels
multiples raisons. L’Hôtel-Dieu se situe dans une zone à risque
élevé d’accidents d’exposition sexuelle (quartier festif et La surveillance est similaire et est conduite sur 4 mois. Les
homosexuel). Cela draine vers le service de nombreuses person- sérologies VIH sont faites à 2 et 4 mois si le patient reçoit un
nes exposées et bien informées de l’existence d’un TPE. Ce TPE. Le suivi peut être arrêté à 3 mois si le patient n’a pas reçu
nombre important d’AES n’était pas absorbé par la consultation de TPE.
d’infectiologie et une nouvelle stratégie d’accueil des AES a été En cas d’AES sexuel, une surveillance de la syphilis avec un
mise en place. Cette organisation spécifique avait été faite en test TPHA et VDRL initial et à 1 mois est proposé.
accord avec les infectiologues de l’Hôtel-Dieu, qui restent les
référents et interlocuteurs privilégiés devant un cas difficile et Surveillance de l’hépatite C
pour une prise en charge particulière. Le suivi des AES s’est
En cas de risque d’exposition au VHC, les sérologies et la
amélioré par ce nouveau circuit, passant de 20 % de retour des
polymerase chain reaction (PCR) VHC sont recommandées. Cette
AES au quatrième jour à 80 % [27].
surveillance pour les AES professionnels n’est faite que si la
Une second travail, en 2004, sur la tolérance et l’observance
source est séropositive au VHC ou si son statut est inconnu.
du TPE sur 1 mois a montré la faisabilité et la pertinence d’un
suivi aux urgences avec un suivi de 100 % à 1 mois [28]. Dans les AES sexuels, la surveillance n’est pas systématique et
est proposée en cas d’exposition traumatique et/ou sanglante.
Médecine d’urgence 7
25-090-A-20 ¶ Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques
“ Points importants
La prise en charge des accidents d’exposition au sang ou liquides biologiques (AES) avec risque de contamination VIH repose sur les
recommandations de la Direction générale de la santé selon la circulaire DGS/DHOS/DRT/DSS/SD6 A n° 2003-165 du 2 avril 2003 et
sur les dernières recommandations d’experts de 2006.
Le traitement postexposition (TPE) a permis de diminuer le risque de transmission du VIH, mais son efficacité reste incertaine.
L’indication du traitement doit être par conséquent réservée à des situations à risque. Tout doit être fait pour connaître le statut
sérologique du sujet-source. La mise sous trithérapie doit être débutée le plus tôt possible et peut être indiquée jusqu’à 48 heures
après l’exposition. Il est essentiel d’informer le patient sur l’intérêt du traitement, les risques d’échec, les effets secondaires et le suivi
qui sera nécessaire.
Chaque établissement de santé doit avoir des procédures en cas d’AES, écrites et validées incluant différentes spécialités, en particulier
les services d’infectiologie et les services d’urgences. En dehors des heures ouvrables des services spécialisés d’infectiologie, les services
des urgences doivent permettre à toute personne exposée au risque de transmission du VIH, un accès au TPE. Les médecins des
urgences, y compris les médecins de garde, doivent connaître les situations exigeant le recours à la trithérapie prophylactique et
pouvoir fournir ce traitement pour 3 à 4 jours. Le suivi des AES sera relayé par des médecins référents des centres d’information et de
soins de l’immunodéficience humaine, de la médecine du travail, des centres de dépistage anonyme et gratuit ou par des médecins
infectiologues.
Le TPE recommandé repose sur une trithérapie associant généralement deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse
(INTI) et un inhibiteur de la protéase (IP). Les INTI recommandés en première intention sont l’association zidovudine + lamivudine
(Combivir®) ou l’association de ténofovir + emtricitabine (Truvada®). Parmi les IP/r, on utilise préférentiellement le lopinavir/ritonavir
(Kaletra®).
La surveillance sérologique de la personne exposée est recommandée jusqu’à 4 mois. Les co-infections sont suivies jusqu’à 6 mois, en
particulier les hépatites B et C.
En amont du TPE, la prévention reste essentielle :
• respect des précautions universelles et utilisation de matériel sécurisé dans le milieu médical ;
• information générale sur les risques de contamination du VIH et ses moyens de prévention.
Les antirétroviraux utilisés sont communément : d’infectiologie, des médecins internistes, des médecins généra-
• la zidovudine ; listes ou du médecin du travail. Ces médecins référents doivent
• la lamivudine ; être identifiés et signalés par écrit dans le protocole des
• le nelfinavir. urgences.
L’avantage de la zidovudine et de la lamivudine est leur Une personne ayant un AES et mise sous TPE a un suivi
présentation en sirop et chez l’adolescent une posologie à recommandé jusqu’à 6 mois en cas de risque de transmission du
1 comprimé deux fois par jour. VIH ainsi que pour les co-infections VHB et VHC. En cas
Le nelfinavir existe en poudre et peut être reconstitué à des d’accident professionnel, un certificat médical initial d’accident
posologies infantiles [29, 30]. de travail est rédigé et le relais est pris par le médecin du travail.
L’existence de la trithérapie prophylactique ne doit pas
entraîner de relâchement dans les mesures de sécurité. En effet,
les efforts conjugués par la mise en place des dispositifs de prise
■ Conclusion en charge précoce des AES, par le matériel utilisé dit sécurisé,
par la mise en place des précautions standards ont permis de
Les AES sont un motif de consultation fréquent dans les diminuer les risques de contamination. Cet effort de prévention
services d’urgences. En effet, les urgences en dehors des heures doit continuer, passant par l’implication de la médecine du
ouvrables ou en l’absence d’un accès facile à une consultation travail.
spécialisée reçoivent les personnes victimes d’AES. L’objectif est Dans la population générale, la prophylaxie en cas d’accident
de débuter un traitement postexposition le plus rapidement d’exposition à risque de transmission du VIH est très peu
possible et avant 48 heures en cas de risque de transmission du connue. La banalisation du sida rend la prévention encore plus
VIH. difficile et montre un désintérêt du public face à cette maladie.
Les services d’urgences doivent avoir des protocoles écrits et Il existe une nécessité de maintenir l’information et la préven-
un circuit bien organisé pour la prise en charge des AES. tion de cette maladie.
Cela implique une formation des médecins urgentistes sur la .
8 Médecine d’urgence
Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques ¶ 25-090-A-20
[4] Circulaire DGS/DHOS/DRT/DSS/SD6 A n°2003-165 du 2 avril 2003 [17] Rabaud C, Lepori ML, Vignaud MC, Martin C, May T, Canton P. Acci-
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Le Guerroué G., Pourriat J.-L. Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-090-A-20, 2008.
Médecine d’urgence 9
25-090-A-30
La fièvre est un motif fréquent de consultation au retour de voyage. En France, le paludisme à Plasmo-
dium falciparum doit être systématiquement évoqué et éliminé. Les autres causes de fièvre au retour
de voyage sont les arboviroses, les hépatites virales, les salmonelloses, l’amibiase hépatique et les infec-
tions communautaires. Une histoire récente de voyage en pays tropical peut être trompeuse et il faut
aussi garder en tête les infections cosmopolites, notamment urinaires, bronchopulmonaires, cutanées
et oto-rhino-laryngologiques. À l’opposé, la survenue d’une fièvre au retour de voyage doit aussi faire
évoquer systématiquement la possibilité d’une maladie d’importation car certaines d’entre elles sont
à surveiller plus particulièrement, étant donné leur risque épidémique ou leur gravité potentielle. La
démarche diagnostique s’appuie sur un interrogatoire précis également orienté sur le voyage, un examen
clinique rigoureux et quelques examens complémentaires simples d’orientation diagnostique. Néanmoins,
le diagnostic reste parfois indéterminé.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Tableau 1.
Fréquence (%) des causes de fièvre au retour des tropiques : principales publications.
Études MacLean [18] Doherty [15] O’Brien [16] Casalino [13] D’Acremont [14] Antinori [17] Ansart [11] O’Brien [57] Bottieau [58] Wilson [10]
Année de 1994 1995 2001 2002 2002 2004 2005 2006 2006 2007
publication
Pays Canada UK Australie France Suisse Italie France Australie Belgique International
Type d’étude R P P P P P P P P R
Nombre de 587 195 232 783 336 147 622 1106 1743 24 920
patients inclus
Nombre (%) de 587 (100 %) 195 (100 %) 232 (100 %) 783 (100 %) 336 (100 %) 147 (100 %) 257 (41 %) 624 (56 %) 1743 (100 %) 6957 (28 %)
patients fébriles
Paludisme 32 42,1 26,7 18,5 28,9 47,6 21,8 26,8 27,7 20,9
P. falciparum ND 36,4 7,8 16,7 19 35,4 14 ND 22,1 13,9
P. vivax ND 3,6 17,2 0,9 7,7 9,5 5,4 ND 2,7 5,6
P. ovale ND 2,1 3 1 2,7 2 1,6 ND 2,1 ND
P. malariae ND 0 0 0 1,5 0,7 0 ND 0,8 ND
Hépatite 6 3,1 2,6 2,8 1,5 8,8 10,1 1,4 0,8 1,3
Infections 5 2,6 6,5 10 2,1 2,7 7,8 4 6,5 8,1
respiratoires
basses
Infections 4 2,1 2,2 6,2 2,4 1,4 8,6 2,6 2,6 2,4
urinaires
Dengue 2 6,2 7,8 ND 0,6 3,4 6,2 7,4 3 6,2
Fièvre 2 1,5 3,4 ND 1,2 4,1 ND 4,5 0,8 2
typhoïde/
paratyphoïde
Diarrhée 4 6,7 14,2 12,5 13,1 4,8 21 12 7,2 14,8
Mononucléose 2 0,5 0,4 0,1 0,6 ND ND ND 0,8 ND
infectieuse
Pharyngite/ 7 2 12,1 ND 7,1 ND 2,3 8,2 3,2 2
infection des
VAS
Rickettsiose 1 0,5 2,2 ND 0,6 0,7 1,2 2,6 3,3 1,6
Abcès amibien 1 ND ND ND ND ND ND ND ND 0,3
du foie
Tuberculose 1 2,1 0,4 ND ND 0,7 4,7 ND 1,6 ND
Méningite 1 1,5 0,9 3,4 0,3 ND ND ND ND ND
VIH 0,3 1 0,4 ND ND ND 0,8 ND 0,3 ND
Inconnu 25 ND 9,5 55 7,7 ND ND 7,2 24,4 21,6
UK : Royaume-Uni ; P : prospective ; R : rétrospective ; VAS : voies aériennes supérieures ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; ND : non disponible.
Quel voyageur ?
Il faut préciser si le patient a vécu ou vit en zone d’endémie
car si les touristes sont plus à risque de dengue et de
“ Point important bilharziose invasive, les migrants sont plus à risque de patho-
logies tropicales communes [11] . Certaines maladies infectieuses
sont plus fréquentes, plus graves ou d’expression clinique
atypique en cas d’immunodépression (infection par le VIH,
Les causes les plus fréquentes de fièvre liées au voyage sont transplantation, diabète, corticothérapie, traitement immuno-
le paludisme, les infections communautaires, les hépatites suppresseur). On précise les autres comorbidités, potentiellement
virales, les arboviroses, les salmonelloses, la leptospirose, à risque de décompensation à l’occasion d’une pathologie infec-
les rickettsioses, et l’amibiase hépatique. tieuse aiguë, et, pour les femmes, si une grossesse est en
cours.
Tableau 2.
Liste des médicaments antipaludiques utilisables en chimioprophylaxie chez l’adulte.
Antipaludique Zones Posologie Début du traitement Fin du traitement
avant le départ après le retour
Chloroquine (Nivaquine® 100 mg) 1 1 cp/j 1 jour 4 semaines
Chloroquine 100 mg + proguanil 2 1 cp/j 1 jour 4 semaines
200 mg (Savarine® )
Atovaquone 250 mg + proguanil 2 ou 3 1 cp/j 1 jour 7 jours
100 mg (Malarone® )
Méfloquine 250 mg (Lariam® ) 3 1 cp/sem 8 à 10 jours 3 semaines
Doxycycline 100 mg (Doxypalu® ) 3 1 cp/j 1 jour 4 semaines
Tableau 4.
Principales causes de fièvre au retour de voyage en fonction des signes associés.
Signes associés Bactéries Virus Parasites/Champignons
Syndrome septique Infections bactériennes à porte d’entrée Paludisme, helminthiases invasives,
urinaire, pulmonaire, cutanée amibiase hépatique
Syndrome hémorragique Leptospirose, méningococcémie Fièvre jaune, fièvres hémorragiques virales
transmissibles (Crimée-Congo, Lassa,
Marburg, Ebola), dengue, chikungunya,
hépatite fulminante
Pneumopathie Pneumocoque, légionellose Grippe Histoplasmose
Diarrhée Salmonellose, shigellose, Hépatites virales, rotavirus Paludisme (enfant), Entamoeba histolytica
campylobactériose, yersiniose,
Escherichia coli (ETEC, EAEC, EHEC)
Adénopathies Peste, rickettsiose Primo-infection VIH, dengue et autres Trypanosomiase africaine, leishmaniose
arboviroses viscérale, filariose lymphatique
Algies Hépatites virales, fièvres hémorragiques, Trichinose, sarcocystose
arboviroses
Hépatomégalie Hépatites virales Leishmaniose viscérale, paludisme,
amibiase hépatique
Splénomégalie Typhoïde, brucellose, borrélioses Trypanosomiase africaine, leishmaniose
viscérale, paludisme
Ictère et/ou hépatite Typhoïde, rickettsiose, leptospirose Hépatites virales, fièvre jaune, leptospirose Paludisme
ictérohémorragique, EBV, CMV, HSV,
arbovirus, Hantaan
Éruption cutanée Typhoïde, syphilis secondaire, Dengue et autres arboviroses, Trypanosomiase africaine et
rickettsiose, leptospirose primo-infection VIH, trichinellose sud-américaine, helminthiases invasives,
toxoplasmose, trichinellose
Signes neurologiques Typhoïde, méningite bactérienne Arboviroses Paludisme grave
ETEC : Escherichia coli entérotoxinogène ; EAEC : Escherichia coli entéroaggrégatif ; EHEC : Escherichia coli entérohémorragique ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ;
EBV : Epstein-Barr virus ; CMV : cytomégalovirus ; HSV : herpes simplex virus.
Quels ont été les traitements déjà utilisés ? sensibles. Une hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile
oriente vers une affection bactérienne ou un abcès amibien du
La prise d’anti-infectieux (antipaludiques ou antibiotiques)
foie. Une leuconeutropénie oriente vers le paludisme, la fièvre
dans un but prophylactique ou curatif, et d’antipyrétiques peut
typhoïde, la leishmaniose viscérale. Une hyperéosinophilie est
modifier l’expression clinique d’une maladie infectieuse et, de ce
habituellement due à une helminthose invasive. Une lymphomo-
fait, aboutir à un diagnostic erroné ou retardé en abâtardissant la
nocytose évoque une infection virale. Une plasmocytose évoque
courbe de température ou en décapitant une infection.
une trypanosomose africaine. Une anémie peut être observée dans
Par ailleurs, devant le développement rapide de la multiré-
le paludisme, la leishmaniose viscérale et certaines infections bac-
sistance des bactéries aux antibiotiques dans certaines régions,
tériennes. Une thrombopénie est fréquente au cours du paludisme
phénomène amplifié par les voyages internationaux [21] , tout
et est également observée au cours des arboviroses (dengue notam-
contact avec le système de soins (notamment hospitalisation)
ment), et de la leishmaniose viscérale, ou d’un sepsis sévère.
dans l’année, même sans prescription d’antibiothérapie, doit
La valeur prédictive positive d’une thrombopénie, inférieure à
être recherché et considéré comme à risque de colonisation ou
130 000/ml, est de 67,1 % et la valeur prédictive négative de 87,7 %
d’infection à BMR (bactéries hautement résistantes émergentes
en cas de paludisme [13] .
[BHRe]). Des recommandations du Haut Conseil de santé publique
relatives à la maîtrise de la diffusion des BMR importées ont été
éditées en 2010 [22] . Procalcitonine et/ou protéine C réactive
Examen clinique Les mesures de la protéine C réactive (CRP) et/ou de la procalci-
tonine, avec leurs limites en termes de sensibilité et de spécificité,
L’interrogatoire recherche des signes associés à la fièvre : algies, permettraient d’orienter vers des maladies bactériennes ou para-
signes généraux, digestifs, neurologiques, urinaires, respiratoires, sitaires plutôt que virales à l’origine de la fièvre. La mesure initiale
ORL et cutanés. Il est important de préciser l’évolution de la fièvre, de la CRP permet un suivi évolutif.
sa périodicité éventuelle (en plateau, hectique, récurrente, inter-
mittente), sa tolérance et l’effet des traitements déjà administrés. Frottis sanguin et goutte épaisse
Les signes cliniques permettent d’orienter le diagnostic vers un
ou plusieurs pathogènes mais aucun signe clinique n’est pathog- Ils doivent être pratiqués en urgence en cas d’exposition poten-
nomonique. Les éléments d’orientation en fonction des signes tielle au paludisme. Le résultat du frottis sanguin, examen de
associés sont résumés dans le Tableau 4. première intention, peut être communiqué dans l’heure qui suit
L’examen physique doit être complet avec recherche en priorité le prélèvement. En cas de négativité, une goutte épaisse doit être
des signes de gravité, et donc systématiquement être associé à la réalisée.
prise des constantes vitales (température, pression artérielle, fré- Outre les hématozoaires du paludisme, le frottis sanguin peut
quence respiratoire, fréquence cardiaque) et à la réalisation d’une mettre en évidence des trypanosomes, au cours de la trypano-
bandelette urinaire. somose humaine africaine en phase lymphaticosanguine, et les
Borrelia dans les fièvres récurrentes à poux ou à tiques, ainsi que
des Babesia.
Examens paracliniques systématiques
Hémogramme Hémocultures
Il peut avoir une bonne valeur d’orientation mais les anoma- Elles peuvent permettre l’identification d’une bactérie pyo-
lies de la numération sont le plus souvent non spécifiques et peu gène à l’origine d’une septicémie dans le cadre d’une infection
communautaire (respiratoire, urinaire, cutanée, ORL) ou d’une montrent une bien moindre importance des pathologies tropi-
salmonelle mais aussi la recherche de leptospires ou de Borrelia cales [9] . Par ailleurs plus que la destination continentale, c’est la
sous certaines conditions. région visitée et les risques pris au cours du voyage qui condi-
tionnent le plus les pathologies observées au retour.
Examen cytobactériologique des urines (ECBU)
Il doit être également pratiqué de façon systématique à la
recherche d’une infection urinaire ou d’arguments indirects pour
Principales causes de fièvre
certaines pathologies d’importation (hématurie microscopique de Paludisme
la leptospirose, etc.).
C’est le premier diagnostic à évoquer car il peut mettre rapide-
Transaminases ment en jeu le pronostic vital (environ une dizaine de décès/an
en France) : c’est donc une urgence thérapeutique. Le risque de
Elles permettent parfois d’orienter le diagnostic. L’augmen-
paludisme varie en fonction de la région visitée, de l’adhérence
tation privilégiée des alanine aminotransférases (ALAT) oriente
aux conseils de protection individuelle contre les piqûres de
vers une hépatite virale, une arbovirose (dont la fièvre jaune), une
moustiques et du type de chimioprophylaxie utilisée. Depuis
typhoïde, un paludisme. L’augmentation privilégiée des aspar-
quelques années, en plus des quatre espèces parasitaires infectant
tate aminotransférases (ASAT) oriente vers une trichinellose, une
l’homme déjà connues (P. falciparum, P. vivax, P. malariae, P. ovale)
légionellose.
a été décrite une cinquième espèce de Plasmodium associée à des
cas humains, P. knowlesi. Ce parasite est essentiellement retrouvé
Radiographie thoracique en Asie du Sud-Est [24] .
Elle peut mettre en évidence une pneumopathie. Une ascen-
sion de la coupole diaphragmatique droite, une atélectasie de la Épidémiologie du paludisme d’importation
base droite, un comblement du cul-de-sac costodiaphragmatique en France [25]
du même côté sont des éléments indirects faisant suspecter une
En France, le nombre de cas estimé, à partir des cas déclarés,
amibiase hépatique.
a été d’environ 3600 en 2011 et 4000 en 2012, chiffres en forte
diminution par rapport au début des années 2000. Environ 95 %
des patients ont acquis leur paludisme en Afrique. Les accès à
“ Point important P. falciparum, qui rendent compte de 85 % des cas, sont surtout
acquis lors de voyage en Afrique subsaharienne et ceux à P. vivax
en Asie (surtout l’Inde) ou en Amérique centrale.
Examens paracliniques de première intention : Environ 40 % des patients seulement ont suivi une chimio-
numération-formule sanguine (NFS), plaquettes, protéine prophylaxie. Plus des trois quarts des cas surviennent chez des
C réactive, frottis sanguin-goutte épaisse, hémocultures, sujets d’origine africaine résidant en France ou arrivant de pays
d’Afrique [26] . En effet, cette population semble moins bien infor-
ECBU, ASAT, ALAT, radiographie thoracique.
mée du risque d’accès grave et des mesures de chimioprophylaxie,
ou est dissuadée par leur coût. Le délai médian entre le retour de
la zone d’endémie et le diagnostic de paludisme s’échelonne de
cinq jours pour P. falciparum à 69 jours pour P. ovale. Ce délai est
Autres examens complémentaires également fonction du type de prophylaxie suivie. La précocité du
diagnostic et l’adéquation du traitement sont les facteurs essen-
Les données de l’examen clinique et les résultats du bilan bio- tiels de survie en cas de paludisme à P. falciparum. Environ 7 %
logique systématique peuvent conduire à la prescription d’autres des formes sont considérées comme graves. À noter que 36 cas de
examens complémentaires : coproculture en cas de troubles du paludisme chez des femmes enceintes ont été rapportés au Centre
transit intestinal (l’examen parasitologique des selles est à prati- national de référence (CNR) en 2011.
quer également mais la probabilité qu’un parasite digestif soit à Toute pathologie fébrile au retour des tropiques doit être
l’origine d’une diarrhée fébrile est peu élevée en dehors d’Isospora considérée a priori comme pouvant être d’origine palustre et
belli et de Cyclospora cayetanensis), ponction lombaire, imagerie du investiguée comme telle.
système nerveux central (tomodensitométrie, voire imagerie par
résonance magnétique [IRM]) et parfois électroencéphalogramme Présentation clinique
en cas de signes neuroméningés, sérodiagnostic de l’amibiase en Accès palustre non compliqué
cas de suspicion d’amibiase hépatique, sérodiagnostic des infec-
Celui-ci se manifeste par une fièvre associée à divers signes
tions virales en cas de suspicion de virose.
cliniques, tels que diarrhée, vomissements, céphalées, myal-
L’échographie hépatique est le meilleur argument, avec la
gies, splénomégalie, sueurs. La fièvre peut être intermittente,
positivité du sérodiagnostic d’amibiase, pour un abcès amibien
notamment en cas d’accès à Plasmodium non falciparum. La non-
hépatique, mais la séroconversion peut être retardée, expliquant
spécificité des signes rend nécessaire l’évocation systématique du
l’intérêt potentiel de la ponction hépatique.
paludisme devant toute symptomatologie fébrile au retour d’une
D’autres examens pourront être demandés en fonction de
zone d’endémie. Par ailleurs, l’apyrexie n’élimine pas formelle-
l’orientation clinique.
ment le diagnostic, la fièvre étant contemporaine de la lyse des
hématies infectées, phénomène intermittent.
Tableau 6.
Molécules antipaludiques utilisées en France.
Nom Posologie Modalités Durée Contre-indications Principaux effets
d’administration indésirables
Artéméther- 4 cp/12 h Avec une collation 3 jours Allergie Troubles digestifs
Luméfantrine J0 : H0 et H8 grasse Bradycardie, TDR, ATCD Céphalées
(Riamet® ) familiaux de mort subite Allongement du QT
ATCD personnel de QT long
ou risque d’allongement du
QT
Atovaquone-Proguanil 4 cp/j Avec une collation 3 jours Allergie Troubles digestifs
(Malarone® ) grasse Céphalées
Éruption cutanée
Arténimol-Pipéraquine 3 cp/j À jeun 3 jours Risques d’arythmies Céphalées
(Eurartesim® ) Allongement du QTc Allongement du QTc
Méfloquine 25 mg/kg/j 1 jour Allergie, FBH, insuffisance Nausées, vomissements,
(Lariam® ) H0, H8, H16 hépatique sévère, ATCD vertiges
psychiatriques ou de Syndrome dépressif
convulsions Convulsions
Association au valproate
Déconseillé si ATCD
convulsifs, en relais de la
quinine ou association aux
bêtabloquants ; pratique de la
plongée déconseillée
Quinine IV Dose de charge : 16 mg/kg Diluée dans glucosé 5 7 jours ATCD de FBH Cinchonisme
(Quinimax® ) sur 4 heures (quinine base) ou 10 % Troubles de conduction
24 mg/kg/j en 3 injections Hypoglycémie
Artésunate IV 2,4 mg/kg H0, H12, H24 Dilué dans glucosé 5 % 2 à 7 jours Pas de contre-indication Anémie hémolytique
(Malacef® ) puis toutes les 24 heures absolue retardée, inconstante
(maximum 7 jours soit Indication à discuter au
9 doses) premier trimestre de grossesse
TDR : troubles du rythme ; ATCD : antécédent ; FBH : fièvre bilieuse hémoglobinurique ; QTc : QT corrigé.
En cas d’accès à P. falciparum, quatre molécules sont utilisables. cérébral par le mannitol semble délétère dans cette situation [40] .
Les traitements combinés comportant un dérivé de l’artéminisine Les co-infections bactériennes sont fréquentes dans ces formes
(artéméther-luméfantrine, artéméther-pipéraquine) sont à graves. Ainsi, tout accès palustre grave associé à un état de choc
privilégier. L’atovaquone-proguanil ou la méfloquine ont doit faire prescrire une antibiothérapie active essentiellement sur
encore quelques indications. Les schémas posologiques, contre- les bacilles à Gram négatif.
indications et précautions d’emploi de ces antipaludiques sont
détaillés dans le Tableau 6. Surveillance
Il n’y a pas lieu de poursuivre une chimioprophylaxie après un Outre la surveillance des défaillances d’organe initialement
traitement curatif d’un accès palustre à P. falciparum. Le risque de présentes, une surveillance clinique et biologique (frottis-goutte
reviviscence à partir de formes érythrocytaires est écarté par le épaisse) est nécessaire à J3, J7 et J28 afin d’éliminer toute rechute.
traitement curatif schizonticide, à condition que celui-ci ait été
complet.
Traitement hospitalier
Formes non graves. Si les critères cités ci-dessus ne sont
“ Conduite à tenir
pas réunis, la prise en charge se fera initialement en service
d’hospitalisation. En cas de vomissements, la quinine intravei- Paludisme : premier diagnostic à évoquer et à éliminer.
neuse sera utilisée initialement, et relayée dès que possible par une Le traitement est une urgence médicale car il y a un risque
forme orale. En l’absence de vomissements, les molécules citées vital.
pour le traitement ambulatoire pourront être utilisées.
Formes graves. Ces formes relèvent d’une admission en ser-
vice de réanimation ou de soins continus. La prise en charge
de ces accès graves a été modifiée ces dernières années par la
mise en évidence, lors de deux études cliniques menées en zone Hépatites virales
d’endémie, en Asie du Sud-Est [37] et en Afrique [38] , de la supério-
rité de l’artésunate intraveineux sur la quinine. Cette supériorité Toute élévation des transaminases au retour d’un voyage en
s’exprimait par un gain de 20 à 50 % en termes de mortalité. pays tropical doit conduire à la pratique de sérologies des virus des
L’artésunate intraveineux est disponible en France dans le cadre hépatites A, B, C, E, voire D. La plus fréquente des hépatites virales
d’une autorisation temporaire d’utilisation et doit donc être pri- au retour de voyage, en l’absence de vaccination, est l’hépatite A.
vilégié lors des accès graves [39] . Ses modalités d’administration Néanmoins, d’autres virus peuvent avoir un tropisme hépatique
sont détaillées dans le Tableau 6. Un relais par un traitement oral, (Epstein-Barr virus [EBV], cytomégalovirus [CMV], herpes simplex
comme utilisé dans les formes non sévères, est envisageable, après virus [HSV], dengue, chikungunya, fièvre jaune, virus Hantaan,
un minimum de quatre doses, en utilisant alors un traitement VIH) et une cytolyse hépatique modérée peut s’observer dans de
complet. En l’absence de disponibilité de cette molécule, la qui- nombreuses maladies bactériennes et parasitaires.
nine intraveineuse sera utilisée. Le traitement symptomatique des La transmission se fait par liquides biologiques (sanguine, véné-
défaillances d’organe relève des techniques habituelles de la réani- rienne) pour les hépatites B et C, et féco-orale pour les hépatites A
mation, notamment celle des états septiques graves (ventilation et E. Seuls certains sérotypes d’hépatite E déterminent des zoo-
mécanique, épuration extrarénale, etc.). Le traitement de l’œdème noses à l’origine de contamination alimentaire chez l’homme.
L’incubation est de deux à six semaines pour les hépatites A et E, rechutes, chez le malade non traité, sont fréquentes (10 à 20 %),
et de six semaines à six mois pour les hépatites B et C. ainsi que le portage chronique (5 %), favorisé par la présence d’une
Le tableau clinique est variable, ces infections étant fré- lithiase vésiculaire.
quemment asymptomatiques. Dans certains cas d’hépatite A Biologiquement, il n’y a habituellement pas d’hyperleucocytose
et E, on observe une phase pré-ictérique durant une à deux mais la CRP est souvent élevée [42] . Le diagnostic de certitude
semaines, comportant une asthénie, une fièvre, des nausées, repose sur la mise en évidence de la bactérie dans les hémocul-
des douleurs abdominales, un syndrome pseudogrippal, voire tures (positives dans 90 % des cas en l’absence d’antibiothérapie),
la classique triade de Caroli (céphalées, arthralgies, urticaire) la peau, la moelle et plus tardivement dans les coprocultures. La
en cas d’hépatite A. Cette phase est suivie d’une phase icté- sérologie de Widal-Félix, tardivement positive et peu spécifique,
rique cholestatique (rare en cas d’hépatite E) avec urines foncées, n’est quasiment plus utilisée.
selles décolorées. Le tableau clinique des hépatites aiguës B, C,
D est le plus souvent silencieux. L’encéphalopathie hépatique Traitement de la fièvre typhoïde
se rencontre dans les formes fulminantes, principalement dues Le traitement de la fièvre typhoïde repose sur les antibiotiques à
à l’hépatite A (1/10 000 en cas d’hépatite A). forte pénétration intracellulaire, surtout intramacrophagique. La
Biologiquement, il existe une cytolyse prédominant sur les fréquence des souches de S. typhi résistantes aux fluoroquinolones
ALAT, en règle supérieure à dix fois la normale, une hyperbiliru- ou multirésistantes est en augmentation dans de nombreuses
binémie totale et conjuguée. Un taux de prothrombine inférieur régions, notamment en Asie. Il existe différentes alternatives thé-
à 50 % fait craindre une évolution fulminante. Le diagnostic de rapeutiques :
certitude des hépatites A et E repose sur la présence d’IgM. Des • bêtalactamines : céphalosporines de troisième génération (cef-
techniques de PCR (polymerase chain reaction) réalisées sur le sang triaxone) à la dose de 60 mg/kg par jour pendant 7 à 10 jours
ou les selles sont également disponibles. Le diagnostic des hépa- mais risque d’échec clinique et de rechute car la pénétration
tites aiguës B et C est également sérologique, voire, dans le cas de intracellulaire des bêtalactamines est faible ;
l’hépatite C, par PCR dans le sang en cas de forte suspicion et de • fluoroquinolones (ciprofloxacine, péfloxacine, ofloxacine) à la
séronégativité. dose de 20 mg/kg par jour pendant 14 jours, permettant de
L’évolution des hépatites aiguës A et E est en général bénigne réduire la fréquence du portage chronique ; la gatifloxacine,
en 10 à 15 jours. Plus rarement, il existe des formes prolongées, non encore disponible en France, donne des résultats promet-
des formes cholestatiques, des formes avec rechute ou des formes teurs ;
fulminantes. Des formes chroniques d’hépatite E, chez les sujets • azithromycine : 1 g per os le premier jour, puis 500 mg pendant
immunodéprimés (transplantés d’organe notamment) sont de six jours. C’est une alternative efficace, notamment dans les
plus en plus reconnues [41] . Les hépatites B et C posent le problème formes non compliquées, et surtout en cas de souches résis-
du passage à la chronicité. Le taux de mortalité est généralement tantes aux fluoroquinolones. Ses bons résultats en termes de
faible pour l’hépatite A (environ 2 %), mais peut atteindre 40 % réduction du portage chronique en font une molécule de plus
pour l’hépatite E chez la femme enceinte au cours du troisième en plus utilisée [43] .
trimestre de la grossesse. Il n’existe pas de traitement curatif de En cas de portage chronique qui joue un rôle majeur dans la
ces hépatites. Des vaccins efficaces sont disponibles pour les infec- transmission, on utilise les fluoroquinolones (ciprofloxacine, 1 g/j
tions au virus de l’hépatite A (VHA) et de l’hépatite B (VHB). pendant quatre semaines) si la souche est sensible et on réalise une
cholécystectomie chez les patients porteurs de lithiase biliaire, en
cas d’échec de l’antibiothérapie. Pour éliminer formellement un
Salmonelloses « majeures »
“ Point important
Présentation clinique et paraclinique Salmonelloses : le diagnostic de fièvre typhoïde doit être
Les salmonelloses sont des maladies bactériennes à trans- systématiquement envisagé compte tenu du polymor-
mission féco-orale, présentes dans de nombreux pays en phisme clinique. Le diagnostic de certitude est établi par
développement. Les bactéries responsables sont Salmonella ente- les hémocultures.
rica sérotype typhi ou paratyphi A, B ou C. Le diagnostic de fièvre
typhoïde et paratyphoïde doit être systématiquement envisagé
devant une fièvre au retour de voyage compte tenu du polymor-
phisme clinique. La fréquence des différents signes est très variable
Abcès amibien du foie
selon les séries [42] . Le seul symptôme constant au début de la mala- L’amibiase hépatique correspond à une invasion tissulaire par
die est la fièvre, plus ou moins associée à des céphalées, des signes Entamoeba histolytica faisant suite à l’ingestion de kystes amibiens
digestifs (diarrhée ou constipation) et à une obnubilation. (péril fécal) qui, en se transformant dans la lumière intestinale en
Sur le plan clinique, la fièvre typhoïde évolue classiquement, formes hématophages, envahissent la paroi intestinale et migrent
après une période d’incubation allant de 1 à 3 semaines, en vers le foie par voie portale.
trois phases durant chacune une semaine. En réalité elle est C’est une urgence médicale. La fièvre est parfois isolée. Dans les
caractérisée par le regroupement et l’aggravation progressifs de formes typiques, il existe une hépatomégalie douloureuse (ébran-
différents signes peu spécifiques : fièvre croissante, céphalées, lement douloureux du foie). En cas de développement supérieur
pouls dissocié, épistaxis, insomnies, obnubilation, râles bron- de l’abcès, on peut noter un syndrome phrénique ou, en cas de
chiques, gargouillement dans la fosse iliaque, splénomégalie. Les développement hilaire, une compression de la voie biliaire prin-
signes plus classiques (diarrhée « jus de melon », taches rosées cipale à l’origine d’ictère par obstruction.
lenticulaires, ulcération indolore du pilier antérieur du voile Biologiquement, le diagnostic est orienté par l’existence d’une
du palais ou angine de Duguet) sont rares. Les complications hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile et d’une éléva-
tardives, endotoxiniques (myocardite, encéphalite), perforations tion de la CRP. L’ascension des anticorps, souvent élevée dès les
ou hémorragies digestives sont devenues exceptionnelles. Les premiers jours (> 1/100), peut être retardée.
À l’examen radiologique thoracique, la coupole diaphragma- (bassin amazonien) et épidémique en Afrique subsaharienne mais
tique droite est surélevée et une lame d’épanchement pleural est épargne totalement l’Asie et l’Océanie. Outre les moustiques, il
possible. L’échographie abdominale objective un abcès du foie, le existe un réservoir selvatique représenté par les singes.
plus souvent droit, dont la nature amibienne est orientée par la Deux cent mille cas surviennent par an malgré une diffu-
positivité du sérodiagnostic d’amibiase. La ponction des abcès à sion large de vaccins très efficaces et peu coûteux. La maladie
visée diagnostique, souvent inutile dans les petits abcès, permet est souvent asymptomatique (10 à 50 %). Les manifestations cli-
de confirmer le diagnostic par PCR notamment en cas de sérologie niques associent une hépatonéphrite aiguë grave, un syndrome
négative [44] . hémorragique et une encéphalopathie. Les complications sont
L’évolution est marquée, en l’absence de traitement, par essentiellement dues aux hémorragies et à l’insuffisance rénale.
l’augmentation de volume des collections puis la rupture dans les L’évolution clinique est biphasique : phase rouge congestive et
séreuses (péritoine, plèvre, péricarde) ou dans les voies de drainage fébrile des trois premiers jours, puis phase critique dite jaune (icté-
biliaire ou bronchique (vomique) avec mise en jeu du pronostic rique) et hémorragique. La létalité globale est estimée à un cas sur
vital. 10 000 infections, mais elle est plus élevée chez l’enfant et au cours
Le traitement repose sur l’association d’un amoebicide dif- des formes symptomatiques (20 %). Il n’existe aucun traitement
fusible (métronidazole pendant 10 jours à 1,5 à 2 g/j) puis spécifique de la fièvre jaune. Un traitement symptomatique est
d’un amoebicide de contact (Tiliquinol-tilbroquinol, Intétrix® , administré au malade dans une unité de réanimation. Le traite-
4 gélules/j) durant dix jours pour éviter les rechutes. Il est inutile ment prophylactique repose sur des mesures contre les piqûres
de répéter les échographies et les sérologies de contrôle après la d’insectes et la vaccination. La vaccination est obligatoire pour
guérison clinique. Une ponction à visée évacuatrice, voire un drai- tout séjour dans une zone intertropicale d’Afrique et d’Amérique
nage peuvent être utiles en cas de fièvre persistante ou de lésion du Sud et protège pendant dix ans. Elle est effectuée dans des
de grande taille (plus de 5 cm). centres habilités.
Tableau 7.
Tableau récapitulatif des différentes fièvres virales hémorragiques, dengue exclue.
Maladie Vallée du Rift Crimée-Congo Hantavirus Lassa Marburg
Ebola
Incubation 3–4 jours 5–12 jours 7–15 jours 7–17 jours 3–21 jours
Invasion Fièvre, algies, hyperhémie Fièvre, algies, troubles Fièvre, algies Fièvre, algies, troubles Fièvre, algies, troubles
conjonctivale digestifs, pharyngite digestifs, pharyngite, digestifs, pharyngite
protéinurie
État Ictère, hémorragies, j3 j3 j7 j5
oligurie, hépatonéphrite Hémorragies, choc Atteintes oculaires, Œdème, hémorragies, Éruption, hoquet,
hémorragies néphrite, choc hémorragies,
protéinurie, choc hépatonéphrite, choc
Évolution Décès : 5–10 % 30 % 5–15 % 10–20 % 50–90 %
Séquelles
Diagnostic Anti-FVR IgM Anti-CHC-C IgM Anti-HTN/PUU IgM Anti-Lassa IgM Anti-MAR/Ebola IgM
Isolement du virus Isolement du virus Isolement du virus Isolement du virus Isolement du virus
Traitement Symptomatique Symptomatique Symptomatique Symptomatique Symptomatique
Dialyse + ribavirine
Prophylaxie Vaccination Isolement : cas seconds ? Isolement : cas seconds Isolement : cas seconds
Lutte antivectorielle
IgM : immunoglobuline M ; FVR : fièvre de la vallée du Rift ; CHC-C : fièvre hémorragique de Crimée-Congo ; HTN : Hantaan ; PUU : Puumala ; Marburg : MAR.
Rickettsioses
fréquentes de fièvre liées au voyage sont les hépatites virales, les
Parmi les rickettsioses, la fièvre boutonneuse méditerranéenne arboviroses, les salmonelloses, l’amibiase hépatique et les infec-
due à Rickettsia conorii et la fièvre africaine à tiques due à R. africae tions communautaires.
sont les plus souvent observées. Le diagnostic est évoqué sur
l’exposition à une morsure de tique, une durée d’incubation
courte, une fièvre, une éruption cutanée (tache noire, exanthème Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
maculopapuleux ou vésiculeux) et des adénopathies périphé- relation avec cet article.
riques satellites des escarres d’inoculation. Le diagnostic est
confirmé par la sérologie ou l’isolement de la bactérie par PCR
au niveau du chancre d’inoculation. Le traitement repose sur les
cyclines ou les macrolides, les fluoroquinolones étant maintenant
Références
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Henry B, Caumes E. Fièvre au retour de voyage. EMC - Médecine d’urgence 2015;10(1):1-13 [Article
25-090-A-30].
Malgré la mise au point, au début du XXe siècle, d’une vaccination contre le tétanos efficace et sans
danger, cette maladie, si elle est devenue rare, n’a pas disparu. Elle reste un problème de santé publique
dans les pays en voie de développement où elle atteint un grand nombre d’enfants et persiste dans les
pays développés où elle touche essentiellement les personnes de plus de 70 ans de sexe féminin n’ayant
pas eu de protection vaccinale suffisante. Le pronostic de cette maladie reste toujours aussi grave : 20 à
50 % de mortalité, même dans les pays à haut niveau de vie. Il est donc très important de continuer à être
capable d’en faire le diagnostic précocement et surtout de pratiquer une politique volontariste de
vaccination des enfants dans les pays pauvres. Dans les pays à haut niveau de vie, l’effort de vaccination
sera dirigé essentiellement vers les personnes âgées. Une injection de rappel d’anatoxine tous les 10 ans
est nécessaire et suffisante pour assurer une protection efficace sans risque.
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Mots clés : Tétanos ; Prévention du tétanos ; Vaccination contre le tétanos ; Diagnostic du tétanos
Médecine d’urgence 1
25-090-B-10 ¶ Tétanos : prévention et diagnostic
C’est donc à la phase d’incubation et surtout à la phase • l’arthrite temporomaxillaire : le trismus est unilatéral, très
d’invasion que se pose le problème du diagnostic du tétanos. douloureux. La douleur est augmentée par les mouvements
Le diagnostic est purement clinique car nous ne disposons du maxillaire ;
d’aucune exploration paraclinique permettant d’affirmer ou • les accidents de dents de sagesse : le trismus est unilatéral, il
d’infirmer ce diagnostic [8]. n’existe pas d’épisode d’exacerbation spontané ou provoqué.
Ce trismus évolue par poussées successives ;
Phase d’incubation • les parotidites uni- et surtout bilatérales (oreillons) : il existe
un comblement rétromandibulaire soulevant le lobe de
La plaie susceptible d’être tétanigène est une plaie mal l’oreille, douloureux à la palpation, il n’y a pas de contracture
vascularisée, souillée de terre et de débris dans laquelle le bacille des masséters ;
de Nicolaïer va trouver un milieu favorable pour se développer • les lésions ischémiques du pied de la protubérance cérébrale :
et produire son exotoxine neurotrope. Il faut retenir le rôle joué il existe un trismus intermittent entrecoupé de bâillements ;
par les plaies des membres inférieurs chez l’artéritique ou chez
• les dyskinésies précoces aux neuroleptiques peuvent présenter
le patient présentant des troubles trophiques veineux (ulcères
un trismus mais dans le cadre de mouvements de rotation de
variqueux, etc.) favorisant l’anaérobie de la plaie. Il s’agit
la tête et des yeux autour d’un axe. Il s’agit d’un trismus
rarement de lésions très délabrantes mais de plaies réalisant des
paroxystique prédominant d’un côté entrecoupé de phases de
conditions d’anaérobiose très favorables au développement de
relâchement complet ;
Clostridium tetani, comme les plaies et les corps étrangers sous-
• les intolérances aux neuroleptiques, mais il s’agit de contrac-
inguéaux. Les plaies réalisées à la campagne, dans les jardins,
tures plus généralisées, vincibles, sans épisode paroxystique et
souillées de terre sont les plus à risque d’être tétanigènes.
indolores ;
L’infection de la plaie par des germes aérobies divers favorise le
développement du bacille tétanique par la consommation • la raideur de nuque douloureuse qui accompagne le trismus
d’oxygène qu’elle réalise au niveau de la plaie. peut parfois faire suspecter une méningite mais il n’existe pas
Il faudra se méfier tout particulièrement des plaies chez des de syndrome confusionnel [10] ;
patients de plus de 70 ans, chez lesquels la vaccination antité- • enfin, la maladie sérique posait souvent un problème diffi-
tanique est présente dans moins de 20 % des cas [9]. cile ; faisant suite à une injection de sérum antitétanique, elle
La phase d’incubation est habituellement silencieuse, de risquait de faire errer le diagnostic lorsque apparaissaient, au
durée variable, pas toujours facile à préciser (30 jours en 10e jour, fièvre et contractures. La mise à disposition de
moyenne). gammaglobuline humaine spécifique, en remplacement du
sérum d’origine équine, qui n’est plus fabriqué, a permis de
faire disparaître cette complication.
Phase d’invasion
C’est à la phase d’invasion que le malade vient consulter Évolution du trismus
habituellement son médecin traitant ou le service d’urgence le
plus proche. À ce stade, le seul signe objectif présenté par le Si cette phase de trismus isolé dure quelques jours, un regard
malade est un trismus bilatéral dû à une contracture des attentif pourra noter le faciès un peu particulier des patients
masséters ; c’est rarement la difficulté d’ouvrir la bouche qui atteints de tétanos dit « faciès sardonique » dû à la contracture
constitue le motif de recours du patient qui, le plus souvent, va des muscles peauciers de la face qui vont figer la mimique en
venir trouver son médecin pour : douleur au niveau de la gorge, accentuant les rides. Cet aspect est très spécifique du tétanos
difficultés de déglutition, rachialgies, etc. Si la durée moyenne mais il est difficile à apprécier chez les patients âgés.
de cette phase est de l’ordre de 8 jours, une durée inférieure à
48 heures annonce toujours un tétanos de particulière gravité. Tétanos localisés
Trismus Une autre difficulté de diagnostic est représentée par les
Tous les éléments sémiologiques de ce trismus sont impor- tétanos localisés. Rares, ils correspondent le plus souvent soit à
tants à rechercher car ils permettent de différencier le trismus des tétanos à point de départ localisé soit à des tétanos surve-
tétanique des autres causes d’impossibilité d’ouvrir la bouche. Le nant chez des patients ayant subi une vaccination incomplète
trismus tétanique est un trismus bilatéral et symétrique, ou trop ancienne.
douloureux, avec, sur un fond permanent, des épisodes de
contractures paroxystiques spontanées ou provoquées par des Tétanos céphalique de Rose
stimulations nociceptives (signe de l’abaisse-langue captif). Au
Secondaire à une plaie de la face, il se caractérise par l’appa-
cours de ces crises paroxystiques, les douleurs s’exacerbent. Le
rition d’une paralysie faciale périphérique ou d’une paralysie
trismus est invincible et permanent, ne disparaissant ni au repos
oculaire. Le trismus est unilatéral, au moins au début, plus
complet, ni au sommeil.
difficile à reconnaître ; en principe, il est de meilleur pronostic
La très large représentation des personnes âgées dans cette
car il donne plus rarement des crises de contracture généralisée.
pathologie rend souvent difficile la reconnaissance précoce de
ce trismus chez des personnes souvent édentées à cet âge ou qui
ont spontanément enlevé leur dentier. En effet, l’absence de Tétanos ophtalmoplégique de Worms
dents permet, pendant un certain temps, de conserver une Secondaire à une plaie de l’orbite ou des paupières, il se
ouverture buccale suffisante sur le plan fonctionnel. manifeste par des paralysies oculaires touchant surtout la
IIIe paire crânienne.
Diagnostics différentiels du trismus
Les diagnostics les plus souvent portés à tort à ce stade de la Tétanos localisé à un membre
maladie sont :
• l’angine, en raison de la douleur et des difficultés pour En général siège de la blessure, il se caractérise par des
avaler ; mais dans l’angine, la gorge est rouge, le trismus peut contractures localisées et ne donne pas de contracture générali-
être vaincu et il n’y a pas de paroxysme spontané ou provo- sée. Il s’agit le plus souvent de tétanos de pronostic favorable,
qué de ce trismus. En revanche, dans un cas comme dans survenant chez des patients ayant déjà eu une vaccination, mais
l’autre, il y a de la fièvre ; incomplète.
• le phlegmon de l’amygdale : le trismus est unilatéral sans
contracture paroxystique et survient dans un contexte Contractures généralisées
infectieux sévère. L’examen de la gorge montre l’abcès
amygdalien, la température est à 40 °C, il existe une La première crise de contractures généralisées va confirmer le
hyperleucocytose ; diagnostic de tétanos, s’il n’avait déjà été porté. Elle signe le
2 Médecine d’urgence
Tétanos : prévention et diagnostic ¶ 25-090-B-10
début de la phase d’état et justifie le transfert du patient en Par ailleurs on dispose actuellement de gammaglobulines
service de réanimation où sera entrepris le traitement sympto- humaines au risque allergique pratiquement inexistant. Elles ont
matique des troubles respiratoires, des contractures et du toutefois l’inconvénient d’être coûteuses, dérivées du sang et
syndrome dysautonomique cardiocirculatoire dans les formes les leur rôle dans la prévention du tétanos n’a jamais été démontré.
plus graves. Le traitement est purement symptomatique, il n’a Toutes les études portant sur le dosage des anticorps antité-
aucune efficacité sur la durée de la maladie qui est de 3 semai- taniques pour prédire le degré de protection des patients vis-à-
nes en moyenne après la première crise généralisée. Le traite- vis du tétanos n’ont pas réussi à mettre en évidence une
ment a pour but de limiter les crises de contractures généralisées relation entre protection antitétanique et taux d’anticorps [13].
douloureuses et de prévenir les complications respiratoires ou Dans ces conditions, l’utilisation de gammaglobulines ne peut
cardiovasculaires. Un parage soigneux de la plaie tétanigène est pas se substituer à un parage correct des plaies et surtout à une
indispensable.
prévention à long terme par une vaccination correcte
Ce traitement, malgré l’amélioration des moyens de la
(Tableau 1) [9, 11, 14].
réanimation, n’empêche pas une mortalité encore extrêmement
importante (entre 10 et 50 % des patients dans les pays à haut
niveau de vie), d’où l’importance des mesures de prévention. Prévention au long cours
Elle fait appel à la vaccination par l’anatoxine de Ramon mise
■ Prévention du tétanos au point en 1923. Parfaitement bien supportée, sans contre-
Le traitement préventif du tétanos est aussi efficace que bien indication en dehors de très exceptionnelles réactions allergi-
toléré. L’insuffisance de campagne de prévention, tant auprès ques, elle nécessite, pour être efficace, deux ou trois injections
des médecins que des patients, explique que cette maladie, au avec un intervalle de 3 à 6 semaines et un rappel à 1 an. Ce
pronostic redoutable, n’ait pas disparu. n’est qu’à l’issue de ce rappel que la protection est réelle et
Le traitement préventif comporte trois volets : durable.
• le traitement de la plaie suspecte d’être tétanigène ; Malgré la simplicité de cette vaccination, les études épidé-
• le traitement préventif des patients à haut risque de tétanos miologiques montrent qu’une protection efficace n’existe que
(victime d’une plaie tétanigène) ; chez moins de 70 % des patients de plus de 6 ans avec une
• la prévention à long terme du tétanos. diminution de cette protection avec le temps. En effet, elle
atteint près de 90 % de la population entre 6 et 11 ans, ne
■ Traitement des plaies dépasse pas 28 % des sujets de plus de 70 ans [15]. Cela explique
que cette catégorie d’âge continue à payer un trop lourd tribut
tétanigènes à cette maladie.
Une politique volontariste de vaccination antitétanique est
Ce sont toutes les plaies, peu hémorragiques et souillées de
nécessaire, d’autant que la disparition du service militaire fait
terre qui permettent le développement des germes telluriques,
disparaître un moment de la vie chez l’homme où le contrôle
anaérobies. Toutes ces plaies doivent être soigneusement
de cette vaccination était effectué. Cet effort de vaccination doit
nettoyées avec ablation des corps étrangers et des tissus nécro-
porter tout particulièrement sur la population rurale à bas
tiques. On peut recommander l’utilisation de l’eau oxygénée
étant donné qu’il s’agit d’un germe anaérobie strict. L’utilisation niveau de vie qui échappe le plus, actuellement, à la
d’antibiotiques de la famille des b-lactamines, si le patient n’est vaccination [4].
pas allergique, peut limiter la pullulation d’une flore commen- Un effort tout particulier doit porter sur une primovaccina-
sale qui, en accentuant l’anaérobiose, permet au bacille tétani- tion complète correcte, car les cas de tétanos sont exceptionnels
que de quitter sa forme sporulée végétative pour libérer sa dans la population qui a reçu une fois dans sa vie une vaccina-
toxique neurotrope. tion correcte. Une injection de rappel même 25 à 30 ans après
De même, dans le tétanos déclaré, le parage correct du foyer une première vaccination correcte permet une montée rapide et
tétanique est indispensable pour permettre la guérison du efficace des anticorps en cas de risque tétanique [16, 17].
tétanos. Parage qui, parfois, pourra aller jusqu’à l’amputation À l’heure actuelle, la plupart des auteurs retiennent l’intérêt
d’un membre artéritique siège d’une plaie tétanigène, impossible d’un rappel tous les 10 ans ; toutefois, un rappel à 50 ans
à stériliser [11]. pourrait être suffisant si le patient a été correctement vacciné
dans l’enfance et a reçu un rappel à l’adolescence. Des rappels
Prévention à court terme plus rapprochés ne sont pas justifiés, et ont même été rendus
Elle concerne les patients à haut risque de tétanos, c’est-à- responsables de neuropathies du plexus brachial toutefois
dire les patients porteurs d’une plaie fortement tétanigène qui exceptionnelles (entre 0,5 et 1 cas pour 100 000 vaccinés) [18].
n’ont jamais eu de vaccination antitétanique correcte ou qui Toutefois, les dangers liés à une hypervaccination sont beau-
sont incapables de savoir la date de leur dernière vaccination. coup trop hypothétiques pour faire renoncer à une injection
La détermination par un test rapide, utilisable dans un service d’anatoxine si l’on n’obtient pas la certitude d’une vaccination
d’urgences, du niveau de protection des blessés ignorant leur antitétanique à jour.
statut vaccinal ne s’est pas encore imposée en raison d’une La vaccination contre le tétanos peut et doit être associée à
sensibilité insuffisante (76 %) [12], d’autant que le taux d’anti- la vaccination contre la diphtérie dont la réapparition dans les
corps supposé protéger le patient (0,10 à 0,15 UI) fait encore pays à bas niveau sanitaire peut faire craindre la dissémination
l’objet de débats [13]. ou le retour dans les pays où la diphtérie a été éradiquée [19-22].
Tableau 1.
Guide des vaccinations 1999.
Type de blessures Patient non vacciné ou vaccination Vacciné dernier rappel > 5 ans et Vacciné dernier rappel > 10 ans
incomplète < 10 ans
Mineur propre Commencer ou compléter la vaccina- Pas d’injection Rappel (1 dose)
tion
Majeur propre ou tétanigène Vaccination + IG tétanique Rappel (1 dose) Rappel (1 dose) + IG tétanique 250 UI
250 UI
Tétanigène, débridement retardé ou Vaccination + IG tétanique Rappel (1 dose) antibiothérapie Rappel (1 dose) + IG tétanique 500 UI
incomplet 500 UI + antibiothérapie 5 500 UI + antibiothérapie
IG : immunoglobuline ; UI : unités internationales.
Médecine d’urgence 3
25-090-B-10 ¶ Tétanos : prévention et diagnostic
- parage
- désinfection locale (eau oxygénée ?)
- antibiothérapie ? (β-lactamine)
Gammaglobulines Pas de
spécifiques: 250 UI gammaglobulines
(sous-cutané)
“ À retenir
douteuse, on pourra pratiquer une injection de gammaglobuli-
nes spécifiques et une injection d’anatoxine, seul moyen de
prévenir le tétanos à long terme. Deux sites d’injection diffé-
• Le tétanos n’apporte aucune protection immunitaire rents doivent être utilisés. L’anatoxine tétanique est injectée en
ultérieure. Seule la vaccination avec des rappels réguliers premier.
tous les 10 ans donne une protection absolue. La Toute suspicion de tétanos (trismus bilatéral) justifie une
vaccination donne une protection individuelle, sans effet hospitalisation, en urgence, dans une unité proche d’une unité
sur la fréquence de la maladie dans la population. de réanimation pour bilan, à la recherche d’une porte d’entrée
• Le trismus du tétanos est bilatéral, symétrique, et vérification de l’état vaccinal du patient. L’apparition de
douloureux, permanent avec exacerbation paroxystique. contractures généralisées doit faire immédiatement transférer le
Il est invincible. patient en réanimation.
• La sérothérapie doit être abandonnée. Les Les médecins doivent continuer à craindre cette maladie et
.
gammaglobulines spécifiques n’ont pas fait la preuve de en connaître les signes de début pour que la mortalité diminue.
leur efficacité. Le tétanos reste une maladie à déclaration obligatoire.
■ Conclusion
.
4 Médecine d’urgence
Tétanos : prévention et diagnostic ¶ 25-090-B-10
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Médecine d’urgence 5
25-090-B-20
En France, plus de 25 % des cas de fièvre au retour de zone tropicale sont liés au paludisme, principale-
ment à Plasmodium falciparum. Les variables cliniques associées au diagnostic de paludisme sont l’âge
supérieur à 30 ans, le sexe masculin, les sujets originaires de zones endémiques, la notion de séjour en
Afrique subsaharienne, une prophylaxie insuffisante ou mal conduite, la notion de fièvre, de frissons,
l’absence de diarrhée, des leucocytes normaux, une thrombocytopénie, et l’élévation de la déshydrogé-
nase lactique et de la bilirubine. Cependant, seuls ou associés, ces éléments ont une sensibilité et une
spécificité insuffisantes pour le diagnostic de paludisme. Le diagnostic de paludisme doit être suspecté
chez tous les patients après un séjour en zone d’endémie. La réalisation d’un examen parasitologique
sanguin est indispensable, à savoir un examen microscopique. La prise en charge optimale de ces patients
nécessite un diagnostic rapide et la mise en route d’un traitement antipaludique adapté. L’accroissement
de la résistance du P. falciparum aux antipaludiques détermine des nouvelles stratégies de cette urgence
thérapeutique qui reposent essentiellement sur des associations (atovaquone plus proguanil ou artémé-
ther plus luméfantrine) par voie orale pour les formes sans signe de gravité, et l’artésunate ou la quinine
par voie intraveineuse pour les formes avec des signes de gravité.
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Plan Introduction
■ Introduction 1 Le paludisme reste une maladie fréquente en zone d’endémie.
■ Épidémiologie 1 Le diagnostic et la prise en charge thérapeutique du paludisme
■
doivent être considérés comme une urgence car la gravité poten-
Éléments du diagnostic 2
tielle et le risque de complications sont élevés. Le diagnostic
■ Diagnostic parasitologique 3 repose largement sur un haut degré de suspicion clinique, et
■ Évaluation de la gravité 3 nécessite du diagnostic de certitude par la mise en évidence du
Atteinte neurologique 4 parasite et l’identification de l’espèce en cause, une évaluation
Atteinte pulmonaire 5 de la gravité jugée sur le tableau clinique et les données biolo-
État de choc 5 giques. L’évolution de la résistance aux antipaludiques en dépit
Acidose métabolique 5 de nouvelles alternatives thérapeutiques, a rendu le traitement
Insuffisance rénale aiguë 5 du paludisme plus complexe.
Anémie 5 Dans les zones endémiques le paludisme est responsable d’une
Thrombopénie 5 forte morbidité et d’une mortalité élevée. Il a un impact éco-
Hypoglycémie 5 nomique majeur en utilisant 1,3 % du PIB et jusqu’à 40-60 %
Parasitémie 5 des ressources médicales dans certaines régions [1] . Dans les pays
Autres anomalies biologiques 6 industrialisés, le paludisme a été éradiqué et les cas de paludisme
■ Prise en charge thérapeutique 6 d’importation sont liés aux voyages d’affaires, touristiques ou
Critères de définition de la filière de soins optimale 6 familiaux. Il est estimé que plus de 50 millions de personnes
Critères de choix du traitement antipaludique 6 visitent des pays en voie de développement chaque année et que
Traitement des symptômes associés 7 8 % d’entre elles, environ 4 millions, présenteront des symptômes
Évaluation du risque de résistance aux antipaludiques 8 plus ou moins importants [2] . Dans ce contexte, le paludisme est
un des diagnostics les plus fréquemment retenus.
■ Schémas thérapeutiques 8
Cas de paludisme simple à P. falciparum 8
■
Cas de paludisme grave à P. falciparum 9
Épidémiologie
Conclusion 10
Le paludisme demeure, à l’aube du XXIe siècle, un problème
majeur de santé publique. On estime que trois milliards de per-
sonnes sont exposées au paludisme, à 250 millions le nombre de
cas annuels, et à un million le nombre de décès, principalement et en Chine le Yunnan et Hainan. En Amérique centrale et aux
des enfants en Afrique subsaharienne où le paludisme est encore Caraïbes, le paludisme sévit en Haïti et dans la zone ouest de la
la première cause de décès infantile [3] . Des efforts importants sont République dominicaine, et dans quelques foyers des pays centra-
actuellement en cours dans de nombreuses zones endémiques méricains mais avec un risque faible en dehors des épisodes ou
pour contrôler voire éradiquer le paludisme [4] . En Afrique sub- périodes de pluies intenses. En Amérique du Sud, en dehors du
saharienne d’importants progrès ont été atteints en termes de bassin amazonien, le risque est faible et quasi nul dans les zones
prévention, de diagnostic et de traitement. Ces efforts sont confor- urbaines [1–6] .
tés par des rapports signalant des réductions significatives (–28 % En France comme en Europe, 80 % des cas de paludisme
à –90 %) du nombre de cas de paludisme, mais les données concer- d’importation sont liés à P. falciparum acquis principalement en
nant l’Afrique de l’Ouest sont pauvres et dans certains cas, elles Afrique de l’Ouest [13, 15] . Ce chiffre varie en fonction des zones
mettent en évidence une stabilité voire une augmentation du endémiques visitées. Aux États-Unis, P. falciparum est responsable
nombre de cas [5] . de 40 % des cas, suivi de P. vivax principalement acquis en Amé-
Dans les zones non endémiques, il s’agit de cas de paludisme rique centrale et en Asie [11] . En Europe, 60 % à 95 % des cas
d’importation chez des voyageurs en zone tropicale, ou de rares liés à P. falciparum ont été acquis en Afrique occidentale et 60 %
cas de paludisme d’aéroport (transport accidentel du vecteur Ano- à 70 % des cas liés à P vivax en Asie [13] . P. falciparum explique
phèles) [6] . Le paludisme a été éradiqué des zones anciennement 60 % à 70 % des cas de paludisme en Asie du Sud-Est (90 % au
impaludées d’Europe et d’Amérique du Nord. En France métro- Cambodge, 97 % au Laos), 70 % à 75 % des cas aux Philippines et
politaine, il a été éradiqué dans les années 1960. Bien que ceci au Vietnam, 50 % des cas en Indonésie, 40 % des cas en Inde, 12 %
ne repose pour le moment que sur des modèles, les modifications au Népal et en Chine [10] . P. falciparum est faiblement implanté en
climatiques pourraient avoir un impact sur le risque de réémer- Amérique centrale et sur les zones côtières de l’Amérique du Sud.
gence du paludisme en Europe du sud [7, 8] . En France, le nombre Des cas ont été récemment rapportés chez des touristes au retour
de cas de paludisme d’importation est en baisse avec néanmoins d’Haïti et la République Dominicaine [16] et d’Amérique centrale.
encore entre 3 500 et 4 500 cas annuels rapportés dont 150 cas Il est en revanche souvent rencontré dans le bassin amazonien.
de paludisme d’importation à La Réunion [9] . À noter par ailleurs, Une nouvelle espèce a été décrite, P. knowlesi [17] . La plupart des
des cas locaux en Guyane, avec 3 000 à 5 000 cas annuels, et 500 cas de P. knowlesi ont été contractés en Malaisie et dans le Sud-Est
à 1 000 cas locaux annuels à Mayotte [9] . En Europe, on estime asiatique.
à 12 000 le nombre de cas annuels [10] et aux États-Unis à envi- Chez les patients infectés par P. falciparum, les formes graves
ron 1 300 cas [11] . En France comme en Europe, jusqu’à 20 % des avec atteinte neurologique sont également plus fréquentes. Les
cas de paludisme d’importation sont des cas pédiatriques [12, 13] . Le formes graves et le décès sont exceptionnels avec P. vivax, P. ovale
développement du tourisme vers les zones endémiques, l’absence ou P. malariae, alors que les cas liés à P. falciparum ont une mor-
de prophylaxie systématique pendant le séjour et après le retour, talité comprise entre 1 % et 5 % pour les formes hospitalisées en
et la rapidité des transports aériens pour une maladie à courte zone d’endémie et 10 % pour les formes graves admises en réani-
période d’incubation, expliquent en grande partie ces chiffres. La mation dans les pays industrialisés [18] . P. knowlesi est responsable
prise d’une chimioprophylaxie n’est rapportée que par un tiers de formes graves (40 % des cas liés à P. knowlesi en Malaisie) et
des patients avec seulement 20 % de bonne observance du traite- mortelles (27 % de mortalité) [19] .
ment [13, 14] .
La distribution actuelle du paludisme à P. falciparum dans le
monde est montrée dans la Figure 1. Le risque d’acquisition du Éléments du diagnostic
paludisme est majeur en Afrique subsaharienne, alors qu’il est
quasi nul en Afrique du Nord. En Afrique de l’Est, en Afrique Le tableau clinique peut être trompeur [20–22] et il est fonction
équatoriale et en Afrique de l’Ouest, ce risque est très important de l’interaction entre l’espèce plasmodiale, le statut immunitaire
en zone rurale mais également en zone urbaine. En Asie, le risque de l’hôte et le recours à des antipaludiques. En général, les sujets
est faible dans les zones urbaines et dans les plaines côtières. Les non immuns présentent des tableaux cliniques plus parlants avec
pays avec le risque le plus élevé sont le Cambodge, l’Indonésie, fièvre, frissons, myalgies, arthralgies, céphalées. Dans le cadre du
le Laos, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande, le Vietnam, paludisme d’importation, et ce chez l’adulte comme chez l’enfant,
le diagnostic clinique n’est pas aisé. Les arguments cliniques • l’élévation de la protéine C réactive et la procalcitonine : leur
(fièvre, céphalées, frissons, myalgies, anémie, splénomégalie) et élévation a été décrite au cours du paludisme à P. falciparum et
biologiques ne permettent au mieux qu’une sensibilité de l’ordre la procalcitonine a une valeur pronostique.
de 80 % à 90 % et une spécificité de 50 % pour le diagnostic de La faible valeur prédictive individuelle des données cliniques et
paludisme [15, 20–22] . biologiques dans le diagnostic du paludisme a été bien démon-
Certains éléments cliniques doivent guider et orienter la trée, même en cherchant à associer les paramètres cliniques
démarche diagnostique : et biologiques. Malgré l’identification de paramètres cliniques
• la notion de voyage en zone d’endémie : la difficulté et et biologiques fortement associés au diagnostic de paludisme,
le retard diagnostique sont le plus souvent liés à la non- l’association des variables ne permet d’obtenir au mieux qu’une
suspicion clinique. Dans certaines séries, le diagnostic de sensibilité de 95 % et une spécificité de 55 %. L’emploi des
paludisme n’a pas été évoqué chez 40 % à 60 % des cas de variables cliniques et biologiques ne permet pas d’exclure for-
paludisme d’importation [20–23] . L’explication avancée est le mellement le diagnostic de paludisme, et la réalisation d’un test
non-questionnement systématique du patient sur la notion parasitologique est indispensable à la confirmation tout comme à
d’un voyage récent en zone intertropicale [20–24] . La notion de l’élimination du diagnostic de paludisme [15, 20–25] .
séjour en zone tropicale est donc fondamentale et doit être
recherchée systématiquement. Même si le risque est différent
en fonction de la zone visitée, la notion de voyage en zone
intertropicale est essentielle [13] ;
Diagnostic parasitologique
• les délais entre l’arrivée en zone d’endémie et le début des Le diagnostic de paludisme repose sur la mise en évidence du
symptômes, et entre le retour et le début des symptômes, sont parasite. Le diagnostic de paludisme doit être considéré comme
également importants. La période d’incubation du paludisme une urgence et le prélèvement sanguin réalisé sans retard. Les
est de sept jours. Ce diagnostic ne peut pas être évoqué pour méthodes microscopiques traditionnelles gardent toute leur place
les fièvres très précoces chez les voyageurs en zone d’endémie. en termes de sensibilité et de spécificité et sont considérées comme
La plupart des cas liés à P. falciparum surviennent dans les sept la méthode référence [25, 26] .
jours à quatre semaines après l’arrivée en zone d’endémie, mais Le frottis sanguin (ou goutte fine) permet d’obtenir en moins de
sont possibles jusqu’à un an plus tard. Pour P. vivax et P. ovale, 30 minutes l’identification de l’espèce plasmodiale, le stade para-
le temps d’incubation est de 10 jours à 14 jours, et des revivis- sitaire et la parasitémie (pourcentage d’hématies parasitées). Ces
cences sont possibles jusqu’à deux ans et cinq ans plus tard, trois éléments sont importants dans la démarche thérapeutique
respectivement. P. malariae a un temps d’incubation de l’ordre et l’évaluation de la gravité. La goutte épaisse reste la méthode de
de trois semaines et des reviviscences sont possibles jusqu’à dix référence, permettant un diagnostic sensible et spécifique même
ans, voire exceptionnellement trente ans plus tard ; en cas de faible parasitémie (jusqu’à 0,0001 %) [25, 26] . Les examens
• la fièvre : la forme clinique la plus fréquente est la « fièvre au microscopiques sanguins doivent être répétés en cas de négativité
retour de zone tropicale ». Le paludisme représente 20 % à 70 % initiale si le diagnostic de paludisme est cliniquement possible. Il
des cas de fièvre au retour de zone tropicale [20–24] . La fièvre est recommandé de le refaire avec huit heures d’intervalle.
peut néanmoins être absente à l’arrivée chez 30 % à 56 % des Les tests de diagnostic rapide ont connu une rapide évolution.
patients [15, 20–23] . La notion de fièvre avant la consultation doit Plusieurs méthodes sont possibles. Les tests les plus couramment
être systématiquement recherchée car elle peut ne pas être employés reposent sur la détection de protéines plasmodiales
présente lors de la consultation initiale. L’absence de fièvre par immunochromatographie (pLDH/aldolase communes aux 4
aux urgences ou lors de la consultation initiale ne permet pas espèces, PfHRP2/PfLDH spécifiques de P. falciparum, PvLDH spéci-
d’exclure le diagnostic de paludisme. Le paludisme de primo fique de P. vivax). Ces tests ont une sensibilité comprise entre 90 %
invasion chez les sujets non immuns se manifeste par une et 100 % et une spécificité entre 52 % et 99 % [26] . Ils permettent
fièvre progressivement croissante qui devient continue, alors un diagnostic aisé et dans certains cas au lit du patient, mais leur
que le paludisme chez les sujets immuns ou semi-immuns pro- coût/efficacité n’a pas été évalué [27] . Leur place dans une stratégie
voque le plus souvent des accès de fièvre tous les deux jours diagnostique rapide est mal précisée aussi bien en zone d’endémie
pour P. vivax et P. ovale (fièvre tierce bénigne) et tous les trois que dans les zones non endémiques [26] . En France, la Conférence
jours pour P. malariae (fièvre quarte). P. falciparum est respon- de consensus sur le paludisme a recommandé de réaliser un test de
sable de la fièvre tierce maligne, mais il est plus souvent associé diagnostic rapide seulement si l’examen microscopique s’avérait
à une fièvre continue ou plus ou moins anarchique. La présence négatif [25] . Leur sensibilité ne permet pas d’exclure le diagnostic
de frissons est un argument en faveur du diagnostic de palu- de paludisme.
disme [15] , tout comme une température élevée, généralement
supérieure à 39 ◦ C [15, 20, 21, 22, 23] ;
• la notion de prophylaxie antipalustre adaptée à la zone visitée
et correctement suivie pendant et après le séjour est absente Évaluation de la gravité
chez 85 % à 97 % des cas de paludisme diagnostiqués [13–15] ;
• une splénomégalie est rencontrée chez les sujets immuns expo- Il s’agit là d’un élément essentiel dans la prise en charge des cas
sés de façon répétée. Elle est plus rare dans les formes de primo de paludisme.
invasion du sujet non immun ; Le principal critère de gravité est l’espèce plasmodiale. Les cas
• d’autres signes cliniques non spécifiques peuvent être consta- à P. falciparum peuvent être mortels, mais des formes graves ont
tés : la présence de céphalées, une grande fatigue, la présence de été également rapportées avec P. vivax et P. ovale. P. knowlesi est
signes digestifs, diarrhées et/ou douleurs abdominales [15, 20–23] . responsable de formes graves et mortelles avec des atteintes pul-
L’apport des examens complémentaires au diagnostic de palu- monaires, rénales et des états de choc [19] . Le terrain est également
disme est pauvre, car non spécifique. Certains éléments méritent un facteur de risque de présenter une forme grave de paludisme à
cependant quelques précisions : P. falciparum, notamment la grossesse, l’âge (les enfants de bas âge
• la thrombopénie : c’est un élément en faveur du diagnostic de et les sujets âgés), l’immunodépression dont le VIH, et la dénu-
paludisme [15] . Entre 43 % et 75 % des patients avec un palu- trition [27] . L’origine ethnique et la notion de paludisme antérieur
disme prouvé ont une thrombopénie [15, 20–23] ; sont également des notions à tenir en compte [28] , les sujets origi-
• l’anémie : le paludisme est une fièvre hémolytique aiguë. naires d’Afrique noire et les sujets ayant déjà fait des épisodes de
L’anémie n’est notée à l’arrivée que chez 15 % à 58 % des paludisme ont un risque moindre.
patients mais chez 97 % des patients au cours du suivi ; Le Tableau 1 présente les critères de gravité des accès palustres
• l’élévation de la bilirubine : elle est décrite chez 30 % à 64 % définis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [27] . En
des patients. La présence d’une hyperbilirubinémie totale à pré- France, une nouvelle lecture des critères de gravité a été propo-
dominance libre est significativement associée au diagnostic sée [25] . Elle est présentée Tableau 2. Le plus souvent, cette gravité
de paludisme, surtout si elle est associée à une thrombopé- s’exprime par l’apparition rapide, voire brutale, de signes cliniques
nie [15, 20–23] ; précis traduisant une atteinte d’organe : défaillance neurologique,
Tableau 2.
Critères de gravité du paludisme à P. falciparum [25] . Atteinte neurologique
Toute défaillance Obnubilation, confusion, somnolence,
neurologique, incluant prostration
L’atteinte neurologique signe un des critères majeurs du palu-
disme, le neuropaludisme. Elle est la complication la plus grave
Coma avec score de Glasgow < 11
des infections à P. falciparum. C’est la complication la plus
Toute défaillance Si VM ou VNI : PaO2 /FiO2 < 300 mmHg fréquente notamment chez les enfants en zone d’endémie, expli-
respiratoire, incluant quant jusqu’à 10 % des admissions hospitalières et sa mortalité
Si non ventilé PaO2 < 60 mmHg et/ou peut atteindre 20 % dans ce contexte. Dans les zones hyperendé-
SpO2 < 90 % à l’air ambiant et/ou miques, les troubles surviennent très tôt dans la vie des jeunes
FR > 32/min enfants, alors que sa présentation est plus tardive dans les zones
Images interstitielles et/ou alvéolaires à la à faible transmission. La protection induite par des infections
radio antérieures se perd en absence d’une exposition continue [29] .
Chez l’adulte, l’atteinte neurologique est moins souvent isolée
Toute défaillance PA systolique < 80 mmHg en présence de et le tableau est plus proche d’une atteinte multiple d’organes.
cardiovasculaire, incluant signes périphériques d’insuffisance Le tableau clinique est caractérisé par une atteinte des fonctions
circulatoire
supérieures et coma, une atteinte des neurones supérieurs avec
Patient recevant des drogues vasoactives troubles du regard conjugué, hypertonie extrapyramidale, trismus
Signes périphériques d’insuffisance et attitude en décérébration ou décortication [30] . Des hémorra-
circulatoire sans hypotension gies rétiniennes sont constatées chez 15 % des patients, elles sont
Convulsions répétées Au moins 2 par 24 h
associées à un pronostic vital péjoratif [31] .
La physiopathologie est complexe et de nombreux méca-
Hémorragie Définition clinique nismes interagissent pour expliquer l’atteinte neurologique [29] .
Ictère Clinique ou bilirubine totale > 50 mol Chez l’enfant, les crises comitiales sont une cause fréquente de
troubles neurologiques et le diagnostic de neuropaludisme ne peut
Hémoglobinurie être retenu dans ce cadre que devant la persistance des troubles
macroscopique neurologiques une heure après une crise d’épilepsie ou après
Anémie profonde Hémoglobine < 7 g/dl, hématocrite < 20 % un examen électroencéphalographique permettant d’éliminer
Hypoglycémie Glycémie < 2,2 mmol/l cette hypothèse. L’hypoglycémie est également une cause de
troubles de la conscience. Le mécanisme physiopathologique
Acidose Bicarbonates plasmatiques < 15 mmol/l incriminé est la formation d’agrégats d’érythrocytes infectés et
Acidémie avec pH < 7,35 non infectés dans les vaisseaux cérébraux (« rosette »). Cette
séquestration des érythrocytes est liée à l’adhésion des érythro-
Hyperlactatémie Dès que la limite supérieure de la normale
est dépassée
cytes aux cellules endothéliales des vaisseaux sanguins via des
protéines retrorégulées de P. falciparum. Les agrégats se forment
A fortiori si lactate > 5 mmol/l
ainsi entre des érythrocytes et entre les érythrocytes et les cellules
Hyperparasitémie Dès que parasitémie > 4 % notamment endothéliales [29] . Chez certains patients, des lésions ischémiques
chez le non immun cérébrales liées à des accidents artériels ainsi que des thromboses
veineuses cérébrales, probablement en rapport à une hypercoagu-
Insuffisance rénale Créatininémie > 265 mol/l ou urée
sanguine > 17 mmol/l
labilité, ont été rapportées [32] . Cette séquestration entraîne une
réduction de la microcirculation cérébrale, dont le mécanisme
Diurèse < 400 ml/24 h malgré réhydratation
est également lié à une réduction de la déformabilité des éry-
VM : ventilation mécanique ; VNI : ventilation non invasive ; FR : fréquence res- throcytes. La récupération quasi-totale des signes neurologiques
piratoire ; PaO2 : pression partielle en oxygène ; SpO2 : saturation en oxygène ; sous traitement est en faveur de la faible intensité des phéno-
FiO2 : concentration de l’oxygène dans l’air inspiré ; PA : pression artérielle. mènes ischémiques. Néanmoins, la majoration des demandes
métaboliques liées à la fièvre, les crises comitiales, et les troubles basse < 20 mmol/l malgré une réhydratation bien menée, présence
associés tels que l’hypoglycémie et l’œdème cérébral peuvent fréquente de complexes immuns circulants). L’insuffisance rénale
atteindre des niveaux critiques et expliquer les complications fonctionnelle est très fréquente et disparaît sous traitement anti-
neurologiques persistantes. L’œdème cérébral est fréquent notam- paludique [33] .
ment chez les enfants (40 % des enfants présentant des troubles de
la conscience), il est cytotoxique et souvent associé à une hyper-
tension intracrânienne que compromet la perfusion cérébrale. Anémie
Des lésions hémorragiques intracérébrales corticales d’allure pété-
L’intensité de l’anémie peut expliquer un tiers des décès liés au
chiale sont décrites dans les études anatomiques ainsi que des
paludisme en zone tropicale, notamment chez les enfants [34] . Les
lésions micro-hémorragiques périvasculaires dans 75 % des cas,
mécanismes de l’anémie au cours du paludisme sont multiples.
mais ces lésions n’ont pas été décrites chez les adultes [29] .
Elle est d’origine essentiellement mais non exclusivement parasi-
Des séquelles neurologiques ont été rapportées, notamment
taire, non proportionnelle à la parasitémie. Des multiples facteurs
chez les enfants. Il s’agit principalement de troubles neurocogni-
périphériques et centraux ont été incriminés, ainsi que des média-
tifs chez 10 % des enfants (principalement troubles de la mémoire,
tions par des cytokines et des facteurs propres au parasite [35] .
du langage, de la concentration), d’ataxie, d’épilepsie, de tableaux
L’hémolyse est néanmoins, le facteur principal. Au cours des cas
de quadriparésie spastique et d’états végétatifs persistants. Ces
de paludisme d’importation de l’adulte, l’anémie est rarement au
troubles sont fréquents chez les enfants et ce d’autant plus qu’ils
premier plan clinique. Au cours des formes graves, l’intensité de
ont présenté des crises comitiales persistantes, une hypoglycé-
l’anémie est moyenne à l’arrivée du malade (environ 9-10 g/dl),
mie et une hypertension intracrânienne sévères. Chez l’adulte
elle s’accentue normalement au fil des jours malgré la cessation du
non immun, la fréquence de séquelles neurologiques est estimée
processus hémolytique pour aboutir à des chiffres en général < 8-
inférieure à 5 %. Il s’agit en général d’épisodes de psychose transi-
10 g/dl à la fin de l’accès (4-5e jour). Une anémie d’emblée très
toire, d’épilepsie souvent focale, d’atteinte des paires crâniennes,
profonde est très rare (surtout chez l’adulte) et doit faire évoquer et
de neuropathies et de troubles extrapyramidaux [30] .
rechercher une autre cause (une fièvre bilieuse hémoglobinurique
chez un résident en zone impaludée), une complication (hémor-
Atteinte pulmonaire ragie notamment par rupture de rate) ou une anémie préexistante.
Il peut s’agir d’une hypoxémie, d’un œdème pulmonaire,
voire d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë de l’adulte Thrombopénie
(SDRA). Ces manifestations sont le plus souvent multifactorielles :
œdème lésionnel, surcharge, pneumopathie d’inhalation en cas Une thrombopénie est notée chez 75 % des cas de paludisme
de troubles de la conscience, pneumopathie bactérienne, pneu- non sévère et chez plus de 90 % des cas de paludisme grave, mais
mopathie nosocomiale précoce. Cette complication est fortement ces thrombopénies sont exceptionnellement associées à des mani-
associée à la mortalité liée au paludisme grave, elle a été décrite festations hémorragiques et ne nécessitent pas en règle générale
avec P. falciparum, P. ovale, P. vivax et P. knowlesi. Elle est plus fré- de transfusion de plaquettes [36] . Les thrombopénies profondes
quente chez les adultes particulièrement chez les non immuns (< 50 000) sont plus fréquentes au cours des formes graves. Une
et chez la femme enceinte [31] . Il est essentiel de considérer que thrombopénie significative doit toujours attirer notre attention
les apports intraveineux (solutés et transfusions sanguines) sont et doit être considérée comme un signal d’alerte. Une coagulation
susceptibles d’aggraver ces phénomènes, voire de les détermi- intravasculaire disséminée (CIVD) caractérisée est possible bien
ner compte tenu de l’hyperperméabilité capillaire pulmonaire qui que rare. Les troubles de la coagulation sont de nature complexe
caractérise ces états pendant les trois premiers jours. Leur volume au sein de cette hémolyse. Paradoxalement, il y a peu de signes et
et leur vitesse de perfusion sont donc à surveiller. C’est pour cette de complications hémorragiques en l’absence de gestes invasifs de
raison que la transfusion sanguine doit être réservée aux patients soins ou d’explorations. On peut cependant objectiver parfois des
présentant des anémies significatives avec des signes de mauvaise hémorragies au fond d’œil lesquelles ont été associées par certains
tolérance. Le remplissage vasculaire doit également être prudent à des lésions cérébrales [37] . En cas de persistance d’une thrombo-
et doit être guidé par un monitorage hémodynamique. pénie profonde après le cinquième jour, il faut envisager une autre
cause (CIVD, hématome, sepsis, rare thrombopénie induite par la
État de choc quinine).
Acidose métabolique
Parasitémie
L’acidose métabolique est d’origine plurifactorielle : hyperlac-
tatémie (une partie des lactates étant produite par le parasite Le degré de parasitémie circulante n’est pas en soi un élément
lui-même), insuffisance rénale, état de choc, infection bactérienne de pronostic péjoratif. Néanmoins, le risque de complications et
associée. C’est un des déterminants majeurs de la gravité et du de survenue de formes graves de paludisme est lié à une parasité-
risque de décès [32] . mie initiale élevée ou en tout cas supérieure à 2 % [28] . Pour l’OMS,
une parasitémie supérieure à 4 % est un signe de gravité. Il faut
Insuffisance rénale aiguë considérer que, en l’absence de traitement efficace, la parasitémie
ne cesserait de s’accroître et entraînerait finalement la mort. Une
Quelle qu’en soit la forme clinique, à diurèse conservée ou parasitémie très élevée est donc un témoin de retard thérapeu-
oligoanurique, dite organique dès qu’elle ne cède pas à la réhydra- tique, qui implique moins des morts supplémentaires prévisibles
tation, l’atteinte est de type tubulo-interstitielle et dans quelques que des difficultés plus grandes à bien gérer le traitement pendant
rares cas de type glomérulaire (protéinurie > 1-2 g/24 h, natriurèse les trois premiers jours. L’élévation initiale de la parasitémie au
Critères de définition de la filière de soins Les critères sur lesquels repose le choix du traitement antipara-
optimale sitaire sont les suivants.
Les patients ne présentant aucun signe de gravité
(Tableaux 1, 2), peuvent être traités en ambulatoire, à condition Gravité
que toutes les situations suivantes soient réunies [25] : La recherche de signes de gravité est la première étape dans la
• diagnostic de certitude établi ; démarche. La présence d’un des signes de gravité doit conduire
• absence d’échec d’un traitement antérieur ; à proposer le patient en réanimation et à mettre en route un
• parasitémie < 2 % ; traitement par voie intraveineuse.
• plaquettes > 50 000/mm3 , hémoglobine > 10 g/dl, créatiné-
mie < 150 micromoles/l ; Parasitémie
• absence de terrain à risque (sujet âgé, immunodépression, splé-
nectomie, grossesse, cardiopathie sous-jacente) ; Il est habituellement accepté qu’une parasitémie supérieure à
• patient entouré, accessibilité au traitement, possibilité de 2 % [25, 27] soit une indication à l’hospitalisation (Tableau 3) mais
consultation dans les trois jours. non à un traitement par voie intraveineuse. Chez un sujet non
Il est conseillé de débuter le traitement dans le service immun, une parasitémie supérieure à 2 % est associée à un risque
d’urgences et de surveiller le patient pendant au moins deux de mortalité accru [28] . Une parasitémie supérieure à 5-10 % pour-
heures, notamment sa tolérance digestive. Le patient doit quit- rait être retenue, même en absence d’autres signes de gravité,
ter le service d’urgences avec un rendez-vous ou au moins une comme une indication à un traitement par voie intraveineuse,
filière de soins précise pour réévaluation trois jours plus tard et mais cela reste discutable. Ces patients doivent être hospitalisés et
des conseils de retour aux urgences en cas de somnolence, confu- surveillés. En cas de terrain à risque, il est prudent de les proposer
sion, majoration de la fièvre, gêne respiratoire, malaise, ou tout en réanimation.
nouveau symptôme.
Tous les autres patients doivent être hospitalisés. Notion de terrain
Les critères d’admission en réanimation peuvent varier en fonc-
Certains terrains à risque sont reconnus comme nécessitant une
tion de l’expérience des équipes de soins. Néanmoins, la présence
évaluation spécifique (enfants, patients âgés, femmes enceintes,
d’un seul signe de gravité (Tableaux 1, 2) signe l’appel du réanima-
sujet immunodéprimé). L’intolérance digestive au traitement per
teur et un transfert en réanimation (réanimation lourde ou Unité
os est une indication reconnue du traitement intraveineux.
de Soins Continus).
Les femmes enceintes doivent être considérées comme une
situation d’urgence thérapeutique. Le paludisme à P. falciparum
Critères de choix du traitement antipaludique au cours de la grossesse est associé à un risque accru d’anémie,
de bas poids à la naissance et de développement de formes
Des recommandations ont été récemment publiées concernant graves de paludisme et de décès [42] . Au cours du premier trimestre
les nouvelles stratégies thérapeutiques [27, 41] . La Figure 2 présente les médicaments pouvant être proposés sont quinine, chloro-
une modification de l’algorithme proposé par la Conférence de quine, clindamycine et proguanil. La recommandation actuelle
consensus française en 2007 [25] sur la base des nouvelles recom- est de traiter la femme enceinte au cours du premier trimestre
mandations internationales [27, 41] . par quinine plus clindamycine ou par ACT (artéméther plus
P. falciparum*
Non
Si tous les critères sont vérifiés : Si un seul critère n'est pas vérifié :
- traitement ambulatoire possible - hospitalisation
- atovaquone-proguanil - atovaquone-proguanil
ou artéméther-luméfantrine ou artéméther-luméfantrine
Figure 2. Arbre décisionnel. Prise en charge des accès palustres à Plasmodium falciparum aux urgences [27, 41, 47, 49–51] . *Si biparasitisme ou espèce non
précisée, traiter comme P. falciparum.
luméfantrine) en cas d’échec du premier traitement. Au cours du majoré par ces associations (principalement risque accru de neu-
deuxième et troisième trimestre [27] il semble prudent de décon- tropénie, anémie, hépatotoxique). Le traitement du paludisme
seiller la méfloquine et de proposer des schémas ACT ou la quinine chez le sujet infecté par le VIH est une urgence thérapeutique.
plus clindamycine.
Les sujets infectés par le VIH et dont l’état immunitaire est per-
turbé (CD4 < 350/mm3 ) sont à risque accru de présenter des formes Traitement des symptômes associés
symptomatiques de paludisme, de développer des formes sévères
et de décès [43, 44] . Peu de données sont disponibles concernant Les nausées et vomissements sont des manifestations fréquentes
les interactions médicamenteuses entre les traitements antirétro- du paludisme notamment chez les enfants. La fièvre, la fatigue,
viraux et les autres traitements habituels utilisés par les sujets certains médicaments notamment la méfloquine induisent des
infectés par le VIH et les traitements antipaludiques. Il appa- vomissements. Des antiémétiques sont habituellement proposés.
raît néanmoins que le risque de survenue d’effets indésirables est Il n’y a aucune donnée permettant de privilégier une molécule
antiémétique sur une autre. Néanmoins, l’association métoclo- Les recommandations françaises de 2007 [25] avaient positionné
pramide/atovaquone doit être contre-indiquée en raison du risque en première ligne pour le paludisme à P. falciparum d’importation
de sous-dosage de l’atovaquone. Parmi les causes d’échec du trai- l’association atovaquone/proguanil (Malarone® ) et l’association
tement per os, les nausées et les vomissements sont une cause artéméther/luméfantrine (Riamet® ). Ces recommandations res-
importante. C’est pour cela que l’intolérance digestive avec des tent valables, et sont en accord avec les recommandations de
vomissements non contrôlés par le traitement symptomatique l’OMS [27] . La quinine, la méfloquine et l’halofantrine sont pro-
constitue une contre-indication au traitement per os et est une posées en France en deuxième ligne en monothérapie alors que
indication à un traitement par voie intraveineuse. les recommandations britanniques et de l’OMS plus récentes
La fièvre doit également être traitée si elle est mal tolérée. proposent systématiquement des associations, par exemple, la
Néanmoins, des interactions médicamenteuses et une clearance quinine plus la clyndamycine ou la quinine plus la doxyxycline
parasitaire plus lente ont été rapportées sous paracétamol et ibu- chez le voyageur de retour de zone tropicale [27, 41] . L’halofantrine
profène. L’aspirine est contre-indiquée chez l’enfant compte tenu (Halfan® ) et la méfloquine (Lariam® ) ne devraient plus être pres-
du risque de syndrome de Reye. crits car il s’agit de monothérapies et en raison de la fréquence
d’effets indésirables.
Cette molécule est contre-indiquée en cas d’hypersensibilité aux [3] Organisation Mondiale de la Santé. Rapport 2009 sur la
cyclines, chez l’enfant de moins de huit ans, et au cours du paludisme dans le Monde. www.who.int/malaria/world malaria
deuxième et troisième trimestre de grossesse. L’allaitement est report 2009/mal2009 summary and keypoints fr.pdf.
également une contre-indication relative. Les principaux effets [4] Feachem RG, Phillips AA, Hwang J, Cotter C, Wielgosz B, Greenwood
secondaires sont l’hypersensibilité avec des manifestations aller- BM, et al. Shrinking the malaria map: progress and prospects. Lancet
giques qui peuvent être sévères et la photosensibilisation. Ce 2010;376:1566–78.
médicament doit être administré au milieu d’un repas avec [5] O’Meara WP, Mangeni JN, Steketee R, Greenwood B. Changes
un verre d’eau (100 ml) et au moins une heure avant le cou- in the burden of malaria in sub-Saharan Africa. Lancet Infect Dis
cher [27, 41, 48] . 2010;10:545–55.
[6] Queyriaux B, Pradines B, Hasseine L, Coste S, Rodriguez P, Coffinet
Clindamycine (Dalacine® cp 150 mg, 300 mg) T, et al. Paludisme d’aéroport. Presse Med 2009;38:1106–9.
La posologie habituellement proposée est par voie orale de [7] Sainz-Elipe S, Latorre JM, Escosa R, Masià M, Fuentes MV,
20 mg/kg/j divisé en trois prises journalières. Dans les formes Mas-Coma S, et al. Malaria resurgence risk in southern Europe: cli-
mate assessment in an historically endemic area of rice fields at the
sévères, un traitement intraveineux est possible (Dalacine®
Mediterranean shore of Spain. Malar J 2010;9:221.
600 mg amp) à la posologie est de 10 mg/kg la première dose, sui-
[8] Toty C, Barré H, Le Goff G, Larget-Thiéry I, Rahola N, Couret D, et al.
vie de 5 mg/kg trois fois par jour. Les posologies pédiatrique sont
Malaria risk in Corsica, former hot spot of malaria in France. Malar J
les mêmes. La durée totale de traitement est de sept jours, avec un 2010;9:231.
relais per os dès que possible [27, 41, 48] . [9] Institut National de Veille Sanitaire. Paludisme.
www.invs.sante.fr/surveillance/paludisme/am paludisme.htm.
Autres traitements [10] World Health Organization (2006) From malaria control to elimination
in the WHO European region 2006-2015. Regional office for Europe,
En cas de troubles hémodynamiques, hypotension ou signes Copenhagen, Denmark.
périphériques de choc, le remplissage initial doit être prudent [11] Mali S, Steele S, Slutsker L, Arguin PM. Centers for Disease Control
sans dépasser 1000 ml de macromolécules. Si besoin, recourir à la and Prevention (2010) Malaria surveillance-United States. MMWR
dopamine (5 g/kg/min à 20 g/kg/min). Dans les états de choc, Surveill Summ 2008;59:1–15.
il est prudent d’associer une antibiothérapie (céphalosporine de [12] Ladhani S, Aibara RJ, Riordan FA, Shingadia D. Imported malaria in
3e génération) compte tenu de la fréquence des infections bacté- children: a review of clinical studies. Lancet Infect Dis 2007;7:349–57.
riennes. [13] Field V, Gautret P, Schlagenhauf P, Burchard GD, Caumes E, Jensenius
L’anémie est rarement majeure d’emblée et elle se présente ou M, et al. Travel and migration associated infectious diseases morbidity
se majore en cours d’évolution. Le recours aux transfusions san- in Europe, 2008. BMC Infect Dis 2010;10:330.
guines doit rester limité aux seuls cas avec une hémoglobine [14] Pistone T, Ezzedine K, Gaudin AF, Hercberg S, Nachbaur G, Malvy
inférieure à 6 g/dl ou avec des signes de mauvaise tolérance à D. Malaria prevention behaviour and risk awareness in French adult
l’ECG. travellers. Travel Med Infect Dis 2010;8:13–21.
Les données concernant l’intérêt thérapeutique des corticoïdes, [15] Casalino E, Lebras J, Chaussin F, Fichelle A, Bouvet E. Predictive
des transfusions plaquettaires (sauf en cas d’hémorragie ou de factors of malaria in travelers to areas where malaria is endemic. Arch
geste invasif), des héparines ou des héparines de bas poids molé- Intern Med 2002;162:1625–30.
culaire (HBPM), ou de l’exsanguinotransfusion sont limitées et ne [16] http://wwwnc.cdc.gov/travel/destinations/dominican-republic.aspx.
semblent pas suffisantes pour les proposer en pratique clinique [17] Kantele A, Jokiranta TS. Review of cases with the emerging fifth
courante. human malaria parasite, Plasmodium knowlesi. Clin Infect Dis
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[18] Bruneel F, Tubach F, Corne P, Megarbane B, Mira JP, Peytel E, et al.
Severe imported falciparum malaria: a cohort study in 400 critically ill
Conclusion adults. PLoS One 2010:5:e13236.
[19] William T, Menon J, Rajahram G, Chan L, Ma G, Donaldson S, et al.
Le diagnostic de paludisme est une urgence, tout retard diag- Severe Plasmodium knowlesi Malaria in a Tertiary Care Hospital,
nostic ou thérapeutique est responsable d’une majoration de la Sabah, Malaysia. Emerg Infect Dis 2011;17:1248–55.
morbimortalité. En France, le paludisme explique 25 % des cas de [20] Taylor SM, Molyneux ME, Simel DL, Meshnick SR, Juliano JJ. Does
fièvre ou symptômes au retour de zone tropicale, et P. falciparum this patient have malaria? JAMA 2010;304:2048–56.
est l’espèce plasmodiale la plus fréquemment en cause. L’absence [21] Kyriacou DN, Spira AM, Talan DA, Mabey DC. Emergency depart-
de fièvre ne doit pas faire négliger ce diagnostic, et la réalisation ment presentation and misdiagnosis of imported falciparum malaria.
Ann Emerg Med 1996;27:696–9.
d’un examen parasitologique est indispensable dans ce contexte.
[22] Kain KC, Harrington MA, Tennyson S, Keystone JS. Imported malaria:
La présence de fièvre (même avant la consultation), de frissons,
prospective analysis of problems in diagnosis and management. Clin
d’une thrombopénie et d’une élévation de la bilirubine, chez un Infect Dis 1998;27:142–9.
patient ayant séjourné en zone endémique, doit faire suspecter le [23] Svenson JE, Gyorkos TW, MacLean JD. Diagnosis of malaria in the
diagnostic de paludisme. febrile traveler. Am J Trop Med Hyg 1995;53:518–21.
La prise en charge thérapeutique du paludisme nécessite une [24] Freedman DO, Weld LH, Kozarsky PE, Fisk T, Robins R, von Son-
évaluation précise de la gravité, des pathologies associées, des nenburg F, et al. Spectrum of disease and relation to place of exposure
caractéristiques démographiques et socioculturelles du patient, among ill returned travellers. N Engl J Med 2006;354:119–30.
afin de décider de la meilleure orientation et du schéma théra- [25] Recommandations pour la pratique clinique. Prise en
peutique le plus adapté. charge et prévention du paludisme d’importation. 2007.
Chez tous les patients non admis, avec un diagnostic prouvé http://www.sfmu.org/documents/consensus/rbpc paludisme-court.pdf.
de paludisme ou non, il est prudent de proposer une consultation [26] Murray CK, Gasser Jr RA, Magill AJ, Miller RS. Update on rapid
dans un service spécialisé afin de surveiller l’évolution clinique diagnostic testing for malaria. Clin Microbiol Rev 2008;21:97–110.
et l’efficacité et la tolérance du traitement, et d’insérer le patient [27] WHO. Guidelines for the treatment of malaria. 2010.
dans une filière de soins lui permettant de recevoir les conseils de http://whqlibdoc.who.int/publications/2010/9789241547925 eng.pdf.
prévention adaptés lors d’un prochain séjour en zone d’endémie [28] Phillips A, Bassett P, Zeki S, Newman S, Pasvol G. Risk factors
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E. Casalino (enrique.casalino@bch.aphp.fr).
C. Choquet.
B. Doumenc.
Service d’accueil des urgences, Hôpital Bichat-Claude-Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Casalino E, Choquet C, Doumenc B. Paludisme d’importation à P. falciparum. EMC - Médecine d’urgence
2012;7(2):1-11 [Article 25-090-B-20].
Dans les pays industrialisés, la généralisation des trithérapies antirétrovirales a transformé l’infection
par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) en une maladie chronique requérant un suivi au long
cours. Le recours à des soins en urgence reste cependant d’actualité devant une infection opportuniste
révélant parfois l’infection par le VIH, à l’occasion d’une complication iatrogène ou devant n’importe
quelle urgence non liée directement au VIH. Face à ces situations, le niveau d’immunodépression (taux
de lymphocytes CD4), les antécédents d’infections opportunistes et les traitements en cours sont autant
d’éléments d’orientation pour raisonner devant un tableau pulmonaire, digestif, neurologique, ophtal-
mologique ou dermatologique. Chez les patients non connus comme infectés par le VIH, l’approche
diagnostique est souvent complexe compte tenu de la spécificité des pathologies. Un test VIH peut être
réalisé en urgence, mais seulement quand ce résultat est déterminant pour la prise en charge immé-
diate et après information du patient. Ainsi, une symptomatologie orientant vers un déficit immunitaire
(amaigrissement, candidose buccale, diarrhée chronique, antécédent de zona, lymphopénie sévère, leu-
coplasie chevelue de la langue, etc.) doit conduire à la réalisation d’un test rapide. La pneumocystose,
pneumopathie bilatérale interstitielle et dyspnéisante, reste l’urgence respiratoire la plus fréquente et peut
être sévère en cas de retard au diagnostic, même si les pneumopathies, notamment à pneumocoques,
sont parfois également très rapidement évolutives. Sur le plan neurologique central, c’est la toxoplas-
mose, souvent révélatrice du VIH, qu’il faut évoquer systématiquement devant toute manifestation focale
fébrile ou ne justifiant pas la prescription empirique du traitement dès lors que le scanner a objectivé une
image d’abcès (aspect typique d’image en cocarde). Devant une éruption diffuse, a fortiori avec signes
de gravité, il faut évoquer systématiquement une toxicité médicamenteuse (névirapine, sulfamides, etc.)
particulièrement fréquente sur ce terrain. Enfin, deux points doivent être retenus : un patient infecté par
le VIH peut faire n’importe quel accident de santé indépendamment de son infection (notamment, des
complications cardiovasculaires pour lesquelles il a d’ailleurs des facteurs de risque supplémentaires), et
tout accident d’exposition au sang (et sexuel) doit être considéré en urgence, les antirétroviraux n’ayant
a priori un intérêt préventif que dans les toutes premières heures.
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■ Orientation diagnostique et prise en charge devant le statut sérologique est inconnu et chez qui la question du diag-
des troubles digestifs 6 nostic de l’infection par le VIH se pose et la prise en charge des
Signes œsophagiens 6 accidents d’exposition au sang ou sexuelle.
Diarrhée aiguë fébrile 6 Chez un patient séropositif connu consultant en urgence, un
Douleurs abdominales, associées à des rectorragies et de la fièvre 6 certain nombre d’éléments sont à prendre en compte : princi-
Hépatite cytolytique isolée 6 palement, le degré d’immunodépression (reflété par le taux de
Tableau biliaire 6 lymphocytes CD4 en nombre absolu et en pourcentage), les
Pancréatites 6 antécédents d’infections opportunistes ou de co-infection, les
Nausées ou vomissements isolés 6 antécédents médicaux en lien ou non avec l’infection au VIH,
Douleurs abdominales diffuses avec fièvre et altération de l’état la prise de traitements en précisant l’observance, les molécules,
général 6 la date d’instauration et des éventuelles modifications, la prise
Douleurs abdominales sans fièvre, ni troubles du transit 6 de prophylaxies primaires ou secondaires. L’avènement des tri-
■ Orientation diagnostique devant une fièvre 7 thérapies antirétrovirales hautement efficaces a engendré des
Patient séronégatif ayant présenté des facteurs de risque récents modifications épidémiologiques profondes au sein de la popu-
(moins d’un mois) 7 lation infectée avec la diminution de la mortalité, la réduction
Fièvre isolée aiguë ou persistante 7 de l’incidence des infections opportunistes, l’apparition d’effets
indésirables propres aux TARV, le vieillissement de la popula-
■ Atteintes cutanéomuqueuses 7
tion avec ses conséquences, notamment dans deux domaines
Toxidermies 7
(l’infection au VIH étant un facteur de risque spécifique sup-
Zona 7
plémentaire) : la majoration du risque cardiovasculaire et du
Affections cutanées ou cutanéomuqueuses banales 7
risque de cancers (cancers non classés dans les manifesta-
■ Conduite à tenir devant des anomalies de la formule sanguine 7 tions opportunistes tels que le cancer du poumon, du foie,
Conduite à tenir devant une thrombopénie isolée 8 etc.) [1, 3] .
Conduite à tenir devant une anémie isolée 8 Chez un patient dont le statut vis-à-vis du VIH n’est pas
Conduite à tenir devant une neutropénie isolée 8 connu, certains éléments ont valeur d’orientation : des signes
Conduite à tenir devant une atteinte de plusieurs lignées ou une évocateurs de primo-infection chez un sujet à risque, des symp-
pancytopénie 8 tômes évocateurs de déficit immunitaire ou d’une infection
■ Conduite à tenir devant des troubles de la vision 8 opportuniste.
Œil rouge et douloureux avec ou sans baisse de l’acuité visuelle 8
Baisse de l’acuité visuelle avec œil blanc et indolore 9
■
Baisse d’acuité visuelle d’origine centrale
Prise en charge d’un accident d’exposition au sang ou aux
liquides biologiques et d’exposition sexuelle aux urgences
9
10
“ Point important
Prise en charge immédiate 10 Symptômes potentiellement évocateurs d’un déficit
Évaluation du risque en cas d’accident d’exposition au sang 10
immunitaire chez un patient ignorant son infection par
Prise en charge lors d’une transmission possible 10
le virus de l’immunodéficience humaine (en dehors des
■ Conclusion 11 infections opportunistes spécifiques) :
• candidose buccale ;
• ulcérations buccales récidivantes ;
• leucoplasie chevelue de la langue ;
Introduction • dermite séborrhéique ;
• prurigo ;
La prise en charge des patients infectés par le virus de
l’immunodéficience humaine (VIH) relève, à l’heure actuelle, • zona ou antécédent de zona ;
d’un suivi au long cours émaillé d’épisodes ou de complications • herpès cutanéomuqueux extensif ;
aiguës [1] . La complexité allant grandissante, le suivi de ces patients • troubles des phanères (cheveux secs, fins et cassants) ;
s’avère souvent une affaire de spécialistes, maîtrisant le manie- • adénopathies périphériques persistantes sur plusieurs
ment des antirétroviraux. Un suivi régulier est indispensable afin sites ;
de prendre en compte toutes les facettes de la maladie, et notam- • infections récidivantes des voies aériennes supérieures ;
ment le contexte psychosocial. Cela permet de faciliter au mieux • pneumopathies récidivantes ;
l’observance aux traitements et est un élément indispensable pour • tuberculose pulmonaire récente ;
anticiper les complications opportunistes ou iatrogènes, l’objectif • diarrhée chronique ou récidivante ;
du suivi étant bien sûr qu’elles ne puissent jamais s’exprimer.
• amaigrissement inexpliqué.
Cela sous-entend que chaque patient ait un médecin et un ser-
vice référent dont il connaisse les coordonnées de façon à ce que le D’autres éléments tels que des comportements à risques
médecin urgentiste ou intervenant ponctuellement puisse obtenir présents ou passés (toxicomanie, rapports sexuels mul-
rapidement les informations utiles. tiples non protégés, etc.) ou l’origine géographique du
Les manifestations cliniques très variées rendent la démarche patient (Afrique subsaharienne notamment) peuvent être
diagnostique d’autant plus difficile qu’elles s’inscrivent dans un des signes d’alerte supplémentaires.
contexte étiologique polymorphe. Une consultation en urgence
peut être en rapport avec une symptomatologie liée au virus
lui-même, plus fréquemment avec une infection opportuniste Indépendamment du choix d’une stratégie de proposition large
secondaire à l’immunodépression acquise ou enfin être indirecte- d’un dépistage du VIH tout motif de recours aux urgences confon-
ment liée à l’infection par le VIH. Elle peut être également liée à un dus, la sérologie VIH peut être faite en urgence (« test rapide »
effet secondaire du traitement antirétroviral (TARV) ou des traite- disponible en quelques minutes), mais elle doit être réservée
ments spécifiques des infections opportunistes (à visée curative ou aux situations en pratique assez limitées (maladies opportunistes
prophylactique) [2] . Bien entendu, rien n’exclut par ailleurs qu’un requérant un traitement spécifique urgent) où son résultat aura
patient infecté par le VIH puisse avoir n’importe quel « accident » un impact réel et immédiat sur la prise en charge diagnos-
de santé totalement indépendant du VIH. Ces différents cas de tique ou thérapeutique du patient. Ainsi, devant un test rapide
figure font toute la complexité de l’approche de ces patients par positif, un traitement présomptif en urgence par cotrimoxazole
le médecin urgentiste. devant une pneumopathie bilatérale interstitielle dyspnéisante ou
En pratique, ces patients peuvent se présenter dans trois par l’association pyriméthamine/sulfadiazine devant une lésion
contextes différents : le patient séropositif connu, le patient dont focale cérébrale doit être initié. Si l’information du patient est la
Tableau 1.
Principaux signes cliniques d’orientation des atteintes pulmonaires chez un patient infecté par le virus de l’immunodéficience humaine.
Pneumocystose Tuberculose Pneumopathies bactériennes
Stade d’immunodépression ≤ 200 CD4/mm3 ou ≤ 15 % CD4 Tout stade Tout stade
Signes fonctionnels Dyspnée d’apparition progressive Altération de l’état général Toux
Amaigrissement toux plus moins productive Expectoration parfois purulente
Fièvre Sueurs nocturnes Fièvre
Toux sèche Début progressif Début aigu ou subaigu
Évolution allant de quelques jours à
quelques semaines
Clinique Examen normal pour 50 % Absence de foyer Syndrome de condensation à l’auscultation
Polypnée
Tachycardie
Râles diffus
Pas de prophylaxie (cotrimoxazole)
règle pour la réalisation du test, l’annonce du diagnostic ne devra influencer le traitement (cf. infra). De même, un délai d’évolution
pas être faite à cette occasion en cas de positivité (nécessité d’une des symptômes prolongé est un facteur de mauvais pronostic.
confirmation, contexte en règle non favorable). Une élévation marquée des lactodéshydrogénase (LDH) n’est pas
Une approche syndromique a été choisie ici afin de prendre en spécifique, mais contribue à l’orientation diagnostique.
considération les principaux motifs de consultation en urgence L’expression radiologique est très polymorphe : typiquement,
des patients infectés par le VIH, en insistant sur les diagnostics on retrouve des opacités diffuses alvéolo-interstitielles bilatérales,
correspondant aux grandes « urgences » [4, 5] . mais une radiographie de thorax normale n’élimine pas le diag-
nostic surtout à un stade précoce (Tableau 2).
Plus rarement est mis en évidence des pseudokystes ou un pneu-
“ Point important mothorax (un pneumothorax chez un patient infecté par le VIH
doit faire évoquer le diagnostic).
La fibroscopie bronchique avec lavage bronchoalvéolaire (LBA)
Éléments nécessaires au raisonnement diagnostique chez et mise en évidence du germe après coloration est indispensable
un patient infecté par le virus de l’immunodéficience pour confirmer le diagnostic. En pratique, la réalisation de cet exa-
humaine (VIH) présentant une manifestation clinique : men, très rarement disponible en urgence et fait habituellement
• stade de l’infection ; le lendemain, ne doit pas retarder l’initiation du traitement qui
• antécédents d’infection opportuniste ; n’influencera pas le résultat (persistance des Pneumocystis long-
temps après le début du cotrimoxazole).
• taux de lymphocytes CD4 ;
Le traitement par cotrimoxazole (Bactrim® ) doit être débuté
• vitesse de progression de la maladie (acide ribonu- rapidement, par voie orale (deux comprimés × 3 de Bactrim
cléique [ARN] plasmatique du VIH) ; Forte® ) ou parentérale s’il y a des critères de gravité (trimétho-
• traitements : antirétroviraux et prophylaxies. prime/sulfaméthoxazole : 15/75 mg/kg par jour en trois prises, soit
deux ou trois ampoules toutes les six heures pendant 21 jours).
On y adjoint une corticothérapie (1 mg/kg par jour de prednisone
sur cinq jours, puis 0,5 mg/kg sur cinq jours, puis 0,25 mg/kg sur
11 jours ou de la méthylprednisolone chez l’adulte à la dose de
Atteintes respiratoires [6, 7]
240 mg/j sur trois jours, de 120 mg/j sur trois jours, de 60 mg/j
sur trois jours) en cas d’hypoxie inférieure à 70 mmHg. À noter
Les atteintes respiratoires au cours de l’infection par le VIH sont vers le dixième jour le risque d’une allergie se traduisant par
fréquentes (de 60 à 80 % des patients sont concernés) et dominées une reprise fébrile brutale alors que le patient va mieux ! Dans
par les pneumopathies bactériennes. Elles sont le plus souvent les formes sévères, l’alternative au cotrimoxazole est la pentami-
d’origine infectieuse (Tableau 1), mais peuvent être tumorales. Les dine administrée par voie intraveineuse à la dose de 3 ou 4 mg/kg
co-infections sont possibles. On constate actuellement une dimi- par jour [7, 8] . À l’issue du traitement d’attaque, une prophylaxie
nution de l’incidence de la pneumocystose qui reste cependant secondaire par un comprimé de Bactrim® adulte est indispensable
la pathologie inaugurale du sida la plus fréquente (32 % des cas pour éviter une récidive jusqu’à la remontée du taux de CD4 au-
en 2009), une stabilité de la tuberculose et une augmentation des dessus de 200/mm3 . La prophylaxie primaire (même posologie)
pneumopathies bactériennes. chez tout patient découvert infecté par le VIH avec des CD4 au-
dessous de ce seuil a une excellente efficacité pour éviter cette
Pneumocystose [7] infection opportuniste.
Tableau 2.
Principales étiologies à évoquer selon l’aspect radiologique au cliché thoracique chez un patient positif au virus de l’immunodéficience humaine.
Radiographie normale Opacités interstitielles diffuses Opacités alvéolaires et macronodules localisés
Pneumocystose au stade précoce Pneumocystose Pneumopathies bactériennes
Pneumopathies au stade de début Aspergillose Tuberculose
Tuberculose (stade initial et déficit immunitaire sévère) Cryptococcose Mycobactérioses atypiques
Maladie de Kaposi
Tuberculose
Tableau 3.
Particularités des atteintes radiologiques dans la tuberculose pulmonaire selon le stade d’immunodépression.
Taux de CD4 ≥ 350/mm3 De 250 à 100/mm3 ≤ 50/mm3
Caractéristiques Infiltrat fibronodulaire des Atteinte des bases ou diffusant Atteinte des lobes inférieurs ou moyens
sommets avec ou sans cavité au parenchyme (miliaire) Images de cavité moins fréquentes
hypodenses, avec un rehaussement annulaire à l’injection du pro- Orientation diagnostique devant un tableau
duit de contraste, le pourtour de la lésion étant le siège d’un
œdème périlésionnel (effet de masse). d’encéphalite [10, 13]
L’IRM permet de mieux préciser les caractéristiques des lésions Encéphalite à cytomégalovirus
et constitue l’examen de choix.
Devant ce tableau radioclinique et en l’absence de test diag- Bien que devenue rare, on évoquera en premier lieu une encé-
nostique formel, un traitement présomptif par pyriméthamine phalite à CMV chez les patients très immunodéprimés et devant
(100 mg le premier jour, puis 50 mg/j) et sulfadiazine (4 g/j) asso- une atteinte des fonctions supérieures (troubles cognitifs, confu-
ciées à l’acide folinique (25 mg/j) peut être instauré en urgence (le sion, troubles de la conscience, etc.) très rarement associée à un
cotrimoxazole est une alternative possible). Son efficacité, éva- déficit focal dans un contexte fébrile d’évolution subaigu. L’IRM
luée vers le quinzième jour, confirme le diagnostic. Les doses cérébrale peut être normale ou mettre en évidence une prise
d’attaque seront maintenues six semaines avant le passage en trai- de contraste des parois ventriculaires, voire une lésion focale.
tement d’entretien (une demi-dose, prophylaxie secondaire). Si L’étude du LCS a valeur d’orientation diagnostique (présence
besoin, on adjoindra des traitements symptomatiques, anticon- d’une méningite lymphocytaire, positivité de la PCR aux CMV)
vulsivants, antalgiques et corticoïdes, afin de réduire l’œdème et pronostique (pression du LCS et glycorachie). Il est indispen-
périlésionnel. sable de rechercher d’autres localisations de l’infection à CMV
(rétinienne, digestive, etc.). Le traitement d’attaque par le ganci-
clovir ou le foscarnet (en monothérapie ou en association) doit
Collections bactériennes pyogènes être débuté rapidement en milieu spécialisé.
ou tuberculeuses [12]
L’abcès à pyogènes entraîne un tableau clinique plus bruyant, Principaux diagnostiques différentiels
mais pouvant être masqué par l’immunodépression. On évoquera en milieu spécialisé :
La tuberculose neuroméningée focalisée se présente soit sous • les méningo-encéphalites virales (herpes simplex virus [HSV] 1 et
forme de tuberculome (lésion « immuno-inflammatoire » pauvre 2 ou varicella-zoster virus [VZV] : intérêt des PCR dans le LCS) ;
en BAAR : il s’agit alors de lésions uniques ou multiples super- • la LEMP (cf. supra) ;
ficielles avec prise de contraste annulaire et peu d’œdème), soit • la toxoplasmose dans sa rare forme encéphalitique diffuse (sans
sous forme d’abcès (lésion riche en BAAR, en règle unique, volu- lésion focale ; intérêt de la PCR toxoplasmose) ;
mineuse, polylobée avec œdème périlésionnel et rehaussement • la primo-infection à VIH symptomatique (méningite ou
périphérique). Une méningite lymphocytaire hypoglycorachique méningo-encéphalite aseptique) ;
est un argument supplémentaire. En l’absence de contre- L’encéphalite à VIH reste un diagnostic d’élimination malgré
indication, une PL pour rechercher le bacille de Koch est nécessaire un aspect à l’IRM parfois évocateur (atrophie corticale, atteinte
avant de commencer le traitement (quadrithérapie antitubercu- bilatérale de la substance blanche sans prise de contraste, ni effet
lose et corticothérapie). de masse).
toucher une ou plusieurs lignées : thrombopénie et/ou syndrome Conduite à tenir devant une neutropénie
mononucléosique au cours de la primo-infection, cytopénies iso-
lées ou associées (d’autant plus importantes et fréquentes que isolée
l’infection est évoluée) soit liées au VIH lui-même (périphériques C’est une étiologie médicamenteuse qui est généralement en
ou centrales), soit dans le cadre d’une manifestation opportu- cause, les molécules le plus souvent retrouvées étant l’AZT, la pyri-
niste (lymphome, mycobactériose, leishmaniose, etc.), soit enfin méthamine (en l’absence d’une coprescription d’acide folinique),
iatrogène (anémie à azidothymidine [AZT]), neutropénie à la pyri- les sulfamides (cotrimoxazole, sulfadiazine, etc.), le ganciclovir,
méthamine ou au ganciclovir, etc. En pratique, même si elle est etc. Le VIH peut être en cause, mais dans ce cas la neutropénie est
devenue plus rare, c’est la thrombopénie auto-immune qui pose le
rarement isolée. À noter la neutropénie « idiopathique » des sujets
plus de problème aux urgentistes. Seules les situations concernant
d’origine africaine qui est fréquente.
l’urgence seront abordées ici [20] .
Lampe à fente
Fond d’œil Rechercher une
± Angiographie atteinte du nerf
± Ponction de la chambre optique ou des
Uvéite Kératoconjonctivite antérieure (PCR,CMV, voies visuelles par
Cause médicamenteuse : ± uvéite EBV, Toxoplasma) IRM cérébrale
– rifabutine, ciclovir Zona ophtalmique
– inhibiteurs de protéases Autres causes :
Autres causes : – syndrome sec
– candidose – herpès (HSV) Rétinite infectieuse
– syphillis
– Candida
– uvéite liée à la reconstitution
immunitaire sous trithérapie Taux de CD4
(antécédent de rétinite à CMV)
Figure 1. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une baisse de l’acuité visuelle chez un patient infecté par le virus de l’immunodéficience humaine.
PCR : polymerisation chain reaction ; CMV : cytomégalovirus ; EBV : Epstein-Barr virus ; CD4 : taux de lymphocytes CD4 ; i.v. : voie intraveineuse ; HSV : herpes
simplex virus ; VZV ; varicella-zoster virus ; IRM : imagerie par résonance magnétique.
périphérie de l’œil, permet de poser le diagnostic. Le syndrome Ce traitement est efficace à la fois sur le CMV, cause la plus fré-
sec, fréquent chez le patient VIH, est une autre cause fréquente de quente de rétinite, et sur le VZV plus rarement en cause. D’autres
kératite. étiologies plus rares peuvent cependant donner des rétinites et
Enfin, il peut s’agir d’une uvéite antérieure soit d’origine médi- nécessiteront un traitement spécifique (toxoplasmose, tubercu-
camenteuse (rifabutine, inhibiteurs de protéase), soit d’origine lose, syphilis, candidose).
infectieuse (toxoplasmose, syphilis, candidose). Une uvéite peut L’aspect des lésions permet souvent d’orienter le diagnostic, et
également se voir dans le cadre d’une reconstitution immunitaire la ponction de la chambre antérieure permet parfois de retrouver
chez les patients ayant un antécédent de rétinite CMV. Dans tous l’agent pathogène par PCR.
les cas d’uvéite et de kératite, notamment d’origine virale, la prise En dehors des causes infectieuses, la microangiopathie réti-
en charge ophtalmologique spécialisée rapide est indispensable nienne est une cause très fréquente de baisse de l’acuité visuelle.
sous peine de lésions cicatricielles définitives. Le lymphome oculaire est plus rare.
Baisse de l’acuité visuelle avec œil blanc Baisse d’acuité visuelle d’origine centrale
et indolore Si on ne retrouve aucune cause ophtalmologique pour expliquer
Il est nécessaire d’effectuer un fond d’œil en urgence, à la une baisse d’acuité visuelle, il est nécessaire de réaliser une IRM
recherche d’une rétinite qui imposera de commencer un trai- cérébrale à la recherche d’une cause rétro-orbitaire. Il peut s’agir
tement par ganciclovir (ou foscarnet) par voie intraveineuse en d’une atteinte du nerf optique ou des voies visuelles. Une PL est
urgence [24, 25] . alors souvent nécessaire pour étayer le diagnostic.
Tableau 4.
Évaluation du risque et indication de traitement en cas d’exposition au sang (d’après [9] ).
Risque Type d’exposition Sujet source VIH positif Sujet source inconnu ou de sérologie
inconnue
Important Piqûre profonde avec aiguille creuse après Traitement recommandé Traitement recommandé si le sujet source est
geste en intraveineux ou artériel à risque élevé (partenaires sexuels multiples,
originaire d’une zone de forte endémie,
toxicomanie intraveineuse)
Intermédiaire Piqûre avec aiguille à suture (aiguille pleine) Traitement recommandé (sauf si Traitement recommandé si le sujet source est
ou après geste en injection intramusculaire une charge virale récente du sujet à risque élevé (partenaires sexuels multiples,
ou sous-cutanée source est connue et indétectable) originaire d’une zone de forte endémie,
Coupure par bistouri toxicomanie intraveineuse)
Expositions cutanéomuqueuses a avec temps
de contact > 15 min
Minime Expositions cutanéomuqueuses a avec temps Traitement non recommandé
de contact < 15 min
Morsures, griffures, contact avec un autre
liquide biologique (par exemple, salive,
crachat, urines, etc.), piqûre avec seringue
abandonnée
Prise en charge d’un accident hépatite B (avec dosage quantitatif des anticorps anti-Hb S
chez le personnel soignant), sérologie hépatite C, alanine
d’exposition au sang aminotransférase (ALAT), éventuellement VDRL/TPHA.
ou aux liquides biologiques
et d’exposition sexuelle Évaluation du risque en cas d’accident
d’exposition au sang
aux urgences [26, 27]
Tableau 5.
Évaluation du risque et indication de traitement en cas d’exposition sexuelle (d’après [9] ).
Type d’exposition Sujet source VIH positif Sujet source inconnu ou de sérologie inconnue
Rapport anal réceptif Traitement recommandé Traitement recommandé si le sujet source est à risque élevé
(partenaires sexuels multiples, originaire d’une zone de forte
endémie, toxicomanie intraveineuse ou facteurs physiques
augmentant le risque chez la personne exposée : viol, ulcération
génitale ou anale, IST, saignement)
Rapport anal insertif Traitement recommandé (sauf si une Traitement recommandé si sujet source à risque élevé (partenaires
Rapport vaginal (réceptif et insertif) charge virale récente du sujet source sexuels multiples, originaire d’une zone de forte endémie,
est connue et indétectable) a toxicomanie intraveineuse ou facteurs physiques augmentant le
Rapport oral (fellation)
risque chez la personne exposée : viol, ulcération génitale ou anale,
IST, saignement)
Tableau 6.
Évaluation du risque d’accident d’exposition au sang et indication de traitement en cas de partage de matériel d’injection (d’après [9] ).
Type d’exposition Sujet source VIH positif Sujet source inconnu ou de sérologie
inconnue
Partage de seringues/aiguilles et/ou de la Traitement recommandé (sauf si une charge virale Traitement recommandé
préparation (risque important) récente du sujet source est connue et indétectable)
Partage du récipient, de la cuillère, du filtre Traitement non recommandé Traitement non recommandé
ou de l’eau de rinçage
[26] Tubiana R, Lot F. Prévention des risques d’exposition aux virus chez [27] Deuffic-Burban S, Delarocque-Astagneau E, Abiteboul D, Bouvet E,
les professionnels de santé et prophylaxie d’exposition. In: Girard PM, Yazdanpanah Y. Blood-borne viruses in health care workers: preven-
Katlama C, Pialoux G, editors. VIH. Rueil-Malmaison: Doin; 2011. tion and management. J Clin Virol 2011;52:4–10.
C. Cauquil.
J. Cailhol.
B. Cazenave.
H. Gros.
C. Pizzocolo.
S. Abgrall.
O. Bouchaud (olivier.bouchaud@avc.aphp.fr).
Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Avicenne, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 125, rue de Stalingrad, 93009 Bobigny, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Cauquil C, Cailhol J, Cazenave B, Gros H, Pizzocolo C, Abgrall S, et al. Infection par le virus de
l’immunodéficience humaine chez l’adulte et urgences. EMC - Médecine d’urgence 2014;9(3):1-12 [Article 25-090-B-30].
Infections génitales
B. Chaine, M. Janier
La plupart des infections génitales sont des infections sexuellement transmissibles et, bien qu’elles ne
menacent qu’exceptionnellement le pronostic vital, leur prise en charge doit être rapide, idéalement en
urgence, afin de rompre la chaîne de contamination et d’empêcher les complications en particulier
l’orchiépididymite aiguë et la salpingite aiguë. Depuis 1998, nous assistons dans les pays occidentaux à
la réémergence de maladies infectieuses qui avaient pratiquement disparu comme la gonococcie, la
syphilis et la lymphogranulomatose vénérienne. Ces trois infections touchent préférentiellement les
homosexuels masculins et indiquent un relâchement manifeste de la prévention favorisant la
transmission du virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Il faut encourager la prévention par
l’utilisation systématique du préservatif. Nous envisagerons les principaux syndromes susceptibles de
conduire un patient à consulter en urgence pour une infection génitale, leurs complications et le
traitement probabiliste de chaque syndrome.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Infection sexuellement transmissible ; Ulcération génitale ; Balanite ; Urétrite ; Leucorrhées
Médecine d’urgence 1
25-090-B-40 ¶ Infections génitales
2 Médecine d’urgence
Infections génitales ¶ 25-090-B-40
Médecine d’urgence 3
25-090-B-40 ¶ Infections génitales
Urétrite Urétrite
avec sans
écoulement écoulement
Bandelette leucocytaire
Recherche de diplocoques
estérasique sur les urines
à Gram négatif
de milieu de miction
Traitement
Traitement ECBU
Traitement antichlamydien
antigonococcique
antichlamydien
et antichlamydien
Traitement
adapté
Figure 2. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une urétrite. ECBU : examen cytobactériologique des urines.
Tableau 1. Tableau 2.
Traitements des urétrites. Traitements de l’épididymite du sujet jeune.
Traitement de l’urétrite gonococcique Doxycycline : 200 mg × 2/j per os pendant 14 jours
Ceftriaxone (Rocéphine®) 500 mg i.m. dose unique + ceftriaxone (Rocéphine®) 500 mg i.m. en dose unique
®
Ou céfixime (Oroken ) 400 mg per os dose unique Ou ofloxacine (Oflocet®) : 200 mg × 2/j pendant 10 jours
En cas d’allergie aux bêtalactamines : i.m. : intramusculaire.
– spectinomycine (Trobicine®) 2 g i.m. dose unique
– ou ciprofloxacine (Ciflox®) 500 mg per os dose unique
Dans tous les cas : traitement antichlamydien systématique alitement et mise en place d’un suspensoir. Lorsqu’il existe des
Traitement de l’urétrite chlamydienne arguments cliniques en faveur de CT, en particulier lorsque la
En première intention bandelette urinaire est négative, la doxycycline est le traitement
Doxycycline 100 mg × 2/j per os pendant 7 jours de référence (Tableau 2) [14]. En cas d’orchiépididymite satellite
Ou azithromycine (Zithromax®) 1 g per os dose unique d’une infection urinaire, on préfère un traitement par les
En deuxième intention quinolones, par exemple, ofloxacine. Même si les orchiépididy-
mites gonococciques sont actuellement rares, un traitement
Érythromycine 1 g × 2/j pendant 7 jours
antigonococcique est largement prescrit chez les sujets jeunes en
Ou ofloxacine (Oflocet®) 200 mg × 2/j pendant 7 jours
cas d’urétrite. Du fait de la résistance fréquente du gonocoque
i.m. : intramusculaire. aux fluoroquinolones, la prescription de fluoroquinolones ne se
justifie que si le risque de gonococcie est faible (absence
d’écoulement urétral) et celui d’infection par une entérobactérie
endo-urétrale, etc.). Il s’agit, en fait, de la seule véritable urgence élevé (suspicion d’infection urinaire) [13].
en vénéréologie masculine. Le diagnostic est très facile devant
une grosse bourse unilatérale, rouge, chaude, douloureuse avec
fièvre. Le contexte peut être évocateur en cas de signes urétraux,
Prostatite
en particulier, un écoulement urétral ou une urétrite récente. Le La prostatite aiguë est rarement d’origine vénérienne. Seul
seul diagnostic différentiel important est la torsion aiguë du NG peut être responsable de prostatite aiguë caractérisée par des
testicule (extrême urgence chirurgicale) survenant, en principe, signes urinaires, une pollakiurie, des douleurs périnéales et une
dans un contexte d’apyrexie. Dans ce cas, la douleur est fièvre élevée. CT n’est que très rarement responsable de prosta-
d’apparition brutale et touche l’ensemble du contenu scrotal tite aiguë. En fait, il s’agit le plus souvent d’une prostatite
alors que dans l’épididymite, la douleur est classiquement satellite d’une infection urinaire. Les signes d’appel sont parfois
progressive et localisée à l’épididyme tuméfié. La seule suspicion non spécifiques, limités à un syndrome grippal. Seul le toucher
de torsion du cordon spermatique doit conduire à une inter- rectal retrouvant une douleur à la palpation de la prostate
vention chirurgicale sans délai. Aucun examen complémentaire évoque le diagnostic. Les examens complémentaires sont les
ne doit retarder l’intervention pour exploration et détorsion mêmes que ceux pratiqués devant une orchiépididymite aiguë,
éventuelle. L’unique intérêt de l’échographie est de confirmer le complétés d’une échographie prostatique. La bandelette urinaire
diagnostic clinique d’épididymite lorsqu’il est probable et qu’il doit être faite avant et après le toucher rectal car elle peut être
n’y a pas de doute. Les examens complémentaires sont les négative initialement et ne se positiver qu’après toucher rectal
mêmes que pour une urétrite, auxquels on peut ajouter une et palpation de la prostate. Le traitement de la prostatite à NG
sérologie de CT. L’hospitalisation peut être nécessaire avec est la ceftriaxone 1 g parentéral par jour pendant 7 à 10 jours.
4 Médecine d’urgence
Infections génitales ¶ 25-090-B-40
■ Principales étiologies
chez la femme
Leucorrhées et infections génitales basses
Les leucorrhées physiologiques ont, chez une même femme,
à chaque cycle, des caractères similaires. Lorsqu’elles se modi-
fient en couleur, abondance, aspect et/ou odeur, elles sont dites
pathologiques [15]. Elles traduisent une inflammation vaginale
(vaginite), le plus souvent d’origine infectieuse et peuvent être
associées à une irritation vulvaire (vulvovaginite) avec prurit,
dysurie, dyspareunie. Les affections principales qui provoquent
des leucorrhées sont la trichomonose qui est une IST, la
vaginose bactérienne (VB) et la candidose qui ne sont pas des
IST. Les cervicites gonococciques et chlamydiennes peuvent
aussi s’accompagner de leucorrhées.
Vulvovaginite
Figure 3. Vaginose bactérienne.
Le diagnostic étiologique est souvent suspecté sur l’aspect des
leucorrhées : abondantes et spumeuses en cas de trichomonose,
abondantes et nauséabondes en cas de VB et caillebottées en cas Tableau 3.
de candidose. Quelques examens simples et directs permettent Traitements de la vulvovaginite à Trichomonas vaginalis, de la vaginose
d’établir le diagnostic. Un pH supérieur à 4,5 est évocateur de bactérienne et de la vulvovaginite candidosique aiguë.
trichomonose et de vaginose. L’examen des leucorrhées à l’état
frais peut retrouver du TV, des clue cells évocatrices de vaginose, Traitement de la vulvovaginite à Trichomonas vaginalis
ou des levures et filaments en cas de candidose. Le test à la Traitement court per os
potasse à 10 % permet de suspecter une vaginose en cas d’odeur Métronidazole (Flagyl®) : 2 g dose unique
de poisson pourri. Les cultures sont plus sensibles que l’examen Ou nimorazole (Naxogyn®) : 2 g dose unique
direct et sont réalisées dans le même temps. Un examen des La consommation d’alcool est déconseillée pendant le traitement
parois vaginales et du col (au spéculum) est systématique avec
Ou traitement long local
recherche de NG et de CT à l’endocol en cas de cervicite
associée. La trichomonose est la première cause d’IST dans le Métronidazole (Flagyl®) : 1 ovule par jour pendant 6 jours
monde. L’incubation dure entre 4 et 28 jours. La forme Traitement de la vaginose bactérienne
subaiguë, qui associe des leucorrhées (plus ou moins abondan- Traitement long per os
tes, parfois jaunes ou vertes, parfois spumeuses), des signes Métronidazole (Flagyl®) : 1 cp à 500 mg matin et soir pendant 7 jours
d’urétrite, et un prurit, est la plus fréquente (60 % à 70 % des La consommation d’alcool est déconseillée pendant le traitement
cas). Il n’y a pas d’atteinte de l’endocol donc pas, à proprement Ou traitement long local
parler, de cervicite. La forme aiguë est rare, moins de 10 % des
Métronidazole (Flagyl®) : 1 ovule par jour pendant 6 jours puis
cas. Les leucorrhées sont alors très abondantes, mousseuses et
aérées, jaunâtres, blanchâtres ou verdâtres, avec une odeur de Gyno-pévaryl LP 150® : 1 ovule unique
plâtre frais. Le prurit intense est associé à une dyspareunie, et à Traitement de la vulvovaginite candidosique aiguë
des troubles urinaires (brûlures mictionnelles, pollakiurie, etc.). Gyno-pévaryl® LP 150 ou Lomexin 600® ou Monazol® : 1 ovule (ou cap-
Une cervicite est possible. Le diagnostic repose sur un pH sule) dans le vagin le soir en position allongée
supérieur à 4,5 et la présence de TV à l’examen direct confirmé Ou fluconazole per os : 150 mg dose unique
par la culture. Elle est fréquemment associée à la VB dans un Associé à une crème ou à un lait imidazolé : 1 application par jour pen-
syndrome qui traduit un déséquilibre de la flore vaginale avec dant 1 semaine
remplacement des lactobacilles (flore de Döderlein) par des Ou crème à la ciclopiroxolamine : 2 applications par jour pendant 1 se-
micro-organismes commensaux : anaérobies, Mycoplasma maine
hominis et Gardnerella vaginalis dont la prolifération est respon-
sable des symptômes (leucorrhées malodorantes). La VB est la
cause la plus fréquente des leucorrhées (Fig. 3). Le partenaire
traitement des trois principales causes de vulvovaginite est
masculin est très rarement atteint (balanite) et le traitement de
précisé dans le Tableau 3. Chez la femme enceinte, seuls les
celui-ci n’a pas d’impact sur le caractère souvent récidivant de
traitements locaux sont envisageables (Fig. 4).
la VB. Le diagnostic repose sur la présence de leucorrhées
homogènes nauséabondes et liquides, de clue cells à l’examen à
l’état frais, d’un pH vaginal supérieur à 4,5 et d’une odeur de
Cervicite mucopurulente
poisson avarié lors du test à la potasse à 10 %. La candidose La cervicite mucopurulente est une inflammation de l’endo-
vulvovaginale est elle aussi provoquée par un déséquilibre de la col se traduisant à des degrés variables par : un écoulement
flore vaginale avec prolifération de levures saprophytes : le plus purulent ou mucopurulent à l’orifice cervical, et/ou un col
souvent Candida albicans. Une vulvite érythémateuse, œdéma- inflammatoire et saignant au contact, et/ou la présence de
teuse et prurigineuse est au premier plan, mais les parois polynucléaires sur le frottis endocervical. Les deux micro-
vaginales sont parfois atteintes avec des leucorrhées adhérentes, organismes responsables de cervicite sont, par ordre de fré-
peu abondantes et typiquement caillebottées. L’examen clinique quence, CT et NG [16], mais le plus souvent, aucun des deux
est suffisant pour affirmer le diagnostic. Le pH vaginal est n’est retrouvé. En outre, la plupart des femmes infectées par CT
normal. La présence de nombreuses levures à l’examen direct et ou par NG ont un col normal. L’aspect clinique ne permet en
de nombreuses colonies en culture sur milieu de Sabouraud sont aucun cas de préjuger de l’étiologie. Le plus souvent, la cervicite
évocatrices du diagnostic. La candidose vulvovaginale est très ne provoque aucun symptôme, mais des leucorrhées sont
fréquente ainsi que les rechutes, favorisées par la période possibles (cervicovaginite), voire une irritation vulvaire (cervico-
prémenstruelle, une antibiothérapie orale, plus rarement par vulvo-vaginite). Dans ce cas, les leucorrhées purulentes, d’appa-
une immunodépression ou la grossesse. Le partenaire masculin rition récente, s’accompagnent parfois d’urétrite (brûlures
est rarement atteint (balanite) et le traitement de celui-ci mictionnelles, dysurie, œdème et rougeur du méat avec bande-
n’influe en rien sur l’évolution de la candidose féminine. Le lette urinaire négative), de métrorrhagies, de douleurs cervicales,
Médecine d’urgence 5
25-090-B-40 ¶ Infections génitales
Caillebottées Non
Abondantes spécifiques
Abondantes Blanchâtres
spumeuses
Odeur
Odeur
de poisson pourri
de plâtre frais
Gyno-pévaryl ®
Flagyl ® per os : Flagyl ® per os : Gyno-pévaryl ®
LP 150
7 jours dose unique LP 150
ou ovules 6 jours ou ovules 6 jours et Flagyl ® :
per os 6 jours
6 Médecine d’urgence
Infections génitales ¶ 25-090-B-40
Tableau 4.
Traitement des infections génitales hautes. Durée 15 à 20 jours.
Protocole 1
Amoxicilline-acide clavulanique (500 mg × 4/j) i.v. ou per os
+ doxycycline i.v. 100 mg × 2/j relais per os
Ou ofloxacine per os 200 mg × 2/j
Protocole 2
Ceftriaxone i.m. 500 mg/j
+ doxycycline i.v. 100 mg × 2/j relais per os
+ métronidazole per os 500 mg × 4/j ou ofloxacine per os 200 mg × 2/j
Protocole 3
Céfotétan i.m. 1g × 2/j
+ doxycycline per os 100 mg × 2/j ou ofloxacine per os 200 mg × 2/j
Protocole 4
Pristinamycine per os 500 mg × 2/j
+ ofloxacine per os 200 mg × 2/j Figure 5. Chancre de syphilis.
Protocole 5
Clindamycine per os 75 mg × 3/j
+ ofloxacine per os 200 mg × 2/j
i.m. : intramusculaire ; i.v. : intraveineux.
“ Point fort
rait que les présentations atypiques soient devenues la norme.
Cliniquement, le seul élément prédictif de chancre mou est la
présence d’un bubon. Le diagnostic d’herpès peut également
Il faut initier un traitement quand des critères minimaux être facilité par des antécédents d’herpès génital (notion de
récurrence) et par l’existence ou la précession de l’ulcération
d’infections génitales hautes sont réunis : douleurs
génitale par des vésicules (Fig. 6). Chez la femme, la primo-
pelviennes, douleurs à la mobilisation cervicale, infection herpétique se manifeste par des symptômes particuliè-
leucorrhées. rement bruyants et douloureux. L’examen clinique chez une
patiente fébrile, fatiguée, refusant de s’asseoir, montre un
œdème considérable des petites lèvres parsemées de vésicules,
■ Étiologies communes à l’homme rapidement érodées, recouvertes d’un enduit blanc jaunâtre,
sales, extrêmement douloureuses, empêchant l’exploration du
et la femme vagin et du col où existent également des lésions érosives dans
90 % des cas. L’éruption peut s’étendre jusqu’à l’anus, ainsi
qu’aux grandes lèvres et jusqu’aux plis cruraux. Des adénopa-
Ulcération génitale thies sont généralement présentes, douloureuses à la palpation.
Toute lésion érosive génitale d’allure récente est à considérer Un syndrome méningé avec céphalées et raideur de nuque est
a priori comme une IST. fréquent, mais également des signes de radiculite, tels que
Le premier diagnostic à envisager chez l’homme est la dysurie, allant parfois jusqu’à la rétention d’urines, des troubles
syphilis (soit primaire avec son chancre d’inoculation (Fig. 5), sensitifs (paresthésies ou hypœsthésies). Ces symptômes peu-
soit secondaire avec les syphilides érosives et la roséole) car elle vent parfois précéder l’éruption de quelques jours et alors être
est actuellement en recrudescence en Europe et en France [20]. de diagnostic difficile. Les autres étiologies d’ulcération génitale
Médecine d’urgence 7
25-090-B-40 ¶ Infections génitales
Tableau 5. Anorectite
Traitement présomptif d’une ulcération génitale a priori sexuellement
transmise. Tous les micro-organismes susceptibles de provoquer des IST
®
des organes génitaux externes peuvent également, en cas de
Benzathine benzyl-pénicilline G (Extencilline ) 2,4 millions d’unités
rapports sexuels anorectaux, provoquer des IST anorectales.
i.m. dose unique
Celles-ci sont particulièrement fréquentes chez l’homosexuel
Ou en cas d’allergie à la pénicilline : doxycycline 200 mg/j per os durant
masculin. Il peut s’agir soit de la localisation anale d’une
3 semaines
ulcération (herpès, syphilis, etc.) soit d’une anorectite à
+ azithromycine : 1 g per os en dose unique gonocoque, mais surtout à Chlamydia (épidémie de lymphogra-
Ou érythromycine 500 mg × 4 par jour per os pendant 10 jours nulomatose aiguë vénérienne en Europe de l’Ouest) [27, 28]. Les
± valaciclovir (Zélitrex®): 2 comprimés per os par jour durant 10 jours signes cliniques évocateurs d’une anorectite sont : un prurit
(primo-infection) anal, des douleurs anorectales avec diarrhée ou constipation,
Ou 2 comprimés per os par jour durant 5 jours (récurrence) ténesme, écoulement anal purulent ou sanglant ou des selles
i.m. : intramusculaire.
enrobées de pus [29]. Le diagnostic différentiel peut se poser avec
les maladies inflammatoires du tube digestif, voire avec un
sont les ulcérations mécaniques ou caustiques, les toxidermies lymphome digestif d’autant plus qu’une altération de l’état
bulleuses au stade érosif, les dermatoses bulleuses et les aphtes général est possible. L’anuscopie retrouve des ulcérations
génitaux, en général situés sur le scrotum. L’Organisation rectales et permet de réaliser des prélèvements à la recherche de
mondiale de la santé (OMS) recommande un traitement empi-
.
CT en PCR et de gonocoque en culture. La sérologie de CT
rique des ulcérations génitales fondé sur les étiologies locales constitue un argument indirect avec l’élévation significative du
probables sans chercher à finaliser le diagnostic. Cette stratégie taux des immunoglobulines A (IgA). En cas de suspicion de
semble très efficace si le traitement est donné immédiatement lymphogranulomatose vénérienne, le traitement actuellement
au patient et à ses partenaires dès la première visite [23]. Dans
.
recommandé est la doxycycline 100 mg × 2 par jour per os
une perspective préventive, le traitement doit être accompagné durant 3 semaines. Les autres étiologies bénéficient du même
d’un conseil personnalisé sur les comportements à risque pour traitement que dans les autres localisations.
le VIH puisque les ulcérations génitales faciliteraient la trans-
mission du VIH [24] . La présence d’une ulcération génitale
nécessite des examens complémentaires avec : un prélèvement ■ Conclusion
pour recherche de tréponèmes par étude de l’exsudat au
microscope à fond noir, un examen direct et une culture sur Les vraies urgences vénéréologiques sont rares. Il faut cepen-
milieux spécifiques pour recherche du bacille de Ducrey, une dant prendre en charge rapidement les infections génitales et les
recherche du virus herpès par culture. Ces examens sont traiter sans attendre les résultats des examens complémentaires
réservés à des laboratoires spécialisés et ne peuvent en aucun cas .
afin de soulager les patients, d’empêcher les complications et de
être réalisés dans le contexte de l’urgence. Il est donc préférable, rompre la chaîne de contamination. L’éducation des patients en
dans la mesure où il n’y a jamais d’urgence, d’adresser ce type matière d’IST doit rester une priorité absolue.
de patient à un centre spécialisé de vénéréologie. Une sérologie .
8 Médecine d’urgence
Infections génitales ¶ 25-090-B-40
[14] Association of genitourinary medicine and the medical society for the [22] DiCarlo RP, Martin DH. The clinical diagnosis of genital ulcer disease
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Chaine B., Janier M. Infections génitales. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence,
25-090-B-40, 2009.
Médecine d’urgence 9
II - Conduite A Tenir
4-0850
Les étiologies des méningites aiguës de l’adulte sont nombreuses et se différencient par leur présentation
clinique, leur terrain, leur fréquence de survenue et leur pronostic. Le clinicien doit savoir reconnaître les
signes cliniques de méningite lui amenant à réaliser une ponction lombaire, interpréter les résultats initiaux
de celle-ci (biochimie, cytologie, bactériologie) et instaurer en urgence le traitement d’une méningite
aiguë. Sa crainte est l’étiologie bactérienne qui est grave, fréquemment mortelle (entre 7 et 30 % selon
les étiologies) ou responsable de séquelles neurologiques et dont le pronostic dépend de la rapidité de
mise en place de l’antibiothérapie. Il doit aussi connaître les étiologies plus rares comprenant les infections
fongiques et à mycobactéries souvent subaiguës et rencontrées chez l’immunodéprimé, les méningites
aseptiques virales ou à germes atypiques et enfin les étiologies parasitaires.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan Introduction
■ Introduction 1 La méningite aiguë correspond à une inflammation aiguë des
■ Examen clinique 1 méninges et du liquide cérébrospinal (LCS). Elle se caractérise par
Syndrome méningé 1 une augmentation du nombre des globules blancs (GB) dans le
Signes extraneurologiques 2 LCS à plus de 5 éléments/mm3 .
■
Le tableau clinique est dominé par un syndrome méningé
Orientation étiologique initiale 2
fébrile évoluant en quelques heures à quelques jours, auquel
Aspect du liquide cérébrospinal 2
peuvent s’associer des troubles de conscience, des signes focaux,
Analyse biologique du liquide cérébrospinal 2
cutanés, ou en oto-rhino-laryngologie (ORL). Selon les micro-
Procalcitonine 2
organismes mis en cause (bactéries, mycobactéries, bactéries
■ Diagnostics à connaître 2 intracellulaires, virus, champignons), la formule du LCS peut être
Méningites purulentes bactériennes 2 lymphocytaire, panachée ou à prédominance de polynucléaires
Méningite tuberculeuse 4 neutrophiles (PNN). Avec la clinique, elle a une grande valeur
Méningites aseptiques 4 d’orientation diagnostique et permet de guider la thérapeutique
Méningites fongiques 5 à instaurer en urgence.
Méningite parasitaire 5
Diagnostics différentiels 6
■ Place de l’imagerie cérébrale 6
En urgence 6 Examen clinique
En cours de traitement 6
■ Prise en charge thérapeutique des méningites aiguës Syndrome méningé
présumées bactériennes 6
Les signes cliniques évocateurs de méningite aiguë sont
Place de l’antibiothérapie avant la ponction lombaire 6
fréquents et peu spécifiques. Classiquement, ces signes sont repré-
Antibiothérapie d’une méningite présumée bactérienne 6
sentés par la triade « fièvre, troubles de conscience, raideur de
Corticothérapie, indications et modalités 7
nuque ». Cette triade est inconstante et présente selon les études
■ Indication d’un contrôle du liquide cérébrospinal 7 entre 21 et 61 % des cas. En revanche, ces signes pris isolément
■ Prise en charge de la porte d’entrée 7 ont une forte valeur prédictive négative. Dans une étude sur
733 méningites aiguës (90 % de méningites bactériennes), 95 %
Examen extraneurologique :
purpura ? otite ? sinusite ?
Biochimie
Cytologie
Bactériologie (examen direct et culture)
Probable méningite
Probable méningite Probable méningite
tuberculeuse ou à
bactérienne virale
cryptocoque
Tableau 1.
Aspect et analyses biochimiques et cytologiques du liquide cérébrospinal (LCS) en fonction du germe.
Germes Aspect Cytologie Protéinorachie Glycorachie
3
LCS normal Eau de roche < 5/mm 0,15–0,45 g/l 2/3 glycémie
Streptococcus pneumoniae Trouble > 500/mm3 , neutrophilique Augmentée Abaissée
Neisseria meningitidis
Haemophilus influenzae
Virus Clair Lymphocytaire Normale ou peu Normale
augmentée
Mycobacterium tuberculosis Clair ou aspect dépoli Lymphocytaire Augmentée Abaissée
Listeria monocytogenes Clair ou trouble Panachée Augmentée Abaissée
Cryptococcus neoformans Clair ou trouble Paucicellulaire Augmentée Abaissée
Lymphocytaire
est plus fréquent en Afrique et en Asie, le W135 en Afrique et le à déclaration obligatoire à signaler sans délai à l’Agence régionale
Y aux États-Unis. Il peut exister des foyers épidémiques locaux de santé (ARS) afin de mettre en œuvre des mesures de chimiopro-
comme en Seine-Maritime (meningo B) ou à La Mecque (W135) phylaxie dans l’entourage (antibioprophylaxie et/ou vaccination
avec possibilité de cas secondaires importés. Il s’agit d’une maladie selon le sérogroupe) [10] .
Lors des méningites à méningocoque peut survenir un purpura gorge et les selles. La charge virale (CV) semble plus élevée dans
extensif associé à un état de choc. Dans ces cas gravissimes, une les selles que le LCS, rendant la PCR plus sensible (96 % contre
antibiothérapie doit être débutée sans délai avant la PL (cf. infra). 76 %). La guérison est spontanée.
Le diagnostic repose sur l’examen direct, la culture du LCS ou la
PCR en cas de négativité. Culture et PCR peuvent être réalisées sur « Herpes simplex virus »
une lésion purpurique. L’herpes simplex virus (HSV) est fréquemment responsable de
méningo-encéphalite. Les signes d’encéphalite sont au premier
plan et la létalité est élevée, de 15 à 20 % [15] . La méningite herpé-
Haemophilus influenzae
tique est due le plus souvent à HSV de type 2. Le LCS est clair,
Il existe différents isolats d’H. influenzae, qui sont capsulés (de a lymphocytaire, la glycorachie est normale et la protéinorachie
à f) ou non. Le principal est de type b, et son incidence est en nette peu élevée. Son diagnostic repose sur la PCR dans le LCS et la
diminution (principalement chez l’enfant de moins de 2 ans) guérison est spontanée sans séquelles en l’absence de traitement
depuis la généralisation du vaccin anti-H. influenzae de type b. antiviral. En revanche son évolution est marquée par la possibi-
L’incidence en 2010 était de 1 cas/100 000 habitants en France. lité de récurrences décrites sous le terme méningite de Mollaret.
Chez l’adulte, la méningite à H. influenzae touche principalement Ces récurrences sont imprévisibles et le traitement préventif par
les adultes de plus de 65 ans. Il faut rechercher une porte d’entrée valaciclovir n’a pas prouvé son efficacité [16] .
ORL traumatique ou non, mais elle n’est retrouvée que dans 20 %
des cas. Varicelle-zona-virus
Le zona est associé dans 50 % des cas à une méningite, le plus
Listeria monocytogenes souvent asymptomatique ou paucisymptomatique [17] . La réacti-
vation du varicelle-zona-virus (VZV) peut aussi être responsable,
L. monocytogenes est un bacille à Gram positif ubiquitaire res- principalement chez l’immunodéprimé, de méningoradiculites
ponsable de la troisième cause de méningite bactérienne [2] et (avec ou sans zona) ou encéphalites diagnostiquées par PCR et
de 10 % des encéphalites en France [11] . Les infections neuro- dont le traitement repose sur l’aciclovir. La complication neuro-
méningées à L. monocytogenes sont graves avec une létalité de 16 à logique de la varicelle est l’ataxie cérébelleuse, survenant dans
45 % et des séquelles dans 16 % des cas. Le rôle de l’alimentation 1/4000 cas et traitée par aciclovir.
dans la listériose est bien établi. La clinique associe un syndrome
méningé d’apparition subaiguë à des signes de rhombencéphalite Cytomégalovirus
avec atteinte des paires crâniennes. Les facteurs de risque prin- Le cytomégalovirus (CMV) est responsable de primo-infections
cipaux sont l’âge (> 60 ans), la néoplasie, la cirrhose, le diabète. souvent peu sévères chez l’immunocompétent et de primo-
Le LCS est classiquement panaché mais cette formule n’est en infections ou réactivations graves chez l’immunodéprimé (colites,
fait retrouvée que dans 43,5 % des cas dans la série de 54 patients rétinites, pneumonies). Des méningites lymphocytaires, encépha-
rapportée par Cottin et al. [12] . lites ou myélites peuvent survenir et sont diagnostiquées par PCR
dans le sang et le LCS. Le traitement est le ganciclovir en première
intention.
Méningite tuberculeuse
Virus Epstein-Barr
Elle s’inscrit habituellement dans un contexte d’altération La méningite lymphocytaire est rare mais possible dans la
de l’état général, avec fièvre et sueurs nocturnes. La notion mononucléose infectieuse.
d’un contage, l’origine d’un pays à forte endémie, un
contexte social défavorisé ou une immunosuppression (virus de Herpèsvirus humain 6
l’immunodéficience humaine [VIH], corticothérapie, anti-tumor L’herpèsvirus humain 6 (HHV6) est responsable de l’exanthème
necrosis factor alpha [TNF-␣]) sont des éléments d’orientation. subit du nourrisson. Des réactivations ont été décrites chez
Cliniquement, la méningite basilaire est l’aspect le plus fré- l’immunodéprimé (transplanté d’organe), responsables de ménin-
quent. Elle associe syndrome méningé d’apparition subaiguë avec gites ou encéphalites [11] . Des primo-infections ont rarement été
paralysie oculomotrice, somnolence ou obnubilation. Ce tableau décrites chez l’immunocompétent. Le diagnostic est difficile car
peut se compliquer de convulsions ou signes focaux pouvant une CV élevée dans le LCS peut être le témoin de l’intégration
correspondre à un tuberculome. Le LCS est hyperlymphocy- chromosomique du génome viral. La prévalence de cette inté-
taire, hypoglycorachique avec une protéinorachie supérieure à gration a été estimée à 0,8 % chez des donneurs de sang aux
1 g/l. Lactate et chlore sont augmentés dans le LCS. Le diag- États-Unis. Une CV HHV6 élevée dans le LCS ne doit donc pas
nostic repose sur l’examen direct, contributif dans seulement faire conclure systématiquement à une méningite ou encéphalite
5 à 22 % des cas et la culture dont le délai de positivité peut à HHV6, il faut en parallèle réaliser une CV sanguine qui sera éle-
être de plusieurs semaines. Augmenter le volume du LCS permet vée en cas d’intégration chromosomique et faible ou négative en
d’augmenter la sensibilité de la culture. La sensibilité de la PCR cas d’infection neuro-invasive.
Mycobacterium tuberculosis atteint 75 %, supérieure à la culture [13] .
Virus ourlien
La recherche de signes extraneurologiques de tuberculose est
systématique. Le virus des oreillons est un paramyxovirus transmis par
voie aérienne. La parotidite est la manifestation classique, les
complications sont l’orchite dans 15 à 30 % des cas, la ménin-
Méningites aseptiques gite lymphocytaire aiguë dans 1 à 10 % des cas, et la pancréatite
dans 4 %. En cas de méningite il y a un risque d’atteinte du nerf
Virales auditif. Le diagnostic se fait par sérologie et PCR, le traitement est
Enterovirus symptomatique. Depuis la vaccination, elle est exceptionnelle.
Le genre Enterovirus appartient à la famille des Picornaviridae. Virus para-influenzae et adénovirus
Le tableau clinique est celui d’un syndrome méningé fébrile, Dans de rares cas, ces virus dont le tropisme est essentiel-
d’installation brutale, avec un état général conservé. Des signes lement respiratoire sont responsables de méningites aseptiques
digestifs ou un exanthème peuvent être présents. Parmi les ménin- d’évolution favorable.
gites aseptiques, Enterovirus est l’agent prédominant (22 % des
patients) [14] . Il touche surtout les sujets jeunes avec un pic sai- Virus de l’immunodéficience humaine
sonnier en été et automne. La contamination est orofécale le plus En dehors des infections opportunistes, le VIH est responsable
souvent, ou par inhalation de gouttelettes respiratoires. Dans le de manifestations neurologiques du fait de son tropisme neu-
LCS la pléiocytose est modérée, inférieure à 1000/mm3 , classique- rologique. Lors de la primo-infection, le virus peut induire une
ment lymphocytaire mais à la phase précoce les PNN prédominent réaction cellulaire T contemporaine de la séroconversion et entraî-
dans 20 à 47 % des cas. Le diagnostic de certitude repose sur la bio- ner une méningite aiguë lymphocytaire dans environ 10 % des
logie moléculaire avec recherche du virus par PCR dans le LCS, la cas.
Rickettsioses
Les rickettsies sont des bactéries à Gram négatif intracellu- Méningite parasitaire
laires transmises à l’homme par piqûres de tiques. Le groupe
boutonneux est représenté dans le sud de la France par la
Cysticercose
fièvre boutonneuse méditerranéenne (FBM) due à R. conorii ; le La neurocysticercose est la parasitose cérébrale la plus répan-
groupe typhus par le typhus murin dû à R. typhi. La FBM est due dans le monde, à évoquer chez les sujets originaires de
transmise à l’homme par la tique du chien, elle associe une zone d’endémie. Les formes parenchymateuses sont les plus fré-
fièvre avec éruption cutanée maculopapuleuse, hépatosplénomé- quentes et la révélation par une méningite lymphocytaire est
galie, myocardite, méningite lymphocytaire. Le typhus murin exceptionnelle. La formule du LCS est variable, lymphocytaire ou
est transmis par la puce du rat, il associe fièvre, éruption, à prédominance de polynucléaires éosinophiles ou neutrophiles.
Tableau 3.
Traitement antibiotique des méningites bactériennes aiguës de l’adulte après documentation microbiologique (d’après [20] ).
Bactérie, sensibilité Traitement antibiotique Durée totale
Streptococcus pneumoniae Amoxicilline 200 mg/kg/j i.v., en 4 à 6 perfusions ou IVSE ou maintien C3G en diminuant 10 à 14 jours a
CMI amoxicilline < 0,1 mg/l la dose de céfotaxime à 200 mg/kg/j, de ceftriaxone à 75 mg/kg/j si CMI de la
C3G < 0,5 mg/l
Streptococcus pneumoniae Céfotaxime 300 mg/kg/j i.v., en 4 perfusions ou IVSE (ou 200 mg/kg/j si CMI de la 10 à 14 jours a
CMI amoxicilline ≥ 0,1 mg/l C3G < 0,5 mg/l) ou ceftriaxone 100 mg/kg/j i.v., en 1 ou 2 perfusions (ou 75 mg/kg/j si
CMI de la C3G < 0,5 mg/l)
Neisseria meningitidis Amoxicilline 200 mg/kg/j i.v., en 4 à 6 perfusions ou IVSE ou maintien C3G 4 à 7 jours b
CMI amoxicilline < 0,1 mg/l
Neisseria meningitidis Céfotaxime 200 mg/kg/j i.v. en 4 perfusions ou IVSE ou ceftriaxone 75 mg/kg/j en 1 ou 4 à 7 jours b
CMI amoxicilline ≥ 0,1 mg/l 2 perfusions
Listeria monocytogenes Amoxicilline 200 mg/kg/j 21 jours
+ gentamicine 3 à 5 mg/kg/j en 1 fois/j 7 jours
Haemophilus influenzae Céfotaxime 200 mg/kg/j i.v. ou ceftriaxone 75 mg/kg/j 7 jours
CMI : concentration minimale inhibitrice ; C3G : céphalosporine de troisième génération ; IVSE : intraveineuse à la seringue électrique.
a
Plutôt dix jours en cas d’évolution rapidement favorable (dans les 48 premières heures) et de pneumocoque sensible aux C3G (CMI < 0,5 mg/l).
b
Plutôt quatre jours en cas d’évolution rapidement favorable (dans les 48 premières heures).
[10] DGS. Guide pratique sur la conduite à tenir devant un ou plusieurs [16] Aurelius E, Franzen-Röhl E, Glimåker M, Akre O, Grillner L,
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Chaussade H, Bernard L. Méningites aiguës de l’adulte. EMC - Traité de Médecine Akos 2015;10(1):1-8
[Article 4-0850].
L’endocardite infectieuse est une maladie peu fréquente (1500–2000 cas/an en France) mais mortelle
sans traitement antibiotique bien conduit. La physiopathologie consiste en une greffe bactérienne puis
en une multiplication sur une valve lésée suivie d’une extension locale et à distance. Les facteurs de
risque prédisposant (prothèse, valvulopathie) ne sont pas toujours présents (50 % des cas). Il convient
donc de suspecter une endocardite, non seulement devant un souffle fébrile, mais devant toute fièvre
associée, soit à un facteur de risque, soit à des signes généraux et variés, notamment des phénomènes
emboliques ou immunologiques. Le diagnostic est posé généralement suite à des hémocultures positives
associées à une atteinte valvulaire (végétation) à l’échocardiographie. En cas d’hémocultures négatives,
la pratique de sérologies, notamment celles de Coxiella et de Bartonella, et des techniques de biologie
moléculaire, pour identifier les germes responsables au niveau de la valve atteinte, est importante pour
le diagnostic. L’antibiothérapie doit être bactéricide, prolongée et initialement par voie veineuse pour
assurer une concentration élevée des antibiotiques au niveau tissulaire. La chirurgie est un traitement
adjuvant important, surtout en cas d’insuffisance cardiaque ou de persistance du syndrome septique.
Un suivi régulier doit être assuré en per et post-traitement à la recherche des complications cardiaques,
infectieuses et emboliques. La prophylaxie de l’endocardite a été restreinte aux situations à haut risque
(cardiopathie congénitale cyanogène, antécédent d’endocardite et prothèse valvulaire) en cas de geste
dentaire. Actuellement, il est établi qu’une bonne hygiène, surtout buccodentaire et cutanée, est le moyen
le plus efficace pour diminuer l’incidence des endocardites.
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Plan Introduction
■ Introduction 1 L’endocardite infectieuse (EI) est une maladie peu fréquente
■ Physiopathologie 2 en France avec près de 32 cas par million d’habitants par an [1] ,
■ Diagnostic de l’endocardite infectieuse 2 mais qui est associée à une morbi-mortalité importante sans
Clinique 2 traitement bien conduit (22 % de mortalité selon une étude
Hémocultures 2 récente en France [1] ). Malgré la diminution des facteurs de
Échographie cardiaque 3 risque traditionnels, tels que le rhumatisme articulaire aigu, cette
Sérologies 3 incidence est restée stable au cours des dernières années en rai-
Autres moyens diagnostiques 3 son de l’émergence de nouveaux facteurs favorisants comme la
mise en place de matériel étranger intracardiaque, le vieillis-
■ Traitement et prise en charge 3
sement de la population et la place importante des EI liées
Prise en charge initiale 3
aux soins (30 % dans certaines séries [1] ). La répartition des
Traitement 4
espèces bactériennes a également évolué avec l’augmentation
Cas particulier de l’endocardite du cœur droit 5
de la fréquence relative de certains streptocoques (Streptococcus
Prise en charge des complications 5
gallolyticus subspp. gallolyticus, anciennement dénommé Strepto-
■ Suivi et prophylaxie 5 coccus bovis) et des staphylocoques, en particulier Staphylococcus
Suivi du patient 5 aureus, micro-organisme prédominant lors de la dernière enquête
Prophylaxie 6 réalisée en France [1] . La prépondérance du S. aureus correspond
■ Conclusion 6 à l’augmentation de la pose de matériel prothétique, et aux
actes liés aux soins, tels que les voies veineuses centrales.
Tableau 1.
Critères de Duke modifiés (d’après [6] ).
Endocardite certaine Un des deux critères ci-dessous :
Critère pathologique : micro-organisme démontré par Critère clinique : deux critères majeurs ; un critère
culture ou examen histologique d’une végétation, d’un majeur et trois critères mineurs ; cinq critères
abcès intracardiaque ou d’une végétation ayant embolisé mineurs
Endocardite possible Sur critère clinique : un critère majeur et un à deux critères mineurs ; trois ou quatre critères mineurs
Endocardite rejetée Dans les cas suivants : diagnostic alternatif certain ; résolution du syndrome avec une antibiothérapie de moins de quatre
jours ; absence d’évidence d’endocardite lors de la chirurgie ou à l’autopsie après une antibiothérapie de moins de quatre
jours ; ne remplit pas les critères d’une endocardite possible
Tableau 2.
Explication des termes (d’après [6] ).
Critères majeurs Hémocultures positives Deux hémocultures positives à streptocoque non groupable,
Streptococcus gallolyticus (anciennement S. bovis), bactérie du groupe
HACCEK, à S. aureus ou entérocoque communautaire (en l’absence de
foyer identifié)
Hémocultures positives persistantes au même organisme (deux
hémocultures à 12 heures d’intervalles, ou toutes les hémocultures [si
trois] ou une majorité si plus de quatre hémocultures)
Sérologie Coxiella burnetii avec des IgG en phase I ≥ 800 en immunofluorescence
Atteinte de l’endocarde : signes échographiques et Échographie positive (l’ETO est recommandée) : végétation, abcès,
cliniques nouvelle déhiscence d’une valve prothétique
Clinique positive : nouveau souffle cardiaque
Critères mineurs Cardiopathie prédisposante ou toxicomanie
Fièvre > 38 ◦ C
Phénomènes vasculaires (embolie artérielle, anévrisme mycotique, infarctus pulmonaire, hémorragie conjonctivale, hémorragie
cérébrale, lésions de Janeway)
Phénomène immunologique (glomérulonéphrite, nodule d’Osler, tache de Roth, facteur rhumatoïde)
Critères microbiologiques mineurs : hémoculture positive sans entrer dans la définition du critère majeur, sérologie positive
pour un organisme responsable d’endocardites
IgG : immunoglobulines G ; ETO : échographie transœsophagienne ; HACCEK : Haemophilus parainfluenzae, Haemophilus aphrophilus, Actinobacillus actinomycetemcomitans,
Cardiobacterium hominis, Capnocytophaga sp., Eikenella corrodens, Kingella kingae.
Tableau 3.
Principales étiologies et conduite à tenir devant une endocardite à hémoculture négative.
Étiologies Hémocultures négativées par antibiothérapie préalable
Bactéries à croissance difficile : HACCEK, streptocoques déficients (Abiotrophia spp. et Granulicatella spp.), Brucella spp., Bartonella spp.
Agents fongiques : Candida spp., Aspergillus spp.
Micro-organismes non cultivables sur milieux usuels : Coxiella burnetti, Tropheryma whipplei, Legionella spp., Chlamydia spp.,
Mycoplasma spp., Mycobacteria spp.
Bilan à prélever Trois hémocultures utilisant si possible des résines captant les antibiotiques
Un tube de sang hépariné pour culture cellulaire à adresser à un laboratoire spécialisé pour la culture de Coxiella burnetii, Bartonella
spp., Tropheryma whipplei plus un tube de sérum
Sérologies pour Coxiella burnetii, Bartonella spp., Chlamydia Coloration de Gram (et de Giménez si suspicion de germes
spp., Aspergillus spp., Candida spp., Legionella spp., Brucella intracellulaires)
spp. et Mycoplasma spp. Cultures prolongées (acellulaires)
Si intervention chirurgicale : analyses des valves, de Méthodes moléculaires (PCR et séquençage)
végétations, d’emboles Analyses histologiques avec colorations spéciales
Congélation à –80 ◦ C (pour PCR et culture cellulaire dans des
laboratoires spécialisés) ainsi que congélation du sérum à –80 ◦ C
PCR : polymerase chain reaction ; HACCEK : Haemophilus parainfluenzae, Haemophilus aphrophilus, Actinobacillus actinomycetemcomitans, Cardiobacterium hominis, Capnocyto-
phaga sp., Eikenella corrodens, Kingella kingae.
bactériémie est constante. Dans la majorité des cas, les deux pre- burnetii est indispensable, les EI à C. burnetti représentant près
mières hémocultures sont positives. En l’absence de positivité, il de 3 % des endocardites [12] . Une sérologie Coxiella positive avec
convient de répéter les hémocultures trois jours plus tard et de des immunoglobulines G (IgG) antiphase 1 supérieures ou égales
faire le bilan d’endocardite à hémocultures négatives (Tableau 3). à 1/800 en immunofluorescence est un critère majeur de la clas-
Il convient de garder les hémocultures en incubation pendant sification de Duke modifiée [6] . L’autre sérologie à réaliser est
une durée située entre 15 jours et un mois, bien que le gain de celle de Bartonella qui est la troisième cause d’EI à hémocultures
sensibilité d’une incubation très prolongée paraisse très faible [8] . négatives [13] . En fonction du contexte clinique, peuvent être éga-
lement réalisées les sérologies Chlamydia spp., Brucella, Legionella
spp., Mycoplasma spp., Candida spp. et Aspergillus spp., ainsi que la
Échographie cardiaque polymerase chain reaction (PCR) Trophyrema whipplei dans la salive,
les selles, le sang et sur les biopsies digestives si fibroscopie réalisée.
L’échocardiographie est le second élément essentiel du
diagnostic d’une EI. Elle doit être pratiquée le plus rapide-
ment possible devant toute suspicion d’endocardite. Le type Autres moyens diagnostiques
d’échocardiographie, par voie transthoracique (ETT) ou transœ-
sophagienne (ETO), à pratiquer en premier dépend de l’index de Il convient de citer l’étude microbiologique et histologique des
suspicion, de l’échogénicité du patient et de son état clinique. valves, si le patient a été opéré, avec des colorations spéciales
L’ETO est plus sensible, en particulier pour le diagnostic des végé- (Giemsa, Gimenez) [7] , ainsi que la biologie moléculaire, notam-
tations et des abcès, notamment en cas de valve prothétique [9] . ment la recherche du gène codant pour l’acide ribonucléique
L’ETO fait systématiquement partie de la prise en charge d’une EI (ARN) 16S bactérien [14] . Elle permet l’amplification directement à
excepté en cas d’ETT de bonne qualité associée à une faible suspi- partir des valves reséquées de l’acide désoxyribonucléique (ADN)
cion d’EI et en cas d’EI du cœur droit. En l’absence de signes en bactérien du gène codant pour ARN 16S. Cette méthode gagne
faveur d’une endocardite à l’échographie, il convient de la répéter toute son importance dans le cadre des EI à hémocultures néga-
trois à cinq jours plus tard si la suspicion d’endocardite reste éle- tives, dans le cadre des endocardites classées comme possibles
vée [10] selon les recommandations américaines [10] et entre cinq et selon la classification de Duke pour confirmer ou infirmer le diag-
sept jours selon les recommandations européennes [11] . Les critères nostic, et dans le cadre d’une identification précise de l’espèce
de positivité d’une échocardiographie selon la classification de permettant d’améliorer la prise en charge [14] .
Duke [6] , qu’elle soit transthoracique ou transœsophagienne, sont Outre l’ETT et l’ETO, de nouvelles techniques tendent à
actuellement la présence de végétations (masse oscillante intracar- affirmer le diagnostic dans certaines circonstances. En effet,
diaque au niveau d’une valve, d’une structure supportrice ou d’un l’angio-tomodensitométrie cardiaque (angio-TDM) peut être uti-
dispositif intracardiaque et située sur le trajet d’un flux de régur- lisé pour détecter des abcès [11] et a montré sa supériorité
gitation), la présence d’un abcès, ou la présence d’une nouvelle sur l’échocardiographie dans le contexte de dysfonctions de
déhiscence d’une valve prothétique. L’échocardiographie permet valves prothétiques [15] . Dans le cas de cardiopathie congénitale
également de détecter les complications éventuelles de l’EI telles complexe, il peut également être d’un fort intérêt. L’imagerie
qu’une insuffisance valvulaire sévère ou un abcès périvalvulaire et nucléaire avec la tomographie par émission de positrons (TEP)
doit donc être faite de manière régulière, notamment à la fin du couplé au TDM est devenue une méthode supplémentaire dans
traitement. le cas de diagnostics difficiles [11] , en particulier pour les por-
teurs de pacemaker [16] . Par sa sensibilité dans le diagnostic
des événements cérébraux secondaires, l’imagerie par résonance
Sérologies magnétique (IRM) prend toute sa place dans le diagnostic des
EI difficiles, tout comme la TDM à la recherche d’emboles sep-
tiques [11] .
“ Point fort
Traitement et prise en charge
Les hémocultures et l’échocardiographie restent les
moyens diagnostiques les plus importants. La sérologie et
Prise en charge initiale
la biologie moléculaire prennent une place importante en En cas de suspicion d’endocardite, le bilan initial doit compren-
cas d’endocardite à hémoculture négative. dre, en plus des hémocultures, d’une échocardiographie et
d’éventuelles sérologies, une numération formule sanguine et
une protéine C réactive (CRP), une créatinine avec ionogramme
Dans le cadre de l’investigation étiologique d’une endocardite sanguin pour évaluer la fonction rénale et adapter la posologie
à hémocultures négatives (Tableau 3), la sérologie de Coxiella des antibiotiques, ainsi qu’un électrocardiogramme (ECG) pour
Tableau 4.
Traitement des endocardites à streptocoques et à entérocoques.
Germe responsable Antibiotique Durée
Streptocoques (viridans et gallolyticus) Pénicilline G (12–18 millions UI/j en perfusion Un mois si ß-lactamine seule ou 15 jours si
sensibles à la pénicilline (CMI ≤ 0,1 mg/l) continue) ou amoxicilline (100 mg/kg/j) ou bithérapie dans les formes non compliquées
ceftriaxone (2 g/j) ± gentamicine (3 mg/kg/j en Deux semaines de bithérapie puis 2-4 semaines de
une à deux fois) ß-lactamine seule dans les formes compliquées ou
sur prothèse
Streptocoques (viridans et gallolyticus) peu Pénicilline G (18–24 millions UI/j en perfusion 15 jours de bithérapie puis deux semaines de
sensibles à la pénicilline (CMI > 0,1 et continue) ou amoxicilline ß-lactamine seule (quatre semaines de ß-lactamine
≤ 0,5 mg/l), streptocoques déficients, (200 mg/kg/j) + gentamicine (3 mg/kg/j en une à seule dans les formes compliquées ou sur prothèse)
streptocoques tolérants deux fois)
Streptocoques résistants à la pénicilline Pénicilline G (18–30 millions UI/j) ou Quatre semaines dont deux semaines de bithérapie,
(CMI > 0,5 mg/l) amoxicilline (200 mg/kg/j) + gentamicine six semaines pour les porteurs de prothèses
(3 mg/kg/j en une à deux fois)
Entérocoques Pénicilline G (18–30 millions UI/j) ou Quatre semaines de ß-lactamines
amoxicilline (200 mg/kg/j) + gentamicine Six semaines pour les patients porteurs de prothèse
(3 mg/kg/j en une à deux fois) et les patients ayant des symptômes depuis plus de
trois mois
Deux à six semaines de bithérapie (certains experts
recommandent deux semaines)
Cas particuliers des Enterococcus faecalis avec Amoxicilline (200 mg/kg/j) + ceftriaxone 4 g/j en Six semaines de bithérapie
haut niveau de résistance à la gentamicine deux fois
ou chez les patients insuffisants rénaux
Vancomycine ou teicoplanine si allergie à la pénicilline de type immédiate ou haut niveau de résistance à la pénicilline (ampicilline) (concentration minimale inhibitrice
[CMI] ≥ 16 mg/l) (E. faecium). Vancomycine : 15 mg/kg en dose de charge puis 30 à 60 mg/kg en perfusion continue/24 heures ou 1 g toutes les 8 à 12 heures (selon dosages :
plateau 30–40 mg/l ; résiduel 20 mg/l). Teicoplanine : 6–12 mg/kg toutes les 12 heures en dose de charge pendant un à quatre jours puis 6–12 mg/kg par jour selon résultats
des dosages (résiduel entre 20 et 40 mg/l).
Tableau 5.
Traitement des endocardites à staphylocoque et à germes du groupe HACCEK (Haemophilus parainfluenzae, Haemophilus aphrophilus, Actinobacillus actino-
mycetemcomitans, Cardiobacterium hominis, Capnocytophaga sp., Eikenella corrodens, Kingella kingae).
Germe responsable Antibiotique Durée
Staphylocoques sensibles Oxacilline ± gentamicine sur valve native + rifampicine a Quatre à six semaines (six semaines si prothèse)
à la méticilline si prothèse Si aminosides : durée de trois à cinq jours si valve native et
15 jours si prothèse
Staphylocoques résistants Vancomycine ou teicoplanine ± gentamicine sur valve Quatre à six semaines (six semaines si prothèse)
à la méticilline native + rifampicine a si prothèse Si aminosides : durée de trois à cinq jours si valve native et
15 jours si prothèse
HACCEK Ceftriaxone ou céfotaxime ou amoxicilline Un mois
Oxacilline : 150–200 mg/kg par jour, de préférence en intraveineuse avec seringue électrique après un bolus de 2 g sur une heure.
Gentamicine : 3 mg/kg en deux injections par jour.
a
Rifampicine : 900 à 1200 mg/j. La rifampicine est seulement recommandée pour les patients porteurs de valve, et doit être commencée trois à cinq jours après le début
de la vancomycine et de la gentamicine.
Tableau 6.
Traitement des endocardites à hémocultures négatives.
Situation clinique Traitement Durée
Native sans germes identifié Amoxicilline + gentamicine ou amoxicilline-acide Quatre à six semaines
clavulanique + gentamicine
Native sans germe identifié, avec sepsis sévère ou Amoxicilline + oxacilline + gentamicine
choc
Prothétique de moins d’un an sans germe identifié Vancomycine + gentamicine + rifampicine a Six semaines (deux semaines
pour la gentamicine)
Prothétique de plus d’un an sans germe identifié Amoxicilline + gentamicine ou amoxicilline-acide Six semaines
clavulanique + gentamicine ou vancomycine + gentamicine si
allergie à la pénicilline
Amoxicilline + oxacilline + gentamicine si sepsis sévère ou choc
• sur le plan paraclinique, il convient de prélever des hémocul- Déclaration d’intérêts : J.-L. Mainardi déclare : Fonds de recherche expérimen-
tures de façon régulière [10] (une par jour) car la persistance de tale Novartis ; investigateur principal d’études cliniques Erempharma, honoraires
la positivité des hémocultures, une semaine après un traite- d’orateur : Novartis, AstraZeneca ; invitation congrès : Astellas, AstraZeneca ;
ment antibiotique bien conduit, est une indication opératoire. conseil scientifique : AstraZeneca, MSD.
Il faut également doser les antibiotiques pour monitoriser leur M.-P. Fernandez-Gerlinger déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation
efficacité (glycopeptides) ou leur toxicité (notamment les ami- avec cet article.
nosides). De plus, il faut surveiller la fonction rénale et ne
pas hésiter à demander un dosage des ß-lactamines en cas
d’insuffisance rénale, si on suspecte une évolution défavorable, Références
ou lors du passage à une prise par voie orale. Il faut également
faire une échographie de contrôle vers le dixième jour de trai- [1] Selton-Suty C, Célard M, Le Moing V, Doco-Lecompte T, Chirouze
tement pour noter l’évolution des végétations et détecter la C, Lung B, et al. Preeminence of Staphylococcus aureus in infec-
présence d’une éventuelle insuffisance cardiaque. tive endocarditis: a 1-year population-based Survey. Clin Infect Dis
Une fois le traitement de l’épisode aigu, il convient de suivre 2012;54:1230–9.
régulièrement le patient. La surveillance doit porter tant sur [2] Fournier PE, Thuny F, Richet H, Lepidi H, Casalta JP, Arzouni JP,
les complications cardiaques avec installation secondaire d’une et al. Comprehensive diagnostic strategy for blood culture–negative
insuffisance cardiaque, que sur le risque de complications infec- endocarditis: a prospective study of 819 new cases. Clin Infect Dis
tieuses avec un risque de rechute de l’endocardite à l’arrêt du 2010;51:131–40.
traitement. Il faut également donner au patient une carte de pro- [3] Houpikian P, Raoult D. Blood culture-negative endocarditis in
phylaxie de l’EI et lui expliquer les situations à risque. a reference center: etiologic diagnosis of 348 cases. Medicine
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[6] Li JS, Sexton DJ, Mick N, Nettles R, Fowler Jr VG, Ryan T, et al. Pro-
La prophylaxie des gestes dentaires n’est plus recomman- posed modifications to the Duke criteria for the diagnosis of infective
dée que pour les patients à haut risque (cardiopathie cya- endocarditis. Clin Infect Dis 2000;30:633–8.
nogène, prothèse valvulaire et antécédent d’endocardite). [7] Mainardi JL, Vandenesch F, Casalta JP, N’Guyen J, Benoît C,
Tissot-Dupont H, et al. Recommandations pour le diagnostic micro-
biologique et l’étude anatomopathologique des valves cardiaques au
cours des endocardites infectieuses. Bull Soc Fr Microbiol 1995;10:
La place de la prophylaxie de l’EI est de plus en plus débat- 12–5.
tue, d’autant plus qu’elle ne permet de prévenir qu’un faible [8] Baron EJ, Scott JD, Tompkins LS. Prolonged incubation and extensive
pourcentage des endocardites vu que la durée cumulée des bac- subculturing do not increase recovery of clinically significant microor-
tériémies est beaucoup plus longue lors des gestes de la vie ganisms from standard automated blood culture bottles. Clin Infect Dis
quotidienne (brossage des dents et mastication par exemple) que 2005;41:1677–80.
lors des gestes dentaires [22] . Actuellement, il est admis qu’une [9] Daniel WG, Mugge A, Grote J, Hausmann D, Nikutta P, Laas J,
bonne hygiène et des soins dentaires réguliers sont plus impor- et al. Comparison of transthoracic and transesophageal echocardio-
tants que la prophylaxie lors des gestes dentaires à risque et que graphy for detection of abnormalities of prosthetic and bioprosthetic
cette dernière ne permet de prévenir qu’un très faible nombre valves in the mitral and aortic positions. Am J Cardiol 1993;71:
d’endocardites [23] . Les recommandations actuelles n’indiquent 210–5.
une prophylaxie que pour les sujets à haut risque (cardiopathie [10] Baddour LM, Wilson WR, Bayer AS, Fowler Jr VG, Tleyjeh I, Rybak
cyanogène, prothèse valvulaire et antécédent d’endocardite) et M, et al. Infective endocarditis in adults: diagnosis, antimicrobial the-
dans des gestes à risque [24, 25] . rapy, and management of complications. A scientific statement for
healthcare professionals from the American Heart Association. Circu-
Au niveau dentaire, la prophylaxie est recommandée pour tout
lation 2015;132:1435–86.
geste qui comprend une manipulation de la gencive, de la région
[11] Habib G, Lancellotti P, Antunes M, Bongiorni MG, Casalta JP, Del
périapicale des dents, ou une perforation de la muqueuse orale Zotti F, et al. ESC Guidelines for the management of infective
chez des patients à haut risque. Le traitement recommandé est à endocarditis. The task force for the management on infective endo-
base d’amoxicilline 3 g per os 60 minutes avant la procédure [25] . carditis of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J
En cas d’allergie, le traitement recommandé est la clindamycine 2015;36:3075–128.
600 mg une fois ou la pristinamycine 1 g. Pour les procédures [12] Brouqui P, Raoult D. Endocarditis due to rare and fastidious bacteria.
gastro-intestinales et urinaires, l’antibioprophylaxie n’est plus Clin Microbiol Rev 2001;14:177–207.
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Conclusion [14] Podglajen I, Bellery F, Poyart C, Coudol P, Buu-Hoï A, Bruneval P,
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L’EI est une maladie qui continue d’avoir le même taux de pré- endocarditis. Emerg Infect Dis 2003;9:1543–7.
valence et de mortalité malgré les avancées dans la prévention et [15] Fagman E, Perrotta S, Bech-Hanssen O, Flinck A, Lamm C, Olai-
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2012;22:2407–14.
teurs de risque traditionnels ne sont plus retrouvés que dans une
[16] Bensimhon L, Lavergne T, Hugonnet F, Mainardi JL, Latremouille
faible proportion des cas. Les germes les plus fréquemment retrou- C, Manoury C, et al. Whole body (18F) fluorodeoxyglucose posi-
vés sont S. gallolyticus et les staphylocoques, tout particulièrement tron emission tomography imaging for the diagnosis of pacemaker
S. aureus. Les moyens diagnostiques reposent sur les hémocultures or implantable cardioverter defibrillator infection: a preliminary pros-
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Fernandez-Gerlinger MP, Mainardi JL. Endocardite infectieuse : du diagnostic au traitement. EMC - Traité
de Médecine Akos 2016;11(3):1-7 [Article 4-0855].
4-0860
Infections respiratoires
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
supérieures
P Gehanno
Q ue ce soit chez l’enfant ou chez l’adulte, les infections respiratoires supérieures représentent une part majeure
de la pratique médicale, probablement le plus important motif de consultation chez l’enfant au-dessous de
3 ans. Dans toutes les tranches d’âge, plus particulièrement chez l’enfant, elles représentent la principale cause de
prescription d’antibiotiques en pratique de ville. Nous envisagerons essentiellement les infections aiguës, les
pathologies chroniques étant plus particulièrement prises en charge par les spécialistes oto-rhino-laryngologistes.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
■
et S. pneumoniae qui, au cours de cette dernière moins fréquentes que l’enfant est plus grand, mais
Agents infectieux décennie, ont été fortement marqués par une elles représentent de toutes les façons un des
diminution in vitro de leur sensibilité aux antibiotiques problèmes de cette pathologie.
habituellement utilisés dans les infections ‚ Épidémiologie bactérienne
Les infections respiratoires supérieures sont virales respiratoires : bêtalactamines et macrolides.
ou bactériennes. Dans la majorité des cas, au moins Soixante-dix pour cent des otites moyennes aiguës
L’incidence clinique de cette diminution de sensibilité
pour ce qui concerne les infections des cavités de l’enfant sont indiscutablement bactériennes. La
est variable en fonction de l’âge du patient et de
annexées au rhinopharynx et aux fosses nasales signification des 30 % restants n’est pas univoque :
l’espèce bactérienne considérée. Elle est donc
(oreilles et sinus), il y a une connivence étroite entre étiologie virale exclusive ? germe intracellulaire ? H.
envisagée successivement dans le cadre de chaque
virus et bactérie, l’infestation virale étant un préalable i n fl u e n z a e représente 40 % des étiologies
pathologie.
habituel à l’infection bactérienne. L’agression virale, bactériennes, S. pneumoniae 30 %, B. catarrhalis
rhinopharyngite de l’enfant et rhume commun de ‚ Au niveau de l’oropharynx environ 10 %. Diverses espèces (Pseudomonas
l’adulte, est inductrice d’infections bactériennes (otite et aeruginosa, Staphylococcus aureus, S. pyogenes...) se
Au niveau de l’oropharynx (partie médiane du
sinusite) en réalisant un véritable mordançage de la partagent les autres étiologies bactériennes. Le fait
pharynx qui est accessible à l’inspection avec un
muqueuse de type respiratoire qui est abrasée par les marquant de ces 10 dernières années, concernant les
abaisse-langue), Hæmophilus et Pneumococcus n’ont
virus et perd ainsi son pouvoir de clairance otites, a été la diminution de sensibilité aux
plus de rôle pathogène. Une espèce bactérienne est
mucociliaire. En effet, la détersion de l’épithélium fait antibiotiques des deux principales espèces
principalement impliquée : il s’agit de streptocoques
disparaître, jusqu’au moment de leur régénérescence responsables. Le mécanisme quasi exclusif de la
bêtahémolytiques, essentiellement du groupe A
qui va se faire en une douzaine de jours, les glandes à résistance d’Hæmophilus à l’amoxicilline, actuelle-
(Streptococcus pyogenes). La résurgence, pour des
mucus et les cellules ciliées. Les bactéries résidentes, ment, est la production d’une bêtalactamase, enzyme
raisons de moindre protection vaccinale, d’angines
commensales, modifient ainsi leur rapport avec la de dégradation qui scinde les pénicillines A. Ce
diphtériques dans certaines régions d’Europe, doit
muqueuse et deviennent pathogènes. phénomène, qui a d’abord été identifié aux États-Unis,
nous rendre à nouveau vigilants vis-à-vis de cette
a été remarqué en France au milieu de la décennie
‚ Au niveau du rhinopharynx pathologie. Mais au niveau de l’oropharynx, comme
1980. Il a concerné 30 % des espèces d’Hæmophilus
et des fosses nasales nous le verrons ultérieurement, ce sont les étiologies
de façon stable de 1990 à 1996, pour croître
virales qui représentent la principale cause des
Le rhinopharynx de l’enfant est colonisé très vite brutalement à partir de 1996 jusqu’à atteindre 70 %
angines, aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant.
après la naissance par Hæmophilus influenzae, par des souches d’Hæmophilus isolées d’otite de l’enfant
Streptococcus pneumoniae (surtout de sérotype 23) et dans la région parisienne. L’utilisation d’une
■
par Branhamella catarrhalis. Ces trois espèces vont association d’antibiotiques permettant de bloquer les
persister avec des variations quantitatives entre elles et Otites de l’enfant bêtalactamases (association amoxicilline-acide
avec l’acquisition d’autres sérotypes selon un turn over clavulanique) ou l’utilisation de céphalosporines
qui dépend des antibiothérapies reçues et des d’abord faiblement résistantes aux bêtalactamases
« fréquentations » de l’enfant. Elles sont associées à Principale maladie infectieuse de l’enfant, les otites (céphalosporines de première génération : céfaclor,
d’autres espèces bactériennes qui sont rarement moyennes aiguës comportaient jadis un taux de céfatrizine, céfadroxil) puis de céphalosporines
responsables d’otites, tandis qu’elles-mêmes, ainsi que morbidité et de mortalité important en raison des fortement résistantes aux bêtalactamases (deuxième
nous l’avons déjà mentionné, sont susceptibles de le complications locales (mastoïdite) et locorégionales génération : céfuroxime axétil ou troisième
devenir, déterminant des infections de voisinage à méningoencéphaliques. Leur pronostic a été génération : céfixime et cefpodoxime proxétil) a
l’occasion des rhinopharyngites virales. transformé par l’antibiothérapie. Les otites s’observent permis de contrôler l’incidence clinique de ce
Trois bactéries sont ainsi quasi exclusivement surtout avant l’âge de 3 ans, avec un maximum de mécanisme de résistance, de telle sorte que la
responsables de l’infection des cavités annexées aux fréquence entre 12 et 24 mois. Leur pronostic en diminution de sensibilité d’Hæmophilus aux
fosses nasales. Ce sont H. influenzae, S. pneumoniae et termes de durée d’évolution et de fréquence des antibiotiques est actuellement plus une donnée de
B. catarrhalis. B. catarrhalis est peu virulente. Les otites récurrences est d’autant plus péjoratif qu’elles bactériologie qu’un véritable problème en clinique.
à Branhamella guérissent volontiers spontanément, surviennent plus tôt dans l’âge de l’enfant. Si la L’apparition de souches de pneumocoque de
ne sont pas dangereuses, ne se compliquent pas de première otite survient avant l’âge de 6 mois, des sensibilité anormale pose davantage de problèmes.
méningite. Restent donc essentiellement H. influenzae récidives sont quasi inéluctables. Elles sont d’autant Les pneumocoques ayant une sensibilité diminuée à la
1
4-0860 - Infections respiratoires supérieures
pénicilline ont concerné prioritairement, dans tous les simplement rosé ou rouge mais sans diminution de données de l’antibiogramme. Si l’on a affaire à un
pays où ils ont été isolés, des souches de transparence, tel que l’on peut l’observer au cours pneumocoque ayant une CMI inférieure à 2 mg/L, il
pneumocoque de portage rhinopharyngé, d’une banale rhinopharyngite chez un enfant qui peut être prescrit, en l’absence de vomissements, de
principalement à l’origine le sérotype 23. Cela explique pleure. Plus l’enfant est jeune, et c’est habituellement le l’amoxicilline à la dose de 150 mg/kg/j. Si l’on a affaire
que ces souches de pneumocoques « résistants » ont cas en dessous de 18 mois, plus fréquemment l’otite à un pneumocoque de haut niveau de résistance avec
été identifiées essentiellement chez l’enfant et quasi est bilatérale. La conviction résultant de l’examen une CMI supérieure ou égale à 2 mg/L, il faut
exclusivement, soit au niveau de prélèvements otoscopique que l’on a de l’existence d’une privilégier la ceftriaxone en injection intramusculaire
rhinopharyngés, soit dans le pus de l’otorrhée authentique otite moyenne aiguë doit entraîner la quotidienne unique à la dose de 50 mg/kg/j pendant
purulente d’une otite moyenne aiguë. Ultérieurement, prescription d’une antibiothérapie. au minimum 3 jours.
d’autres sérotypes ont été concernés par le
phénomène de résistance (6, 14, 19...). Les infections ‚ Traitement antibiotique ‚ Otites récidivantes
respiratoires basses de l’adulte ont été plus Il est certes probabiliste, mais il doit être
Les récidives sont favorisées par la persistance de
tardivement et restent encore moins concernées que actuellement largement guidé, d’une part par
cet épanchement réputé aseptique dans l’oreille
les infections oto-rhino-laryngologiques (ORL) de l’existence de corrélations bactériocliniques, d’autre
moyenne, que l’on appelle otite séreuse, qui est d’une
l’enfant. La résistance du pneumocoque est liée à la part par la connaissance de facteurs de risque qui ont
grande banalité dans les suites immédiates de l’otite,
modification sur sa capsule de la protéine de liaison à été dégagés, d’avoir affaire à un pneumocoque de
pour disparaître spontanément dans 95 % des cas
la pénicilline. Cette résistance concerne non seulement sensibilité diminuée.
dans le mois qui suit. Lorsque cette otite séreuse
la pénicilline, mais à des degrés divers toutes les Les corrélations bactériocliniques sont au nombre
persiste au-delà de 1 mois, les enfants concernés
bêtalactamines. Certaines sont très touchées par le de deux :
voient leur risque de faire d’autres otites moyennes
phénomène, comme les céphalosporines de première – la coexistence chez le même enfant d’une
aiguës bactériennes multiplié par 5.
génération, d’autres comme l’amoxicilline, le conjonctivite purulente et d’une otite doit faire
suspecter, comme responsable des deux sites Quelle attitude doit-on avoir face à ces otites
céfuroxime axétil ou le cefpodoxime proxétil
infectieux, un H. influenzae ; récidivantes ?
conservent une efficacité sur les pneumocoques de
bas niveau de résistance, alors que les céphalospori- – la possibilité que cet Hæmophilus soit producteur S’il existe une otite séreuse persistante, il faut la
nes de troisième génération injectables (ceftriaxone et de bêtalactamases doit inciter à prescrire soit une traiter en réalisant une adénoïdectomie, et si cela ne
céfotaxime) sont encore efficaces sur les pneumoco- association amoxicilline-acide clavulanique, soit une suffit pas, mettre en place un aérateur transtympani-
ques de haut niveau de résistance. Le phénomène de céphalosporine hautement résistante aux que. Chez les enfants qui fréquentent une crèche, le
résistance est croisé avec les macrolides, il ne l’est pas bêtalactamases, du type céfixime. retrait de la crèche est une mesure recommandée,
avec les synergistines (pristinamycine). Des échecs Les otites fébriles avec une fièvre supérieure ou mais bien entendu, elle n’est pas toujours réalisable.
cliniques sont observés lors des otites à pneumoco- égale à 38,5 °C, et d’autant plus si elles sont très L’antibiothérapie de longue durée, à dose
ques ; ils sont corrélés au niveau de résistance de la algiques, doivent faire suspecter l’implication d’un infrathérapeutique, qui a longtemps été recomman-
souche isolée. Ces échecs sont significativement plus pneumocoque. dée, ne se justifie plus actuellement, notamment dans
élevés lorsque la souche a une concentration Il existe des facteurs de risque d’avoir affaire à un le contexte de l’accroissement des résistances
minimale inhibitrice (CMI) à la pénicilline supérieure ou pneumocoque de sensibilité diminuée. Ce sont : bactériennes. Bien souvent, on est amené à traiter
égale à 2 mg/L. De ces considérations vont dépendre – l’âge de l’enfant, inférieur ou égal à 18 mois ; plusieurs épisodes d’otite bactérienne successifs.
les choix antibiotiques que nous détaillerons – la fréquentation d’une crèche ; Parents et médecins, dans ce cas, doivent s’armer de
ultérieurement. – l’administration d’antibiotiques pour quelque patience en attendant que la maturation du système
raison que ce soit dans les 3 mois précédents ; immunitaire, allant de pair avec la croissance de
‚ Diagnostic d’otite moyenne aiguë – l’existence d’une otite en situation d’échec déjà l’enfant, diminue spontanément les récurrences
L’otite se discute habituellement au cours ou au traitée. otitiques.
décours immédiat d’une rhinopharyngite virale, si Lorsque ces facteurs de risque sont réunis, il faut En conclusion, les otites de l’enfant sont très
banale chez l’enfant, et qui a été reconnue sur privilégier l’administration d’un antibiotique encore fréquentes, et la reconnaissance de cette donnée
l’association d’une obstruction nasale, d’un jetage efficace sur les pneumocoques de bas niveau de épidémiologique ne doit pas entraîner des traitements
mucopurulent, d’une toux fréquente associée à une résistance, comprenant les pneumocoques dits de par excès. Le diagnostic doit être fondé sur un bon
fièvre. S’il s’agit d’un grand enfant, il exprime sensibilité intermédiaire (CMI à la pénicilline comprise examen otoscopique. Dès lors que le diagnostic a été
spontanément l’existence d’une otalgie ; chez le entre 0,125 et 1 mg/L). Trois produits peuvent être bien posé, une antibiothérapie s’impose, dont l’objectif
nourrisson, elle est évoquée lorsqu’il porte retenus : l’association amoxicilline-acide clavulanique essentiel est de mettre l’enfant à l’abri des
fréquemment la main à son oreille et devant comportant 80 mg/kg d’amoxicilline, le cefpodoxime complications méningoencéphaliques. Actuellement,
l’existence de cris répétitifs et de pleurs nocturnes. proxétil ou le céfuroxime axétil. dans le contexte que nous connaissons des résistances
Même en l’absence de symptomatologie fonction- Bien entendu, un traitement symptomatique bactériennes, le choix de l’antibiotique doit être affiné
nelle, évoquée ou exprimée, il faut rappeler que antalgique et antipyrétique doit être administré. À en fonction des corrélations bactériocliniques que
l’examen des tympans doit être systématique chez défaut d’une nouvelle consultation, un contact nous avons évoquées et de l’existence de facteurs de
tout enfant enrhumé, fébrile. Il est bien entendu la clef téléphonique doit être ménagé avec la famille 4 jours risque d’avoir affaire à un pneumocoque résistant.
du diagnostic. Chez le grand enfant, l’examen est plus après l’institution du traitement. Si l’enfant présente
facile que chez le nourrisson. Il montre un tympan soit toujours des signes généraux (fièvre, troubles digestifs
■
épaissi, infiltré, comme il est classique de le dire, qui a éventuels), il doit être revu afin que l’état du tympan
perdu sa coloration gris rosé et sa transparence pour soit vérifié. Sinusites de l’enfant
prendre une couleur rouge lie-de-vin. Le relief du
manche du marteau oblique en haut et en avant a ‚ Échecs de ces traitements primaires
disparu et la courte apophyse du marteau, qui termine Lorsque l’otite persiste, à partir de 4 jours après Les sinus de la face, cavités paranasales, présentent
ce relief dans le quadrant antérosupérieur du tympan, l’institution du traitement, idéalement une paracentèse un continuum muqueux avec les fosses nasales. Ils
est elle-même noyée dans l’épaississement de la doit être réalisée pour identification bactériologique du sont revêtus par la même muqueuse respiratoire ciliée,
membrane. À un stade ultérieur, le tympan est bombé germe responsable. De la mise en culture du pus de caliciforme. Ils sont tous en libre communication avec
dans son quadrant postéro-inférieur, voire d’une façon l’otorrhée ressortent trois possibilités : les fosses nasales. La perméabilité de cette
semi-lunaire, réalisant un croissant concave vers le – culture stérile : aucun relais antibiotique n’est communication est le garant de l’absence de
haut. Chez le nourrisson, l’approche du tympan est justifié, il faut se contenter d’un traitement pathologie au niveau des sinus. À l’inverse des otites,
difficile car le conduit est étroit, encombré de débris symptomatique ; les sinusites sont rares chez l’enfant, très fréquentes
cérumineux, d’un nettoyage fastidieux et mal – mise en évidence d’un H. influenzae : prescription chez l’adulte. Cependant, deux catégories de sinusites
commode. Les modifications du tympan sont plus de céfixime ou d’une association amoxicilline-acide peuvent s’observer chez l’enfant : les sinusites
nuancées et une collection rétrotympanique peut clavulanique (si l’enfant bien entendu ne recevait pas ethmoïdales, aux alentours de 2 à 3 ans et à partir de
exister alors que le bombement de la membrane n’est déjà ce traitement) ; 3-4 ans, et les sinusites maxillaires qui sont beaucoup
pas évident. Cependant, elles doivent être – culture montrant un pneumocoque : le moins caractéristiques et moins dangereuses que les
suffisamment franches et distinctes d’un tympan traitement de substitution doit tenir compte des sinusites ethmoïdales.
2
Infections respiratoires supérieures - 4-0860
■
‚ Sinusites ethmoïdales de l’enfant ‚ Sinusites sphénoïdales
Chez un enfant de 2 à 3 ans, succédant à un rhume
Sinusites de l’adulte Le sphénoïde est le plus postérieur des sinus de la
banal, apparaît un mouchage purulent unilatéral, des face, profondément enchâssé à la jonction du tiers
céphalées et une tuméfaction œdémateuse à l’angle antérieur et du tiers moyen de la base du crâne. Les
‚ Sinusites maxillaires
interne de l’œil. La fièvre est aux alentours de 38,- sinusites sphénoïdales se caractérisent par une
Elles sont fréquentes chez l’adulte. On estime que sémiologie évocatrice, une bactériologie particulière, et
38,5 °C. La suspicion d’ethmoïdite, pathologie
les prescriptions d’antibiotiques pour sinusites un potentiel de complications endocrâniennes
dangereuse, impose sa confirmation par la pratique
maxillaires en France sont de l’ordre de 3 millions par particulièrement redoutables.
d’une tomodensitométrie qui va montrer une opacité
an. Un certain nombre a probablement été
ethmoïdale unilatérale et entraîner l’hospitalisation diagnostiqué en excès, et l’on peut approximative- Signes cliniques
pour mise en route d’un traitement par voie ment estimer les sinusites maxillaires aiguës entre 2 et
parentérale. H. influenzae et S. aureus sont les deux Les sinusites sphénoïdales se manifestent par des
2,5 millions par an. Ce chiffre élevé n’est pas étonnant céphalées profondes rétro-orbitaires irradiant au
germes principaux de l’ethmoïdite de l’enfant. Deux si l’on considère que chaque adulte fait environ trois vertex, un certain degré d’obnubilation et une absence
dangers sont possibles : l’un local, orbitaire, soit par rhumes communs par an, et que 1 à 2 % d’entre eux de mouchage antérieur. Celui-ci est remplacé par un
irruption du pus dans l’orbite, créant ainsi un abcès vont se compliquer de sinusite. écoulement postérieur, purulent, bien décrit par le
extrapériosté qui va comprimer le contenu orbitaire et Le diagnostic de sinusite maxillaire est facile lorsque malade et visible lors de l’examen à l’abaisse-langue
compromettre rapidement la fonction visuelle s’il n’est dans le cadre d’un rhume avec rhinorrhée claire puis de l’oropharynx, sous la forme d’un rideau de pus qui
pas évacué d’urgence, soit par survenue d’une cellulite purulente bilatérale, accompagnée d’obstruction tapisse la paroi pharyngée postérieure entre les piliers
susceptible de s’accompagner d’abcédation dans le nasale et de céphalées, survient une unilatéralisation postérieurs de l’amygdale. La bactériologie des
cône orbitaire limité par les muscles oculomoteurs ou des signes. Le mouchage ne se fait plus que d’un seul sinusites sphénoïdales, à côté des germes habituels,
en dehors du cône entre les muscles et le périoste. côté ; il est franchement purulent et s’accompagne de comporte un important pourcentage de S. aureus et de
Dans les deux cas, le pronostic visuel est très douleurs sous-orbitaires du côté du mouchage qui bactéries anaérobies. Il faut en tenir compte dans la
gravement en jeu. Ces complications orbitaires vont s’intensifient la nuit. En revanche, si la symptomatolo- prise en charge antibiotique.
cliniquement se manifester par l’apparition d’un gie demeure bilatérale, avec un mouchage purulent
important œdème palpébral avec parfois chémosis persistant des deux côtés accompagné de douleurs Complications méningoencéphaliques
(bourrelet conjonctival sous la forme d’une ligne rosée sous-orbitaires, il est difficile de faire le partage entre Elles sont dominées par les thrombophlébites du
qui apparaît sous le rebord ciliaire). Il faut soulever la une rhinite traînante et une rhinosinusite maxillaire sinus caverneux qui vont se manifester fréquemment
paupière pour rechercher une exophtalmie et une bilatérale. Dans ce cas, le diagnostic doit être étayé par par des crises convulsives inaugurales, et surtout par
limitation des mouvements orbitaires qui sont un un examen fibroscopique des fosses nasales qui va un syndrome du sinus caverneux associant un
indice pronostique péjoratif. montrer l’origine du pus sous le cornet moyen (siège œdème palpébral, une exophtalmie et des paralysies
Dans tous les cas, la répétition des scanners de drainage du sinus maxillaire dans les fosses oculomotrices, ainsi qu’une atteinte de la branche
permet : nasales). Si un tel examen ORL ne peut être effectué, ophtalmique du trijumeau, entraînant une
on peut se contenter d’une radiographie des sinus en hypoesthésie cutanée au-dessus du sinus frontal. La
– de dépister et de suivre ces complications
incidence de Blondeau (nez-menton-plaque) qui va thrombophlébite du sinus caverneux est plus
orbitaires en association avec l’examen
montrer trois types d’images : soit un niveau liquide fréquemment unilatérale que bilatérale. Des signes
ophtalmologique ;
qui est l’image la moins discutable de sinusite, soit une neurologiques déficitaires en foyer, labiles dans le
– de poser les indications thérapeutiques ;
opacité totale, soit un épaississement en cadre de la temps, vont survenir. Il existe habituellement un
– une évacuation chirurgicale d’urgence en cas muqueuse, dessinant un triangle supérieur à
d’abcès extraorbitaire ; syndrome méningé. Le pronostic vital est
5 millimètres d’épaisseur en dedans du triangle osseux extrêmement sévère, une issue fatale étant observée
– la chirurgie endo-orbitaire ophtalmologique, du contour sinusien. Un traitement antibiotique de 5 à dans plus de 50 % des cas. Chez les patients
éventuellement en cas d’abcédation intraorbitaire 8 jours, dirigé contre pneumocoque et Hæmophilus est survivants, des séquelles visuelles sont habituelles.
résistant à l’antibiothérapie et s’accompagnant d’une souhaitable pour hâter la guérison et éviter la
Le diagnostic de sinusite sphénoïdale n’est pas fait
dégradation de la fonction visuelle. survenue de complications méningoencéphaliques,
par les examens radiographiques conventionnels ; il
Le deuxième danger de ces ethmoïdites est la peu fréquente certes dans cette variété de sinusites,
faut d’emblée donner la préférence à l’examen
possibilité de survenue d’une thrombophlébite du mais qui reste une hypothèse toujours possible. Les
tomodensitométrique dès lors qu’il y a une suspicion
sinus caverneux et/ou d’une méningite. Le pronostic « résistances » d’Hi et de Sp chez l’adulte sont moins
clinique de sinusite sphénoïdale. Dans le cadre des
de la thrombophlébite du sinus caverneux est fréquentes que chez l’enfant. Elles sont de l’ordre de
sinusites sphénoïdales, nous prescrivons volontiers
redoutable, aussi bien sur le plan vital que pour ce qui 30 % pour Hi et de 50 % pour Sp. Au traitement
une association amoxicilline-acide clavulanique
concerne les séquelles visuelles. antibiotique doivent être associés des vasoconstric-
combinée à l’administration de fluoroquinolones. Un
teurs locaux et généraux et des antalgiques. La
scanner de contrôle doit être effectué aux alentours du
‚ Sinusites maxillaires de l’enfant prescription de corticoïdes pendant 3 à 4 jours est un
dixième jour de traitement. En l’absence d’améliora-
adjuvant qui paraît intéressant dans la mesure où il
Leur réalité est par période discutée, tant il est tion de l’image radiologique, ou si une complication
contribue à diminuer l’œdème qui obstrue les ostiums
difficile d’imputer à une opacité radiologique du sinus survient, il faut effectuer un drainage du sinus
de drainage sinusiens. Cette reperméabilisation des
maxillaire, chez l’enfant, une signification sphénoïdal par voie endonasale sous guidage
ostiums va permettre plus facilement l’évacuation du
pathologique. En effet, les sinus maxillaires, qui endoscopique.
pus endosinusien.
apparaissent chez l’enfant vers 2-3 ans, sont une
évagination des fosses nasales avec lesquelles ils ‚ Sinusites frontales et ethmoïdofrontales
communiquent largement. Ils se remplissent donc très
facilement de sécrétions nasales lors des pleurs. C’est
en définitif la clinique qui permet surtout de les
suspecter. Elle est relativement paucisymptomatique. Il
Elles se manifestent, outre un mouchage purulent,
par l’existence d’une douleur frontale sus-orbitaire
maximale en fin de matinée et en fin d’après-midi.
Elles présentent un potentiel de risques oculaires
■
Angines
3
4-0860 - Infections respiratoires supérieures
caractérisées par le développement d’une sorte de termes d’écologie bactérienne, dans une période où mononucléose infectieuse. La mononucléose étant
couenne qui tapisse les régions latérales de l’émergence des résistances devient préoccupante. La éliminée, il convient de faire un prélèvement de gorge
l’oropharynx. reconnaissance des angines streptococciques est à la recherche du bacille de Klebs-Loeffler et
actuellement facilitée par l’existence de kits d’entreprendre immédiatement une sérothérapie
‚ Angines bactériennes d’identification rapide qui permettent, au terme d’une antidiphtérique à la dose de 20 000 unités (0,1 mL par
Les angines liées au streptocoque bêtahémolytique, manipulation inférieure à 10 minutes, de mettre en voie sous-cutanée suivie, 15 minutes plus tard, par
essentiellement du groupe A, sont celles qui ont évidence, sur un prélèvement pharyngé, l’antigène 0,25 mL, et enfin, s’il n’y a pas de réaction, par la
monopolisé l’attention sur la pathologie pharyngée streptococcique. Dès lors que de tels kits, dont le coût totalité de la dose administrée pour moitié par voie
d’origine infectieuse. Elles représentent environ 30 % unitaire devrait se situer aux alentours de 15 francs, sous-cutanée, pour moitié par voie intramusculaire).
des angines chez l’enfant et 10 à 15 % chez l’adulte. seraient pris en charge par des organismes de sécurité L’hospitalisation est bien entendu nécessaire. Un
Leur présentation peut être celle d’une angine sociale, cette nouvelle stratégie thérapeutique dans traitement antibiotique par pénicilline est institué.
érythémateuse ou érythématopultacée. En revanche, l’angine pourrait devenir une réalité. En attendant ce L’entourage est également traité soit par pénicilline,
si elles s’accompagnent d’adénopathie, ce qui n’est moment, il faut certainement privilégier, si l’on soit par macrolide. La protection vaccinale est
pas très discriminant, elles ne comportent pas de continue à traiter toutes les angines comme si elles recherchée.
signes rhinopharyngés ou de toux associée. Les étaient streptococciques, la possibilité de traitements ‚ Angines fusospirillaires
risques de complications locorégionales persistent, raccourcis. Trois antibiotiques sont actuellement
Elles sont classiquement illustrées par une angine
phlegmon périamygdalien, abcès péripharyngé et reconnus par l’agence du médicament comme ayant
unilatérale comportant une exulcération reposant sur
cellulite cervicomédiastinale diffuse, à l’inverse du fait la preuve de leur possibilité d’éradication de S.
une base souple sur une amygdale. En fait, cette
risque de maladies post-streptococciques, et pyogenes lors de traitements courts. Ce sont
étiologie fusospirillaire peut être retrouvée dans des
notamment du rhumatisme articulaire aigu (RAA) qui l’amoxicilline en 6 jours, la josamycine en 5 jours et
angines érythémateuses banales. Elle est sensible à
s’est, dans nos régions, considérablement raréfié. Une l’azithromycine en 3 jours. Ces possibilités viennent se
l’association de pénicilline et de Flagylt.
enquête récente a montré que l’on observait en substituer au traitement dogmatique de l’angine en
France, actuellement, dix cas de rhumatisme articulaire 10 jours par la pénicilline V qui, il faut bien le ‚ Angines virales
chaque année. L’amélioration du niveau socioécono- reconnaître, n’est guère prescrite habituellement. Parmi les angines virales qui représentent
mique de la population, autant que l’antibiothérapie l’immense majorité des angines et qui sont liées à
systématique de toutes les angines, sont responsables ‚ Angines diphtériques l’adénovirus, le virus coxsakie et l’herpès virus, nous
de cette régression, ainsi que la quasi-disparition en L’absence ou la diminution de protection vaccinale retiendrons essentiellement la mononucléose
France des souches rhumatogènes. En effet, toutes les les ont fait resurgir dans les pays d’Europe de l’Est et infectieuse, détermination pharyngée de l’Epstein-Barr
souches de Streptococcus pyogenes ne sont pas très récemment, dans le bulletin épidémiologique virus.
susceptibles de déterminer l’apparition d’un RAA, et hebdomadaire, deux décès ont été rapportés au L’angine de la mononucléose infectieuse s’observe
seules les souches mucoïdes de type M sont Danemark. De tels cas, s’ils demeurent rares, doivent surtout chez les sujets jeunes. Elle est marquée par un
impliquées. Elles sont peu isolées en France, ce qui nous inciter à une particulière vigilance pour redonner syndrome général intense avec une fièvre élevée aux
n’exclut pas leur réapparition bien entendu. son actualité à la nécessité d’une protection vaccinale alentours de 39-40 °C, une asthénie profonde, parfois
Finalement, actuellement, c’est ce risque hypothétique régulièrement reconduite. Une injection de rappel un rash cutané. Localement, il y a des adénopathies
de RAA qui justifie la persistance d’une position (diphtérie-tétanos) est nécessaire tous les 10 ans. sous-angulomaxillaires bilatérales volumineuses et
dogmatique qui consiste à traiter toutes les angines Quant aux signes de l’angine diphtérique, ils doivent sensibles. À l’inspection de l’oropharynx, l’haleine est
dans la crainte de leur étiologie streptococcique, alors être connus de tous afin que cette maladie redoutable fétide et, là encore, il existe une fausse membrane qui
même qu’elles ne représentent, adultes et enfants soit immédiatement identifiée et traitée. n’est pas blanc nacré, mais grisâtre nécrotique.
confondus, que 15 à 20 % de l’étiologie de l’ensemble L’angine diphtérique se manifeste par des signes L’examen général montre en outre fréquemment une
des angines. Compte tenu de ce faible risque fonctionnels modérés, des adénopathies sous- hépatosplénomégalie. Le diagnostic repose sur un
d’étiologie streptococcique, minoré par un risque angulomaxillaires, un jetage nasal, fréquemment MNI-test dont le résultat est obtenu en quelques
devenu exceptionnel de RAA, nous sommes unilatéral, et à l’inspection du pharynx, signe cardinal, heures et la NFS montre une lymphocytose faite de
nombreux en France à militer pour une stratégie une angine pseudomembraneuse avec une fausse mononucléaires hyperbasophiles. Le bilan hépatique
d’antibiothérapie minimaliste dans les angines, visant membrane blanc nacré adhérente qui enchatonne les montre fréquemment un syndrome de cytolyse. Le
à ne traiter que les angines streptococciques. Cette piliers du voile du palais, recouvre l’amygdale et se traitement antibiotique n’est pas nécessaire, et si l’on
attitude ferait chuter la prescription d’antibiotiques prolonge sur le voile et dans le rhinopharynx. Devant souhaite malgré tout en prescrire, il faut éviter
dans l’angine de 9 millions actuellement à environ 2,5 un tel tableau, une diphtérie doit être immédiatement d’administrer de l’amoxicilline qui risque d’entraîner un
millions par an. Le bénéfice de cette désinflation serait évoquée. Il faut éliminer, en demandant un MNI-test et rash cutané intense. Une corticothérapie en cure
considérable en termes de coût de la santé et en une numération formule sanguine (NFS), une courte peut réduire la symptomatologie fonctionnelle.
Toute référence à cet article doit porter la mention : P Gehanno. Infections respiratoires supérieures.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 4-0860, 2000, 4 p
4
4-0880
Infections urinaires
H. Leroy, P. Tattevin
Les infections urinaires (IU) sont caractérisées par leur fréquence mais aussi par leur variété, allant de la
simple colonisation au choc septique. Il est fondamental de distinguer les situations d’IU simples des IU
compliquées où le terrain physiologique (enfant, homme, grossesse, sujet âgé), le terrain pathologique
(diabète, immunodépression, insuffisance rénale) ou l’existence d’une anomalie fonctionnelle de l’arbre
urinaire peuvent conduire à des tableaux cliniques graves. Il s’agit de la deuxième cause d’infections
bactériennes communautaires et elles touchent surtout la femme avec des pics de fréquence au début
de l’activité sexuelle, au moment de la grossesse et en postménopause. Les entérobactéries, majoritai-
rement Escherichia coli (E. coli), sont les principaux micro-organismes responsables des IU, avec une
augmentation actuelle de la résistance de celles-ci aux antibiotiques dont la pénicilline A, le cotrimoxazole
mais aussi les fluoroquinolones avec 10 % de souches résistantes. En conséquence, les céphalosporines
de 3e génération parentérales sont devenues le traitement probabiliste de 1re intention pour les infections
parenchymateuses. L’infection urinaire basse ou cystite associe brûlures mictionnelles, pollakiurie, pesan-
teur pelvienne et urines troubles, sans syndrome infectieux. S’il y a hyperthermie, on parle d’atteinte
parenchymateuse (pyélonéphrite ou prostatite), aiguë ou chronique. La bandelette urinaire est suffisante
pour le diagnostic de cystite aiguë simple de la femme jeune, mais dans les autres cas, l’examen de choix
est l’examen cytobactériologique des urines (ECBU). L’échographie des voies urinaires, voire l’uroscanner,
sera réalisée en cas d’atteinte parenchymateuse à la recherche d’une obstruction des voies urinaires ou
d’une complication à type d’abcès. La prise en charge thérapeutique associe des mesures hygiénodiété-
tiques, un drainage des urines si obstacle et une antibiothérapie probabiliste adaptée secondairement à
l’examen direct, à la bactérie isolée et à l’antibiogramme. En cas d’infection sur sonde urinaire, c’est une
indication à retirer la sonde ou à la changer pour se débarrasser des bactéries du biofilm à la surface de
la sonde.
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Plan De la physiopathologie
■ De la physiopathologie à la clinique 1 à la clinique
■ Épidémiologie 2 L’arbre urinaire est physiologiquement stérile et seul l’urètre dis-
Agents en cause 2 tal est colonisé par la flore fécale, cutanée et génitale. L’organisme
Accroissement de l’antibiorésistance 2 a des moyens de défense contre le développement d’une infection
■ Présentation clinique 2 « ascendante » à partir de cette flore (longueur de l’urètre, fré-
Signes cliniques communs 2 quence des mictions, flux mictionnel constant au niveau urétéral,
Formes topographiques 2 composition de l’urine, rôle bactéricide du mucus vésical).
Complications 2 L’IU communautaire est majoritairement de mécanisme
Formes particulières 2 « ascendant » avec invasion soit de la vessie, on parle alors de cys-
■ Prise en charge en pratique 3 tite, soit du rein ou de la prostate, et l’on parle de pyélonéphrite
Examens complémentaires : lesquels et dans quelles aiguë (PNA) ou de prostatite. On parle d’IU compliquée quand
circonstances ? 3 il existe des facteurs de risques comme la stase urinaire (liée à
Prise en charge thérapeutique 4 l’hypertrophie de la prostate ou les prolapsus urogénitaux de la
femme âgée), la sténose urétrale, les anomalies de l’arbre urinaire,
les modifications urodynamiques liées à la grossesse, les sondages
urinaires, ou la glycosurie en cas de diabète mal contrôlé. Pour
certains experts, toute IU chez l’homme et l’enfant sont des IU
compliquées. Quand il n’y a pas de facteur favorisant, seule la
pathogénicité du germe est en cause et il s’agit d’une IU simple.
du risque anatomique d’évolution vers la pyélonéphrite en raison ou conserver les urines jusqu’à 24 heures à + 4 ◦ C. Pour la prosta-
d’un uretère post-implantation court (risque 7 fois plus élevé que tite aiguë, le massage prostatique pour sensibiliser l’ECBU n’est
chez les greffés sans colonisation) [10] . pas recommandé à cause du risque de dissémination hématogène
mais il reste possible en cas de prostatite chronique.
IU de la femme enceinte : dépister et traiter En cas de rétention urinaire chez l’homme, le choix entre
sondage urétral et cathéter sus-pubien est débattu car sonder
Il s’agit de l’infection la plus fréquente chez la femme enceinte favoriserait l’apparition d’abcès prostatiques. Certains préfèrent le
à cause des modifications anatomiques, hormonales et physico- sondage urétral car les complications du cathéterisme ne sont pas
chimiques de l’urine. L’IU expose à un risque de prématurité et de rares (perforation digestive ou de l’artère iliaque) [12, 13] . Le cathéter
retard de croissance intra-utérin. Le risque est majoré par l’âge sus-pubien est contre-indiqué en cas de troubles de l’hémostase,
de la mère, la parité, l’activité sexuelle, le diabète, les antécé- d’anticoagulants, de cicatrice sus-pubienne, d’hématurie, de
dents d’IU [1] . On recommande un dépistage systématique de la tumeur vésicale, ou de pontage fémoral croisé.
colonisation à partir du 4e mois de grossesse et un traitement sys- Chez l’enfant, on utilise soit une poche stérile autocollante
tématique, réduisant ainsi le risque de PNA de 75 % (risque estimé après toilette antiseptique de la zone périnéale (maintenue moins
à 20 %-30 % en l’absence de traitement de la colonisation) [9] . de 30 minutes), soit un sondage aller-retour chez la petite fille.
Cas particuliers des patients sondés
IU nosocomiales : au premier rang des infections
La leucocyturie n’est pas significative chez le patient sondé et
liées au soin
la BU n’a d’intérêt que pour infirmer l’absence d’IU si elle est
En 2001, les IU représentaient en France 43 % des infec- négative. Les experts américains définissent une IU sur matériel
tions nosocomiales [11] . Le sondage en est la principale cause. lorsqu’il y a des symptômes compatibles avec une infection, sans
L’acquisition peut survenir par voie endoluminale, hématogène, autre cause, avec une bactériurie ≥ 103 UFC/ml sur un échantillon
ou plus fréquemment extraluminale. Les bactéries d’origine diges- recueilli par du matériel ayant été changé dans les 48 heures [14] .
tive colonisent le périnée, et migrent vers la vessie par capillarité
Interprétation de l’ECBU
dans le film muqueux ou biofilm bactérien protecteur à la surface
externe de la sonde. Le sondage entraîne également une altération Le tableau 1 décrit les différents cas de figure et l’interprétation
des moyens de défense de l’épithélium vésical et perturbe le transit en fonction des résultats de l’ECBU. Toute leucocyturie aseptique
urinaire en créant un résidu. L’incidence journalière d’acquisition doit faire suspecter une tuberculose rénale et il faut réaliser des pré-
d’une IU sur sonde a diminué avec les systèmes clos, variant de 3 % lèvements sur la première miction du matin, trois jours de suite,
à 10 % par jour de sondage, mais le risque cumulé après 30 jours à la recherche de bacilles acido-alcoolo-résistants (BAAR).
est de 100 %. Il faut donc limiter le sondage aux situations indis- La détection de C. trachomatis se fait par PCR sur les urines du
pensables et ôter les sondes le plus rapidement possible. 1er jet sans toilette préalable. Si l’on suspecte une urétrite, il faut
également réaliser un prélèvement urétral à l’écouvillon.
ECBU de contrôle, sous traitement ou à distance de
Prise en charge en pratique l’infection
Dans le cadre de la cystite et de la PNA simple, il n’est pas
Examens complémentaires : lesquels nécessaire de contrôler par un ECBU, sauf si l’évolution est défa-
vorable après 72 heures d’antibiothérapie. On réalisera un ECBU
et dans quelles circonstances ? à 48 heures-72 heures de traitement et quatre à six semaines après
Bandelettes urinaires l’arrêt pour les pyélonéphrites compliquées. Pour la prostatite
aiguë, l’ECBU prélevé quatre à six semaines après le traitement
Les bandelettes urinaires (BU) réactives recherchent la présence est également conseillé alors que celui à 48 heures-72 heures ne
de leucocytes et de nitrites dans les urines. La sensibilité de la l’est qu’en cas d’évolution défavorable.
détection de la leucocyturie est bonne (entre 75 % et 90 %, faux
négatifs en cas de glycosurie ou protéinurie importantes). Le seuil
de détection de la leucocyturie est de 104 /ml et la spécificité est
Autres examens biologiques
excellente (≥ 95 %) [11] . La détection des nitrites est basée sur la En cas de syndrome infectieux, il faut prélever une numération
transformation des nitrates en nitrites par les entérobactéries et le formule sanguine et doser les marqueurs de l’inflammation et la
seuil est de 105 UFC/ml (unité formant colonie). La sensibilité est créatininémie car les infections parenchymateuses compliquées
moyenne (35 % à 85 %), car certaines bactéries ne produisent pas peuvent être à l’origine d’une insuffisance rénale. On réalisera
de nitrites (staphylocoques, entérocoques ou Pseudomonas sp.). également des hémocultures pour authentifier une bactériémie
La spécificité est estimée à 95 %. La combinaison des deux tests a qui constitue un facteur de risque d’évolution péjorative.
une très bonne valeur prédictive négative, supérieure à 95 % : une L’élévation des antigènes spécifiques de prostate (PSA) est
BU avec absence de nitrite et de leucocyte élimine en pratique le inconstante et leur dosage ne doit pas être réalisé lors d’un épisode
diagnostic d’IU, sauf pour le nourrisson de moins de trois mois infectieux aigu. Par contre, on les dosera à distance (six mois) chez
et le patient neutropénique, pour lesquels la BU a une valeur pré- l’homme de plus de 50 ans pour rechercher un adénocarcinome
dictive négative insuffisante [6] . Le prélèvement d’urine doit être de prostate.
réalisé sur le deuxième jet d’urines fraîchement émises, dans un
récipient non stérile propre et sec, sans toilette préalable. Dans le Imagerie
cadre de la cystite simple, la BU est le seul examen recommandé.
Pour les PNA simples et les prostatites aiguës, une échographie
doit être réalisée dans les 24 heures pour exclure une obstruc-
Examen cytobactériologique des urines tion [15] . L’urgence de l’imagerie se justifie d’autant plus qu’il existe
et antibiogramme un antécédent de lithiase urinaire, un pH urinaire supérieur à 7
L’examen cytobactériologique des urines (ECBU) est indispen- ou une clairance de la créatinine inférieure à 40 ml/min [16]. Une
sable pour toute IU en dehors de la cystite simple de la femme échographie normale n’exclut pas le diagnostic de PNA. Le scan-
jeune. L’examen direct en urgence est primordial pour les cas ner n’est pas recommandé en première intention contrairement
d’urosepsis pour choisir la meilleure antibiothérapie probabiliste aux pyélonéphrites compliquées où l’uroscanner est à privilé-
en urgence. gier car plus sensible pour rechercher des foyers de néphrite, des
abcès (Fig. 1) ou une pyélonéphrite emphysémateuse (Fig. 2).
Recueil des urines Cependant, il est parfois inutile (sujet âgé sans facteur de risque
Il doit être réalisé dans un flacon stérile après toilette périnéale de complication) ou dangereux (insuffisance rénale favorisée par
au Dakin suivie d’un rinçage, sur des urines du deuxième jet et l’iode, PNA gravidique, allergie à l’iode). L’urographie intravei-
acheminé dans l’heure au laboratoire. On peut utiliser un milieu neuse n’a plus d’indication depuis l’utilisation du scanner. Pour la
de conservation qui inhibe la croissance bactérienne (tube boraté), recherche d’abcès prostatique, l’IRM est à préférer à l’échographie
Tableau 1.
ECBU d’après [11] .
Symptômes Leucocytes Concentration Nombre Interprétation
≥ 104/ml bactérienne en d’espèces
UFC/ml
Non – ≤ 104 ≥0 Pas d’infection urinaire
Non ± ≥ 10 5
1 Colonisation urinaire ou souillure du prélèvement
± – ≥ 105 ≤2 Souillure. Refaire ECBU
± – ≥ 10 5
≤2 Colonisation urinaire ou souillure. Refaire. Infection possible si débutante, greffe,
immunodépression, chimiothérapie
Oui + < 103 ≤2 Infection possible
– Décapitée
– Tuberculose, Chlamydia trachomatis, Mycoplasma hominis, Neisseria gonorrhoeae
– Urétrite, prostatite
Oui + Entre 103 et 105 ≤2 Cystites : infection possible
– Seuil de 103 suffisant pour E. coli, autres entérobactéries et S. Saprophyticus
– Autres germes : refaire un ECBU
Pyélonéphrites et prostatites : seuil = 104 UFC/ml
Urétrite, prostatite chronique
Oui + ≥ 105 >2 Infection possible ou souillure. Refaire ECBU
Oui + ≥ 105 ≤2 Infection urinaire certaine
B
Figure 2. Tomodensitométrie d’une pyélonéphrite emphysémateuse.
Figure 1. Tomodensitométrie d’un abcès rénal compliquant une A. Présence d’air dans l’espace périrénal, le parenchyme rénal, voire la
pyélonéphrite aiguë retrouvant une hypodensité volumineuse avec effet voie excrétrice (flèche).
de masse sur les cavités pyélocalicielles, à contenu liquide hétérogène B. Cet air peut aussi être détecté par échographie ou par l’abdomen sans
(flèche). préparation s’il est en quantité abondante (flèches).
IU de l’enfant Références
L’hospitalisation est recommandée chez tout enfant de moins
de 3 mois et en cas de signes d’infection sévère. La cystite aiguë de
la fille de plus de 3 ans doit être traitée par 3 jours à 5 jours de cotri- [1] Mandell, Douglas, and Bennett’s Principles and Practice of
moxazole ou de céfixime. Pour les PNA, le traitement comprend Infectious Diseases. London: Churchill Livingstone; 2004. p.
un traitement d’attaque par une C3G suivi par un traitement 875-905.
oral par cotrimoxazole ou céfixime (AMM à partir de 6 mois), [2] Poster ONERBA : Résistance aux antibiotiques en France. Résultats
adapté à l’antibiogramme. L’amoxicilline est recommandée pour 1998-2009 des réseaux fédérés dans l’ONERBA, JNI 2010, poster
N-01.
les infections à entérocoque. Dans les formes compliquées (enfant
[3] Gupta K. International Clinical Practice Guidelines for the Treatment
de moins de 3 mois, uropathie malformative connue, syndrome
of Acute Uncomplicated Cystitis and Pyelonephritis in Women: A 2010
septicémique, immunodéprimé), on peut associer un aminoside. Update by the Infectious Diseases Society of America and the Euro-
La durée totale de traitement est de 10 jours à 14 jours. En cas de pean Society for Microbiology and Infectious Diseases. Clin Infect Dis
résistance aux autres familles d’antibiotiques, les FQ peuvent être 2011;52:e103–20.
envisagées chez l’enfant prépubère [6] . [4] ONERBA, rapport d’activité 2008. Edition décembre 2010.
Femme enceinte http://www.onerba.org/IMG/pdf/onerba rapport2008 LD.pdf.
La colonisation doit être traitée 2 jours à 3 jours par [5] De Lastours V, Fantina B. Résistance aux fluoroquinolones en
l’amoxicilline ± acide clavulanique, le céfixime, la nitrofuran- 2010 : quel impact pour la prescription en réanimation ? Réanimation
toïne, le pivmécillinam ou le cotrimoxazole. Le traitement 2010;19: 347–53.
[6] AFSSAPS. Diagnostic et antibiothérapie des infections urinaires
probabiliste des cystites repose sur le céfixime ou la nitrofuran-
bactériennes communautaires du nourrisson et de l’enfant. Recom-
toïne, alors que celui des PNA repose sur une C3G.
mandations. Med Mal Infect 2007;37:637–44.
IU récidivantes [7] Guillausseau PJ. Infections urinaires et diabète sucré. Rev Prat 2003;
L’antibiothérapie au long cours est à réserver aux cas de réci- 53:1790–6.
dives invalidantes car elle expose aux risques de résistance et de [8] Harding GK, Zhanel GG, Nicolle LE. Antimicrobial treatment in dia-
toxicité des antibiothérapies au long cours.Le cotrimoxazole et le betic women with asymptomatic bacteriuria. N Engl J Med 2002;347:
nitrofurantoïne sont les traitements de choix, avec, pour ce der- 1576–83.
nier la réserve actuelle de l’Agence française de sécurité sanitaire [9] Nicolle LE. Asymptomatic bacteriuria: review and discussion of
des produits de santé (AFSSAPS) concernant la toxicité pulmonaire the IDSA guidelines. Int J Antimicrob Agents 2006;28(suppl):
ou hépatique des traitements prolongés [18]. S42–8.
[10] Foriente S. Systematic screening and treatment of asymptoma-
tic bacteriuria in renal transplant recipients. Kidney Int 2010;78:
774–81.
“ Points essentiels [11]
[12]
Pilly E. Maladies infectieuses et tropicales. Paris: Vigot; 2010.
AFSSAPS. Diagnostic et antibiothérapie des infections urinaires bacté-
riennes communautaires chez l’adulte. Med Mal Infect 2008;38(suppl):
• Les IU sont la deuxième cause d’infections bactériennes 203–52.
[13] Bruyère F, Faivre d’Arcier B. Rétention aiguë d’urine sur prostatite
communautaires, après celles de l’arbre respiratoire. aiguë : sonde vésicale ou cathéter sus-pubien ? Prog Urol 2009;19:
• Elles sont plus fréquentes chez la femme, notamment F123–5.
au début de l’activité sexuelle, au moment de la grossesse [14] AFSSAPS. Infections urinaires nosocomiales de l’adulte : conférence
et en postménopause. de consensus 2002. Med Mal Infect 2003;33:370–5.
• Il existe des formes cliniques très variées allant de la [15] Doco-Lecompte T, Letranchant L. Infections urinaires de
simple colonisation urinaire au choc septique souvent l’enfant et de l’adulte. Leucocyturie. Rev Prat 2010;60:
857–63.
favorisé par des comorbidités liées au terrain. [16] van Nieuwkoop C, Hoppe BP, Bonten TN, Van’t Wout JW, Aarts
• Les entérobactéries, dont E. coli, sont les principaux NJ, Mertens BJ, et al. Predicting the need for radiologic imaging in
micro-organismes responsables des IU et l’augmentation adults with febrile urinary tract infection. Clin Infect Dis 2010;51:
de la fréquence des souches résistantes aux antibiotiques 1266–72.
fait recommander les céphalosporines de 3e génération [17] Hooton TM, Diagnosis. prevention, and treatment of catheter-
parentérales en 1re intention pour les infections parenchy- associated urinary tract infection in adults: 2009 International Clinical
Practice Guidelines from the Infectious Diseases Society of America.
mateuses.
Clin Infect Dis 2010;50:625–63.
• Dans le cadre d’infections parenchymateuses, l’imagerie [18] AFFSAPS. Nitrofurantoïne et risque de survenue d’effets indésirables
est nécessaire : échographie des voies urinaires, voire l’uro- hépatiques et pulmonaires lors de traitements prolongés, février 2011.
scanner pour les formes compliquées. http://www.afssaps.fr/Infos-de-securite/lettres-aux-professionnels-
• Une IU associée à une obstruction des voies urinaires est de-sante/Nitrofurantoine-et-risque-de-survenue-d-effets-indesirables-
une urgence urologique nécessitant un drainage. hepatiques-et-pulmonaires-lors-de-traitements-prolonges-Lettre-aux-
professionnels-de-sante.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Leroy H, Tattevin P. Infections urinaires. EMC Traité de Médecine Akos 2012;7(2):1-6 [Article 4-0880].
Diarrhées infectieuses
M. Revest, P. Tattevin
Les diarrhées d’origine infectieuse représentent un problème majeur de santé publique du fait, d’une part
de leur très grande fréquence, et d’autre part de leur mortalité importante avec plus de deux millions
de décès survenant par an, principalement chez les enfants des pays en développement. En France,
leur impact en termes de mortalité est bien entendu moindre, mais elles n’en demeurent pas moins
responsables d’environ trois millions d’épisodes par an. Leur prise en charge repose d’abord sur une
analyse précise de leur sémiologie, permettant de séparer deux grands groupes : les diarrhées invasives
responsables d’un syndrome dysentérique caractérisé par une fièvre et l’émission de sang dans les selles,
et les diarrhées toxiniques provoquant un syndrome cholériforme fait de l’émission de selles aqueuses,
fréquentes, dans un contexte apyrétique. Les examens complémentaires ne sont pas systématiques et ne
sont à discuter qu’en cas de diarrhées suspectées invasives ou de diarrhée persistant plus de trois jours
malgré un traitement symptomatique bien conduit. Sur le plan thérapeutique, la première étape consiste
à dépister et traiter une éventuelle déshydratation. Le traitement antibiotique n’est pas systématique et
dépend soit de l’intensité des symptômes, soit du pathogène que les coprocultures ont permis de mettre en
évidence. Il est notamment systématique en cas de shigellose ou d’amoebose. Le traitement antibiotique
des salmonelloses mineures est par contre réservé à des situations particulières, comme les âges extrêmes,
les patients immunodéprimés ou porteurs de lésions vasculaires ou de matériel endovasculaire, ainsi que
les patients atteints de drépanocytose. Le reste de la prise en charge repose sur les antisécrétoires qui
peuvent être prescrits sans restriction alors que les ralentisseurs du transit doivent être évités au maximum
et restent contre-indiqués en cas de suspicion de diarrhée invasive.
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Mots clés : Syndrome dysentérique ; Syndrome cholériforme ; Salmonellose mineures ; Shigellose ; Amoebose ;
Clostridium difficile
Plan Introduction
■ Introduction 1 La diarrhée est définie par l’émission de selles trop fréquentes
■ Épidémiologie 2 et anormales en qualité. Le poids des selles est alors supérieur
■
à 300 g/j. De façon plus pratique, l’Organisation mondiale de
Physiopathologie 2
la santé (OMS) définit la diarrhée comme l’émission de plus de
■ Particularité sémiologique en fonction des différentes trois selles par jour, molles ou liquides [1] . On parle de diarrhée
étiologies 2 aiguë lorsqu’elle évolue depuis moins de deux semaines, pro-
Syndrome dysentérique 2 longée entre deux et quatre semaines, et de diarrhée chronique
Syndrome cholériforme 3 au-delà d’un mois d’évolution.
Autres diarrhées infectieuses 3 Les diarrhées infectieuses sont le plus souvent des diarrhées
Diarrhées postantibiotiques à Clostridium difficile 3 aiguës et représentent un motif de consultation en médecine géné-
■ Conduite à tenir 4 rale fréquent. Leur impact en termes de morbidité et en termes
Évaluer la gravité de la diarrhée 4 économiques reste en France majeur, avec un arrêt de travail de
Faire des hypothèses étiologiques 4 durée médiane de trois jours prescrit dans un tiers des cas [2] . Bien
Intérêt de réaliser un bilan complémentaire ? 4 que leur évolution soit le plus souvent spontanément favorable,
Quel traitement symptomatique prescrire ? 5 des complications parfois graves peuvent survenir sur des terrains
Quand prescrire des antibiotiques ? 5 fragilisés, personnes âgées ou nourrissons notamment. Le diag-
■ Conclusion 6 nostic étiologique et donc le choix de la stratégie thérapeutique
doivent s’appuyer sur une analyse précise du contexte épidémio-
logique et de la sémiologie.
Épidémiologie
Tableau 1.
Germes responsables des diarrhées infectieuses.
Dans les pays en développement, les diarrhées infectieuses sont Syndromes Pathogènes
responsables d’environ deux millions de décès par an. Ces décès Syndrome cholériforme Vibrio cholerae (Choléra)
touchent essentiellement les enfants de moins de 5 ans, 80 % sur- E. coli entérotoxinogène (ETEC)
venant avant l’âge de deux ans [3] . Maladies du péril fécal, leur Staphylococcus aureus a
fréquence est directement corrélée aux conditions d’hygiène et Clostridium perfringens a
donc à la pauvreté. Bacillus cereus a
En France, on estime à environ trois millions le nombre Syndrome dysentérique Shigella
d’épisode de diarrhées aiguës infectieuses par an. Il existe une E. coli entéroinvasif et
réelle saisonnalité dans la survenue de ces épisodes, avec un pic entérohémorragique
important survenant durant l’hiver et un pic de moindre impor- Campylobacter jejuni
tance au cours de l’été [4] . Entamoeba histolytica histolytica
(non fébrile)
Syndrome intermédiaire b Salmonella non typhi
Physiopathologie Yersinia
E. coli entéropathogène
Deux grands types de mécanismes physiopathologiques sont Virus (rotavirus, calicivirus,
possibles : adénovirus, astrovirus)
• Mécanisme toxinique : les symptômes sont liés à la libération a
Ne se voient qu’en cas de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC).
d’une toxine par des bactéries qui se fixent sur l’épithélium b
Associe une diarrhée fécale non sanglante, des douleurs abdominales, des
digestif sans le pénétrer. Cette toxine va stimuler la sécrétion vomissements et de la fièvre modérée.
d’eau et d’électrolytes par les cellules intestinales. L’incubation
est courte et il n’y a pas de destruction cellulaire (pas de sang
dans les selles), ni d’invasion de la paroi (pas de fièvre ni de Shigella dysenteriae est la plus fréquente et la plus virulente (sécré-
syndrome inflammatoire). Ce mécanisme est responsable du tion de toxine). Les autres espèces sont moins fréquentes (Shigella
syndrome cholériforme. À noter que la toxine responsable est flexneri, Shigella boydii et Shigella sonnei). Le réservoir est stricte-
soit préformée dans l’aliment ingéré, soit produite au moment ment humain et la transmission est interhumaine directe (mains
de la pénétration dans l’organisme. sales) ou par l’ingestion d’aliments peu ou pas cuits ou d’eau
• Mécanismes invasifs : les bactéries pénètrent alors les cellules contaminés. L’inoculum infestant peut être très faible (aux alen-
épithéliales. Ensuite, deux situations sont possibles selon le tours de 100 bactéries), ce qui explique la grande contagiosité de
pathogène : cette infection.
◦ soit une multiplication dans les cellules épithéliales et une Les symptômes sont liés à l’invasion puis à la destruction de
destruction de celles-ci avec émission de selles glairosan- l’épithélium digestif mais également à une sécrétion de toxine
glantes dans un contexte fébrile (syndrome dysentérique) : (pour S. dysenteriae), cette toxine pouvant être responsable des
Shigella, Campylobacter jejuni, Escherichia coli entéro-invasif et signes extra-digestifs. L’incubation est de 2 à 5 jours, puis survient
entérohémorragique ; un syndrome dysentérique typique et sévère avec fièvre élevée
◦ soit une traversée des cellules épithéliales par la bactérie cau- (40 ◦ C). Des formes graves avec signes neurologiques sont pos-
sale en entraînant une destruction de la muqueuse digestive sibles (convulsions, troubles de conscience, confusion).
moins importante que pour le mécanisme précédent, la mul- Le diagnostic est fait par la coproculture. Les hémocultures sont
tiplication bactérienne se faisant dans les tissus lymphoïdes rarement positives.
sous-muqueux. Par contre, une fois la muqueuse digestive Les mesures d’isolement s’appliquent ici de façon draconienne.
traversée, ces bactéries peuvent disséminer (Salmonelles non
typhiques, Yersinia). La diarrhée est alors peu ou pas sanglante Syndrome dysentérique à Escherichia coli
et survient dans un contexte fébrile. (entéroinvasif [EIEC] et entérohémorragique
À ces mécanismes physiopathologiques différents sont sou-
[EHEC])
vent associés des tableaux cliniques spécifiques. Le syndrome
cholériforme, témoin du mécanisme toxinique, associe des vomis- Ces germes sont cosmopolites, pouvant atteindre l’adulte et
sements et quelques douleurs abdominales à une diarrhée aqueuse l’enfant. La physiopathologie est identique à celle de la shigellose
extrêmement importante conduisant rapidement à la déshydra- avec à la fois un caractère invasif, mais également la produc-
tation, évoluant dans un contexte apyrétique. À l’opposé, le syn- tion de toxines. La symptomatologie est identique à celle de la
drome dysentérique comporte des selles glaireuses et sanglantes, shigellose.
des douleurs abdominales diffuses et importantes, un syndrome Certaines souches (E. coli entérohémorragique O157H7 rencon-
rectal avec épreintes, ténesmes et faux besoins et une fièvre. trée surtout chez l’enfant, et O154H4 responsable d’une épidémie
Entre ces deux syndromes clairement individualisés, on majeure chez l’adulte au printemps 2011 en Allemagne) pro-
retrouve des syndromes moins typiques, parfois dénommés syn- duisent une vérotoxine (ou shigatoxine) pouvant entraîner, outre
drome gastroentéritique ou syndrome intermédiaire, associant la diarrhée hémorragique, un syndrome hémolytique et uré-
des selles fécales non sanglantes, des douleurs abdominales, des mique.
vomissements et de la fièvre. Le Tableau 1 schématise ces différents Le diagnostic repose sur la coproculture et la caractérisation des
syndromes et les pathogènes responsables. souches bactériennes (polymerase chain reaction [PCR]).
Campylobacter jejuni
Particularité sémiologique Le réservoir de cette bactérie est animal (tube digestif des
oiseaux notamment). L’incubation est de 1 à 3 jours, puis apparaît
en fonction des différentes un syndrome dysentérique classique.
étiologies [5] Le diagnostic est fait sur la coproculture.
la plus fréquente de diarrhée à amibes, qui est le plus souvent Autres diarrhées infectieuses
représentée par une diarrhée subaiguë faite de selles pâteuses.
Le contexte de voyage en zone tropicale doit être recherché. Salmonelloses
La contamination se fait par l’intermédiaire des mains sales Elles sont provoquées par des Salmonella enterica non Typhi.
ou par l’ingestion d’aliments contaminés. En zone tempérée, Elles se rencontrent soit au cours d’un voyage en pays tropical,
l’homosexualité masculine a été rapportée comme facteur de soit au cours de TIAC (1re cause de TIAC en France).
risque d’acquisition. En cas de TIAC, la contamination se fait par ingestion
d’aliments non ou insuffisamment cuits (viandes, œufs, fruits
de mer). Beaucoup de ces bactéries sont retrouvées dans le
Syndrome cholériforme tube digestif d’animaux (oiseaux). Les salmonelles vont péné-
Choléra trer les entérocytes pour les traverser et se multiplier dans la
sous-muqueuse en intramacrophagique. De là, elles peuvent dis-
Maladie tropicale qui touche exceptionnellement le voyageur, séminer vers d’autres organes (bactériémies, atteintes vasculaires,
le choléra est endémique en Inde et survient par épidémies. Il est atteinte osseuse) surtout en cas d’immunodépression, de drépa-
dû à Vibrio cholerae (sérovars O1 de répartition mondiale et O139 nocytose, ou chez la personne âgée.
limité à l’Inde et au Bangladesh). Le réservoir de cette bactérie L’incubation est de 12 à 24 heures. Ensuite apparaissent des diar-
est représenté par l’homme malade ou le porteur sain. La trans- rhées fécales non sanglantes, associées à des douleurs abdominales
mission se fait soit par l’intermédiaire des mains sales, soit par et des vomissements, dans un contexte fébrile (38,5-39 ◦ C). Le
ingestion d’eau ou d’aliments contaminés. diagnostic sera fait par mise en évidence du germe dans les selles,
L’incubation est le plus souvent courte (quelques heures) mais voire les hémocultures.
peut aller jusqu’à 5 jours. Puis survient brusquement un syndrome
cholériforme typique, très intense, les patients pouvant émettre Yersinioses
jusqu’à 15 litres de selles afécales par jour. Il n’y a pas de fièvre.
Le diagnostic est fait par mise en évidence de la bactérie dans les Deux bactéries peuvent être en cause : Yersinia enterocolitica et
selles (retrouvée à l’examen direct et en culture). Yersinia pseudotuberculosis.
Le pronostic est essentiellement conditionné par la qualité de la Elles provoquent des diarrhées associées à une fièvre modérée
prise en charge symptomatique qui consiste en une compensation et des douleurs abdominales importantes. L’évolution est le plus
des pertes hydriques. Sans cette compensation, le tableau évolue souvent favorable, mais des syndromes post-infectieux peuvent
rapidement vers le collapsus voire le décès. apparaître (érythème noueux, syndrome de Fiessenger-Leroy-
L’antibiothérapie (doxycycline en première intention) a comme Reiter).
principal intérêt de réduire l’excrétion de bactéries dans les selles
afin d’éviter les cas secondaires. Elle raccourcit de plus la durée E. coli entéropathogènes
d’évolution. Provoque des tableaux de gastroentérites banaux, notamment
Les mesures d’isolement sont primordiales (isolement des en collectivité (crèches, écoles).
malades, désinfection des selles).
La prévention par la vaccination est réservée aux personnels de
santé allant travailler dans une zone où sévit une épidémie.
Gastroentérites virales
Très fréquentes et survenant par épidémies, elles sont le plus
souvent dues aux rotavirus, aux calicivirus, aux norovirus et aux
E. coli entérotoxinogène (ETEC) astrovirus. Elles sont très contagieuses.
Il s’agit de la principale cause des diarrhées des voyageurs ou Le tableau est celui de diarrhées fébriles, vomissements, dou-
turista. L’incubation est courte. Elle provoque des diarrhées non leurs abdominales et parfois signes extradigestifs (myalgies). Ce
fébriles peu sévères associées à des douleurs abdominales et qui tableau est classiquement plus marqué chez l’enfant.
vont spontanément régresser en 2 à 3 jours. L’évolution est spontanément favorable, mais il faut se méfier
La plupart du temps, la diarrhée a cessé lors du retour du voyage des déshydratations pouvant survenir chez le nourrisson.
et le diagnostic étiologique n’est pas fait (caractérisation de la
bactérie retrouvée dans les selles par PCR). Diarrhées infectieuses chez le patient séropositif
Aucun traitement antibiotique n’est nécessaire. pour le virus de l’immunodéficience humaine
(VIH)
Staphylococcus aureus
Chez le patient dont le statut immunitaire reste conservé,
Responsable de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) les causes de diarrhées infectieuses sont similaires à celles ren-
par mécanisme toxinique, la toxine étant préformée dans contrées chez le patient séronégatif. Par contre, à un stade
l’alimentation. Cette toxine est thermostable, donc résistante à la avancé d’immunodépression, les patients présentent volontiers
cuisson. La contamination se fait par ingestion d’aliments (pro- des diarrhées chroniques parfois responsables de pertes de poids
duits laitiers, crèmes glacées, plats cuisinés, salades composées) majeures. Une place importante est alors occupée par les para-
contaminés lors de leur préparation par un porteur sain ou pré- sites et notamment Cryptosporidum (également rencontré chez
sentant une pathologie cutanée à S. aureus. l’immunocompétent mais donnant alors des diarrhées sponta-
L’incubation est courte (2 à 4 heures), puis apparaît une diarrhée nément résolutives), Isospora belli ou des microsporidies. Les
hydrique dans un contexte apyrétique, associée à des douleurs salmonelles sont également fréquentes, volontiers récidivantes et
abdominales et des vomissements. responsables de bactériémies.
L’évolution est spontanément favorable.
Tableau 2.
Caractéristiques des toxi-infections alimentaires collectives.
Bactéries Mécanisme Incubation Aliments en cause
S. aureus Toxinique (toxine thermostable 2 à 4 heures Plats cuisinés, produits laitiers, crèmes
préformée) glacées, salades composées, pâtisseries
C. perfringens Toxinique (toxine sécrétée par la 8 à 16 heures Viandes en sauce peu cuites
bactérie dans le tube digestif)
B. cereus Toxinique (toxine préformée) 2 à 8 heures Riz, purée, légumes germés
Salmonella sp. Invasif 12 à 24 heures Viandes, œufs, fruits de mer peu cuits
• les -lactamines : représentent en réalité, les principaux antibio- • contexte de toxi-infection alimentaire collective : définie
tiques pourvoyeurs de colite à C. difficile en termes de fréquence comme la survenue d’au moins deux cas de la même symp-
(beaucoup plus utilisés que les lincosamides) ; tomatologie dont l’origine peut être rattachée à la même
• les fluoroquinolones. origine alimentaire. Les évocations étiologiques peuvent alors
Le tableau clinique se limite le plus souvent à une diarrhée dans s’appuyer sur :
les suites d’une prise d’antibiotique. ◦ l’incubation : elle est courte en cas de mécanismes toxi-
Parfois, le tableau est grave avec colite pseudomembraneuse : niques (2 à 4 heures pour S. aureus, 2 à 8 heures pour Bacillus
diarrhée glairosanglante, douleurs abdominales intenses, altéra- cereus et 8 à 16 heures pour Clostridium perfringens) et plus
tion de l’état général, fièvre élevée. longue pour les mécanismes invasifs (12 à 24 heures pour les
Le diagnostic repose essentiellement sur la mise en évidence des salmonelloses),
toxines A et B dans les selles. ◦ le type d’aliment ingéré (Tableau 2) :
- S. aureus : plats cuisinés, produits laitiers, crèmes glacées,
salades composées, pâtisseries,
Conduite à tenir - C. perfringens : viandes en sauce peu cuites,
- B. cereus : riz, purée, légumes germés,
Sa chronologie est stéréotypée. - Salmonelles : viandes, œufs, fruits de mer peu cuits ;
• la prise récente d’antibiotiques : une diarrhée à C. difficile doit
être évoquée ;
Évaluer la gravité de la diarrhée • en fonction du tableau clinique : comme précisé plus haut,
les syndromes cholériformes et dysentériques doivent faire
La première étape de la prise en charge consiste à rechercher
évoquer différents pathogènes.
des signes de déshydratation chez le patient, témoin d’une mau-
vaise tolérance [6] . Ces signes sont particulièrement à rechercher
chez le jeune enfant, la personne âgée et les personnes trai-
tées par des médicaments à impact sur la perfusion glomérulaire Intérêt de réaliser un bilan
(diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou antago-
nistes des récepteurs de l’angiotensine 2, anti-inflammatoires non complémentaire [7] ?
stéroïdiens [AINS]). D’autres signes de gravité sont également pos-
Le bilan complémentaire n’est pas systématique (Fig. 1). Sa réa-
sibles :
lisation dépend du tableau clinique :
• syndrome pseudo-occlusif : par hypokaliémie ou par colite
• en cas de diarrhée non sanglante, non fébrile, sans signe cli-
grave (Shigellose, Amoebose, Clostridium difficile, etc.) ;
nique de déshydratation, aucun bilan complémentaire n’est
• signes neurologiques pouvant évoquer un syndrome hémoly-
nécessaire. L’évolution est le plus souvent spontanément
tique et urémique (E. coli) ;
favorable en 2 à 3 jours, sous couvert éventuellement d’un
• des signes de bactériémies voire de sepsis sévères : les bacté-
traitement symptomatique. En cas de persistance des symp-
riémies sont particulièrement à risque en cas de salmonellose
tômes sans amélioration au-delà de 3 jours, une coproculture
survenant chez des patients splénectomisés ou drépanocytaires.
avec recherche de salmonelle, shigelle, Yersinia et Campylobac-
ter, ainsi qu’un examen parasitologique des selles doivent être
prescrits ;
• en cas de diarrhées sanglantes et/ou fébriles, le bilan sera systé-
“ Point fort matique et comportera :
◦ une coproculture en précisant la demande de recherche
de Campylobacter et Yersinia. Une coproculture standard ne
La recherche de signe de déshydratation est le premier comporte que la recherche de salmonelle et de shigelle,
temps de l’examen clinique devant une diarrhée suspectée ◦ un examen parasitologique des selles qu’il faut savoir répé-
infectieuse. ter trois fois, sur des selles fraîches matinales du fait d’une
sensibilité non parfaite,
◦ une numération formule sanguine (NFS),
◦ un ionogramme sanguin, urée, créatininémie,
◦ des hémocultures en cas de syndrome septique au premier
Faire des hypothèses étiologiques plan,
◦ en cas de retour d’une zone tropicale, il faut savoir évoquer le
Certains facteurs épidémiologiques particuliers doivent être paludisme qui peut se présenter comme une diarrhée fébrile
recherchés : au moins initialement. Le frottis sanguin à la recherche de
• existence d’un voyage récent à l’étranger : certains pathogènes paludisme doit être prescrit dans ce contexte ;
sont en effet essentiellement rencontrés en milieu tropical et • en cas de signe clinique de déshydratation, quel que soit le type
seulement exceptionnellement en zone tempérée. Il s’agit des de diarrhée :
shigelles, des amibes et bien sûr du choléra. Ce dernier reste ◦ ionogramme sanguin, urée, créatininémie,
exceptionnel et ne peut concerner qu’un personnel de santé ◦ NFS ;
ayant travaillé auprès de personnes atteintes de choléra ; • en cas de diarrhée survenant durant ou après une antibiothéra-
• en fonction de la saison : les rotavirus et les astrovirus se pie, la recherche de toxines de Clostridium difficile dans les selles
rencontrent surtout en hiver ; est systématique.
Pas de déshydratation
antibiotique, reposant sur les fluoroquinolones en première inten- • les infections par Entamoeba histolytica nécessitent un traite-
tion, doit être administré. On étend également cette indication ment par métronidazole 500 mg × 3/j pendant 7 jours associé
aux patients connus pour être porteurs d’un anévrisme athéro- à un amoebocide de contact : tiliquinol-tibroquinol (Intétrix® ),
mateux de l’aorte ou d’une prothèse valvulaire cardiaque, du fait 2 gélules matin et soir pendant 10 jours.
de la grande propension des salmonelles à se fixer à un endo-
thélium vasculaire pathologique et à provoquer dans les suites
une infection à ce niveau. En dehors de ces situations, aucune Conclusion
antibiothérapie n’est nécessaire, du fait d’une évolution sponta-
nément favorable et d’un effet modéré de l’antibiothérapie sur la De par leur fréquence, les diarrhées infectieuses occupent
durée et l’intensité des symptômes. Elle pourrait en outre favori- une place importante en médecine générale. La connaissance
ser le portage chronique des salmonelles. Enfin, la résistance aux de la physiopathologie de ces infections permet d’évoquer des
antibiotiques des salmonelles est une problématique importante, pathogènes précis et aide le clinicien dans la prise en charge
notamment en cas de retour du sud-est asiatique, région où la thérapeutique de ce patient. Loin d’être systématique, le bilan
prévalence de la résistance de ces bactéries aux fluoroquinolones complémentaire peut parfois aider à cette prise en charge, pour
est élevée. En cas d’indication d’antibiothérapie, le traitement réserver l’antibiothérapie.
repose alors sur les céphalosporines de troisième génération injec-
tables.
En ce qui concerne les diarrhées à Campylobacter, les données
sont également contrastées. Le traitement antibiotique n’a proba-
blement que peu d’intérêt. S’il est proposé (diarrhée importante
qui persiste au-delà de 3 jours), il repose sur l’azithromycine en
“ Points essentiels
première intention. • Une diarrhée fébrile et/ou sanglante oriente vers un
Des propositions de traitement antibiotique sont fournies dans
le Tableau 3, pour chaque étiologie.
mécanisme invasif.
• Une diarrhée aqueuse, non fébrile, oriente vers un méca-
nisme toxinique.
• La recherche de signes cliniques de déshydratation doit
“ Points forts être systématique devant toute diarrhée.
• Un bilan complémentaire n’est nécessaire qu’en cas de
mauvaise tolérance clinique de la diarrhée et/ou de diar-
• L’antibiothérapie est systématique en cas de shigellose. rhée fébrile avec émission de sang.
• L’antibiothérapie n’est pas systématique en cas de sal- • Le traitement antibiotique ne doit pas être systématique,
monellose. mais est réservé aux diarrhées avec signes de gravité, ou à
certaines étiologies comme les shigelloses.
• La notion de voyage en zone tropicale tout comme
La plupart du temps, la question de l’antibiothérapie se pose la prise récente d’antibiotiques doit être recherchée par
avant que les résultats de la coproculture ne soient disponibles. l’interrogatoire.
La réflexion de l’indication de l’antibiothérapie empirique doit
alors se baser sur l’intensité et les caractéristiques sémiologiques
de la diarrhée. Cette antibiothérapie empirique doit être débutée
devant : Références
• une diarrhée invasive (fièvre et/ou sang et glaires) marquée ;
• tout type de diarrhée avec signe de gravité et notamment signe [1] Thielman NM, Guerrant RL. Clinical practice. Acute infectious diar-
de déshydratation intense ; rhea. N Engl J Med 2004;350:38–47.
• en cas de terrain très fragile : patient âgé, pathologies asso- [2] Letrilliart L, Desenclos JC, Flahault A. Risk factors for winter out-
ciées de type insuffisance cardiaque sévère, insuffisance rénale, break of acute diarrhoea in France: case-control study. Br Med J
patient immunodéprimé. 1997;315:1645–9.
Elle repose alors sur les fluoroquinolones en première inten- [3] Kosek M, Bern C, Guerrant R. The global burden of diarrhoeal disease,
tion : ciprofloxacine, 500 mg/j pendant 3 jours. Ce traitement as estimated from studies published between 1992 and 2000. Bull WHO
2003;81:197–204.
empirique sera secondairement adapté aux résultats des copro-
[4] Yazdanpanah Y, Beaugerie L, Boelle PY, Letrilliart L, Desenclos JC,
cultures qui auront été prélevées avant son initiation.
Flahault A. Risk factors of acute diarrhoea in summer–a nation-wide
Enfin, il existe deux cas particuliers nécessitant un traitement French case-control study. Epidemiol Infect 2000;124:409–16.
spécifique : [5] DuPont HL. Clinical practice. Bacterial diarrhea. N Engl J Med
• Clostridium difficile : le traitement antibiotique inducteur doit si 2009;361:1560–9.
possible être interrompu. Un traitement spécifique est le plus [6] DuPont HL. Guidelines on acute infectious diarrhea in adults. The
souvent prescrit même si une guérison survient dans 25 % des Practice Parameters Committee of the American College of Gastroen-
cas grâce au seul arrêt de l’antibiothérapie responsable. Ce trai- terology. Am J Gastroenterol 1997;92:1962–75.
tement spécifique repose sur le métronidazole, 250 mg × 4/j [7] Bouchaud O. Diarrhées aiguës infectieuses. Rev Prat 2008;58:
pendant 10 jours. Des rechutes sont possibles ; 1179–86.
M. Revest (matthieu.revest@chu-rennes.fr).
P. Tattevin.
Service des maladies infectieuses et réanimation médicale, Hôpital Pontchaillou, CHU Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes cedex 9, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Revest M, Tattevin P. Diarrhées infectieuses. EMC - Traité de Médecine Akos 2012;7(2):1-6 [Article 4-0900].
Neutropénies fébriles
S. Choquet
Les neutropénies fébriles représentent une complication fréquente des chimiothérapies actuelles. Leur
prise en charge précoce permet de limiter la mortalité à moins de 10 % des cas. L’utilisation de facteurs
pronostiques justifie parfois de proposer un traitement antibiotique à domicile, sous la surveillance du
médecin généraliste. Dans tous les autres cas, l’hospitalisation est de règle pour débuter une
antibiothérapie à large spectre. Un germe n’est isolé que dans un tiers des cas.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Tableau 1.
■ Introduction Définition de la neutropénie fébrile.
Neutrophiles Température
Rançon des progrès de l’oncologie et de l’hématologie, les
< 500/mm 3
≥ 38,3 °C
neutropénies fébriles font partie du lot quotidien de ces
< 1000/mm3 et prochainement ≥ 38 °C à 2 reprises en moins de 12 h
spécialités et sont devenues une situation fréquemment rencon-
< 500/mm3
trée en ville. Le pronostic vital étant mis en jeu, une attitude