Vous êtes sur la page 1sur 344

I - Urgences Infectieuses

 25-090-A-10

État septique aigu


E. Wiel, P. Gosselin, J.-B. Marc

Depuis 15 ans, on note une baisse progressive de la mortalité du sepsis sévère (défini par l’association
d’une ou plusieurs défaillances d’organe, ou une hypoperfusion tissulaire définie par une hypotension
artérielle, une augmentation de la lactatémie ou une oligurie) grâce à une amélioration des connaissances
physiopathologiques et à une approche innovante de la prise en charge thérapeutique. Le concept global
de protection de la perfusion et de l’oxygénation des organes dans les premières heures est aujourd’hui
reconnu comme un élément-clé du pronostic. Le rôle des structures d’urgences est donc particulièrement
sensible dans l’identification et la stratification du risque de sepsis, permettant la mise en route précoce
d’un traitement optimal (dans les six premières heures), mais aussi dans l’organisation d’une orientation
rigoureuse de ces patients. Les recommandations récemment actualisées de la Surviving Sepsis Campaign
(SSC) apportent une définition plus précise du sepsis, du sepsis sévère et du choc septique, ainsi que des
mesures thérapeutiques et du monitorage à mettre en œuvre. La mise en place d’interventions de stratégie
d’optimisation précoce et ciblée semble réaliste et faisable. La capacité à mettre en place et faire respecter
ces recommandations semble donner aujourd’hui les premiers résultats de diminution de mortalité (23 %
versus 49 %) et de durée de séjour en réanimation. Globalement, l’application des recommandations de
la SSC permet de sauver une vie tous les six patients présentant cette pathologie.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Sepsis ; Sepsis sévère ; Oxygénation tissulaire ; Stratification ; Optimisation

Plan ■ Stratégie aux urgences. Critères d’orientation 8


Stratégie thérapeutique 8
■ Introduction 1 Critères d’orientation en réanimation 8
■ Organisation. Programmes éducationnels 8
■ Épidémiologie 2
■ Conclusion 9
■ Physiopathologie 2
■ Définitions cliniques. Stratification du risque 2
Critères classiques de syndrome de réponse inflammatoire
systémique 2
Identification des patients à risque de sepsis sévère 3  Introduction
Identification des patients en sepsis sévère et choc septique 3
Identification des infections 3 La conférence de consensus internationale de 1992, réactualisée
■ Monitorage 4 en 2013, a permis de distinguer différents états septiques selon leur
Pression artérielle 4 gravité (sepsis, sepsis sévère et choc septique) (Tableau 1) [1] . Si la
Oxymétrie de pouls 4 mortalité du sepsis est faible (10–20 %), celle du sepsis sévère est
Monitorage du gaz carbonique téléexpiratoire 4 d’environ 30 à 40 %, alors que celle du choc septique reste encore
Échocardiographie 4 élevée (50–60 %) [2] . Le pronostic du sepsis sévère s’améliore avec
Pression veineuse centrale 5 une mortalité passant de 48,3 % en 1996 à 44,7 % en 2004 [3, 4] ,
Saturation veineuse centrale en oxygène 5 lié à une amélioration des connaissances physiopathologiques et
Lactate 5 une approche innovante de la prise en charge thérapeutique [5] .
Protéine C-réactive et procalcitonine 5 La prise en charge initiale du sepsis sévère et a fortiori de l’état
de choc septique est une urgence. Le concept global de protection
■ Conduite à tenir thérapeutique 5 de la perfusion et de l’oxygénation des organes dans les pre-
Objectifs de la réanimation des six premières heures 5 mières heures est aujourd’hui reconnu comme un élément-clé du
Remplissage vasculaire 6 pronostic. Le contexte d’urgence et de protection de la viabilité tis-
Catécholamines 6 sulaire rappelle clairement celui de l’infarctus du myocarde ou de
Antibiothérapie 7 l’accident vasculaire cérébral. Un groupe international d’experts
Glucocorticoïdes 7 a colligé des recommandations intégrées dans la Surviving Sep-
Produits de support 7 sis Campaign (SSC) initialement publiées en 2004 [6] et mises à
Utilisation des référentiels de soins en réanimation 8 jour en 2012 [1] . Le développement de stratégies d’optimisation

EMC - Médecine d’urgence 1


Volume 10 > n◦ 2 > juin 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1959-5182(15)65312-0
25-090-A-10  État septique aigu

Tableau 1. des structures d’urgences est donc particulièrement sensible dans


Révision des critères diagnostiques de sepsis [1] . l’identification et la stratification du risque de sepsis, permettant
Infection a , documentée ou suspectée avec la mise en route précoce d’un traitement optimal (les six pre-
mières heures), mais aussi dans l’organisation d’une orientation
Critères généraux Fièvre (température centrale > 38,3 ◦ C)
rigoureuse de ces patients.
Hypothermie (température
centrale < 36 ◦ C)
Fréquence cardiaque > 90 b/min ou > 2 DS
au-dessus de la valeur normale pour l’âge
 Épidémiologie
Tachypnée
Syndrome confusionnel Si l’épidémiologie des sepsis sévères en réanimation est main-
Œdèmes ou balance liquidienne positive tenant bien connue [4] , elle l’est beaucoup moins en dehors des
(> 20 ml/kg en 24 heures) services de réanimation. Les tendances évolutives observées aux
Hyperglycémie (glycémie > 140 mg/dl ou États-Unis indiquent un accroissement relatif de leur incidence
7,7 mmol/l) en l’absence de diabète de 90 % en dix ans [8] liées au vieillissement de la population, à
Critères inflammatoires Leucocytose (GB > 12 000/␮l) la fréquence d’utilisation des thérapeutiques immunodépressives,
Leucopénie (GB < 4000/␮l) ou à l’existence de cancer et des dispositifs invasifs, mais aussi à
Compte leucocytaire normal avec plus de une identification plus exhaustive des cas par l’application d’une
10 % de formes immatures même définition (Tableau 1).
Protéine C-réactive plasmatique > 2 DS À travers le monde, environ 18 millions de personnes par an
au-dessus des valeurs normales souffrent de sepsis sévère ou de choc septique [9] , 1400 personnes
Procalcitonine plasmatique > 2 DS en meurent chaque jour [9] . En moyenne, ce sont 16,7 milliards de
au-dessus des valeurs normales dollars dépensés chaque année pour la prise en charge de patients
Critères hémodynamiques Hypotension artérielle (PAS < 90 mmHg, septiques sévères, avec une projection d’augmentation des coûts
PAM < 70 mmHg, ou une diminution de de 1,5 % par an [9] .
PAS > 40 mmHg chez l’adulte ou En France, on retrouve une incidence globale des sepsis sévères
PAS < 2 DS au-dessous de normale pour de 6,0/1000 admissions [3] . Elle était 40 fois supérieure (près de
l’âge chez l’enfant) 12 %) dans les unités de réanimation par rapport aux services
Critères de Hypoxémie (PaO2 /FIO2 < 300) d’hospitalisation conventionnelle (près de 3/1000). Néanmoins,
dysfonctionnement Oligurie (diurèse < 0,5 ml/kg par heure ces derniers représentaient environ 50 % de l’ensemble des cas
d’organe pendant au moins 2 heures malgré un de sepsis sévères observés à l’hôpital, suggérant qu’une fraction
remplissage vasculaire adéquat) importante de ces patients pourrait être prise en charge de manière
Augmentation aiguë de la plus précoce en réanimation.
créatininémie > 0,5 mg/dl (ou
44,2 ␮mol/l)
Coagulopathie (INR > 1,5 ou TTa > 60 s)  Physiopathologie
Iléus (absence de bruits hydroaériques)
Thrombopénie (<100 000/␮l) L’état de choc se définit comme une insuffisance respiratoire
Hyperbilirubinémie (bilirubine
cellulaire aiguë secondaire à une insuffisance circulatoire aiguë
totale > 4 mg/dl ou 70 ␮mol/l)
entraînant une baisse de la délivrance effective en oxygène aux
Critères de perfusion de Hyperlactatémie (> 1 mmol/l) tissus, provoquant une véritable crise énergétique cellulaire. Cette
tissulaire Temps de recoloration capillaire diminué situation, rapidement irréversible, appelée dysoxie, correspond au
ou marbrures recours à la voie anaérobie [10] .
Critères de sepsis sévère : hypoperfusion tissulaire ou dysfonction
d’organe
Hypotension artérielle  Définitions cliniques.
Lactate supérieur à la limite supérieure de la normale du laboratoire
Diurèse < 0,5 ml/kg par heure pendant au moins 2 heures malgré un
Stratification du risque
remplissage vasculaire adéquat
Atteinte pulmonaire aiguë avec PaO2 /FIO2 < 250 en l’absence de L’état septique, quelle qu’en soit la gravité, est défini par la pré-
pneumopathie sence d’une infection (documentée ou fortement suspectée) et de
Atteinte pulmonaire aiguë avec PaO2 /FIO2 < 200 si pneumopathie signes caractérisant la « réponse inflammatoire » de l’organisme
source de l’infection à celle-ci. Si le réanimateur est confronté à un malade d’allure
Créatininémie > 2,0 mg/dl (ou 176,8 ␮mol/l) septique dont la présentation clinique est à l’évidence celle d’un
Bilirubinémie > 2 mg/dl (ou 34,2 ␮mol/l) sepsis sévère, l’urgentiste est plutôt confronté au malade d’allure
Thrombopénie (<100 000/␮l) infecté (au moins deux critères de syndrome de réponse inflamma-
Coagulopathie (INR > 1,5) toire systémique [SRIS] dont il faut rapidement évaluer la gravité).
La question la plus immédiate est de rattacher le syndrome cli-
GB : globules blancs ; PAS : pression artérielle systolique ; PAM : pression artérielle
moyenne ; INR : international normalized ratio ; TTa : temps de thromboplastine
nique à la présence d’une infection, et de tenter d’éliminer les
activée ; PaO2 : pression artérielle en oxygène ; FiO2 : fraction inspirée en oxy- autres causes de réponse inflammatoire non infectieuse.
gène.
a
Infection définie comme processus pathologique induit par un micro-
organisme. Critères classiques de syndrome de réponse
inflammatoire systémique
démontre l’importance majeure de la précocité du traitement dans La classification des états septiques adoptée depuis 1992, et
l’amélioration du pronostic vital. L’étude princeps de Rivers a toujours d’actualité, est basée sur l’intensité de la réponse de
montré une réduction absolue de mortalité de 16 % en appliquant l’organisme à l’infection [11] . Elle distingue le sepsis non compli-
un traitement « dirigé » ou early goal-directed therapy (EGDT) [7] . qué des sepsis sévère et choc septique.
L’implémentation de cette EGDT dès les urgences laisse à pen- Cette classification est basée sur quatre éléments cliniques très
ser que l’objectif de la SSC d’une réduction absolue de 25 % de la simples et larges caractérisant le SRIS : fièvre, tachycardie, tachy-
mortalité du sepsis sévère est réalisable. La réduction de la morta- pnée, hyperleucocytose, qui avaient justement pour objectif de
lité de l’infarctus du myocarde de 30 % au début des années 1970 permettre l’identification précoce des sepsis sévères [11] , nécessi-
à moins de 10 % à la fin des années 1990 peut, de ce point de vue, tant des mesures thérapeutiques appropriées. Par convention, il
servir d’exemple. Ainsi, à l’image de la pathologie coronarienne est nécessaire que deux des critères soient présents pour parler de
aiguë, tout retard ne peut être que difficilement rattrapé. Le rôle SRIS ou de sepsis.

2 EMC - Médecine d’urgence


État septique aigu  25-090-A-10

Les critères de SRIS sont tellement larges qu’ils n’ont aucune définit le choc septique [19–21] . Même si cela semble intuitif, un épi-
spécificité, en tout cas en réanimation (80 % des patients ont ces sode d’hypotension artérielle est associé à une augmentation de la
critères), et l’identification de l’infection devient alors prépon- mortalité [22] . Une baisse de 1 mmHg de la PAS augmente le risque
dérante. Et même avec ces critères larges, il persiste un nombre de mortalité de 0,02 % [23] . Il a été montré dès 1964 qu’un taux
substantiel de patients ne remplissant pas les critères de SRIS, de lactate supérieur à 4 mmol/l était corrélé à une mortalité de
alors qu’ils ont à l’évidence une infection grave et d’autres signes 87 % [24] . Son identification ne pose en principe pas de problème.
de sepsis sévère [12] . Ces critères restent cependant un moyen de La démarche initiale est la même que lors d’un sepsis sévère, mais
dépistage, simple mais peu spécifique, des états septiques, en par- l’urgence thérapeutique n’en est que plus grande.
ticulier aux urgences.

Identification des patients à risque de sepsis


sévère “ Point important
Il y a un intérêt évident à identifier précocement les patients
septiques à risque d’évolution défavorable. Le RISSC est un Conduite à tenir devant un sepsis sévère ou choc
score de risque de progression vers l’aggravation de l’infection septique
(0–50) intégrant les critères de SRIS en ajoutant d’autres variables • Mettre en place, sans délai, une voie d’abord vascu-
indépendamment associées à l’apparition secondaire d’un sepsis laire de bon calibre et démarrer un remplissage vasculaire
sévère ou d’un choc. Il est composé de 12 variables affectées d’un par des cristalloïdes (30 ml/kg), en évaluant la réponse
coefficient reflétant leur poids spécifique. L’absence de disponibi- hémodynamique (index cliniques de remplissage vascu-
lité immédiate des variables microbiologiques permet néanmoins laire, lactate, diurèse, mesure de la PVC et SvcO2 ).
de calculer le score et le risque d’aggravation associé [13] . • Prélever sans délai deux séries d’hémocultures, et obte-
Il n’existe pas de validation formelle des critères de SRIS ou du
nir les autres prélèvements à visée microbiologique guidés
score RISSC dans les structures d’urgence. Une étude a analysé les
par l’examen clinique.
variables associées à la mortalité à 28 jours chez les patients sep-
• Puis administrer des antibiotiques sans délai (dans
tiques se présentant aux urgences [14] . On y retrouve la tachypnée,
l’hypoxémie, la thrombopénie, l’encéphalopathie, l’infection res- l’heure et au maximum dans les trois heures), adaptés à
piratoire basse, mais aussi la présence d’un choc, et des variables l’origine présumée du foyer infectieux, à l’épidémiologie
liées au terrain (âge supérieur à 65 ans, résidence en maison de générale et locale, et aux risques spécifiques du patient, en
retraite ou long séjour, maladie rapidement fatale ou terminale) ; tenant compte du résultat d’éventuels examens directs de
des points attribués à chaque variable permettaient d’établir un prélèvements. L’antibiothérapie (céphalosporines de troi-
score de risque de décès (variant de moins de 1 à 50 %) : score sième génération) doit être administrée dès la constatation
MEDS pour mortality in emergency department sepsis. Mais cette d’un purpura d’allure infectieux.
étude est focalisée sur la mortalité et non le risque d’aggravation • Compléter si nécessaire les examens biologiques (fonc-
du sepsis [15] . D’autres scores ont été développés (REMS ou rapid
tion rénale, glycémie, hématologie et coagulation) et
emergency medicine score, MPM ou mortality probability models),
mais ils restent à valider dans les structures d’urgence [16, 17] . En obtenir un dosage de lactate s’il n’est déjà disponible, pour
revanche, le sequential organ failure assessment (SOFA) score réa- préciser les caractéristiques et le retentissement fonction-
lisé dès l’admission aux urgences prédit de manière précise la nel du syndrome septique.
mortalité hospitalière [18] . • Instaurer une surveillance rapprochée des fonctions
vitales (PA, diurèse, SaO2 , lactate).
• Demander sans délai un avis au réanimateur pour éva-
Identification des patients en sepsis sévère luer le patient sur place et organiser la suite de la prise en
et choc septique charge et son transfert en réanimation, en tenant compte
des aspects éthiques.
Le sepsis sévère est l’association d’un sepsis à une ou plusieurs
• L’absence de réponse satisfaisante au remplissage vas-
dysfonctions d’organes. Il pose le problème de l’identification pré-
coce des signes et symptômes reflétant les dysfonctions d’organes, culaire au-delà de 90 minutes (choc septique) impose le
avant l’aggravation vers un choc septique, mais celle-ci est essen- transfert rapide dans une structure de réanimation, après
tielle. La présence d’une seule dysfonction suffit à affirmer le avoir mis en route l’ensemble des mesures thérapeutiques
diagnostic de sepsis sévère. Cependant, il est considéré néces- précédentes, et débuté un traitement vasopresseur.
saire qu’une dysfonction autre que celle directement en rapport
avec le foyer infectieux existe pour porter le diagnostic de sepsis
sévère (exemple : une pression artérielle en oxygène basse ne suffit
pas en cas d’infection pulmonaire). En pratique, les dysfonctions Identification des infections
circulatoires, respiratoires et l’encéphalopathie sont initialement
au premier plan avec une fréquence cardiaque (Fc) supérieure à L’identification d’une infection et de sa source est une démarche
90 b/min, une fréquence respiratoire supérieure à 20 c/min, une simultanée et intriquée à l’évaluation de sa gravité et à la mise
température supérieure à 38 ◦ C ou inférieure à 36 ◦ C, une pres- en route du traitement symptomatique. Les infections à l’origine
sion artérielle systolique (PAS) inférieure à 90 mmHg ou inférieure des sepsis sévères sont très diverses (communautaires ou liées aux
à 40 mmHg par rapport à la pression artérielle (PA) habituelle, soins), et sont largement dominées par les infections respiratoires,
ou une altération des fonctions supérieures, dans un contexte puis intra-abdominales, suivies loin derrière par les infections uri-
infectieux. Les pièges habituels tels qu’une PA normale chez un naires, de la peau et des tissus mous et, chez les malades déjà
sujet hypertendu ou l’absence de tachycardie chez un patient hospitalisés, les infections intravasculaires. D’autres infections
sous ␤-bloquants doivent être connus. Les altérations biologiques sont moins fréquentes comme les méningites, endocardites, infec-
(créatinine, coagulation et surtout hépatique) sont le plus souvent tions ostéoarticulaires, etc.
d’apparition plus tardive, en l’absence de choc d’emblée patent Avant tout traitement antibiotique, afin d’identifier les orga-
(Tableau 1). nismes responsables de l’infection, il est recommandé de réaliser
L’apparition ou la persistance de l’hypotension (PAS < 90 ou des hémocultures (deux séries au moins : une aérobie et une anaé-
pression artérielle moyenne [PAM] < 70 mmHg) ou de signes francs robie) [25] dont au moins une obtenue de manière percutanée et
d’hypoperfusion tissulaire (lactate ≥ 4 mmol/l, oligurie) malgré les une sur chaque accès vasculaire (de plus de 48 heures) (avec un
manœuvres initiales de remplissage vasculaire au cours d’un sepsis volume d’au moins 10 ml) [26] . Ces hémocultures peuvent être réa-
sévère, ou d’emblée chez un patient ayant des signes d’infection, lisées en même temps sur des sites différents. Des prélèvements

EMC - Médecine d’urgence 3


25-090-A-10  État septique aigu

ciblés (urine, liquide cérébrospinal [LCS], plaie, pulmonaires ou en ventilation spontanée avant l’apparition de signes cliniques
autres) seront réalisés en fonction du contexte clinique. d’hypoxie [32] . Il en est de même chez les patients ventilés chez qui
Il est bien rare qu’en cas de sepsis sévère ou imminent, un une chute brutale de la SpO2 peut signifier une intubation sélec-
(ou plusieurs) foyer infectieux ne soit pas suspecté clinique- tive ou un débranchement du ventilateur en gardant à l’esprit que
ment. L’imagerie (échographie, tomodensitométrie) dirigée par les temps de réponse restent relativement longs. Dans ces derniers
l’examen clinique et les symptômes donnent le plus souvent une cas, le monitorage du CO2 téléexpiratoire (EtCO2 ) semble plus
orientation diagnostique. approprié.

Monitorage du gaz carbonique


 Monitorage téléexpiratoire
Pression artérielle Ce monitorage prend toute son importance chez des patients
nécessitant d’être intubés : patients choqués présentant une
La PA est monitorée de façon non invasive discontinue par une détresse respiratoire aiguë ou une altération de la vigilance.
méthode oscillométrique de mesure intermittente automatique Comme l’oxymètre de pouls, l’EtCO2 est un monitorage à la fois
de la PAM (device for indirect noninvasive automatic mean arterial respiratoire, mais aussi circulatoire. L’analyse du capnogramme
pressure ou Dinamap® ). Elle est basée sur la détection, par le bal- permet une analyse diagnostique plus fine que les données numé-
lonnet du brassard progressivement dégonflé, des oscillations de riques d’un oxymètre de pouls. Cependant, dans un contexte
la paroi artérielle dont l’amplitude maximale correspond à la PAM. d’altération hémodynamique et respiratoire comme celle ren-
Avec ce dispositif, les PAS et PA diastolique (PAD) sont calculées, contrée au cours du choc septique, l’EtCO2 seul ne permet
et les mesures restent plus fiables que la méthode manuelle [27] . pas d’apprécier la capnie. En effet, la pression partielle en gaz
La connaissance de la valeur de la PAD et de la PA différentielle carbonique dans le sang artériel (PaCO2 ) ne peut être déduite
(PAdiff) est importante à prendre en considération. Dans le cadre directement de l’EtCO2 en cas d’atteinte sévère hémodynamique
du choc septique, une PAD basse, associée à la chute de la PAS et respiratoire. Le gradient alvéolo-artériel en CO2 et ses varia-
maintenant la PAdiff, signe l’existence d’une vasoplégie. La baisse tions ne sont ni constants ni prévisibles. Par ailleurs, l’EtCO2 ne
de la PAD est liée, comme pour la PAS, à une diminution des permet pas non plus à lui seul le réglage du respirateur. Ce der-
résistances artérielles systémiques. nier doit se baser sur une intégration des données propres au
La mesure invasive de la PA à l’aide d’un cathéter artériel patient (âge, antécédents pulmonaires), de l’évolution au cours
(radial ou fémoral) reste la méthode de référence. Elle permet du temps et de la réponse au traitement des différents paramètres
le monitorage en continu de la PA facilitant le suivi au cours hémodynamiques monitorés. Plus que la valeur de l’EtCO2 , c’est
de la réanimation. L’analyse de la courbe de PA invasive peut son évolution qui est importante lorsque la situation hémodyna-
donner des renseignements sur la réponse ou non à un remplis- mique a été stabilisée. Une valeur d’ETCO2 inférieure ou égale à
sage vasculaire de manière plus fiable que les paramètres statiques 12 mmHg dans les deux heures suivant l’admission aux urgences
tels que la pression veineuse centrale (PVC), la pression pulmo- de patients en état de choc a une valeur pronostique [33] .
naire d’occlusion et la mesure échocardiographique de la surface
télédiastolique du ventricule gauche. Chez le patient intubé,
ventilé, sédaté et en rythme sinusal, la mesure des variations Échocardiographie
de la PAS induites par la ventilation contrôlée, et plus parti- L’échocardiographie présente un intérêt indéniable pour
culièrement de sa composante négative (down, la différence l’évaluation hémodynamique des patients en choc septique et
entre la valeur de pression systolique mesurée au cours d’une présentant un antécédent de cardiopathie, mais nécessite alors
pause téléexpiratoire et la valeur minimale de la PAS) prédit la un échographiste expérimenté, capable de faire le diagnostic de
réponse du débit cardiaque au remplissage vasculaire [28] . Le débit la pathologie préexistante et d’en évaluer l’évolution dans le
maximal serait obtenu pour des valeurs de down inférieures contexte de l’état de choc septique. Même en dehors de cette
à 6 mmHg. Les variations respiratoires de la PA pulsée (définie situation, l’échocardiographie trouve ici une indication de choix.
comme la différence entre la PAS et la PAD) ou PP, définies Elle permet une évaluation du remplissage à l’aide de critères
par la relation : PP = (PPmax–PPmin)/[(PPmax–PPmin)/2] ×100, statiques (diamètre et compliance de la veine cave inférieure,
autre paramètre dérivé de l’interaction cœur–poumon, prédisent dimensions ventriculaires) et dynamiques (variabilité du flux aor-
de façon aussi fiable l’efficacité du remplissage vasculaire [29] . tique, etc.), de la fonction pompe du cœur (fraction d’éjection
du ventricule gauche) et des anomalies annexes (épanchements
pleural, péricardique). Elle permet en outre le diagnostic d’une
Oxymétrie de pouls défaillance cardiaque droite. À la phase aiguë du choc septique,
Elle a pris une place essentielle dans le monitorage de un tableau d’hypovolémie sévère est fréquemment retrouvé.
l’oxygénation. Elle mesure la saturation partielle en oxygène Le diagnostic est alors facile à réaliser en mode bidimension-
(SpO2 ) qui est une valeur approchée de la saturation en oxygène nel, qui visualise alors de petites cavités hyperkinétiques, avec
de l’hémoglobine du sang artériel (SaO2 ). Les limites d’utilisation parfois un collapsus systolique complet de la cavité ventricu-
sont la perte de la détection du pouls comme celle rencontrée laire gauche. Une diminution des surfaces ventriculaires gauches
au cours des états d’hypoperfusion périphérique (état de choc, télésystolique et télédiastolique est objectivée. Une réduction iso-
utilisation de catécholamines, hypoxémie, acidose, anémie) ou lée de surface télédiastolique peut être le fait d’une diminution de
d’hypothermie sévère (< 33 ◦ C). Dans ces situations où la sur- la postcharge ou d’une augmentation de contractilité sans réduc-
veillance de l’oxygénation est essentielle, la mesure de la SpO2 ne tion de la précharge [34] . En dehors de cette situation caricaturale,
peut pas se faire correctement. Une étude récente a montré que la le diagnostic d’hypovolémie est plus difficile à affirmer et repose
SpO2 surestime la SaO2 obtenue aux gaz du sang d’environ 2,75 % sur la conjonction de plusieurs paramètres statiques (dimensions
en moyenne, recommandant de réaliser des gaz du sang artériels si des cavités ventriculaires, évaluation des pressions auriculaires
la SaO2 doit être déterminée avec précision [30] . Cependant, si son droites par la mesure du diamètre de la veine cave inférieure [et
intérêt est faible à la phase initiale du choc (absence de détection sa compliance] et l’évaluation des pressions de remplissage ven-
du pouls), il devient manifeste après la mise en route d’un traite- triculaire gauche par l’analyse Doppler) et dynamiques prenant
ment où la récupération d’un pouls permet d’obtenir une mesure en compte l’interaction cœur–poumon. La mesure des variations
de la SpO2 et de suivre la tendance évolutive de l’oxygénation du diamètre de la veine cave et du flux Doppler aortique (éva-
des patients traités. Ainsi, une valeur basse peut signer un défaut luant le VES) au cours du cycle respiratoire permet, chez les
d’oxygénation ou de perfusion. Une SpO2 supérieure à 94 % est patients en ventilation mécanique, de rechercher une précharge-
plutôt rassurante. dépendance. Il est fréquent de retrouver, chez le patient en état
Enfin, le monitorage de la SpO2 permet une approche non de choc septique et suffisamment rempli, une dilatation ventricu-
invasive de PP [31] . Par ailleurs, l’oxymètre de pouls permet de laire et une réduction de contractilité [28] . La constatation de cette
détecter des épisodes d’hypoxémie précocement chez des patients altération contractile peut être un argument pour l’utilisation

4 EMC - Médecine d’urgence


État septique aigu  25-090-A-10

d’une thérapeutique inotrope si la correction de l’anémie, de est fortement corrélée à la lactatémie initiale des patients : 28,4 %
l’hypovolémie et de la vasoplégie par les vasoconstricteurs n’a pas (> 4 mmol/l) versus inférieure à 5 % (< 2,5 mmol/l) [47] . La lactaté-
permis l’amélioration hémodynamique. L’échocardiographie est mie initiale ne permet pas de détecter exhaustivement tous les
donc un outil de choix pour le diagnostic et de monitorage [35] patients septiques sévères ; il faut une association aux paramètres
dont la répétition informe sur l’évolution du patient et sur l’effet macrocirculatoires initiaux. Cependant, l’évolution de la valeur
des thérapeutiques administrées. de la lactatémie au cours des premières heures de prise en charge
est un bien meilleur indicateur pronostique que la valeur brute de
Pression veineuse centrale lactate initiale [48] . Le taux de décroissance initial du lactate (mal-
La mise en place d’un cathéter veineux central permet une adroitement appelée « clairance » du lactate) reflète l’évolution
meilleure administration des traitements par voie intraveineuse. combinée de la production endogène et de la clairance vraie du
Ce cathéter peut également servir d’instrument de surveillance lactate. Un taux de décroissance supérieur à 10 % au cours des
hémodynamique en mesurant la PVC. La valeur de la PVC n’est six premières heures de prise en charge d’un patient présentant
le plus souvent pas prédictive de la réponse au remplissage, en un sepsis sévère témoigne d’une bonne réponse au traitement
particulier chez le patient en ventilation mécanique, du fait de entrepris et traduit un meilleur pronostic [49] .
la pression intrathoracique positive. À retenir cependant que, en On peut ainsi proposer un dosage de la lactatémie toutes les
ventilation mécanique, une valeur de PVC très basse (< 5 mmHg) deux heures, de façon à suivre l’efficacité des thérapeutiques entre-
est un bon signe prédictif de la réponse au remplissage et qu’au- prises et de porter un pronostic dès la phase initiale des patients
delà de 5 mmHg la seule mesure de la PVC reste insuffisante pour septiques admis aux urgences.
évaluer les besoins en remplissage d’un patient ventilé [36] .
Ainsi, même si le recours à la voie veineuse centrale reste un
sujet de controverse dans les structures d’urgences, il existe une
Protéine C-réactive et procalcitonine
recommandation à son usage chez le patient septique avec un La procalcitonine (PCT) est un biomarqueur largement utilisé
objectif de PVC de 8 à 12 mmHg en ventilation spontanée ou de pour détecter la présence d’une infection bactérienne. On sait
12 à 15 mmHg en ventilation mécanique [37] . qu’il est plus spécifique et plus sensible pour détecter la présence
Des mesures hémodynamiques non invasives par impé- d’une infection bactérienne débutante que ne l’est la protéine
dancemétrie bioélectrique peuvent être réalisées en structures C-réactive (CRP) [50] . La PCT a montré son intérêt sur les plans
d’urgence, notamment en appréciant, entre autres, l’index car- diagnostique, pronostique et thérapeutique (tel que la durée de
diaque qui semble associé à la mortalité hospitalière [38] . l’antibiothérapie) pour la prise en charge des infections bacté-
riennes hospitalisées [51, 52] .
Saturation veineuse centrale en oxygène Au cours du sepsis, la surveillance de la PCT apporte une
La saturation veineuse centrale en oxygène (SvcO2 ) consiste information en termes diagnostique et pronostique. Des études
en la mesure de la saturation en oxygène du sang veineux dans réalisées en structure d’urgence ont également montré que le
un cathéter veineux central. Sa valeur et surtout les variations dosage de la PCT permettait de prédire le risque de bactériémie en
de sa valeur sont assez bien corrélées à celles de la saturation cas d’infection bactérienne, notamment d’origine pulmonaire [53] .
du sang veineux mêlé prélevé au niveau de l’artère pulmonaire Les valeurs-seuils retrouvées sont variables entre 0,4 et 2 mg/l [54] .
(SvO2 ) (par un cathéter artériel pulmonaire), gardant à l’esprit Une valeur de PCT inférieure à 0,1 mg/l rend le diagnostic de sep-
que la SvO2 est 5 à 7 % plus basse que la SvcO2 [39–41] . C’est un sis extrêmement peu probable, avec une valeur prédictive négative
monitorage pertinent de l’adéquation des apports en oxygène au de 98,2 % [55] .
niveau périphérique, qu’il soit mesuré de manière continue ou Il est intéressant d’associer le dosage de ces marqueurs de
discontinue [42] . Le monitorage de la SvcO2 permet d’adapter la l’inflammation au cours du sepsis, avec la mesure de la lactaté-
réanimation hémodynamique précoce du patient en choc sep- mie [56, 57] . La PCT et le lactate sont des marqueurs diagnostiques
tique, et ce dès l’admission aux urgences [7] , même si le caractère et pronostiques indépendants [56] . Sur le plan diagnostique, la PCT
invasif reste limitant. La SvcO2 a une valeur pronostique montrant est plus performante pour porter le diagnostic de sepsis, tandis que
une mortalité supérieure chez les patients hypoxiques (SvcO2 le lactate était plus performant pour juger de la sévérité du sepsis.
≤ 70 %) (40 %) et hyperoxiques (SvcO2 90–100 %) (34 %) par rap- L’existence d’une valeur de PCT supérieure à 0,8 mg/l associée à
port aux patients « normoxiques » (21 %) [43] . une lactatémie supérieure à 2 mmol/l est associée à une morta-
Une autre approche moins invasive est d’appréhender lité de 56 %, tandis que l’élévation d’un seul de ces paramètres
l’oxygénation par la saturation tissulaire en oxygène (StO2 ) selon s’accompagnait d’une mortalité respectivement de 22 et 24 %. La
la méthode near infrared spectroscopy. Cependant, chez des patients mesure simultanée de la lactatémie et de la CRP permet d’apporter
septiques aux urgences, la StO2 n’est pas corrélée à la SvcO2 (sur- des informations pronostiques complémentaires [57] . Les patients
estimant pour des valeurs de SvcO2 basses et inversement) [44] . qui avaient une lactatémie initiale supérieure à 4 mmol/l et une
CRP supérieure à 10 mg/l présentaient une mortalité à 28 jours
Lactate de 44 %, tandis qu’une lactatémie similaire associée à une CRP
inférieure à 10 mg/l s’accompagnait d’une mortalité de seulement
La présence d’une hyperlactatémie est fréquente au cours du
10 %.
sepsis et témoigne de sa gravité. Le lactate plasmatique reste
Le dosage de ces biomarqueurs permet d’évaluer l’importance
aujourd’hui le meilleur biomarqueur du degré de souffrance cel-
de la réponse inflammatoire face à une infection systémique et à
lulaire et doit être mesuré à la phase initiale de la prise en charge
un rôle pronostique (en les confrontant à la clinique).
du sepsis (triage) [1] . Il permet d’apprécier le pronostic et de suivre
l’efficacité de la thérapeutique.
Le lactate doit être préférentiellement dosé sur sang artériel.
Il existe une meilleure corrélation entre lactates veineux et arté-  Conduite à tenir
riel sur le sang prélevé sur voie veineuse centrale que prélevé thérapeutique [1]

sur sang veineux périphérique, la lactatémie périphérique suresti-


mant fréquemment la lactatémie artérielle [45] avec une moyenne Objectifs de la réanimation des six premières
supérieure de 0,3 à 0,6 mmol/l. Une lactatémie veineuse inférieure
à 2 mmol/l permet d’exclure raisonnablement l’existence d’une
heures
élévation du lactate artériel, mais ne permet d’affirmer à coup Les recommandations de 2012 insistent sur la nécessité de
sûr la présence d’une lactatémie artérielle élevée. La lactatémie protocole écrit de réanimation à la phase initiale dès que
capillaire quant à elle a fait l’objet de peu d’études [46] et reste à l’hypoperfusion est reconnue (l’hypoperfusion étant définie
valider. comme une hypotension artérielle persistante après le remplissage
Une lactatémie supérieure à 4 mmol/l traduit l’existence d’un initial ou une lactatémie artérielle ≥ 4 mmol/l). Les objectifs de
choc septique tandis qu’une lactatémie supérieure à 2 mmol/l est cette réanimation initiale reposent sur des paramètres quantitatifs
un critère de gravité potentielle [1] . La mortalité hospitalière à j28 précis :

EMC - Médecine d’urgence 5


25-090-A-10  État septique aigu

Tableau 2.
Conduite à tenir devant un sepsis sévère ou choc septique. qui, associée à l’hétérogénéité locorégionale du tonus vasculaire,
entraîne une anomalie de la redistribution du débit sanguin aux
Le diagnostic de sepsis sévère (ou de choc septique) conduit à dépens du territoire splanchnique. Au cours du choc septique,
Mettre en place, sans délai, une voie d’abord vasculaire de bon calibre et le remplissage doit être rapidement accompagné d’une adminis-
démarrer un remplissage vasculaire par des cristalloïdes (30 ml/kg), en tration de substances vasoactives [64] . La mise en route d’un tel
évaluant la réponse hémodynamique (index cliniques de remplissage traitement est recommandée d’emblée en cas de PAD inférieure à
vasculaire, lactate, diurèse, mesure de la PVC et SvcO2 ) 40 mmHg ou après l’absence d’efficacité du remplissage vasculaire
Prélever sans délai deux séries d’hémocultures, et obtenir les autres par des cristalloïdes.
prélèvements à visée microbiologique guidés par l’examen clinique L’objectif est de maintenir une PAM supérieure ou égale à
Puis administrer des antibiotiques sans délai (dans l’heure et au 65 mmHg. Une étude a montré qu’une titration de noradréna-
maximum dans les trois heures) a , adaptés à l’origine présumée du foyer line dans l’objectif d’obtention d’une PAM à 65 mmHg permet
infectieux, à l’épidémiologie générale et locale, et aux risques de préserver la perfusion tissulaire [65] . Il faut noter que cet
spécifiques du patient, en tenant compte du résultat d’éventuels objectif de PAM supérieure ou égale à 65 mmHg est légèrement
examens directs de prélèvements différent du chiffre retenu pour le diagnostic de sepsis sévère
Compléter si nécessaire, les examens biologiques (fonction rénale, (PAM < 70 mmHg). Comme il est souligné dans la SSC, ce niveau
glycémie, hématologie et coagulation) et obtenir un dosage de lactate de PAM doit être adapté individuellement car un sujet jeune sans
s’il n’est déjà disponible, pour préciser les caractéristiques et le antécédent peut tolérer des niveaux de PAM plus bas qu’un patient
retentissement fonctionnel du syndrome septique souffrant d’athérosclérose ou d’hypertension artérielle. L’agent de
Instaurer une surveillance rapprochée des fonctions vitales (PA, diurèse, première intention est la noradrénaline qui augmente la PAM par
SaO2 , lactate) un effet vasoconstricteur avec une faible répercussion sur la Fc
Demander sans délai un avis au réanimateur pour évaluer le patient sur et moins d’augmentation du volume d’éjection systolique (VES)
place et organiser la suite de la prise en charge et son transfert en comparée à la dopamine. La noradrénaline est préférée à la dopa-
réanimation, en tenant compte des aspects éthiques mine [66, 67] , car même si cette dernière est intéressante lorsque la
L’absence de réponse satisfaisante au remplissage vasculaire au-delà de fonction systolique est altérée, elle entraîne plus de tachycardie et
90 minutes (choc septique) impose le transfert rapide dans une structure est reconnue plus arythmogène que la noradrénaline [68] . En effet,
de réanimation, après avoir mis en route l’ensemble des mesures la dopamine augmente la PAM et le débit cardiaque par une aug-
thérapeutiques précédentes, et débuté un traitement vasopresseur. mentation VES et de la Fc à la différence de la noradrénaline. Il
est maintenant reconnu que l’utilisation de la dopamine à faible
PA : pression artérielle. dose ne joue pas de rôle de protecteur de la fonction rénale [69] .
a
L’antibiothérapie (C3G) doit être administrée dès la constatation d’un purpura
d’allure infectieux.
Les recommandations ne retiennent son indication que chez les
patients avec un faible risque de tachyarythmie ou de bradycardie.
La phényléphrine n’est pas recommandée en dehors des
• PVC égale à 8–12 mmHg ; cas de patients présentant des arythmies sévères sous nora-
• PAM supérieure ou égale à 65 mmHg ; drénaline, de débit cardiaque élevé avec une hypotension
• diurèse supérieure ou égale à 0,5 ml/kg par heure ; artérielle ou en sauvetage quand la combinaison de drogues
• SvcO2 égale à 70 % ou SvO2 mêlée égale à 65 %. inotropes/vasoconstrictrices à des faibles doses de vasopressine
Cette stratégie basée sur ces objectifs à atteindre a montré son échoue à atteindre l’objectif de PAM.
efficacité, permettant de diminuer la mortalité absolue à j28 de L’adrénaline n’est pas recommandée en première intention car
17,7 %(in [58] ). elle accroît la demande en oxygène et compromet le débit sanguin
splanchnique. Elle augmente la lactatémie par stimulation des
récepteurs ␤2-adrénergiques du muscle squelettique (en dehors
Remplissage vasculaire de tout processus anaérobique) et peut gêner le suivi de ce para-
mètre (notamment sa clairance) comme guide de la réanimation.
Il ne souffre aucun retard et constitue une urgence dans sa mise Elle est une bonne alternative à la noradrénaline et est recomman-
en route dès le diagnostic de sepsis sévère ou d’état de choc posé. dée en support ou à la place de la noradrénaline pour maintenir
Il est un des quatre éléments des recommandations à réaliser dans un niveau de PA adéquat [70] .
les trois premières heures (Tableau 2). L’utilisation de dobutamine est recommandée après le remplis-
Le choix du produit de remplissage doit selon les dernières sage et la mise en route du traitement vasoconstricteur en présence
recommandations se porter sur un cristalloïde plutôt qu’un col- d’une dysfonction myocardique (augmentation des pressions
loïde. Il était classique de dire qu’il n’existait aucune supériorité de remplissage et bas débit cardiaque) ou de signes persistants
de l’un ou de l’autre mais la littérature de ces dernières années d’hypoperfusion malgré la restauration d’une volémie et d’une
s’est étoffée [59–61] . La recommandation contre l’utilisation des col- PAM adéquates. En 2012, une stratégie basée sur l’augmentation
loïdes (hydroxyéthylamidon 6 %) est basée sur l’augmentation de l’index cardiaque à des niveaux supranormaux prédéterminés
des insuffisances rénales aiguës. L’étude CRYSTAL comparant les
n’est plus de rigueur. À la différence de la dopamine, de la nora-
cristalloïdes aux colloïdes devrait apporter de nouveaux éléments.
drénaline et de l’adrénaline, la dobutamine est la seule amine à
L’utilisation de l’albumine pourrait trouver une indication
diminuer la pression capillaire d’occlusion.
privilégiée dans ce contexte [62] , notamment chez les patients
nécessitant de grandes quantités de cristalloïdes. Une méta- À un stade précoce du choc septique, les taux de vasopres-
analyse ayant agrégé 17 études randomisées a trouvé une baisse sine sont élevés, mais au cours de la progression du choc ils se
modérée de la mortalité absolue de 2,2 % à j28 en utilisant normalisent, entraînant un état de déficience relative en vaso-
l’albumine versus cristalloïde [63] . pressine. L’utilisation de la vasopressine peut être considérée chez
L’utilisation de sérum salé hypertonique n’est pas recomman- les patients présentant un choc septique réfractaire malgré un
dée actuellement. remplissage bien conduit et de hautes doses d’amines vasopres-
Il est recommandé de débuter le remplissage vasculaire par des sives. Elle ne doit pas être proposée en première intention à ce
cristalloïdes (30 ml/kg) en monitorant la réponse au remplissage jour, étant donné l’absence d’études randomisées. À la différence
par des tests dynamiques ou statiques. de la dopamine et de la noradrénaline, la vasopressine possède
un effet vasoconstricteur direct sur le muscle lisse vasculaire, et
est dénuée de tout effet inotrope et chronotrope. Dans toutes les
Catécholamines études menées sur l’utilisation de cet agent au cours du sepsis, il a
été montré une augmentation de la PAM et une discordance des
Les diminutions de la contractilité myocardique et du tonus résultats sur le débit cardiaque qui doit rendre prudente sa pres-
vasoconstricteur se traduisent par une hypotension artérielle cription en cas de dysfonction myocardique. Cet effet semble en
réfractaire au remplissage et péjorative sur un plan pronostique. relation avec des doses élevées. Il est recommandé de ne pas dépas-
Il faut prendre en compte l’hétérogénéité de la diminution de ser une dose de 0,03 à 0,04 U/min. La recommandation retenue
la réponse vasculaire périphérique aux agonistes ␣-adrénergiques en 2012 pour la vasopressine dans le traitement du choc septique

6 EMC - Médecine d’urgence


État septique aigu  25-090-A-10

est son ajout avec la noradrénaline dans l’intention d’atteindre En ce qui concerne les infections virales, une thérapie antivi-
la PAM cible ou de réduire les posologies de noradrénaline en rale doit être débutée le plus tôt possible, notamment contre les
ultime recours [71] . N’étant disponible en France que sous forme Influenza virus.
d’une autorisation temporaire d’utilisation, l’utilisation de la ter- A contrario, il convient de ne pas débuter une antibiothé-
lipressine à la posologie de 1 à 2 mg par voie intraveineuse directe rapie chez les patients souffrant d’un syndrome inflammatoire
(50–70 kg), 1,5 mg (70–90 kg), 2 mg (> 90 kg) a été proposée, en de nature non infectieuse. Il faut garder à l’esprit que plus de
remplacement de la vasopressine. Sa prescription dans le choc 50 % des patients souffrant de sepsis sévère ou de choc septique
septique reste à préciser. bénéficiant d’une antibiothérapie empirique ont des hémocul-
L’utilisation de catécholamines doit amener à réaliser la pose tures négatives même si la cause est réellement bactérienne ou
d’un cathéter artériel dans les meilleurs délais afin de monitorer fongique. L’arrêt du traitement doit rester basé sur le jugement
de manière invasive et continue la PA. clinique.
La question essentielle associée à cette démarche diagnostique
est celle de l’opportunité d’une intervention invasive idéalement
Antibiothérapie réalisée dans les 12 heures suivant le diagnostic (radiologie inter-
ventionnelle ou chirurgie : drainage d’une collection suppurée
La précocité et la qualité (caractère adapté) de l’antibiothérapie ou ablation d’un foyer infecté le plus souvent intra-abdominal
initiale sont des éléments majeurs du pronostic des états septiques [péritonites, abcès parenchymateux ou intra-abdominal, réten-
graves, sinon le plus important. Le taux de mortalité augmente tion d’urines infectées, etc.]), après les manœuvres de réanimation
de 7,6 % pour chaque heure de retard dans le traitement antibio- appropriées (remplissage vasculaire, drogues vasoactives, intuba-
tique [72] . tion et ventilation mécanique, etc.) garant d’une stabilisation de
Les données cliniques permettent généralement de guider l’état hémodynamique et respiratoire. Il ne faut pas oublier que
les prélèvements locaux des sites accessibles, en complément les accès vasculaires peuvent être sources du sepsis imposant leur
des hémocultures systématiques prélevées d’emblée avec exa- retrait.
men direct par Gram, qui oriente le traitement antibiotique.
L’administration d’antibiotiques doit être effectuée dès la cons-
tatation d’un liquide louche ou purulent lors d’une ponction Glucocorticoïdes
lombaire, associée à l’administration de dexaméthasone.
Au cours du choc septique, il existe fréquemment une insuf-
La valeur des prélèvements locaux est très grande lorsqu’il s’agit
fisance surrénalienne, le plus souvent relative (incidence de
de sites normalement stériles prélevés dans de bonnes condi-
6 à 75 %), dont le mécanisme physiopathologique n’est pas
tions d’asepsie (LCS, urines, cavité péritonéale, bronches distales,
univoque. Cet état semble se compliquer d’une résistance péri-
etc.). Ils doivent toujours être interprétés avec prudence en cas
phérique aux corticostéroïdes. Il a également été montré qu’une
de prélèvement en « milieu ouvert » (urines chez un malade
synergie d’action existe entre les corticoïdes et les amines
sondé, plaies et drains, etc.), en particulier chez le malade déjà
vasoconstrictrices, les corticoïdes potentialisant les effets hémo-
hospitalisé.
dynamiques des catécholamines. Au cours du choc septique, la
Le choix des antibiotiques et la décision d’administration
réponse vasculaire aux catécholamines endogènes est diminuée
doivent être pris dans l’heure de la reconnaissance du choc
alors que leur concentration sérique est élevée. Une désensibili-
septique ou de sepsis sévère [73] , tandis que le traitement symp-
sation des récepteurs ␣ et ␤, la production excessive de NO ainsi
tomatique (accès veineux et remplissage vasculaire) est poursuivi.
qu’une hyperperméabilité capillaire pourraient en être la cause.
Le choix du traitement antibiotique est fonction du mode
Il a été montré expérimentalement que les corticostéroïdes aug-
d’acquisition de l’infection (communautaire ou lié aux soins),
mentaient le nombre d’adrénorécepteurs ␣ et ␤, et restauraient
du foyer infectieux supposé, d’un traitement antibiotique
leur sensibilité aux catécholamines. L’insuffisance surrénalienne
récent (dans les trois derniers mois), des comorbidités, et de
relative est définie par un taux de cortisol dans le sang inférieur
l’épidémiologie générale et éventuellement locale (notamment
à 15 ␮g/dl ou entre 15 et 34 ␮g/dl avec une augmentation de la
pour les infections hospitalières) associée à ce type d’infection,
cortisolémie inférieure à 9 ␮g/dl après le test de stimulation à la
de la pharmacocinétique des molécules utilisées et des risques
postadrenocorticotropic hormone.
d’intolérance prévisibles.
Ainsi, l’administration de corticoïdes n’est recommandée qu’au
Les doses prescrites doivent être maximales d’emblée [74] , paren-
cours du choc septique résistant au traitement par remplis-
térales, avec une dose de charge initiale, en particulier pour les
sage vasculaire et catécholamines [1] . Uniquement dans ce cas,
␤-lactamines.
de l’hydrocortisone à la posologie de 200 mg/j est adminis-
En l’absence d’orientation étiologique initiale devant un sep-
trée pour une durée de trois à sept jours environ (évitant les
sis sévère ou un choc septique, un traitement empirique par une
effets rebonds), sans que la durée optimale ne soit connue. Elle
association définie localement (le plus souvent une ␤-lactamine
doit être administrée en perfusion continue (plutôt qu’en boli
à large spectre active sur les staphylocoques, les streptocoques
répétés) afin d’éviter une hyperglycémie et une hypernatrémie.
et les entérobactéries dans les infections communautaires, ou
L’amélioration hémodynamique semble plus le fait d’un effet vas-
une quinolone active sur le pyocyanique dans les infections
culaire que d’un effet modulateur de la réponse inflammatoire. Par
nosocomiales, en association avec un aminoside) est débuté. Il
ailleurs, les recommandations soulignent que les corticostéroïdes
a été montré que la mise en place de procédures sous forme
ne doivent pas être administrés chez des patients en sepsis sans
d’algorithme aidant à la prescription de cette antibiothérapie
choc.
empirique permettait de répondre aux recommandations, notam-
En 2012, il n’est plus recommandé de réaliser de prélèvement
ment en termes de délai de prescription [75] .
pour dosage de la cortisolémie juste avant et une heure après un
Dans tous les cas, le traitement doit être réévalué dès réception
test au Synacthène® pour les patients éligibles à l’hydrocortisone.
des premiers résultats microbiologiques (qu’ils soient positifs ou
Il a été montré que ce test ne permettait pas d’identifier les patients
négatifs) et, de manière systématique, 48 heures après le début du
dits répondeurs (ne nécessitant pas de traitement substitutif) par
traitement afin de prévenir le développement de résistance, de
rapport aux non-répondeurs.
réduire la toxicité et les coûts. La durée de la prescription peut
se baser sur l’évolution de biomarqueurs comme la PCT [76] . Il est
recommandé de ne pas dépasser trois à cinq jours de traitement Produits de support
à large spectre (hors exceptions comme l’endocardite, infection à
Pseudomonas aeruginosa) et de revenir à une antibiothérapie simple L’administration de concentrés globulaires, quant à elle,
dès que le profil est connu pour une durée de sept à dix jours en est appliquée pour optimiser l’oxygénation une fois résolue
dehors des patients présentant une réponse clinique lente, des l’hypoperfusion tissulaire. Elle est indiquée lorsque le taux
sites d’infection non accessibles au drainage, des bactériémies à d’hémoglobine est inférieur à 7 g/dl, en dehors de toute pathologie
S. aureus, certaines infections virales ou fongiques, ou des patients coronaire, d’hypoxémie sévère, d’hémorragie aiguë ou d’acidose
avec déficiences immunitaires (patients neutropéniques). lactique (signant la persistance d’une hypoperfusion tissulaire),

EMC - Médecine d’urgence 7


25-090-A-10  État septique aigu

dans le but d’obtenir, au minimum, un taux d’hémoglobine Tableau 3.


compris entre 7 et 9 g/dl, au mieux une valeur guidée par le suivi Bouquet d’objectifs [1] .
de la SvcO2 (< 70 % avec un hématocrite < 30 %). Pour les 3 premières Mesurer le lactate sérique
Il n’est pas recommandé en 2012 de recourir à l’érythropoïétine heures Prélever des hémocultures avant
comme traitement spécifique de l’anémie associée au sepsis sévère. l’administration des antibiotiques
Le recours au plasma frais congelé ne doit se faire que sur des Prescrire une antibiothérapie probabiliste à
anomalies avérées de la coagulation. large spectre, idéalement dans l’heure suivant
L’utilisation d’antithrombine n’est pas recommandée au cours le diagnostic
du sepsis sévère ou du choc septique. En cas d’hypotension (PAS < 90 mmHg ou
Concernant le recours à la transfusion plaquettaire, il ne doit PAM < 70 mmHg) ou de lactate ≥ 4 mmol/l,
être proposé que lorsque le taux de plaquettes est inférieur ou égal débuter une expansion volémique avec
à 10 000/mm3 en l’absence de saignement, ou inférieur ou égal 30 ml/kg de cristalloïde (kg de poids corporel
à 20 000/mm3 en cas de risque hémorragique. Un taux minimal estimé)
pour assurer l’hémostase de 50 000/mm3 a été retenu notamment Pour les 6 premières Utiliser des vasopresseurs pour traiter
en cas d’hémorragie active, de recours à la chirurgie ou aux pro- heures l’hypotension n’ayant pas répondu à
cédures invasives. l’expansion volémique initiale pour maintenir
Sortant du cadre des urgences, il n’existe aucune indication à une PAM ≥ 65 mmHg
l’utilisation d’immunoglobulines, au sélénium ni à la protéine C En cas d’hypotension artérielle persistante
activée recombinante (retirée du marché). malgré le remplissage vasculaire (choc
septique) ou de lactate ≥ 4 mmol/l :
mesurer la PVC avec un objectif ≥ 8 mmHg ;
mesurer la SvcO2 avec un objectif ≥ 70 %
Utilisation des référentiels de soins Mesurer à nouveau le taux de lactate si élevé :
en réanimation objectif normalisation du taux

Ces référentiels concernent les sédation, ventilation, contrôle PAS : pression artérielle systolique ; PAM : pression artérielle moyenne ; PVC :
de la glycémie, épuration extrarénale, traitement de l’acidose, pression veineuse centrale ; SvcO2 : saturation en oxygène de l’hémoglobine du
sang veineux en veine cave supérieure.
prophylaxie de la thrombose veineuse (héparines de bas poids
moléculaires) et de l’ulcère (inhibiteurs de la pompe à protons).
Quoique n’ayant pas été obtenue strictement chez des patients de
réanimation en sepsis sévère, une réduction de mortalité a pu être vants liés aux comorbidités et/ou à la nature de l’infection. Ces
observée par le contrôle strict de la glycémie à moins de 1,80 g/l éléments déterminent l’orientation du patient :
(après deux mesures successives) [77] . Il est recommandé de contrô- • patient en sepsis : résolution des signes cliniques
ler la glycémie (veineuse ou artérielle, et non capillaire) toutes les d’hypoperfusion, absence de comorbidité significative,
une à deux heures jusqu’à stabilité, puis toutes les quatre heures. type d’infection établi et de pronostic généralement
Il en est de même pour l’utilisation d’une stratégie de ven- favorable : transfert dans une unité pouvant assurer une
tilation protectrice, avec un volume courant de 6 ml/kg et une surveillance non invasive continue avec objectifs tensionnnels
pression de plateau inférieure ou égale à 30 cmH2 O chez les (PAM > 65 mmHg), et de diurèse supérieure à 0,5 ml/kg par
patients ventilés mécaniquement et en positionnant le patient heure, ainsi que le dépistage d’une défaillance viscérale. Tout
intubé–ventilé demi-assis à 30 à 45 ◦ pour éviter le risque objectif non atteint doit faire discuter l’admission secondaire
d’inhalation. dans une unité de réanimation ;
Les recommandations abordent aussi la sédation et la curarisa- • patient en choc septique : persistance totale ou partielle des
tion qui doit le plus possible être évitée (notamment en l’absence signes d’hypoperfusion clinique, lactatémie initiale supérieure
de syndrome de détresse respiratoire aigu), mais dans tous les cas ou égale à 4 mmol/l, présence de comorbidité significative, de
monitorée (train de quatre). signes de défaillance viscérale, type d’infection indéterminé
Il convient de ne pas utiliser les bicarbonates dans le but ou aggravant le pronostic. La présence de l’un de ces facteurs
d’améliorer l’état hémodynamique ou de réduire les besoins en conduit à l’admission d’emblée ou le plus rapidement possible
vasopresseurs en cas d’hypoperfusion induite par une acidose lac- dans une unité de réanimation.
tique si le pH est supérieur ou égal à 7,15.

 Stratégie aux urgences.  Organisation. Programmes


Critères d’orientation éducationnels
Il existe un réel intérêt d’agir vite et de mettre en place des procé-
Stratégie thérapeutique dures d’optimisation diagnostique et thérapeutique (bouquets de
Tout est une question de temps avec une prise en charge pré- la SSC). L’intérêt est médico-économique, permettant de réduire
coce. La SSC a été décomposée en plusieurs « bouquets » : les coûts hospitaliers d’environ 20 %. Le principal facteur limitant
• le premier « bouquet » correspond à la précocité et la qualité à l’application des recommandations réside dans la difficulté de la
de la prise en charge initiale, impliquant différents acteurs reconnaissance des signes de sepsis sévère ou de choc septique [78] ,
de manière coordonnée et apparaissant comme des éléments car même si le diagnostic d’état de choc reste évident la plupart
déterminants du pronostic (Tableau 3) ; du temps, sa nature infectieuse l’est moins. À côté du développe-
• le deuxième « bouquet » apparaît beaucoup plus du ressort ment des protocoles de prise en charge, il convient de sensibiliser
d’une prise en charge spécifique et adaptée à chaque patient, l’équipe soignante par des programmes pédagogiques abordant
se situant dans un second temps, et – en principe – déjà dans le une dynamique entre les équipes des urgences et de réanimation
contexte d’une réanimation « avancée ». sous forme d’une approche collaborative. Plusieurs facteurs limi-
Un algorithme de prise en charge est proposé (Fig. 1). tants ont été soulevés pour l’application des recommandations
dans une structure d’urgence : mettre en place un cathéter arté-
riel, une voie veineuse centrale et un monitorage par la SvcO2 ,
Critères d’orientation en réanimation mais aussi liés au patient lui-même (en particulier la personne
âgée) [79] , à l’équipe soignante, au manque d’espace et au niveau
Cette période de passage aux urgences doit avoir permis organisationnel. Le taux d’adhésion reste inférieur à 50 %, mais
d’évaluer la réponse clinique au remplissage, le niveau des son efficacité en termes de réduction de la mortalité est de nos
défaillances d’organes associées et l’existence de facteurs aggra- jours prouvée [80] .

8 EMC - Médecine d’urgence


État septique aigu  25-090-A-10

Figure 1. Arbre décisionnel. Prise en charge


Infection suspectée + optimisée. PAS : pression artérielle systolique ;
documentation dans PAM : pression artérielle moyenne ; PVC : pression
les 2 heures veineuse centrale ; SvcO2 : saturation en oxygène
de l’hémoglobine du sang veineux en veine cave
supérieure ; SaO2 : saturation artérielle en oxy-
gène ; CG : culots globulaires ; Hte : hématocrite.
Stratification du risque :
PAS < 90 mmHg après
30 ml/kg de cristalloïdes
ou lactate > 4 mmol/l

Antibiotiques dans un
délai de 1 à 3 h et contrôle
de la source

< 8 mmHg
PVC Cristalloïde ou colloïde

> 8-12 mmHg


< 65 mmHg
Diminuer la PAM Catécholamines
consommation
d’oxygène :
> 65 mmHg
sédation et ventilation
< 70 %
mécanique SaO2 > 93 %
SvcO2
CG pour Hte > 30 %

< 70 %
> 70%

inotrope
Non
Objectif atteint

 Conclusion significativement la mortalité. Elles se basent sur des objectifs


précis qui nécessitent d’être réévalués [1] . Les structures d’urgence
La mise en place d’interventions de stratégie d’optimisation (préhospitalières et intrahospitalières) sont l’endroit où doivent
précoce et ciblée semble réaliste, faisable, et permet de diminuer se faire la reconnaissance précoce du sepsis, la mise en place
d’une filière, débuter les mesures précoces de réanimation, et
sensibiliser les équipes médicales et paramédicales aux stratégies
d’optimisation en fonction des conditions locales d’exercice, en
“ Points essentiels insistant sur l’établissement d’une véritable communication avec
le réanimateur pour organiser un transfert rapide en structure de
réanimation basée sur des procédures proposant des algorithmes
• Des recommandations actualisées visant à améliorer les de prise en charge et d’orientation, afin de compléter le monito-
chances de survie de patients souffrant de sepsis sévère rage et de proposer des mesures supplétives.
s’intègrent dans la Surviving Sepsis Campaign. La capacité à mettre en place et faire respecter ces recom-
• La difficulté de la démarche initiale est d’ordre diagnos- mandations semble donner aujourd’hui les premiers résultats de
diminution de mortalité (23 versus 49 %) et de durée de séjour en
tique. réanimation. Des programmes pédagogiques basés sur des séances
• Le monitorage initial comporte les mesures de la PA, Fc,
de simulation semblent être pertinents en termes de sensibilisa-
SpO2 et ETCO2 . Il est complété d’une mesure invasive de la tion [81] .
PA, d’une évaluation par échographie et d’un monitorage L’application des recommandations de la SSC doit s’intégrer
de la SvcO2 (dont l’objectif est supérieur ou égal à 70 %). dans une politique continue de qualité permettant de modifier
• Le remplissage vasculaire par cristalloïdes n’admet les comportements de prise en charge, gages de la réduction de la
aucun retard et constitue une urgence dans sa mise en mortalité hospitalière du sepsis sévère et choc septique.
route dès le diagnostic de sepsis sévère ou de choc sep- Cette attitude permet de sauver une vie tous les six patients
tique posé. présentant cette pathologie [82] .
• Le traitement antibiotique doit être débuté dans la pre-
mière heure suivant le diagnostic de sepsis. Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
• La noradrénaline est la catécholamine vasopressive de relation avec cet article.
choix.
• L’objectif du traitement est, entre autres, l’obtention
d’une PAM supérieure ou égale à 65 mmHg.  Références
• La mise en place d’interventions de stratégie
[1] Dellinger RP, Levy MM, Rhodes A, Annane D, Gerlach H, Opal SM,
d’optimisation précoce et ciblée permet de sauver et al. Surviving sepsis campaign: international guidelines for mana-
une vie tous les six patients. gement of severe sepsis and septic shock, 2012. Intensive Care Med
2013;39:165–228.

EMC - Médecine d’urgence 9


25-090-A-10  État septique aigu

[2] Jacobi J. Pathophysiology of sepsis. Am J Health Syst Pharm [27] Davis RF. Clinical comparison of automated auscultatory and oscillo-
2002;59(Suppl. 1):S3–8. metric and catheter-transducer measurements of arterial pressure. J Clin
[3] Brun-Buisson C, Doyon F, Carlet J. Bacteremia and severe sepsis in Monit 1985;1:114–9.
adults: a multicenter prospective survey in ICUs and wards of 24 hospitals. [28] Tavernier B, Makhotine O, Lebuffe G, Dupont J, Scherpereel P. Systolic
Am J Respir Crit Care Med 1996;154:617–24. pressure variation as a guide to fluid therapy in patients with sepsis-
[4] Brun-Buisson C, Meshaka P, Pinton P, Vallet B. EPISEPSIS: a reappraisal induced hypotension. Anesthesiology 1998;89:1313–21.
of the epidemiology and outcome of severe sepsis in French intensive care [29] Michard F. Changes in arterial pressure during mechanical ventilation.
units. Intensive Care Med 2004;30:580–8. Anesthesiology 2005;103:419–28.
[5] Wiel E, Joulin O, Pétillot P, Lebuffe G, Vallet B. État septique aigu (choc [30] Wilson BJ, Cowan HJ, Lord JA, Zuege DJ, Zygun DA. The accuracy of
septique). EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25- pulse oxymetry in emergency department patients with severe sepsis and
090-A-10, 2007. septic shock: a retrospective cohort study. BMC Emerg Med 2010;10:9.
[6] Dellinger RP, Carlet J, Masur H, Gerlach H, Calandra T, Cohen J, et al. [31] Solus-Biguenet H, Fleyfel M, Tavernier B, Kipnis E, Onimus J, Robin
Surviving sepsis campaign guidelines for management of severe sepsis E, et al. Non-invasive prediction of fluid responsiveness during major
and septic shock. Crit Care Med 2004;32:2169–70 et Intensive Care Med hepatic surgery. Br J Anaesth 2006;97:808–16.
2004;30:536–55. [32] Bota G, Rowe B. Continuous monitoring of oxygen saturation in prehos-
[7] Rivers E, Nguyen B, Havstad S, Ressler J, Muzzin A, Knoblich B, et al. pital patients with severe illness: the problem of unrecognized hypoxemia.
Early goal-directed therapy in the treatment of severe sepsis and septic J Emerg Med 1995;13:305–11.
shock. N Engl J Med 2001;345:1368–77. [33] Kheng CP, Rahman NH. The use of end-tidl carbon dioxide monitoring
[8] Martin MA, Wenzel RP, Gorelick KJ. Gram-negative bacterial sepsis in in patients with hypotension in the emergency department. Int J Emerg
hospitals in the United States-natural history in the 1980s. Prog Clin Biol Med 2012;5:31.
Res 1991;367:111–9. [34] Vieillard-Baron A, Prin S, Chergui K, Dubourg O, Jardin F.
[9] Angus DC, Linde-Zwirble WT, Lidicker J, Clermont G, Carcillo J, Hemodynamic instability in sepsis: bedside assessment by Doppler echo-
Pinsky MR. Epidemiology of severe sepsis in the United States: ana- cardiography. Am J Respir Crit Care Med 2003;168:1270–6.
lysis of incidence, outcome, and associated costs of care. Crit Care Med [35] Haydar SA, Moore ET, Higgins GL, Irish CB, Owens WB, Strout TD.
2001;29:1303–10. Effect of bedside ultrasonography on the certainty of physician clinical
[10] Vallet B, Wiel E, Lebuffe G. Resuscitation from circulatory shock. In: decision making for septic patients in the emergency department. Ann
Fink MP, Abraham E, Vincent JL, Kochanek PM, editors. Textbook of Emerg Med 2012;60:346–58.
critical care. Philadelphia: Elsevier-Saunders; 2005. p. 905–10. [36] Kuma A, Anel R, Bunnell E, Habet K, Zanotti S, Marshall S, et al.
[11] Bone RC, Balk RA, Cerra FB, Dellinger RP, Fein AM, Knaus WA, et al. Pulmonary artery occlusion pressure and central venous pressure fail to
Definitions for sepsis and organ failure and guidelines for the use of predict ventricular filling pressure, cardiac performance, or the response
innovative therapies in sepsis. Chest 1992;101:1656–62. to volume infusion in normal subjects. Crit Care Med 2004;32:691–9.
[12] Perman SM, Goyal M, Gaieski DF. Initial emergency department diagno- [37] Bendjelid K, Romand JA. Fluid responsiveness in mechanically ventilated
sis and management of adult patients with severe sepsis and septic shock. patients: a review of indices used in intensive care. Intensive Care Med
Scand J Trauma Resuscitation Emerg Med 2012;20:41. 2003;29:352–60.
[38] Napoli AM, Machan JT, Corl K, Forcada A. The use of impedance car-
[13] Alberti C, Brun-Buisson C, Chevret S, Antonelli M, Goodman SV, Mar-
diography in predicting mortality in emergency department patients with
tin C, et al. Systemic inflammatory response and progression to severe
severe sepsis and septic shock. Acad Emerg Med 2010;17:452–5.
sepsis in critically ill infected patients. Am J Respir Crit Care Med
2005;171:461–8. [39] Reinhart K, Kuhn HJ, Hartog C, Bredle DL. Continuous central venous
and pulmonary artery oxygen saturation monitoring in the critically ill.
[14] Shapiro NI, Wolfe RE, Moore RB, Smith E, Burdick E, Bates DW.
Intensive Care Med 2004;30:1572–8.
Mortality in Emergency Department Sepsis (MEDS) score: a prospec-
[40] Ladakis C, Myrianthefs P, Karabinis A, Karatzas G, Doslos T, Fildissis
tively derived and validated clinical prediction rule. Crit Care Med
G, et al. Central venous and mixed venous oxygen saturation in critically
2003;31:670–5.
ill patients. Respiration 2001;68:279–85.
[15] Varon J, Acosta P. Is the mortality in the emergency department sepsis
[41] Mozina H, Podbregar M. Near-infrared spectroscopy during stagnant
score a reliable predictive tool for the ED physician? Am J Emerg Med
ischemia estimates central venous oxygen saturation and mixed venous
2008;26:693–4.
oxygen saturation discrepancy in patients with severe left heart failure
[16] Crowe CA, Kulstad EB, Mistry CD, Kulstad CE. Comparison of severity and additional sepsis/septic shock. Crit Care 2010;14:R42.
of illness scoring systems in the prediction of hospital mortality in severe [42] Huh JW, Oh BJ, Lim CM, Hong SB, Koh Y. Comparison of clinical out-
sepsis and septic shock. J Emerg Trauma Shock 2010;3:342–7. comes between intermittent and continuous monitoring of central venous
[17] Nguyen HB, Banta JE, Cho TW, Van Ginkel C, Burroughs K, Wittlake oxygen saturation (ScvO2 ) in patients with severe sepsis and septic shock:
WA, et al. Mortality predicting using current physiologic scoring systems a pilot study. Emerg Med J 2013;30:906–9.
in patients meeting criteria for early goal-directed therapy and the severe [43] Pope JV, Jones AE, Gaieski DF, Arnold RC, Trzeciak S, Shapiro NI, et al.
sepsis resuscitation bundle. Shock 2008;30:23–8. Multi-center study of central venous oxygen saturation (ScvO2 ) as a pre-
[18] Jones AE, Trzeciak S, Kline JA. The sequential organ failure assessment dictor of mortality in patients with sepsis. Ann Emerg Med 2010;55:40–6.
score for predicting outcome in patients with severe sepsis and evidence [44] Vorwerk C, Coats TJ. The prognostic value of tissue oxygen saturation in
of hypoperfusion at the time of emergency department presentation. Crit emergency department patients with severe sepsis or septic shock. Eemrg
Care Med 2009;37:1649–54. Med J 2012;29:699–703.
[19] Mikkelsen ME, Miltiades AN, Gaieski DF, Goyal M, Fuchs BD, Shah [45] Metran Nascente AP, Assunçao M, Guedes CJ, Freitas FG, Mazza BF,
CV, et al. Serum lactate is associated with mortality in severe sepsis Jackiu M, et al. Comparison of lactate values obtained from different sites
independent of organ failure and shock. Crit Care Med 2009;37:1670–7. and their clinical significance in patients with severe sepsis. Sao Paulo
[20] Trzeciak S, Dellinger RP, Chansky ME, Arnold RC, Schorr C, Milcarek Med J 2011;129:11–6.
B, et al. Serum lactate as a predictor of mortality in patients with infection. [46] Collange O. Lactate capillaire et artériel au cours des états de choc.
Intensive Care Med 2007;33:970–7. Congrès de la SFAR, 2012.
[21] Pearse RM. Extending the role of lactate measurement into the prehospital [47] Shapiro NI, Howell MD, Talmor D. Serum lactate as a predictor of mor-
environment. Crit Care 2009;13:115. tality in emergency department patients with infection. Ann Emerg Med
[22] Jones AE, Yannibas V, Johnson C, Kline JA. Emergency department hypo- 2005;45:524–8.
tension predicts sudden unexpected in-hospital mortality: a prospective [48] Bernardin G, Pradier C, Tiger F, Deloffre P, Mattei M. Blood pressure and
cohort study. Chest 2006;130:941–6. arterial lactate level are early indicators of short-term survival in human
[23] Rezende E, Silva Jr JM, Isola AM, Campos EV, Amendola CP, Almeida septic shock. Intensive Care Med 1996;22:17–25.
SL. Epidemiology of severe sepsis in the emergency department and [49] Nguyen HB, Rivers EP, Knoblich BP, Jacobsen G, Muzzin A, Ressler
difficulties in the initial assistance. Clinics 2008;64:457–64. JA, et al. Early lactate clearance is associated with improved outcome in
[24] Broder G, Weil MH. Excess lactate: an index of reversibility of shock in severe sepsis and septic shock. Crit Care Med 2004;32:1637–42.
human patients. Science 1964;143:1457–9. [50] Limper M, de Kruif MD, Druits AJ, Brandjes DP, Van Gorp EC.
[25] Weinstein MP, Reller LP, Murphy JR. The clinical significance of positive The diagnostic role of procalcitonin and other biomarkers in dis-
blood cultures: a comprehensive analysis of 500 episodes of bacteremia criminating infectious from non-infectious fever. J Infect 2010;60:
and fungemia in adults. I. Laboratory and epidemiologic observations. 409–16.
Rev Infect Dis 1983;5:35–53. [51] Hausfater P, Juillien G, Madonna-Py B, Harroche J, Bernard M, Riou B.
[26] Mermel LA, Maki DG. Detection of bacteremia in adults: conse- Serum procalcitonin measurement as diagnostic and prognostic marker in
quences of culturing an inadequate volume of blood. Ann Intern Med febrile adult patients presenting to the emergency department. Crit Care
1993;119:270–2. 2007;11:R60.

10 EMC - Médecine d’urgence


État septique aigu  25-090-A-10

[52] Albrich WC, Dusemund F, Bucher B, Meyer S, Thomann R, Kuhn [67] De Backer D, Biston P, Devriendt J, Madl C, Chochrad D, Aldecoa C,
F, et al. Effectiveness and safety of procalcitonin-guided antibio- et al. Comparison of dopamine and norepinephrine in the treatment of
tic therapy in lower respiratory tract infections in “real life”: an shock. N Engl J Med 2010;362:779–89.
international, multicenter poststudy team. Arch Intern Med 2012;172: [68] De Backer D, Aldeoca C, Njimi H, Vincent JL. Dopamine versus nore-
715–22. pinephrine in the treatment of septic shock: a meta-analysis. Crit Care
[53] Muller F, Christ-Crain M, Bregenzer T, Krause M, Zimmerli W, 2012;40:725–30.
Mueller B, et al. Procalcitonin levels predict bacteremia in patients [69] Kellum J, Decker J. Use of dopamine in acute renal failure: a meta-
with community-acquired pneumonia: a prospective cohort trial. Chest analysis. Crit Care Med 2001;29:1526–31.
2010;138:121–9. [70] Morelli A, Ertmer C, Rehberg S, Lange M, Orecchioni A, Laderchi A,
[54] Jones AE, Fiechtl JF, Brown MD, Ballew JJ, Kline JA. Procalcitonin et al. Phenylephrine versus norepinephrine for initial hemodynamic sup-
test in the diagnosis of bacteremia: a meta-analysis. Ann Emerg Med port of patients with septic shock: a randomized, controlled trial. Crit
2007;50:34–41. Care 2008;12:R143.
[55] Riedel S, Melendez JH, An AT, Rosenbaum JE, Zenilman JM. Procalcito- [71] Russell JA, Walley KR, Singer J, Gordon AC, Hebert PC, Cooper DJ,
nin as a marker for the detection of bacteremia and sepsis in the emergency et al. Vasopressin versus norepinephrine infusion in patients with septic
department. Am J Clin Pathol 2011;135:182–9. shock. N Engl J Med 2008;358:877–87.
[56] Freund Y, Delerme S, Goulet H, Bernard M, Riou B, Hausfater P. [72] Kumar A, Roberts D, Wood KE, Light B, Parrillo JE, Sharma S, et al.
Serum lactate and procalcitonin measurements in emergency room for Duration of hypotensin before initiation of effective antimicrobial therapy
the diagnosis and risk-stratification of patients with suspected infection. is the critical determinant of survival in human septic shock. Crit Care
Biomarkers 2012;17:590–6. Med 2006;34:1589–96.
[57] Green JP, Berger T, Garg N, Shapiro NI. Serum lactate is a better predic- [73] Puskarich MA, Trzeciak S, Shapiro NI, Arnold RC, Horton JM, Stud-
tor of short-term mortality when stratified by C-reactive protein in adult nek JR, et al. Association between timing of antibiotic administration
emergency department patients hospitalized for a suspected infection. and mortality from septic shock in patients treated with a quantitative
Ann Emerg Med 2011;57:291–5. resuscitation protocol. Crit Care Med 2011;39:2066–71.
[58] Wiel E, Gosselin P, Levraut J. Choc septique : du pré-hospitalier [74] Bochud PY, Bonten M, Marchetti O, Calandra T. Antimicrobial therapy
à l’admission en réanimation. Journées d’automne de la SFMU. for patients with severe sepsis and septic shock: an evidence-based review.
http://www.sfmu.org/fr/ressources/jssfmu2013. Crit Care Med 2004;32:S495–512.
[59] Guidet B, Martinet O, Boulain T, Philippart F, Poussel JF, Mazel J, et al. [75] Miano TA, Powell E, Schweickert WD, Morgan S, Binkley S, Sarani B.
Assessment of hemodynamic efficacy and safety of 6% hydroxyethyl- Effect of an antibiotic algorithm on the adequacy of empiric antibiotic
starch 130/0.4 vs. 0.9% NaCl fluid replacement in patients with severe therapy given by a medical emergency team. J Crit Care 2012;27:45–50.
sepsis: the CRYSTMAS study. Crit Care 2012;16:R94. [76] Heyland DK, Johnson AP, Reynolds S, Muscedere J. Procalcitonin for
[60] Myburgh JA, Finfer S, Bellomo R, Billot L, Cass A, Gattas D, et al. reduced antibiotic exposure in the critical care setting: a systematic review
Hydroxyethylstarch or saline for fluid resuscitation in intensive care. N and an economic evaluation. Crit Care Med 2011;39:1792–9.
Engl J Med 2012;367:1901–11. [77] The NICE-SUGAR study investigators. Intensive versus conventional
[61] Perel P, Roberts I. Colloids versus crystalloids for fluid resuscita- glucose control in critically ill patients. N Engl J Med 2009;360:1283–97.
tion in critically ill patients. Cochrane Database Syst Rev 2011;(3): [78] Kakebeeke D, Vis A, de Deckere E, Sandel MH, de Groot B. Lack of
CD000567. clinically evident signs of organ failure affects ED treatment of patients
[62] Finfer S, Bellomo R, Boyce N, French J, Myburgh J, Norton R, et al. A with severe sepsis. Int J Emerg Med 2013;6:4.
comparison of albumin and saline for fluid resuscitation in the intensive [79] Wiel E, Wiel-Fournier V, Fournier P, Puisieux F, Goldstein P. Le choc sep-
care unit. N Engl J Med 2004;350:2247–56. tique. Une situation d’agression aiguë pour le sujet âgé. Reperes Geriatr
[63] Delaney AP, Dan A, McCaffrey J, Finfer S. The role of albumin as a 2006;8:273–6.
resuscitation fluid for patients with sepsis: a systematic review and meta- [80] Puskarich MA, Marchick MR, Kline JA, Steuerwald MT, Jones AE. One
analysis. Crit Care Med 2011;39:386–91. year mortality of patients treated with an emergency department based
[64] Pottecher T, Calva S, Dupont H, SFAR/SRLF workgroup. Haemody- early goal-directed therapy protocol for severe sepsis and septic shock: a
namic management of severe sepsis: recommendations of the French before and after study. Crit Care 2009;13:R167.
Intensive Care Societies (SFAR/SRLF) Consensus Conference, 13 Octo- [81] Nguyen HB, Daniel-Underwood L, Van Ginkel C, Wong M, Lee D,
ber 2005, Paris, France. Crit Care 2006;10:311. Lucas AS, et al. An educational course including medical simulation
[65] Ledoux D, Astiz ME, Carpati CM, Rackow EC. Effects of perfusion for early goal-directed therapy and the severe sepsis resuscitation bundle:
pressure on tissue perfusion in septic shock. Crit Care Med 2000;28: an evaluation for medical student training. Resuscitation 2009;80:674–9.
2729–32. [82] Rivers EP, Katranji M, Jaehne KA, Brown S, Abou Dagher G, Cannon
[66] Sandifer J, Jones AE. Dopamine versus norepinephrine for the treatment C, et al. Early interventions in severe sepsis and septic shock: a review of
of septic shock. Ann Emerg Med 2012;60:372–3. the evidence one decade later. Minerva Anestesiol 2012;78:712–24.

E. Wiel, Professeur des Universités, praticien hospitalier, anesthésiste-réanimateur, urgentiste (eric.wiel@chru-lille.fr).


P. Gosselin, Chef de clinique des Universités – assistant des hôpitaux, urgentiste.
J.-B. Marc, Chef de clinique des Universités – assistant des hôpitaux, urgentiste.
Pôle de l’urgence, CHRU de Lille, 5, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France.
Faculté de médecine de Lille et EA2694 Laboratoire de santé publique, Université Lille Nord de France, Faculté d’ingénierie et de management de la santé,
Lille, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Wiel E, Gosselin P, Marc JB. État septique aigu. EMC - Médecine d’urgence 2015;10(2):1-11 [Article
25-090-A-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Médecine d’urgence 11


¶ 25-090-A-20

Accidents d’exposition au sang


ou aux liquides biologiques
G. Le Guerroué, J.-L. Pourriat

Depuis 1995, la Direction générale de la santé (DGS) a mis en place l’accès à une prophylaxie lors des
accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques (AES) avec risque de transmission du virus de
l’immunodéficience humaine (VIH), pour le personnel de santé. Ultérieurement, la DGS a élargi l’accès de
cette prophylaxie aux expositions non professionnelles, en particuliers sexuelles. Le traitement
postexposition (TPE) est une trithérapie antirétrovirale débutée pour une personne exposée à un risque de
transmission VIH. Le TPE doit être pris le plus tôt possible et au plus tard dans les 48 premières heures
suivant l’exposition. Le TPE associe deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse et un
inhibiteur de la protéase. Un dispositif national a été mis en place dans les établissements de santé pour la
prise en charge rapide des AES. Les services d’urgences ont été associés à cette démarche pour la prise en
charge d’une personne exposée afin de favoriser l’accès rapide aux trithérapies. Un médecin référent
prend le relais pour l’indication du maintien de la prophylaxie et pour assurer le suivi du patient. Le
système de référence est vaste, médecins infectiologues des centres d’information et de soins de
l’immunodéficience humaine (CISIH), généralistes, médecins du travail et des centres de dépistage
anonyme et gratuit (CDAG). Le risque de l’exposition est réévalué selon la source, le délai et l’acte
contaminant. Le TPE est maintenu si le risque est réel. Les co-infections, en particulier les hépatites B et C,
sont aussi surveillées. Dans le cadre des professions de santé, l’application des recommandations
standards et l’utilisation de matériel sécurisé doivent permettre de diminuer la fréquence des AES. En
dehors des situations professionnelles, la prévention de la transmission du VIH est connue par la
population générale mais la possibilité d’un recours à une prophylaxie postexposition semble méconnue
et sous-utilisée.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : VIH ; Évaluation du risque ; Prophylaxie ; Hépatite B ; Hépatite C

Plan ■ Définition
¶ Définition 1 Toute personne exposée par un contact percutané ou cuta-
néomuqueux au sang ou à un liquide biologique d’une autre
¶ Risque de transmission par le VIH, VHB et VHC, épidémiologie 2
personne porteuse du virus de l’immunodéficience humaine
Expositions professionnelles 2
(VIH) ou des hépatites B et C (respectivement VHB ou VHC) est
Expositions non professionnelles 3
victime d’un accident d’exposition aux liquides biologiques et
¶ Prévention des accidents d’exposition au sang 3 sanguins (AELBS ou AES). La majorité des AES survient dans le
Prévention des accidents d’exposition professionnelle 3 cadre du travail (surtout des professions de santé) ou lors d’une
Prévention des accidents d’exposition sexuelle 3 exposition au cours d’un rapport sexuel ou d’utilisation de
Prévention chez le toxicomane 3 drogues intraveineuses.
¶ Modalités de prise en charge des accidents d’exposition au sang 4 La surveillance des contaminations professionnelles chez le
Dispositif de prise en charge 4 personnel de santé a été mise en œuvre de façon rétrospective
Prise en charge spécifique d’un AES aux urgences 4 et prospective en 1991 pour le VIH et en 1997 pour l’hépatite
Évaluation du risque de transmission du VIH 5 C [1, 2].
Traitement postexposition 5 Depuis 1995, les personnes exposées à un AES professionnel
Prophylaxie et conduite à tenir en cas d’exposition au VHB 6 ont une prise en charge thérapeutique renforcée suite aux
Prophylaxie et conduite à tenir en cas d’exposition au VHC 6 résultats de l’enquête montrant une réduction de 80 % du
risque de transmission du VIH chez les soignants victimes d’un
¶ Surveillance et suivi 6
AES ayant pris de la zidovudine (AZT) [3].
Principes généraux 6
Le ministère de la Santé a émis la circulaire DGS/DH/DRT/
Suivi des AES 7
DSS n° 98-228 du 9 avril 1998 et plus récemment la circulaire
¶ Cas particulier de l’enfant 7 DGS/DHOS/DRT/DSS/SD6 A n° 2003-165 du 2 avril 2003 [4],
¶ Conclusion 8 relatives aux recommandations de mise en œuvre d’un traite-
ment antirétroviral après exposition au risque de transmission

Médecine d’urgence 1
25-090-A-20 ¶ Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques

du VIH. Suite à ces circulaires, un dispositif de prise en charge Tableau 1.


des AES a été mis en place dans les hôpitaux [1]. Ce dispositif est Estimation du risque de contamination par le VIH, en fonction du geste
bien rodé pour les professionnels de santé qui bénéficient des lors d’expositions professionnelles [4].
infrastructures de la médecine du travail et des comités de lutte Source VIH positive Probabilité positive
contre les infections nosocomiales (CLIN) dans les hôpitaux. de transmission par acte
Le circuit de prise en charge des AES comprend la consulta- (PTA)
tion d’infectiologie, la médecine du travail mais aussi les
services d’urgences pour un accès permanent aux soins et à un Piqûre avec aiguille après geste en IV ou IA PTA : 0,18 % - 0,45 %
traitement prophylactique. Les médecins des services d’infectio-
logie assurent le relais pour le suivi. Autres expositions percutanées : PTA : 0,18 % - 0,45 %
- piqûre avec aiguille à suture ou après
geste en IM ou SC
■ Risque de transmission - coupure par bistouri
par le VIH, VHB et VHC,
Expositions cutanéomuqueuses : contact PTA : 0,009 - 0,19 %
épidémiologie d’une quantité importante de sang
sur muqueuse ou peau lésée
Peu d’études expérimentales faites chez l’animal permettent
réellement de valider les traitements postexposition (TPE).
L’association d’interféron et de zidovudine (AZT) a montré un Autres cas : morsures, griffures, contacts Pas d’estimation
effet protecteur chez la souris inoculée par le virus RLV de la sanguins sur peau intacte, contact
leucémie murine [5]. de quelques gouttes de sang sur muqueuse
D’autres études ont montré qu’après inoculation intravei- ou peau lésée, contact avec un autre
neuse du simian immunodeficiency virus (SIV) au macaque, si liquide biologique (salive, urine...)
celui-ci avait reçu un traitement antirétroviral dans les 24 heu- VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; IV : intraveineux ; IA : intra-
res et pour une durée suffisante, il existait un effet de préven- artériel ; IM : intramusculaire ; SC : sous-cutané.
tion de l’infection par le SIV [6]. En 2000, une autre étude a
montré que l’administration précoce de zidovudine (AZT), de
aux États-Unis, un chirurgien ayant contaminé une patiente et
lamivudine (3TC) et d’indinavir à des macaques infectés ne les
une infirmière ayant contaminé un patient en France [10-12].
protège pas. Cependant, la charge virale dans ce groupe de
Les CDCs ont estimé la probabilité qu’un chirurgien porteur
macaques traités était significativement abaissée [7].
du VIH infecte son patient durant une intervention entre
Une seule étude clinique, cas-témoins, menée aux États-Unis
0,12 et 1,2 % sans tenir compte de la charge virale [13].
par le Center for Disease Control (CDC) avec la collaboration de
la France, de l’Italie et la Grande-Bretagne, a évalué le risque de Expositions professionnelles au VHC
contamination par le VIH [8]. Cette étude a mis en évidence les
facteurs aggravant le risque de contamination avec par ordre Le risque de séroconversion du VHC lors d’un AES est estimé
décroissant, la profondeur de la blessure, un malade-source en entre 0,3 et 10 %, selon les études [14]. Le temps de séroconver-
stade terminal de la maladie VIH, une aiguille visiblement sion est entre 4 semaines et 6 mois.
souillée de sang et ayant servi à un geste intraveineux ou intra- Le risque est plus important en cas d’exposition avec une
artériel direct. En cas d’exposition percutanée grave présentant piqûre par aiguille souillée creuse intra-artérielle ou
au moins l’un de ces facteurs, le risque de transmission était intraveineuse.
probablement plus de dix fois supérieur à la moyenne (5 % au Depuis la mise en place de la surveillance du risque de
lieu de 0,3 %). Dans cette même étude, l’administration de contamination par l’hépatite C, au 31 décembre 2005, 55 séro-
zidovudine en prophylaxie après AES chez le personnel soignant conversions VHC ont été recensées chez le personnel de santé
réduisait le risque de 80 %. suite à un AES. Dans 50 cas, la séroconversion s’était faite après
une piqûre, dans trois cas il s’agissait de coupure et dans un cas
de contact sur peau lésée ; 46 % des séroconversions étaient
Expositions professionnelles évitables par l’application des précautions standards [9].
Expositions professionnelles au VIH
Expositions professionnelles au VHB
La probabilité de transmission du VIH dépend de la nature de
l’exposition. En cas de source séropositive, le risque de trans- Les séroconversions professionnelles par le VHB sont deve-
mission du VIH après une exposition est estimé globalement à nues exceptionnelles en France depuis 1991, suite à l’obligation
0,32 % (IC 95 % : 0,18-0,45). de vaccination du personnel de santé.
Le risque est important en cas de piqûre profonde par une En l’absence d’immunisation protectrice, le risque de trans-
aiguille intraveineuse ou intra-artérielle. Ce risque est évalué mission est élevé, estimé entre 6 et 45 % [15].
entre 0,18 et 0,45 %. Depuis 2005, l’InVS a élargi la surveillance des AES aux
Bien que la probabilité positive de transmission par acte (PTA) contaminations professionnelles par le VHB [9].
soit la même pour les piqûres avec aiguille après un geste en
intraveineux ou en intra-artériel et les autres expositions
Incidence des AES professionnels
percutanées (PTA : 0,18-0,45 %), le risque est classé important Depuis 2002, la surveillance nationale des AES est faite par le
dans le premier cas et intermédiaire dans le second. La consé- Réseau d’alerte, d’investigation et de surveillance des infections
quence est que le traitement n’est recommandé que dans le nosocomiales (RAISIN) [16].
premier cas (Tableau 1). Au cours de l’année 2004, l’incidence des AES était de
S’il s’agit d’une exposition percutanée avec un temps de 8,9 pour 100 lits d’hospitalisation. Pour 70 % des AES, il
contact de plus de 15 minutes, le risque diminue de 0,19 % à s’agissait de piqûres. Environ un AES sur deux concernait une
0,009 % [4]. infirmière, avec une incidence estimée à 7 % équivalent temps
Le risque est minime après morsure, griffure ou contact bref plein par an. Les médecins déclarent beaucoup moins les
avec le sang (Tableau 1). AES [17]. En ce qui concerne les chirurgiens, ils sont certainement
En France, selon l’Institut de veille sanitaire (InVS), le nombre la catégorie la plus touchée, avec un risque d’accident percutané
de séroconversions VIH chez le personnel de santé, déclaré qui survient dans 1,7 à 6,9 % des interventions chirurgicales [18].
depuis le début de l’épidémie, est de 14 et celui des infections L’utilisation de matériel sécurisé a réduit de 75 % les risques
présumées est de 34 [9]. Inversement, quatre cas de contamina- d’AES [19]. Cependant, dans tous les rapports, en particulier du
tions de patients par le personnel soignant ont été déclarés dont Groupe d’étude sur le risque d’exposition des soignants aux
trois ont été publiés : un dentiste ayant contaminé six patients risques infectieux (GERES) ou de RAISIN, l’observance des

2 Médecine d’urgence
Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques ¶ 25-090-A-20

Tableau 2. Les facteurs augmentant le risque sont le partage immédiat


Expositions sexuelles (rapports non protégés ou avec rupture de du matériel et le nombre de personnes l’ayant utilisé. La
préservatif) [1]. désinfection et le nettoyage du matériel d’injection diminuent
Source VIH positive Probabilité positive de transmission du VIH
le risque.
par acte sexuel (PTAS) La transmission du VHC est plus fréquente lors du partage de
matériel d’administration intraveineuse ou intranasal.
Rapport anal PTAS :
- réceptif : 0,3 - 3,0 % Autres expositions
- insertif : 0,01 - 0,18 %
Lors de piqûre par une aiguille abandonnée, le risque n’est
pas évalué. Aucune transmission n’a été publiée pour ce type
Rapport vaginal PTAS : d’exposition. Ce risque semble plus faible que le risque pris lors
- réceptif : 0,05 - 0,15 % d’une piqûre au cours d’un geste de soin, en raison du calibre
- insertif : 0,03 - 0,09 % souvent plus faible de l’aiguille et de la présence de sang
coagulé obstruant la lumière de l’aiguille.
Rapport oral PTAS :
Lors d’une exposition par contact ou projection de sang sur
peau lésée ou sur muqueuse avec contact prolongé, le risque de
- non estimé
contamination VIH est très faible, avec une probabilité positive
- 0,04 % lors de relations orales passives de 0,006 à 0,19 %.
non protégées avec éjaculation En cas de morsures, griffures, contacts sanguins sur peau
VIH : virus de l’immunodéficience humaine. intacte, contact de quelques gouttes de sang sur muqueuse ou
peau lésée, contact avec un autre liquide biologique (salive,
urines), le risque est très faible.
précautions universelles reste faible et plus de la majorité des AES
En cas de contact sanguin dans ce type d’exposition non
serait évitable en respectant ces précautions de base [15, 16, 20].
professionnelle, le risque de transmission du VHB ou du VHC
n’est pas évalué mais semble plus important que le risque de
Expositions non professionnelles transmission du VIH.

Expositions sexuelles
Expositions au VIH ■ Prévention des accidents
Le risque de contamination lors d’un rapport sexuel avec d’exposition au sang
un(e) partenaire séropositif(ve) varie de 0,04 % lors d’un rapport
oral (fellation réceptive) à 0,82 % après un rapport anal réceptif Prévention des accidents d’exposition
entre hommes et partenaire positif au VIH [14]. Le risque de
contamination d’un rapport vaginal est intermédiaire à 0,1 %, professionnelle
ce risque est plus important pour la femme que pour La sécurité du personnel soignant passe par le respect des
l’homme [21, 22]. recommandations standards, anciennement appelées précau-
Certains facteurs augmentent le risque de transmission : tions universelles. Ces dernières ne tenaient pas compte du
• charge virale élevée, notamment en période de primo- risque de transmission soigné-soignant.
infection (risque multiplié par 20) ou à un stade avancé de la En dehors de ces précautions, le matériel utilisé dans les
maladie (la charge virale dans les sécrétions génitales est gestes invasifs s’est amélioré. De plus en plus de matériel est dit
globalement corrélée à celle de la charge virale plasmatique) ; « sécurisé » (ce matériel est recensé dans un guide du
• autres infections ou lésions chez le partenaire infecté (par GERES) [23].
augmentation de la quantité du virus dans les sécrétions Par ailleurs, la vaccination contre l’hépatite B est obligatoire
génitales) ; pour le personnel soignant depuis la loi du 18 janvier 1991
• infections ou lésions génitales chez la personne exposée ; (article L du CSP et arrêté du 26 avril 1999).
• ectropion du col de l’utérus ; Les précautions standards sont les suivantes :
• menstruations ou saignements lors du rapport sexuel. • rinçage et désinfection de toutes blessures ;
À l’inverse, le risque est plus faible en cas de charge virale • lavage et désinfection des mains entre chaque patient ou
basse ou indétectable sous traitement efficace. Mais il faut savoir entre deux activités ;
que le virus reste détectable dans le tractus génital chez 10 à • port de gants, de lunettes, de masque et de surblouse selon
20 % des hommes ayant une charge virale indétectable. l’acte pratiqué entre chaque patient ou entre deux activités ;
La prise de substances psychoactives ou les rapports sexuels • manipulation du matériel souillé : ne pas recapuchonner les
avec plusieurs partenaires constituent des situations à risque qui aiguilles, avoir des conteneurs adaptés proches du lieu de
incitent à proposer un TPE en cas de rapport anal ou vaginal soins ;
non protégé avec un(e) partenaire de sérologie VIH inconnue • procédures appropriées de stérilisation ;
(Tableau 2). • nettoyage des surfaces à l’eau de Javel.
Expositions au VHB Ces précautions standards sont détaillées dans le
Tableau 3 [24].
Le risque de transmission par voie sexuelle du VHB est plus
élevé que pour le VIH, mais il n’existe pas de données disponi-
bles pour en évaluer la probabilité.
Prévention des accidents d’exposition
sexuelle
Expositions au VHC
La lutte contre le sida passe par la prévention. L’utilisation
Le risque de transmission sexuelle par le VHC est beaucoup systématique des préservatifs (féminins ou masculins) reste le
moins important sauf en cas de relation traumatique ou seul moyen efficace de protection contre le VIH et autres
sanglante. infections sexuellement transmissibles.
Expositions liées à la toxicomanie
En cas de partage de seringues et/ou d’aiguilles entre toxico-
Prévention chez le toxicomane
manes, le risque de transmission du VIH est évalué à 0,67 %. En La prévention passe par l’information des risques de conta-
cas de partage du reste de produit ou de matériel d’injection mination lors du partage des aiguilles, mais aussi de tout le
(cuillères, eau de rinçage, coton...), le risque n’a pas été matériel d’injection, ainsi que le risque de diverses infections
quantifié mais semble très faible. manuportées.

Médecine d’urgence 3
25-090-A-20 ¶ Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques

Tableau 3. Le dispositif de prévention consiste à favoriser les program-


Recommandations standards [24].
mes d’échange de seringues, à favoriser l’approvisionnement à
Recommandations
bas prix de seringues stériles et la délivrance de kits d’injection
à usage unique avec le matériel d’asepsie.
En cas de contact - Immédiatement après piqûre, blessure :
avec du sang ou liquide lavage et antisepsie au niveau de la plaie
biologique - Après projection sur muqueuse ■ Modalités de prise en charge
(conjonctive) : rinçage abondant
des accidents d’exposition au sang
Lavage et/ou désinfection Systématiquement après le retrait
des mains des gants, entre deux patients, entre Dispositif de prise en charge (Fig. 1)
deux activités La conduite à tenir en cas d’AES doit être connue de tous.
Toute personne exposée (dans un contexte professionnel ou
Port de gants - Si risque de contact avec du sang, non professionnel) doit pouvoir consulter un médecin rapide-
Les gants doivent être ou tout autre produit d’origine humaine, ment pour bénéficier si besoin d’un traitement antirétroviral
changés entre les muqueuses ou la peau lésée du patient, postexposition.
deux patients, notamment à l’occasion de soins à risque Pour faciliter et aider à la mise en place de la prise en charge
deux activités de piqûre (hémoculture, pose et dépose des AES, la DGS a émis plusieurs circulaires dont les principales
de voie veineuse, chambres implantables, sont la circulaire de 1998 [1] et celle d’avril 2003 [4].
prélèvements sanguins...) et lors de
Une personne exposée à un AES doit pouvoir consulter en
la manipulation de tubes de prélèvements
urgence un centre spécialisé ou la médecine du travail. En
biologiques, linge et matériel souillés...
dehors des heures ouvrables ou de la possibilité d’accès à une
OU consultation spécialisée, les services d’urgences doivent assurer
- Lors des soins, lorsque les mains cette première consultation et pouvoir délivrer immédiatement
du soignant comportent des lésions les premiers jours du traitement postexposition.
Le délai recommandé entre la survenue d’un AES et la mise
Port de lunettes, Si les soins ou manipulations exposent à sous TPE est de moins de 4 heures, mais le TPE peut être
de masque +/- de surblouse un risque de projection ou d’aérosolisation prescrit jusqu’à 48 heures.
de sang, ou tout autre produit d’origine Au cours de cette première consultation, le médecin évalue le
humaine (aspiration, endoscopie, actes risque et donne immédiatement le traitement pour quelques
opératoires, autopsie, manipulation jours (la première prise est faite sur place).
de matériel et linge souillés...) Un dispositif d’aval est nécessaire avec la possibilité de revoir
un médecin référent et spécialisé. Ce médecin réévalue le risque
Matériel souillé - Matériel piquant tranchant à usage uni- de l’exposition, la nécessité de la poursuite du TPE et organise
que : ne pas recapuchonner les aiguilles, le suivi.
ne pas les désadapter à la main, déposer Ce réseau de référence est organisé en fonction de chaque
immédiatement après usage sans structure de santé. Il peut être assuré par les CISIH, les centres
manipulation ce matériel dans de dépistage anonyme et gratuit (CDAG), les médecins généra-
un conteneur adapté, situé au plus près du listes, la consultation d’infectiologie de l’hôpital, la médecine
soin et dont le niveau maximal de remplis- du travail...
sage est vérifié
- Matériel réutilisable : manipuler avec Prise en charge spécifique d’un AES
précautions ce matériel souillé par du sang
ou tout autre produit d’origine humaine aux urgences
- Vérifier que le matériel a subi une procé- Le service des urgences doit être en mesure de prendre en
dure d’entretien (stérilisation ou désinfec- charge une personne exposée à un AES. Cela implique un
tion) appropriée avant d’être réutilisé protocole écrit et adapté au fonctionnement et à l’activité du
service. Celui-ci, en accord avec la pharmacie hospitalière,
Surfaces souillées Nettoyer puis désinfecter avec de l’eau détient des kits de TPE (conditionnés pour 3 ou 4 jours)
de Javel à 9° fraîchement diluée au 1/5 prédisposés dans la pharmacie des urgences. Un réseau de
(ou tout autre désinfectant approprié) référents est identifié pour le suivi de la personne exposée.
les surfaces souillées par des projections En premier lieu, il est fondamental qu’une personne exposée
de sang, ou tout autre produit d’origine à un AES soit identifiée dès l’accueil aux urgences. Les urgences
humaine triant les patients selon le degré de gravité, un AES est alors
classé en priorité 2, à savoir une prise en charge rapide dans les
Transport de prélèvements Les prélèvements biologiques, le linge 15 minutes (la priorité 1 étant l’urgence vitale).
biologiques, linge et les instruments souillés par du sang Le médecin évalue le risque en fonction du délai, du sujet-
et matériel souillés ou tout autre produit d’origine humaine source et de la nature de l’exposition. Une fiche simple ou le
doivent être évacués du service dans tableau de la DGS peut servir de guide pour les indications au
un emballage étanche, fermé TPE. Dès l’indication d’un TPE, la première prise se fait au cours
de la consultation et un kit de 3 jours est remis au patient.
Au laboratoire Les précautions déjà citées doivent être Le médecin des urgences doit aussi :
prises systématiquement pour tous • informer la personne sur le traitement, ses effets secondaires
les prélèvements et les interactions médicamenteuses ;
• informer de la nécessité du suivi par un spécialiste ;
• mettre tout en œuvre pour connaître le statut sérologique du
Au bloc opératoire Changer régulièrement de gants, porter
deux paires de gants, notamment pour
sujet-source et le faire prélever en cas de statut VIH inconnu ;
l’opérateur principal, lors de suture • faire une déclaration d’accident de travail en cas d’accident
des plans pariétaux professionnel ;
• adresser la personne pour le suivi chez le spécialiste ou chez
Porter masque à visières ou lunettes
de protection
le médecin du travail dans les 3 jours qui suivent.
Dans certaines situations difficiles, le médecin urgentiste ou
Utiliser les techniques opératoires limitant
le médecin de garde doit pouvoir contacter un spécialiste en
les risques
urgence pour une aide à l’indication et au choix du TPE :

4 Médecine d’urgence
Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques ¶ 25-090-A-20

Prise en charge d'un AES aux urgences

Tri : priorité 2 = temps d'attente < 20 minutes

Évaluation des 3 facteurs de risque

2 : sujet source : 3 : type d'exposition :


1 : délai de l'AES < 48 h
statut sérologique VIH sexuelle, professionnelle
positif ou à risque ou autres à risque

Les 3 facteurs sont réunis 1 des facteurs est manquant

TPE : trithérapie avec Pas de trithérapie


Kalectra® + Combivir®

Si accident de travail =>


faire certificat médical initial

Consultation spécialisée à 3 jours Orienter pour suivi sérologique si besoin

Figure 1. Arbre décisionnel. Prise en charge d’un accident d’exposition au sang et aux liquides biologiques (AES) aux urgences. VIH : virus de
l’immunodéficience humaine ; TPE : traitement postexposition.

• si le sujet-source est VIH traité et/ou en échec thérapeutique ; Pour les accidents professionnels, il faut évaluer la blessure, sa
• si le sujet-source est suspect de primo-infection ; nature, sa profondeur, le matériel mis en cause.
• chez la femme enceinte ou allaitante ; Il faut vérifier si la personne a fait les premiers gestes de
• si la personne a un traitement contre-indiquant ou interfé- lavage et de désinfection de la blessure.
rant avec les antirétroviraux (cf. infra). Pour les expositions sexuelles, il faut connaître la date et
l’heure de l’accident, la nature de l’exposition, l’utilisation ou
Évaluation du risque de transmission non de préservatif, rupture ou glissement de préservatif, les
du VIH facteurs de risques associés augmentant le risque de contamina-
tion (infection génitale, lésion génitale, rapport pendant les
Personne-source règles, partenaire appartenant à un groupe à risque) et les
Il est essentiel de connaître le statut sérologique de la situations à risques (partenaires multiples, utilisation de
personne-source. substances psychoactives).
Quand la personne-source est sur place (patient hospitalisé, En cas d’injection de drogues par voie intraveineuse, il faut
partenaire) et son statut sérologique inconnu, après information déterminer le délai, le type de matériel utilisé, la présence de
et avec l’accord de la personne-source, celle-ci est prélevée pour différents usagers et si possible leurs statuts pour les virus VIH,
une sérologie VIH. VHB, VHC.
En cas de séropositivité VIH, il est important de recueillir
d’autres informations sur la personne-source : le stade clinique,
les traitements antérieurs, le taux de lymphocytes CD4 et la Traitement postexposition
charge virale.
Lorsque le statut sérologique de la personne-source est Le TPE est pris en charge à 100 % par l’assurance maladie. Le
inconnu, tous les efforts doivent être consentis à la détermina- coût d’une trithérapie est élevé et 1 mois de Combivir ® -
tion de celui-ci et recourir au test de diagnostic rapide avec Kaletra® revient actuellement à 800 Q.
l’accord de la personne.
Si le statut de la personne-source reste indéterminé, l’évalua- Antirétroviraux conseillés [14]
tion du risque de transmission repose sur le type d’exposition
Le TPE comporte avant tout une trithérapie associant généra-
et sur la prévalence théorique de l’infection à VIH dans la
lement deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase
population à laquelle est supposé appartenir le sujet-source.
inverse (INTI) et un inhibiteur de la protéase (IP).
En cas d’agression sexuelle, dans la mesure du possible, il est
important d’obtenir la sérologie de l’agresseur. Si l’agresseur L’association zidovudine + lamivudine (Combivir ® ) est
n’est pas identifié, il a été considéré que, compte tenu de la actuellement largement utilisée pour sa simplicité de prise,
nature possiblement traumatique du rapport et la notion d’une 1 comprimé matin et soir. Une autre association pourrait être
appartenance de l’agresseur à un groupe de prévalence de prochainement proposée, l’association d’emtricitabine + tenofo-
l’infection à VIH potentiellement élevée (5 % environ selon les vir (Truvada®) qui consiste en 2 comprimés par jour.
données recueillies auprès de différents services d’urgences Parmi les IP/r, on utilise préférentiellement le lopinavir/
médicojudiciaires), la victime bénéficie d’un TPE [4]. ritonavir (Kaletra®). Il permet une simplicité de prise avec sa
nouvelle galénique en comprimés : 2 comprimés matin et soir.
Type d’exposition Le nelfinavir (Viracept ® ) est de moins en moins utilisé,
Le TPE est réservé aux situations à risque identifiable de certaines études ayant montré une tolérance moins bonne que
transmission du VIH. celle du Kaletra® [25, 26].

Médecine d’urgence 5
25-090-A-20 ¶ Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques

Tableau 4. et la démarche de prise en charge en cas d’exposition au VIH


Les indications de la mise sous TPE [1].
est plutôt celle de la prise en charge d’un diagnostic précoce ;
Risque et nature Patient-source
• la nature de l’exposition : évaluer si le risque est important,
de l’exposition moyen ou minime selon le type d’exposition ;
• la personne-source : tout doit être fait pour l’identifier et si
Expositions Infecté par VIH Sérologie inconnue son statut sérologique est inconnu il faut dans la mesure du
professionnelles possible la prélever pour une sérologie VIH.
Risque important : piqûre Prophylaxie Traitement Les contre-indications à l’association zidovudine + lamivu-
profonde, aiguille creuse, recommandée recommandé si sujet- dine (Combivir®) sont les suivantes :
ou dispositif intra-artériel source ou situation • hypersensibilité à l’un des composants ;
ou intraveineux reconnue à risque a • insuffisance hépatique sévère ;
Autres expositions Prophylaxie Prophylaxie non • troubles hématologiques sévères : Hb < 7,5 g/dl, taux de
percutanées avec risque recommandée recommandée neutrophiles < 750/mm3.
intermédiaire : Les contre-indications au lopinavir/ritonavir (Kaletra ®) sont
- piqûre avec aiguille les suivantes :
à suture ou après geste • hypersensibilité à l’un des composants ;
en IM ou SC • association avec astémizol, terfénadine, midazolam, triazolam,
- coupure par bistouri cisapride, amiodarone, pimozide, alcaloïdes de l’ergot de
- expositions cutanéomu- seigle.
queuses avec contact de Le TPE requiert certaines précautions à prendre en cas
plus de 15 minutes d’association avec :
• la contraception orale : diminution de l’efficacité de la pilule
Expositions à risque Prophylaxie non Prophylaxie non
et il faut conseiller une contraception alternative ;
minime : recommandée recommandée
• le Kaletra® : augmentation de la concentration de certains
- morsures, griffures
antiarythmiques et d’inhibiteurs calciques (félodipine,
- contacts sanguin sur nifédipine, nicardipine), modification de la concentration des
peau intacte, contact de anticoagulants (warfarine) ;
quelques gouttes de sang
• les antiépileptiques (barbituriques, phénytoïne, carbamazé-
sur muqueuse ou peau
pine), qui diminuent l’efficacité du lopinavir.
lésée moins de 15 minutes
- autres cas de liquides
biologiques (salive, Prophylaxie et conduite à tenir en cas
urine...) d’exposition au VHB [2, 14]
Exposition sexuelle Si la personne exposée est immunisée (par une vaccination
Rapports anaux Prophylaxie Traitement recom- ou par une infection ancienne guérie), le risque de transmission
recommandée mandé si sujet-source est nul. En cas de doute sur l’immunisation, il faut rechercher
ou situation reconnue le statut sérologique.
à risque a Si le sujet-source est connu, vacciné ou non porteur de
Rapports vaginaux Prophylaxie Traitement l’antigène (Ag) HBs, il n’existe pas de risque de transmission et
recommandée recommandé si sujet- une simple vaccination de l’hépatite B est proposée, sans
source ou situation urgence.
reconnue à risque a La sérovaccination anti-VHB consiste en une vaccination par
Fellation réceptive Prophylaxie Prophylaxie non le vaccin de l’hépatite B et une injection de 500 UI de gamma-
avec éjaculation recommandée recommandée globulines IgG anti-HBs le même jour en deux sites. Les
Exposition chez injections doivent être réalisées le plus tôt possible (dans les
les usagers de drogues 72 heures) dans les cas suivants :
Risque important : partage Prophylaxie Prophylaxie • le sujet-source est déjà connu comme porteur de l’Ag HBs ;
de l’aiguille, de la seringue recommandée recommandée • la recherche d’Ag HBs chez le sujet-source au décours de cet
et/ou de la préparation accident est positive ;
Risques intermédiaires : Prophylaxie Prophylaxie non • la recherche d’Ag HBs est négative chez le sujet-source mais
partage du récipient, recommandée recommandée il a eu des comportements à risque dans les mois précédents.
de la cuillère, du filtre
ou de l’eau de rinçage Prophylaxie et conduite à tenir en cas
IM : intramusculaire ; SC : sous-cutané.
a
Notion de situation à risque : prise de substances psychoactives ; partenaires
d’exposition au VHC [2]
sexuels multiples. Dans les autres cas d’exposition, les experts considèrent que le Aucune prophylaxie vaccinale ou médicamenteuse n’est
rapport bénéfices/risques d’un TPE est insuffisant. Notion de personne à risque :
usagers de drogues intraveineuses ; homme homosexuel et/ou bisexuel ;
possible contre le VHC. En revanche, une surveillance sérologi-
personnes ayant des rapports sexuels non protégés ou avec rupture de préservatif que est recommandée en cas de risque réel, si la source est
avec des personnes au statut sérologique inconnu et appartenant à un groupe où inconnue ou séropositive au VHC.
la prévalence de l’infection est supérieure à 1 %. En cas de séroconversion VHC au cours du suivi, la personne
est adressée à un service d’hépatologie spécialisé dans le VHC
pour bénéficier d’un éventuel traitement curatif par interféron,
associé ou non à la ribavirine.
Indications et contre-indications du TPE
Le médecin qui prend en charge une personne victime d’un
AES, dans le cadre d’une consultation spécialisée ou aux
■ Surveillance et suivi
urgences, évalue le risque de transmission du VIH et instaure un
TPE rapidement si besoin (Tableau 4). Principes généraux
L’indication de la mise sous TPE fait appel à plusieurs Après un AES, une personne doit bénéficier d’un suivi
facteurs : spécialisé et, selon les établissements, de nombreux intervenants
• le délai de l’exposition : le TPE est recommandé le plus tôt médicaux peuvent être impliqués.
possible dans les 4 heures suivant l’AES et au plus tard Une expérience atypique à l’Hôtel-Dieu de Paris montre que
48 heures [1, 3]. Passé ce délai, il n’existe plus d’intérêt au TPE le suivi des AES est aussi possible dans un service d’urgences. Le

6 Médecine d’urgence
Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques ¶ 25-090-A-20

Tableau 5.
Suivi biologique en cas d’exposition aux VIH, VHB et VHC et syphilis en cas d’AES [14].

Source
Personne exposée AES traité AES non traité Exposition sexuelle traitée Exposition sexuelle non traitée
j0 Sérologies VIH, VHB, VHC Sérologies VIH, VHC, VHB Sérologies VHC, VHB Sérologies VHC, VHB
NFS, ALAT (ou anticorps anti-HBs (ou anticorps anti-HBs
ou anti-HBc si vacciné) ou anti-HBc si vacciné)
Créatinine
TPHA, VDRL TPHA-VDRL
bHCG si doute
NFS, ALAT, amylase
bHCG si doute
j15 NFS, ALAT, créatinine PCR VHC si source VHC+ NFS, ALAT
(si ténofovir) Créatinine si ténofovir
PCR VHC si source VHC+
M1 NFS, ALAT Sérologie VIH NFS, ALAT Sérologie VIH
VHC si risque VHC Sérologie VHC et ALAT TPHA, VDRL TPHA et VDRL
M2 Sérologie VIH Sérologie VIH
M3 Sérologie VIH Sérologie VIH et Ac anti-HBc si
Sérologie VHC et ALAT non répondeur ou non vacciné

M4 Sérologie VIH Sérologie VIH


Sérologie VHC et ALAT si risque Anticorps anti-HBs ou anti-HBc
VHC
M6 Sérologie VHC et ALAT Sérologie VHC et ALAT
Anticorps anti-HBc si non Anticorps anti-HBc si non
répondeur ou non vacciné répondeur ou non vacciné
bHCG : hormone chorionique gonadotrope ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; VHB : virus de l’hépatite B ; VHC : virus de l’hépatite C ; NFS : numération formule
sanguine ; ALAT : alanines aminotransférases ; TPHA : treponema pallidum hemagglutination assay ; VDRL : Venereal Disease Research Laboratory ; AES : accident d’exposition
au sang et aux liquides biologiques ; PCR : polymerase chain reaction.

suivi des AES est organisé au sein même du service pour de Suivi des AES sexuels
multiples raisons. L’Hôtel-Dieu se situe dans une zone à risque
élevé d’accidents d’exposition sexuelle (quartier festif et La surveillance est similaire et est conduite sur 4 mois. Les
homosexuel). Cela draine vers le service de nombreuses person- sérologies VIH sont faites à 2 et 4 mois si le patient reçoit un
nes exposées et bien informées de l’existence d’un TPE. Ce TPE. Le suivi peut être arrêté à 3 mois si le patient n’a pas reçu
nombre important d’AES n’était pas absorbé par la consultation de TPE.
d’infectiologie et une nouvelle stratégie d’accueil des AES a été En cas d’AES sexuel, une surveillance de la syphilis avec un
mise en place. Cette organisation spécifique avait été faite en test TPHA et VDRL initial et à 1 mois est proposé.
accord avec les infectiologues de l’Hôtel-Dieu, qui restent les
référents et interlocuteurs privilégiés devant un cas difficile et Surveillance de l’hépatite C
pour une prise en charge particulière. Le suivi des AES s’est
En cas de risque d’exposition au VHC, les sérologies et la
amélioré par ce nouveau circuit, passant de 20 % de retour des
polymerase chain reaction (PCR) VHC sont recommandées. Cette
AES au quatrième jour à 80 % [27].
surveillance pour les AES professionnels n’est faite que si la
Une second travail, en 2004, sur la tolérance et l’observance
source est séropositive au VHC ou si son statut est inconnu.
du TPE sur 1 mois a montré la faisabilité et la pertinence d’un
suivi aux urgences avec un suivi de 100 % à 1 mois [28]. Dans les AES sexuels, la surveillance n’est pas systématique et
est proposée en cas d’exposition traumatique et/ou sanglante.

Suivi des AES (Tableau 5) [14]


Surveillance de l’hépatite B
Le suivi d’un AES est différent selon la prescription ou non
En cas de risque d’exposition au VHB documentée et d’un
d’un TPE.
taux d’anticorps anti-HBs insuffisant < 10 UI, il faut proposer
Suivi des AES professionnels une sérovaccination par le vaccin de l’hépatite B associée à une
injection en deux sites de 500 UI d’IgG anti-HBs.
Pour les AES professionnels, le suivi biologique est de 6 mois.
Ce délai de surveillance, avec ou sans TPE, est exigé pour le
droit à indemnisation en cas de séroconversion.
À la première consultation, un bilan de base est nécessaire ■ Cas particulier de l’enfant
avec le contrôle des sérologies VIH, VHB et VHC. Une numéra-
tion formule sanguine (NFS) et les alanines aminotransférases Les services d’urgences de pédiatrie doivent avoir des kits de
(ALAT) sont faits si un TPE est débuté. En cas de doute sur une trithérapie adaptée aux posologies infantiles.
grossesse, les bHCG sont indispensables. En dehors des situations de risque de contamination périna-
Chez une personne ayant un AES à risque et un TPE, on tale et transmission du VIH par l’allaitement, un enfant peut
conseille un suivi rapproché avec une consultation à 15 jours être exposé suite à une blessure par une aiguille souillée traînant
puis une consultation chaque mois jusqu’à 6 mois. Un bilan par terre, ou par une aiguille utilisée par un proche porteur du
avec NFS et ALAT est prescrit en milieu de traitement. La VIH, par une morsure ou en cas d’agression sexuelle.
lipasémie est faite en cas de point d’appel clinique. Comme chez l’adulte, en cas de blessure par aiguille usagée
En fin de TPE, une NFS et les ALAT sont nécessaires. Ensuite, traînant dans la nature, le risque VIH est faible et une trithéra-
un suivi sérologique est fait avec contrôle du VIH à 2 mois, pie est non indiquée.
4 mois et à 6 mois. En revanche, en cas d’exposition sexuelle ou de piqûre par
À tout moment, devant des signes cliniques évocateurs d’une matériel souillé et contaminé, le risque, s’il est important,
primo infection au VIH, il faut pratiquer une sérologie VIH et justifie une trithérapie de 4 semaines. Il est alors recommandé
une charge virale. d’obtenir un accord écrit des parents.

Médecine d’urgence 7
25-090-A-20 ¶ Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques

“ Points importants
La prise en charge des accidents d’exposition au sang ou liquides biologiques (AES) avec risque de contamination VIH repose sur les
recommandations de la Direction générale de la santé selon la circulaire DGS/DHOS/DRT/DSS/SD6 A n° 2003-165 du 2 avril 2003 et
sur les dernières recommandations d’experts de 2006.
Le traitement postexposition (TPE) a permis de diminuer le risque de transmission du VIH, mais son efficacité reste incertaine.
L’indication du traitement doit être par conséquent réservée à des situations à risque. Tout doit être fait pour connaître le statut
sérologique du sujet-source. La mise sous trithérapie doit être débutée le plus tôt possible et peut être indiquée jusqu’à 48 heures
après l’exposition. Il est essentiel d’informer le patient sur l’intérêt du traitement, les risques d’échec, les effets secondaires et le suivi
qui sera nécessaire.
Chaque établissement de santé doit avoir des procédures en cas d’AES, écrites et validées incluant différentes spécialités, en particulier
les services d’infectiologie et les services d’urgences. En dehors des heures ouvrables des services spécialisés d’infectiologie, les services
des urgences doivent permettre à toute personne exposée au risque de transmission du VIH, un accès au TPE. Les médecins des
urgences, y compris les médecins de garde, doivent connaître les situations exigeant le recours à la trithérapie prophylactique et
pouvoir fournir ce traitement pour 3 à 4 jours. Le suivi des AES sera relayé par des médecins référents des centres d’information et de
soins de l’immunodéficience humaine, de la médecine du travail, des centres de dépistage anonyme et gratuit ou par des médecins
infectiologues.
Le TPE recommandé repose sur une trithérapie associant généralement deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse
(INTI) et un inhibiteur de la protéase (IP). Les INTI recommandés en première intention sont l’association zidovudine + lamivudine
(Combivir®) ou l’association de ténofovir + emtricitabine (Truvada®). Parmi les IP/r, on utilise préférentiellement le lopinavir/ritonavir
(Kaletra®).
La surveillance sérologique de la personne exposée est recommandée jusqu’à 4 mois. Les co-infections sont suivies jusqu’à 6 mois, en
particulier les hépatites B et C.
En amont du TPE, la prévention reste essentielle :
• respect des précautions universelles et utilisation de matériel sécurisé dans le milieu médical ;
• information générale sur les risques de contamination du VIH et ses moyens de prévention.

Les antirétroviraux utilisés sont communément : d’infectiologie, des médecins internistes, des médecins généra-
• la zidovudine ; listes ou du médecin du travail. Ces médecins référents doivent
• la lamivudine ; être identifiés et signalés par écrit dans le protocole des
• le nelfinavir. urgences.
L’avantage de la zidovudine et de la lamivudine est leur Une personne ayant un AES et mise sous TPE a un suivi
présentation en sirop et chez l’adolescent une posologie à recommandé jusqu’à 6 mois en cas de risque de transmission du
1 comprimé deux fois par jour. VIH ainsi que pour les co-infections VHB et VHC. En cas
Le nelfinavir existe en poudre et peut être reconstitué à des d’accident professionnel, un certificat médical initial d’accident
posologies infantiles [29, 30]. de travail est rédigé et le relais est pris par le médecin du travail.
L’existence de la trithérapie prophylactique ne doit pas
entraîner de relâchement dans les mesures de sécurité. En effet,
les efforts conjugués par la mise en place des dispositifs de prise
■ Conclusion en charge précoce des AES, par le matériel utilisé dit sécurisé,
par la mise en place des précautions standards ont permis de
Les AES sont un motif de consultation fréquent dans les diminuer les risques de contamination. Cet effort de prévention
services d’urgences. En effet, les urgences en dehors des heures doit continuer, passant par l’implication de la médecine du
ouvrables ou en l’absence d’un accès facile à une consultation travail.
spécialisée reçoivent les personnes victimes d’AES. L’objectif est Dans la population générale, la prophylaxie en cas d’accident
de débuter un traitement postexposition le plus rapidement d’exposition à risque de transmission du VIH est très peu
possible et avant 48 heures en cas de risque de transmission du connue. La banalisation du sida rend la prévention encore plus
VIH. difficile et montre un désintérêt du public face à cette maladie.
Les services d’urgences doivent avoir des protocoles écrits et Il existe une nécessité de maintenir l’information et la préven-
un circuit bien organisé pour la prise en charge des AES. tion de cette maladie.
Cela implique une formation des médecins urgentistes sur la .

connaissance des indications du TPE, l’intérêt de la recherche


du statut sérologique de la personne-source, l’information à ■ Références
donner.
Le service doit disposer de kits de TPE en nombre suffisant [1] Circulaire DGS/DH/DRT/DSS n°98/228 du 9 avril 1998 relative
pour débuter immédiatement le traitement. aux recommandations de mise en œuvre d’un traitement antirétroviral
Le TPE comprend préférentiellement une trithérapie associant après exposition au risque de transmission du VIH. http://www.sante.
gouv.fr/htm/pointsur/contamination/98_228t.htm.
généralement deux INTI et un IP. Les INTI recommandés en
[2] Circulaire DGS/DH/DRT n°99/680 du 8 décembre 1999 relative aux
première intention sont l’association zidovudine + lamivudine
recommandations à mettre en œuvre devant un risque de transmission
(Combivir ® ) ou l’association de ténofovir + emtricitabine du VHB et du VHC par le sang ou liquides biologiques. Bull Epidémiol
(Truvada ® ). Parmi les IP/r, on utilise préférentiellement le Hebd 2000;(n°2):5-9. http://www.invs.sante.fr/beh/2000/0002/index.
lopinavir/ritonavir (Kaletra®). Le TPE en cas de risque avéré est html.
prescrit pour une durée de 28 jours. [3] Lafon SW, Mooney BD, Mac Mullen JP. A double-blind placebo-
Les urgences établissent un réseau de spécialistes pour le suivi controlled study of the safety and efficacy of Retrovir (zidovudine,
des AES. Ce réseau implique différents services selon les ZDV) as a chemoprophylactic agent in health care workers exposed to
établissements. Il peut s’agir du service de consultations HIV. Conference on Antimicrobial Agents and Chemotherapy, Atlanta,
spécialisées de prise en charge des patients VIH, des services 1990. American Society for Microbiology; 1990. 167p.

8 Médecine d’urgence
Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques ¶ 25-090-A-20

[4] Circulaire DGS/DHOS/DRT/DSS/SD6 A n°2003-165 du 2 avril 2003 [17] Rabaud C, Lepori ML, Vignaud MC, Martin C, May T, Canton P. Acci-
relative aux recommandations de mise en œuvre d’un traitement dents avec exposition au sang au CHU de Nancy : enquête sur le com-
antirétroviral après exposition au risque de transmission du VIH. http: portement du personnel vis-à-vis du risque de contamination par le
//www.sante.gouv.fr/adm/dagpb/bo/2003/03-23/a0231611.htm. VIH. Med Mal Infect 1996;26:327-31.
[5] Ruprecht RM, Chou TC, Chipty F, Sosa MG, Mullaney S, O’Brien L, [18] Bouvet E. Accidents d’exposition au sang au bloc opératoire. Mém
et al. Interferon-alpha and 3’-azido-3’-deoxythymidine are highly Acad Natl Chir 2002;1:37-9.
synergistic in mice and prevent viremia after acute retrovirus exposure. [19] Lamontagne F, Abitboul D, Lolom I, Pelissier G, Tarantola A,
J Acquir Immune Defic Syndr 1990;3:591-600. Descamps JM, et al. Role of the safety-engineered devices in
[6] Tsai CC, Emau P, Follis KE, Beck T, Benveniste R, Bischofberger N, preventing needlestick injuries in 32 french hospitals. Infect Control
et al. Effectiveness of postinoculation®-9-(2-phosphonylmetho- Hosp Epidemiol 2007;28:18-23.
xypropyl-adenine treatment for prevention of persistent simian [20] Tarantola A, Migueres B, Prevot MH, Fleury L, Bouvet E, et GERES.
immunodeficiency virus SIV infection depends critically on timing of Pratiques de chimioprophylaxie après accident exposant au sang chez
initiation and duration of treatment. J Virol 1998;72:4265-73. les personnels soignants dans 155 hôpitaux français en 1998. Résultats
[7] Le Grand R, Vaslin B, Larghero J, Neidez J, Thiebot H, Sellier P, et al. au 01/03/1999. Bull Epidémiol Hebd 1999;n°43:179-81.
Post-exposure prophylaxis with highly active antiretroviral therapy [21] Vittinghoff E, Douglas J, McKirnan D, McQueen K, Buchbinder SS.
could not protect macaques from infection with SIV/VIH chimera. Per-contact risk of human immunodeficiencyvirus transmission
AIDS 2000;14:1864-6. between male sexual partners. Am J Epidemiol 1999;150:306-11.
[8] Cardo DM, Culver DH, Ciesielski CA, Srivastava PU, Marcus R, [22] Jacquez JA, Koopman JS, Simon CP, Longini IM. Role of a primary
Abotboul D, et al. A case-control study of HIV seroconversion in health infection in epidemic of HIV infection in gay cohorts. J Acquir Immune
care workers after percutaneous exposure to HIV-infected blood: public Defic Syndr 1994;7:1169-84.
health implications. N Engl J Med 1997;337:1485-90. [23] GERES. Groupe d’Étude sur le Risque d’Exposition des Soignants aux
[9] Lot F, Abitboul E. Contaminations professionnelles par le VIH, VHC et risques infectieux. http://www.geres.org/.
[24] Circulaire DGS/DH n°98/249 du 20 avril 1998 relative à la prévention
VHB chez le personnel de santé en France, situation au 31 décembre
de la transmission d’agents infectieux véhiculés par le sang ou les liqui-
2005. Bull Epidémiol Hebd 2006. http://www.invs.sante.fr/
des biologiques lors de soins dans les établissements de santé. Bull
publications/2006/contaminations_prof_vih_vhc_vhb/rapport.pdf.
Epidémiol Hebd 1998;n°25:107-11.
[10] Cieselski C, Marianos D, Ou CY, Dumbaugh R, Belkelman R, Gooch B,
[25] Rabaud C, Bevilacqua S, Beguinot I, Dorvaux V, Schuhmacher H,
et al. Transmission of human immunodefiency virus in dental practise.
May T, et al. Tolerability of post-exposure zidovudine + lamivudine +
Ann Intern Med 1992;116:798-905.
nelfinavir prophylaxis of HIV infection. Clin Infect Dis 2001;32:
[11] Lot F, Seguier JC, Fegueux S, Astagneau P, Simon P, Aggoune M, et al.
1494-5.
Probable transmission of HIV from an orthopedic surgeon to patient in [26] Rabaud C, Burty C, Grandidier M, Beguinot I, Christian B, Valle C,
France. Ann Intern Med 1999;130:1-6. et al. Tolerability of post-exposure prophylaxis of HIV infection with
[12] Astagneau P, Lot F, Bouvet E, Lebascle K, Baffoy N, Aggoune M, et al. the combination of zidovudine/lamidovudine and lopinavir/ritonavir
Lookback investigation of patients potentially exposed to HIV type 1 (Combivir® + Kaletra®). Clin Infect Dis 2005;40:303-5.
after a nurse to patient transmission. Am J Infect Control 2002;30: [27] Le Guerroue G, Kierzek G, Hinglais H, Cantin D, Baud MK,
242-5. Pourriat JL. Comment améliorer de manière spectaculaire la
[13] Bell DM, Shapiro CN, Gooch BF. Preventing HIV transmission to compliance des patients victimes d’AES pris en charge aux urgences.
patients during invasives procedures. J Public Health Dent 1993;53: JEUR 2004;17:131.
170-3. [28] Le Guerroue G, Peirera JM, Kierzek G, Trarieux F, Jactat T, Pourriat JL.
[14] In: Rapport 2006. Prise en charge médicale des personnes infectées Suivi des accidents d’exposition sexuelle dans un service d’urgences :
par le VIH : prise en charge des situations d’exposition au risque viral. observance et tolérance de la trithérapie à un mois. JEUR 2006;19:140.
Paris: Médecine-Sciences Flammarion; 2006. p. 302-17. [29] Merchant R, Keshavarz R. Human immunodeficiency virus
[15] Lot F, Migueres B, Abitboul E. Contaminations professionnelles par le postexposure prophylaxis for adolescents and children. Pediatrics
VIH et le VHC chez le personnel de santé, France, situation au 31 2001;108:E38.
décembre 2004. Bull Epidémiol Hebd 2005;n°23:115-6. [30] Havens PL. Postexposure prophylaxis in children and adolescents for
[16] Rapport RAISIN. Surveillance des accidents d’expositions au sang nonocupational exposure to human immunodeficiency virus.American
dans les établissements de santé français. http://www.invs.- Academy of Pediatrics Committee on Pediatrics AIDS. Pediatrics
sante.fr/raisin/. 2003;111:1475-89.

G. Le Guerroué, Praticien hospitalier.


J.-L. Pourriat, Professeur des Universités - praticien hospitalier (jean-louis.pourriat@htd.aphp.fr).
Services des urgences médicochirurgicales et médicojudiciaires, Hôtel-Dieu, AP-HP, Faculté de médecine Paris Descartes - Université Paris V, place du
Parvis-Notre-Dame, 75004 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Le Guerroué G., Pourriat J.-L. Accidents d’exposition au sang ou aux liquides biologiques. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-090-A-20, 2008.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Médecine d’urgence 9
 25-090-A-30

Fièvre au retour de voyage


B. Henry, E. Caumes

La fièvre est un motif fréquent de consultation au retour de voyage. En France, le paludisme à Plasmo-
dium falciparum doit être systématiquement évoqué et éliminé. Les autres causes de fièvre au retour
de voyage sont les arboviroses, les hépatites virales, les salmonelloses, l’amibiase hépatique et les infec-
tions communautaires. Une histoire récente de voyage en pays tropical peut être trompeuse et il faut
aussi garder en tête les infections cosmopolites, notamment urinaires, bronchopulmonaires, cutanées
et oto-rhino-laryngologiques. À l’opposé, la survenue d’une fièvre au retour de voyage doit aussi faire
évoquer systématiquement la possibilité d’une maladie d’importation car certaines d’entre elles sont
à surveiller plus particulièrement, étant donné leur risque épidémique ou leur gravité potentielle. La
démarche diagnostique s’appuie sur un interrogatoire précis également orienté sur le voyage, un examen
clinique rigoureux et quelques examens complémentaires simples d’orientation diagnostique. Néanmoins,
le diagnostic reste parfois indéterminé.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Fièvre ; Voyage ; Paludisme ; Salmonellose ; Arbovirose ; Infections cosmopolites

Plan des moyens de transport aérien. En 2011, 983 millions de touristes


internationaux ont été recensés [1] . En outre, certaines popula-
■ Épidémiologie 1 tions de voyageurs sont de plus en plus représentées, tels les sujets
atteints de comorbidités, personnes âgées [2] , voire immunodépri-
■ Démarche diagnostique 2 mées [3] . Cela élargit l’éventail des pathologies contractées durant
Enquête épidémiologique 2 le voyage ou observées au retour, et rend plus difficile la démarche
Examen clinique 4 clinique.
Examens paracliniques systématiques 4 Dans l’étude la plus rigoureuse à ce jour, datant des années 1980,
Procalcitonine et/ou protéine C réactive 4 15 % des voyageurs rapportaient un problème de santé et 5 %
Autres examens complémentaires 5 consultaient un médecin pendant le voyage ou après le retour [4] .
■ Quels diagnostics selon quels voyages ? 5 Des études plus récentes montrent une augmentation de la
■ Principales causes de fièvre 5 fréquence des maladies en voyage : 67 % dans une étude améri-
Paludisme 5 caine [5] , 70 % dans une étude israélienne [6] . Par ailleurs le taux
Hépatites virales 7 de voyageurs consultant un médecin pendant le voyage et/ou
Salmonelloses « majeures » 8 au retour varie de 8 à 32 % [7] . À noter que moins de 0,5 %
Abcès amibien du foie 8 des voyageurs nécessiteront une évacuation médicale aéropor-
Arboviroses 9 tée [8] . La fièvre est l’un des principaux motifs de consultation
Anthropozoonoses virales 10 en hôpital au retour de voyage, mais sa fréquence dans les diffé-
Diagnostic et traitement des fièvres hémorragiques virales 10 rentes études observationnelles récemment publiées varie de 8 à
Helminthoses invasives 11 77 % [9–12] .
Diarrhées fébriles 11 Les principales causes de consultation au retour de voyage sont
Leishmaniose viscérale 11 les infections respiratoires, les dermatoses, les troubles digestifs
Trypanosomoses humaines africaines 11 et la fièvre [11] . Le paludisme à Plasmodium falciparum représente
Leptospirose 11 la première cause de fièvre au retour de voyage en France,
Borrélioses 12 et doit être systématiquement évoqué et éliminé. Les autres
Rickettsioses 12 causes fréquentes de fièvre liées au voyage sont les infections
Histoplasmose 12 communautaires, les arboviroses, les rickettsioses, les salmonel-
Autres causes de fièvre 12 loses, la leptospirose, l’amibiase hépatique et les hépatites virales
■ Conclusion 12 (Tableau 1) [5, 10, 11, 13–18] . Dans ces études, 8 à 55 % des fièvres au
retour de voyage sont de causes indéterminées et spontanément
régressives. Cependant, un antécédent de voyage en pays tropi-
cal peut être trompeur et il faut insister sur la fréquence élevée
 Épidémiologie des causes cosmopolites de fièvre : infections urinaires, particu-
lièrement chez les femmes [19] , bronchopulmonaires, cutanées et
La fréquence des voyages internationaux s’accroît régulière- oto-rhino-laryngologiques (ORL) (angine, sinusite, otite). La sur-
ment, en raison notamment de la diffusion et de la facilitation venue d’une fièvre au retour de voyage doit aussi faire évoquer la

EMC - Médecine d’urgence 1


Volume 10 > n◦ 1 > mars 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1959-5182(14)59021-6
25-090-A-30  Fièvre au retour de voyage

Tableau 1.
Fréquence (%) des causes de fièvre au retour des tropiques : principales publications.
Études MacLean [18] Doherty [15] O’Brien [16] Casalino [13] D’Acremont [14] Antinori [17] Ansart [11] O’Brien [57] Bottieau [58] Wilson [10]
Année de 1994 1995 2001 2002 2002 2004 2005 2006 2006 2007
publication
Pays Canada UK Australie France Suisse Italie France Australie Belgique International
Type d’étude R P P P P P P P P R
Nombre de 587 195 232 783 336 147 622 1106 1743 24 920
patients inclus
Nombre (%) de 587 (100 %) 195 (100 %) 232 (100 %) 783 (100 %) 336 (100 %) 147 (100 %) 257 (41 %) 624 (56 %) 1743 (100 %) 6957 (28 %)
patients fébriles
Paludisme 32 42,1 26,7 18,5 28,9 47,6 21,8 26,8 27,7 20,9
P. falciparum ND 36,4 7,8 16,7 19 35,4 14 ND 22,1 13,9
P. vivax ND 3,6 17,2 0,9 7,7 9,5 5,4 ND 2,7 5,6
P. ovale ND 2,1 3 1 2,7 2 1,6 ND 2,1 ND
P. malariae ND 0 0 0 1,5 0,7 0 ND 0,8 ND
Hépatite 6 3,1 2,6 2,8 1,5 8,8 10,1 1,4 0,8 1,3
Infections 5 2,6 6,5 10 2,1 2,7 7,8 4 6,5 8,1
respiratoires
basses
Infections 4 2,1 2,2 6,2 2,4 1,4 8,6 2,6 2,6 2,4
urinaires
Dengue 2 6,2 7,8 ND 0,6 3,4 6,2 7,4 3 6,2
Fièvre 2 1,5 3,4 ND 1,2 4,1 ND 4,5 0,8 2
typhoïde/
paratyphoïde
Diarrhée 4 6,7 14,2 12,5 13,1 4,8 21 12 7,2 14,8
Mononucléose 2 0,5 0,4 0,1 0,6 ND ND ND 0,8 ND
infectieuse
Pharyngite/ 7 2 12,1 ND 7,1 ND 2,3 8,2 3,2 2
infection des
VAS
Rickettsiose 1 0,5 2,2 ND 0,6 0,7 1,2 2,6 3,3 1,6
Abcès amibien 1 ND ND ND ND ND ND ND ND 0,3
du foie
Tuberculose 1 2,1 0,4 ND ND 0,7 4,7 ND 1,6 ND
Méningite 1 1,5 0,9 3,4 0,3 ND ND ND ND ND
VIH 0,3 1 0,4 ND ND ND 0,8 ND 0,3 ND
Inconnu 25 ND 9,5 55 7,7 ND ND 7,2 24,4 21,6

UK : Royaume-Uni ; P : prospective ; R : rétrospective ; VAS : voies aériennes supérieures ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; ND : non disponible.

possibilité d’une maladie d’importation associée à un risque épi-


démique potentiel : tuberculose, en particulier chez les migrants,
 Démarche diagnostique
infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), Enquête épidémiologique
arboviroses (dengue et chikungunya), viroses respiratoires (grippe
aviaire et coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient L’enquête « épidémiologique » est fondamentale car elle rend
[MERS-COV]). la possibilité d’une maladie tropicale plus ou moins plausible en
La démarche diagnostique s’appuie sur un interrogatoire précis fonction des données propres au voyage et au voyageur.
orienté sur le voyage, un examen clinique rigoureux et quelques
examens complémentaires d’orientation diagnostique.

Quel voyageur ?
Il faut préciser si le patient a vécu ou vit en zone d’endémie
car si les touristes sont plus à risque de dengue et de

“ Point important bilharziose invasive, les migrants sont plus à risque de patho-
logies tropicales communes [11] . Certaines maladies infectieuses
sont plus fréquentes, plus graves ou d’expression clinique
atypique en cas d’immunodépression (infection par le VIH,
Les causes les plus fréquentes de fièvre liées au voyage sont transplantation, diabète, corticothérapie, traitement immuno-
le paludisme, les infections communautaires, les hépatites suppresseur). On précise les autres comorbidités, potentiellement
virales, les arboviroses, les salmonelloses, la leptospirose, à risque de décompensation à l’occasion d’une pathologie infec-
les rickettsioses, et l’amibiase hépatique. tieuse aiguë, et, pour les femmes, si une grossesse est en
cours.

2 EMC - Médecine d’urgence


Fièvre au retour de voyage  25-090-A-30

Tableau 2.
Liste des médicaments antipaludiques utilisables en chimioprophylaxie chez l’adulte.
Antipaludique Zones Posologie Début du traitement Fin du traitement
avant le départ après le retour
Chloroquine (Nivaquine® 100 mg) 1 1 cp/j 1 jour 4 semaines
Chloroquine 100 mg + proguanil 2 1 cp/j 1 jour 4 semaines
200 mg (Savarine® )
Atovaquone 250 mg + proguanil 2 ou 3 1 cp/j 1 jour 7 jours
100 mg (Malarone® )
Méfloquine 250 mg (Lariam® ) 3 1 cp/sem 8 à 10 jours 3 semaines
Doxycycline 100 mg (Doxypalu® ) 3 1 cp/j 1 jour 4 semaines

Quels pays ? Tableau 3.


Durée d’incubation des principales maladies d’importation.
Il faut considérer le lieu, la situation sanitaire du pays visité, la
saison, les conditions de séjour (zone urbaine et/ou rurale, type Incubation courte (inférieure à 7 jours)
d’hébergement), la durée, le motif du voyage (tourisme, activité Shigellose 1–4 jours
professionnelle, etc.). Les escales éventuelles doivent aussi être
Salmonelloses mineures 1–4 jours
prises en compte, de même que, pour certaines destinations, des
pathologies particulières spécifiques de la région visitée (coccidioï- Choléra 2–7 jours
domycose dans le Sud-Ouest américain par exemple). Des données Peste 2–5 jours
actualisées sur la répartition géographique des principales patho- Fièvre jaune 3–6 jours
logies tropicales sont disponibles dans les services de maladies Dengue 5–8 jours
infectieuses et tropicales, dans des banques de données informa-
Encéphalite japonaise 5–10 jours
tisées (Institut de veille sanitaire, Centers for Disease Control, etc.)
ou dans des ouvrages de référence. Chikungunya 3–12 jours
Incubation longue (supérieure à 7 jours)
Quels risques ? Rickettsiose 5–14 jours
Il faut déterminer les risques encourus par le voyageur, ceux-ci Paludisme à Plasmodium falciparum 7 jours à 2 ans
conditionnant l’exposition à certains agents infectieux : Trichinose 2 jours à 1 mois
• piqûres nocturnes d’anophèles, piqûres diurnes d’Aedes ou de Bilharziose invasive 15–65 jours
Culex : maladie vectorielle ; Histoplasmose 7–21 jours
• morsure animale : maladie d’inoculation ;
Fièvre typhoïde 7–21 jours
• bains en eau douce chaude et stagnante, marche pieds nus :
maladie liée à des pathogènes à pénétration cutanée ; Borrélioses 4–15 jours
• ingestion d’aliments ou d’eau non contrôlés : maladies féco- Syphilis 10–90 jours
orales ; Leptospirose 7–15 jours
• relations sexuelles non protégées : maladies sexuellement trans- Fièvres hémorragiques virales 7–21 jours
missibles ;
Trypanosomiase africaine 7–21 jours
• activités de loisirs particulières : spéléologie, etc. ;
• contacts avec le système de soins : risque de colonisation, voire Brucellose 7–21 jours
infection par des bactéries multirésistantes (BMR). Hépatite A 15–45 jours
Hépatite E 21–65 jours
Quel(s) vaccin(s) ? Hépatite B 45–120 jours
Il faut vérifier la mise à jour du calendrier vaccinal français Primo-infection VIH 15–45 jours
(à l’âge adulte, essentiellement diphtérie, tétanos, poliomyélite, Leishmaniose viscérale Supérieure à 1 mois
coqueluche), et la couverture vaccinale vis-à-vis des maladies Abcès amibien du foie Supérieure à 1 mois
fébriles du voyageur (fièvre jaune, grippe, encéphalite japonaise,
encéphalite à tiques, méningocoque, hépatite A, hépatite B, fièvre VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
typhoïde).

la chimioprophylaxie n’est souvent pas envisageable mais ne dis-


Quelle chimioprophylaxie et quelle prévention
pense pas des autres mesures de protection antivectorielle. Les
contre le paludisme ? différents médicaments utilisables en prophylaxie et leurs indica-
Les modalités de la chimioprophylaxie antipalustre sont pré- tions selon la zone sont résumés dans le Tableau 2. Il convient de
cisées et publiées, chaque année, par le Haut Conseil de santé garder à l’esprit que la prophylaxie, même correctement suivie,
publique [20] . Il faut vérifier si cette prophylaxie était adaptée au n’est pas efficace à 100 %.
pays visité et si l’observance du traitement a été correcte, notam-
ment si la prophylaxie a été poursuivie après la sortie de la zone
d’endémie comme préconisé. L’adhérence aux règles de la prophy- Quelle est la date de retour et le délai écoulé
laxie personnelle antivectorielle doit aussi être évaluée. Les pays
sont classés en quatre zones :
jusqu’à l’apparition des premiers symptômes ?
• 0 : sans paludisme : pas de chimioprophylaxie nécessaire ; Cette donnée est fondamentale, la durée d’incubation des
• 1 : paludisme sans chloroquinorésistance ; symptômes rendant le diagnostic envisagé plus ou moins compa-
• 2 : chloroquinorésistance ; tible selon les dates d’arrivée et de retour (Tableau 3). Les maladies
• 3 : prévalence élevée de chloroquinorésistance ou multirésis- infectieuses se déclarent habituellement moins d’un mois après
tance. la date de retour mais des périodes d’incubation très prolon-
Pour une durée de séjour inférieure à sept jours, une chimio- gées peuvent être observées dans certaines pathologies comme
prophylaxie n’est pas toujours obligatoire : elle est discutée selon le paludisme, l’amibiase colique ou hépatique, la trypanosomose
le pays visité, les conditions de séjour et les possibilités d’accès humaine africaine, la leishmaniose viscérale, la mélioïdose et les
aux soins au retour. A contrario, en cas de séjour de longue durée, hépatites virales.

EMC - Médecine d’urgence 3


25-090-A-30  Fièvre au retour de voyage

Tableau 4.
Principales causes de fièvre au retour de voyage en fonction des signes associés.
Signes associés Bactéries Virus Parasites/Champignons
Syndrome septique Infections bactériennes à porte d’entrée Paludisme, helminthiases invasives,
urinaire, pulmonaire, cutanée amibiase hépatique
Syndrome hémorragique Leptospirose, méningococcémie Fièvre jaune, fièvres hémorragiques virales
transmissibles (Crimée-Congo, Lassa,
Marburg, Ebola), dengue, chikungunya,
hépatite fulminante
Pneumopathie Pneumocoque, légionellose Grippe Histoplasmose
Diarrhée Salmonellose, shigellose, Hépatites virales, rotavirus Paludisme (enfant), Entamoeba histolytica
campylobactériose, yersiniose,
Escherichia coli (ETEC, EAEC, EHEC)
Adénopathies Peste, rickettsiose Primo-infection VIH, dengue et autres Trypanosomiase africaine, leishmaniose
arboviroses viscérale, filariose lymphatique
Algies Hépatites virales, fièvres hémorragiques, Trichinose, sarcocystose
arboviroses
Hépatomégalie Hépatites virales Leishmaniose viscérale, paludisme,
amibiase hépatique
Splénomégalie Typhoïde, brucellose, borrélioses Trypanosomiase africaine, leishmaniose
viscérale, paludisme
Ictère et/ou hépatite Typhoïde, rickettsiose, leptospirose Hépatites virales, fièvre jaune, leptospirose Paludisme
ictérohémorragique, EBV, CMV, HSV,
arbovirus, Hantaan
Éruption cutanée Typhoïde, syphilis secondaire, Dengue et autres arboviroses, Trypanosomiase africaine et
rickettsiose, leptospirose primo-infection VIH, trichinellose sud-américaine, helminthiases invasives,
toxoplasmose, trichinellose
Signes neurologiques Typhoïde, méningite bactérienne Arboviroses Paludisme grave

ETEC : Escherichia coli entérotoxinogène ; EAEC : Escherichia coli entéroaggrégatif ; EHEC : Escherichia coli entérohémorragique ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ;
EBV : Epstein-Barr virus ; CMV : cytomégalovirus ; HSV : herpes simplex virus.

Quels ont été les traitements déjà utilisés ? sensibles. Une hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile
oriente vers une affection bactérienne ou un abcès amibien du
La prise d’anti-infectieux (antipaludiques ou antibiotiques)
foie. Une leuconeutropénie oriente vers le paludisme, la fièvre
dans un but prophylactique ou curatif, et d’antipyrétiques peut
typhoïde, la leishmaniose viscérale. Une hyperéosinophilie est
modifier l’expression clinique d’une maladie infectieuse et, de ce
habituellement due à une helminthose invasive. Une lymphomo-
fait, aboutir à un diagnostic erroné ou retardé en abâtardissant la
nocytose évoque une infection virale. Une plasmocytose évoque
courbe de température ou en décapitant une infection.
une trypanosomose africaine. Une anémie peut être observée dans
Par ailleurs, devant le développement rapide de la multiré-
le paludisme, la leishmaniose viscérale et certaines infections bac-
sistance des bactéries aux antibiotiques dans certaines régions,
tériennes. Une thrombopénie est fréquente au cours du paludisme
phénomène amplifié par les voyages internationaux [21] , tout
et est également observée au cours des arboviroses (dengue notam-
contact avec le système de soins (notamment hospitalisation)
ment), et de la leishmaniose viscérale, ou d’un sepsis sévère.
dans l’année, même sans prescription d’antibiothérapie, doit
La valeur prédictive positive d’une thrombopénie, inférieure à
être recherché et considéré comme à risque de colonisation ou
130 000/ml, est de 67,1 % et la valeur prédictive négative de 87,7 %
d’infection à BMR (bactéries hautement résistantes émergentes
en cas de paludisme [13] .
[BHRe]). Des recommandations du Haut Conseil de santé publique
relatives à la maîtrise de la diffusion des BMR importées ont été
éditées en 2010 [22] . Procalcitonine et/ou protéine C réactive
Examen clinique Les mesures de la protéine C réactive (CRP) et/ou de la procalci-
tonine, avec leurs limites en termes de sensibilité et de spécificité,
L’interrogatoire recherche des signes associés à la fièvre : algies, permettraient d’orienter vers des maladies bactériennes ou para-
signes généraux, digestifs, neurologiques, urinaires, respiratoires, sitaires plutôt que virales à l’origine de la fièvre. La mesure initiale
ORL et cutanés. Il est important de préciser l’évolution de la fièvre, de la CRP permet un suivi évolutif.
sa périodicité éventuelle (en plateau, hectique, récurrente, inter-
mittente), sa tolérance et l’effet des traitements déjà administrés. Frottis sanguin et goutte épaisse
Les signes cliniques permettent d’orienter le diagnostic vers un
ou plusieurs pathogènes mais aucun signe clinique n’est pathog- Ils doivent être pratiqués en urgence en cas d’exposition poten-
nomonique. Les éléments d’orientation en fonction des signes tielle au paludisme. Le résultat du frottis sanguin, examen de
associés sont résumés dans le Tableau 4. première intention, peut être communiqué dans l’heure qui suit
L’examen physique doit être complet avec recherche en priorité le prélèvement. En cas de négativité, une goutte épaisse doit être
des signes de gravité, et donc systématiquement être associé à la réalisée.
prise des constantes vitales (température, pression artérielle, fré- Outre les hématozoaires du paludisme, le frottis sanguin peut
quence respiratoire, fréquence cardiaque) et à la réalisation d’une mettre en évidence des trypanosomes, au cours de la trypano-
bandelette urinaire. somose humaine africaine en phase lymphaticosanguine, et les
Borrelia dans les fièvres récurrentes à poux ou à tiques, ainsi que
des Babesia.
Examens paracliniques systématiques
Hémogramme Hémocultures
Il peut avoir une bonne valeur d’orientation mais les anoma- Elles peuvent permettre l’identification d’une bactérie pyo-
lies de la numération sont le plus souvent non spécifiques et peu gène à l’origine d’une septicémie dans le cadre d’une infection

4 EMC - Médecine d’urgence


Fièvre au retour de voyage  25-090-A-30

communautaire (respiratoire, urinaire, cutanée, ORL) ou d’une montrent une bien moindre importance des pathologies tropi-
salmonelle mais aussi la recherche de leptospires ou de Borrelia cales [9] . Par ailleurs plus que la destination continentale, c’est la
sous certaines conditions. région visitée et les risques pris au cours du voyage qui condi-
tionnent le plus les pathologies observées au retour.
Examen cytobactériologique des urines (ECBU)
Il doit être également pratiqué de façon systématique à la
recherche d’une infection urinaire ou d’arguments indirects pour
 Principales causes de fièvre
certaines pathologies d’importation (hématurie microscopique de Paludisme
la leptospirose, etc.).
C’est le premier diagnostic à évoquer car il peut mettre rapide-
Transaminases ment en jeu le pronostic vital (environ une dizaine de décès/an
en France) : c’est donc une urgence thérapeutique. Le risque de
Elles permettent parfois d’orienter le diagnostic. L’augmen-
paludisme varie en fonction de la région visitée, de l’adhérence
tation privilégiée des alanine aminotransférases (ALAT) oriente
aux conseils de protection individuelle contre les piqûres de
vers une hépatite virale, une arbovirose (dont la fièvre jaune), une
moustiques et du type de chimioprophylaxie utilisée. Depuis
typhoïde, un paludisme. L’augmentation privilégiée des aspar-
quelques années, en plus des quatre espèces parasitaires infectant
tate aminotransférases (ASAT) oriente vers une trichinellose, une
l’homme déjà connues (P. falciparum, P. vivax, P. malariae, P. ovale)
légionellose.
a été décrite une cinquième espèce de Plasmodium associée à des
cas humains, P. knowlesi. Ce parasite est essentiellement retrouvé
Radiographie thoracique en Asie du Sud-Est [24] .
Elle peut mettre en évidence une pneumopathie. Une ascen-
sion de la coupole diaphragmatique droite, une atélectasie de la Épidémiologie du paludisme d’importation
base droite, un comblement du cul-de-sac costodiaphragmatique en France [25]
du même côté sont des éléments indirects faisant suspecter une
En France, le nombre de cas estimé, à partir des cas déclarés,
amibiase hépatique.
a été d’environ 3600 en 2011 et 4000 en 2012, chiffres en forte
diminution par rapport au début des années 2000. Environ 95 %
des patients ont acquis leur paludisme en Afrique. Les accès à
“ Point important P. falciparum, qui rendent compte de 85 % des cas, sont surtout
acquis lors de voyage en Afrique subsaharienne et ceux à P. vivax
en Asie (surtout l’Inde) ou en Amérique centrale.
Examens paracliniques de première intention : Environ 40 % des patients seulement ont suivi une chimio-
numération-formule sanguine (NFS), plaquettes, protéine prophylaxie. Plus des trois quarts des cas surviennent chez des
C réactive, frottis sanguin-goutte épaisse, hémocultures, sujets d’origine africaine résidant en France ou arrivant de pays
d’Afrique [26] . En effet, cette population semble moins bien infor-
ECBU, ASAT, ALAT, radiographie thoracique.
mée du risque d’accès grave et des mesures de chimioprophylaxie,
ou est dissuadée par leur coût. Le délai médian entre le retour de
la zone d’endémie et le diagnostic de paludisme s’échelonne de
cinq jours pour P. falciparum à 69 jours pour P. ovale. Ce délai est
Autres examens complémentaires également fonction du type de prophylaxie suivie. La précocité du
diagnostic et l’adéquation du traitement sont les facteurs essen-
Les données de l’examen clinique et les résultats du bilan bio- tiels de survie en cas de paludisme à P. falciparum. Environ 7 %
logique systématique peuvent conduire à la prescription d’autres des formes sont considérées comme graves. À noter que 36 cas de
examens complémentaires : coproculture en cas de troubles du paludisme chez des femmes enceintes ont été rapportés au Centre
transit intestinal (l’examen parasitologique des selles est à prati- national de référence (CNR) en 2011.
quer également mais la probabilité qu’un parasite digestif soit à Toute pathologie fébrile au retour des tropiques doit être
l’origine d’une diarrhée fébrile est peu élevée en dehors d’Isospora considérée a priori comme pouvant être d’origine palustre et
belli et de Cyclospora cayetanensis), ponction lombaire, imagerie du investiguée comme telle.
système nerveux central (tomodensitométrie, voire imagerie par
résonance magnétique [IRM]) et parfois électroencéphalogramme Présentation clinique
en cas de signes neuroméningés, sérodiagnostic de l’amibiase en Accès palustre non compliqué
cas de suspicion d’amibiase hépatique, sérodiagnostic des infec-
Celui-ci se manifeste par une fièvre associée à divers signes
tions virales en cas de suspicion de virose.
cliniques, tels que diarrhée, vomissements, céphalées, myal-
L’échographie hépatique est le meilleur argument, avec la
gies, splénomégalie, sueurs. La fièvre peut être intermittente,
positivité du sérodiagnostic d’amibiase, pour un abcès amibien
notamment en cas d’accès à Plasmodium non falciparum. La non-
hépatique, mais la séroconversion peut être retardée, expliquant
spécificité des signes rend nécessaire l’évocation systématique du
l’intérêt potentiel de la ponction hépatique.
paludisme devant toute symptomatologie fébrile au retour d’une
D’autres examens pourront être demandés en fonction de
zone d’endémie. Par ailleurs, l’apyrexie n’élimine pas formelle-
l’orientation clinique.
ment le diagnostic, la fièvre étant contemporaine de la lyse des
hématies infectées, phénomène intermittent.

 Quels diagnostics Accès grave


Ces accès sont définis par des critères cliniques et microbio-
selon quels voyages ? logiques rappelés dans le Tableau 5. Ils font toute la gravité de
la pathologie et sont dans la très grande majorité des cas dus
Si l’on se réfère aux études pratiquées dans des centres spécia- à P. falciparum, des accès graves ayant cependant été décrits au
lisés, les risques infectieux diffèrent selon la destination [23] . Ainsi cours d’infection à P. vivax, P. knowlesi, P. malariae. La très grande
la fièvre est plus fréquente après un voyage en Afrique subsaha- majorité des accès graves pris en charge en France le sont chez
rienne (avec en tête de liste le paludisme), les diarrhées aiguës sont des patients n’ayant pas utilisé de prophylaxie, ou de manière
plus fréquentes au retour d’Asie centrale et du Sud, la dengue est inadaptée. Les accès palustres graves engagent le pronostic vital
plus fréquente au retour d’Asie du Sud-Est et les dermatoses sont et la mortalité varie entre 0,26 et 20 % selon les études [23, 27–30] . Les
moins fréquentes en Afrique subsaharienne et en Asie centrale et principaux facteurs de risque de mortalité sont le retard au diag-
du Sud [23] . Néanmoins, ce biais d’observation impacte de façon nostic et au traitement, et la survenue chez les enfants, les sujets
importante les résultats car les études faites en médecine de ville âgés [31, 32] ou les femmes enceintes. Une étude récente menée en

EMC - Médecine d’urgence 5


25-090-A-30  Fièvre au retour de voyage

Tableau 5. allergique, déclenchée par la prise de quinine ou d’un autre


Critères de gravité du paludisme d’importation (d’après [35] ). amino-alcool. Elle est à distinguer des hémolyses à la pri-
Pronostic Critères cliniques ou microbiologiques Fréquence maquine chez un patient déficitaire en glucose-6-phosphate
déshydrogénase (G6PD).
+++ Toute défaillance neurologique incluant : +++ Peu d’études se sont intéressées aux facteurs cliniques et bio-
– obnubilation, confusion, somnolence, logiques prédictifs du paludisme [13–15] . Une étude canadienne a
prostration montré qu’une symptomatologie prolongée, une fièvre, une splé-
– coma avec score de Glasgow < 11 nomégalie et une thrombopénie sont associées au paludisme, mais
+++ Toute défaillance respiratoire incluant : + que la sensibilité est faible [34] . Deux études européennes vont dans
– si VM ou VNI : PaO2 /FiO2 < 300 mmHg le même sens. Une équipe suisse a montré, en analyse multivariée,
– si non ventilé PaO2 < 60 mmHg et/ou que l’existence d’une prophylaxie inadaptée, de sueurs, l’absence
SpO2 < 90 % en air ambiant et/ou FR > 32 de douleurs abdominales, une température supérieure à 38 ◦ C, une
– signes radiologiques : images interstitielles altération de l’état général, une splénomégalie (forte probabilité),
et/ou alvéolaires
une thrombopénie (forte probabilité) et un chiffre de leucocytes
+++ Toute défaillance cardiocirculatoire ++ et d’éosinophiles (< 5 %) normaux sont significativement associés
incluant : à une parasitémie positive chez des patients fébriles au retour
– PAS < 80 mmHg avec signes périphériques de zone d’endémie [14] . Parallèlement, une équipe française a mis
d’insuffisance circulatoire en évidence cinq facteurs prédictifs indépendants de paludisme :
– patient recevant des médicaments
voyage en Afrique subsaharienne, température à 38,5 ◦ C au moins,
vasoactifs quel que soit le chiffre de PA
sueurs, thrombopénie inférieure à 130 000/␮l et une bilirubine
– signes périphériques d’insuffisance
totale supérieure à 18 ␮mol/l [13] . Néanmoins, aucun de ces fac-
circulatoire sans hypotension
teurs n’est associé à une bonne spécificité et sensibilité en dehors
++ Convulsions répétées (au moins 2/24 h) + de la thrombopénie.
++ Hémorragie : définition clinique +
+ Ictère : clinique ou bilirubine totale +++ Examens biologiques
> 50 ␮mol/l L’examen clé est le frottis sanguin-goutte épaisse, permettant le
+ Hémoglobinurie macroscopique + diagnostic positif, le diagnostic d’espèce plasmodiale et la mesure
+ Anémie profonde : Hb < 7 g/dl, Hte < 20 % + de la parasitémie.
+ Hypoglycémie : glycémie < 2,2 mmol/l + Un frottis sanguin négatif n’élimine pas un paludisme et doit
être répété dans les heures qui suivent en cas de forte suspicion
+++ Acidose : bicarbonates < 15 mmol/l ou pH ++
diagnostique. La goutte épaisse est plus sensible et le résultat
< 7,35
peut être rendu dans les deux heures. Il existe aussi des tests
+++ Toute hyperlactatémie, a fortiori si lactates ++ diagnostiques plus rapides comme la détection au moyen de ban-
> 5 mmol/l delettes immunochromatographiques d’antigènes plasmodiaux
+ Hyperparasitémie : > 4 % chez le non-immun +++ tels qu’HRP2, spécifique de P. falciparum, ou la lacticodéshydrogé-
++ Insuffisance rénale : +++ nase (LDH). L’antigène HRP2 reste positif en cas de parasitémie
– créatininémie > 265 mmol/l ou urée dans les 30 jours précédant le prélèvement, contrairement à la
> 17 mmol/l LDH. La performance de ces tests est globalement moins bonne
– diurèse < 400 ml/24 h malgré réhydratation pour les espèces plasmodiales non falciparum. Il existe des tests
combinés ciblant HRP2, la LDH de P. vivax et la LDH commune
VM : ventilation mécanique ; VNI : ventilation non invasive ; PaO2 : pression
partielle de l’oxygène artériel ; FiO2 : fraction inspirée d’oxygène ; FR : fréquence aux quatre espèces plasmodiales (Core® Malaria).
respiratoire ; SpO2 : saturation pulsée en oxygène ; PAS : pression artérielle sys- Par ailleurs, un bilan biologique complet permettra d’identifier
tolique ; PA : pression artérielle ; Hb : hémoglobine ; Hte : hématocrite. certains critères de gravité. On réalisera donc de manière systé-
matique un hémogramme, un bilan d’hémostase complet, une
mesure des fonctions rénales et hépatiques, une glycémie, une
France et incluant 400 accès graves chez des adultes retrouvait mesure de la bicarbonatémie. En cas de signes de gravité, une
l’âge élevé, le score de Glasgow bas et la parasitémie élevée comme gazométrie artérielle avec mesure des lactates sera effectuée.
facteurs pronostiques [30] .
Prise en charge du paludisme d’importation [35]
Autres formes cliniques
La prise en charge thérapeutique dépend de la présentation
L’accès de reviviscence ne concerne que les formes dues à des
clinique initiale.
espèces non falciparum, et est lié à la persistance dans les hépa-
tocytes de formes dormantes du parasite (hypnozoïtes) ; il s’agit Traitement ambulatoire
de frissons brutaux rapidement suivis d’une fièvre élevée et de Les formes non graves de paludisme correspondent à 92 % des
sueurs abondantes ; la périodicité de la fièvre diffère selon l’espèce, accès en France. Certains accès non graves peuvent être pris en
déterminant la classique fièvre tierce (J1-J3-J5...) pour P. falciparum charge en ambulatoire, si les critères suivants sont respectés : prise
(dans le cadre de l’accès simple), P. ovale ou P. vivax, ou quarte orale possible (absence de vomissements), absence d’insuffisance
(J1-J4-J8...) pour P. malariae. rénale, plaquettes supérieures à 50 000/mm3 , hémoglobine supé-
Le paludisme viscéral évolutif concerne essentiellement les rieure à 10 g/dl, parasitémie inférieure à 2 %, absence de certains
expatriés vivant en zone d’endémie palustre, infestés de manière facteurs (isolement, âge extrême, cardiopathie, asplénie, grossesse,
répétée et traités de manière incomplète ; elle représente une difficultés de compréhension), possibilité de joindre téléphoni-
forme de parasitémie chronique avec hémolyse chronique à bas quement le patient, consultation possible à J3 ou J4.
bruit, splénomégalie, hépatomégalie, faible parasitémie. Si ces critères sont remplis, un traitement oral sera administré
La splénomégalie palustre hyperimmune [33] , entité très proche au patient au service des urgences, le patient devant être surveillé
de la précédente, se rencontre surtout chez des adultes vivant au moins deux heures après la prise, notamment afin d’éliminer
ou ayant longtemps vécu en zone d’endémie. Elle est due à une un vomissement.
réaction immunitaire antiplasmodiale excessive et prolongée. Elle En cas d’accès à Plasmodium non falciparum, le traitement repose
réalise un tableau de splénomégalie majeure associée à une éléva- sur la chloroquine, à la posologie de 10 mg/kg les premier et
tion importante des immunoglobulines M (IgM). Dans cette forme deuxième jours, 5 mg/kg le troisième, la dose totale maximale
et la précédente, la sérologie palustre est positive. Sous traitement pour un adulte étant de 600 mg. Par ailleurs, un traitement par
antipaludique prolongé (en règle six mois), la splénomégalie doit primaquine, éradiquant les hypnozoïtes hépatiques de P. vivax et
régresser d’au moins 40 %. P. ovale [36] , responsables des accès de reviviscence, est nécessaire
La fièvre bilieuse hémoglobinurique, rare, est une forme (posologie adulte de 30 mg/j durant 14 jours). Il sera administré
d’hémolyse intravasculaire massive et brutale, immuno- après vérification de l’absence de déficit en G6PD.

6 EMC - Médecine d’urgence


Fièvre au retour de voyage  25-090-A-30

Tableau 6.
Molécules antipaludiques utilisées en France.
Nom Posologie Modalités Durée Contre-indications Principaux effets
d’administration indésirables
Artéméther- 4 cp/12 h Avec une collation 3 jours Allergie Troubles digestifs
Luméfantrine J0 : H0 et H8 grasse Bradycardie, TDR, ATCD Céphalées
(Riamet® ) familiaux de mort subite Allongement du QT
ATCD personnel de QT long
ou risque d’allongement du
QT
Atovaquone-Proguanil 4 cp/j Avec une collation 3 jours Allergie Troubles digestifs
(Malarone® ) grasse Céphalées
Éruption cutanée
Arténimol-Pipéraquine 3 cp/j À jeun 3 jours Risques d’arythmies Céphalées
(Eurartesim® ) Allongement du QTc Allongement du QTc
Méfloquine 25 mg/kg/j 1 jour Allergie, FBH, insuffisance Nausées, vomissements,
(Lariam® ) H0, H8, H16 hépatique sévère, ATCD vertiges
psychiatriques ou de Syndrome dépressif
convulsions Convulsions
Association au valproate
Déconseillé si ATCD
convulsifs, en relais de la
quinine ou association aux
bêtabloquants ; pratique de la
plongée déconseillée
Quinine IV Dose de charge : 16 mg/kg Diluée dans glucosé 5 7 jours ATCD de FBH Cinchonisme
(Quinimax® ) sur 4 heures (quinine base) ou 10 % Troubles de conduction
24 mg/kg/j en 3 injections Hypoglycémie
Artésunate IV 2,4 mg/kg H0, H12, H24 Dilué dans glucosé 5 % 2 à 7 jours Pas de contre-indication Anémie hémolytique
(Malacef® ) puis toutes les 24 heures absolue retardée, inconstante
(maximum 7 jours soit Indication à discuter au
9 doses) premier trimestre de grossesse

TDR : troubles du rythme ; ATCD : antécédent ; FBH : fièvre bilieuse hémoglobinurique ; QTc : QT corrigé.

En cas d’accès à P. falciparum, quatre molécules sont utilisables. cérébral par le mannitol semble délétère dans cette situation [40] .
Les traitements combinés comportant un dérivé de l’artéminisine Les co-infections bactériennes sont fréquentes dans ces formes
(artéméther-luméfantrine, artéméther-pipéraquine) sont à graves. Ainsi, tout accès palustre grave associé à un état de choc
privilégier. L’atovaquone-proguanil ou la méfloquine ont doit faire prescrire une antibiothérapie active essentiellement sur
encore quelques indications. Les schémas posologiques, contre- les bacilles à Gram négatif.
indications et précautions d’emploi de ces antipaludiques sont
détaillés dans le Tableau 6. Surveillance
Il n’y a pas lieu de poursuivre une chimioprophylaxie après un Outre la surveillance des défaillances d’organe initialement
traitement curatif d’un accès palustre à P. falciparum. Le risque de présentes, une surveillance clinique et biologique (frottis-goutte
reviviscence à partir de formes érythrocytaires est écarté par le épaisse) est nécessaire à J3, J7 et J28 afin d’éliminer toute rechute.
traitement curatif schizonticide, à condition que celui-ci ait été
complet.

Traitement hospitalier
Formes non graves. Si les critères cités ci-dessus ne sont
“ Conduite à tenir
pas réunis, la prise en charge se fera initialement en service
d’hospitalisation. En cas de vomissements, la quinine intravei- Paludisme : premier diagnostic à évoquer et à éliminer.
neuse sera utilisée initialement, et relayée dès que possible par une Le traitement est une urgence médicale car il y a un risque
forme orale. En l’absence de vomissements, les molécules citées vital.
pour le traitement ambulatoire pourront être utilisées.
Formes graves. Ces formes relèvent d’une admission en ser-
vice de réanimation ou de soins continus. La prise en charge
de ces accès graves a été modifiée ces dernières années par la
mise en évidence, lors de deux études cliniques menées en zone Hépatites virales
d’endémie, en Asie du Sud-Est [37] et en Afrique [38] , de la supério-
rité de l’artésunate intraveineux sur la quinine. Cette supériorité Toute élévation des transaminases au retour d’un voyage en
s’exprimait par un gain de 20 à 50 % en termes de mortalité. pays tropical doit conduire à la pratique de sérologies des virus des
L’artésunate intraveineux est disponible en France dans le cadre hépatites A, B, C, E, voire D. La plus fréquente des hépatites virales
d’une autorisation temporaire d’utilisation et doit donc être pri- au retour de voyage, en l’absence de vaccination, est l’hépatite A.
vilégié lors des accès graves [39] . Ses modalités d’administration Néanmoins, d’autres virus peuvent avoir un tropisme hépatique
sont détaillées dans le Tableau 6. Un relais par un traitement oral, (Epstein-Barr virus [EBV], cytomégalovirus [CMV], herpes simplex
comme utilisé dans les formes non sévères, est envisageable, après virus [HSV], dengue, chikungunya, fièvre jaune, virus Hantaan,
un minimum de quatre doses, en utilisant alors un traitement VIH) et une cytolyse hépatique modérée peut s’observer dans de
complet. En l’absence de disponibilité de cette molécule, la qui- nombreuses maladies bactériennes et parasitaires.
nine intraveineuse sera utilisée. Le traitement symptomatique des La transmission se fait par liquides biologiques (sanguine, véné-
défaillances d’organe relève des techniques habituelles de la réani- rienne) pour les hépatites B et C, et féco-orale pour les hépatites A
mation, notamment celle des états septiques graves (ventilation et E. Seuls certains sérotypes d’hépatite E déterminent des zoo-
mécanique, épuration extrarénale, etc.). Le traitement de l’œdème noses à l’origine de contamination alimentaire chez l’homme.

EMC - Médecine d’urgence 7


25-090-A-30  Fièvre au retour de voyage

L’incubation est de deux à six semaines pour les hépatites A et E, rechutes, chez le malade non traité, sont fréquentes (10 à 20 %),
et de six semaines à six mois pour les hépatites B et C. ainsi que le portage chronique (5 %), favorisé par la présence d’une
Le tableau clinique est variable, ces infections étant fré- lithiase vésiculaire.
quemment asymptomatiques. Dans certains cas d’hépatite A Biologiquement, il n’y a habituellement pas d’hyperleucocytose
et E, on observe une phase pré-ictérique durant une à deux mais la CRP est souvent élevée [42] . Le diagnostic de certitude
semaines, comportant une asthénie, une fièvre, des nausées, repose sur la mise en évidence de la bactérie dans les hémocul-
des douleurs abdominales, un syndrome pseudogrippal, voire tures (positives dans 90 % des cas en l’absence d’antibiothérapie),
la classique triade de Caroli (céphalées, arthralgies, urticaire) la peau, la moelle et plus tardivement dans les coprocultures. La
en cas d’hépatite A. Cette phase est suivie d’une phase icté- sérologie de Widal-Félix, tardivement positive et peu spécifique,
rique cholestatique (rare en cas d’hépatite E) avec urines foncées, n’est quasiment plus utilisée.
selles décolorées. Le tableau clinique des hépatites aiguës B, C,
D est le plus souvent silencieux. L’encéphalopathie hépatique Traitement de la fièvre typhoïde
se rencontre dans les formes fulminantes, principalement dues Le traitement de la fièvre typhoïde repose sur les antibiotiques à
à l’hépatite A (1/10 000 en cas d’hépatite A). forte pénétration intracellulaire, surtout intramacrophagique. La
Biologiquement, il existe une cytolyse prédominant sur les fréquence des souches de S. typhi résistantes aux fluoroquinolones
ALAT, en règle supérieure à dix fois la normale, une hyperbiliru- ou multirésistantes est en augmentation dans de nombreuses
binémie totale et conjuguée. Un taux de prothrombine inférieur régions, notamment en Asie. Il existe différentes alternatives thé-
à 50 % fait craindre une évolution fulminante. Le diagnostic de rapeutiques :
certitude des hépatites A et E repose sur la présence d’IgM. Des • bêtalactamines : céphalosporines de troisième génération (cef-
techniques de PCR (polymerase chain reaction) réalisées sur le sang triaxone) à la dose de 60 mg/kg par jour pendant 7 à 10 jours
ou les selles sont également disponibles. Le diagnostic des hépa- mais risque d’échec clinique et de rechute car la pénétration
tites aiguës B et C est également sérologique, voire, dans le cas de intracellulaire des bêtalactamines est faible ;
l’hépatite C, par PCR dans le sang en cas de forte suspicion et de • fluoroquinolones (ciprofloxacine, péfloxacine, ofloxacine) à la
séronégativité. dose de 20 mg/kg par jour pendant 14 jours, permettant de
L’évolution des hépatites aiguës A et E est en général bénigne réduire la fréquence du portage chronique ; la gatifloxacine,
en 10 à 15 jours. Plus rarement, il existe des formes prolongées, non encore disponible en France, donne des résultats promet-
des formes cholestatiques, des formes avec rechute ou des formes teurs ;
fulminantes. Des formes chroniques d’hépatite E, chez les sujets • azithromycine : 1 g per os le premier jour, puis 500 mg pendant
immunodéprimés (transplantés d’organe notamment) sont de six jours. C’est une alternative efficace, notamment dans les
plus en plus reconnues [41] . Les hépatites B et C posent le problème formes non compliquées, et surtout en cas de souches résis-
du passage à la chronicité. Le taux de mortalité est généralement tantes aux fluoroquinolones. Ses bons résultats en termes de
faible pour l’hépatite A (environ 2 %), mais peut atteindre 40 % réduction du portage chronique en font une molécule de plus
pour l’hépatite E chez la femme enceinte au cours du troisième en plus utilisée [43] .
trimestre de la grossesse. Il n’existe pas de traitement curatif de En cas de portage chronique qui joue un rôle majeur dans la
ces hépatites. Des vaccins efficaces sont disponibles pour les infec- transmission, on utilise les fluoroquinolones (ciprofloxacine, 1 g/j
tions au virus de l’hépatite A (VHA) et de l’hépatite B (VHB). pendant quatre semaines) si la souche est sensible et on réalise une
cholécystectomie chez les patients porteurs de lithiase biliaire, en
cas d’échec de l’antibiothérapie. Pour éliminer formellement un

“ Point important portage chronique, il est nécessaire de pratiquer au moins une


coproculture après la fin du traitement antibiotique.
Le taux de mortalité de la fièvre typhoïde est de 1,5 %. Sa
fréquence décroît du fait de la généralisation de la vaccination
Toute élévation des transaminases au retour d’un voyage
antityphoïdique chez le voyageur. Néanmoins, cette vaccination
en pays tropical doit conduire à la recherche d’une infec- confère une protection partielle et ne protège pas des fièvres para-
tion par les virus des hépatites A, B, C, D et E. typhoïdes.

Salmonelloses « majeures »
“ Point important
Présentation clinique et paraclinique Salmonelloses : le diagnostic de fièvre typhoïde doit être
Les salmonelloses sont des maladies bactériennes à trans- systématiquement envisagé compte tenu du polymor-
mission féco-orale, présentes dans de nombreux pays en phisme clinique. Le diagnostic de certitude est établi par
développement. Les bactéries responsables sont Salmonella ente- les hémocultures.
rica sérotype typhi ou paratyphi A, B ou C. Le diagnostic de fièvre
typhoïde et paratyphoïde doit être systématiquement envisagé
devant une fièvre au retour de voyage compte tenu du polymor-
phisme clinique. La fréquence des différents signes est très variable
Abcès amibien du foie
selon les séries [42] . Le seul symptôme constant au début de la mala- L’amibiase hépatique correspond à une invasion tissulaire par
die est la fièvre, plus ou moins associée à des céphalées, des signes Entamoeba histolytica faisant suite à l’ingestion de kystes amibiens
digestifs (diarrhée ou constipation) et à une obnubilation. (péril fécal) qui, en se transformant dans la lumière intestinale en
Sur le plan clinique, la fièvre typhoïde évolue classiquement, formes hématophages, envahissent la paroi intestinale et migrent
après une période d’incubation allant de 1 à 3 semaines, en vers le foie par voie portale.
trois phases durant chacune une semaine. En réalité elle est C’est une urgence médicale. La fièvre est parfois isolée. Dans les
caractérisée par le regroupement et l’aggravation progressifs de formes typiques, il existe une hépatomégalie douloureuse (ébran-
différents signes peu spécifiques : fièvre croissante, céphalées, lement douloureux du foie). En cas de développement supérieur
pouls dissocié, épistaxis, insomnies, obnubilation, râles bron- de l’abcès, on peut noter un syndrome phrénique ou, en cas de
chiques, gargouillement dans la fosse iliaque, splénomégalie. Les développement hilaire, une compression de la voie biliaire prin-
signes plus classiques (diarrhée « jus de melon », taches rosées cipale à l’origine d’ictère par obstruction.
lenticulaires, ulcération indolore du pilier antérieur du voile Biologiquement, le diagnostic est orienté par l’existence d’une
du palais ou angine de Duguet) sont rares. Les complications hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile et d’une éléva-
tardives, endotoxiniques (myocardite, encéphalite), perforations tion de la CRP. L’ascension des anticorps, souvent élevée dès les
ou hémorragies digestives sont devenues exceptionnelles. Les premiers jours (> 1/100), peut être retardée.

8 EMC - Médecine d’urgence


Fièvre au retour de voyage  25-090-A-30

À l’examen radiologique thoracique, la coupole diaphragma- (bassin amazonien) et épidémique en Afrique subsaharienne mais
tique droite est surélevée et une lame d’épanchement pleural est épargne totalement l’Asie et l’Océanie. Outre les moustiques, il
possible. L’échographie abdominale objective un abcès du foie, le existe un réservoir selvatique représenté par les singes.
plus souvent droit, dont la nature amibienne est orientée par la Deux cent mille cas surviennent par an malgré une diffu-
positivité du sérodiagnostic d’amibiase. La ponction des abcès à sion large de vaccins très efficaces et peu coûteux. La maladie
visée diagnostique, souvent inutile dans les petits abcès, permet est souvent asymptomatique (10 à 50 %). Les manifestations cli-
de confirmer le diagnostic par PCR notamment en cas de sérologie niques associent une hépatonéphrite aiguë grave, un syndrome
négative [44] . hémorragique et une encéphalopathie. Les complications sont
L’évolution est marquée, en l’absence de traitement, par essentiellement dues aux hémorragies et à l’insuffisance rénale.
l’augmentation de volume des collections puis la rupture dans les L’évolution clinique est biphasique : phase rouge congestive et
séreuses (péritoine, plèvre, péricarde) ou dans les voies de drainage fébrile des trois premiers jours, puis phase critique dite jaune (icté-
biliaire ou bronchique (vomique) avec mise en jeu du pronostic rique) et hémorragique. La létalité globale est estimée à un cas sur
vital. 10 000 infections, mais elle est plus élevée chez l’enfant et au cours
Le traitement repose sur l’association d’un amoebicide dif- des formes symptomatiques (20 %). Il n’existe aucun traitement
fusible (métronidazole pendant 10 jours à 1,5 à 2 g/j) puis spécifique de la fièvre jaune. Un traitement symptomatique est
d’un amoebicide de contact (Tiliquinol-tilbroquinol, Intétrix® , administré au malade dans une unité de réanimation. Le traite-
4 gélules/j) durant dix jours pour éviter les rechutes. Il est inutile ment prophylactique repose sur des mesures contre les piqûres
de répéter les échographies et les sérologies de contrôle après la d’insectes et la vaccination. La vaccination est obligatoire pour
guérison clinique. Une ponction à visée évacuatrice, voire un drai- tout séjour dans une zone intertropicale d’Afrique et d’Amérique
nage peuvent être utiles en cas de fièvre persistante ou de lésion du Sud et protège pendant dix ans. Elle est effectuée dans des
de grande taille (plus de 5 cm). centres habilités.

Arboviroses Chikungunya [47]


Les arboviroses sont des infections liées à des virus à acide Le virus chikungunya est un alphavirus de la famille des
ribonucléique (ARN) capables de se multiplier dans des arthro- Togaviridae transmis par un moustique du genre Aedes (Aedes
podes vecteurs et d’être transmis à des hôtes vertébrés. De très aegypti, A. albopictus, A. africanus, A. furcifer-taylori) présent surtout
nombreux arbovirus, répartis en différentes familles, sont décrits. en Afrique, Asie du Sud-Est et sous-continent indien. Une émer-
Une étude a montré que 17 % des patients avec une fièvre au gence du virus a été constatée au cours des dernières années dans
retour d’Afrique tropicale avaient une sérologie positive pour de nombreuses régions, y compris l’Europe du Sud, en raison de
les arboviroses, essentiellement les virus O’nyong-nyong, chi- modifications de la répartition du vecteur A. albopictus notam-
kungunya et de la dengue [45] . Ces pathologies sont émergentes ment. Le tableau clinique associe, après une phase d’incubation
notamment en raison de l’extension des arthropodes vecteurs. de quatre à sept jours (extrêmes : 1–12 jours), une fièvre élevée,
Leur incubation est courte (moins de 15 jours) et les signe associés des arthralgies intenses touchant principalement les extrémités
variés : syndromes polyalgiques (dengue, chikungunya), exan- des membres (poignets, chevilles, phalanges), des œdèmes, des
thème (dengue, zika, fièvre jaune, West Nile, chikungunya, fièvre céphalées et une éruption maculopapuleuse. Des hémorragies
de la vallée du Rift), méningo-encéphalite (West Nile, encépha- bénignes à type de gingivorragies sont possibles, surtout chez
lite japonaise, voire dengue, exceptionnellement chikungunya), les enfants. Des formes graves comportant des hépatites, des
hépatites (dengue, fièvre jaune). méningo-encéphalites, voire des états de choc ont été excep-
tionnellement décrites, et sembleraient plus fréquentes chez les
sujets âgés ou porteurs de comorbidités. L’évolution est rapide-
Dengue ment le plus souvent favorable, mais peut aussi évoluer vers
La dengue est la plus fréquente des arboviroses, et est hyperen- une phase chronique marquée par des arthralgies persistantes et
démique en zone intertropicale [46] . invalidantes pouvant nécessiter une prise en charge spécifique
Le diagnostic est évoqué quand la fièvre s’associe à des douleurs (corticoïdes, voire immunosuppresseurs). Le diagnostic de certi-
diffuses (céphalées, myalgies, arthralgies) et à des signes cutanéo- tude est sérologique, la RT-PCR est positive les sept premiers jours.
muqueux (exanthème, purpura, conjonctivite, pharyngite), plus La prophylaxie repose sur la lutte antivectorielle dans les zones de
rarement des signes neurologiques ou hémorragiques. Il existe transmission avec destruction des gîtes larvaires. Comme pour la
deux formes cliniques de dengue selon l’Organisation mondiale fièvre jaune, il n’existe aucun traitement spécifique. Un vaccin
de la santé (OMS) : vivant atténué est également en développement.
• dengue : maladie fébrile aiguë avec céphalées, douleurs articu-
laires et musculaires, éruption et/ou leucopénie, évoluant sans
complication ; Fièvre de la vallée du Rift
• dengue sévère (hémorragique, avec choc) : syndrome de fuite Cette maladie est présente essentiellement en Afrique subsa-
capillaire, surcharge vasculaire pulmonaire, syndrome hémor- harienne, mais également dans la péninsule arabique. C’est à la
ragique, dysfonction d’organe quelle qu’elle soit ; ces formes fois une arbovirose et une anthropozoonose due aux ruminants
peuvent être fatales. et transmise par des moustiques ou par aérosolisation. Le tableau
Biologiquement, il existe une lymphomonocytose sans hyper- clinique, lorsque présent, est aspécifique. Il existe, rarement, des
leucocytose, une thrombopénie et une cytolyse hépatique. La formes sévères, notamment neurologiques (moins de 5 %). La
virémie est précoce et transitoire. Dans les cinq premiers jours ribavirine possède une certaine activité contre le virus.
de la maladie, la détection du virus dans le sang par reverse
transcription-polymerase chain reaction (RT-PCR) ou de l’antigène
NS1 est possible. Passé ce délai, la sérologie est positive avec pré- Fièvre hémorragique Crimée-Congo
sence d’IgM.
Le traitement de la dengue sévère est uniquement sympto- Cette maladie, également arbovirose et anthropozoonose,
matique à ce jour (maintien prudent de l’hémodynamique pour transmise par des tiques, est présente essentiellement en Afrique,
éviter la surcharge pulmonaire, transfusions). Un vaccin est en Asie, Russie. C’est la seule fièvre hémorragique virale (FHV) due
cours d’évaluation chez l’homme. à un arbovirus potentiellement transmissible au personnel soi-
gnant. Le tableau clinique est aspécifique, des formes sévères
hémorragiques sont décrites. Le diagnostic est sérologique ou fait
Fièvre jaune par biologie moléculaire. Il n’existe ni traitement spécifique, ni
La fièvre jaune est provoquée par le virus amaril, qui se transmet vaccin. Dans une étude réalisée à l’occasion d’une épidémie en
par piqûre d’un moustique femelle du genre Aedes. La maladie Turquie, la cytolyse et les troubles importants de l’hémostase
sévit surtout en forêt tropicale. Elle reste sporadique en Amérique étaient associés à une évolution défavorable.

EMC - Médecine d’urgence 9


25-090-A-30  Fièvre au retour de voyage

Tableau 7.
Tableau récapitulatif des différentes fièvres virales hémorragiques, dengue exclue.
Maladie Vallée du Rift Crimée-Congo Hantavirus Lassa Marburg
Ebola
Incubation 3–4 jours 5–12 jours 7–15 jours 7–17 jours 3–21 jours
Invasion Fièvre, algies, hyperhémie Fièvre, algies, troubles Fièvre, algies Fièvre, algies, troubles Fièvre, algies, troubles
conjonctivale digestifs, pharyngite digestifs, pharyngite, digestifs, pharyngite
protéinurie
État Ictère, hémorragies, j3 j3 j7 j5
oligurie, hépatonéphrite Hémorragies, choc Atteintes oculaires, Œdème, hémorragies, Éruption, hoquet,
hémorragies néphrite, choc hémorragies,
protéinurie, choc hépatonéphrite, choc
Évolution Décès : 5–10 % 30 % 5–15 % 10–20 % 50–90 %
Séquelles
Diagnostic Anti-FVR IgM Anti-CHC-C IgM Anti-HTN/PUU IgM Anti-Lassa IgM Anti-MAR/Ebola IgM
Isolement du virus Isolement du virus Isolement du virus Isolement du virus Isolement du virus
Traitement Symptomatique Symptomatique Symptomatique Symptomatique Symptomatique
Dialyse + ribavirine
Prophylaxie Vaccination Isolement : cas seconds ? Isolement : cas seconds Isolement : cas seconds
Lutte antivectorielle

IgM : immunoglobuline M ; FVR : fièvre de la vallée du Rift ; CHC-C : fièvre hémorragique de Crimée-Congo ; HTN : Hantaan ; PUU : Puumala ; Marburg : MAR.

Anthropozoonoses virales rect sérologique (IgM spécifiques en enzyme linked immunosorbent


assay [Elisa], IgG spécifiques). Les étiologies autres que la dengue
Fièvre hémorragique virale de Lassa sont résumées dans le Tableau 7.
Ces formes sont dues à des arénavirus. C’est une anthropozoo- Le traitement est symptomatique : paracétamol, réhydratation.
nose due à des rongeurs. Elle sévit en Afrique de l’Ouest (100 000 à Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), acide acétyl-
300 000 cas annuels). C’est, avec la fièvre jaune et la dengue sévère, salicylique, anticoagulants oraux, héparine, corticoïdes sont
une des FHV les plus meurtrières. La fièvre de Lassa est une FHV contre-indiqués notamment dans les formes potentiellement
transmissible avec un risque nosocomial. En cas d’exposition à hémorragiques. Le seul traitement spécifique est la ribavirine
haut risque au virus, une prophylaxie par ribavirine peut être dis- contre la fièvre de Lassa. La prophylaxie repose sur le vaccin quand
cutée. De nouvelles molécules telles que le favipiravir ont donné il existe (fièvre jaune, encéphalite japonaise), la lutte contre la
des résultats précliniques intéressants. transmission nosocomiale (fièvres hémorragiques virales), et la
lutte contre les arthropodes vecteurs. La prise en charge en milieu
hospitalier nécessite, du fait du risque de transmission nosoco-
Fièvre hémorragique virale à hantavirus miale, certaines précautions :
Ces infections sont des zoonoses transmises par des rongeurs ; • isolement des malades : bâtiment isolé, toilettes isolées, accès
l’homme se contamine par inhalation de poussières contenant au malade limités au personnel et aux membres de la famille
des excreta de rongeurs le plus souvent. Ces pathologies sont autorisés ;
cosmopolites, de répartition large. Trois types de virus sont • observations des précautions « standard » avec tous les malades :
décrits, déterminant différents tableaux, dont la caractéristique ◦ éviter tout contact avec le sang et tous les fluides corporels,
commune est la survenue d’un syndrome pseudogrippal : le type la peau et les muqueuses,
Sin Nombre est responsable de l’hantavirus pulmonary syndrome, ◦ se laver les mains après tout acte (eau, savon),
comportant fréquemment une détresse respiratoire, voire un état ◦ porter des gants, des masques, des blouses, des lunettes de
de choc ; le type Hantaan est responsable de la fièvre hémorragique protection,
avec syndrome rénal, où l’on peut observer une atteinte rénale ◦ manipuler les aiguilles et tout instrument pointu avec atten-
tubulo-interstitielle ; le type Puumala détermine la néphropathie tion,
épidémique. Le diagnostic positif est sérologique. Le traitement ◦ limiter les actes invasifs ;
est essentiellement symptomatique, la ribavirine est parfois utili- • techniques de désinfection : eau de Javel, solution alcoolisée à
sée. 70◦ , ébullition, autoclave ;
• traitement des déchets d’activité de soins et humains : désinfec-
Fièvre hémorragique virale à filovirus tion à l’eau de Javel puis incinération ;
• suivi des convalescents : persistance des virus vivants pendant
Les deux filovirus en cause sont les virus Ebola et Mar- plusieurs semaines et risque de transmission avec le sperme
burg, présents en Afrique subsaharienne. Le réservoir est animal (préservatif ou abstention pendant trois mois) ;
(chauves-souris, singes), la transmission se faisant par contact avec • risque d’exposition accidentelle : tout sujet exposé acciden-
les produits biologiques issus d’animaux infectés. La transmission tellement est un sujet contact. Le traitement repose sur la
interhumaine est également possible notamment au personnel désinfection à l’alcool en cas de piqûre ou avec de l’eau, du
soignant et, pour l’Ebola, à l’entourage familial au cours des savon, de l’eau de Javel diluée en cas de manipulation de pro-
rites mortuaires. Le tableau clinique est aspécifique, les formes duits corporels.
sévères le sont par la présence de signes hémorragiques, voire de
défaillance multiviscérale. Il n’existe pas de traitement curatif ni
de vaccin.

Diagnostic et traitement des fièvres


hémorragiques virales
“ Point important
Le diagnostic est biologique : direct après inoculation ou par Arboviroses : première cause de fièvre d’origine virale au
RT-PCR démontrant la présence de tout ou d’une partie du virus retour de voyage en pays tropical.
dans l’échantillon prélevé (sang, sérum, autres liquides) ou indi-

10 EMC - Médecine d’urgence


Fièvre au retour de voyage  25-090-A-30

Helminthoses invasives Leishmaniose viscérale


Bilharzioses, ankylostomoses, ascaridiose, anguillulose, trichi- La leishmaniose viscérale, infection parasitaire liée aux pro-
nose, gnathostomose et plus rarement toxocarose ou distomatoses tozoaires du genre Leishmania et transmise par la piqûre des
peuvent, dans les semaines qui suivent une contamination, lors mouches phlébotomes, est rencontrée essentiellement dans le bas-
d’un voyage exotique, s’exprimer par un syndrome de migra- sin méditerranéen, en Afrique de l’Est, en Inde et en Amazonie.
tion larvaire tissulaire aux symptômes variables mais ayant en Elle est évoquée devant une fièvre prolongée, hectique, désarticu-
commun une hyperéosinophilie sanguine. lée associée à une altération rapide de l’état général. À l’examen
La bilharziose est la plus commune des helminthoses inva- clinique, on retrouve une hépatosplénomégalie et des adénopa-
sives du voyageur. Les manifestations cliniques sont communes thies indolores. Biologiquement, il existe une pancytopénie, une
à toutes les espèces parasitaires avec une brève phase de pénétra- hypergammaglobulinémie. Le diagnostic de certitude repose sur
tion cutanée responsable de la dermatite cercarienne, une phase la mise en évidence du parasite à l’examen direct ou en culture
d’invasion en rapport avec la migration des vers pendant une à réalisés sur le sang (leucoconcentration) ou sur la moelle osseuse.
six semaines associant fièvre, céphalées, dyspnée avec bronchos- Des techniques sérologiques et moléculaires sont également dis-
pasme, urticaire, diarrhée, hépatomégalie, hyperéosinophilie puis ponibles. Le traitement repose avant tout sur l’amphotéricine B
une phase d’état variable selon l’espèce. Cette dernière phase est liposomale. La miltéfosine orale ou les dérivés pentavalents de
en règle non fébrile. l’antimoine intramusculaires sont parfois utilisés.
L’ankylostomose, l’ascaridiose et l’anguillulose sont diagnos-
tiquées par l’examen parasitologique des selles dès le 30e à
40e jour alors que l’hyperéosinophilie commence à diminuer. Trypanosomoses humaines africaines
Distomatoses, trichinose, gnathostomose et bilharzioses sont
diagnostiquées par les sérologies dont la positivité peut être retar- Cette pathologie est rare chez les voyageurs mais quelques
dée par rapport aux signes cliniques. cas sont observés chaque année (11 cas publiés en Europe entre
Le traitement antiparasitaire est controversé au cours de la 2005 et 2009) [52] . Le vecteur est la glossine (mouche tsé-tsé). La
phase invasive. Par exemple, dans la bilharziose invasive, le trai- trypanosomose humaine ouest-africaine débute par un chancre
tement est inefficace et associé à une aggravation des signes d’inoculation (trypanome) suivi, en phase lymphaticosanguine,
cliniques dans 40 % des cas [48] . d’une fièvre modérée, irrégulière, d’adénopathies notamment
cervicales et de manifestations cutanées pseudo-allergiques trom-
peuses (trypanides). La phase de polarisation neurologique est
marquée par l’invasion du système nerveux central et des
“ Point important manifestations neuropsychiques. Biologiquement, il existe une
hypergammaglobulinémie avec une élévation des IgM. La confir-
mation repose sur la présence de trypanosomes à l’examen direct
Hyperéosinophilie sanguine et fièvre au retour d’un voyage d’un prélèvement cutané ou sanguin (leucocentrifugation) parfois
en pays tropical : helminthose en phase invasive (bilhar- remplacée par une détection par PCR, puis sur le sérodiagnostic
spécifique. Les indications thérapeutiques sont conditionnées par
ziose, ankylostomose, ascaridiose, anguillulose), ou en
la forme parasitologique et les résultats de la ponction lombaire à
impasse parasitaire (trichinose, gnathostomose, toxoca-
la recherche d’une atteinte cérébrale. Le traitement doit être réa-
rose). lisé en milieu hospitalier spécialisé. Les molécules utilisables sont
la pentamidine, l’éflornithine, la suramine et le mélarsoprol. Une
étude réalisée en 2009 a affirmé la non-infériorité et la meilleure
tolérance de l’association nifurtimox–éflornithine comparée à la
monothérapie d’éflornithine [53] .

Diarrhées fébriles [49]


Leptospirose
Ces infections se manifestent par une fièvre associée à une
diarrhée glairosanglante, des épreintes, un ténesme. Elles sont La leptospirose est due à une bactérie spiralée du genre Leptos-
essentiellement d’origine bactérienne, et sont transmises par voie pira. Cette pathologie non exclusivement tropicale est évoquée
féco-orale. devant la notion de bain en eaux douces, une incubation
Les bactéries responsables sont S. enterica (typhi et non typhi), courte (4 à 15 jours), et un tableau polymorphe associant une
Shigella, Yersinia, Campylobacter, certains Escherichia coli (E. coli fièvre élevée, de survenue brutale, des sueurs, des douleurs
entéro-invasif [EIEC], E. coli entérohémorragique [EHEC], et E. coli diffuses (myalgies, arthralgies, céphalées), des signes digestifs
entérotoxinogène [ETEC]) et, plus rarement, Vibrio (non cholerae), (nausées, vomissements), et des signes cutanéomuqueux (exan-
et Plesiomonas spp. Les trois principales étiologies bactériennes thème orangé par ictère associé, suffusion conjonctivale). Dans
retrouvées en termes de fréquence sont Shigella spp., Salmonella 5 à 10 % des cas, un tableau sévère (syndrome de Weil)
spp. et Campylobacter spp. [50] . La principale étiologie parasitaire de défaillance polyviscérale apparaît avec ictère, insuffisance
est l’amibiase intestinale aiguë, responsable également d’une diar- rénale, méningite, détresse respiratoire aiguë et hémoptysie
rhée invasive mais souvent peu fébrile comme pour la giardiase, pouvant durer de quelques jours à quatre semaines. Parallèle-
l’isosporose et la cryptosporidiose. L’épidémiologie microbienne ment, la bactérie disparaît du sang et du liquide cérébrospinal
varie selon la zone visitée [51] . (LCS).
Le tableau clinique est volontiers aspécifique, on peut consta- Biologiquement, il existe une hyperleucocytose à polynu-
ter lors de yersinioses des lésions d’érythème noueux, une fosse cléaires neutrophiles, une thrombopénie, une insuffisance rénale
iliaque droite gargouillante. avec leucocyturie, une cytolyse modérée et une hyperbilirubiné-
Le diagnostic repose essentiellement sur la coproculture et mie mixte. Le diagnostic repose sur l’isolement de la bactérie au
l’examen parasitologique des selles. Les hémocultures sont rare- cours de la première semaine dans les hémocultures ou le LCS
ment positives. (liquide clair, lymphocytaire avec une hyperprotéinorachie modé-
Le traitement de ces diarrhées bactériennes repose sur une rée). Après dix jours, les bactéries peuvent être retrouvées dans les
antibiothérapie soit par fluoroquinolones, soit par azithromy- urines à l’examen au microscope à fond noir. La sérologie permet
cine, notamment en cas de diarrhée à Campylobacter. Par ailleurs, un diagnostic a posteriori.
les ralentisseurs du transit, tels que le lopéramide, seront évités Les facteurs de pronostic défavorable sont la dyspnée, l’oligurie,
car potentiellement associés à des complications plus fréquentes les troubles de la conscience, un taux de prothrombine inférieur
(colite aiguë grave, perforation, etc.). La réhydratation et la à 50 %, des signes cliniques ou électriques de myocardite, une
correction d’éventuels troubles électrolytiques sont également hyperleucocytose supérieure à 30 000/mm3 et une thrombopénie
essentielles. inférieure à 50 000/mm3 . La maladie pourrait être plus sévère chez

EMC - Médecine d’urgence 11


25-090-A-30  Fièvre au retour de voyage

les hommes. Le traitement repose sur une bêtalactamine (pénicil-


line G, amoxicilline, cefriaxone) durant dix jours. En cas d’allergie
aux bêtalactamines, les cyclines sont utilisées.
“ Point important
Il faut systématiquement rechercher les causes infectieuses
Borrélioses cosmopolites et communautaires : pneumopathie, infec-
Les borrélioses sont responsables de fièvre récurrente, par épi- tions urinaires, ORL et cutanées qui restent, en termes
sodes successifs réguliers (tous les 15 à 21 jours), spontanément statistiques, plus fréquentes que les maladies tropicales,
régressifs. Le diagnostic repose sur le frottis sanguin, le traitement ainsi que les maladies sexuellement transmissibles, entre
sur la pénicilline ou les cyclines. autres l’infection par le VIH.

Rickettsioses
fréquentes de fièvre liées au voyage sont les hépatites virales, les
Parmi les rickettsioses, la fièvre boutonneuse méditerranéenne arboviroses, les salmonelloses, l’amibiase hépatique et les infec-
due à Rickettsia conorii et la fièvre africaine à tiques due à R. africae tions communautaires.
sont les plus souvent observées. Le diagnostic est évoqué sur
l’exposition à une morsure de tique, une durée d’incubation
courte, une fièvre, une éruption cutanée (tache noire, exanthème Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
maculopapuleux ou vésiculeux) et des adénopathies périphé- relation avec cet article.
riques satellites des escarres d’inoculation. Le diagnostic est
confirmé par la sérologie ou l’isolement de la bactérie par PCR
au niveau du chancre d’inoculation. Le traitement repose sur les
cyclines ou les macrolides, les fluoroquinolones étant maintenant
 Références
considérées comme peu efficaces [54] . [1] UNWTO. Tourism highlights, 2012 edition.
[2] Alon D, Shitrit P, Chowers M. Risk behaviors and spectrum of diseases
among elderly travelers: a comparison of younger and older adults. J
Histoplasmose Travel Med 2010;17:250–5.
L’histoplasmose est évoquée devant la notion de séjours en [3] Boggild AK, Sano M, Humar A, Salit I, Gilman M, Kain KC. Travel
patterns and risk behavior in solid organ transplant recipients. J Travel
pays d’endémie (États-Unis, éventuellement Amérique du Sud,
Med 2004;11:37–43.
Afrique, Inde et Antilles), et la notion d’exposition aux risques
[4] Steffen R, Rickenbach M, Wilhelm U, Helminger A, Schär M.
souterrains (grottes, arbres creux, tunnels). Elle se manifeste sous Health problems after travel to developing countries. J Infect Dis
forme d’une pneumopathie aiguë fébrile avec radiologiquement 1987;156:84–91.
une miliaire macronodulaire avec adénopathies médiastinales. Le [5] Hill DR. Health problems in a large cohort of Americans traveling to
diagnostic repose sur la mise en évidence d’Histoplasma capsula- developing countries. J Travel Med 2000;7:259–66.
tum ou H. duboisii sur les liquides biologiques ou les biopsies. Le [6] Winer L, Alkan M. Incidence and precipitating factors of morbidity
traitement des formes aiguës, nécessaire dans les formes sévères among Israeli travelers abroad. J Travel Med 2002;9:227–32.
ou compliquées, repose sur l’amphotéricine B parentérale, suivie [7] Caumes E. Épidémiologie des pathologies au cours des voyages, revue
de l’itraconazole. En cas de complications sévères, une corticothé- de la littérature. Bull Epidemiol Hebd 2005.
rapie peut être nécessaire [55] . [8] Patel D, Easmon CJ, Dow C, Snashall DC, Seed PT. Medical repatria-
tion of British diplomats resident overseas. J Travel Med 2000;7:64–9.
[9] Caumes E, Legros F, Duhot D, Cohen J-M, Arnould P, Mosnier A.
Autres causes de fièvre Health problems in returning travelers consulting general practitioners.
J Travel Med 2008;15:457–9.
Il faut systématiquement rechercher les causes infectieuses
[10] Wilson ME, Weld LH, Boggild A, Keystone JS, Kain KC, von Sonnen-
cosmopolites et communautaires : pneumopathie, infections uri- burg F, et al. Fever in returned travelers: results from the GeoSentinel
naires, ORL et cutanées qui restent, en termes statistiques, plus Surveillance Network. Clin Infect Dis 2007;44:1560–8.
fréquentes que les maladies tropicales. Il ne faut pas oublier les [11] Ansart S, Perez L, Vergely O, Danis M, Bricaire F, Caumes E. Ill-
maladies sexuellement transmissibles, entre autres l’infection par nesses in travelers returning from the tropics: a prospective study of
le VIH. 622 patients. J Travel Med 2005;12:312–8.
Les pneumopathies du voyageur sont une cause non négli- [12] Stienlauf S, Segal G, Sidi Y, Schwartz E. Epidemiology of travel-
geable d’infections au retour de pays tropical et sont responsables related hospitalization. J Travel Med 2005;12:136–41.
d’environ 1 % de décès. Parmi les pneumopathies bactériennes, [13] Casalino E, Le Bras J, Chaussin F, Fichelle A, Bouvet E. Predictive
le pneumocoque est la première étiologie retrouvée [56] . Il factors of malaria in travelers to areas where malaria is endemic. Arch
existe des cas exceptionnels de transmission de la tubercu- Intern Med 2002;162:1625–30.
lose lors de voyages en avion. Les autres cas d’infections [14] D’Acremont V, Landry P, Mueller I, Pécoud A, Genton B. Clinical and
respiratoires bactériennes à évoquer dans ce contexte sont le laboratory predictors of imported malaria in an outpatient setting: an
charbon, l’ehrlichiose, la tularémie, la peste pulmonaire et la aid to medical decision making in returning travelers with fever. Am J
mélioïdose. Les causes virales sont la grippe, les viroses à han- Trop Med Hyg 2002;66:481–6.
tavirus, la rougeole et la dengue. Les causes fongiques sont [15] Doherty JF, Grant AD, Bryceson AD. Fever as the presenting complaint
les infections à H. capsulatum, Blastomyces dermatitides, Cocci- of travellers returning from the tropics. QJM 1995;88:277–81.
dioides immitis. Par ailleurs une embolie pulmonaire doit être [16] O’Brien D, Tobin S, Brown GV, Torresi J. Fever in returned trave-
éliminée. lers: review of hospital admissions for a 3-year period. Clin Infect Dis
Les infections urinaires peuvent représenter 15 % des fièvres au 2001;33:603–9.
retour de voyage en pays tropical chez les femmes [19] . [17] Antinori S, Galimberti L, Gianelli E, Calattini S, Piazza M, Morelli P,
et al. Prospective observational study of fever in hospitalized returning
travelers and migrants from tropical areas, 1997-2001. J Travel Med
2004;11:135–42.
 Conclusion [18] MacLean J. Fever from tropics. Travel Med Advisor 1994;27:1–27.
[19] Zeller V, Didier B, Dos Santos G, Bossi P, Bricaire F, Caumes E.
Le paludisme à P. falciparum représente, avec les pneumopathies Upper urinary tract infection as a leading cause of fever among female
bactériennes, la première cause de fièvre rapidement mortelle au travelers returning from the tropics. J Travel Med 2003;10:139–40.
retour de voyage. Ce diagnostic doit être systématiquement évo- [20] Haut Conseil de santé publique. Recommandations sanitaires pour les
qué et éliminé car c’est une urgence médicale. Les autres causes voyageurs, 2012. Bull Epidemiol Hebd 2012;(n◦ 20-21):225–54.

12 EMC - Médecine d’urgence


Fièvre au retour de voyage  25-090-A-30

[21] Van der Bij AK, Pitout JDD. The role of international travel in the [40] Mohanty S, Mishra SK, Patnaik R, Dutt AK, Pradhan S, Das B, et al.
worldwide spread of multiresistant Enterobacteriaceae. J Antimicrob Brain swelling and mannitol therapy in adult cerebral malaria: a ran-
Chemother 2012;67:2090–100. domized trial. Clin Infect Dis 2011;53:349–55.
[22] Haut Conseil de santé publique. Maîtrise de la diffusion des bactéries [41] Kamar N, Bendall R, Legrand-Abravanel F, Xia NS, Ijaz S, Izopet J,
multirésistantes aux antibiotiques importées en France par des patients et al. Hepatitis E. Lancet 2012;379:2477–88.
rapatriés ou ayant des antécédents d’hospitalisation à l’étranger; [42] Caumes E, Ehya N, Nguyen J, Bricaire F. Typhoid and paratyphoid
2010. fever: a 10-year retrospective study of 41 cases in a Parisian hospital.
[23] Freedman DO, Weld LH, Kozarsky PE, Fisk T, Robins R, von Son- J Travel Med 2001;8:293–7.
nenburg F, et al. Spectrum of disease and relation to place of exposure [43] Butler T. Treatment of typhoid fever in the 21st century: promises and
among ill returned travelers. N Engl J Med 2006;354:119–30. shortcomings. Clin Microbiol Infect 2011;17:959–63.
[24] Cox-Singh J, Davis TM, Lee K-S, Shamsul SS, Matusop A, Rat- [44] Vallois D, Epelboin L, Touafek F, Magne D, Thellier M, Bricaire F,
nam S, et al. Plasmodium knowlesi malaria in humans is widely et al. Amebic liver abscess diagnosed by polymerase chain reaction in
distributed and potentially life-threatening. Clin Infect Dis 2008;46: 14 returning travelers. Am J Trop Med Hyg 2012;87:1041–5.
165–71. [45] Woodruff AW, Bowen ET, Platt GS. Viral infections in travellers from
[25] Thellier M. Épidémiologie du paludisme dans le monde : un véritable tropical Africa. Br Med J 1978;1:956–8.
espoir de contrôle de la maladie, mais de nouvelles inquiétudes. Lettre [46] Simmons CP, Farrar JJ, van Vinh Chau N, Wills B. Dengue. N Engl J
Infect 2012;27:216–21. Med 2012;366:1423–32.
[26] Danis M, Legros F, Thellier M, Caumes E. Current data on malaria in [47] Burt FJ, Rolph MS, Rulli NE, Mahalingam S, Heise MT. Chikungunya:
metropolitan France. Med Trop 2002;62:214–8. a re-emerging virus. Lancet 2012;379:662–71.
[27] Klement E, Chauveheid MP, Thellier M, Bricaire F, Danis M, Caumes [48] Jauréguiberry S, Paris L, Caumes E. Acute schistosomiasis, a diagnos-
E. Subacute clinical forms of Plasmodium falciparum malaria in tra- tic and therapeutic challenge. Clin Microbiol Infect 2010;16:225–31.
velers receiving chloroquine-proguanil prophylaxis. Clin Infect Dis [49] DuPont HL. Bacterial diarrhea. N Engl J Med 2009;361:1560–9.
2001;33:e1–2. [50] Pfeiffer ML, DuPont HL, Ochoa TJ. The patient presenting with acute
[28] Greenberg AE, Lobel HO. Mortality from Plasmodium falciparum dysentery: a systematic review. J Infect 2012;64:374–86.
malaria in travelers from the United States, 1959 to 1987. Ann Intern [51] Swaminathan A, Torresi J, Schlagenhauf P, Thursky K, Wilder-Smith
Med 1990;113:326–7. A, Connor BA, et al. A global study of pathogens and host risk factors
[29] Wetsteyn JC, Kager PA, van Gool T. The changing pattern of imported associated with infectious gastrointestinal disease in returned interna-
malaria in the Academic Medical Centre, Amsterdam. J Travel Med tional travellers. J Infect 2009;59:19–27.
1997;4:171–5. [52] Gautret P, Clerinx J, Caumes E, Simon F, Jensenius M, Loutan L,
[30] Bruneel F, Tubach F, Corne P, Megarbane B, Mira J-P, Peytel E, et al. et al. Imported human African trypanosomiasis in Europe, 2005-2009.
Severe imported falciparum malaria: a cohort study in 400 critically ill Eurosurveillance 2009;14:3.
adults. PLoS ONE 2010;5:e13236. [53] Priotto G, Kasparian S, Mutombo W, Ngouama D, Ghorashian S,
[31] Dondorp AM, Lee SJ, Faiz MA, Mishra S, Price R, Tjitra E, Arnold U, et al. Nifurtimox-eflornithine combination therapy for
et al. The relationship between age and the manifestations of and second-stage African Trypanosoma brucei gambiense trypanosomia-
mortality associated with severe malaria. Clin Infect Dis 2008;47: sis: a multicentre, randomised, phase III, non-inferiority trial. Lancet
151–7. 2009;374:56–64.
[32] Checkley AM, Smith A, Smith V, Blaze M, Bradley D, Chiodini PL, [54] Botelho-Nevers E, Rovery C, Richet H, Raoult D. Analysis of risk
et al. Risk factors for mortality from imported falciparum malaria in factors for malignant Mediterranean spotted fever indicates that fluo-
the United Kingdom over 20 years: an observational study. Br Med J roquinolone treatment has a deleterious effect. J Antimicrob Chemother
2012;344:e2116. 2011;66:1821–30.
[33] Camara B, Kantambadouno J-B, Martin-Blondel G, Berry A, Alva- [55] Wheat LJ, Freifeld AG, Kleiman MB, Baddley JW, McKinsey DS,
rez M, Benoit-Vical F, et al. Splénomégalie palustre hyperimmune : à Loyd JE, et al. Clinical practice guidelines for the management of
propos de trois cas cliniques et revue de la littérature. Med Mal Infect patients with histoplasmosis: 2007 update by the Infectious Diseases
2009;39:29–35. Society of America. Clin Infect Dis 2007;45:807–25.
[34] Svenson JE, MacLean JD, Gyorkos TW, Keystone J. Imported malaria. [56] Ansart S, Pajot O, Grivois J-P, Zeller V, Klement E, Perez L, et al.
Clinical presentation and examination of symptomatic travelers. Arch Pneumonia among travelers returning from abroad. J Travel Med
Intern Med 1995;155:861–8. 2004;11:87–91.
[35] Management, prevention of imported Plasmodium falciparum mala- [57] O’Brien DP, Leder K, Matchett E, Brown GV, Torresi J. Illness in retur-
ria (Revision 2007 of the 1999 Consensus Conference). Long text in ned travelers and immigrants/refugees: the 6-year experience of two
French. Med Mal Infect 2008;38:68–117. Australian infectious diseases units. J Travel Med 2006;13(3):145–52.
[36] Haut Conseil de la santé publique. Avis relatif à l’élargissement des [58] Bottieau E, Clerinx J, Schrooten W, Van den Enden E, Wouters R, Van
prescriptions de la primaquine dans le cadre du traitement du palu- Esbroeck M, et al. Etiology and outcome of fever after a stay in the
disme à P. vivax et P. ovale; 2008. tropics. Arch Intern Med 2006;166(15):1642–8.
[37] Dondorp A, Nosten F, Stepniewska K, Day N, White N. Artesunate ver-
sus quinine for treatment of severe falciparum malaria: a randomised
trial. Lancet 2005;366:717–25.
Pour en savoir plus
[38] Dondorp AM, Fanello CI, Hendriksen ICE, Gomes E, Seni A, Chha- Institut de veille sanitaire (InVS) : www.invs.sante.fr
ganlal KD, et al. Artesunate versus quinine in the treatment of severe Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) :
falciparum malaria in African children (AQUAMAT): an open-label, www.infectiologie.com
randomised trial. Lancet 2010;376:1647–57. World Health Organization. International travel and health. www.who.int/ith
[39] Haut Conseil de la santé publique. Place de l’artésunate dans le trai- Travelers’ Health–Centers for Disease Control and Prevention (CDC) :
tement du paludisme grave chez l’adulte et l’enfant; 2013. www.cdc.gov/travel

B. Henry, Chef de clinique-assistant (benoit.henry@psl.aphp.fr).


E. Caumes, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service des maladies infectieuses et tropicales, Université Pierre-et-Marie-Curie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 45-83, boulevard de l’Hôpital, 75013
Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Henry B, Caumes E. Fièvre au retour de voyage. EMC - Médecine d’urgence 2015;10(1):1-13 [Article
25-090-A-30].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Médecine d’urgence 13


¶ 25-090-B-10

Tétanos : prévention et diagnostic


B. Blettery, J.-M. Doise

Malgré la mise au point, au début du XXe siècle, d’une vaccination contre le tétanos efficace et sans
danger, cette maladie, si elle est devenue rare, n’a pas disparu. Elle reste un problème de santé publique
dans les pays en voie de développement où elle atteint un grand nombre d’enfants et persiste dans les
pays développés où elle touche essentiellement les personnes de plus de 70 ans de sexe féminin n’ayant
pas eu de protection vaccinale suffisante. Le pronostic de cette maladie reste toujours aussi grave : 20 à
50 % de mortalité, même dans les pays à haut niveau de vie. Il est donc très important de continuer à être
capable d’en faire le diagnostic précocement et surtout de pratiquer une politique volontariste de
vaccination des enfants dans les pays pauvres. Dans les pays à haut niveau de vie, l’effort de vaccination
sera dirigé essentiellement vers les personnes âgées. Une injection de rappel d’anatoxine tous les 10 ans
est nécessaire et suffisante pour assurer une protection efficace sans risque.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Tétanos ; Prévention du tétanos ; Vaccination contre le tétanos ; Diagnostic du tétanos

Plan progrès de la réanimation puisque la mortalité oscille entre


20 et 50 %, il est donc nécessaire d’accentuer notre politique de
prévention [4].
¶ Introduction 1
En raison de sa rareté, cette maladie pose donc deux problè-
¶ Diagnostic du tétanos 1 mes aux médecins du XXIe siècle : en faire le diagnostic précoce
Phase d’incubation 2 afin d’orienter les patients vers les structures de soins adéquates
Phase d’invasion 2 et continuer à assurer la prévention correcte d’une affection que
Tétanos localisés 2 peu de médecins ont rencontrée [5].
Contractures généralisées 2
¶ Prévention du tétanos 3
¶ Traitement des plaies tétanigènes 3 ■ Diagnostic du tétanos [6]

Prévention à court terme 3


Prévention au long cours 3 Il s’agit d’une toxinfection due au bacille de Nicolaïer,
Clostridium tetani, bacille anaérobie strict, sporulé, tellurique,
¶ Conclusion 4
sécrétant une toxine neurotrope : une tétanolysine et la téta-
nospasmine. Cette neuroexotoxine se fixe sur les terminaisons
nerveuses des fibres inhibitrices des motoneurones ; la suppres-
sion de l’activité inhibitrice est responsable des contractures
■ Introduction musculaires permanentes. Cette liaison est stable et disparaît
spontanément en 15 jours à 3 semaines. Le tétanos évolue en
Bien que nous disposions, depuis 1923, d’une vaccination trois phases : une phase d’incubation habituellement silencieuse
efficace et sans danger grâce à l’anatoxine tétanique de Ramon, qui débute après une plaie parfois minime, une phase d’inva-
le nombre de cas de tétanos dans le monde (1 million) reste sion qui va de l’apparition du trismus à la première grande crise
beaucoup trop élevé [1]. de contracture généralisée ; chacune de ces deux premières
Certes, il s’agit d’une affection rencontrée essentiellement phases est d’autant plus courte que le tétanos est plus grave.
dans les pays en voie de développement où elle touche surtout Une invasion de moins de 24 heures doit faire craindre un
les enfants, néanmoins elle n’a pas non plus disparu dans les tétanos gravissime [7]. La troisième phase ou phase d’état dure
pays à haut niveau de vie où l’accès à la vaccination est 3 semaines et est caractérisée par un fond de contracture
simple [2]. En France, l’Institut de veille sanitaire recense moins permanente généralisée des muscles striés sur lequel viennent se
de 25 cas par an de tétanos déclaré entre 2001 et 2004, affectant greffer des crises de contractures paroxystiques aiguës extrême-
essentiellement une population de patients âgés de plus de ment douloureuses au cours desquelles le patient va pouvoir
70 ans. À l’origine de ces tétanos on trouve, dans 73 % des cas, présenter des complications : arrêt respiratoire, rupture de
des plaies minimes, coupures, griffures, souillées de terre et, tendon, luxation articulaire, fracture d’os long, fracture verté-
dans 14 % des cas, des plaies chroniques (plaies variqueuses, brale. Les complications cardiaques (troubles du rythme,
etc.). Ces plaies affectent essentiellement les membres inférieurs instabilité tensionnelle) sont responsables, avec les infections
(79 %) [3]. Le pronostic de cette maladie reste sombre malgré les nosocomiales, de la plupart des évolutions fatales.

Médecine d’urgence 1
25-090-B-10 ¶ Tétanos : prévention et diagnostic

C’est donc à la phase d’incubation et surtout à la phase • l’arthrite temporomaxillaire : le trismus est unilatéral, très
d’invasion que se pose le problème du diagnostic du tétanos. douloureux. La douleur est augmentée par les mouvements
Le diagnostic est purement clinique car nous ne disposons du maxillaire ;
d’aucune exploration paraclinique permettant d’affirmer ou • les accidents de dents de sagesse : le trismus est unilatéral, il
d’infirmer ce diagnostic [8]. n’existe pas d’épisode d’exacerbation spontané ou provoqué.
Ce trismus évolue par poussées successives ;
Phase d’incubation • les parotidites uni- et surtout bilatérales (oreillons) : il existe
un comblement rétromandibulaire soulevant le lobe de
La plaie susceptible d’être tétanigène est une plaie mal l’oreille, douloureux à la palpation, il n’y a pas de contracture
vascularisée, souillée de terre et de débris dans laquelle le bacille des masséters ;
de Nicolaïer va trouver un milieu favorable pour se développer • les lésions ischémiques du pied de la protubérance cérébrale :
et produire son exotoxine neurotrope. Il faut retenir le rôle joué il existe un trismus intermittent entrecoupé de bâillements ;
par les plaies des membres inférieurs chez l’artéritique ou chez
• les dyskinésies précoces aux neuroleptiques peuvent présenter
le patient présentant des troubles trophiques veineux (ulcères
un trismus mais dans le cadre de mouvements de rotation de
variqueux, etc.) favorisant l’anaérobie de la plaie. Il s’agit
la tête et des yeux autour d’un axe. Il s’agit d’un trismus
rarement de lésions très délabrantes mais de plaies réalisant des
paroxystique prédominant d’un côté entrecoupé de phases de
conditions d’anaérobiose très favorables au développement de
relâchement complet ;
Clostridium tetani, comme les plaies et les corps étrangers sous-
• les intolérances aux neuroleptiques, mais il s’agit de contrac-
inguéaux. Les plaies réalisées à la campagne, dans les jardins,
tures plus généralisées, vincibles, sans épisode paroxystique et
souillées de terre sont les plus à risque d’être tétanigènes.
indolores ;
L’infection de la plaie par des germes aérobies divers favorise le
développement du bacille tétanique par la consommation • la raideur de nuque douloureuse qui accompagne le trismus
d’oxygène qu’elle réalise au niveau de la plaie. peut parfois faire suspecter une méningite mais il n’existe pas
Il faudra se méfier tout particulièrement des plaies chez des de syndrome confusionnel [10] ;
patients de plus de 70 ans, chez lesquels la vaccination antité- • enfin, la maladie sérique posait souvent un problème diffi-
tanique est présente dans moins de 20 % des cas [9]. cile ; faisant suite à une injection de sérum antitétanique, elle
La phase d’incubation est habituellement silencieuse, de risquait de faire errer le diagnostic lorsque apparaissaient, au
durée variable, pas toujours facile à préciser (30 jours en 10e jour, fièvre et contractures. La mise à disposition de
moyenne). gammaglobuline humaine spécifique, en remplacement du
sérum d’origine équine, qui n’est plus fabriqué, a permis de
faire disparaître cette complication.
Phase d’invasion
C’est à la phase d’invasion que le malade vient consulter Évolution du trismus
habituellement son médecin traitant ou le service d’urgence le
plus proche. À ce stade, le seul signe objectif présenté par le Si cette phase de trismus isolé dure quelques jours, un regard
malade est un trismus bilatéral dû à une contracture des attentif pourra noter le faciès un peu particulier des patients
masséters ; c’est rarement la difficulté d’ouvrir la bouche qui atteints de tétanos dit « faciès sardonique » dû à la contracture
constitue le motif de recours du patient qui, le plus souvent, va des muscles peauciers de la face qui vont figer la mimique en
venir trouver son médecin pour : douleur au niveau de la gorge, accentuant les rides. Cet aspect est très spécifique du tétanos
difficultés de déglutition, rachialgies, etc. Si la durée moyenne mais il est difficile à apprécier chez les patients âgés.
de cette phase est de l’ordre de 8 jours, une durée inférieure à
48 heures annonce toujours un tétanos de particulière gravité. Tétanos localisés
Trismus Une autre difficulté de diagnostic est représentée par les
Tous les éléments sémiologiques de ce trismus sont impor- tétanos localisés. Rares, ils correspondent le plus souvent soit à
tants à rechercher car ils permettent de différencier le trismus des tétanos à point de départ localisé soit à des tétanos surve-
tétanique des autres causes d’impossibilité d’ouvrir la bouche. Le nant chez des patients ayant subi une vaccination incomplète
trismus tétanique est un trismus bilatéral et symétrique, ou trop ancienne.
douloureux, avec, sur un fond permanent, des épisodes de
contractures paroxystiques spontanées ou provoquées par des Tétanos céphalique de Rose
stimulations nociceptives (signe de l’abaisse-langue captif). Au
Secondaire à une plaie de la face, il se caractérise par l’appa-
cours de ces crises paroxystiques, les douleurs s’exacerbent. Le
rition d’une paralysie faciale périphérique ou d’une paralysie
trismus est invincible et permanent, ne disparaissant ni au repos
oculaire. Le trismus est unilatéral, au moins au début, plus
complet, ni au sommeil.
difficile à reconnaître ; en principe, il est de meilleur pronostic
La très large représentation des personnes âgées dans cette
car il donne plus rarement des crises de contracture généralisée.
pathologie rend souvent difficile la reconnaissance précoce de
ce trismus chez des personnes souvent édentées à cet âge ou qui
ont spontanément enlevé leur dentier. En effet, l’absence de Tétanos ophtalmoplégique de Worms
dents permet, pendant un certain temps, de conserver une Secondaire à une plaie de l’orbite ou des paupières, il se
ouverture buccale suffisante sur le plan fonctionnel. manifeste par des paralysies oculaires touchant surtout la
IIIe paire crânienne.
Diagnostics différentiels du trismus
Les diagnostics les plus souvent portés à tort à ce stade de la Tétanos localisé à un membre
maladie sont :
• l’angine, en raison de la douleur et des difficultés pour En général siège de la blessure, il se caractérise par des
avaler ; mais dans l’angine, la gorge est rouge, le trismus peut contractures localisées et ne donne pas de contracture générali-
être vaincu et il n’y a pas de paroxysme spontané ou provo- sée. Il s’agit le plus souvent de tétanos de pronostic favorable,
qué de ce trismus. En revanche, dans un cas comme dans survenant chez des patients ayant déjà eu une vaccination, mais
l’autre, il y a de la fièvre ; incomplète.
• le phlegmon de l’amygdale : le trismus est unilatéral sans
contracture paroxystique et survient dans un contexte Contractures généralisées
infectieux sévère. L’examen de la gorge montre l’abcès
amygdalien, la température est à 40 °C, il existe une La première crise de contractures généralisées va confirmer le
hyperleucocytose ; diagnostic de tétanos, s’il n’avait déjà été porté. Elle signe le

2 Médecine d’urgence
Tétanos : prévention et diagnostic ¶ 25-090-B-10

début de la phase d’état et justifie le transfert du patient en Par ailleurs on dispose actuellement de gammaglobulines
service de réanimation où sera entrepris le traitement sympto- humaines au risque allergique pratiquement inexistant. Elles ont
matique des troubles respiratoires, des contractures et du toutefois l’inconvénient d’être coûteuses, dérivées du sang et
syndrome dysautonomique cardiocirculatoire dans les formes les leur rôle dans la prévention du tétanos n’a jamais été démontré.
plus graves. Le traitement est purement symptomatique, il n’a Toutes les études portant sur le dosage des anticorps antité-
aucune efficacité sur la durée de la maladie qui est de 3 semai- taniques pour prédire le degré de protection des patients vis-à-
nes en moyenne après la première crise généralisée. Le traite- vis du tétanos n’ont pas réussi à mettre en évidence une
ment a pour but de limiter les crises de contractures généralisées relation entre protection antitétanique et taux d’anticorps [13].
douloureuses et de prévenir les complications respiratoires ou Dans ces conditions, l’utilisation de gammaglobulines ne peut
cardiovasculaires. Un parage soigneux de la plaie tétanigène est pas se substituer à un parage correct des plaies et surtout à une
indispensable.
prévention à long terme par une vaccination correcte
Ce traitement, malgré l’amélioration des moyens de la
(Tableau 1) [9, 11, 14].
réanimation, n’empêche pas une mortalité encore extrêmement
importante (entre 10 et 50 % des patients dans les pays à haut
niveau de vie), d’où l’importance des mesures de prévention. Prévention au long cours
Elle fait appel à la vaccination par l’anatoxine de Ramon mise
■ Prévention du tétanos au point en 1923. Parfaitement bien supportée, sans contre-
Le traitement préventif du tétanos est aussi efficace que bien indication en dehors de très exceptionnelles réactions allergi-
toléré. L’insuffisance de campagne de prévention, tant auprès ques, elle nécessite, pour être efficace, deux ou trois injections
des médecins que des patients, explique que cette maladie, au avec un intervalle de 3 à 6 semaines et un rappel à 1 an. Ce
pronostic redoutable, n’ait pas disparu. n’est qu’à l’issue de ce rappel que la protection est réelle et
Le traitement préventif comporte trois volets : durable.
• le traitement de la plaie suspecte d’être tétanigène ; Malgré la simplicité de cette vaccination, les études épidé-
• le traitement préventif des patients à haut risque de tétanos miologiques montrent qu’une protection efficace n’existe que
(victime d’une plaie tétanigène) ; chez moins de 70 % des patients de plus de 6 ans avec une
• la prévention à long terme du tétanos. diminution de cette protection avec le temps. En effet, elle
atteint près de 90 % de la population entre 6 et 11 ans, ne
■ Traitement des plaies dépasse pas 28 % des sujets de plus de 70 ans [15]. Cela explique
que cette catégorie d’âge continue à payer un trop lourd tribut
tétanigènes à cette maladie.
Une politique volontariste de vaccination antitétanique est
Ce sont toutes les plaies, peu hémorragiques et souillées de
nécessaire, d’autant que la disparition du service militaire fait
terre qui permettent le développement des germes telluriques,
disparaître un moment de la vie chez l’homme où le contrôle
anaérobies. Toutes ces plaies doivent être soigneusement
de cette vaccination était effectué. Cet effort de vaccination doit
nettoyées avec ablation des corps étrangers et des tissus nécro-
porter tout particulièrement sur la population rurale à bas
tiques. On peut recommander l’utilisation de l’eau oxygénée
étant donné qu’il s’agit d’un germe anaérobie strict. L’utilisation niveau de vie qui échappe le plus, actuellement, à la
d’antibiotiques de la famille des b-lactamines, si le patient n’est vaccination [4].
pas allergique, peut limiter la pullulation d’une flore commen- Un effort tout particulier doit porter sur une primovaccina-
sale qui, en accentuant l’anaérobiose, permet au bacille tétani- tion complète correcte, car les cas de tétanos sont exceptionnels
que de quitter sa forme sporulée végétative pour libérer sa dans la population qui a reçu une fois dans sa vie une vaccina-
toxique neurotrope. tion correcte. Une injection de rappel même 25 à 30 ans après
De même, dans le tétanos déclaré, le parage correct du foyer une première vaccination correcte permet une montée rapide et
tétanique est indispensable pour permettre la guérison du efficace des anticorps en cas de risque tétanique [16, 17].
tétanos. Parage qui, parfois, pourra aller jusqu’à l’amputation À l’heure actuelle, la plupart des auteurs retiennent l’intérêt
d’un membre artéritique siège d’une plaie tétanigène, impossible d’un rappel tous les 10 ans ; toutefois, un rappel à 50 ans
à stériliser [11]. pourrait être suffisant si le patient a été correctement vacciné
dans l’enfance et a reçu un rappel à l’adolescence. Des rappels
Prévention à court terme plus rapprochés ne sont pas justifiés, et ont même été rendus
Elle concerne les patients à haut risque de tétanos, c’est-à- responsables de neuropathies du plexus brachial toutefois
dire les patients porteurs d’une plaie fortement tétanigène qui exceptionnelles (entre 0,5 et 1 cas pour 100 000 vaccinés) [18].
n’ont jamais eu de vaccination antitétanique correcte ou qui Toutefois, les dangers liés à une hypervaccination sont beau-
sont incapables de savoir la date de leur dernière vaccination. coup trop hypothétiques pour faire renoncer à une injection
La détermination par un test rapide, utilisable dans un service d’anatoxine si l’on n’obtient pas la certitude d’une vaccination
d’urgences, du niveau de protection des blessés ignorant leur antitétanique à jour.
statut vaccinal ne s’est pas encore imposée en raison d’une La vaccination contre le tétanos peut et doit être associée à
sensibilité insuffisante (76 %) [12], d’autant que le taux d’anti- la vaccination contre la diphtérie dont la réapparition dans les
corps supposé protéger le patient (0,10 à 0,15 UI) fait encore pays à bas niveau sanitaire peut faire craindre la dissémination
l’objet de débats [13]. ou le retour dans les pays où la diphtérie a été éradiquée [19-22].

Tableau 1.
Guide des vaccinations 1999.
Type de blessures Patient non vacciné ou vaccination Vacciné dernier rappel > 5 ans et Vacciné dernier rappel > 10 ans
incomplète < 10 ans
Mineur propre Commencer ou compléter la vaccina- Pas d’injection Rappel (1 dose)
tion
Majeur propre ou tétanigène Vaccination + IG tétanique Rappel (1 dose) Rappel (1 dose) + IG tétanique 250 UI
250 UI
Tétanigène, débridement retardé ou Vaccination + IG tétanique Rappel (1 dose) antibiothérapie Rappel (1 dose) + IG tétanique 500 UI
incomplet 500 UI + antibiothérapie 5 500 UI + antibiothérapie
IG : immunoglobuline ; UI : unités internationales.

Médecine d’urgence 3
25-090-B-10 ¶ Tétanos : prévention et diagnostic

Plaie souillée suspecte

- parage
- désinfection locale (eau oxygénée ?)
- antibiothérapie ? (β-lactamine)

Patient jamais vacciné ou ignorant


Patient Patient
son état vaccinal
correctement correctement
vacciné avec vacciné avec
dernier rappel de dernier rappel
moins de 5 ans entre 5 et 10 ans

Début d'une vaccination complète

Pas de Injection Si plaie à fort Si pas de risque


vaccination de rappel risque tétanique tétanique

Gammaglobulines Pas de
spécifiques: 250 UI gammaglobulines
(sous-cutané)

Figure 1. Arbre décisionnel. Plaie souillée suspecte.

prévention à effectuer. Si la vaccination est inexistante ou

“ À retenir
douteuse, on pourra pratiquer une injection de gammaglobuli-
nes spécifiques et une injection d’anatoxine, seul moyen de
prévenir le tétanos à long terme. Deux sites d’injection diffé-
• Le tétanos n’apporte aucune protection immunitaire rents doivent être utilisés. L’anatoxine tétanique est injectée en
ultérieure. Seule la vaccination avec des rappels réguliers premier.
tous les 10 ans donne une protection absolue. La Toute suspicion de tétanos (trismus bilatéral) justifie une
vaccination donne une protection individuelle, sans effet hospitalisation, en urgence, dans une unité proche d’une unité
sur la fréquence de la maladie dans la population. de réanimation pour bilan, à la recherche d’une porte d’entrée
• Le trismus du tétanos est bilatéral, symétrique, et vérification de l’état vaccinal du patient. L’apparition de
douloureux, permanent avec exacerbation paroxystique. contractures généralisées doit faire immédiatement transférer le
Il est invincible. patient en réanimation.
• La sérothérapie doit être abandonnée. Les Les médecins doivent continuer à craindre cette maladie et
.

gammaglobulines spécifiques n’ont pas fait la preuve de en connaître les signes de début pour que la mortalité diminue.
leur efficacité. Le tétanos reste une maladie à déclaration obligatoire.

■ Conclusion
.

Le tétanos, même s’il est devenu une maladie exceptionnelle,


■ Références
ne devrait plus exister car une vaccination ancienne, parfaite- [1] Dixon A, Bibby J. Tetanus immunisation state in a general practice
ment bien tolérée, offre une protection efficace à un coût population. BMJ 1988;297:598.
extrêmement faible. Il est donc nécessaire qu’un effort soit fait [2] Shann F, Steinhoff MC. Vaccines for children in rich and poor countries.
et maintenu pour que tout le monde puisse être au moins une Lancet 1999;354(suppl2):S7-S11.
fois dans sa vie correctement vacciné tout particulièrement dans [3] Antona D. Le tétanos en France entre 2002- 2004. Bull Epidémiol Hebd
les pays en voie de développement. Toute consultation chez le 2006;7:53-5.
médecin généraliste ou dans un service d’urgences devrait [4] Gergen PJ, McQuillan GM, Kiely M, Ezzati-Rice TM, Sutter RW,
amener le médecin à faire le bilan de l’état de vaccination de Virella G. A population-based serologic survey of immunity to tetanus
son patient. En cas d’absence de renseignement ou de rensei- in the United States. N Engl J Med 1995;332:761-7.
gnements incertains, une injection de rappel doit être prati- [5] Sanford JP. Tetanus: forgotten but not gone. N Engl J Med 1995;332:
quée ; il n’y a pas de contre-indication. 812-3.
Devant une plaie tétanigène (Fig. 1), un parage soigneux doit [6] Montague A, Glucksman E. Influences on tetanus immunization in
être réalisé. Si la vaccination est à jour, il n’y a pas d’autre accident and emergency. Arch Emerg Med 1990;7:163-8.

4 Médecine d’urgence
Tétanos : prévention et diagnostic ¶ 25-090-B-10

[7] Crone NE, Reder AT. Severe tetanus in immunized patients with high [17] Simonsen O, Kjeldsen K, Heron I. Immunity against tetanus and effect
anti-tetanus titers. Neurology 1992;42:761-4. of revaccination. 25-30 years after primary vaccination. Lancet 1984;
[8] Hsu SS, Groleau G. Tetanus in the emergency department: a current 2:1240-2.
review. J Emerg Med 2001;20:357-65. [18] Gardner P, Laforce FM. Protection against tetanus. N Engl J Med 1995;
[9] Vinsom R. Immunization does not role out tetanus. BMJ 2000;320: 333:599-600.
383-4. [19] Myers MG, Beckman CW, Vosdingh RA, Hankins WA. Primary
[10] Richardson JP, Knight AL. The management and prevention of tetanus. immunization with tetanus and diphtheria toxoids: reaction rates and
J Emerg Med 1993;11:737-42. immunogenicity in older children and adults. JAMA 1982;248:
[11] Cassell OC. Death from tetanus after a pretibial laceration. BMJ 2002; 2478-80.
324:1442-3. [20] Simonsen O. Vaccination against tetanus and diphteria: evaluations of
[12] Colombet I, Saguez C, Sanson-Le Pors MJ, Coudert B, Chatellier G, immunity in the Danish population, guidelines for revaccination, and
Espinoza P, et al. Diagnostic of tetanus immunizationstatus: multicenter methods for control of vaccination programs. Dan Med Bull 1989;36:
assessment of a rapid bioplogical test. Clin Diagn Lab Immunol 2005; 24-47.
12:1057-62. [21] Thorley JD, Holmes RK, Sanford JP. Tetanus and diphtheria antitoxin
[13] Passen EL, Andersen BR. Clinical tetanus despite a protective level of levels following a hospital-based adult immunization program. Am
toxin neutralizing antibody. JAMA 1986;255:1171-3. J Epidemiol 1975;101:438-43.
[14] Walford C, Gates C. Tetanus vaccination in adults. BMJ 2002;324: [22] Virella G, Hyman B. Quantitation of anti-tetanus and anti-diphtheria
1442-3. antibodies by enzymoimmunoassay: methodology and applications.
[15] Scher KS, Baldera A, Wheeler WE, Walker R, Jones CW. Inadequate J Clin Lab Anal 1991;5:43-8.
tetanus protection among the rural elderly. South Med J 1985;78:153-6.
[16] Balestra DJ, Littenberg B. Should adult tetanus immunization be given Pour en savoir plus
as a single vaccination at age 65? A cost-effectiveness analysis. J Gen
Intern Med 1993;8:405-12. www.legifrance.gouv.fr.

B. Blettery (Professeur des Universités, praticien hospitalier) (bernard.blettery@chu-dijon.fr).


J.-M. Doise, Praticien hospitalier.
Service de réanimation médicale, hôpital Général, 3, rue du Faubourg-Raines, 21033 Dijon cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Blettery B., Doise J.-M. Tétanos : prévention et diagnostic. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine
d’urgence, 25-090-B-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Médecine d’urgence 5
 25-090-B-20

Paludisme d’importation à P. falciparum


E. Casalino, C. Choquet, B. Doumenc

En France, plus de 25 % des cas de fièvre au retour de zone tropicale sont liés au paludisme, principale-
ment à Plasmodium falciparum. Les variables cliniques associées au diagnostic de paludisme sont l’âge
supérieur à 30 ans, le sexe masculin, les sujets originaires de zones endémiques, la notion de séjour en
Afrique subsaharienne, une prophylaxie insuffisante ou mal conduite, la notion de fièvre, de frissons,
l’absence de diarrhée, des leucocytes normaux, une thrombocytopénie, et l’élévation de la déshydrogé-
nase lactique et de la bilirubine. Cependant, seuls ou associés, ces éléments ont une sensibilité et une
spécificité insuffisantes pour le diagnostic de paludisme. Le diagnostic de paludisme doit être suspecté
chez tous les patients après un séjour en zone d’endémie. La réalisation d’un examen parasitologique
sanguin est indispensable, à savoir un examen microscopique. La prise en charge optimale de ces patients
nécessite un diagnostic rapide et la mise en route d’un traitement antipaludique adapté. L’accroissement
de la résistance du P. falciparum aux antipaludiques détermine des nouvelles stratégies de cette urgence
thérapeutique qui reposent essentiellement sur des associations (atovaquone plus proguanil ou artémé-
ther plus luméfantrine) par voie orale pour les formes sans signe de gravité, et l’artésunate ou la quinine
par voie intraveineuse pour les formes avec des signes de gravité.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Paludisme ; Plasmodium falciparum ; Artéméther/luméfantrine ; Quinine

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Le paludisme reste une maladie fréquente en zone d’endémie.
■ Épidémiologie 1 Le diagnostic et la prise en charge thérapeutique du paludisme

doivent être considérés comme une urgence car la gravité poten-
Éléments du diagnostic 2
tielle et le risque de complications sont élevés. Le diagnostic
■ Diagnostic parasitologique 3 repose largement sur un haut degré de suspicion clinique, et
■ Évaluation de la gravité 3 nécessite du diagnostic de certitude par la mise en évidence du
Atteinte neurologique 4 parasite et l’identification de l’espèce en cause, une évaluation
Atteinte pulmonaire 5 de la gravité jugée sur le tableau clinique et les données biolo-
État de choc 5 giques. L’évolution de la résistance aux antipaludiques en dépit
Acidose métabolique 5 de nouvelles alternatives thérapeutiques, a rendu le traitement
Insuffisance rénale aiguë 5 du paludisme plus complexe.
Anémie 5 Dans les zones endémiques le paludisme est responsable d’une
Thrombopénie 5 forte morbidité et d’une mortalité élevée. Il a un impact éco-
Hypoglycémie 5 nomique majeur en utilisant 1,3 % du PIB et jusqu’à 40-60 %
Parasitémie 5 des ressources médicales dans certaines régions [1] . Dans les pays
Autres anomalies biologiques 6 industrialisés, le paludisme a été éradiqué et les cas de paludisme
■ Prise en charge thérapeutique 6 d’importation sont liés aux voyages d’affaires, touristiques ou
Critères de définition de la filière de soins optimale 6 familiaux. Il est estimé que plus de 50 millions de personnes
Critères de choix du traitement antipaludique 6 visitent des pays en voie de développement chaque année et que
Traitement des symptômes associés 7 8 % d’entre elles, environ 4 millions, présenteront des symptômes
Évaluation du risque de résistance aux antipaludiques 8 plus ou moins importants [2] . Dans ce contexte, le paludisme est
un des diagnostics les plus fréquemment retenus.
■ Schémas thérapeutiques 8
Cas de paludisme simple à P. falciparum 8


Cas de paludisme grave à P. falciparum 9
 Épidémiologie
Conclusion 10
Le paludisme demeure, à l’aube du XXIe siècle, un problème
majeur de santé publique. On estime que trois milliards de per-
sonnes sont exposées au paludisme, à 250 millions le nombre de

EMC - Médecine d’urgence 1


Volume 7 > n◦ 2 > juin 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1959-5182(12)56606-7
25-090-B-20  Paludisme d’importation à P. falciparum

Figure 1. Distribution mondiale des zones à risque d’acquisition de P. falciparum.

cas annuels, et à un million le nombre de décès, principalement et en Chine le Yunnan et Hainan. En Amérique centrale et aux
des enfants en Afrique subsaharienne où le paludisme est encore Caraïbes, le paludisme sévit en Haïti et dans la zone ouest de la
la première cause de décès infantile [3] . Des efforts importants sont République dominicaine, et dans quelques foyers des pays centra-
actuellement en cours dans de nombreuses zones endémiques méricains mais avec un risque faible en dehors des épisodes ou
pour contrôler voire éradiquer le paludisme [4] . En Afrique sub- périodes de pluies intenses. En Amérique du Sud, en dehors du
saharienne d’importants progrès ont été atteints en termes de bassin amazonien, le risque est faible et quasi nul dans les zones
prévention, de diagnostic et de traitement. Ces efforts sont confor- urbaines [1–6] .
tés par des rapports signalant des réductions significatives (–28 % En France comme en Europe, 80 % des cas de paludisme
à –90 %) du nombre de cas de paludisme, mais les données concer- d’importation sont liés à P. falciparum acquis principalement en
nant l’Afrique de l’Ouest sont pauvres et dans certains cas, elles Afrique de l’Ouest [13, 15] . Ce chiffre varie en fonction des zones
mettent en évidence une stabilité voire une augmentation du endémiques visitées. Aux États-Unis, P. falciparum est responsable
nombre de cas [5] . de 40 % des cas, suivi de P. vivax principalement acquis en Amé-
Dans les zones non endémiques, il s’agit de cas de paludisme rique centrale et en Asie [11] . En Europe, 60 % à 95 % des cas
d’importation chez des voyageurs en zone tropicale, ou de rares liés à P. falciparum ont été acquis en Afrique occidentale et 60 %
cas de paludisme d’aéroport (transport accidentel du vecteur Ano- à 70 % des cas liés à P vivax en Asie [13] . P. falciparum explique
phèles) [6] . Le paludisme a été éradiqué des zones anciennement 60 % à 70 % des cas de paludisme en Asie du Sud-Est (90 % au
impaludées d’Europe et d’Amérique du Nord. En France métro- Cambodge, 97 % au Laos), 70 % à 75 % des cas aux Philippines et
politaine, il a été éradiqué dans les années 1960. Bien que ceci au Vietnam, 50 % des cas en Indonésie, 40 % des cas en Inde, 12 %
ne repose pour le moment que sur des modèles, les modifications au Népal et en Chine [10] . P. falciparum est faiblement implanté en
climatiques pourraient avoir un impact sur le risque de réémer- Amérique centrale et sur les zones côtières de l’Amérique du Sud.
gence du paludisme en Europe du sud [7, 8] . En France, le nombre Des cas ont été récemment rapportés chez des touristes au retour
de cas de paludisme d’importation est en baisse avec néanmoins d’Haïti et la République Dominicaine [16] et d’Amérique centrale.
encore entre 3 500 et 4 500 cas annuels rapportés dont 150 cas Il est en revanche souvent rencontré dans le bassin amazonien.
de paludisme d’importation à La Réunion [9] . À noter par ailleurs, Une nouvelle espèce a été décrite, P. knowlesi [17] . La plupart des
des cas locaux en Guyane, avec 3 000 à 5 000 cas annuels, et 500 cas de P. knowlesi ont été contractés en Malaisie et dans le Sud-Est
à 1 000 cas locaux annuels à Mayotte [9] . En Europe, on estime asiatique.
à 12 000 le nombre de cas annuels [10] et aux États-Unis à envi- Chez les patients infectés par P. falciparum, les formes graves
ron 1 300 cas [11] . En France comme en Europe, jusqu’à 20 % des avec atteinte neurologique sont également plus fréquentes. Les
cas de paludisme d’importation sont des cas pédiatriques [12, 13] . Le formes graves et le décès sont exceptionnels avec P. vivax, P. ovale
développement du tourisme vers les zones endémiques, l’absence ou P. malariae, alors que les cas liés à P. falciparum ont une mor-
de prophylaxie systématique pendant le séjour et après le retour, talité comprise entre 1 % et 5 % pour les formes hospitalisées en
et la rapidité des transports aériens pour une maladie à courte zone d’endémie et 10 % pour les formes graves admises en réani-
période d’incubation, expliquent en grande partie ces chiffres. La mation dans les pays industrialisés [18] . P. knowlesi est responsable
prise d’une chimioprophylaxie n’est rapportée que par un tiers de formes graves (40 % des cas liés à P. knowlesi en Malaisie) et
des patients avec seulement 20 % de bonne observance du traite- mortelles (27 % de mortalité) [19] .
ment [13, 14] .
La distribution actuelle du paludisme à P. falciparum dans le
monde est montrée dans la Figure 1. Le risque d’acquisition du  Éléments du diagnostic
paludisme est majeur en Afrique subsaharienne, alors qu’il est
quasi nul en Afrique du Nord. En Afrique de l’Est, en Afrique Le tableau clinique peut être trompeur [20–22] et il est fonction
équatoriale et en Afrique de l’Ouest, ce risque est très important de l’interaction entre l’espèce plasmodiale, le statut immunitaire
en zone rurale mais également en zone urbaine. En Asie, le risque de l’hôte et le recours à des antipaludiques. En général, les sujets
est faible dans les zones urbaines et dans les plaines côtières. Les non immuns présentent des tableaux cliniques plus parlants avec
pays avec le risque le plus élevé sont le Cambodge, l’Indonésie, fièvre, frissons, myalgies, arthralgies, céphalées. Dans le cadre du
le Laos, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande, le Vietnam, paludisme d’importation, et ce chez l’adulte comme chez l’enfant,

2 EMC - Médecine d’urgence


Paludisme d’importation à P. falciparum  25-090-B-20

le diagnostic clinique n’est pas aisé. Les arguments cliniques • l’élévation de la protéine C réactive et la procalcitonine : leur
(fièvre, céphalées, frissons, myalgies, anémie, splénomégalie) et élévation a été décrite au cours du paludisme à P. falciparum et
biologiques ne permettent au mieux qu’une sensibilité de l’ordre la procalcitonine a une valeur pronostique.
de 80 % à 90 % et une spécificité de 50 % pour le diagnostic de La faible valeur prédictive individuelle des données cliniques et
paludisme [15, 20–22] . biologiques dans le diagnostic du paludisme a été bien démon-
Certains éléments cliniques doivent guider et orienter la trée, même en cherchant à associer les paramètres cliniques
démarche diagnostique : et biologiques. Malgré l’identification de paramètres cliniques
• la notion de voyage en zone d’endémie : la difficulté et et biologiques fortement associés au diagnostic de paludisme,
le retard diagnostique sont le plus souvent liés à la non- l’association des variables ne permet d’obtenir au mieux qu’une
suspicion clinique. Dans certaines séries, le diagnostic de sensibilité de 95 % et une spécificité de 55 %. L’emploi des
paludisme n’a pas été évoqué chez 40 % à 60 % des cas de variables cliniques et biologiques ne permet pas d’exclure for-
paludisme d’importation [20–23] . L’explication avancée est le mellement le diagnostic de paludisme, et la réalisation d’un test
non-questionnement systématique du patient sur la notion parasitologique est indispensable à la confirmation tout comme à
d’un voyage récent en zone intertropicale [20–24] . La notion de l’élimination du diagnostic de paludisme [15, 20–25] .
séjour en zone tropicale est donc fondamentale et doit être
recherchée systématiquement. Même si le risque est différent
en fonction de la zone visitée, la notion de voyage en zone
intertropicale est essentielle [13] ;
 Diagnostic parasitologique
• les délais entre l’arrivée en zone d’endémie et le début des Le diagnostic de paludisme repose sur la mise en évidence du
symptômes, et entre le retour et le début des symptômes, sont parasite. Le diagnostic de paludisme doit être considéré comme
également importants. La période d’incubation du paludisme une urgence et le prélèvement sanguin réalisé sans retard. Les
est de sept jours. Ce diagnostic ne peut pas être évoqué pour méthodes microscopiques traditionnelles gardent toute leur place
les fièvres très précoces chez les voyageurs en zone d’endémie. en termes de sensibilité et de spécificité et sont considérées comme
La plupart des cas liés à P. falciparum surviennent dans les sept la méthode référence [25, 26] .
jours à quatre semaines après l’arrivée en zone d’endémie, mais Le frottis sanguin (ou goutte fine) permet d’obtenir en moins de
sont possibles jusqu’à un an plus tard. Pour P. vivax et P. ovale, 30 minutes l’identification de l’espèce plasmodiale, le stade para-
le temps d’incubation est de 10 jours à 14 jours, et des revivis- sitaire et la parasitémie (pourcentage d’hématies parasitées). Ces
cences sont possibles jusqu’à deux ans et cinq ans plus tard, trois éléments sont importants dans la démarche thérapeutique
respectivement. P. malariae a un temps d’incubation de l’ordre et l’évaluation de la gravité. La goutte épaisse reste la méthode de
de trois semaines et des reviviscences sont possibles jusqu’à dix référence, permettant un diagnostic sensible et spécifique même
ans, voire exceptionnellement trente ans plus tard ; en cas de faible parasitémie (jusqu’à 0,0001 %) [25, 26] . Les examens
• la fièvre : la forme clinique la plus fréquente est la « fièvre au microscopiques sanguins doivent être répétés en cas de négativité
retour de zone tropicale ». Le paludisme représente 20 % à 70 % initiale si le diagnostic de paludisme est cliniquement possible. Il
des cas de fièvre au retour de zone tropicale [20–24] . La fièvre est recommandé de le refaire avec huit heures d’intervalle.
peut néanmoins être absente à l’arrivée chez 30 % à 56 % des Les tests de diagnostic rapide ont connu une rapide évolution.
patients [15, 20–23] . La notion de fièvre avant la consultation doit Plusieurs méthodes sont possibles. Les tests les plus couramment
être systématiquement recherchée car elle peut ne pas être employés reposent sur la détection de protéines plasmodiales
présente lors de la consultation initiale. L’absence de fièvre par immunochromatographie (pLDH/aldolase communes aux 4
aux urgences ou lors de la consultation initiale ne permet pas espèces, PfHRP2/PfLDH spécifiques de P. falciparum, PvLDH spéci-
d’exclure le diagnostic de paludisme. Le paludisme de primo fique de P. vivax). Ces tests ont une sensibilité comprise entre 90 %
invasion chez les sujets non immuns se manifeste par une et 100 % et une spécificité entre 52 % et 99 % [26] . Ils permettent
fièvre progressivement croissante qui devient continue, alors un diagnostic aisé et dans certains cas au lit du patient, mais leur
que le paludisme chez les sujets immuns ou semi-immuns pro- coût/efficacité n’a pas été évalué [27] . Leur place dans une stratégie
voque le plus souvent des accès de fièvre tous les deux jours diagnostique rapide est mal précisée aussi bien en zone d’endémie
pour P. vivax et P. ovale (fièvre tierce bénigne) et tous les trois que dans les zones non endémiques [26] . En France, la Conférence
jours pour P. malariae (fièvre quarte). P. falciparum est respon- de consensus sur le paludisme a recommandé de réaliser un test de
sable de la fièvre tierce maligne, mais il est plus souvent associé diagnostic rapide seulement si l’examen microscopique s’avérait
à une fièvre continue ou plus ou moins anarchique. La présence négatif [25] . Leur sensibilité ne permet pas d’exclure le diagnostic
de frissons est un argument en faveur du diagnostic de palu- de paludisme.
disme [15] , tout comme une température élevée, généralement
supérieure à 39 ◦ C [15, 20, 21, 22, 23] ;
• la notion de prophylaxie antipalustre adaptée à la zone visitée
et correctement suivie pendant et après le séjour est absente  Évaluation de la gravité
chez 85 % à 97 % des cas de paludisme diagnostiqués [13–15] ;
• une splénomégalie est rencontrée chez les sujets immuns expo- Il s’agit là d’un élément essentiel dans la prise en charge des cas
sés de façon répétée. Elle est plus rare dans les formes de primo de paludisme.
invasion du sujet non immun ; Le principal critère de gravité est l’espèce plasmodiale. Les cas
• d’autres signes cliniques non spécifiques peuvent être consta- à P. falciparum peuvent être mortels, mais des formes graves ont
tés : la présence de céphalées, une grande fatigue, la présence de été également rapportées avec P. vivax et P. ovale. P. knowlesi est
signes digestifs, diarrhées et/ou douleurs abdominales [15, 20–23] . responsable de formes graves et mortelles avec des atteintes pul-
L’apport des examens complémentaires au diagnostic de palu- monaires, rénales et des états de choc [19] . Le terrain est également
disme est pauvre, car non spécifique. Certains éléments méritent un facteur de risque de présenter une forme grave de paludisme à
cependant quelques précisions : P. falciparum, notamment la grossesse, l’âge (les enfants de bas âge
• la thrombopénie : c’est un élément en faveur du diagnostic de et les sujets âgés), l’immunodépression dont le VIH, et la dénu-
paludisme [15] . Entre 43 % et 75 % des patients avec un palu- trition [27] . L’origine ethnique et la notion de paludisme antérieur
disme prouvé ont une thrombopénie [15, 20–23] ; sont également des notions à tenir en compte [28] , les sujets origi-
• l’anémie : le paludisme est une fièvre hémolytique aiguë. naires d’Afrique noire et les sujets ayant déjà fait des épisodes de
L’anémie n’est notée à l’arrivée que chez 15 % à 58 % des paludisme ont un risque moindre.
patients mais chez 97 % des patients au cours du suivi ; Le Tableau 1 présente les critères de gravité des accès palustres
• l’élévation de la bilirubine : elle est décrite chez 30 % à 64 % définis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [27] . En
des patients. La présence d’une hyperbilirubinémie totale à pré- France, une nouvelle lecture des critères de gravité a été propo-
dominance libre est significativement associée au diagnostic sée [25] . Elle est présentée Tableau 2. Le plus souvent, cette gravité
de paludisme, surtout si elle est associée à une thrombopé- s’exprime par l’apparition rapide, voire brutale, de signes cliniques
nie [15, 20–23] ; précis traduisant une atteinte d’organe : défaillance neurologique,

EMC - Médecine d’urgence 3


25-090-B-20  Paludisme d’importation à P. falciparum

Tableau 1. respiratoire, hémodynamique, rénale, métabolique. Toutefois, cet


Critères de gravité des crises d’accès palustre d’après l’Organisation mon- épisode est le plus souvent précédé d’une phase d’invasion subfé-
diale de la santé (OMS) [27] . brile, avec troubles digestifs et des céphalées. Les signes de gravité
Critères d’accès pernicieux palustre sont donc improprement dits « brutaux », et le retard diagnostic
et thérapeutique est lourd de conséquences.
Parasitémie positive à Plasmodium falciparum (la négativité n’étant pas La gravité est le plus souvent définie par des signes neurolo-
un facteur d’exclusion du diagnostic) giques. C’est le neuropaludisme (cerebral malaria) qui se traduit
Au moins un des critères suivants : par des troubles du comportement et de la conscience quel qu’en
– coma, troubles de la conscience (degrés variables) soit le degré ; peuvent s’y ajouter des crises convulsives répé-
– œdème pulmonaire (a fortiori SDRA)
tées et des signes en foyer, principalement chez les enfants. Si
le contexte est suffisamment explicite (notion de voyage en zone
– état de choc, insuffisance circulatoire
d’endémie) avec frottis sanguin positif, une ponction lombaire
– insuffisance rénale aiguë (quel qu’en soit le mécanisme) n’est pas nécessaire, mais le diagnostic de méningite ne peut être
– anémie sévère éliminé d’emblée car les deux, paludisme et méningo-encéphalite,
– hypoglycémie peuvent coexister. Il en va de même de l’indication d’une ima-
– convulsions répétées
gerie cérébrale. D’autres symptômes de gravité accompagnent le
neuropaludisme, et témoignent d’une atteinte multiviscérale. Ils
Éléments de sévérité surajoutés (à rechercher systématiquement) peuvent apparaître également en l’absence de neuropaludisme.
Somnolence, obnubilation La mortalité des cas de paludisme d’importation admis en réani-
Faiblesse, prostration mation en France est de 10,5 % [18] . Rappelons, que la mortalité
des formes graves de paludisme sans traitement est de 100 %. En
Hyperparasitémie > 4 % (à interpréter selon le degré d’immunité)
analyse multivariée, la mortalité des cas de paludisme grave en
Ictère (bilirubine > 50 ␮mol/l ou 30 mg/l) réanimation en France était associée à l’âge, le coma et la parasité-
Fièvre supérieure à 40 ◦ C mie initiale [18] . Nous devons considérer le paludisme comme une
Terrain : femme enceinte (la mère et l’enfant), splénectomie, non priorité dans notre stratégie diagnostique et la mise en route d’un
immun, immunodéprimé, vieillard traitement antipaludique comme une urgence [27] .
Les principales atteintes viscérales au cours du paludisme grave
SDRA : syndrome de détresse respiratoire aiguë. sont les suivantes.

Tableau 2.
Critères de gravité du paludisme à P. falciparum [25] . Atteinte neurologique
Toute défaillance Obnubilation, confusion, somnolence,
neurologique, incluant prostration
L’atteinte neurologique signe un des critères majeurs du palu-
disme, le neuropaludisme. Elle est la complication la plus grave
Coma avec score de Glasgow < 11
des infections à P. falciparum. C’est la complication la plus
Toute défaillance Si VM ou VNI : PaO2 /FiO2 < 300 mmHg fréquente notamment chez les enfants en zone d’endémie, expli-
respiratoire, incluant quant jusqu’à 10 % des admissions hospitalières et sa mortalité
Si non ventilé PaO2 < 60 mmHg et/ou peut atteindre 20 % dans ce contexte. Dans les zones hyperendé-
SpO2 < 90 % à l’air ambiant et/ou miques, les troubles surviennent très tôt dans la vie des jeunes
FR > 32/min enfants, alors que sa présentation est plus tardive dans les zones
Images interstitielles et/ou alvéolaires à la à faible transmission. La protection induite par des infections
radio antérieures se perd en absence d’une exposition continue [29] .
Chez l’adulte, l’atteinte neurologique est moins souvent isolée
Toute défaillance PA systolique < 80 mmHg en présence de et le tableau est plus proche d’une atteinte multiple d’organes.
cardiovasculaire, incluant signes périphériques d’insuffisance Le tableau clinique est caractérisé par une atteinte des fonctions
circulatoire
supérieures et coma, une atteinte des neurones supérieurs avec
Patient recevant des drogues vasoactives troubles du regard conjugué, hypertonie extrapyramidale, trismus
Signes périphériques d’insuffisance et attitude en décérébration ou décortication [30] . Des hémorra-
circulatoire sans hypotension gies rétiniennes sont constatées chez 15 % des patients, elles sont
Convulsions répétées Au moins 2 par 24 h
associées à un pronostic vital péjoratif [31] .
La physiopathologie est complexe et de nombreux méca-
Hémorragie Définition clinique nismes interagissent pour expliquer l’atteinte neurologique [29] .
Ictère Clinique ou bilirubine totale > 50 ␮mol Chez l’enfant, les crises comitiales sont une cause fréquente de
troubles neurologiques et le diagnostic de neuropaludisme ne peut
Hémoglobinurie être retenu dans ce cadre que devant la persistance des troubles
macroscopique neurologiques une heure après une crise d’épilepsie ou après
Anémie profonde Hémoglobine < 7 g/dl, hématocrite < 20 % un examen électroencéphalographique permettant d’éliminer
Hypoglycémie Glycémie < 2,2 mmol/l cette hypothèse. L’hypoglycémie est également une cause de
troubles de la conscience. Le mécanisme physiopathologique
Acidose Bicarbonates plasmatiques < 15 mmol/l incriminé est la formation d’agrégats d’érythrocytes infectés et
Acidémie avec pH < 7,35 non infectés dans les vaisseaux cérébraux (« rosette »). Cette
séquestration des érythrocytes est liée à l’adhésion des érythro-
Hyperlactatémie Dès que la limite supérieure de la normale
est dépassée
cytes aux cellules endothéliales des vaisseaux sanguins via des
protéines retrorégulées de P. falciparum. Les agrégats se forment
A fortiori si lactate > 5 mmol/l
ainsi entre des érythrocytes et entre les érythrocytes et les cellules
Hyperparasitémie Dès que parasitémie > 4 % notamment endothéliales [29] . Chez certains patients, des lésions ischémiques
chez le non immun cérébrales liées à des accidents artériels ainsi que des thromboses
veineuses cérébrales, probablement en rapport à une hypercoagu-
Insuffisance rénale Créatininémie > 265 ␮mol/l ou urée
sanguine > 17 mmol/l
labilité, ont été rapportées [32] . Cette séquestration entraîne une
réduction de la microcirculation cérébrale, dont le mécanisme
Diurèse < 400 ml/24 h malgré réhydratation
est également lié à une réduction de la déformabilité des éry-
VM : ventilation mécanique ; VNI : ventilation non invasive ; FR : fréquence res- throcytes. La récupération quasi-totale des signes neurologiques
piratoire ; PaO2 : pression partielle en oxygène ; SpO2 : saturation en oxygène ; sous traitement est en faveur de la faible intensité des phéno-
FiO2 : concentration de l’oxygène dans l’air inspiré ; PA : pression artérielle. mènes ischémiques. Néanmoins, la majoration des demandes

4 EMC - Médecine d’urgence


Paludisme d’importation à P. falciparum  25-090-B-20

métaboliques liées à la fièvre, les crises comitiales, et les troubles basse < 20 mmol/l malgré une réhydratation bien menée, présence
associés tels que l’hypoglycémie et l’œdème cérébral peuvent fréquente de complexes immuns circulants). L’insuffisance rénale
atteindre des niveaux critiques et expliquer les complications fonctionnelle est très fréquente et disparaît sous traitement anti-
neurologiques persistantes. L’œdème cérébral est fréquent notam- paludique [33] .
ment chez les enfants (40 % des enfants présentant des troubles de
la conscience), il est cytotoxique et souvent associé à une hyper-
tension intracrânienne que compromet la perfusion cérébrale. Anémie
Des lésions hémorragiques intracérébrales corticales d’allure pété-
L’intensité de l’anémie peut expliquer un tiers des décès liés au
chiale sont décrites dans les études anatomiques ainsi que des
paludisme en zone tropicale, notamment chez les enfants [34] . Les
lésions micro-hémorragiques périvasculaires dans 75 % des cas,
mécanismes de l’anémie au cours du paludisme sont multiples.
mais ces lésions n’ont pas été décrites chez les adultes [29] .
Elle est d’origine essentiellement mais non exclusivement parasi-
Des séquelles neurologiques ont été rapportées, notamment
taire, non proportionnelle à la parasitémie. Des multiples facteurs
chez les enfants. Il s’agit principalement de troubles neurocogni-
périphériques et centraux ont été incriminés, ainsi que des média-
tifs chez 10 % des enfants (principalement troubles de la mémoire,
tions par des cytokines et des facteurs propres au parasite [35] .
du langage, de la concentration), d’ataxie, d’épilepsie, de tableaux
L’hémolyse est néanmoins, le facteur principal. Au cours des cas
de quadriparésie spastique et d’états végétatifs persistants. Ces
de paludisme d’importation de l’adulte, l’anémie est rarement au
troubles sont fréquents chez les enfants et ce d’autant plus qu’ils
premier plan clinique. Au cours des formes graves, l’intensité de
ont présenté des crises comitiales persistantes, une hypoglycé-
l’anémie est moyenne à l’arrivée du malade (environ 9-10 g/dl),
mie et une hypertension intracrânienne sévères. Chez l’adulte
elle s’accentue normalement au fil des jours malgré la cessation du
non immun, la fréquence de séquelles neurologiques est estimée
processus hémolytique pour aboutir à des chiffres en général < 8-
inférieure à 5 %. Il s’agit en général d’épisodes de psychose transi-
10 g/dl à la fin de l’accès (4-5e jour). Une anémie d’emblée très
toire, d’épilepsie souvent focale, d’atteinte des paires crâniennes,
profonde est très rare (surtout chez l’adulte) et doit faire évoquer et
de neuropathies et de troubles extrapyramidaux [30] .
rechercher une autre cause (une fièvre bilieuse hémoglobinurique
chez un résident en zone impaludée), une complication (hémor-
Atteinte pulmonaire ragie notamment par rupture de rate) ou une anémie préexistante.
Il peut s’agir d’une hypoxémie, d’un œdème pulmonaire,
voire d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë de l’adulte Thrombopénie
(SDRA). Ces manifestations sont le plus souvent multifactorielles :
œdème lésionnel, surcharge, pneumopathie d’inhalation en cas Une thrombopénie est notée chez 75 % des cas de paludisme
de troubles de la conscience, pneumopathie bactérienne, pneu- non sévère et chez plus de 90 % des cas de paludisme grave, mais
mopathie nosocomiale précoce. Cette complication est fortement ces thrombopénies sont exceptionnellement associées à des mani-
associée à la mortalité liée au paludisme grave, elle a été décrite festations hémorragiques et ne nécessitent pas en règle générale
avec P. falciparum, P. ovale, P. vivax et P. knowlesi. Elle est plus fré- de transfusion de plaquettes [36] . Les thrombopénies profondes
quente chez les adultes particulièrement chez les non immuns (< 50 000) sont plus fréquentes au cours des formes graves. Une
et chez la femme enceinte [31] . Il est essentiel de considérer que thrombopénie significative doit toujours attirer notre attention
les apports intraveineux (solutés et transfusions sanguines) sont et doit être considérée comme un signal d’alerte. Une coagulation
susceptibles d’aggraver ces phénomènes, voire de les détermi- intravasculaire disséminée (CIVD) caractérisée est possible bien
ner compte tenu de l’hyperperméabilité capillaire pulmonaire qui que rare. Les troubles de la coagulation sont de nature complexe
caractérise ces états pendant les trois premiers jours. Leur volume au sein de cette hémolyse. Paradoxalement, il y a peu de signes et
et leur vitesse de perfusion sont donc à surveiller. C’est pour cette de complications hémorragiques en l’absence de gestes invasifs de
raison que la transfusion sanguine doit être réservée aux patients soins ou d’explorations. On peut cependant objectiver parfois des
présentant des anémies significatives avec des signes de mauvaise hémorragies au fond d’œil lesquelles ont été associées par certains
tolérance. Le remplissage vasculaire doit également être prudent à des lésions cérébrales [37] . En cas de persistance d’une thrombo-
et doit être guidé par un monitorage hémodynamique. pénie profonde après le cinquième jour, il faut envisager une autre
cause (CIVD, hématome, sepsis, rare thrombopénie induite par la
État de choc quinine).

L’état de choc est relativement rare. Il s’agit alors le plus souvent


d’un choc hyperkinétique en réponse à une vasoplégie intense Hypoglycémie
(type choc septique). Des bactériémies d’origine digestive (bacilles
Elle est rare d’emblée chez l’adulte (sauf chez la femme
à Gram négatif) ou rhinopharyngopulmonaire (pneumocoque)
enceinte), mais fréquente chez l’enfant. Souvent, elle succède à la
sont alors le plus souvent identifiées (50 % des cas). Pour cette
mise en route du traitement par quinine intraveineuse, en fonc-
raison, des hémocultures et une antibiothérapie probabiliste, le
tion de sa dose mais surtout de sa vitesse de perfusion (ralentir
plus souvent une céphalosporine de 3e génération, doivent être
la vitesse de perfusion en cas d’aggravation neurologique bru-
proposées en cas d’instabilité hémodynamique [18] . Un choc car-
tale) [38] . L’hypoglycémie peut se reconnaître par l’aggravation
diogénique pur n’est quasiment jamais retrouvé, sauf en cas de
du coma (simulant un échec thérapeutique), par l’apparition de
dysfonction cardiaque sévère préexistante ou de surdosage massif
sueurs plus abondantes et des contractures (trismus, membres).
en quinine [25, 27] .
Un apport glucidique optimisé est nécessaire.

Acidose métabolique
Parasitémie
L’acidose métabolique est d’origine plurifactorielle : hyperlac-
tatémie (une partie des lactates étant produite par le parasite Le degré de parasitémie circulante n’est pas en soi un élément
lui-même), insuffisance rénale, état de choc, infection bactérienne de pronostic péjoratif. Néanmoins, le risque de complications et
associée. C’est un des déterminants majeurs de la gravité et du de survenue de formes graves de paludisme est lié à une parasité-
risque de décès [32] . mie initiale élevée ou en tout cas supérieure à 2 % [28] . Pour l’OMS,
une parasitémie supérieure à 4 % est un signe de gravité. Il faut
Insuffisance rénale aiguë considérer que, en l’absence de traitement efficace, la parasitémie
ne cesserait de s’accroître et entraînerait finalement la mort. Une
Quelle qu’en soit la forme clinique, à diurèse conservée ou parasitémie très élevée est donc un témoin de retard thérapeu-
oligoanurique, dite organique dès qu’elle ne cède pas à la réhydra- tique, qui implique moins des morts supplémentaires prévisibles
tation, l’atteinte est de type tubulo-interstitielle et dans quelques que des difficultés plus grandes à bien gérer le traitement pendant
rares cas de type glomérulaire (protéinurie > 1-2 g/24 h, natriurèse les trois premiers jours. L’élévation initiale de la parasitémie au

EMC - Médecine d’urgence 5


25-090-B-20  Paludisme d’importation à P. falciparum

cours des premières 24 heures de traitement bien conduit est un Tableau 3.


phénomène bien connu. Elle n’a aucune valeur pronostique et ne Proposition des critères d’hospitalisation des accès palustres simples.
traduit en aucun cas un échec thérapeutique [39] . Indications absolues
Accès pernicieux ou tout signe de gravité
Autres anomalies biologiques Parasitémie ≥ 2 %, sauf chez le sujet immun résidant de longue date en
zone d’endémie
L’intensité de l’ictère et de la bilirubinémie est avant tout fonc-
Vomissements itératifs (indication à un traitement par voie
tion de l’incapacité d’épuration des pigments par le malade, en
intraveineuse)
particulier en cas d’anurie. On les constate bien dans un contexte Indications à discuter
de gravité indiscutable mais ce ne sont pas des facteurs de gravité
Situation de précarité Difficultés pour l’achat ou l’obtention des
par eux-mêmes [15, 18, 28] .
médicaments
Une hémoglobinurie macroscopique est très rare dans l’accès
pernicieux, même à parasitémie très élevée. Si le patient habite Absence de couverture assurance maladie
une région d’endémie, ce symptôme évoque avant tout la Absence de ressources pour avancer le prix
fièvre bilieuse hémoglobinurique et non l’accès palustre. Si c’est des médicaments
un voyageur (adulte non immun), il faut discuter une hémo- Contexte psychosocial défavorable
lyse médicamenteuse surajoutée (dans le cadre d’un déficit en Patient vivant seul
glucose-6-phosphate déshydrogénase [G6PD]) avant de retenir un
Risque de mauvaise compliance
paludisme pernicieux avec hémoglobinurie. Il faut prendre garde
de bien distinguer l’hémoglobinurie de l’hématurie ou des urines Pathologies chroniques Cirrhose
colorées par les pigments de la cholestase. associées
L’hyponatrémie est fréquente au cours du paludisme, elle a été Insuffisance hépatique
associée au pronostic des patients [40] . Insuffisance rénale chronique
Terrain particulier Femme enceinte

 Prise en charge thérapeutique Enfant


Sujet âgé
Le traitement du paludisme repose sur une prise en charge Sujet immunodéprimé : splénectomie,
globale : haut degré de suspicion clinique et confirmation diagnos- VIH, traitement immunosuppresseur
tique rapide, évaluation de la gravité, traitement antiparasitaire Sujet non immun : sujet originaire d’une
à débuter dès la confirmation du diagnostic, réhydratation pru- zone d’endémie mais résidant en zone non
dente pour les formes graves et orientation optimale. L’efficacité endémique, sujet originaire de zones non
de la prise en charge initiale a un impact sur la morbidité et la endémiques
mortalité.
VIH : virus de l’immunodéficience humaine.

Critères de définition de la filière de soins Les critères sur lesquels repose le choix du traitement antipara-
optimale sitaire sont les suivants.
Les patients ne présentant aucun signe de gravité
(Tableaux 1, 2), peuvent être traités en ambulatoire, à condition Gravité
que toutes les situations suivantes soient réunies [25] : La recherche de signes de gravité est la première étape dans la
• diagnostic de certitude établi ; démarche. La présence d’un des signes de gravité doit conduire
• absence d’échec d’un traitement antérieur ; à proposer le patient en réanimation et à mettre en route un
• parasitémie < 2 % ; traitement par voie intraveineuse.
• plaquettes > 50 000/mm3 , hémoglobine > 10 g/dl, créatiné-
mie < 150 micromoles/l ; Parasitémie
• absence de terrain à risque (sujet âgé, immunodépression, splé-
nectomie, grossesse, cardiopathie sous-jacente) ; Il est habituellement accepté qu’une parasitémie supérieure à
• patient entouré, accessibilité au traitement, possibilité de 2 % [25, 27] soit une indication à l’hospitalisation (Tableau 3) mais
consultation dans les trois jours. non à un traitement par voie intraveineuse. Chez un sujet non
Il est conseillé de débuter le traitement dans le service immun, une parasitémie supérieure à 2 % est associée à un risque
d’urgences et de surveiller le patient pendant au moins deux de mortalité accru [28] . Une parasitémie supérieure à 5-10 % pour-
heures, notamment sa tolérance digestive. Le patient doit quit- rait être retenue, même en absence d’autres signes de gravité,
ter le service d’urgences avec un rendez-vous ou au moins une comme une indication à un traitement par voie intraveineuse,
filière de soins précise pour réévaluation trois jours plus tard et mais cela reste discutable. Ces patients doivent être hospitalisés et
des conseils de retour aux urgences en cas de somnolence, confu- surveillés. En cas de terrain à risque, il est prudent de les proposer
sion, majoration de la fièvre, gêne respiratoire, malaise, ou tout en réanimation.
nouveau symptôme.
Tous les autres patients doivent être hospitalisés. Notion de terrain
Les critères d’admission en réanimation peuvent varier en fonc-
Certains terrains à risque sont reconnus comme nécessitant une
tion de l’expérience des équipes de soins. Néanmoins, la présence
évaluation spécifique (enfants, patients âgés, femmes enceintes,
d’un seul signe de gravité (Tableaux 1, 2) signe l’appel du réanima-
sujet immunodéprimé). L’intolérance digestive au traitement per
teur et un transfert en réanimation (réanimation lourde ou Unité
os est une indication reconnue du traitement intraveineux.
de Soins Continus).
Les femmes enceintes doivent être considérées comme une
situation d’urgence thérapeutique. Le paludisme à P. falciparum
Critères de choix du traitement antipaludique au cours de la grossesse est associé à un risque accru d’anémie,
de bas poids à la naissance et de développement de formes
Des recommandations ont été récemment publiées concernant graves de paludisme et de décès [42] . Au cours du premier trimestre
les nouvelles stratégies thérapeutiques [27, 41] . La Figure 2 présente les médicaments pouvant être proposés sont quinine, chloro-
une modification de l’algorithme proposé par la Conférence de quine, clindamycine et proguanil. La recommandation actuelle
consensus française en 2007 [25] sur la base des nouvelles recom- est de traiter la femme enceinte au cours du premier trimestre
mandations internationales [27, 41] . par quinine plus clindamycine ou par ACT (artéméther plus

6 EMC - Médecine d’urgence


Paludisme d’importation à P. falciparum  25-090-B-20

P. falciparum*

Recherche de signes de gravité

Troubles de la conscience (même minimes), convulsions


Choc, défaillance respiratoire
Syndrome hémorragique
Hémoglobinurie, ictère ou bilirubine totale > 50 μmol/l
Hémoglobine < 7 g/dl Oui
Créatininémie > 265 μmol/l
Glycémie < 2,2 mmol/l
Parasitémie > 4 %
Hyperlactatémie, acidose métabolique

Non Avis du réanimateur pour


hospitalisation en urgence en :
- réanimation
Hospitalisation en urgence - unité de surveillance continue
Oui Vomissements - unités spécialisées
Traitement intraveineux

Non

Hospitalisation ou ambulatoire Dès amélioration

Patient adulte, diagnostic parasitologique fiable


Absence de facteur de risque de mauvaise observance, bonne compréhension
Absence de facteur de risque associé (isolement, patient âgé, pathologie
associée notamment cardiologique, splénectomie, grossesse, etc.)
Proximité d’un hôpital, contact médical identifié, n° téléphone fourni
Disponibilité immédiate de l’antipaludique prescrit (pharmacie ou service
des urgences)
Suivi possible à h72 et j7
Plaquettes > 50 000/mm3, hémoglobine > 10 g/dl, créatininémie < 150 μmol/l
Parasitémie < 2 %

Si tous les critères sont vérifiés : Si un seul critère n'est pas vérifié :
- traitement ambulatoire possible - hospitalisation
- atovaquone-proguanil - atovaquone-proguanil
ou artéméther-luméfantrine ou artéméther-luméfantrine

Suivi avec frottis-goutte épaisse à h72, j7 et j28

Figure 2. Arbre décisionnel. Prise en charge des accès palustres à Plasmodium falciparum aux urgences [27, 41, 47, 49–51] . *Si biparasitisme ou espèce non
précisée, traiter comme P. falciparum.

luméfantrine) en cas d’échec du premier traitement. Au cours du majoré par ces associations (principalement risque accru de neu-
deuxième et troisième trimestre [27] il semble prudent de décon- tropénie, anémie, hépatotoxique). Le traitement du paludisme
seiller la méfloquine et de proposer des schémas ACT ou la quinine chez le sujet infecté par le VIH est une urgence thérapeutique.
plus clindamycine.
Les sujets infectés par le VIH et dont l’état immunitaire est per-
turbé (CD4 < 350/mm3 ) sont à risque accru de présenter des formes Traitement des symptômes associés
symptomatiques de paludisme, de développer des formes sévères
et de décès [43, 44] . Peu de données sont disponibles concernant Les nausées et vomissements sont des manifestations fréquentes
les interactions médicamenteuses entre les traitements antirétro- du paludisme notamment chez les enfants. La fièvre, la fatigue,
viraux et les autres traitements habituels utilisés par les sujets certains médicaments notamment la méfloquine induisent des
infectés par le VIH et les traitements antipaludiques. Il appa- vomissements. Des antiémétiques sont habituellement proposés.
raît néanmoins que le risque de survenue d’effets indésirables est Il n’y a aucune donnée permettant de privilégier une molécule

EMC - Médecine d’urgence 7


25-090-B-20  Paludisme d’importation à P. falciparum

antiémétique sur une autre. Néanmoins, l’association métoclo- Les recommandations françaises de 2007 [25] avaient positionné
pramide/atovaquone doit être contre-indiquée en raison du risque en première ligne pour le paludisme à P. falciparum d’importation
de sous-dosage de l’atovaquone. Parmi les causes d’échec du trai- l’association atovaquone/proguanil (Malarone® ) et l’association
tement per os, les nausées et les vomissements sont une cause artéméther/luméfantrine (Riamet® ). Ces recommandations res-
importante. C’est pour cela que l’intolérance digestive avec des tent valables, et sont en accord avec les recommandations de
vomissements non contrôlés par le traitement symptomatique l’OMS [27] . La quinine, la méfloquine et l’halofantrine sont pro-
constitue une contre-indication au traitement per os et est une posées en France en deuxième ligne en monothérapie alors que
indication à un traitement par voie intraveineuse. les recommandations britanniques et de l’OMS plus récentes
La fièvre doit également être traitée si elle est mal tolérée. proposent systématiquement des associations, par exemple, la
Néanmoins, des interactions médicamenteuses et une clearance quinine plus la clyndamycine ou la quinine plus la doxyxycline
parasitaire plus lente ont été rapportées sous paracétamol et ibu- chez le voyageur de retour de zone tropicale [27, 41] . L’halofantrine
profène. L’aspirine est contre-indiquée chez l’enfant compte tenu (Halfan® ) et la méfloquine (Lariam® ) ne devraient plus être pres-
du risque de syndrome de Reye. crits car il s’agit de monothérapies et en raison de la fréquence
d’effets indésirables.

Évaluation du risque de résistance Schémas proposés par voie orale


aux antipaludiques La voie orale est réservée aux patients présentant un accès
Le développement de la résistance aux antipaludiques et la palustre sans aucun signe de gravité ni aucune complication. Chez
diffusion de ce phénomène aux souches de P. falciparum mais les patients présentant des vomissements incontrôlables, la voie
aussi à P. vivax et P. ovale dans le monde entier est un phéno- intraveineuse doit être proposée. Aucune recommandation ne
mène bien connu [45, 46] . De nombreuses souches de P. falciparum limite le recours à la voie orale en fonction du terrain (grossesse,
résistantes à la chloroquine ont été rapportées en Afrique sub- patient immunodéprimé dont VIH) si la voie orale est possible.
saharienne, Asie du Sud-Est et en Amérique du Sud (forêt Artéméther-luméfantrine (Riamet® )
amazonienne), tout comme des souches résistantes aux autres
La posologie recommandée chez l’adulte et l’enfant de 12 ans
antipaludiques dont la sulfadiazine/pyriméthamine, la méflo-
ou plus et de 35 kg ou plus, est la suivante : la dose totale sera
quine, l’atovaquone/proguanil et l’halofantrine, en général dans
administrée en six prises de quatre comprimés (soit 24 compri-
les mêmes régions [47] . Le développement de la résistance aux
més) réparties sur une durée totale de 60 heures selon le schéma
drogues de première ligne a fait modifier les schémas thérapeu-
suivant :
tiques et proposer le recours aux schémas basés essentiellement
• première prise au moment du diagnostic : 4 comprimés ;
sur des associations d’antipaludiques, principalement des ACT
• puis 5 prises de 4 comprimés à H8, H24, H36, H48 et H60.
(artemisinin-based combination therapy) d’abord en Asie, puis en
Le traitement comporte au total 24 comprimés. Il n’y a pas
Afrique et en Amérique du Sud [27, 41, 46] .
d’indication à adapter la posologie en cas d’insuffisance rénale ou
Des souches résistantes ont été décrites à l’ensemble des antipa-
hépatique, mais la prudence est requise en cas d’insuffisance hépa-
ludiques, y compris les dérivés de l’artémisine. Néanmoins, tous
tique ou rénale sévères. Une surveillance électrocardiographique
les échecs thérapeutiques ne sont pas forcément liés à des phéno-
et une surveillance de la kaliémie sont alors recommandées.
mènes de résistance, il faut rappeler ici l’importance du dosage,
La posologie recommandée chez l’enfant est la suivante : pour
du choix de la voie d’administration, de la compliance du patient
l’enfant et le nourrisson pesant de 5 kg à moins de 35 kg, la dose
au traitement, des interactions médicamenteuses possibles, des
totale recommandée est de 6 prises de 1 comprimé à 3 comprimés
facteurs réduisant l’absorption du médicament, et de la probléma-
en fonction du poids corporel :
tique des spécialités pharmaceutiques de mauvaise qualité dans les
• poids corporel de 5 kg à moins de 15 kg : première prise
circuits de distribution parallèle en zone intertropicale.
au moment du diagnostic : 1 comprimé. Puis : 5 prises de
1 comprimé 8, 24, 36, 48 et 60 heures après la première prise ;
• poids corporel de 15 kg à moins de 25 kg : première prise
 Schémas thérapeutiques au moment du diagnostic : 2 comprimés. Puis : 5 prises de
2 comprimés 8, 24, 36, 48 et 60 heures après la première prise ;
Deux situations thérapeutiques distinctes doivent être considé- • poids corporel de 25 kg à moins de 35 kg : première prise
rées. au moment du diagnostic : 3 comprimés. Puis : 5 prises de
3 comprimés 8, 24, 36, 48 et 60 heures après la première prise.

Cas de paludisme simple à P. falciparum Atovaquone-Proguanil (Malarone® )


La dose proposée chez l’adulte et enfant de plus de 40 kg de
Les recommandations britanniques et de l’OMS plus poids corporel (environ 12 ans d’âge) est la suivante :
récentes [27, 41, 46] font des associations de molécules la base • première prise au moment du diagnostic : 4 comprimés en une
de la thérapeutique du paludisme. Les associations propo- prise unique ;
sées doivent comprendre deux schizonticides avec des modes • puis une prise unique par jour de 4 comprimés, 2 jours de suite.
d’action et des cibles biochimiques distinctes [27] . Les associations Le traitement total est donc sur 3 jours, à 24 heures d’intervalle,
d’antipaludiques auraient ainsi plus d’efficacité clinique et au total, 12 comprimés. Les médicaments sont à prendre avec un
réduiraient le risque d’émergence de la résistance [47] . repas ou une collation lactée. Des interactions médicamenteuses
Pour l’OMS, la première ligne thérapeutique repose sur les sont à prendre en compte, l’association au métoclopramide, aux
ACT. Les seules associations proposées par l’OMS non ACT sont cyclines, à la rifamycine et à l’indinavir est contre-indiquée.
sulfadoxine-pyrimethamine plus chloroquine (SP + CQ) ou amo-
diaquine (SP + AQ). Mais le développement de la résistance à ces Quinine (Quinimax® )
molécules limite considérablement leur intérêt. L’artémisine et La dose est de 25 mg de quinine base/kg/j en trois prises pen-
ses dérivés (artésunate, artéméther, dihydroartemisinine) sont à la dant 7 jours. La dose usuelle pour un adulte de poids moyen est de
base des ACT. Parmi les ACT, l’association artéméther plus lumé- 1 comprimé de 500 mg trois fois par jour. Les symptômes de
fantrine est la seule disponible en France (Riamet® en France, cinchonisme sont fréquents, bourdonnements des oreilles, hypo-
Coartem® en zone d’endémie). La luméfantrine est une molé- acousie et vertiges, mais sans gravité et cèdent à l’arrêt du
cule apparentée à la quinine, la méfloquine et l’halofantrine. traitement.
Malgré ceci, elle n’a pas d’effet sur l’intervalle QT et est bien Les recommandations les plus récentes sont en faveur des
tolérée [27] . D’autres ACT existent en zone tropicale et dans cer- associations d’antipaludiques et le traitement par quinine en
tains pays d’Europe : artésunate plus amodiaquine, artésunate plus monothérapie n’est plus recommandé. La doxycycline ou la clin-
mefloquine, artésunate plus sulfadoxine-pyrimethamine, et dihy- damycine doivent être proposées en association à la quinine per
droartemisinine plus piperaquine. os [27, 43] .

8 EMC - Médecine d’urgence


Paludisme d’importation à P. falciparum  25-090-B-20

Doxycycline La posologie habituelle est de 2,4 mg/kg par voie intraveineuse


La posologie habituelle chez l’adulte est de 1 comprimé directe dès le diagnostic confirmé, puis à h12 et h24. Puis la même
de 100 mg deux fois par jour pendant 7 jours (par voie orale dose une fois par jour [52] .
ou intraveineuse (Vibraveineuse® ) au cours des formes graves). Après au moins 24 heures de traitement intraveineux et dès
Cette molécule est contre-indiquée en cas d’hypersensibilité aux que le relais per os est possible, proposer un traitement par
cyclines, chez l’enfant de moins de huit ans, et au cours du voie orale. Les médicaments antipaludiques pouvant être utili-
deuxième et troisième trimestre de grossesse. L’allaitement est sés pour le relais sont de préférence des bithérapies comprenant
également une contre-indication relative. Les principaux effets un dérivé d’artémisinine : l’artéméther-luméfantrine ou en cas de
secondaires sont l’hypersensibilité avec des manifestations aller- contre-indication à l’utilisation de la luméfantrine, l’atovaquone-
giques qui peuvent être sévères et la photosensibilisation. Ce proguanil. En cas de voie orale impossible après les trois premiers
médicament doit être administré au milieu d’un repas avec jours de traitement par Malacef® , il est recommandé soit de conti-
un verre d’eau (100 ml) et au moins une heure avant le cou- nuer Malacef® sans dépasser une durée totale de sept jours de
cher [27, 41, 48] . traitement, soit d’utiliser un autre antipaludique disponible par
voie parentérale au choix du médecin prescripteur pour atteindre
Clindamycine (Dalacine® cp 150 mg, 300 mg) sept jours de traitement. Dans tous les cas, le relais par voie orale
La posologie habituellement proposée est par voie orale de doit être instauré dès que possible. La solution doit être adminis-
20 mg/kg/j divisée en trois prises journalières. Dans les formes trée par voie intraveineuse immédiatement après reconstitution
sévères, un traitement intraveineux est possible (Dalacine® ou dans un délai maximum de six heures. La vitesse d’injection
600 mg amp) à la posologie de 10 mg/kg la première dose, sui- est de 3 ml par minute.
vie de 5 mg/kg trois fois par jour. Les posologies pédiatrique sont L’artésunate est une prodrogue, elle doit être transformée par
les mêmes. La durée totale de traitement est de 7 jours, avec un l’organisme en dihydroartemisine (DHA). Le DHA est ensuite
relais per os dès que possible [27, 41, 48] . métabolisé par les CYP2B6, CYP2C19 et CYP3A4 dans des méta-
bolites inactifs. Il n’est pas nécessaire d’adapter la dose à la
fonction rénale ni hépatique. C’est une molécule bien tolérée,
Cas de paludisme grave à P. falciparum le principal effet (1/3 000) est un rash cutané et chez certains
patients hypotension, prurit, œdème et dyspnée. Les principaux
La présence d’un seul critère de gravité doit conduire au trans- effets secondaires sont des vertiges, nausées, vomissements, diar-
fert du patient en réanimation. Les objectifs du traitement précoce rhées, réticulocytopénie transitoire, et un goût métabolique dans
sont d’éviter l’évolution du tableau clinique vers des formes la bouche. Les manifestations hépatiques, rénales et cardiaques
sévères, et pour les formes sévères, d’éviter leur évolution vers sont observées à des doses suprathérapeutiques. La seule contre-
le décès, et de permettre une clearance rapide des parasites dont indication est la notion d’allergie à un dérivé de la même famille.
la disparition signe l’efficacité du traitement. La tolérance du La clearance parasitaire est bien plus rapide sous artésunate que
traitement et le risque d’émergence de souches résistantes sont sous quinine. La demie-vie de l’artésunate est courte (environ
également des éléments à prendre en compte. 45 minutes). Le risque d’apparition de phénomènes de résistance
Des articles récents ont mis en évidence la supériorité de est très élevé. C’est pour cette raison que le relais per os précoce
l’artésunate vis-à-vis de la quinine dans le traitement des cas de par un ACT doit être proposé systématiquement [53] .
paludisme grave avec une réduction de la mortalité et de la surve- L’artésunate doit systématiquement être associé à une autre
nue de complications chez les enfants en zone d’endémie [49] , tout molécule (doxycycline ou clyndamycine).
comme chez l’adulte en zone d’endémie [50, 51] . Les recomman-
dations britanniques [43] ainsi que celles de l’OMS [27] coïncident Quinine
en proposer l’artésunate par voie intraveineuse comme pre- La posologie habituelle est la suivante :
mière option dans le traitement des formes sévères de paludisme • dose de charge initiale : bien que son intérêt ne soit pas
à P. falciparum en raison de son efficacité supérieure et de sa démontré, elle est habituellement proposée dans le traitement
meilleure tolérance [27, 43] . Dans tous ces protocoles, la quinine des formes sévères. La dose recommandée est de 16 mg/kg
aussi bien que l’artésunate étaient administrés en association à à la seringue électrique (SE) en 4 heures, suivi de 4 heures
la doxycycline, ce qui est en accord avec les recommandations d’interruption. La dose de charge ne doit pas être administrée en
de l’OMS concernant le traitement du paludisme. La quinine a cas de traitement antérieur par quinine, halofantrine ou méflo-
été la molécule de choix en France pour le traitement des cas quine, ni en cas d’indication d’un traitement intraveineux en
de paludisme grave en raison de l’indisponibilité de l’artésunate. raison d’une intolérance digestive sans signe de gravité. Il est
Depuis 2011, l’Artésunate est accessible dans le cadre d’une auto- recommandé de mettre le patient sous surveillance scopique et
risation temporaire d’utilisation (ATU) nominative (Malacef® ). de contrôler attentivement la glycémie (surveillance horaire) ;
Cette molécule est compte tenu des données récentes appelée à • dose d’entretien : 8 mg/kg en 8 heures à la SE, à renouveler
devenir le traitement de référence des cas de paludisme grave à toutes les 8 heures, soit 24 mg/kg/24 h.
P. falciparum [50] et à P. knowlesi [19] . La perfusion de quinine en utilisant une seringue élec-
trique offre une sécurité accrue et diminue le risque d’un
passage trop rapide d’une solution fortement dosée avec risque
Schémas proposés par voie intraveineuse d’hypoglycémie sévère et de survenue de troubles sévères du
La présence d’un seul signe de gravité ou de complication du rythme cardiaque voire de décès.
paludisme justifie la mise en route d’un traitement par voie paren- Il est proposé d’assurer des apports glucidiques journaliers suffi-
térale. sants chez ces patients, par exemple avec une perfusion de base de
En France, la voie intramusculaire n’est pas utilisée même si une glucose 10 %. Les doses de quinine ne sont pas à adapter à la fonc-
ATU nominative est possible pour l’artéméther par voie intramus- tion rénale, tout au moins au cours des premières 36-48 heures.
culaire (Paluther® ). Le contrôle de la quininémie doit être systématique à partir du
Les schémas par voie intraveineuse suivants sont possibles. deuxième jour de traitement. La quininémie efficace est comprise
entre 10 mg/l et 12 mg/l, à la seule exception des souches de résis-
Artésunate tance partielle à la quinine décrites dans le Sud-Est asiatique.
L’artésunate est devenu la molécule proposée en premier L’artésunate et la quinine doivent être associés à une autre
choix pour les formes graves de paludisme [27, 41, 50] . L’artésunate molécule dans le traitement du paludisme. Les molécules habi-
(Malacef® ) ne disposant pas d’autorisation de mise sur le marché tuellement proposées dans le contexte des formes sévères sont la
doxycycline ou la clindamycine.
en France ni aux États-Unis, son utilisation est soumise à une pro-
cédure de surveillance étroite de la part de l’Agence française de Doxycycline
sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), notamment en La posologie habituelle chez l’adulte est de 1 comprimé
matière de pharmacovigilance. Les documents concernant l’ATU de 100 mg deux fois par jour pendant 7 jours (par voie orale
sont disponibles sur le web [51] . ou intraveineuse (Vibraveineuse® ) au cours des formes graves).

EMC - Médecine d’urgence 9


25-090-B-20  Paludisme d’importation à P. falciparum

Cette molécule est contre-indiquée en cas d’hypersensibilité aux [3] Organisation Mondiale de la Santé. Rapport 2009 sur la
cyclines, chez l’enfant de moins de huit ans, et au cours du paludisme dans le Monde. www.who.int/malaria/world malaria
deuxième et troisième trimestre de grossesse. L’allaitement est report 2009/mal2009 summary and keypoints fr.pdf.
également une contre-indication relative. Les principaux effets [4] Feachem RG, Phillips AA, Hwang J, Cotter C, Wielgosz B, Greenwood
secondaires sont l’hypersensibilité avec des manifestations aller- BM, et al. Shrinking the malaria map: progress and prospects. Lancet
giques qui peuvent être sévères et la photosensibilisation. Ce 2010;376:1566–78.
médicament doit être administré au milieu d’un repas avec [5] O’Meara WP, Mangeni JN, Steketee R, Greenwood B. Changes
un verre d’eau (100 ml) et au moins une heure avant le cou- in the burden of malaria in sub-Saharan Africa. Lancet Infect Dis
cher [27, 41, 48] . 2010;10:545–55.
[6] Queyriaux B, Pradines B, Hasseine L, Coste S, Rodriguez P, Coffinet
Clindamycine (Dalacine® cp 150 mg, 300 mg) T, et al. Paludisme d’aéroport. Presse Med 2009;38:1106–9.
La posologie habituellement proposée est par voie orale de [7] Sainz-Elipe S, Latorre JM, Escosa R, Masià M, Fuentes MV,
20 mg/kg/j divisé en trois prises journalières. Dans les formes Mas-Coma S, et al. Malaria resurgence risk in southern Europe: cli-
mate assessment in an historically endemic area of rice fields at the
sévères, un traitement intraveineux est possible (Dalacine®
Mediterranean shore of Spain. Malar J 2010;9:221.
600 mg amp) à la posologie est de 10 mg/kg la première dose, sui-
[8] Toty C, Barré H, Le Goff G, Larget-Thiéry I, Rahola N, Couret D, et al.
vie de 5 mg/kg trois fois par jour. Les posologies pédiatrique sont
Malaria risk in Corsica, former hot spot of malaria in France. Malar J
les mêmes. La durée totale de traitement est de sept jours, avec un 2010;9:231.
relais per os dès que possible [27, 41, 48] . [9] Institut National de Veille Sanitaire. Paludisme.
www.invs.sante.fr/surveillance/paludisme/am paludisme.htm.
Autres traitements [10] World Health Organization (2006) From malaria control to elimination
in the WHO European region 2006-2015. Regional office for Europe,
En cas de troubles hémodynamiques, hypotension ou signes Copenhagen, Denmark.
périphériques de choc, le remplissage initial doit être prudent [11] Mali S, Steele S, Slutsker L, Arguin PM. Centers for Disease Control
sans dépasser 1000 ml de macromolécules. Si besoin, recourir à la and Prevention (2010) Malaria surveillance-United States. MMWR
dopamine (5 ␮g/kg/min à 20 ␮g/kg/min). Dans les états de choc, Surveill Summ 2008;59:1–15.
il est prudent d’associer une antibiothérapie (céphalosporine de [12] Ladhani S, Aibara RJ, Riordan FA, Shingadia D. Imported malaria in
3e génération) compte tenu de la fréquence des infections bacté- children: a review of clinical studies. Lancet Infect Dis 2007;7:349–57.
riennes. [13] Field V, Gautret P, Schlagenhauf P, Burchard GD, Caumes E, Jensenius
L’anémie est rarement majeure d’emblée et elle se présente ou M, et al. Travel and migration associated infectious diseases morbidity
se majore en cours d’évolution. Le recours aux transfusions san- in Europe, 2008. BMC Infect Dis 2010;10:330.
guines doit rester limité aux seuls cas avec une hémoglobine [14] Pistone T, Ezzedine K, Gaudin AF, Hercberg S, Nachbaur G, Malvy
inférieure à 6 g/dl ou avec des signes de mauvaise tolérance à D. Malaria prevention behaviour and risk awareness in French adult
l’ECG. travellers. Travel Med Infect Dis 2010;8:13–21.
Les données concernant l’intérêt thérapeutique des corticoïdes, [15] Casalino E, Lebras J, Chaussin F, Fichelle A, Bouvet E. Predictive
des transfusions plaquettaires (sauf en cas d’hémorragie ou de factors of malaria in travelers to areas where malaria is endemic. Arch
geste invasif), des héparines ou des héparines de bas poids molé- Intern Med 2002;162:1625–30.
culaire (HBPM), ou de l’exsanguinotransfusion sont limitées et ne [16] http://wwwnc.cdc.gov/travel/destinations/dominican-republic.aspx.
semblent pas suffisantes pour les proposer en pratique clinique [17] Kantele A, Jokiranta TS. Review of cases with the emerging fifth
courante. human malaria parasite, Plasmodium knowlesi. Clin Infect Dis
2011;52:1356–62.
[18] Bruneel F, Tubach F, Corne P, Megarbane B, Mira JP, Peytel E, et al.
Severe imported falciparum malaria: a cohort study in 400 critically ill
 Conclusion adults. PLoS One 2010:5:e13236.
[19] William T, Menon J, Rajahram G, Chan L, Ma G, Donaldson S, et al.
Le diagnostic de paludisme est une urgence, tout retard diag- Severe Plasmodium knowlesi Malaria in a Tertiary Care Hospital,
nostic ou thérapeutique est responsable d’une majoration de la Sabah, Malaysia. Emerg Infect Dis 2011;17:1248–55.
morbimortalité. En France, le paludisme explique 25 % des cas de [20] Taylor SM, Molyneux ME, Simel DL, Meshnick SR, Juliano JJ. Does
fièvre ou symptômes au retour de zone tropicale, et P. falciparum this patient have malaria? JAMA 2010;304:2048–56.
est l’espèce plasmodiale la plus fréquemment en cause. L’absence [21] Kyriacou DN, Spira AM, Talan DA, Mabey DC. Emergency depart-
de fièvre ne doit pas faire négliger ce diagnostic, et la réalisation ment presentation and misdiagnosis of imported falciparum malaria.
Ann Emerg Med 1996;27:696–9.
d’un examen parasitologique est indispensable dans ce contexte.
[22] Kain KC, Harrington MA, Tennyson S, Keystone JS. Imported malaria:
La présence de fièvre (même avant la consultation), de frissons,
prospective analysis of problems in diagnosis and management. Clin
d’une thrombopénie et d’une élévation de la bilirubine, chez un Infect Dis 1998;27:142–9.
patient ayant séjourné en zone endémique, doit faire suspecter le [23] Svenson JE, Gyorkos TW, MacLean JD. Diagnosis of malaria in the
diagnostic de paludisme. febrile traveler. Am J Trop Med Hyg 1995;53:518–21.
La prise en charge thérapeutique du paludisme nécessite une [24] Freedman DO, Weld LH, Kozarsky PE, Fisk T, Robins R, von Son-
évaluation précise de la gravité, des pathologies associées, des nenburg F, et al. Spectrum of disease and relation to place of exposure
caractéristiques démographiques et socioculturelles du patient, among ill returned travellers. N Engl J Med 2006;354:119–30.
afin de décider de la meilleure orientation et du schéma théra- [25] Recommandations pour la pratique clinique. Prise en
peutique le plus adapté. charge et prévention du paludisme d’importation. 2007.
Chez tous les patients non admis, avec un diagnostic prouvé http://www.sfmu.org/documents/consensus/rbpc paludisme-court.pdf.
de paludisme ou non, il est prudent de proposer une consultation [26] Murray CK, Gasser Jr RA, Magill AJ, Miller RS. Update on rapid
dans un service spécialisé afin de surveiller l’évolution clinique diagnostic testing for malaria. Clin Microbiol Rev 2008;21:97–110.
et l’efficacité et la tolérance du traitement, et d’insérer le patient [27] WHO. Guidelines for the treatment of malaria. 2010.
dans une filière de soins lui permettant de recevoir les conseils de http://whqlibdoc.who.int/publications/2010/9789241547925 eng.pdf.
prévention adaptés lors d’un prochain séjour en zone d’endémie [28] Phillips A, Bassett P, Zeki S, Newman S, Pasvol G. Risk factors
palustre. for severe disease in adults with falciparum malaria. Clin Infect Dis
2009;48:871–8.
[29] Idro R, Jenkins NE, Newton CR. Pathogenesis, clinical features,
and neurological outcome of cerebral malaria. Lancet Neurol
 Références 2005;4:827–40.
[30] Kochar DK, Shubhakaran, Kumawat BL, Kochar SK, Halwai M, Mak-
[1] WHO. Malaria 2010. www.who.int/mediacentre/factsheets/fs094/en/. kar RK, et al. Cerebral malaria in Indian adults: a prospective study of
[2] Marano C, Freedman DO. Global health surveillance and travelers’ 441 patients from Bikaner, north-west India. J Assoc Physicians India
health. Curr Opin Infect Dis 2009;22:423–9. 2002;50:234–41.

10 EMC - Médecine d’urgence


Paludisme d’importation à P. falciparum  25-090-B-20

[31] Mohan A, Sharma SK, Bollineni S. Acute lung injury and acute respira- [43] Idemyor V. Human immunodeficiency virus (HIV) and malaria inter-
tory distress syndrome in malaria. J Vector Borne Dis 2008;45:179–93. action in sub-Saharan Africa: the collision of two Titans. HIV Clin
[32] Hanson J, Lee SJ, Mohanty S, Faiz MA, Anstey NM, Charunwatthana Trials 2007;8:246–53.
P, et al. A simple score to predict the outcome of severe malaria in [44] Mouala C, Guiguet M, Houzé S, Damond F, Pialoux G, Viget N,
adults. Clin Infect Dis 2010;50:679–85. et al. Impact of HIV infection on severity of imported malaria is
[33] Mishra SK, Das BS. Malaria and acute kidney injury. Semin Nephrol restricted to patients with CD4 cell counts < 350 cells/microl. AIDS
2008;28:395–408. 2009;23:1997–2004.
[34] Thuma PE, van Dijk J, Bucala R, Debebe Z, Nekhai S, Kuddo T, et al. [45] Travassos MA, Laufer MK. Resistance to antimalarial drugs:
Distinct clinical and immunologic profiles in severe malarial anemia molecular, pharmacologic, and clinical considerations. Pediatr Res
and cerebral malaria in zambia. J Infect Dis 2011;203:211–9. 2009;65(5Pt2):64R–70R.
[35] Haldar K, Mohandas N. Malaria, erythrocytic infection, and anemia. [46] WHO. Global report on antimalarial drug efficacy and resis-
Hematology Am Soc Hematol Educ Program 2009:87–93. tance 2000-2010. 2010. http://whqlibdoc.who.int/publications/2010/
[36] Leowattana W, Tangpukdee N, Thar SK, Nakasiri S, Srivilairit S, 9789241500470 eng.pdf.
Kano S, et al. Changes in platelet count in uncomplicated and [47] Smith DL, Klein EY, McKenzie FE, Laxminarayan R. Prospective stra-
severe falciparum malaria. Southeast Asian J Trop Med Public Health tegies to delay the evolution of anti-malarial drug resistance: weighing
2010;41:1035–41. the uncertainty. Malar J 2010;9:217.
[37] Nema N, Joseph D. Subhyaloid hemorrhage in cerebral malaria. J [48] Griffith KS, Lewis LS, Mali S, Parise ME. Treatment of malaria in the
Vector Borne Dis 2010;47:261–3. United States: a systematic review. JAMA 2007;297:2264–77.
[38] Ogetii GN, Akech S, Jemutai J, Boga M, Kivaya E, Fegan G, et al. [49] Dondorp AM, Fanello CI, Hendriksen IC, Gomes E, Seni A, Chha-
Hypoglycaemia in severe malaria, clinical associations and relation- ganlal KD, et al. Artesunate versus quinine in the treatment of severe
ship to quinine dosage. BMC Infect Dis 2010;10:334. falciparum malaria in African children (AQUAMAT): an open-label,
[39] Silachamroon U, Phumratanaprapin W, Krudsood S, Treeprasert- randomised trial. Lancet 2010;376:1647–57.
suk S, Budsaratid V, Pornpininworakij K, et al. Frequency of early [50] Sinclair D, Donegan S, Lalloo DG. Artesunate versus quinine
rising parasitemia in falciparum malaria treated with artemisinin deri- for treating severe malaria. Cochrane Database Syst Rev 2011;3:
vatives. S. Southeast Asian J Trop Med Public Health 2001;32: CD005967.
50–6. [51] Centre national de référence du paludisme pour la France métro-
[40] van Wolfswinkel ME, Hesselink DA, Zietse R, Hoorn EJ, van Genderen politaine. Protocole d’utilisation thérapeutique et de recueil
PJ. Hyponatraemia in imported malaria is common and associated with d’informations MALACEF® (artésunate). http://www.cnrpalu-
disease severity. Malar J 2010;9:140. france.org/docs/Note info patient ATU artesunate iv 60mg 29032011
[41] Johnston V, Stockley JM, Dockrell D, Warrell D, Bailey R, Pasvol G, .pdf?CAKEPHP=483317003d993caa96c2adb7ff90f119.
et al. Fever in returned travellers presenting in the United Kingdom: [52] Zoller T, Junghanss T, Kapaun A, Gjorup I, Richter J, Hugo-Persson
recommendations for investigation and initial management. J Infect M, et al. Intravenous artesunate for severe malaria in travelers, Europe.
2009;59:1–18. Emerg Infect Dis 2011;17:771–7.
[42] Rogerson SJ. Malaria in pregnancy and the newborn. Adv Exp Med [53] Hess KM, Goad JA, Arguin PM. Intravenous artesunate for the treat-
Biol 2010;659:139–52. ment of severe malaria. Ann Pharmacother 2010;44:1250–8.

E. Casalino (enrique.casalino@bch.aphp.fr).
C. Choquet.
B. Doumenc.
Service d’accueil des urgences, Hôpital Bichat-Claude-Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Casalino E, Choquet C, Doumenc B. Paludisme d’importation à P. falciparum. EMC - Médecine d’urgence
2012;7(2):1-11 [Article 25-090-B-20].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Médecine d’urgence 11


 25-090-B-30

Infection par le virus


de l’immunodéficience humaine
chez l’adulte et urgences
C. Cauquil, J. Cailhol, B. Cazenave, H. Gros, C. Pizzocolo, S. Abgrall, O. Bouchaud

Dans les pays industrialisés, la généralisation des trithérapies antirétrovirales a transformé l’infection
par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) en une maladie chronique requérant un suivi au long
cours. Le recours à des soins en urgence reste cependant d’actualité devant une infection opportuniste
révélant parfois l’infection par le VIH, à l’occasion d’une complication iatrogène ou devant n’importe
quelle urgence non liée directement au VIH. Face à ces situations, le niveau d’immunodépression (taux
de lymphocytes CD4), les antécédents d’infections opportunistes et les traitements en cours sont autant
d’éléments d’orientation pour raisonner devant un tableau pulmonaire, digestif, neurologique, ophtal-
mologique ou dermatologique. Chez les patients non connus comme infectés par le VIH, l’approche
diagnostique est souvent complexe compte tenu de la spécificité des pathologies. Un test VIH peut être
réalisé en urgence, mais seulement quand ce résultat est déterminant pour la prise en charge immé-
diate et après information du patient. Ainsi, une symptomatologie orientant vers un déficit immunitaire
(amaigrissement, candidose buccale, diarrhée chronique, antécédent de zona, lymphopénie sévère, leu-
coplasie chevelue de la langue, etc.) doit conduire à la réalisation d’un test rapide. La pneumocystose,
pneumopathie bilatérale interstitielle et dyspnéisante, reste l’urgence respiratoire la plus fréquente et peut
être sévère en cas de retard au diagnostic, même si les pneumopathies, notamment à pneumocoques,
sont parfois également très rapidement évolutives. Sur le plan neurologique central, c’est la toxoplas-
mose, souvent révélatrice du VIH, qu’il faut évoquer systématiquement devant toute manifestation focale
fébrile ou ne justifiant pas la prescription empirique du traitement dès lors que le scanner a objectivé une
image d’abcès (aspect typique d’image en cocarde). Devant une éruption diffuse, a fortiori avec signes
de gravité, il faut évoquer systématiquement une toxicité médicamenteuse (névirapine, sulfamides, etc.)
particulièrement fréquente sur ce terrain. Enfin, deux points doivent être retenus : un patient infecté par
le VIH peut faire n’importe quel accident de santé indépendamment de son infection (notamment, des
complications cardiovasculaires pour lesquelles il a d’ailleurs des facteurs de risque supplémentaires), et
tout accident d’exposition au sang (et sexuel) doit être considéré en urgence, les antirétroviraux n’ayant
a priori un intérêt préventif que dans les toutes premières heures.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : VIH ; Urgences ; Infections opportunistes ; Pneumocystose ; Toxoplasmose ;


Traitements antirétroviraux

Plan ■ Atteintes du système nerveux 4


Orientation diagnostique devant un déficit neurologique focal :
■ Introduction 2 atteinte du système nerveux central (cerveau et plus rarement
moelle) 4
■ Atteintes respiratoires 3 Orientation diagnostique devant un tableau d’encéphalite 5
Pneumocystose 3 Orientation diagnostique devant un syndrome méningé 5
Pneumopathies ou pleuropneumopathies bactériennes 3 Orientation diagnostique devant une atteinte du système nerveux
Tuberculose pulmonaire 4 périphérique 6
Mycobactérioses atypiques 4
Maladie de Kaposi 4

EMC - Médecine d’urgence 1


Volume 9 > n◦ 3 > septembre 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1959-5182(14)61654-8
25-090-B-30  Infection par le virus de l’immunodéficience humaine chez l’adulte et urgences

■ Orientation diagnostique et prise en charge devant le statut sérologique est inconnu et chez qui la question du diag-
des troubles digestifs 6 nostic de l’infection par le VIH se pose et la prise en charge des
Signes œsophagiens 6 accidents d’exposition au sang ou sexuelle.
Diarrhée aiguë fébrile 6 Chez un patient séropositif connu consultant en urgence, un
Douleurs abdominales, associées à des rectorragies et de la fièvre 6 certain nombre d’éléments sont à prendre en compte : princi-
Hépatite cytolytique isolée 6 palement, le degré d’immunodépression (reflété par le taux de
Tableau biliaire 6 lymphocytes CD4 en nombre absolu et en pourcentage), les
Pancréatites 6 antécédents d’infections opportunistes ou de co-infection, les
Nausées ou vomissements isolés 6 antécédents médicaux en lien ou non avec l’infection au VIH,
Douleurs abdominales diffuses avec fièvre et altération de l’état la prise de traitements en précisant l’observance, les molécules,
général 6 la date d’instauration et des éventuelles modifications, la prise
Douleurs abdominales sans fièvre, ni troubles du transit 6 de prophylaxies primaires ou secondaires. L’avènement des tri-
■ Orientation diagnostique devant une fièvre 7 thérapies antirétrovirales hautement efficaces a engendré des
Patient séronégatif ayant présenté des facteurs de risque récents modifications épidémiologiques profondes au sein de la popu-
(moins d’un mois) 7 lation infectée avec la diminution de la mortalité, la réduction
Fièvre isolée aiguë ou persistante 7 de l’incidence des infections opportunistes, l’apparition d’effets
indésirables propres aux TARV, le vieillissement de la popula-
■ Atteintes cutanéomuqueuses 7
tion avec ses conséquences, notamment dans deux domaines
Toxidermies 7
(l’infection au VIH étant un facteur de risque spécifique sup-
Zona 7
plémentaire) : la majoration du risque cardiovasculaire et du
Affections cutanées ou cutanéomuqueuses banales 7
risque de cancers (cancers non classés dans les manifesta-
■ Conduite à tenir devant des anomalies de la formule sanguine 7 tions opportunistes tels que le cancer du poumon, du foie,
Conduite à tenir devant une thrombopénie isolée 8 etc.) [1, 3] .
Conduite à tenir devant une anémie isolée 8 Chez un patient dont le statut vis-à-vis du VIH n’est pas
Conduite à tenir devant une neutropénie isolée 8 connu, certains éléments ont valeur d’orientation : des signes
Conduite à tenir devant une atteinte de plusieurs lignées ou une évocateurs de primo-infection chez un sujet à risque, des symp-
pancytopénie 8 tômes évocateurs de déficit immunitaire ou d’une infection
■ Conduite à tenir devant des troubles de la vision 8 opportuniste.
Œil rouge et douloureux avec ou sans baisse de l’acuité visuelle 8
Baisse de l’acuité visuelle avec œil blanc et indolore 9


Baisse d’acuité visuelle d’origine centrale
Prise en charge d’un accident d’exposition au sang ou aux
liquides biologiques et d’exposition sexuelle aux urgences
9

10
“ Point important
Prise en charge immédiate 10 Symptômes potentiellement évocateurs d’un déficit
Évaluation du risque en cas d’accident d’exposition au sang 10
immunitaire chez un patient ignorant son infection par
Prise en charge lors d’une transmission possible 10
le virus de l’immunodéficience humaine (en dehors des
■ Conclusion 11 infections opportunistes spécifiques) :
• candidose buccale ;
• ulcérations buccales récidivantes ;
• leucoplasie chevelue de la langue ;
 Introduction • dermite séborrhéique ;
• prurigo ;
La prise en charge des patients infectés par le virus de
l’immunodéficience humaine (VIH) relève, à l’heure actuelle, • zona ou antécédent de zona ;
d’un suivi au long cours émaillé d’épisodes ou de complications • herpès cutanéomuqueux extensif ;
aiguës [1] . La complexité allant grandissante, le suivi de ces patients • troubles des phanères (cheveux secs, fins et cassants) ;
s’avère souvent une affaire de spécialistes, maîtrisant le manie- • adénopathies périphériques persistantes sur plusieurs
ment des antirétroviraux. Un suivi régulier est indispensable afin sites ;
de prendre en compte toutes les facettes de la maladie, et notam- • infections récidivantes des voies aériennes supérieures ;
ment le contexte psychosocial. Cela permet de faciliter au mieux • pneumopathies récidivantes ;
l’observance aux traitements et est un élément indispensable pour • tuberculose pulmonaire récente ;
anticiper les complications opportunistes ou iatrogènes, l’objectif • diarrhée chronique ou récidivante ;
du suivi étant bien sûr qu’elles ne puissent jamais s’exprimer.
• amaigrissement inexpliqué.
Cela sous-entend que chaque patient ait un médecin et un ser-
vice référent dont il connaisse les coordonnées de façon à ce que le D’autres éléments tels que des comportements à risques
médecin urgentiste ou intervenant ponctuellement puisse obtenir présents ou passés (toxicomanie, rapports sexuels mul-
rapidement les informations utiles. tiples non protégés, etc.) ou l’origine géographique du
Les manifestations cliniques très variées rendent la démarche patient (Afrique subsaharienne notamment) peuvent être
diagnostique d’autant plus difficile qu’elles s’inscrivent dans un des signes d’alerte supplémentaires.
contexte étiologique polymorphe. Une consultation en urgence
peut être en rapport avec une symptomatologie liée au virus
lui-même, plus fréquemment avec une infection opportuniste Indépendamment du choix d’une stratégie de proposition large
secondaire à l’immunodépression acquise ou enfin être indirecte- d’un dépistage du VIH tout motif de recours aux urgences confon-
ment liée à l’infection par le VIH. Elle peut être également liée à un dus, la sérologie VIH peut être faite en urgence (« test rapide »
effet secondaire du traitement antirétroviral (TARV) ou des traite- disponible en quelques minutes), mais elle doit être réservée
ments spécifiques des infections opportunistes (à visée curative ou aux situations en pratique assez limitées (maladies opportunistes
prophylactique) [2] . Bien entendu, rien n’exclut par ailleurs qu’un requérant un traitement spécifique urgent) où son résultat aura
patient infecté par le VIH puisse avoir n’importe quel « accident » un impact réel et immédiat sur la prise en charge diagnos-
de santé totalement indépendant du VIH. Ces différents cas de tique ou thérapeutique du patient. Ainsi, devant un test rapide
figure font toute la complexité de l’approche de ces patients par positif, un traitement présomptif en urgence par cotrimoxazole
le médecin urgentiste. devant une pneumopathie bilatérale interstitielle dyspnéisante ou
En pratique, ces patients peuvent se présenter dans trois par l’association pyriméthamine/sulfadiazine devant une lésion
contextes différents : le patient séropositif connu, le patient dont focale cérébrale doit être initié. Si l’information du patient est la

2 EMC - Médecine d’urgence


Infection par le virus de l’immunodéficience humaine chez l’adulte et urgences  25-090-B-30

Tableau 1.
Principaux signes cliniques d’orientation des atteintes pulmonaires chez un patient infecté par le virus de l’immunodéficience humaine.
Pneumocystose Tuberculose Pneumopathies bactériennes
Stade d’immunodépression ≤ 200 CD4/mm3 ou ≤ 15 % CD4 Tout stade Tout stade
Signes fonctionnels Dyspnée d’apparition progressive Altération de l’état général Toux
Amaigrissement toux plus moins productive Expectoration parfois purulente
Fièvre Sueurs nocturnes Fièvre
Toux sèche Début progressif Début aigu ou subaigu
Évolution allant de quelques jours à
quelques semaines
Clinique Examen normal pour 50 % Absence de foyer Syndrome de condensation à l’auscultation
Polypnée
Tachycardie
Râles diffus
Pas de prophylaxie (cotrimoxazole)

règle pour la réalisation du test, l’annonce du diagnostic ne devra influencer le traitement (cf. infra). De même, un délai d’évolution
pas être faite à cette occasion en cas de positivité (nécessité d’une des symptômes prolongé est un facteur de mauvais pronostic.
confirmation, contexte en règle non favorable). Une élévation marquée des lactodéshydrogénase (LDH) n’est pas
Une approche syndromique a été choisie ici afin de prendre en spécifique, mais contribue à l’orientation diagnostique.
considération les principaux motifs de consultation en urgence L’expression radiologique est très polymorphe : typiquement,
des patients infectés par le VIH, en insistant sur les diagnostics on retrouve des opacités diffuses alvéolo-interstitielles bilatérales,
correspondant aux grandes « urgences » [4, 5] . mais une radiographie de thorax normale n’élimine pas le diag-
nostic surtout à un stade précoce (Tableau 2).
Plus rarement est mis en évidence des pseudokystes ou un pneu-
“ Point important mothorax (un pneumothorax chez un patient infecté par le VIH
doit faire évoquer le diagnostic).
La fibroscopie bronchique avec lavage bronchoalvéolaire (LBA)
Éléments nécessaires au raisonnement diagnostique chez et mise en évidence du germe après coloration est indispensable
un patient infecté par le virus de l’immunodéficience pour confirmer le diagnostic. En pratique, la réalisation de cet exa-
humaine (VIH) présentant une manifestation clinique : men, très rarement disponible en urgence et fait habituellement
• stade de l’infection ; le lendemain, ne doit pas retarder l’initiation du traitement qui
• antécédents d’infection opportuniste ; n’influencera pas le résultat (persistance des Pneumocystis long-
temps après le début du cotrimoxazole).
• taux de lymphocytes CD4 ;
Le traitement par cotrimoxazole (Bactrim® ) doit être débuté
• vitesse de progression de la maladie (acide ribonu- rapidement, par voie orale (deux comprimés × 3 de Bactrim
cléique [ARN] plasmatique du VIH) ; Forte® ) ou parentérale s’il y a des critères de gravité (trimétho-
• traitements : antirétroviraux et prophylaxies. prime/sulfaméthoxazole : 15/75 mg/kg par jour en trois prises, soit
deux ou trois ampoules toutes les six heures pendant 21 jours).
On y adjoint une corticothérapie (1 mg/kg par jour de prednisone
sur cinq jours, puis 0,5 mg/kg sur cinq jours, puis 0,25 mg/kg sur
11 jours ou de la méthylprednisolone chez l’adulte à la dose de
 Atteintes respiratoires [6, 7]
240 mg/j sur trois jours, de 120 mg/j sur trois jours, de 60 mg/j
sur trois jours) en cas d’hypoxie inférieure à 70 mmHg. À noter
Les atteintes respiratoires au cours de l’infection par le VIH sont vers le dixième jour le risque d’une allergie se traduisant par
fréquentes (de 60 à 80 % des patients sont concernés) et dominées une reprise fébrile brutale alors que le patient va mieux ! Dans
par les pneumopathies bactériennes. Elles sont le plus souvent les formes sévères, l’alternative au cotrimoxazole est la pentami-
d’origine infectieuse (Tableau 1), mais peuvent être tumorales. Les dine administrée par voie intraveineuse à la dose de 3 ou 4 mg/kg
co-infections sont possibles. On constate actuellement une dimi- par jour [7, 8] . À l’issue du traitement d’attaque, une prophylaxie
nution de l’incidence de la pneumocystose qui reste cependant secondaire par un comprimé de Bactrim® adulte est indispensable
la pathologie inaugurale du sida la plus fréquente (32 % des cas pour éviter une récidive jusqu’à la remontée du taux de CD4 au-
en 2009), une stabilité de la tuberculose et une augmentation des dessus de 200/mm3 . La prophylaxie primaire (même posologie)
pneumopathies bactériennes. chez tout patient découvert infecté par le VIH avec des CD4 au-
dessous de ce seuil a une excellente efficacité pour éviter cette
Pneumocystose [7] infection opportuniste.

Il s’agit d’une infection fongique par Pneumocystis jiroveci soit


par la réactivation d’une infection ancienne, soit par une nou- Pneumopathies ou pleuropneumopathies
velle exposition à l’organisme. La présentation clinique, rappelée bactériennes [7, 8]
dans le Tableau 1, peut se résumer en une pneumopathie intersti-
tielle bilatérale hypoxémiante de début, le plus souvent subaiguë. Elles surviennent à tout stade de l’infection au VIH et figurent
Elle survient près de deux fois plus souvent chez des personnes ne parmi les infections les plus courantes sur ce terrain. Les bactéries
connaissant pas leur statut sérologique et ayant un déficit immu- le plus souvent en cause sont Streptococcus pneumoniae et Hæmo-
nitaire déjà marqué (CD4 < 200/mm3 ). Parfois la fièvre est le seul philus influenzae, ainsi que Staphylococcus aureus et, plus rarement,
symptôme, et il faut savoir évoquer le diagnostic chez un patient Pseudomonas aeruginosa en cas d’immunodépression sévère. La
très immunodéprimé paucisymptomatique. Il n’y a pas de cri- présentation clinique et radiologique ainsi que la prise en charge
tères de gravité spécifiques à la pneumocystose, les indications thérapeutique sont similaires à celles des patients non immunodé-
d’hospitalisation du patient en unité de soins intensifs étant celles primés (Tableaux 1, 2). En l’absence de réponse thérapeutique au
de toute insuffisance respiratoire aiguë, mais une pression en oxy- traitement empirique institué initialement, une fibroscopie avec
gène (PaO2 ) inférieure à 70 mmHg est un signe péjoratif qui va LBA est indiquée.

EMC - Médecine d’urgence 3


25-090-B-30  Infection par le virus de l’immunodéficience humaine chez l’adulte et urgences

Tableau 2.
Principales étiologies à évoquer selon l’aspect radiologique au cliché thoracique chez un patient positif au virus de l’immunodéficience humaine.
Radiographie normale Opacités interstitielles diffuses Opacités alvéolaires et macronodules localisés
Pneumocystose au stade précoce Pneumocystose Pneumopathies bactériennes
Pneumopathies au stade de début Aspergillose Tuberculose
Tuberculose (stade initial et déficit immunitaire sévère) Cryptococcose Mycobactérioses atypiques
Maladie de Kaposi
Tuberculose

Tuberculose pulmonaire ou linéaires, volontiers spiculées, péribronchovasculaires, le plus


souvent bilatérales (Tableau 2). Ces images sont confirmées par
Tout comme les pneumopathies bactériennes, elle survient le scanner, mais, n’étant pas spécifiques, elles requièrent en règle
indépendamment du taux de CD4 et présente comme parti- générale un avis spécialisé. Le traitement, qui repose sur la chi-
cularité une fréquence accrue des atteintes extrapulmonaires miothérapie (daunorubicine liposomiale, taxanes, etc.) associée à
associées (Tableau 1). La clinique est influencée par le stade une corticothérapie initiale pour éviter la majoration paradoxale
d’immunodépression : transitoire des symptômes, doit être institué en milieu spécialisé.
• taux de CD4 inférieur à 350/mm3 : même tableau que chez les Compte tenu des difficultés diagnostiques, il n’a pratiquement
patients immunocompétents (Tableau 3) ; pas d’indication dans un service d’urgence où l’on peut se limi-
• taux de CD4 inférieur ou égal à 50/mm3 : atteinte extrapulmo- ter, en dehors de la prise en charge symptomatique, à traiter une
naire plus fréquente, avec parfois infection systémique sévère surinfection bactérienne.
entraînant une fièvre élevée et une progression rapide des
symptômes. Faute de cellules immunocompétentes, l’image
pulmonaire peut être minime, voire absente au début, avec
des localisations moins typiques que chez le patient immu-
 Atteintes du système nerveux
nocompétent (plus grande fréquence de localisation basale,
notamment) (Tableau 2) [8] . Il faut donc savoir évoquer ce diag- Trois principaux mécanismes sont à l’origine des atteintes du
nostic et prescrire les mesures d’isolement au moindre doute. système nerveux : l’immunodépression favorisant les infections
Le diagnostic repose sur la mise en évidence de bacilles aci- opportunistes, le neurotropisme du VIH et les effets secondaires
doalcoolorésistants (BAAR) dans les expectorations ou dans le des TARV.
produit d’aspiration bronchique ou sur l’aspect anatomopatho- Toute symptomatologie neurologique (déficit focal, troubles
logique d’une biopsie. Le traitement repose sur la quadrithérapie de la conscience, céphalées inhabituelles, etc.) doit être explo-
antituberculose et le risque d’interactions médicamenteuses rée par un examen neurologique complet. Une imagerie cérébrale
(rifampicine et inhibiteurs de la protéase, rifampicine et predni- (scanner ou, mieux, imagerie par résonance magnétique [IRM])
sone) est surveillé attentivement [9] . Ce traitement est institué en est indispensable dans le cadre du bilan étiologique et doit être
règle une fois les prélèvements bactériologiques réalisés, ce qui réalisée en urgence si une atteinte centrale est suspectée. Dans
prend au minimum trois ou quatre jours. Il ne se discute que très un deuxième temps, une ponction lombaire (PL) avec examen
rarement en urgence, sauf en cas de méningite avec des signes de du liquide cérébrospinal (LCS) peut être un complément néces-
gravité (troubles de la conscience, notamment) justifiant un trans- saire dans le respect des contre-indications [10] . Dans ce contexte
fert en milieu spécialisé, voire en réanimation et dans les rares cas d’immunodépression avérée ou possible, il faut demander sys-
s’accompagnant d’une insuffisance respiratoire aiguë. tématiquement, en plus des examens usuels, une coloration à
l’encre de Chine et une recherche de BAAR.

Mycobactérioses atypiques [6]


Orientation diagnostique devant un déficit
Devenues rares, elles surviennent à un stade avancé neurologique focal : atteinte du système
d’immunodépression (taux de CD4 inférieur ou égal à 50/mm3 ).
Le plus souvent, il s’agit de Mycobacterium avium à l’origine nerveux central (cerveau et plus rarement
d’atteintes disséminées. La présentation clinique est proche moelle)
de la tuberculose, le diagnostic différentiel étant pratiquement
impossible à établir avant la confirmation bactériologique. Diag- Devant un signe neurologique focal (déficit sensitif, sensiti-
nostic et traitement sont affaires de spécialiste et si le traitement vomoteur, crise convulsive partielle) ou des crises convulsives
présomptif (parfois mixte avec celui de la tuberculose) doit généralisées, on évoque en premier lieu une toxoplasmose céré-
parfois être débuté rapidement, il ne s’agit pas d’un traitement brale [11, 12] .
d’urgence.
Toxoplasmose cérébrale [12]
Maladie de Kaposi [6] La toxoplasmose survient classiquement chez des patients très
immunodéprimés (taux de CD4 inférieur à 100/mm3 ), ayant une
La localisation pulmonaire de la maladie de Kaposi est devenue sérologie toxoplasmose positive sans prophylaxie primaire ou
très rare depuis les trithérapies. Elle survient chez des patients très secondaire. L’évolution subaiguë associe un déficit neurologique
immunodéprimés, ayant souvent (mais pas toujours) une autre focal, de la fièvre (inconstante) et des signes d’hyperpression
localisation cutanée ou muqueuse connue. Un tableau de dys- intracrânienne (céphalées, vomissements, œdème papillaire, etc.).
pnée, voire de détresse respiratoire représente la symptomatologie L’imagerie cérébrale est un élément diagnostique majeur ; au
d’appel dans les formes évoluées. Le cliché thoracique est évo- scanner, l’image d’abcès dite en cocarde associe une ou plu-
cateur lorsqu’il montre des opacités en règle diffuses nodulaires sieurs lésions corticales (ou des noyaux griscentraux), arrondies,

Tableau 3.
Particularités des atteintes radiologiques dans la tuberculose pulmonaire selon le stade d’immunodépression.
Taux de CD4 ≥ 350/mm3 De 250 à 100/mm3 ≤ 50/mm3
Caractéristiques Infiltrat fibronodulaire des Atteinte des bases ou diffusant Atteinte des lobes inférieurs ou moyens
sommets avec ou sans cavité au parenchyme (miliaire) Images de cavité moins fréquentes

4 EMC - Médecine d’urgence


Infection par le virus de l’immunodéficience humaine chez l’adulte et urgences  25-090-B-30

hypodenses, avec un rehaussement annulaire à l’injection du pro- Orientation diagnostique devant un tableau
duit de contraste, le pourtour de la lésion étant le siège d’un
œdème périlésionnel (effet de masse). d’encéphalite [10, 13]
L’IRM permet de mieux préciser les caractéristiques des lésions Encéphalite à cytomégalovirus
et constitue l’examen de choix.
Devant ce tableau radioclinique et en l’absence de test diag- Bien que devenue rare, on évoquera en premier lieu une encé-
nostique formel, un traitement présomptif par pyriméthamine phalite à CMV chez les patients très immunodéprimés et devant
(100 mg le premier jour, puis 50 mg/j) et sulfadiazine (4 g/j) asso- une atteinte des fonctions supérieures (troubles cognitifs, confu-
ciées à l’acide folinique (25 mg/j) peut être instauré en urgence (le sion, troubles de la conscience, etc.) très rarement associée à un
cotrimoxazole est une alternative possible). Son efficacité, éva- déficit focal dans un contexte fébrile d’évolution subaigu. L’IRM
luée vers le quinzième jour, confirme le diagnostic. Les doses cérébrale peut être normale ou mettre en évidence une prise
d’attaque seront maintenues six semaines avant le passage en trai- de contraste des parois ventriculaires, voire une lésion focale.
tement d’entretien (une demi-dose, prophylaxie secondaire). Si L’étude du LCS a valeur d’orientation diagnostique (présence
besoin, on adjoindra des traitements symptomatiques, anticon- d’une méningite lymphocytaire, positivité de la PCR aux CMV)
vulsivants, antalgiques et corticoïdes, afin de réduire l’œdème et pronostique (pression du LCS et glycorachie). Il est indispen-
périlésionnel. sable de rechercher d’autres localisations de l’infection à CMV
(rétinienne, digestive, etc.). Le traitement d’attaque par le ganci-
clovir ou le foscarnet (en monothérapie ou en association) doit
Collections bactériennes pyogènes être débuté rapidement en milieu spécialisé.
ou tuberculeuses [12]
L’abcès à pyogènes entraîne un tableau clinique plus bruyant, Principaux diagnostiques différentiels
mais pouvant être masqué par l’immunodépression. On évoquera en milieu spécialisé :
La tuberculose neuroméningée focalisée se présente soit sous • les méningo-encéphalites virales (herpes simplex virus [HSV] 1 et
forme de tuberculome (lésion « immuno-inflammatoire » pauvre 2 ou varicella-zoster virus [VZV] : intérêt des PCR dans le LCS) ;
en BAAR : il s’agit alors de lésions uniques ou multiples super- • la LEMP (cf. supra) ;
ficielles avec prise de contraste annulaire et peu d’œdème), soit • la toxoplasmose dans sa rare forme encéphalitique diffuse (sans
sous forme d’abcès (lésion riche en BAAR, en règle unique, volu- lésion focale ; intérêt de la PCR toxoplasmose) ;
mineuse, polylobée avec œdème périlésionnel et rehaussement • la primo-infection à VIH symptomatique (méningite ou
périphérique). Une méningite lymphocytaire hypoglycorachique méningo-encéphalite aseptique) ;
est un argument supplémentaire. En l’absence de contre- L’encéphalite à VIH reste un diagnostic d’élimination malgré
indication, une PL pour rechercher le bacille de Koch est nécessaire un aspect à l’IRM parfois évocateur (atrophie corticale, atteinte
avant de commencer le traitement (quadrithérapie antitubercu- bilatérale de la substance blanche sans prise de contraste, ni effet
lose et corticothérapie). de masse).

Lymphome cérébral primitif [13]


Orientation diagnostique
C’est un des principaux diagnostics différentiels de la toxoplas-
mose avec une grande similitude clinique et radiologique. Les devant un syndrome méningé
anomalies du LCS sont aspécifiques. Le diagnostic peut être porté
La méningite à cryptocoque [13, 14] , survenant sur un terrain
sur l’examen anatomopathologique après la biopsie stéréotaxique
très immunodéprimé (moins de 50 CD4/mm3 en règle générale),
ou le diagnostic rétrospectif fait à la suite de l’échec du traitement
associée à une très forte morbimortalité en zone tropicale reste
antitoxoplasmique d’épreuve. Les possibilités thérapeutiques sont
très sévère dans les pays développés du fait des complications
limitées.
de l’hyperpression du LCS et d’une réponse lente aux traite-
ments antifongiques. La pauvreté du tableau clinique est corrélée
Leucoencéphalopathie multifocale progressive [13] au degré d’immunodépression, avec souvent un aspect méningé
très fruste. Les signes se limitent parfois à une fièvre isolée ou
La leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) est
à des céphalées persistantes. Des troubles de la conscience ini-
une infection opportuniste liée au virus JC entraînant une
tiaux sont de mauvais pronostic. L’imagerie est peu spécifique.
démyélinisation multifocale survenant en règle au-dessous de
La PL est un élément diagnostique capital : méningite lympho-
100 CD4/mm3 . L’installation est progressive avec déficit sensiti-
cytaire hypoglycorachique avec LCS hypertendu, positivité de
vomoteur, atteinte visuelle ou troubles cognitifs sans syndrome
l’antigène cryptocoque et, surtout, mise en évidence du cham-
tumoral associé. L’IRM permet de visualiser des lésions caractéris-
pignon à l’encre de chine, puis à la culture. La cytologie et la
tiques par leur localisation dans la substance blanche, sans œdème
biochimie du LCS peuvent être normales ou subnormales. La
associé. Le LCS est prélevé à la recherche du virus JC par poly-
positivité d’un antigène cryptocoque plasmatique (ou dans le
mérisation en chaîne (polymerase chain reaction [PCR] ; spécificité
LCS) demandé systématiquement chez un patient immunodé-
médiocre). Le diagnostic repose sur un ensemble de critères clini-
primé dans le bilan d’une fièvre peut conduire au diagnostic.
coradiobiologiques. Le traitement est celui du VIH (introduction
Le traitement d’attaque, qui doit être commencé en urgence
rapide ou adaptation du TARV).
dès la connaissance de la positivité du test à l’encre de Chine
ou de l’antigène cryptocoque, puis poursuivi en milieu spé-
Encéphalite focale à cytomégalovirus [13] cialisé, associe initialement un antifongique, l’amphotéricine B
(associé au 5-fluorocytosine dans les formes sévères) à des
Nécrosante ou non, l’encéphalite focale à cytomégalovirus traitements symptomatiques (notamment ponctions lombaires
(CMV) est de diagnostic difficile, mais heureusement rare du fait soustractives).
d’un aspect indissociable d’un abcès notamment toxoplasmique. Les principaux diagnostics différentiels sont les autres étiolo-
gies de méningite (virales et bactériennes), avec en premier lieu la
Atteinte vasculaire ischémique méningite tuberculeuse d’apparition subaiguë.
et hémorragique [13] À l’inverse du cas précédent survenant dans un contexte de
forte immunodépression, un tableau de méningite lymphocy-
Elle est à évoquer de principe devant tout déficit focal taire doit faire évoquer systématiquement la possibilité d’une
d’apparition brutale. Les mécanismes sont multiples : embolique, primo-infection par le VIH. Le diagnostic sera évoqué devant la
vascularite infectieuse ou inflammatoire, troubles de la coagu- notion d’un facteur d’exposition dans les deux ou trois semaines
lation et facteurs de risque cardiovasculaires (induits par les précédentes et l’association à d’autres symptômes de la primo-
traitements et liés au vieillissement de la population). infection (éruption, aphtes buccaux, pharyngite, arthromyalgies,

EMC - Médecine d’urgence 5


25-090-B-30  Infection par le virus de l’immunodéficience humaine chez l’adulte et urgences

polyadénopathies, etc.). La positivité de l’antigène (Ag) P24 – la Douleurs abdominales, associées


sérologie est en règle générale encore négative à ce stade – ou d’une
charge virale VIH confirme le diagnostic. à des rectorragies et de la fièvre
En cas d’immunodépression sévère (taux de CD4 inférieur à
50/mm3 ), une colite à CMV est à évoquer. Une rectosigmoïdo-
Orientation diagnostique devant une atteinte scopie doit être réalisée rapidement (ulcérations de la muqueuse
du système nerveux périphérique [13] évocatrice et biopsies). Le traitement repose sur l’administration
intraveineuse de foscarnet (90 mg/kg toutes les 12 heures) ou de
Les polyneuropathies périphériques sont fréquentes et peuvent ganciclovir (5 mg/kg toutes les 12 heures) après confirmation diag-
être liées au virus, directement ou indirectement (cryoglobu- nostique [16, 17] .
linémie, vascularite, etc.) ou à la toxicité des antirétroviraux
(stavudine surtout, didanosine, etc.).
Les autres diagnostics à évoquer sont principalement une poly-
Hépatite cytolytique isolée
radiculonévrite à CMV (souvent couplée à une atteinte cérébrale Outre les étiologies habituelles incluant l’activation d’une
et/ou à une myélite, voire à une infection disséminée), une polyra- hépatite B ou C (VHB ou VHC) par une corticothérapie ou la
diculonévrite inflammatoire type Guillain-Barré (prise en charge suppression d’un antirétroviral actif sur le VHB (lamivudine,
identique), plus rarement une primo-infection à VIH sympto- emtricitabine, ténofovir, etc.), il faut rechercher une cause iatro-
matique. En dehors des formes sévères de Guillain-Barré, le gène : névirapine, éfavirenz, (surtout dans les deux ou trois mois
traitement ne relève pas de l’urgence et doit être pris en charge suivant l’initiation du traitement) et tout autre médicament hépa-
par des spécialistes. totoxique. L’incidence des hépatites toxiques est plus élevée chez
les patients infectés par le VIH en raison de l’immunodépression
(et d’autant plus que le déficit est important) et de facteurs de
 Orientation diagnostique risque comme la toxicomanie, l’alcool et la polymédication [18] .
On saura aussi évoquer une hépatite associée à une syphilis ou
et prise en charge devant une primo-infection par le VIH.
des troubles digestifs Tableau biliaire
Le tube digestif est un organe très riche en cellules lymphoïdes, La cholangite du VIH, souvent associée à une cholécystite ali-
il est ainsi l’une des cibles préférentielles du VIH. À côté des étio- thiasique, est devenue rare. La triade douleur, fièvre, ictère est
logies spécifiques à l’immunodépression, les principales étiologies souvent absente, la révélation se faisant par des douleurs sous-
des urgences abdominales ne diffèrent pas de celles des patients costales droites persistantes ou la découverte d’une cholestase
non séropositifs et seront donc soigneusement recherchées [15–17] . biologique. Les étiologies principales sont infectieuses : Cryptospo-
ridium, microsporidies, Isospora belli, CMV et VIH. L’exploration
par cholangiopancréatographie rétrograde permet un diagnos-
Signes œsophagiens tic étiologique (biopsies de papille, prélèvements de bile) et un
éventuel geste thérapeutique (sphinctérotomie, pose d’un stent),
Il s’agit de dysphagie, de douleurs rétrosternales,
sachant que les traitements médicamenteux, lorsqu’ils existent,
d’odynophagie, de hoquet persistant et de vomissements.
sont peu efficaces (lésions cicatricielles) [18] .
L’œsophagite à candida est l’infection opportuniste digestive la
plus fréquente chez le patient séropositif pour le VIH et survient
à un degré d’immunodépression marqué (taux de CD4 inférieur à Pancréatites
200/mm3 ). Elle est révélatrice du VIH dans 10 % des cas. Il existe Les pancréatites du patient infecté par le VIH sont d’étiologies
très souvent une candidose orale associée (plaques blanchâtres plus variées que chez l’immunocompétent : iatrogènes (stavudine
sur les muqueuses, langue dépapillée ou érythémateuse). Lorsque [D4T], didanosine [ddI], cotrimoxazole, etc.), infections oppor-
le tableau est évocateur (candidose buccale associée à tout signe tunistes disséminées, tumorales (lymphome). La prise en charge
d’atteinte de l’œsophage, avec dysphagie plus qu’odynophagie), dépend de l’étiologie, les mesures symptomatiques usuelles res-
l’endoscopie de première intention est inutile et un traitement tant de mise.
peut être prescrit d’emblée (fluconazole, 200 mg par jour, par voie
orale ou intraveineuse pendant dix à 14 jours). Les principales
autres étiologies d’œsophagite sont l’herpès et, si le patient est Nausées ou vomissements isolés
très immunodéprimé (moins de 50 CD4/mm3 ), le CMV ou l’ulcère Il peut s’agir d’effets secondaires des ARTV ou encore d’une
idiopathique ; la fièvre vient alors parfois compléter la symp- œsophagite basse.
tomatologie par ailleurs beaucoup plus volontiers douloureuse
(odynophagie du fait des ulcérations). Le diagnostic nécessite
impérativement une endoscopie avec biopsies pour différencier
Douleurs abdominales diffuses avec fièvre
les ulcères viraux de l’ulcère idiopathique (traitement radicale- et altération de l’état général
ment différent en milieu spécialisé) [15] . Ce tableau assez fréquent est compatible avec de nombreuses
étiologies. En urgence, après avoir éliminé un « ventre chirurgi-
cal », c’est le scanner abdominopelvien avec injection de produit
Diarrhée aiguë fébrile de contraste à la recherche principalement d’adénopathies
Les germes en cause sont les mêmes que ceux rencontrés chez profondes qui va faire avancer le diagnostic. Les principales
l’immunocompétent (Salmonella, Shigella, Campylobacter, Clostri- orientations devant des adénopathies sont la tuberculose, la loca-
dium difficile, Yersinia), avec toutefois une incidence globale plus lisation digestive d’une mycobactérie atypique (taux de CD4
élevée et une fréquence accrue des formes bactériémiques. Les inférieur à 50/mm3 ) ou le lymphome (qui peut survenir à tout
examens à prescrire sont des hémocultures et une coproculture stade d’immunodépression) [16] .
avant toute antibiothérapie, avec recherche de toxines A et B du
Clostridium difficile (surtout en cas d’antibiothérapie préalable). En Douleurs abdominales sans fièvre, ni troubles
présence de signes de gravité (déshydratation aiguë, choc hypo-
volémique, diarrhée très abondante, vomissements associés, etc.),
du transit
le patient est hospitalisé et un traitement empirique par fluo- Une altération de l’état général et, surtout, une dyspnée chez
roquinolones est introduit avec les mesures symptomatiques [15] . un patient traité par analogues nucléosidiques, associées à une
L’isolement entérique est recommandé en cas de salmonellose ou fatigabilité musculaire doivent faire évoquer une acidose lactique
d’infection à C. difficile. nécessitant une prise en charge rapide.

6 EMC - Médecine d’urgence


Infection par le virus de l’immunodéficience humaine chez l’adulte et urgences  25-090-B-30

 Orientation diagnostique Toxidermies [19]


devant une fièvre Elles peuvent compliquer les traitements des infections oppor-
tunistes et concernent principalement les traitements sulfamides
L’orientation diagnostique devant une fièvre sans point d’appel (Bactrim® , sulfadiazine) (30 % des patients), mais aussi les
clinique, avec ou sans altération de l’état général, doit être initia- traitements antirétroviraux avec comme principaux respon-
lement la même pour tous les patients, quel que soit leur statut sables la névirapine (10 % des patients) et l’abacavir (syndrome
VIH : radiographie de thorax, hémocultures, bandelette urinaire d’hypersensibilité chez 4 % des patients jusqu’à deux mois après le
et éventuellement ECBU, bilan biologique de débrouillage avec début du traitement). Toute molécule est potentiellement concer-
frottis – goutte épaisse en cas de séjour récent en zone tropicale. née, et il faut savoir rechercher à l’interrogatoire l’introduction
récente d’une nouvelle molécule ; classiquement, apparition au
8e à 12e jour du début du traitement d’une éruption diffuse
Patient séronégatif ayant présenté des maculopapuleuse prurigineuse, parfois associée à de la fièvre, pou-
vant céder spontanément ou sous traitement antihistaminique.
facteurs de risque récents (moins d’un mois) L’existence d’une hyperéosinophilie sanguine, d’une cytopénie
Une primo-infection à VIH doit être évoquée de principe. Il ou d’une cytolyse hépatique permet d’étayer le diagnostic. Il faut
faut donc rechercher soigneusement dans un tableau pseudogrip- savoir rechercher les signes de gravité : apparition de décolle-
pal des adénopathies périphériques, une pharyngite, une éruption ment cutané ou d’atteinte des muqueuses buccales, conjonctivales
cutanée de type maculopapuleuse, des ulcérations muqueuses ou génitales (syndrome de Stevens-Johnson ou syndrome de
ainsi que d’autres infections sexuellement transmises. Les signes Lyell), hypersensibilité à l’abacavir (fièvre succédant à chaque
biologiques sont souvent une thrombopénie, une leuconeutro- prise médicamenteuse), nécessitant l’arrêt immédiat (et définitif)
pénie et une lymphopénie initiale, suivie parfois d’un syndrome de la molécule en cause et une prise en charge urgente en milieu
mononucléosique et d’une cytolyse hépatique. Les diagnostics dif- spécialisé.
férentiels sont les autres primo-infections (toxoplasmose, rubéole,
Epstein-Barr virus [EBV], CMV, hépatites virales) et la syphilis. La Zona [19]
charge virale VIH devient détectable une dizaine de jours après la
contamination, et les anticorps commencent à apparaître vers le Son incidence est nettement augmentée au cours de l’infection
21e jour. par le VIH à tous les stades de l’immunodépression. Tout zona
survenant chez un sujet jeune doit faire proposer un dépistage
de l’infection par le VIH. Chez le patient sans immunodépression
importante, l’évolution et la prise en charge sont superposables
Fièvre isolée aiguë ou persistante à celle du sujet immunocompétent. Chez le patient immu-
L’interrogatoire précisera l’introduction éventuelle de nou- nodéprimé, l’évolution peut se compliquer de manifestations
veaux médicaments, qui peuvent donner une allergie. Les neurologiques : myélite, radiculonévrite, méningite, encéphalite,
manifestations allergiques surviennent en moyenne de huit à dix nécrose rétinienne. Les facteurs associés à ces complications sont
jours après l’introduction du médicament et peuvent se résumer un chiffre de lymphocytes CD4 inférieur à 200/mm3 , une locali-
à une fièvre nue. Une virose banale reste évidemment possible, sation au trijumeau, et une atteinte multimétamérique : dans ce
mais ne peut être qu’un diagnostic d’élimination. cas, une hospitalisation pour traitement par aciclovir 10 mg/kg
Dans le cas d’une fièvre persistante chez un patient très immu- trois fois par 24 heures par voie intraveineuse doit être proposée.
nodéprimé, les principales étiologies à évoquer (en dehors des Il est également recommandé de traiter par voie intraveineuse les
causes « classiques » toujours possibles) sont des infections oppor- zonas disséminés, récurrents, sévères, ainsi que les varicelles (et
tunistes disséminées ou focales mais cliniquement « muettes » : varicelle-zona). Seul un traitement précoce permet de diminuer
mycobactériose (atypique ou tuberculeuse), toxoplasmose (céré- l’incidence des douleurs postzostériennes. Un examen ophtalmo-
brale ou disséminée), leishmaniose viscérale, cryptococcose logique doit être proposé en urgence en cas de suspicion d’atteinte
(méningée ou disséminée), histoplasmose, infection à CMV ou oculaire.
une prolifération lymphoïde de type lymphome (hodgkinien ou
non). Même si en règle générale ce tableau est associé à une Affections cutanées ou cutanéomuqueuses
hépatosplénomégalie, l’augmentation des adénopathies, un infil-
trat pulmonaire, etc., une fièvre isolée, volontiers élevée et de banales
début brutal, peut révéler une réaction paradoxale de restaura- Il s’agit de folliculite, de dermite séborrhéique, de prurigo, de
tion immunitaire dans les semaines suivant le début du traitement molluscum contagiosum, de condylomes génitaux, de poussée
d’une infection opportuniste (tuberculose, cryptococcose, etc.) d’herpès (en bouquet ou ulcère), de xérose, etc.
surtout si une trithérapie antirétrovirale a été initiée rapidement Ces manifestations en règle générale sans gravité mais fré-
après celui de l’infection opportuniste. Indépendamment d’une quentes chez les personnes infectées par le VIH sont des
tuberculose ou d’une autre infection opportuniste, il est pos- motifs non rares de consultation dans les services d’urgence
sible que dans les mois suivant la mise en place d’un TARV, une du fait de leur caractère tenace, récidivant et gênant. Elles ne
fièvre isolée traduise un syndrome de restauration immunitaire. doivent pas être confondues chez les patients très immunodé-
L’infection à VIH elle-même peut être une cause de fièvre persis- primés avec des manifestations cutanées (rares), des infections
tante, mais cela reste un diagnostic d’élimination. opportunistes (cryptococcose, histoplasmose, mycobactériose,
Dans tous les cas, en l’absence de signes de sepsis ou de signes angiomatose bacillaire), voire la maladie de Kaposi (survenue pos-
de gravité, il est préférable de ne pas commencer d’antibiotiques sible à des niveaux élevés d’immunité) ou des lymphomes, et elles
à l’aveugle et d’hospitaliser en service spécialisé pour réaliser rendent nécessaire l’avis d’un spécialiste en cas de doute.
tous les prélèvements microbiologiques (dont des hémocultures En cas d’exanthème maculopapuleux associé à une atteinte
sur milieux isolator pour mycobactéries) et les explorations muqueuse de type angine et à un syndrome pseudogrippal, il faut
complémentaires. savoir penser à une primo-infection VIH et proposer un dépistage
(avec charge virale VIH).

 Atteintes cutanéomuqueuses  Conduite à tenir devant des


Certaines des manifestations cutanéomuqueuses au cours de anomalies de la formule sanguine
l’infection par le VIH sont le témoin du déficit immunitaire
progressif, d’autres sont susceptibles d’être déclenchées par le Les anomalies hématologiques sont fréquentes chez les patients
TARV. infectés par le VIH. Elles peuvent se rencontrer à tout moment et

EMC - Médecine d’urgence 7


25-090-B-30  Infection par le virus de l’immunodéficience humaine chez l’adulte et urgences

toucher une ou plusieurs lignées : thrombopénie et/ou syndrome Conduite à tenir devant une neutropénie
mononucléosique au cours de la primo-infection, cytopénies iso-
lées ou associées (d’autant plus importantes et fréquentes que isolée
l’infection est évoluée) soit liées au VIH lui-même (périphériques C’est une étiologie médicamenteuse qui est généralement en
ou centrales), soit dans le cadre d’une manifestation opportu- cause, les molécules le plus souvent retrouvées étant l’AZT, la pyri-
niste (lymphome, mycobactériose, leishmaniose, etc.), soit enfin méthamine (en l’absence d’une coprescription d’acide folinique),
iatrogène (anémie à azidothymidine [AZT]), neutropénie à la pyri- les sulfamides (cotrimoxazole, sulfadiazine, etc.), le ganciclovir,
méthamine ou au ganciclovir, etc. En pratique, même si elle est etc. Le VIH peut être en cause, mais dans ce cas la neutropénie est
devenue plus rare, c’est la thrombopénie auto-immune qui pose le
rarement isolée. À noter la neutropénie « idiopathique » des sujets
plus de problème aux urgentistes. Seules les situations concernant
d’origine africaine qui est fréquente.
l’urgence seront abordées ici [20] .

Conduite à tenir devant une atteinte


Conduite à tenir devant une thrombopénie de plusieurs lignées ou une pancytopénie [20]
isolée Il s’agit là le plus souvent d’une atteinte centrale qui va être
En dehors de la primo-infection à VIH où une thrombopénie confirmée par la pauvreté du myélogramme. En règle générale, le
isolée mais transitoire est possible, c’est surtout la thrombopénie problème se pose chez des patients ayant une immunodépression
idiopathique auto-immune qui doit être évoquée même si elle évoluée, les étiologies étant multiples et souvent multifactorielles :
est devenue rare. Elle survient en règle générale à un stade peu infections opportunistes (mycobactérioses, CMV, cryptococcose,
évolué de l’infection à VIH (qu’elle peut d’ailleurs révéler : penser histoplasmose, leishmaniose, etc.), infiltration tumorale, toxicité
à proposer une sérologie devant un tel tableau) soit par décou- médicamenteuse et, bien évidemment, toxicité médullaire propre
verte fortuite, soit à l’occasion d’un saignement. Les plaquettes au VIH (myélodysplasie). La prise en charge passe par les transfu-
sont souvent à moins de 50 × 109 /l et inférieures à 20 × 109 /l sions, le traitement de la cause et l’initiation du TARV.
en cas de manifestation hémorragique. Après avoir recherché L’association d’une anémie hémolytique (imposant la
par principe une autre cause de thrombopénie (hypersplénisme, recherche de schizocytes) et d’une thrombopénie périphé-
toxicité médicamenteuse, voire coagulation intravasculaire dissé- rique doit faire évoquer une microangiopathie thrombotique
minée (CIVD) ou rare microangiopathie thrombotique à un stade dans un contexte de fièvre, d’atteinte rénale et parfois de troubles
évolué de l’infection à VIH), la première exploration à faire, lors neurologiques le plus souvent chez un patient très immunodé-
du premier épisode, est un myélogramme qui va objectiver le primé. Cette entité mal connue ne bénéficie pas d’un traitement
caractère périphérique de l’atteinte (moelle riche en mégacaryo- bien codifié : l’utilisation de plasma frais congelé associée ou non
cytes). Le diagnostic est retenu par élimination des autres causes dans les formes graves à des échanges plasmatiques est proposée,
(hématologiques, auto-immunes, virales, médicamenteuses, etc.). associée dans certains cas à des traitements immunomodulateurs,
La transfusion de plaquettes étant inopérante (destruction immé- le traitement de fond consistant en la mise sous TARV.
diate), le traitement d’urgence en cas de saignement repose Une bi- ou tricytopénie dans un contexte de fièvre, d’altération
principalement sur les immunoglobulines polyvalentes (1 g/kg de l’état général, d’hépatosplénomégalie, d’adénopathie avec
par jour pendant deux jours) qui sont efficaces très rapidement parfois des signes respiratoires doit faire évoquer un syn-
(dès les premières 24 heures) mais seulement transitoirement. Des drome d’activation macrophagique secondaire à une infection
alternatives existent mais ne se discutent pas en règle générale en opportuniste (CMV, maladie de Kaposi, mycobactérioses, lym-
urgence (corticothérapie, dapsone, splénectomie [en cas d’échec phome, etc.). Le diagnostic est difficile et repose sur un faisceau
des autres solutions]), mais c’est surtout la mise en place d’un d’arguments (hypertriglycéridémie, hyperferritinémie et hémo-
TARV qui assurera le traitement de fond [20, 21] . phagocytose à la biopsie médullaire, etc.). Là aussi, le traitement
est peu validé : étoposide et éventuellement Solu-Médrol® , immu-
noglobulines intraveineuses et traitement symptomatique associé
à la prise en charge de l’infection déclenchante.
Conduite à tenir devant une anémie isolée
Il faut évoquer quelques diagnostics.
• L’anémie à l’AZT (et autres anémies médicamenteuses) : deve-  Conduite à tenir
nue rare depuis la baisse d’utilisation de l’AZT, elle est devant des troubles de la vision
généralement isolée, mais peut être associée à une neutropé-
nie. Elle est dose-dépendante et d’autant plus fréquente que Même si elles sont globalement devenues rares, les atteintes
le déficit immunitaire est important et que l’hémoglobine de oculaires restent une réalité. Dans un contexte d’urgence, en
départ était basse. Elle est le plus souvent lentement progres- dehors des causes non liées au VIH, ce sont surtout les étiolo-
sive, ce qui autorise à maintenir l’AZT sous surveillance si elle gies virales qui sont concernées en particulier chez des patients
est bien tolérée, l’anémie pouvant se corriger spontanément. À au stade d’immunodépression avancée (taux de CD4 inférieur
l’inverse, elle peut être brutale (transfusion parfois nécessaire) à 50/mm3 ) : rétinite à CMV, uvéite/kératite herpétique, etc. La
et impose l’arrêt, généralement définitif, de l’AZT. À noter que conduite diagnostique est résumée dans la Figure 1 [22–25] .
la macrocytose sous AZT ne doit pas être considérée comme
pathologique et témoigne d’une prise régulière du traitement.
D’autres médicaments (ribavirine, amphotéricine B, etc.) utili- Œil rouge et douloureux avec ou sans baisse
sés dans le cadre de l’infection à VIH peuvent être responsables
d’anémie : en l’absence d’explication retrouvée cette piste doit
de l’acuité visuelle
être systématiquement explorée. Il est nécessaire d’effectuer un examen ophtalmologique
• L’infection par parvovirus B19 : responsable d’anémie chro- complet avec observation des paupières et de la conjonctive, puis
nique parfois profonde, le plus souvent sans atteinte des autres un examen à la lampe à fente.
lignées, elle est confirmée par le myélogramme (érythroblas- Il peut s’agir d’une simple conjonctivite qui ne s’accompagne
topénie et surtout positivité de la PCR). La sérologie a peu pas de baisse de l’acuité visuelle, et dont les deux principales causes
d’intérêt. La prise en charge initiale repose sur les transfu- spécifiques chez le patient immunodéprimé sont la maladie de
sions si besoin, le traitement de fond consistant en perfusion Kaposi et le molluscum contagiosum.
d’immunoglobulines polyvalentes et la mise sous TARV. Il peut également s’agir d’une kératoconjonctivite, dont la
• L’anémie hémolytique auto-immune (rare) : elle est soit liée au principale cause est le zona ophtalmique et qui est plus ou
VIH, soit médicamenteuse. moins associée à une uvéite. L’éruption cutanée associée,en

8 EMC - Médecine d’urgence


Infection par le virus de l’immunodéficience humaine chez l’adulte et urgences  25-090-B-30

Baisse de l’acuité visuelle chez


un patient atteint du sida

Œil rouge et douloureux Œil blanc et indolore Œil normal

Atteinte du segment antérieur Atteinte du segment


postérieur

Lampe à fente
Fond d’œil Rechercher une
± Angiographie atteinte du nerf
± Ponction de la chambre optique ou des
Uvéite Kératoconjonctivite antérieure (PCR,CMV, voies visuelles par
Cause médicamenteuse : ± uvéite EBV, Toxoplasma) IRM cérébrale
– rifabutine, ciclovir Zona ophtalmique
– inhibiteurs de protéases Autres causes :
Autres causes : – syndrome sec
– candidose – herpès (HSV) Rétinite infectieuse
– syphillis
– Candida
– uvéite liée à la reconstitution
immunitaire sous trithérapie Taux de CD4
(antécédent de rétinite à CMV)

Quel que soit le


CD4 < 100/mm3) taux de CD4
Arrêt des médicaments
Aciclovir i.v.
± Corticoïdes

Causes plus rares : Rétinite Tuberculose


– rétinite à VZV à CMV
(CD4 < 50/mm3 ; (CD4 < 50/mm3)
gangiclovir i.v.)
– toxoplasmose
(CD4 < 100/mm3 ;
pyriméthanine Urgence thérapeutique
+ sulfadiazine) Perfusion ganciclovir
Traitement d’entretien
par valganciclovir

Figure 1. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une baisse de l’acuité visuelle chez un patient infecté par le virus de l’immunodéficience humaine.
PCR : polymerisation chain reaction ; CMV : cytomégalovirus ; EBV : Epstein-Barr virus ; CD4 : taux de lymphocytes CD4 ; i.v. : voie intraveineuse ; HSV : herpes
simplex virus ; VZV ; varicella-zoster virus ; IRM : imagerie par résonance magnétique.

périphérie de l’œil, permet de poser le diagnostic. Le syndrome Ce traitement est efficace à la fois sur le CMV, cause la plus fré-
sec, fréquent chez le patient VIH, est une autre cause fréquente de quente de rétinite, et sur le VZV plus rarement en cause. D’autres
kératite. étiologies plus rares peuvent cependant donner des rétinites et
Enfin, il peut s’agir d’une uvéite antérieure soit d’origine médi- nécessiteront un traitement spécifique (toxoplasmose, tubercu-
camenteuse (rifabutine, inhibiteurs de protéase), soit d’origine lose, syphilis, candidose).
infectieuse (toxoplasmose, syphilis, candidose). Une uvéite peut L’aspect des lésions permet souvent d’orienter le diagnostic, et
également se voir dans le cadre d’une reconstitution immunitaire la ponction de la chambre antérieure permet parfois de retrouver
chez les patients ayant un antécédent de rétinite CMV. Dans tous l’agent pathogène par PCR.
les cas d’uvéite et de kératite, notamment d’origine virale, la prise En dehors des causes infectieuses, la microangiopathie réti-
en charge ophtalmologique spécialisée rapide est indispensable nienne est une cause très fréquente de baisse de l’acuité visuelle.
sous peine de lésions cicatricielles définitives. Le lymphome oculaire est plus rare.

Baisse de l’acuité visuelle avec œil blanc Baisse d’acuité visuelle d’origine centrale
et indolore Si on ne retrouve aucune cause ophtalmologique pour expliquer
Il est nécessaire d’effectuer un fond d’œil en urgence, à la une baisse d’acuité visuelle, il est nécessaire de réaliser une IRM
recherche d’une rétinite qui imposera de commencer un trai- cérébrale à la recherche d’une cause rétro-orbitaire. Il peut s’agir
tement par ganciclovir (ou foscarnet) par voie intraveineuse en d’une atteinte du nerf optique ou des voies visuelles. Une PL est
urgence [24, 25] . alors souvent nécessaire pour étayer le diagnostic.

EMC - Médecine d’urgence 9


25-090-B-30  Infection par le virus de l’immunodéficience humaine chez l’adulte et urgences

Tableau 4.
Évaluation du risque et indication de traitement en cas d’exposition au sang (d’après [9] ).
Risque Type d’exposition Sujet source VIH positif Sujet source inconnu ou de sérologie
inconnue
Important Piqûre profonde avec aiguille creuse après Traitement recommandé Traitement recommandé si le sujet source est
geste en intraveineux ou artériel à risque élevé (partenaires sexuels multiples,
originaire d’une zone de forte endémie,
toxicomanie intraveineuse)
Intermédiaire Piqûre avec aiguille à suture (aiguille pleine) Traitement recommandé (sauf si Traitement recommandé si le sujet source est
ou après geste en injection intramusculaire une charge virale récente du sujet à risque élevé (partenaires sexuels multiples,
ou sous-cutanée source est connue et indétectable) originaire d’une zone de forte endémie,
Coupure par bistouri toxicomanie intraveineuse)
Expositions cutanéomuqueuses a avec temps
de contact > 15 min
Minime Expositions cutanéomuqueuses a avec temps Traitement non recommandé
de contact < 15 min
Morsures, griffures, contact avec un autre
liquide biologique (par exemple, salive,
crachat, urines, etc.), piqûre avec seringue
abandonnée

VIH : virus de l’immunodéficience humaine.


a
Exposition cutanée : sur peau lésée (pas de risque si la peau est saine).

 Prise en charge d’un accident hépatite B (avec dosage quantitatif des anticorps anti-Hb S
chez le personnel soignant), sérologie hépatite C, alanine
d’exposition au sang aminotransférase (ALAT), éventuellement VDRL/TPHA.
ou aux liquides biologiques
et d’exposition sexuelle Évaluation du risque en cas d’accident
d’exposition au sang
aux urgences [26, 27]

L’indication du traitement prophylactique pour le VIH est


Prise en charge immédiate évaluée en fonction du résultat de la sérologie VIH (test rapide)
du sujet source et du type d’exposition. Si le statut VIH de la
• Soins locaux (en cas d’exposition au sang) immédiats : personne source est indéterminé ou inconnu, l’évaluation du
◦ après piqûre ou blessure cutanée, il faut laver abondamment risque de transmission se fait sur la base du type d’exposition
à l’eau courante et au savon, rincer, puis pratiquer l’antisepsie et de la prévalence de l’infection à VIH dans la population
avec un dérivé chloré (soluté de Dakin ou eau de javel à à laquelle la personne source appartient. Les Tableaux 4 à 6
12◦ chlorométrique diluée à 1/10) en assurant un temps de proposent des recommandations selon les différentes
contact d’au moins cinq minutes, situations.
◦ après projection sur les muqueuses (en particulier les
conjonctives), il faut rincer abondamment de préférence au
soluté physiologique ou à l’eau, pendant au moins cinq Prise en charge lors d’une transmission
minutes ;
• déclaration de l’accident et information de la victime sur
possible
les risques, les moyens de prévention (victime elle-même et Le TARV doit être proposé le plus rapidement possible, au mieux
conjoint éventuel) et la surveillance ; dans les quatre premières heures et au plus tard dans les 48 heures
• bilan initial : postexposition et doit être accessible dans l’urgence. L’avis d’un
◦ du sujet source (si c’est possible et avec son accord) : sérologie médecin référent est souhaitable.
VIH (test de diagnostic rapide disponible entre 30 minutes et Si le TARV (et son efficacité) du sujet source est connu, le traite-
une heure), sérologie hépatite B, sérologie hépatite C, éven- ment de la personne exposée sera adapté à celui-ci dans la mesure
tuellement Venereal Disease Research Laboratory/treponema du possible (prise en compte d’éventuelles résistances connues ou
pallidum hemagglutination (VDRL/TPHA). possibles). Si la personne source est inconnue ou en cas d’absence
◦ du sujet exposé (à faire dans les sept jours suivant l’accident d’information sur le traitement du sujet source, le traitement à
selon les règles médicolégales) : sérologie VIH, sérologie mettre en œuvre aux urgences peut être un traitementstandardisé.

Tableau 5.
Évaluation du risque et indication de traitement en cas d’exposition sexuelle (d’après [9] ).
Type d’exposition Sujet source VIH positif Sujet source inconnu ou de sérologie inconnue
Rapport anal réceptif Traitement recommandé Traitement recommandé si le sujet source est à risque élevé
(partenaires sexuels multiples, originaire d’une zone de forte
endémie, toxicomanie intraveineuse ou facteurs physiques
augmentant le risque chez la personne exposée : viol, ulcération
génitale ou anale, IST, saignement)
Rapport anal insertif Traitement recommandé (sauf si une Traitement recommandé si sujet source à risque élevé (partenaires
Rapport vaginal (réceptif et insertif) charge virale récente du sujet source sexuels multiples, originaire d’une zone de forte endémie,
est connue et indétectable) a toxicomanie intraveineuse ou facteurs physiques augmentant le
Rapport oral (fellation)
risque chez la personne exposée : viol, ulcération génitale ou anale,
IST, saignement)

VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; IST : infection sexuellement transmissible.


a
En cas de charge virale indétectable du sujet source, le traitement peut être néanmoins envisagé au cas par cas, en cas de facteurs physiques augmentant le risque chez
la personne exposée (viol, ulcération génitale ou anale, IST, saignement).

10 EMC - Médecine d’urgence


Infection par le virus de l’immunodéficience humaine chez l’adulte et urgences  25-090-B-30

Tableau 6.
Évaluation du risque d’accident d’exposition au sang et indication de traitement en cas de partage de matériel d’injection (d’après [9] ).
Type d’exposition Sujet source VIH positif Sujet source inconnu ou de sérologie
inconnue
Partage de seringues/aiguilles et/ou de la Traitement recommandé (sauf si une charge virale Traitement recommandé
préparation (risque important) récente du sujet source est connue et indétectable)
Partage du récipient, de la cuillère, du filtre Traitement non recommandé Traitement non recommandé
ou de l’eau de rinçage

[2] Rapp C, Reggad A, Aoun A, Ficko C, Andriamanantena D, Flateau


“ Point important C. Hospitalisation causes of HIV-infected patients in 2011 in an HIV
reference center in the Paris region, France. J Int AIDS Soc 2012;15:
18126.
L’accident d’exposition au sang (AES) est une urgence [3] Kim JH, Psevdos Jr G, Gonzalez E, Singh S, Kilayko MC, Sharp V.
diagnostique et thérapeutique. Une prise en charge très All-cause mortality in hospitalized HIV-infected patients at an acute
précoce (dans les toutes premières heures) et adaptée per- tertiary care hospital with a comprehensive outpatient HIV care pro-
gram in New York City in the era of highly active antiretroviral therapy
met de réduire les risques de transmission. Il s’agit d’une (HAART). Infection 2013;41:545–51.
des rares urgences pour lesquelles il faut commencer un [4] Girard PM, Katlama C, Pialoux G. VIH. Rueil-Malmaison: Doin; 2011.
traitement antirétroviral. [5] Katlama C, Ghosn J. VIH et sida. Prise en charge et suivi du patient.
Paris: Masson; 2004.
[6] Mayaud C, Cadranel J. Manifestations pulmonaires. In: Girard PM,
Le traitement (qui doit tenir compte d’éventuelles interactions en Katlama C, Pialoux G, editors. VIH. Rueil-Malmaison: Doin; 2011.
cas de traitement préalable) en urgence pour deux ou trois jours [7] Wislez M, Mayaud C, Cadranel J. AIDS and the lung at the era
en attendant la décision de poursuite (un mois au total) ou non of highly active antiretroviral therapies. Rev Mal Respir 2002;19:
par un avis spécialisé (médecin référent) repose sur une trithéra- 675–9.
pie comprenant deux analogues nucléosidiques (le plus souvent [8] Grubb JR, Moorman AC, Baker RK, Masur H. The changing spectrum
actuellement ténéfovir–emtricitabine [Truvada® un comprimé par of pulmonary disease in patients with HIV infection on antiretroviral
jour]) et une antiprotéase boostée (ritonavir/darunavir [Norvir® therapy. AIDS 2006;20:1095–107.
100 mg un comprimé par jour et Prézista® 800 mg un comprimé [9] Morlat P (sous la direction de), CNS, ANRS. Prise en charge
par jour]) ou, notamment en cas d’intolérance au darunavir, une médicale des personnes vivant avec le VIH. Recommandations
anti-intégrase : raltégravir (Isentress® un comprimé × 2/j). du groupe d’experts. Rapport 2013. Paris: La Documentation
La prise en charge d’autres agents infectieux (VHB, VHC notam- française, 2013. Accès : www.sante.gouv.fr/rapport-2013-sur-la-prise-
ment) qui sort du cadre de cet article doit être également prise en en-charge-medicale-des-personnes-vivant-avec-le-vih.html.
compte. [10] Moulignier A. Atteintes du système nerveux central et infection par le
VIH-1. Rev Neurol 2006;162:22–42.
[11] Mateen FJ, Shinohara RT, Carone M, Miller EN, McArthur JC, Jacob-
 Conclusion
son LP, et al. Multicenter AIDS Cohort Study (MACS) Investigators.
Neurologic disorders incidence in HIV+ vs HIV- men: Multicenter
AIDS Cohort Study, 1996-2011. Neurology 2012;79:1873–80.
Pour un non-spécialiste de la prise en charge du VIH, la pré- [12] Brew BJ, Thompson J. Epilepsy: issues with antiepileptic drug use in
sentation des pathologies auxquelles il peut être confronté est HIV-infected patients. Nat Rev Neurol 2012;8:187–8.
complexe surtout si le statut VIH du patient n’est pas connu. En [13] Moulignier A. Manifestations neurologiques. In: Girard PM, Katlama
pratique, trois écueils sont à éviter : vouloir rattacher systémati- C, Pialoux G, editors. VIH. Rueil-Malmaison: Doin; 2011.
quement toute manifestation survenant chez un sujet séropositif [14] Jackson A, van der Horst C. New insights in the prevention, diag-
à une complication du déficit immunitaire peut conduire à nosis, and treatment of cryptococcal meningitis. Curr HIV/AIDS Rep
des errances diagnostiques parfois lourdes de conséquences ; à 2012;9:267–77.
l’inverse, ne pas penser à un déficit immunitaire devant des symp- [15] Ghosn J, Bonnard P. Manifestations digestives. In: Girard PM, Katlama
tômes évocateurs tels que candidose buccale, amaigrissement C, Pialoux G, editors. VIH. Rueil-Malmaison: Doin; 2011.
chronique inexpliqué, diarrhée chronique, antécédent récent de [16] Slaven EM, Lopez F, Weintraub SM, Mena JC, Mallon WK. The
zona, etc., associés au motif de consultation peut faire perdre à AIDS patient with abdominal pain: a new challenge for the emergency
un patient la possibilité d’un diagnostic précoce d’une infection physician. Emerg Med Clin N Am 2003;21:987–1015.
VIH ; enfin, la réalisation en urgence d’une sérologie VIH lorsque [17] Yoshida D, Caruso JM. Abdominal pain in HIV-infected patient. J
son résultat n’est pas indispensable à la conduite à tenir immé- Emerg Med 2002;23:111–6.
[18] Lemoine M. Manifestations hépatiques en dehors des hépatites virales.
diate est souvent délétère (en dehors d’une stratégie de dépistage
In: Girard PM, Katlama C, Pialoux G, editors. VIH. Rueil-Malmaison:
systématique) – en effet, le patient peut avoir l’impression que son
Doin; 2011.
motif de consultation n’est pas pris en compte et que le médecin
[19] Caumes E. Manifestations dermatologiques. In: Girard PM, Katlama
se focalise sur un point « annexe » mais stressant qui ne concerne C, Pialoux G, editors. VIH. Rueil-Malmaison: Doin; 2011.
pas la souffrance ressentie. [20] Gérard L, Oksenhendler E. Manifestations hématologiques hors
lymphome. In: Girard PM, Katlama C, Pialoux G, editors. VIH. Rueil-
Malmaison: Doin; 2011.
Déclaration d’intérêts : le Professeur O. Bouchaud déclare avoir les liens [21] Miguez-Burbano MJ, Jackson Jr J, Hadrigan S. Thrombocytopenia
d’intérêts suivants en relation avec cet article : participation à des études de in HIV disease: clinical relevance, physiopathology and management.
recherche clinique sur les thérapeutiques du VIH promues par les laboratoires Curr Med Chem Cardiovasc Hematol Agents 2005;3:365–76.
GSK, GILEAD, MSD, Bohringer ; organisation de réunions scientifiques sur les [22] Kahraman G, Kepler K, Franz C. Seven years impact on ophthal-
thématiques transversales du VIH avec le soutien des laboratoires BMS et MSD ; mic management of HIV-infected patients. Ocul Immunol Inflamm
participation à des congrès nationaux avec le soutien des laboratoires MSD. 2005;13:213–8.
[23] Roels P. Ocular manifestations of AIDS: new considerations for
patients using highly antiretroviral therapy (HAART). Optometry
 Références 2004;75:624–8.
[24] Butler NJ, Thorne JE. Current status of HIV infection and ocular
[1] Ives NJ, Gazzard BG, Easterbrook PJ. The changing pattern of AIDS- disease. Curr Opin Ophthalmol 2012;23:517–22.
defining illnesses with the introduction of highly active antiretroviral [25] Katlama C. Infection à cytomégalovirus. In: Girard PM, Katlama C,
therapy (HAART) in a London clinic. J Infect 2001;42:134–9. Pialoux G, editors. VIH. Rueil-Malmaison: Doin; 2011.

EMC - Médecine d’urgence 11


25-090-B-30  Infection par le virus de l’immunodéficience humaine chez l’adulte et urgences

[26] Tubiana R, Lot F. Prévention des risques d’exposition aux virus chez [27] Deuffic-Burban S, Delarocque-Astagneau E, Abiteboul D, Bouvet E,
les professionnels de santé et prophylaxie d’exposition. In: Girard PM, Yazdanpanah Y. Blood-borne viruses in health care workers: preven-
Katlama C, Pialoux G, editors. VIH. Rueil-Malmaison: Doin; 2011. tion and management. J Clin Virol 2011;52:4–10.

C. Cauquil.
J. Cailhol.
B. Cazenave.
H. Gros.
C. Pizzocolo.
S. Abgrall.
O. Bouchaud (olivier.bouchaud@avc.aphp.fr).
Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Avicenne, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 125, rue de Stalingrad, 93009 Bobigny, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Cauquil C, Cailhol J, Cazenave B, Gros H, Pizzocolo C, Abgrall S, et al. Infection par le virus de
l’immunodéficience humaine chez l’adulte et urgences. EMC - Médecine d’urgence 2014;9(3):1-12 [Article 25-090-B-30].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

12 EMC - Médecine d’urgence


¶ 25-090-B-40

Infections génitales
B. Chaine, M. Janier

La plupart des infections génitales sont des infections sexuellement transmissibles et, bien qu’elles ne
menacent qu’exceptionnellement le pronostic vital, leur prise en charge doit être rapide, idéalement en
urgence, afin de rompre la chaîne de contamination et d’empêcher les complications en particulier
l’orchiépididymite aiguë et la salpingite aiguë. Depuis 1998, nous assistons dans les pays occidentaux à
la réémergence de maladies infectieuses qui avaient pratiquement disparu comme la gonococcie, la
syphilis et la lymphogranulomatose vénérienne. Ces trois infections touchent préférentiellement les
homosexuels masculins et indiquent un relâchement manifeste de la prévention favorisant la
transmission du virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Il faut encourager la prévention par
l’utilisation systématique du préservatif. Nous envisagerons les principaux syndromes susceptibles de
conduire un patient à consulter en urgence pour une infection génitale, leurs complications et le
traitement probabiliste de chaque syndrome.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Infection sexuellement transmissible ; Ulcération génitale ; Balanite ; Urétrite ; Leucorrhées

Plan adaptés. En dehors de l’orchiépididymite aiguë chez l’homme et


de la salpingite aiguë chez la femme, qui sont de véritables
urgences, les autres situations nécessitent idéalement une prise
¶ Introduction 1
en charge organisée autour de la pratique d’examens complé-
¶ Conduite à tenir en urgence devant un tableau évoquant mentaires. Qu’il s’agisse d’un écoulement urétral masculin,
une infection génitale aiguë 1 d’une leucorrhée ou d’une ulcération génitale, des examens
¶ Principales étiologies chez l’homme 2 complémentaires spécifiques faits dans de bonnes conditions
Balanite 2 sont indispensables, l’examen clinique étant le plus souvent
Urétrite 2 insuffisant pour une approche prédictive fiable de l’étiologie.
Orchiépididymite 3 Une approche syndromique avec traitement à l’aveugle est
Prostatite 4 néanmoins possible si un plateau technique correct n’est pas
¶ Principales étiologies chez la femme 5 disponible. De plus, le traitement doit être rapide pour rompre
Leucorrhées et infections génitales basses 5 la chaîne de contamination et/ou limiter les complications. En
Infections génitales hautes 6 effet, une infection basse passée inaperçue chez la femme peut
conduire à une endométrite, voire à une salpingite qui peut se
¶ Étiologies communes à l’homme et la femme 7
compliquer d’une stérilité secondaire. De même, chez l’homme,
Ulcération génitale 7
une urétrite non traitée peut se compliquer de prostatite ou
Anorectite 8
d’orchiépididymite. L’existence d’une infection génitale est
¶ Conclusion 8 symptomatique d’un comportement à risque. Elle doit être
l’occasion de rechercher d’autres infections sexuellement
transmissibles, en particulier une infection VIH. La recherche et
■ Introduction le traitement des partenaires sont évidemment indispensables.
Cela peut difficilement être fait dans le contexte de l’urgence.
Chez l’homme comme chez la femme, les véritables urgences
vénéréologiques sont rares, les infections sexuellement trans-
missibles (IST) menaçant rarement à court terme le pronostic ■ Conduite à tenir en urgence
vital. Elles peuvent toutefois, en raison du désagrément qu’elles
procurent, conduire à une consultation aux urgences. Il faut devant un tableau évoquant une
également savoir les rechercher derrière d’autres motifs de infection génitale aiguë
recours aux urgences qui sont sans doute plus fréquents
(demande de « pilule contraceptive du lendemain », demande Face à un patient consultant en urgence pour un tableau
de prophylaxie vis-à-vis du virus de l’immunodéficience évoquant une IST, la prise en charge diagnostique et thérapeu-
humaine [VIH], « infection urinaire », douleurs pelviennes tique doit tenir compte de recommandations générales [1]. Les
fébriles ou non, viol, etc.). À quelques exceptions près, il est IST doivent être abordées par une approche syndromique
préférable d’adresser le patient à une consultation spécialisée (écoulement génital, ulcération, éruption fébrile, etc.) et traitées
disposant d’un plateau technique performant et de soins en urgence sans jamais attendre les résultats des examens

Médecine d’urgence 1
25-090-B-40 ¶ Infections génitales

complémentaires éventuellement prescrits. Les autres IST


éventuellement associées doivent être dépistées en se fondant
sur la durée d’incubation de chacune d’entre elles.
En pratique, si le service d’urgences a un plateau technique
“ Points forts
suffisant (table d’examen gynécologique, série de spéculum de • L’examen direct de tout ce qui coule ou de tout ce qui
différentes tailles, série d’écouvillons et de milieu de transport, est ulcéré ne doit pas être négligé car il permet souvent
lames et lamelles), le patient peut être pris en charge aux
d’orienter le diagnostic.
urgences. Les examens de laboratoire sont prescrits à bon
• Un traitement présomptif ou guidé par l’examen direct
escient : l’examen direct de tout ce qui coule ou est ulcéré est
d’un apport majeur car il permet, dans certains cas, d’orienter doit être prescrit en urgence sans attendre les résultats des
très vite le diagnostic (fond noir, état frais, diplocoques à Gram cultures.
négatif) et donc le traitement. En cas de point d’appel urinaire, • Une consultation de contrôle au bout de 1 semaine est
il est très simple de recueillir un premier et un deuxième jet indispensable.
urinaire. En cas de présence de leucocytes dans le deuxième jet,
un examen cytobactériologique des urines (ECBU) avec antibio-
gramme doit être réalisé. Il faut privilégier les traitements
des cas), plus rarement à streptocoque B, à anaérobies, à
monodose d’efficacité immédiate ou rapide pour rendre le
Trichomonas vaginalis (TV), voire à gonocoques. Mis à part les
patient non contagieux et favoriser l’observance. Le choix des
pustules superficielles significativement associées à une candi-
antibiotiques se fonde sur l’état actuel des résistances bactérien-
dose, aucune corrélation entre l’aspect clinique et le résultat des
nes dans notre pays. Certaines IST dont la fréquence d’associa-
examens de laboratoire n’a été constatée [3]. Dans la majorité
tion est élevée doivent être systématiquement traitées (par
des cas, le diagnostic étiologique des balanites infectieuses est
exemple traitement antichlamydien systématique en cas de
difficile. Il ne faut pas prétendre à un diagnostic clinique et,
gonococcie). La sérologie pour le VIH se discute en urgence en
dans l’idéal, un bilan complet s’impose [4]. Lorsque l’on suspecte
fonction de la date présumée de la prise de risque. Si l’on est
une balanite infectieuse et, en particulier candidosique, il
face à un patient prenant régulièrement des risques sexuels et
convient de pratiquer trois examens par écouvillonnage du
n’ayant pas fait de dépistage récemment, une sérologie VIH
sillon balanopréputial ou du gland, avec :
peut être effectuée en urgence. En cas de négativité de cette
• un examen direct à la recherche de levures et de pseudofila-
sérologie, il faut la contrôler au bout de 1 mois. Si la prise de
ments dont la présence est spécifique ;
risque est unique et date de moins de 1 mois, il vaut mieux
• une culture sur milieu de Sabouraud ;
prévoir un contrôle sérologique au bout de 1 mois. Si le risque
• une culture pour germes banals.
est unique et remonte à plus de 1 mois, une sérologie peut être
Néanmoins, un traitement probabiliste anticandidosique est
effectuée en urgence. Rappelons que nous avons à notre
acceptable dans un premier temps en urgence sans faire aucun
disposition des tests de dépistage du VIH de troisième généra-
examen complémentaire. L’aspect typique de la balanite
tion qui permettent d’affirmer ou d’infirmer une séropositivité
candidosique donne des placards érythémateux rouge vif,
avec une quasi-certitude au bout de 1 mois seulement après la
macérés, prurigineux parfois érosifs, couverts d’un enduit
prise de risque (et non plus au bout de 2 à 3 mois). De plus,
blanchâtre avec des pustulettes à la périphérie des lésions.
avec ces nouveaux tests de dépistage, la recherche de l’antigène
Parfois, il peut y avoir un œdème important au point de causer
P24 est inutile sauf exception. Il est recommandé de vérifier le
un phimosis. Il est très utile d’effectuer une bandelette urinaire
statut vaccinal pour l’hépatite B. En l’absence de vaccination ou
à la recherche de glycosurie, voire une glycémie car l’existence
en cas de vaccination incomplète ou incertaine, une sérologie
de balanites candidosiques dans les trois mois précédant le
peut être proposée, le plus souvent groupée avec la sérologie
diagnostic de diabète non insulinodépendant est classique [5].
VIH. Le patient doit être orienté vers une consultation spéciali-
sée pour contrôle au bout de 1 semaine. Cette consultation a En effet, la pathogénicité du Candida dépend de facteurs liés à
lieu le plus souvent dans un centre de dépistage et de diagnostic l’hôte parmi lesquels le diabète est le plus important, mais aussi
des infections sexuellement transmissibles (CIDDIST) ou auprès de l’obésité ou de la prise d’antibiotiques. Le traitement repose
d’un dermatologue de ville ayant l’habitude de prendre en sur l’utilisation de laits imidazolés à appliquer une ou deux fois
charge les IST. Il est indispensable de préciser, dans la lettre par jour après une toilette et un séchage soigneux pendant
d’accompagnement remise au patient, les traitements prescrits 3 semaines. L’alternative est l’utilisation de crème à la ciclopi-
ainsi que les examens réalisés avec leur résultat. Cette consulta- roxolamine deux fois par jour. Dans les cas sévères, un traite-
tion programmée permet de vérifier la guérison, d’adapter le ment oral par fluconazole peut être nécessaire [2]. Le traitement
traitement prescrit en urgence le cas échéant en fonction du de la partenaire si nécessaire doit être concomitant. Aucun suivi
résultat des cultures, voire d’effectuer ou de programmer de n’est nécessaire sauf en cas de signes particulièrement sévères et
nouveaux prélèvements ou des sérologies. Cette consultation en cas de suspicion de problème sous-jacent (diabète). Ce n’est
de contrôle est également l’occasion de rappeler les messages de que dans un deuxième temps, en cas d’échec thérapeutique, que
prévention contre les comportements sexuels à risque et de d’autres étiologies peuvent être envisagées et traitées si néces-
prendre en charge les partenaires. Si le patient ne peut pas être saire (streptocoque B, anaérobies, gonocoque, TV), mais en
pris en charge aux urgences, en raison d’un plateau technique dehors du cadre de l’urgence et après bilan complet.
insuffisant, il doit être adressé rapidement à une consultation
spécialisée. Au cas où le patient n’a eu aucun prélèvement en
urgence, mais a bénéficié d’un traitement antibiotique pré-
somptif, il faut également l’orienter vers une consultation de
contrôle au bout de 1 semaine. Une consultation plus rapide ne
“ Point fort
présente pas beaucoup d’intérêt.
Un traitement probabiliste anticandidosique est possible
devant toute balanite sans effectuer aucun examen
■ Principales étiologies chez complémentaire.
l’homme
Balanite Urétrite
Rare chez les circoncis, la balanite est une affection très L’urétrite est une inflammation de l’urètre, le plus souvent
commune qui touche 11 % des hommes consultant pour un d’origine infectieuse, sexuellement transmise. Elle se manifeste
problème génito-urinaire [2]. Les balanites infectieuses aiguës dans 50 % des cas environ par un écoulement urétral qui peut
sont essentiellement des balanites candidosiques (30 % à 50 % être purulent, mucopurulent, séreux, voire hémorragique.

2 Médecine d’urgence
Infections génitales ¶ 25-090-B-40

3 % [10], favorisant sa diffusion dans la population générale et


le risque chez la femme de complications sur le haut appareil
génital, notamment son implication dans les stérilités tubaires.
Le dépistage et le traitement des urétrites à CT chez des
hommes asymptomatiques sont donc essentiels afin d’éviter la
stérilité tubaire des partenaires féminines. En pratique, devant
toute symptomatologie évoquant une urétrite, un traitement
antichlamydien est systématiquement prescrit. L’idéal est de
faire des examens complémentaires exhaustifs lorsqu’on dispose
d’un laboratoire performant et que l’on n’est pas limité par le
coût. Dans les autres cas, un bilan minimal est tout de même
souhaitable qui ne doit ni retarder le traitement, ni le faire
interrompre en cas de négativité :
• recherche de diplocoques à l’examen direct du frottis de
l’écoulement ;
• mise en culture de l’écoulement purulent afin d’identifier
avec certitude NG et surtout d’obtenir un antibiogramme ;
• examen du premier jet d’urines pour comptage du nombre de
leucocytes sur le culot centrifugé et recherche de CT par PCR
(polymerase chain reaction) ;
Figure 1. Urétrite à gonocoque.
• enfin examen du second jet d’urines à la recherche de
leucocytes à la bandelette urinaire.
Lorsque l’inflammation est moins importante, il n’y a pas En cas de présence de leucocytes dans le deuxième jet, un
d’écoulement et des symptômes moins spécifiques traduisent ECBU avec antibiogramme doit être réalisé. La lecture de la
également une urétrite : prurit canalaire, brûlures mictionnelles, lame peut parfaitement se faire le lendemain. Il est important
dysurie, pollakiurie [6]. L’urétrite est définie par des critères d’effectuer ces examens dans de bonnes conditions, avant tout
cytologiques : présence d’au moins dix polynucléaires neutro- traitement antibiotique et le patient ne doit pas avoir uriné
philes sur le culot de centrifugation du premier jet d’urines qui depuis au moins 3 heures. La recherche de mycoplasmes n’est
est un examen très sensible, ou présence d’au moins cinq pas indispensable, dans un premier temps, pas plus que celle de
polynucléaires neutrophiles sur le frottis urétral. Cette définition TV. La sérologie de CT n’a aucune utilité dans cette situation.
cytologique est d’une très grande spécificité, en particulier en Un prélèvement pharyngé et anal doit être systématiquement
cas d’urétrite sans écoulement et permet d’éliminer les autres associé chez l’homosexuel masculin. En pratique, il faut
pathologies urétrales sauf les infections urinaires avec pyurie qui distinguer les urétrites avec écoulement (quel que soit l’aspect
posent un problème de diagnostic différentiel, mais dans ce cas, de celui-ci) des urétrites sans écoulement (Fig. 2). Un traitement
les polynucléaires sont également présents dans les urines de fin antigonococcique s’impose lorsqu’il existe des diplocoques
de miction. En pratique, un écoulement urétral chez un adulte intracellulaires à l’examen direct, mais aussi devant toute
traduit toujours une urétrite, mis à part les exceptionnelles urétrite avec écoulement si les examens de laboratoire ne sont
urétrorragies et spermatorrhées. Les micro-organismes responsa- pas disponibles et, également si l’examen direct a été pratiqué,
bles d’urétrite masculine sont Neisseria gonorrhoae (NG), mais qu’il ne peut pas être lu immédiatement. En cas d’urétrite
Chlamydia trachomatis (CT), TV, Mycoplasma genitalium et, sans écoulement, après avoir éliminé une infection urinaire, on
accessoirement, Ureaplasma urealyticum. Cependant, dans peut se contenter d’un traitement antichlamydien seul. Compte
environ un tiers des cas, aucun germe n’est retrouvé malgré des tenu du risque important de co-infection par CT des patients
recherches exhaustives. En revanche, NG et CT sont souvent ayant une urétrite gonococcique (10 % à 20 %), il est fortement
associés. En dehors de l’urétrite aiguë franchement purulente à recommandé de traiter systématiquement de façon présomptive
pus jaunâtre ou verdâtre, très évocatrice de gonococcie, seuls les CT chez ces patients. Les recommandations thérapeutiques
examens complémentaires permettent d’identifier avec exacti- actuelles sont précisées dans le Tableau 1 [11, 12].
tude le micro-organisme responsable. Une urétrite aiguë mascu-
line non compliquée n’est pas fébrile et ne s’accompagne
d’aucune autre anomalie de l’examen clinique. L’existence
d’une douleur scrotale ou d’une fièvre oriente vers une compli-
cation comme une orchiépididymite aiguë ou une prostatite
aiguë. Une incubation supposée très courte (24 à 48 heures) est “ Points forts
évocatrice de gonococcie, mais l’interrogatoire n’est pas réguliè-
rement fiable. Il s’agit de l’une des IST les plus répandues dans • Le bilan minimum indispensable comprend, en cas
le monde. On assiste, depuis 1998, à une recrudescence de cette d’écoulement urétral, un examen direct de celui-ci
affection en Europe de l’Ouest, et en France en particulier. La (recherche de diplocoques) et, dans tous les cas, un
représentation des homosexuels masculins a fortement aug- premier jet urinaire (comptage des leucocytes et
menté ainsi que la séroprévalence VIH et le rôle du sexe oral [7]. recherche de CT par PCR).
Les manifestations cliniques chez l’homme surviennent après
• Tout patient consultant pour une urétrite doit recevoir
une période d’incubation silencieuse et contagieuse de 2 à
un traitement antichlamydien.
7 jours. L’urétrite antérieure aiguë est la manifestation clinique
la plus typique. Elle est responsable de brûlures mictionnelles
(« chaude-pisse »), d’un écoulement urétral purulent jaune
verdâtre (Fig. 1) et d’une méatite inflammatoire. La probléma-
tique pour l’urétrite gonococcique est l’évolution constante de Orchiépididymite
la sensibilité de NG aux antibiotiques, nécessitant une actuali-
sation régulière des recommandations thérapeutiques [8]. Le Il s’agit en fait d’une épididymite qui se complique souvent
principal agent des urétrites non gonococciques (entre 20 % et par une atteinte testiculaire [13]. Chez l’homme jeune, CT en est
50 % des cas) est CT [9] . L’incubation est très variable, de l’étiologie principale, plus rarement NG ou des entérobactéries
quelques jours à quelques mois, le plus souvent impossible à (à partir d’une infection urinaire ou après une pénétration anale
préciser. La présence d’un écoulement n’est retrouvée que dans insertive). Les épididymites à CT et NG compliquent une
moins de 50 % des cas. Il s’agit le plus souvent d’un écoulement urétrite non traitée, symptomatique ou non symptomatique.
clair, modéré et intermittent. Le problème des infections à CT Chez l’homme de plus de 35 ans, les épididymites à entérobac-
est la fréquence élevée du portage asymptomatique, estimé à téries sont plus fréquentes (infection urinaire, instrumentation

Médecine d’urgence 3
25-090-B-40 ¶ Infections génitales

Urétrite Urétrite
avec sans
écoulement écoulement

Bandelette leucocytaire
Recherche de diplocoques
estérasique sur les urines
à Gram négatif
de milieu de miction

Non réalisé Présence Absence


Positive Négative

Traitement
Traitement ECBU
Traitement antichlamydien
antigonococcique
antichlamydien
et antichlamydien

Traitement
adapté

Figure 2. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une urétrite. ECBU : examen cytobactériologique des urines.

Tableau 1. Tableau 2.
Traitements des urétrites. Traitements de l’épididymite du sujet jeune.
Traitement de l’urétrite gonococcique Doxycycline : 200 mg × 2/j per os pendant 14 jours
Ceftriaxone (Rocéphine®) 500 mg i.m. dose unique + ceftriaxone (Rocéphine®) 500 mg i.m. en dose unique
®
Ou céfixime (Oroken ) 400 mg per os dose unique Ou ofloxacine (Oflocet®) : 200 mg × 2/j pendant 10 jours
En cas d’allergie aux bêtalactamines : i.m. : intramusculaire.
– spectinomycine (Trobicine®) 2 g i.m. dose unique
– ou ciprofloxacine (Ciflox®) 500 mg per os dose unique
Dans tous les cas : traitement antichlamydien systématique alitement et mise en place d’un suspensoir. Lorsqu’il existe des
Traitement de l’urétrite chlamydienne arguments cliniques en faveur de CT, en particulier lorsque la
En première intention bandelette urinaire est négative, la doxycycline est le traitement
Doxycycline 100 mg × 2/j per os pendant 7 jours de référence (Tableau 2) [14]. En cas d’orchiépididymite satellite
Ou azithromycine (Zithromax®) 1 g per os dose unique d’une infection urinaire, on préfère un traitement par les
En deuxième intention quinolones, par exemple, ofloxacine. Même si les orchiépididy-
mites gonococciques sont actuellement rares, un traitement
Érythromycine 1 g × 2/j pendant 7 jours
antigonococcique est largement prescrit chez les sujets jeunes en
Ou ofloxacine (Oflocet®) 200 mg × 2/j pendant 7 jours
cas d’urétrite. Du fait de la résistance fréquente du gonocoque
i.m. : intramusculaire. aux fluoroquinolones, la prescription de fluoroquinolones ne se
justifie que si le risque de gonococcie est faible (absence
d’écoulement urétral) et celui d’infection par une entérobactérie
endo-urétrale, etc.). Il s’agit, en fait, de la seule véritable urgence élevé (suspicion d’infection urinaire) [13].
en vénéréologie masculine. Le diagnostic est très facile devant
une grosse bourse unilatérale, rouge, chaude, douloureuse avec
fièvre. Le contexte peut être évocateur en cas de signes urétraux,
Prostatite
en particulier, un écoulement urétral ou une urétrite récente. Le La prostatite aiguë est rarement d’origine vénérienne. Seul
seul diagnostic différentiel important est la torsion aiguë du NG peut être responsable de prostatite aiguë caractérisée par des
testicule (extrême urgence chirurgicale) survenant, en principe, signes urinaires, une pollakiurie, des douleurs périnéales et une
dans un contexte d’apyrexie. Dans ce cas, la douleur est fièvre élevée. CT n’est que très rarement responsable de prosta-
d’apparition brutale et touche l’ensemble du contenu scrotal tite aiguë. En fait, il s’agit le plus souvent d’une prostatite
alors que dans l’épididymite, la douleur est classiquement satellite d’une infection urinaire. Les signes d’appel sont parfois
progressive et localisée à l’épididyme tuméfié. La seule suspicion non spécifiques, limités à un syndrome grippal. Seul le toucher
de torsion du cordon spermatique doit conduire à une inter- rectal retrouvant une douleur à la palpation de la prostate
vention chirurgicale sans délai. Aucun examen complémentaire évoque le diagnostic. Les examens complémentaires sont les
ne doit retarder l’intervention pour exploration et détorsion mêmes que ceux pratiqués devant une orchiépididymite aiguë,
éventuelle. L’unique intérêt de l’échographie est de confirmer le complétés d’une échographie prostatique. La bandelette urinaire
diagnostic clinique d’épididymite lorsqu’il est probable et qu’il doit être faite avant et après le toucher rectal car elle peut être
n’y a pas de doute. Les examens complémentaires sont les négative initialement et ne se positiver qu’après toucher rectal
mêmes que pour une urétrite, auxquels on peut ajouter une et palpation de la prostate. Le traitement de la prostatite à NG
sérologie de CT. L’hospitalisation peut être nécessaire avec est la ceftriaxone 1 g parentéral par jour pendant 7 à 10 jours.

4 Médecine d’urgence
Infections génitales ¶ 25-090-B-40

■ Principales étiologies
chez la femme
Leucorrhées et infections génitales basses
Les leucorrhées physiologiques ont, chez une même femme,
à chaque cycle, des caractères similaires. Lorsqu’elles se modi-
fient en couleur, abondance, aspect et/ou odeur, elles sont dites
pathologiques [15]. Elles traduisent une inflammation vaginale
(vaginite), le plus souvent d’origine infectieuse et peuvent être
associées à une irritation vulvaire (vulvovaginite) avec prurit,
dysurie, dyspareunie. Les affections principales qui provoquent
des leucorrhées sont la trichomonose qui est une IST, la
vaginose bactérienne (VB) et la candidose qui ne sont pas des
IST. Les cervicites gonococciques et chlamydiennes peuvent
aussi s’accompagner de leucorrhées.

Vulvovaginite
Figure 3. Vaginose bactérienne.
Le diagnostic étiologique est souvent suspecté sur l’aspect des
leucorrhées : abondantes et spumeuses en cas de trichomonose,
abondantes et nauséabondes en cas de VB et caillebottées en cas Tableau 3.
de candidose. Quelques examens simples et directs permettent Traitements de la vulvovaginite à Trichomonas vaginalis, de la vaginose
d’établir le diagnostic. Un pH supérieur à 4,5 est évocateur de bactérienne et de la vulvovaginite candidosique aiguë.
trichomonose et de vaginose. L’examen des leucorrhées à l’état
frais peut retrouver du TV, des clue cells évocatrices de vaginose, Traitement de la vulvovaginite à Trichomonas vaginalis
ou des levures et filaments en cas de candidose. Le test à la Traitement court per os
potasse à 10 % permet de suspecter une vaginose en cas d’odeur Métronidazole (Flagyl®) : 2 g dose unique
de poisson pourri. Les cultures sont plus sensibles que l’examen Ou nimorazole (Naxogyn®) : 2 g dose unique
direct et sont réalisées dans le même temps. Un examen des La consommation d’alcool est déconseillée pendant le traitement
parois vaginales et du col (au spéculum) est systématique avec
Ou traitement long local
recherche de NG et de CT à l’endocol en cas de cervicite
associée. La trichomonose est la première cause d’IST dans le Métronidazole (Flagyl®) : 1 ovule par jour pendant 6 jours
monde. L’incubation dure entre 4 et 28 jours. La forme Traitement de la vaginose bactérienne
subaiguë, qui associe des leucorrhées (plus ou moins abondan- Traitement long per os
tes, parfois jaunes ou vertes, parfois spumeuses), des signes Métronidazole (Flagyl®) : 1 cp à 500 mg matin et soir pendant 7 jours
d’urétrite, et un prurit, est la plus fréquente (60 % à 70 % des La consommation d’alcool est déconseillée pendant le traitement
cas). Il n’y a pas d’atteinte de l’endocol donc pas, à proprement Ou traitement long local
parler, de cervicite. La forme aiguë est rare, moins de 10 % des
Métronidazole (Flagyl®) : 1 ovule par jour pendant 6 jours puis
cas. Les leucorrhées sont alors très abondantes, mousseuses et
aérées, jaunâtres, blanchâtres ou verdâtres, avec une odeur de Gyno-pévaryl LP 150® : 1 ovule unique
plâtre frais. Le prurit intense est associé à une dyspareunie, et à Traitement de la vulvovaginite candidosique aiguë
des troubles urinaires (brûlures mictionnelles, pollakiurie, etc.). Gyno-pévaryl® LP 150 ou Lomexin 600® ou Monazol® : 1 ovule (ou cap-
Une cervicite est possible. Le diagnostic repose sur un pH sule) dans le vagin le soir en position allongée
supérieur à 4,5 et la présence de TV à l’examen direct confirmé Ou fluconazole per os : 150 mg dose unique
par la culture. Elle est fréquemment associée à la VB dans un Associé à une crème ou à un lait imidazolé : 1 application par jour pen-
syndrome qui traduit un déséquilibre de la flore vaginale avec dant 1 semaine
remplacement des lactobacilles (flore de Döderlein) par des Ou crème à la ciclopiroxolamine : 2 applications par jour pendant 1 se-
micro-organismes commensaux : anaérobies, Mycoplasma maine
hominis et Gardnerella vaginalis dont la prolifération est respon-
sable des symptômes (leucorrhées malodorantes). La VB est la
cause la plus fréquente des leucorrhées (Fig. 3). Le partenaire
traitement des trois principales causes de vulvovaginite est
masculin est très rarement atteint (balanite) et le traitement de
précisé dans le Tableau 3. Chez la femme enceinte, seuls les
celui-ci n’a pas d’impact sur le caractère souvent récidivant de
traitements locaux sont envisageables (Fig. 4).
la VB. Le diagnostic repose sur la présence de leucorrhées
homogènes nauséabondes et liquides, de clue cells à l’examen à
l’état frais, d’un pH vaginal supérieur à 4,5 et d’une odeur de
Cervicite mucopurulente
poisson avarié lors du test à la potasse à 10 %. La candidose La cervicite mucopurulente est une inflammation de l’endo-
vulvovaginale est elle aussi provoquée par un déséquilibre de la col se traduisant à des degrés variables par : un écoulement
flore vaginale avec prolifération de levures saprophytes : le plus purulent ou mucopurulent à l’orifice cervical, et/ou un col
souvent Candida albicans. Une vulvite érythémateuse, œdéma- inflammatoire et saignant au contact, et/ou la présence de
teuse et prurigineuse est au premier plan, mais les parois polynucléaires sur le frottis endocervical. Les deux micro-
vaginales sont parfois atteintes avec des leucorrhées adhérentes, organismes responsables de cervicite sont, par ordre de fré-
peu abondantes et typiquement caillebottées. L’examen clinique quence, CT et NG [16], mais le plus souvent, aucun des deux
est suffisant pour affirmer le diagnostic. Le pH vaginal est n’est retrouvé. En outre, la plupart des femmes infectées par CT
normal. La présence de nombreuses levures à l’examen direct et ou par NG ont un col normal. L’aspect clinique ne permet en
de nombreuses colonies en culture sur milieu de Sabouraud sont aucun cas de préjuger de l’étiologie. Le plus souvent, la cervicite
évocatrices du diagnostic. La candidose vulvovaginale est très ne provoque aucun symptôme, mais des leucorrhées sont
fréquente ainsi que les rechutes, favorisées par la période possibles (cervicovaginite), voire une irritation vulvaire (cervico-
prémenstruelle, une antibiothérapie orale, plus rarement par vulvo-vaginite). Dans ce cas, les leucorrhées purulentes, d’appa-
une immunodépression ou la grossesse. Le partenaire masculin rition récente, s’accompagnent parfois d’urétrite (brûlures
est rarement atteint (balanite) et le traitement de celui-ci mictionnelles, dysurie, œdème et rougeur du méat avec bande-
n’influe en rien sur l’évolution de la candidose féminine. Le lette urinaire négative), de métrorrhagies, de douleurs cervicales,

Médecine d’urgence 5
25-090-B-40 ¶ Infections génitales

Aspect des leucorrhées

Caillebottées Non
Abondantes spécifiques
Abondantes Blanchâtres
spumeuses
Odeur
Odeur
de poisson pourri
de plâtre frais

Gyno-pévaryl ®
Flagyl ® per os : Flagyl ® per os : Gyno-pévaryl ®
LP 150
7 jours dose unique LP 150
ou ovules 6 jours ou ovules 6 jours et Flagyl ® :
per os 6 jours

Figure 4. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une vulvovaginite.

de pesanteurs pelviennes, de dyspareunie, de spotting. Le Endométrite


contexte dans lequel ces leucorrhées surviennent est le plus
L’infection utérine ou endométrite est une pathologie infec-
souvent évocateur (rapports sexuels récents, changement de
tieuse trop souvent méconnue, pourtant c’est une étape quasi
partenaire). L’examen clinique retrouve les leucorrhées, une
obligatoire, précédant une salpingite ou associée à celle-ci. Phase
sensibilité anormale du col qui est d’aspect normal ou parfois
de transition entre les infections génitales basses et la salpingite,
enflammé avec du pus provenant de l’orifice cervical, mais les
l’endométrite est de diagnostic généralement aisé dans sa forme
touchers pelviens sont normaux. La complication majeure est la
aiguë. Les micro-organismes responsables sont de deux types :
salpingite, beaucoup plus souvent subaiguë ou chronique
exogènes transmis par voie sexuelle (NG et surtout CT) et
qu’aiguë, de diagnostic tardif et difficile sur de vagues douleurs
endogènes aérobie ou anaérobie de la flore vaginale normale.
abdominales, en particulier au moment des règles, avec, à
L’infection est toujours polymicrobienne en raison de la
terme, un risque de stérilité tubaire et de grossesse extra-
synergie d’action des micro-organismes dont les plus fréquents
utérine. Si l’on peut diriger la patiente vers une consultation
sont les streptocoques et les entérobactéries. La phase de début
spécialisée en IST, des prélèvements microbiologiques à la
est caractérisée par des signes fonctionnels mineurs souvent
recherche des pathogènes sont effectués. Les examens à prati-
sous-estimés tels que douleurs pelviennes basses, métrorrhagies
quer devant une cervicite sont :
peu abondantes mais récidivantes, dyspareunie, dysurie. À ce
• un frottis de l’endocol à la recherche de polynucléaires et de
stade, la glaire cervicale est louche et infectée, les leucorrhées
diplocoques ;
sont malodorantes. L’utérus est sensible à la palpation. En
• des cultures pour NG à l’endocol, à l’urètre, au pharynx et à
l’absence d’un traitement adapté, l’aspect clinique de la phase
l’anus ;
d’état est caractérisé par les mêmes signes fonctionnels associés
• une recherche de CT par un test d’amplification génique à
à une fièvre à 38 °C, à un utérus augmenté de volume, très
l’endocol, à l’urètre et dans le premier jet urinaire ;
douloureux à la palpation et à la mobilisation du col, mais les
• un prélèvement des culs-de-sac vaginaux pour frottis, examen
culs-de-sac latéraux restent libres et indolores. L’interrogatoire
à l’état frais à la recherche de levures, clue cells et TV, et
retrouve des circonstances particulières après une IST, sur un
culture pour TV ;
stérilet, ou bien après un accouchement, après une interruption
• une bandelette urinaire à la recherche de polynucléaires.
de grossesse ou encore après des manœuvres endo-utérines telles
Les prélèvements sont effectués le matin avant émission
qu’une hystérographie, une hystéroscopie et/ou une biopsie
d’urines et avant toilette génito-urinaire. La recherche des
d’endomètre. Le diagnostic est confirmé en milieu spécialisé par
mycoplasmes n’est pas recommandée. Le traitement associe en
les prélèvements microbiologiques avec mise en culture au col,
particulier chez une femme jeune, qu’il y ait eu ou pas d’exa-
à l’endocol et dans le cul-de-sac vaginal postérieur ainsi que
mens complémentaires, systématiquement un traitement
d’un éventuel dispositif intra-utérin. L’échographie pelvienne
antigonococcique associé à un traitement antichlamydien. En
révèle des signes indirects sous forme d’un épaississement de la
première intention, on associe la ceftriaxone 500 mg intramus-
muqueuse entourée d’un halo d’œdème.
culaire dose unique à l’azithromycine 1 g per os dose unique ou
Si l’on ne peut disposer d’un laboratoire spécialisé, ce qui est
doxycycline 200 mg/j per os pendant 15 jours [17]. Les alterna-
le cas dans le contexte de l’urgence, l’attitude thérapeutique est
tives thérapeutiques sont les mêmes que pour l’urétrite mascu-
guidée par la prudence. Dans les endométrites, la prise en
line. Rappelons que la doxycycline est contre-indiquée chez la
charge est actuellement effectuée en ambulatoire. L’association
femme enceinte à partir du quatrième mois de grossesse ainsi
antibiotique est toujours la même, du fait de la fréquence de ces
que chez la femme allaitante.
micro-organismes, comportant un antichlamydien, associé à
une bêtalactamine et à un antianaérobie pour une durée de
Infections génitales hautes 15 jours minimum (Tableau 4) [18, 19].
Une infection basse passée inaperçue peut conduire à une
infection de l’utérus (endométrite), voire utéroannexielle Salpingite
(salpingite). Ces infections génitales hautes peuvent conduire à L’étape suivante est la salpingite aiguë qui se manifeste par :
une stérilité secondaire ou à des douleurs pelviennes chroni- des douleurs pelviennes et hypogastriques depuis 2 ou 3 jours,
ques, voire à une grossesse extra-utérine. Le traitement repose d’intensité progressivement croissante, apparues pendant ou
sur une antibiothérapie à large spectre, efficace sur les pathogè- immédiatement après les règles, une fièvre élevée (38 °C à
nes habituels. 39 °C), des leucorrhées purulentes, souvent mêlées de sang. À

6 Médecine d’urgence
Infections génitales ¶ 25-090-B-40

Tableau 4.
Traitement des infections génitales hautes. Durée 15 à 20 jours.
Protocole 1
Amoxicilline-acide clavulanique (500 mg × 4/j) i.v. ou per os
+ doxycycline i.v. 100 mg × 2/j relais per os
Ou ofloxacine per os 200 mg × 2/j
Protocole 2
Ceftriaxone i.m. 500 mg/j
+ doxycycline i.v. 100 mg × 2/j relais per os
+ métronidazole per os 500 mg × 4/j ou ofloxacine per os 200 mg × 2/j
Protocole 3
Céfotétan i.m. 1g × 2/j
+ doxycycline per os 100 mg × 2/j ou ofloxacine per os 200 mg × 2/j
Protocole 4
Pristinamycine per os 500 mg × 2/j
+ ofloxacine per os 200 mg × 2/j Figure 5. Chancre de syphilis.
Protocole 5
Clindamycine per os 75 mg × 3/j
+ ofloxacine per os 200 mg × 2/j
i.m. : intramusculaire ; i.v. : intraveineux.

l’examen on retrouve : une douleur provoquée à la pression de


la région hypogastrique, avec parfois une défense, une douleur
aux touchers pelviens, un col inflammatoire avec cervicite
mucopurulente. Mais le tableau clinique n’est pas toujours aussi
évident. Il peut s’agir, en dehors des leucorrhées quasi constan-
tes, de banales métrorrhagies, voire d’une discrète sensibilité
utérine au toucher vaginal. Dans cette situation, l’interrogatoire
prend toute sa valeur, recherchant des facteurs de risque d’IST
(jeune âge, rapports sexuels récents, changement de partenaire)
ou pose de stérilet, hystérographie, etc. CT est responsable de
50 % des salpingites chez les femmes jeunes et de 70 % des
stérilités tubaires. Dans les cas douteux, la patiente doit être
hospitalisée pour pratiquer une cœlioscopie à visée diagnostique Figure 6. Herpès du fourreau.
(confirmation de l’hypothèse clinique et réalisation de prélève-
ments à la recherche du pathogène responsable), pronostique,
voire thérapeutique. Les examens biologiques retrouvent une
hyperleucocytose et une vitesse de sédimentation accélérée ou Les rapports orogénitaux non protégés sont particulièrement à
une protéine C réactive élevée, non spécifiques, et une sérologie risque. Ainsi la moitié des cas de syphilis dépistés actuellement
Chlamydia dont l’ascension des IgA est significative. Le traite- à l’hôpital Saint-Louis sont la conséquence de fellations non
ment doit être administré sans attendre les résultats des protégées chez des partenaires homosexuels.
prélèvements. Il consiste en une association synergique d’anti- Le deuxième diagnostic à évoquer chez l’homme est le
biotiques, initiée par voie parentérale, avec un relais oral pour chancre mou. Les co-infections du chancre mou avec la syphilis
une durée totale de 15 à 20 jours (Tableau 4). Si la patiente est ou avec l’herpès ne sont pas rares. Chez la femme, l’étiologie la
plus âgée, on peut envisager un traitement ambulatoire, avec plus fréquente est l’herpès. Le diagnostic d’une érosion ou d’une
arrêt de travail systématique. ulcération aiguë de la muqueuse génitale est un exercice
difficile. Il n’y a pas de corrélation entre l’aspect clinique et les
données microbiologiques. De plus, dans un grand pourcentage
de cas, aucun micro-organisme n’est retrouvé [21, 22]. Il semble-

“ Point fort
rait que les présentations atypiques soient devenues la norme.
Cliniquement, le seul élément prédictif de chancre mou est la
présence d’un bubon. Le diagnostic d’herpès peut également
Il faut initier un traitement quand des critères minimaux être facilité par des antécédents d’herpès génital (notion de
récurrence) et par l’existence ou la précession de l’ulcération
d’infections génitales hautes sont réunis : douleurs
génitale par des vésicules (Fig. 6). Chez la femme, la primo-
pelviennes, douleurs à la mobilisation cervicale, infection herpétique se manifeste par des symptômes particuliè-
leucorrhées. rement bruyants et douloureux. L’examen clinique chez une
patiente fébrile, fatiguée, refusant de s’asseoir, montre un
œdème considérable des petites lèvres parsemées de vésicules,
■ Étiologies communes à l’homme rapidement érodées, recouvertes d’un enduit blanc jaunâtre,
sales, extrêmement douloureuses, empêchant l’exploration du
et la femme vagin et du col où existent également des lésions érosives dans
90 % des cas. L’éruption peut s’étendre jusqu’à l’anus, ainsi
qu’aux grandes lèvres et jusqu’aux plis cruraux. Des adénopa-
Ulcération génitale thies sont généralement présentes, douloureuses à la palpation.
Toute lésion érosive génitale d’allure récente est à considérer Un syndrome méningé avec céphalées et raideur de nuque est
a priori comme une IST. fréquent, mais également des signes de radiculite, tels que
Le premier diagnostic à envisager chez l’homme est la dysurie, allant parfois jusqu’à la rétention d’urines, des troubles
syphilis (soit primaire avec son chancre d’inoculation (Fig. 5), sensitifs (paresthésies ou hypœsthésies). Ces symptômes peu-
soit secondaire avec les syphilides érosives et la roséole) car elle vent parfois précéder l’éruption de quelques jours et alors être
est actuellement en recrudescence en Europe et en France [20]. de diagnostic difficile. Les autres étiologies d’ulcération génitale

Médecine d’urgence 7
25-090-B-40 ¶ Infections génitales

Tableau 5. Anorectite
Traitement présomptif d’une ulcération génitale a priori sexuellement
transmise. Tous les micro-organismes susceptibles de provoquer des IST
®
des organes génitaux externes peuvent également, en cas de
Benzathine benzyl-pénicilline G (Extencilline ) 2,4 millions d’unités
rapports sexuels anorectaux, provoquer des IST anorectales.
i.m. dose unique
Celles-ci sont particulièrement fréquentes chez l’homosexuel
Ou en cas d’allergie à la pénicilline : doxycycline 200 mg/j per os durant
masculin. Il peut s’agir soit de la localisation anale d’une
3 semaines
ulcération (herpès, syphilis, etc.) soit d’une anorectite à
+ azithromycine : 1 g per os en dose unique gonocoque, mais surtout à Chlamydia (épidémie de lymphogra-
Ou érythromycine 500 mg × 4 par jour per os pendant 10 jours nulomatose aiguë vénérienne en Europe de l’Ouest) [27, 28]. Les
± valaciclovir (Zélitrex®): 2 comprimés per os par jour durant 10 jours signes cliniques évocateurs d’une anorectite sont : un prurit
(primo-infection) anal, des douleurs anorectales avec diarrhée ou constipation,
Ou 2 comprimés per os par jour durant 5 jours (récurrence) ténesme, écoulement anal purulent ou sanglant ou des selles
i.m. : intramusculaire.
enrobées de pus [29]. Le diagnostic différentiel peut se poser avec
les maladies inflammatoires du tube digestif, voire avec un
sont les ulcérations mécaniques ou caustiques, les toxidermies lymphome digestif d’autant plus qu’une altération de l’état
bulleuses au stade érosif, les dermatoses bulleuses et les aphtes général est possible. L’anuscopie retrouve des ulcérations
génitaux, en général situés sur le scrotum. L’Organisation rectales et permet de réaliser des prélèvements à la recherche de
mondiale de la santé (OMS) recommande un traitement empi-
.
CT en PCR et de gonocoque en culture. La sérologie de CT
rique des ulcérations génitales fondé sur les étiologies locales constitue un argument indirect avec l’élévation significative du
probables sans chercher à finaliser le diagnostic. Cette stratégie taux des immunoglobulines A (IgA). En cas de suspicion de
semble très efficace si le traitement est donné immédiatement lymphogranulomatose vénérienne, le traitement actuellement
au patient et à ses partenaires dès la première visite [23]. Dans
.
recommandé est la doxycycline 100 mg × 2 par jour per os
une perspective préventive, le traitement doit être accompagné durant 3 semaines. Les autres étiologies bénéficient du même
d’un conseil personnalisé sur les comportements à risque pour traitement que dans les autres localisations.
le VIH puisque les ulcérations génitales faciliteraient la trans-
mission du VIH [24] . La présence d’une ulcération génitale
nécessite des examens complémentaires avec : un prélèvement ■ Conclusion
pour recherche de tréponèmes par étude de l’exsudat au
microscope à fond noir, un examen direct et une culture sur Les vraies urgences vénéréologiques sont rares. Il faut cepen-
milieux spécifiques pour recherche du bacille de Ducrey, une dant prendre en charge rapidement les infections génitales et les
recherche du virus herpès par culture. Ces examens sont traiter sans attendre les résultats des examens complémentaires
réservés à des laboratoires spécialisés et ne peuvent en aucun cas .
afin de soulager les patients, d’empêcher les complications et de
être réalisés dans le contexte de l’urgence. Il est donc préférable, rompre la chaîne de contamination. L’éducation des patients en
dans la mesure où il n’y a jamais d’urgence, d’adresser ce type matière d’IST doit rester une priorité absolue.
de patient à un centre spécialisé de vénéréologie. Une sérologie .

syphilitique doit compléter les prélèvements locaux avec TPHA


(treponema pallidum haemagglutination assay [TPHA]) et VDRL ■ Références
(venereal disease research laboratory) auxquelles on ajoutera FTA
(fluorescent treponemal antibody) si le chancre est récent (le FTA [1] Section MST de la Société Française de Dermatologie. Recommanda-
est la première sérologie à se positiver vers le cinquième jour du tions générales pour la prise en charge des MST. Ann Dermatol
chancre), ainsi qu’une sérologie VIH ou virémie VIH. L’hospita- Vénéréol 2006;133:2S7.
lisation est rarement nécessaire dans les ulcérations génitales en [2] Clinical Effectiveness Group. National guideline for the management
dehors du cas particulier du chancre mou avec bubon ouvert à of balanitis. Sex Trans Infect 1999;75(suppl1):S85-S88.
[3] Abdennader S, Casin I, Janier M, Zavaro A, Vendeuil MO, Traoré F,
la peau qui nécessite une ponction ganglionnaire quotidienne
et al. Balanites et agents infectieux. Étude prospective de 100 cas. Ann
et l’alitement. Un traitement de syphilis primaire s’impose si le
Dermatol Venereol 1995;122:580-4.
fond noir est positif, un traitement de chancre mou lorsque [4] Chaine B, Janier M. Balanites : diagnostic et traitement. Ann Urol
l’examen direct montre des bacilles à Gram négatif à coloration (Paris) 2006;40:126-38.
bipolaire disposés en « banc de poissons ». En fait, le plus [5] Drivsholm T, de Fine Olivarius N, Nielsen AB, Siersma V. Symptoms,
souvent, les examens ne sont pas disponibles et un traitement signs and complications in newly diagnosed type 2 diabetic patients,
s’impose avant d’obtenir les résultats des cultures et de la and their relationship to glycaemia, blood pressure and weight.
sérologie syphilitique (Tableau 5) [25, 26] . Dans ces cas, un Diabetologia 2005;48:210-4.
traitement présomptif antisyphilitique est institué : benzathine [6] Janier M, Lassau F, Casin I, Grillot P, Scieux C, Zavaro A, et al. Male
benzyl-pénicilline, une injection intramusculaire (i.m.) de urethritis with and without discharge: a clinical and microbiological
2,4 millions d’unités (mU). Il est nécessaire de garder le patient study. Sex Transm Dis 1995;22:244-52.
sous surveillance pendant 30 minutes et d’avoir un matériel [7] Fox KK, Del Rio C, Holmes KK, Hook EW, Judson FN, Knapp JS, et al.
d’urgence prêt et en bon état en raison de l’existence d’un Gonorrhea in the HIV era: a reversal in trends among men who have sex
accident létal pour 100 000 injections. En cas d’allergie à la with men. Am J Public Health 2001;91:959-64.
pénicilline, un traitement par doxycycline est proposé. Le [8] Chaine B, Janier M. Urétrites. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
phénomène de Jarish-Herxheimer est fréquent en cas de syphilis Dermatologie, 98-440-A-10, 2002 : 8p.
active. Sa prévention par une courte corticothérapie générale [9] Hérida M, Michel A, Goulet V, Janier M, Sednaoui P, Dupin N, et al.
n’apparaît plus justifiée. Il faut prévenir le patient de l’aggrava- L’épidémiologie des infections sexuellement transmissibles en France.
tion possible des manifestations cliniques, de fièvre, de cépha- Med Mal Infect 2005;35:281-9.
[10] Goulet V, Warszawski J, de Barbeyrac B, Salé C, Raherison S, et al.
lées ou d’une éruption qui ne doit pas être confondue avec une
Chlamydia trachomatis home screening in a French national
allergie aux bêtalactamines. On peut prescrire du paracétamol.
population-based survey on sexual attitude: preliminary results. Int
Lorsque l’examen clinique est très évocateur de chancre mou, J STD AIDS 2006;17(suppl1):20.
en particulier dans les pays d’endémie, on associe à ce traite- [11] Recommandations de l’AFSSAPS : le traitement probabiliste des
ment de l’érythromycine ou de l’azithromycine. Au stade de urétrites et cervicites non compliquées, décembre 2005.
ramollissement, le bubon doit être ponctionné et évacué au [12] David N, Wildman G, Rajamanoharan S. Ciprofloxacin 250 mg for
trocart, 1 à 3 jours de suite, ce qui évite la fistulisation sponta- treating gonococcal urethritis and cervicitis. Sex Transm Infect 2000;
née. Le drainage chirurgical n’est pas utile. Enfin, lorsque 76:495-6.
.
l’examen clinique est évocateur d’herpès génital, un traitement [13] Janier M, Dupin N, Derancourt CH, Schmutz JL, Halioua B, Verraes-
par valaciclovir peut être envisagé si les lésions sont Derancourt S, et la section MST de la SFD. Orchiépididymite. Ann
importantes. Dermatol Vénéréol 2006;133:2S53.

8 Médecine d’urgence
Infections génitales ¶ 25-090-B-40

[14] Association of genitourinary medicine and the medical society for the [22] DiCarlo RP, Martin DH. The clinical diagnosis of genital ulcer disease
study of venereal diseases: national guideline for the management of in men. Clin Infect Dis 1997;25:292-8.
epididymo-orchitis. Sex Transm Infect 1999;75(suppl1):S51-S53. [23] Bogaerts J, Vuylsteke B, Martinez Tello W, Mukantabana V,
[15] Vexiau-Robert D, Viraben R, Janier M, Derancourt CH, Timsit FJ, Akingeneye J, Laga M, et al. Simple algorithms for the management of
Chartier C, et la section MST de la SFD. Leucorrhées. Ann Dermatol genital ulcers: evaluation in a primary health care centre in Kigali,
Vénéréol 2006;133:2S47-2S48. Rwanda. Bull World Health Organ 1995;73:761-7.
[16] Vexiau D, Bianchi A, Chastang C, Kermanac’h M, Ramel F, Perenet F, [24] Chaine B, Janier M. Les ulcérations génitales de l’homme : diagnostic
et al. Cervico-vaginites. Aspects épidémiologiques, cliniques et et traitement. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Urologie-
étiologiques. Étude de 200 cas consécutifs dans un centre MST à Paris. Néphrologie, 18-690-A-13, 2006.
Gynécologie 1991;42:346-54. [25] Janier M. Thérapeutique. La syphilis (excepté la syphilis congénitale).
[17] Janier M, Viraben R, Vexiau-Robert D, Vernay-Vaisse CH, Dupin N, Ann Dermatol Venereol 1999;126:625-8.
Gerhardt P, et la section MST de la SFD. Cervicite muco-purulente. [26] Lewis DA. Chancroid: clinical manifestations, diagnosis, and manage-
Ann Dermatol Vénéréol 2006;133:2S49-2S50. ment. Sex Transm Infect 2003;79:68-71.
[18] Centers for Disease Control and Prevention. Guidelines for treatment [27] Herida M, Sednaoui P, Couturier E, Neau D, Clerc M, Scieux C, et al.
of Sexually Transmitted Diseases. Morbid Mortal Weekly Rev 1998;47: Rectal lymphogranuloma venereum, France. Emerg Infect Dis 2005;
RR1. 11:505-6.
[19] Judlin P. Antibiotiques en gynécologie : traitement des infections géni- [28] Nieuwenhuis RF, Ossewaarde JM, Gotz HM, Dees J, Thio HB,
tales hautes. Lettre Gynécol 1999;246:30-6. Thomeer MG, et al. Resurgence of lymphogranuloma venereum in
[20] Desenclos JC. Le retour de la syphilis en France : un signal de plus pour Western Europe: an outbreak of Chlamydia trachomatis serovar L2
renforcer la prévention. Bull Epidémiol Hebd 2001(n°35):167-75. proctitis in the Netherlands among men who have sex with men. Clin
[21] Janier M, Ramel F, Lajoie C, Casin I, Perenet F, Perol Y. Male genital Infect Dis 2004;39:996-1003.
ulcerations in Paris (France): absence of correlation between clinical [29] Klausner JD, Kohn R, Kent C. Etiology of clinical proctitis among men
aspect and microbiological data. Genitourin Med 1990;66:43-4. who have sex with men. Clin Infect Dis 2004;38:300-2.

B. Chaine, Praticien attaché des Hôpitaux (benedictechaine@yahoo.fr).


M. Janier, Médecin des Hôpitaux.
Université Paris VII, Faculté de médecine Lariboisière Saint-Louis, AP-HP, 10, avenue de Verdun, 75010 Paris, France.
Centre clinique et biologique des maladies sexuellement transmissibles, Hôpital Saint-Louis, 42, rue Bichat, 75475 Paris cedex 10, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Chaine B., Janier M. Infections génitales. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence,
25-090-B-40, 2009.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

Médecine d’urgence 9
II - Conduite A Tenir
 4-0850

Méningites aiguës de l’adulte


H. Chaussade, L. Bernard

Les étiologies des méningites aiguës de l’adulte sont nombreuses et se différencient par leur présentation
clinique, leur terrain, leur fréquence de survenue et leur pronostic. Le clinicien doit savoir reconnaître les
signes cliniques de méningite lui amenant à réaliser une ponction lombaire, interpréter les résultats initiaux
de celle-ci (biochimie, cytologie, bactériologie) et instaurer en urgence le traitement d’une méningite
aiguë. Sa crainte est l’étiologie bactérienne qui est grave, fréquemment mortelle (entre 7 et 30 % selon
les étiologies) ou responsable de séquelles neurologiques et dont le pronostic dépend de la rapidité de
mise en place de l’antibiothérapie. Il doit aussi connaître les étiologies plus rares comprenant les infections
fongiques et à mycobactéries souvent subaiguës et rencontrées chez l’immunodéprimé, les méningites
aseptiques virales ou à germes atypiques et enfin les étiologies parasitaires.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Méningite bactérienne ; Méningite virale ; Méningite aseptique ; Ponction lombaire ;


Purpura fulminans

Plan  Introduction
■ Introduction 1 La méningite aiguë correspond à une inflammation aiguë des
■ Examen clinique 1 méninges et du liquide cérébrospinal (LCS). Elle se caractérise par
Syndrome méningé 1 une augmentation du nombre des globules blancs (GB) dans le
Signes extraneurologiques 2 LCS à plus de 5 éléments/mm3 .

Le tableau clinique est dominé par un syndrome méningé
Orientation étiologique initiale 2
fébrile évoluant en quelques heures à quelques jours, auquel
Aspect du liquide cérébrospinal 2
peuvent s’associer des troubles de conscience, des signes focaux,
Analyse biologique du liquide cérébrospinal 2
cutanés, ou en oto-rhino-laryngologie (ORL). Selon les micro-
Procalcitonine 2
organismes mis en cause (bactéries, mycobactéries, bactéries
■ Diagnostics à connaître 2 intracellulaires, virus, champignons), la formule du LCS peut être
Méningites purulentes bactériennes 2 lymphocytaire, panachée ou à prédominance de polynucléaires
Méningite tuberculeuse 4 neutrophiles (PNN). Avec la clinique, elle a une grande valeur
Méningites aseptiques 4 d’orientation diagnostique et permet de guider la thérapeutique
Méningites fongiques 5 à instaurer en urgence.
Méningite parasitaire 5
Diagnostics différentiels 6
■ Place de l’imagerie cérébrale 6
En urgence 6  Examen clinique
En cours de traitement 6
■ Prise en charge thérapeutique des méningites aiguës Syndrome méningé
présumées bactériennes 6
Les signes cliniques évocateurs de méningite aiguë sont
Place de l’antibiothérapie avant la ponction lombaire 6
fréquents et peu spécifiques. Classiquement, ces signes sont repré-
Antibiothérapie d’une méningite présumée bactérienne 6
sentés par la triade « fièvre, troubles de conscience, raideur de
Corticothérapie, indications et modalités 7
nuque ». Cette triade est inconstante et présente selon les études
■ Indication d’un contrôle du liquide cérébrospinal 7 entre 21 et 61 % des cas. En revanche, ces signes pris isolément
■ Prise en charge de la porte d’entrée 7 ont une forte valeur prédictive négative. Dans une étude sur
733 méningites aiguës (90 % de méningites bactériennes), 95 %

EMC - Traité de Médecine Akos 1


Volume 10 > n◦ 1 > janvier 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(14)64095-3
4-0850  Méningites aiguës de l’adulte

• la glycorachie, diminuée en cas de méningite bactérienne,

“ Point important tuberculeuse ou fongique. Sa valeur normale est deux tiers de


celle de la glycémie ;
• le taux de lactate. Viallon et al. ont établi un seuil à 3,8 mmol/l
permettant de discriminer méningites virale et bactérienne
Items du National Institutes of Health Stroke Scale (NIHSS)
avec une sensibilité de 94 % et une spécificité de 98 % en cas
utilisés pour la recherche de signes de localisation : d’examen direct négatif [4] . Une méta-analyse a établi un seuil à
• commandes (ouverture des yeux, ouverture du poing) ; 3,9 mmol/l [5] .
• oculomotricité ; L’interprétation des résultats du LCS permet de guider le
• champ visuel ; traitement probabiliste. Une hypoglycorachie associée à une
• paralysie faciale ; hyperprotéinorachie orientent vers une cause bactérienne, fon-
• motricité membre supérieur ; gique ou tuberculeuse. Une formule cytologique à PNN est
• motricité membre inférieur ; évocatrice de cause bactérienne alors qu’une formule lympho-
• ataxie ; cytaire oriente vers une cause virale, tuberculeuse ou à germe
• sensibilité ; atypique (Tableau 1).
• langage ; La formule cytologique d’une méningite bactérienne traitée
précocement peut devenir panachée voire lymphocytaire. Quand
• dysarthrie ;
la PL est réalisée précocement après le début des symptômes, on
• extinction, négligence. estime à environ 10 % le nombre de méningites bactériennes avec
prédominance lymphocytaire [6] . De même, des méningites bac-
tériennes, principalement à méningocoque, peuvent se présenter
avec un LCS normal si la PL est réalisée très précocement [6] .
des patients avaient au moins deux des symptômes de la triade
et 100 % au moins un, permettant alors d’éliminer le diagnostic
en l’absence d’un de ces signes [1] . Dans cette étude, les céphalées
Procalcitonine
étaient présentes dans 50 % des cas et les nausées/vomissements, La procalcitonine (PCT) est un marqueur biologique sérique
dans 30 %. La fièvre et les céphalées sont les signes les plus fré- d’infection bactérienne et parasitaire. Son intérêt repose sur son
quents, sur 696 épisodes de méningites aiguës bactériennes aux pouvoir discriminant entre infection bactérienne et virale. Une
Pays-Bas, ils étaient présents dans respectivement 77 et 87 % des méta-analyse de Simon et al. rapporte une sensibilité de 92 % et
cas. une spécificité de 73 % pour différencier infections virales et bac-
Les signes de Kernig et de Brudzinski ont une sensibilité estimée tériennes [7] . Dans les méningites, Viallon et al. retiennent la PCT
à seulement 5 % et une spécificité à 95 %. Leur valeur prédic- au seuil de 0,28 ng/ml comme marqueur pour différencier ménin-
tive positive est de 27 % et négative de 72 %. La photophobie gites virales et bactériennes, avec une sensibilité de 95 % et une
est plus fréquente en cas d’étiologie bactérienne que virale, elle spécificité de 100 % [4] . Selon les études, cette valeur discriminante
est présente dans 8 à 25 % des cas. Les troubles de conscience varie, elle atteint 2,13 ng/ml pour une sensibilité de 87 % et une
(Glasgow ≤ 14) sont présents dans 69 % des cas de méningites bac- spécificité de 100 % dans l’étude de Ray et al. [8] . Ce marqueur peut
tériennes et atteignent 85 % pour le pneumocoque [2, 3] . Ils peuvent manquer de sensibilité dans le diagnostic des infections nosoco-
ou non s’associer à une crise convulsive généralisée ou focale. Une miales ou à germes atypiques.
atteinte des paires crâniennes doit faire évoquer en premier lieu Le dosage de la PCT dans le LCS a été proposé, mais elle apparaît
une listériose ou une tuberculose. moins discriminante que dans le sang. La valeur prédictive néga-
tive d’une PCT inférieure à 0,5 ng/ml dans le LCS a été estimée à
74 % contre 93 % dans le sang.
Signes extraneurologiques
Un purpura doit faire évoquer le diagnostic de méningite à  Diagnostics à connaître
méningocoque. Il est présent dans 63 % des cas de méningites
à méningocoque de l’adulte et jusqu’à 90 % chez l’enfant [2] . La Méningites purulentes bactériennes
présence d’un foyer ORL, d’une brèche méningée ou d’une pneu-
mopathie est évocatrice de méningites à pneumocoque ou à Streptococcus pneumoniae
haemophilus (Fig. 1). En France, S. pneumoniae est la première cause de méningites,
elle représente la moitié des cas de méningites entre trois mois et
un an et 70 % au-delà de 40 ans. La létalité est estimée à 11 % chez
 Orientation étiologique initiale les enfants, et 33 % chez les adultes avec un taux de séquelles
de 30 % environ [9] . L’incidence a varié depuis l’introduction
du vaccin pneumococcique conjugué 7-valent en 2003, rem-
Aspect du liquide cérébrospinal placé en 2010 par le vaccin 13-valent. Classiquement le LCS
L’aspect macroscopique du LCS a une valeur d’orientation diag- est purulent, l’examen direct montre des cocci à Gram posi-
nostique. Il peut être limpide (eau de roche) ou trouble. Un liquide tif. Le diagnostic peut être aidé par la détection de l’antigène
trouble est hyperleucocytaire, il s’agit d’une méningite bacté- pneumocoque ou la polymerase chain reaction (PCR) dans le LCS.
rienne. Les facteurs favorisants sont l’alcoolisme, le diabète, l’asplénie et
l’hypogammaglobulinémie. La porte d’entrée ORL et une brèche
doivent être systématiquement recherchées et traitées. La ménin-
gite à pneumocoque peut se compliquer d’une vascularite, visible
Analyse biologique du liquide cérébrospinal à l’imagerie par résonance magnétique (IRM). La vaccination anti-
L’étude cytologique renseigne le nombre d’hématies (GR) et pneumococcique doit être proposée.
de GB/mm3 . En cas de ponction lombaire (PL) traumatique,
l’interprétation de la cytologie est difficile, une PL normale cor- Neisseria meningitidis
respond à un rapport GB/GR dans le LCS égal au rapport GB/GR La méningite à méningocoque est endémique dans le monde.
dans le sang. Son incidence estimée par le réseau EPIBAC en 2010 était de
À partir de 10 GB/mm3 , le laboratoire réalise une formule et une 0,9 cas/100 000 habitants en France. Elle touche essentiellement
coloration de Gram (examen direct) avant mise en culture. les enfants et adolescents du début de l’hiver au printemps. Sa
L’étude biochimique donne : létalité atteint 15 % (Institut de veille sanitaire [InVS]). En France,
• la protéinorachie, élevée (> 0,4 g/l) en cas de méningite ; le sérogroupe B est le plus fréquent, suivi du C. Le sérogroupe A

2 EMC - Traité de Médecine Akos


Méningites aiguës de l’adulte  4-0850

Figure 1. Arbre décisionnel. Diagnostic de méningite. TDM :


Syndrome méningé fébrile tomodensitométrie ; LCS : liquide cérébrospinal.

Examen extraneurologique :
purpura ? otite ? sinusite ?

Glasgow > 11 ou déficit moteur


Glasgow > 11
focal ou signes d’engagement

Ponction lombaire TDM cérébrale

TDM cérébrale normale TDM cérébrale anormale

Ponction lombaire Prise en charge spécifique

Biochimie
Cytologie
Bactériologie (examen direct et culture)

Normal Pléiocytose > 10 éléments

Absence de méningite Méningite

Hyperprotéinorachie Hyperprotéinorachie Hyperprotéinorachie


Hypoglycorachie Hypoglycorachie Normoglycorachie
LCS neutrophilique LCS lymphocytaire LCS lymphocytaire

Probable méningite
Probable méningite Probable méningite
tuberculeuse ou à
bactérienne virale
cryptocoque

Tableau 1.
Aspect et analyses biochimiques et cytologiques du liquide cérébrospinal (LCS) en fonction du germe.
Germes Aspect Cytologie Protéinorachie Glycorachie
3
LCS normal Eau de roche < 5/mm 0,15–0,45 g/l 2/3 glycémie
Streptococcus pneumoniae Trouble > 500/mm3 , neutrophilique Augmentée Abaissée
Neisseria meningitidis
Haemophilus influenzae
Virus Clair Lymphocytaire Normale ou peu Normale
augmentée
Mycobacterium tuberculosis Clair ou aspect dépoli Lymphocytaire Augmentée Abaissée
Listeria monocytogenes Clair ou trouble Panachée Augmentée Abaissée
Cryptococcus neoformans Clair ou trouble Paucicellulaire Augmentée Abaissée
Lymphocytaire

est plus fréquent en Afrique et en Asie, le W135 en Afrique et le à déclaration obligatoire à signaler sans délai à l’Agence régionale
Y aux États-Unis. Il peut exister des foyers épidémiques locaux de santé (ARS) afin de mettre en œuvre des mesures de chimiopro-
comme en Seine-Maritime (meningo B) ou à La Mecque (W135) phylaxie dans l’entourage (antibioprophylaxie et/ou vaccination
avec possibilité de cas secondaires importés. Il s’agit d’une maladie selon le sérogroupe) [10] .

EMC - Traité de Médecine Akos 3


4-0850  Méningites aiguës de l’adulte

Lors des méningites à méningocoque peut survenir un purpura gorge et les selles. La charge virale (CV) semble plus élevée dans
extensif associé à un état de choc. Dans ces cas gravissimes, une les selles que le LCS, rendant la PCR plus sensible (96 % contre
antibiothérapie doit être débutée sans délai avant la PL (cf. infra). 76 %). La guérison est spontanée.
Le diagnostic repose sur l’examen direct, la culture du LCS ou la
PCR en cas de négativité. Culture et PCR peuvent être réalisées sur « Herpes simplex virus »
une lésion purpurique. L’herpes simplex virus (HSV) est fréquemment responsable de
méningo-encéphalite. Les signes d’encéphalite sont au premier
plan et la létalité est élevée, de 15 à 20 % [15] . La méningite herpé-
Haemophilus influenzae
tique est due le plus souvent à HSV de type 2. Le LCS est clair,
Il existe différents isolats d’H. influenzae, qui sont capsulés (de a lymphocytaire, la glycorachie est normale et la protéinorachie
à f) ou non. Le principal est de type b, et son incidence est en nette peu élevée. Son diagnostic repose sur la PCR dans le LCS et la
diminution (principalement chez l’enfant de moins de 2 ans) guérison est spontanée sans séquelles en l’absence de traitement
depuis la généralisation du vaccin anti-H. influenzae de type b. antiviral. En revanche son évolution est marquée par la possibi-
L’incidence en 2010 était de 1 cas/100 000 habitants en France. lité de récurrences décrites sous le terme méningite de Mollaret.
Chez l’adulte, la méningite à H. influenzae touche principalement Ces récurrences sont imprévisibles et le traitement préventif par
les adultes de plus de 65 ans. Il faut rechercher une porte d’entrée valaciclovir n’a pas prouvé son efficacité [16] .
ORL traumatique ou non, mais elle n’est retrouvée que dans 20 %
des cas. Varicelle-zona-virus
Le zona est associé dans 50 % des cas à une méningite, le plus
Listeria monocytogenes souvent asymptomatique ou paucisymptomatique [17] . La réacti-
vation du varicelle-zona-virus (VZV) peut aussi être responsable,
L. monocytogenes est un bacille à Gram positif ubiquitaire res- principalement chez l’immunodéprimé, de méningoradiculites
ponsable de la troisième cause de méningite bactérienne [2] et (avec ou sans zona) ou encéphalites diagnostiquées par PCR et
de 10 % des encéphalites en France [11] . Les infections neuro- dont le traitement repose sur l’aciclovir. La complication neuro-
méningées à L. monocytogenes sont graves avec une létalité de 16 à logique de la varicelle est l’ataxie cérébelleuse, survenant dans
45 % et des séquelles dans 16 % des cas. Le rôle de l’alimentation 1/4000 cas et traitée par aciclovir.
dans la listériose est bien établi. La clinique associe un syndrome
méningé d’apparition subaiguë à des signes de rhombencéphalite Cytomégalovirus
avec atteinte des paires crâniennes. Les facteurs de risque prin- Le cytomégalovirus (CMV) est responsable de primo-infections
cipaux sont l’âge (> 60 ans), la néoplasie, la cirrhose, le diabète. souvent peu sévères chez l’immunocompétent et de primo-
Le LCS est classiquement panaché mais cette formule n’est en infections ou réactivations graves chez l’immunodéprimé (colites,
fait retrouvée que dans 43,5 % des cas dans la série de 54 patients rétinites, pneumonies). Des méningites lymphocytaires, encépha-
rapportée par Cottin et al. [12] . lites ou myélites peuvent survenir et sont diagnostiquées par PCR
dans le sang et le LCS. Le traitement est le ganciclovir en première
intention.
Méningite tuberculeuse
Virus Epstein-Barr
Elle s’inscrit habituellement dans un contexte d’altération La méningite lymphocytaire est rare mais possible dans la
de l’état général, avec fièvre et sueurs nocturnes. La notion mononucléose infectieuse.
d’un contage, l’origine d’un pays à forte endémie, un
contexte social défavorisé ou une immunosuppression (virus de Herpèsvirus humain 6
l’immunodéficience humaine [VIH], corticothérapie, anti-tumor L’herpèsvirus humain 6 (HHV6) est responsable de l’exanthème
necrosis factor alpha [TNF-␣]) sont des éléments d’orientation. subit du nourrisson. Des réactivations ont été décrites chez
Cliniquement, la méningite basilaire est l’aspect le plus fré- l’immunodéprimé (transplanté d’organe), responsables de ménin-
quent. Elle associe syndrome méningé d’apparition subaiguë avec gites ou encéphalites [11] . Des primo-infections ont rarement été
paralysie oculomotrice, somnolence ou obnubilation. Ce tableau décrites chez l’immunocompétent. Le diagnostic est difficile car
peut se compliquer de convulsions ou signes focaux pouvant une CV élevée dans le LCS peut être le témoin de l’intégration
correspondre à un tuberculome. Le LCS est hyperlymphocy- chromosomique du génome viral. La prévalence de cette inté-
taire, hypoglycorachique avec une protéinorachie supérieure à gration a été estimée à 0,8 % chez des donneurs de sang aux
1 g/l. Lactate et chlore sont augmentés dans le LCS. Le diag- États-Unis. Une CV HHV6 élevée dans le LCS ne doit donc pas
nostic repose sur l’examen direct, contributif dans seulement faire conclure systématiquement à une méningite ou encéphalite
5 à 22 % des cas et la culture dont le délai de positivité peut à HHV6, il faut en parallèle réaliser une CV sanguine qui sera éle-
être de plusieurs semaines. Augmenter le volume du LCS permet vée en cas d’intégration chromosomique et faible ou négative en
d’augmenter la sensibilité de la culture. La sensibilité de la PCR cas d’infection neuro-invasive.
Mycobacterium tuberculosis atteint 75 %, supérieure à la culture [13] .
Virus ourlien
La recherche de signes extraneurologiques de tuberculose est
systématique. Le virus des oreillons est un paramyxovirus transmis par
voie aérienne. La parotidite est la manifestation classique, les
complications sont l’orchite dans 15 à 30 % des cas, la ménin-
Méningites aseptiques gite lymphocytaire aiguë dans 1 à 10 % des cas, et la pancréatite
dans 4 %. En cas de méningite il y a un risque d’atteinte du nerf
Virales auditif. Le diagnostic se fait par sérologie et PCR, le traitement est
Enterovirus symptomatique. Depuis la vaccination, elle est exceptionnelle.
Le genre Enterovirus appartient à la famille des Picornaviridae. Virus para-influenzae et adénovirus
Le tableau clinique est celui d’un syndrome méningé fébrile, Dans de rares cas, ces virus dont le tropisme est essentiel-
d’installation brutale, avec un état général conservé. Des signes lement respiratoire sont responsables de méningites aseptiques
digestifs ou un exanthème peuvent être présents. Parmi les ménin- d’évolution favorable.
gites aseptiques, Enterovirus est l’agent prédominant (22 % des
patients) [14] . Il touche surtout les sujets jeunes avec un pic sai- Virus de l’immunodéficience humaine
sonnier en été et automne. La contamination est orofécale le plus En dehors des infections opportunistes, le VIH est responsable
souvent, ou par inhalation de gouttelettes respiratoires. Dans le de manifestations neurologiques du fait de son tropisme neu-
LCS la pléiocytose est modérée, inférieure à 1000/mm3 , classique- rologique. Lors de la primo-infection, le virus peut induire une
ment lymphocytaire mais à la phase précoce les PNN prédominent réaction cellulaire T contemporaine de la séroconversion et entraî-
dans 20 à 47 % des cas. Le diagnostic de certitude repose sur la bio- ner une méningite aiguë lymphocytaire dans environ 10 % des
logie moléculaire avec recherche du virus par PCR dans le LCS, la cas.

4 EMC - Traité de Médecine Akos


Méningites aiguës de l’adulte  4-0850

Grippe céphalées et myalgies. Rarement, une méningite aseptique lym-


Une étude portant sur 2069 cas de grippe A sévère en phocytaire est présente. Le traitement repose sur la doxycycline.
2009 rapportait 77 cas de manifestations neurologiques incluant Mycoplasma pneumoniae
trois méningites aiguës dont une fatale [18] .
M. pneumoniae est responsable de pneumopathies interstitielles.
Chorioméningite lymphocytaire Une atteinte neurologique survient dans moins de 1 % des cas et se
Due à un Arenaviridae, elle se transmet du rongeur à l’homme manifeste par une méningo-encéphalite, une myélite transverse,
par contact direct ou inhalation de poussières. Généralement une encéphalomyélite aiguë démyélinisante ou une méningite.
asymptomatique, elle peut donner un syndrome pseudo-grippal La méningite est hyperlymphocytaire avec hyperprotéinorachie
ou une méningite aseptique. Le diagnostic est sérologique. Chez et glycorachie normale ou peu diminuée. Le diagnostic repose sur
la femme enceinte, l’infection peut entraîner un avortement ou la sérologie ou la PCR dans le LCS. Le traitement comprend les
des malformations. fluoroquinolones, la doxycycline ou les macrolides.
Brucellose
Arbovirus La brucellose est une anthropozoonose bactérienne (coccoba-
« West Nile virus » cille à Gram négatif) présente sur le pourtour méditerranéen à
C’est un flavivirus transmis à l’homme par piqûre d’un mous- l’exception de la France. L’homme s’infecte par contact direct ou
tique vecteur à partir d’un réservoir d’oiseaux migrateurs. Il touche indirect avec les ruminants domestiques. La forme aiguë associe
principalement le continent américain, mais des cas humains et fièvre, sueurs et arthromyalgies, la forme chronique « patraquerie
équins ont été décrits dans le Var depuis 2003. L’infection est brucellienne », manifestations ostéoarticulaires ou viscérales. Une
souvent asymptomatique, elle peut se traduire par un syndrome atteinte du SNC survient dans moins de 5 % des cas. Hormis
grippal et dans moins de 1 %, une méningite ou une encépha- les encéphalites, abcès cérébraux ou myélites, la méningite aiguë
lite. Le traitement est symptomatique, la létalité des atteintes du ou chronique est la manifestation la plus fréquente. Elle peut se
système nerveux central (SNC) est de 10 %. compliquer de vascularite, de lésions granulomateuses ou d’une
atteinte du nerf VIII. Le LCS est lymphocytaire avec une hyper-
« Toscana virus » protéinorachie et une glycorachie normale ou peu diminuée. La
C’est un phlébovirus de la famille des Bunyaviridae, transmis culture est souvent négative, le diagnostic repose sur la sérolo-
dans le pourtour méditerranéen par les piqûres de phlébotomes. gie et la PCR dans le LCS. Le traitement est prolongé, il associe
Il représente 6 % des causes de méningites aseptiques et encé- doxycycline, sulfaméthoxazole-triméthoprime et rifampicine.
phalites en saison estivale dans le sud de l’Italie. En France,
il a été incriminé dans plusieurs cas depuis 2004 en région Bartonella henselae
Provence–Alpes–Côte d’Azur (PACA). Il est responsable d’un syn- L’atteinte neurologique dans la maladie des griffes du chat est
drome pseudo-grippal, de méningites et encéphalites. rare, présente dans moins de 3 % des cas. Elle se manifeste en
premier lieu par une encéphalopathie, la méningite est excep-
Dengue tionnelle. Son traitement repose sur l’association doxycycline et
Les manifestations neurologiques sont peu fréquentes et sont rifampicine.
l’encéphalopathie, l’encéphalite ou la méningite isolée (décrite
dans 4,2 % des tableaux neurologiques).
Méningites fongiques
Bactériennes Cryptococcose
Maladie de Lyme
Cryptococcus neoformans est une levure encapsulée saprophyte
Les méningites isolées sont rares (5 % des neuroborrélioses) et se du sol responsable de méningo-encéphalites, d’atteintes pulmo-
manifestent par des céphalées peu intenses, souvent sans fièvre. naires ou cutanées chez les immunodéprimés (VIH). Le plus
Le LCS est lymphocytaire, avec une hyperprotéinorachie modé- souvent subaiguë, l’atteinte neuroméningée associe des céphalées,
rée sans hypoglycorachie. Elles peuvent entrer dans un tableau de une fièvre modérée, des troubles des fonctions supérieures (40 %
méningoradiculite avec fréquemment une paralysie faciale péri- des cas), un syndrome cérébelleux (15 %), une atteinte des paires
phérique. Le traitement repose sur la ceftriaxone 2 g/j pendant crâniennes (10 %), voire des crises convulsives (5 %) [19] . Le LCS est
21 à 28 jours ou en cas d’allergie la doxycycline 200 mg/j pour la paucilymphocytaire, avec une hyperprotéinorachie et une hypo-
même durée. glycorachie. L’hyperpression intracrânienne (> 25 cmH2 O) est un
Leptospirose facteur de mauvais pronostic. La réalisation d’une IRM est systé-
La méningite aseptique, associée ou non aux autres signes cli- matique à la recherche de cryptococcomes. Le traitement associe
niques de leptospirose, est présente dans 23 % des cas. Dans les amphotéricine B liposomale et 5-fluorocytosine, relayés ensuite
pays à forte endémicité, le diagnostic est à évoquer en cas de par le fluconazole.
méningite aseptique et à rechercher par culture, PCR dans le LCS
et sérologie. Candida
Syphilis (Treponema pallidum) Les méningites à candida, rares et graves, surviennent chez
La neurosyphilis peut être précoce lors de la phase secondaire et des patients immunodéprimés, avec des facteurs de risque méca-
se traduit par une méningite aiguë (associée parfois à une atteinte niques d’infections fongiques (toxicomanie intraveineuse [i.v.],
des paires crâniennes ou ophtalmologique) ou tardive lors de la cathéter central) ou en post-neurochirurgie. Leur présentation
phase tertiaire où elle est responsable d’une méningite chronique. est subaiguë, voire chronique. Le LCS est hypoglycorachique et
Le LCS est lymphocytaire avec une hyperprotéinorachie modérée, hyperprotéinorachique, la formule est variable souvent panachée.
le diagnostic repose sur la positivité du venereal disease research Le diagnostic se fait par culture du LCS ou méthodes indirects dans
laboratory (VDRL) dans le LCS. le sang et le LCS (antigène mannane, (1,3)-ß-D-glucane).

Rickettsioses
Les rickettsies sont des bactéries à Gram négatif intracellu- Méningite parasitaire
laires transmises à l’homme par piqûres de tiques. Le groupe
boutonneux est représenté dans le sud de la France par la
Cysticercose
fièvre boutonneuse méditerranéenne (FBM) due à R. conorii ; le La neurocysticercose est la parasitose cérébrale la plus répan-
groupe typhus par le typhus murin dû à R. typhi. La FBM est due dans le monde, à évoquer chez les sujets originaires de
transmise à l’homme par la tique du chien, elle associe une zone d’endémie. Les formes parenchymateuses sont les plus fré-
fièvre avec éruption cutanée maculopapuleuse, hépatosplénomé- quentes et la révélation par une méningite lymphocytaire est
galie, myocardite, méningite lymphocytaire. Le typhus murin exceptionnelle. La formule du LCS est variable, lymphocytaire ou
est transmis par la puce du rat, il associe fièvre, éruption, à prédominance de polynucléaires éosinophiles ou neutrophiles.

EMC - Traité de Médecine Akos 5


4-0850  Méningites aiguës de l’adulte

Diagnostics différentiels diagnostiquer d’autres localisations infectieuses pouvant néces-


siter un geste chirurgical (ventriculites, abcès parenchymateux,
Les méningites aseptiques médicamenteuses sont rares mais à empyèmes, ostéites ou otites) ou des complications (vascularite
connaître. La cellularité du LCS est aspécifique et le diagnostic est avec ou sans accident vasculaire cérébral [AVC], thrombose vei-
retenu si les autres étiologies sont éliminées, si la chronologie est neuse, hydrocéphalie par obstruction de l’écoulement du LCS).
compatible (deux à sept jours) et si les symptômes régressent après L’imagerie, de préférence l’IRM, est indiquée quel que soit le
arrêt du traitement. Les médicaments les plus fréquemment incri- germe en cas d’évolution défavorable : persistance de la fièvre,
minés sont les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les signes neurologiques focaux, troubles de conscience [20] . La confé-
immunoglobulines intraveineuses, les anticorps monoclonaux, rence de consensus recommande une imagerie systématique en
les vaccins et les antibiotiques (cotrimoxazole, amoxicilline). cas de méningite à un germe autre que méningocoque ou pneu-
Les causes d’uvéoméningites d’origine auto-immune sont à évo- mocoque. Dans le cadre d’une méningite à pneumocoque, elle
quer. Elles regroupent la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada, la permet la recherche d’une porte d’entrée ORL, une brèche durale
maladie de Behçet, le lupus érythémateux systémique, la sarcoï- ou une vascularite en IRM.
dose.

 Place de l’imagerie cérébrale  Prise en charge thérapeutique


des méningites aiguës présumées
En urgence
bactériennes
La PL est l’examen essentiel pour affirmer le diagnostic de
méningite. Le risque d’engagement doit être évalué avant de réa- Place de l’antibiothérapie avant la ponction
liser ce geste en urgence et doit faire pratiquer une imagerie. lombaire
Pratiquer une tomodensitométrie (TDM) est source de retard à
la documentation microbiologique et à l’antibiothérapie. Il faut En raison de la gravité extrême du purpura fulminans et du
donc apprécier rapidement le risque de complication d’une PL lien direct entre antibiothérapie précoce et pronostic vital, le
et faire une imagerie uniquement si certains signes d’alerte sont Haut Comité de la santé publique recommande, en dehors du
présents. Ces signes ont été établis lors de la conférence de consen- milieu hospitalier, de commencer en urgence une antibiothéra-
sus [20] . Ils sont les suivants : pie devant tout malade présentant des signes infectieux et un
• les signes d’engagement : mydriase unilatérale, hoquet, trouble purpura s’étendant rapidement et présentant au moins un élé-
ventilatoire, instabilité hémodynamique ; ment nécrotique ou ecchymotique de plus de 3 mm de diamètre.
• les signes de localisation neurologiques tels qu’ils peuvent appa- L’antibiothérapie peut être ceftriaxone 1 à 2 g ou céfotaxime 1 g
raître lors d’un examen complet utilisant les items 2 à 11 du par voie i.v. ou intramusculaire (i.m.) ou à défaut amoxicilline 1 g.
score NIHSS (cf. supra) ; En cas de suspicion de méningite bactérienne et de contre-
• les troubles de vigilance ne pouvant être expliqués par la confu- indication à la PL (troubles de l’hémostase, purpura fulminans,
sion mentale due à la méningite (Glasgow ≤ 11) ; risque d’engagement), l’antibiothérapie est débutée après réalisa-
• les crises épileptiques récentes ou en cours. tion d’hémocultures.

En cours de traitement Antibiothérapie d’une méningite présumée


L’imagerie cérébrale en cours de traitement des méningites
bactérienne
bactériennes est une aide au diagnostic des complications et L’antibiothérapie initiale repose, pour les méningites à pneu-
à la prise en charge de la porte d’entrée. Elle permet de mocoque, méningocoque et haemophilus sur une céphalosporine
Tableau 2.
Antibiothérapie probabiliste des méningites bactériennes aiguës de l’adulte en fonction de l’examen direct du liquide cérébrospinal (d’après [20] ).
Examen direct positif Antibiotique Posologie
Cocci à Gram positif (pneumocoque) Céfotaxime 300 mg/kg/j i.v., en 4 perfusions ou IVSE (dose de charge 50 mg/kg sur 1 heure a )
ou
Ceftriaxone 100 mg/kg/j i.v. en 1 ou 2 perfusions
Cocci à Gram négatif (méningocoque) Céfotaxime 200 mg/kg/j i.v., en 4 perfusions ou IVSE (dose de charge 50 mg/kg sur 1 heure a )
ou
Ceftriaxone 75 mg/kg/j i.v. en 1 ou 2 perfusions
Bacille à Gram positif (listeria) Amoxicilline 200 mg/kg/j i.v., en 4 perfusions ou IVSE
+
Gentamicine 3 à 5 mg/kg/j i.v. en 1 perfusion journalière
Bacille à Gram négatif (Haemophilus influenzae) Céfotaxime 200 mg/kg/j i.v., en 4 perfusions ou IVSE (dose de charge 50 mg/kg sur 1 heure a )
ou
Ceftriaxone 75 mg/kg/j i.v. en 1 ou 2 perfusions
Examen direct négatif
Sans arguments en faveur d’une listériose Céfotaxime 300 mg/kg/j i.v., en 4 perfusions ou IVSE (dose de charge 50 mg/kg sur 1 heure a )
ou
Ceftriaxone 100 mg/kg/j i.v. en 1 ou 2 perfusions
Avec arguments en faveur d’une listériose Céfotaxime 300 mg/kg/j i.v., en 4 perfusions ou IVSE (dose de charge 50 mg/kg sur 1 heure a )
ou
Ceftriaxone 100 mg/kg/j i.v. en 1 ou 2 perfusions
+
amoxicilline 200 mg/kg/j i.v., en 4 perfusions ou IVSE
+
Gentamicine 3 à 5 mg/kg/j i.v. en 1 perfusion journalière

IVSE : intraveineuse à la seringue électrique.


a
La perfusion journalière continue et la dose de charge doivent être mises en route de façon concomitante.

6 EMC - Traité de Médecine Akos


Méningites aiguës de l’adulte  4-0850

Tableau 3.
Traitement antibiotique des méningites bactériennes aiguës de l’adulte après documentation microbiologique (d’après [20] ).
Bactérie, sensibilité Traitement antibiotique Durée totale
Streptococcus pneumoniae Amoxicilline 200 mg/kg/j i.v., en 4 à 6 perfusions ou IVSE ou maintien C3G en diminuant 10 à 14 jours a
CMI amoxicilline < 0,1 mg/l la dose de céfotaxime à 200 mg/kg/j, de ceftriaxone à 75 mg/kg/j si CMI de la
C3G < 0,5 mg/l
Streptococcus pneumoniae Céfotaxime 300 mg/kg/j i.v., en 4 perfusions ou IVSE (ou 200 mg/kg/j si CMI de la 10 à 14 jours a
CMI amoxicilline ≥ 0,1 mg/l C3G < 0,5 mg/l) ou ceftriaxone 100 mg/kg/j i.v., en 1 ou 2 perfusions (ou 75 mg/kg/j si
CMI de la C3G < 0,5 mg/l)
Neisseria meningitidis Amoxicilline 200 mg/kg/j i.v., en 4 à 6 perfusions ou IVSE ou maintien C3G 4 à 7 jours b
CMI amoxicilline < 0,1 mg/l
Neisseria meningitidis Céfotaxime 200 mg/kg/j i.v. en 4 perfusions ou IVSE ou ceftriaxone 75 mg/kg/j en 1 ou 4 à 7 jours b
CMI amoxicilline ≥ 0,1 mg/l 2 perfusions
Listeria monocytogenes Amoxicilline 200 mg/kg/j 21 jours
+ gentamicine 3 à 5 mg/kg/j en 1 fois/j 7 jours
Haemophilus influenzae Céfotaxime 200 mg/kg/j i.v. ou ceftriaxone 75 mg/kg/j 7 jours

CMI : concentration minimale inhibitrice ; C3G : céphalosporine de troisième génération ; IVSE : intraveineuse à la seringue électrique.
a
Plutôt dix jours en cas d’évolution rapidement favorable (dans les 48 premières heures) et de pneumocoque sensible aux C3G (CMI < 0,5 mg/l).
b
Plutôt quatre jours en cas d’évolution rapidement favorable (dans les 48 premières heures).

de troisième génération (C3G) (ceftriaxone ou céfotaxime) et pour


les méningites à listeria sur l’association amoxicilline et gentami-
cine (Tableau 2).
L’antibiothérapie et sa durée sont secondairement adaptées au
“ Points essentiels
germe et à sa sensibilité aux antibiotiques (Tableau 3). • Le syndrome méningé associe fièvre, céphalées, raideur
de nuque et parfois troubles de conscience.
Corticothérapie, indications et modalités • La cytologie et la biochimie du LCS orientent vers une
origine bactérienne ou virale.
La corticothérapie, lorsqu’elle est administrée juste avant ou
• Tout clinicien doit connaître le traitement en urgence
avec la première dose d’antibiotique, améliore le pronostic des
méningites bactériennes. Elle diminue le risque de séquelles neu- d’une méningite bactérienne.
rosensorielles (surdité), les résultats sur la mortalité étant variables • Il ne faut pas méconnaître les causes plus rares, parasi-
selon les études. L’étude randomisée de De Gans et al. a montré taires ou mycotiques et les diagnostics différentiels.
une baisse de la mortalité de 15 à 7 %, principalement si la bactérie
en cause était le pneumocoque [21] .
Chez l’adulte, une injection de dexaméthasone est donc recom-
mandée en cas de méningite présumée bactérienne sans certitude
microbiologique mais décision de traitement probabiliste et en cas Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
de diagnostic initial de méningite à pneumocoque ou méningo- relation avec cet article
coque. La posologie est de 10 mg toutes les six heures pendant
quatre jours. Ce traitement n’est pas recommandé chez les
patients immunodéprimés et ceux qui ont reçu préalablement une
antibiothérapie parentérale [20] .  Références
[1] Attia JHR. Does this adult patient have acute meningitis? JAMA
 Indication d’un contrôle 1999;282:175–81.
[2] Van de Beek D, de Gans J, Spanjaard L, Weisfelt M, Reitsma JB,
du liquide cérébrospinal Vermeulen M. Clinical features and prognostic factors in adults with
bacterial meningitis. N Engl J Med 2004;351:1849–59.
Le contrôle du LCS ne doit pas être réalisé de manière systé- [3] Weisfelt M, van de Beek D, Spanjaard L, Reitsma JB, de Gans J. Clini-
matique. Il est recommandé en cas d’évolution défavorable à 48 cal features, complications, and outcome in adults with pneumococcal
à 72 heures de traitement en association avec la réalisation d’une meningitis: a prospective case series. Lancet Neurol 2006;5:123–9.
IRM. Un dosage antibiotique dans le LCS peut être réalisé. Une PL [4] Viallon A, Desseigne N, Marjollet O, Birynczyk A, Belin M, Guyo-
doit être systématiquement réalisée en cas de méningite à pneu- march S, et al. Meningitis in adult patients with a negative direct
mocoque avec une concentration minimale inhibitrice (CMI) à la cerebrospinal fluid examination: value of cytochemical markers for
C3G utilisée supérieure à 0,5 mg/l [20] . differential diagnosis. Crit Care Lond Engl 2011;15:R136.
[5] Sakushima K, Hayashino Y, Kawaguchi T, Jackson JL, Fukuhara S.
Diagnostic accuracy of cerebrospinal fluid lactate for differentiating
 Prise en charge de la porte bacterial meningitis from aseptic meningitis: a meta-analysis. J Infect
2011;62:255–62.
d’entrée [6] Powers WJ. Cerebrospinal fluid lymphocytosis in acute bacterial
meningitis. Am J Med 1985;79:216–20.
Lors des méningites à pneumocoque et haemophilus, la porte [7] Simon L, Gauvin F, Amre DK, Saint-Louis P, Lacroix J. Serum procal-
d’entrée est principalement ORL. L’examen ORL et l’imagerie citonin and C-reactive protein levels as markers of bacterial infection: a
recherchent une otite moyenne aiguë, une mastoïdite ou une systematic review and meta-analysis. Clin Infect Dis 2004;39:206–17.
sinusite afin de discuter une paracentèse ou un drainage des foyers [8] Ray P, Badarou-Acossi G, Viallon A, Boutoille D, Arthaud M, Trystram
infectieux. D, et al. Accuracy of the cerebrospinal fluid results to differentiate bac-
En cas de rhinorrhée cérébrospinale, l’IRM ou la TDM en coupe terial from non bacterial meningitis, in case of negative gram-stained
osseuse ainsi que la nasofibroscopie recherchent une brèche post- smear. Am J Emerg Med 2007;25(2):179–84.
traumatique ou chirurgicale afin de la fermer dès que possible. [9] Levy C, Varon E, Bingen E, Picard C, de La Rocque F, Aujard Y, et al.
Les vaccinations anti-pneumococcique et anti-haemophilus sont Méningites à pneumocoque de l’enfant en France : 832 cas de 2001 à
recommandées. 2007. Arch Pediatr 2008;15(Suppl. 3):S111–8.

EMC - Traité de Médecine Akos 7


4-0850  Méningites aiguës de l’adulte

[10] DGS. Guide pratique sur la conduite à tenir devant un ou plusieurs [16] Aurelius E, Franzen-Röhl E, Glimåker M, Akre O, Grillner L,
cas d’infection invasive à méningocoque. http://www.sante.gouv.fr/ Jorup-Rönström C, et al. Long-term valacyclovir suppressive treat-
meningite-accueil.html. 2011. ment after herpes simplex virus type 2 meningitis: a double-blind,
[11] Mailles A, Stahl J-P. Infectious encephalitis in france in 2007: a national randomized controlled trial. Clin Infect Dis 2012;54:1304–13.
prospective study. Clin Infect Dis 2009;49:1838–47. [17] Steiner I, Kennedy PG, Pachner AR. The neurotropic herpes
[12] Cottin J, Carbonnelle B. Méningites à Listeria monocytogenes. À pro- viruses: herpes simplex and varicella-zoster. Lancet Neurol 2007;6:
pos de 54 cas observés en Anjou. Med Mal Infect 1985;10:597–600. 1015–28.
[13] Caws M, Wilson SM, Clough C, Drobniewski F. Role of [18] Glaser CA, Winter K, DuBray K, Harriman K, Uyeki TM, Sej-
IS6110-Targeted PCR, culture, biochemical, clinical, and immunolo- var J, et al. A population-based study of neurologic manifestations
gical criteria for diagnosis of tuberculous meningitis. J Clin Microbiol of severe influenza A(H1N1)pdm09 in California. Clin Infect Dis
2000;38:3150. 2012;55:514–20.
[14] Frantzidou F, Kamaria F, Dumaidi K, Skoura L, Antoniadis A, Papa [19] Pappas PG, Perfect JR, Cloud GA, Larsen RA, Pankey GA, Lancaster
A. Aseptic meningitis and encephalitis because of herpesviruses and DJ, et al. Cryptococcosis in human immunodeficiency virus-negative
enteroviruses in an immunocompetent adult population. Eur J Neurol patients in the era of effective azole therapy. Clin Infect Dis
2008;15:995–7. 2001;33:690–9.
[15] Raschilas F, Wolff M, Delatour F, Chaffaut C, De Broucker T, Chevret [20] 17th Consensus conference. Consensus conference on bacterial menin-
S, et al. Outcome of and prognostic factors for herpes simplex ence- gitis. Short text. Med Mal Infect 2009;39:175–86.
phalitis in adult patients: results of a multicenter study. Clin Infect Dis [21] De Gans J, Van de Beek D. Dexamethasone in adults with bacterial
2002;35:254–60. meningitis. N Engl J Med 2002;347:1549–56.

H. Chaussade, Docteur (helene.chaussade@univ-tours.fr).


L. Bernard, Professeur.
Service de médecine interne et maladies infectieuses, Hôpital Bretonneau, 2, boulevard Tonnelé, 37000 Tours, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Chaussade H, Bernard L. Méningites aiguës de l’adulte. EMC - Traité de Médecine Akos 2015;10(1):1-8
[Article 4-0850].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

8 EMC - Traité de Médecine Akos


 4-0855

Endocardite infectieuse : du diagnostic


au traitement
M.-P. Fernandez-Gerlinger, J.-L. Mainardi

L’endocardite infectieuse est une maladie peu fréquente (1500–2000 cas/an en France) mais mortelle
sans traitement antibiotique bien conduit. La physiopathologie consiste en une greffe bactérienne puis
en une multiplication sur une valve lésée suivie d’une extension locale et à distance. Les facteurs de
risque prédisposant (prothèse, valvulopathie) ne sont pas toujours présents (50 % des cas). Il convient
donc de suspecter une endocardite, non seulement devant un souffle fébrile, mais devant toute fièvre
associée, soit à un facteur de risque, soit à des signes généraux et variés, notamment des phénomènes
emboliques ou immunologiques. Le diagnostic est posé généralement suite à des hémocultures positives
associées à une atteinte valvulaire (végétation) à l’échocardiographie. En cas d’hémocultures négatives,
la pratique de sérologies, notamment celles de Coxiella et de Bartonella, et des techniques de biologie
moléculaire, pour identifier les germes responsables au niveau de la valve atteinte, est importante pour
le diagnostic. L’antibiothérapie doit être bactéricide, prolongée et initialement par voie veineuse pour
assurer une concentration élevée des antibiotiques au niveau tissulaire. La chirurgie est un traitement
adjuvant important, surtout en cas d’insuffisance cardiaque ou de persistance du syndrome septique.
Un suivi régulier doit être assuré en per et post-traitement à la recherche des complications cardiaques,
infectieuses et emboliques. La prophylaxie de l’endocardite a été restreinte aux situations à haut risque
(cardiopathie congénitale cyanogène, antécédent d’endocardite et prothèse valvulaire) en cas de geste
dentaire. Actuellement, il est établi qu’une bonne hygiène, surtout buccodentaire et cutanée, est le moyen
le plus efficace pour diminuer l’incidence des endocardites.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Antibiotiques ; Chirurgie ; Échocardiograhie ; Endocardite infectieuse ; Prophylaxie

Plan  Introduction
■ Introduction 1 L’endocardite infectieuse (EI) est une maladie peu fréquente
■ Physiopathologie 2 en France avec près de 32 cas par million d’habitants par an [1] ,
■ Diagnostic de l’endocardite infectieuse 2 mais qui est associée à une morbi-mortalité importante sans
Clinique 2 traitement bien conduit (22 % de mortalité selon une étude
Hémocultures 2 récente en France [1] ). Malgré la diminution des facteurs de
Échographie cardiaque 3 risque traditionnels, tels que le rhumatisme articulaire aigu, cette
Sérologies 3 incidence est restée stable au cours des dernières années en rai-
Autres moyens diagnostiques 3 son de l’émergence de nouveaux facteurs favorisants comme la
mise en place de matériel étranger intracardiaque, le vieillis-
■ Traitement et prise en charge 3
sement de la population et la place importante des EI liées
Prise en charge initiale 3
aux soins (30 % dans certaines séries [1] ). La répartition des
Traitement 4
espèces bactériennes a également évolué avec l’augmentation
Cas particulier de l’endocardite du cœur droit 5
de la fréquence relative de certains streptocoques (Streptococcus
Prise en charge des complications 5
gallolyticus subspp. gallolyticus, anciennement dénommé Strepto-
■ Suivi et prophylaxie 5 coccus bovis) et des staphylocoques, en particulier Staphylococcus
Suivi du patient 5 aureus, micro-organisme prédominant lors de la dernière enquête
Prophylaxie 6 réalisée en France [1] . La prépondérance du S. aureus correspond
■ Conclusion 6 à l’augmentation de la pose de matériel prothétique, et aux
actes liés aux soins, tels que les voies veineuses centrales.

EMC - Traité de Médecine Akos 1


Volume 11 > n◦ 3 > juillet 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(16)74342-0
4-0855  Endocardite infectieuse : du diagnostic au traitement

L’évolution technologique (biologie moléculaire, immunologie)


permet également de souligner l’importance étiologique de bac-
téries intracellulaires : Coxiella burnetii, Bartonella spp. [2–4] . “ Point fort
L’endocardite infectieuse doit être suspectée devant tout
 Physiopathologie syndrome fébrile associé à une symptomatologie systé-
mique.
Trois étapes interviennent dans le développement de l’EI.
Durant la première étape, on assiste à un dépôt de fibrine et de
plaquettes sur l’endothélium valvulaire facilité par des lésions
endothéliales mécaniques ou inflammatoires préexistantes. La
nouveau souffle (critère majeur de Duke [6] ) et, à un degré moindre,
deuxième étape comprend l’adhérence bactérienne au niveau des
d’une modification d’un souffle connu sont très évocateurs mais
valves lors d’une bactériémie transitoire. Cette adhérence est favo-
inconstants. Les signes en faveur d’une insuffisance cardiaque,
risée par la présence d’adhésines bactériennes ou microbial surface
tels que l’apparition d’une orthopnée, d’une turgescence jugu-
component reacting with adhesive matrix molecules (MSCRAMM),
laire ou des crépitants à l’auscultation pulmonaire, sont également
notamment chez les cocci à Gram positif [5] . La troisième étape cor-
à rechercher car ils peuvent modifier la prise en charge théra-
respond à la multiplication des bactéries au niveau des valves avec
peutique. Sur le plan systémique, il faut dépister la présence de
extension et destruction locale (formation d’abcès et apparition
signes neurologiques évocateurs d’un accident vasculaire cérébral.
d’une insuffisance cardiaque par destruction valvulaire) suivie par
L’examen clinique doit également comprendre une palpation du
une dissémination à distance. Cette dernière est due à des emboles
rachis et des différentes articulations afin d’éliminer une arthrite
septiques, ou à la persistance de la bactériémie. Durant cette étape,
ou une spondylodiscite associées. La palpation abdominale doit
peuvent apparaître des phénomènes immunologiques à la suite
rechercher une hépatosplénomégalie. L’examen vasculaire doit
du largage d’antigènes responsables de la formation de complexes
éliminer la présence d’emboles périphériques. L’examen cutané
immuns circulants.
a un intérêt double : la recherche de signes en faveur de l’EI et la
recherche d’une porte d’entrée. Parmi les signes cutanés en faveur
de l’EI, on note les faux panaris d’Osler et les taches de Janeway.
 Diagnostic de l’endocardite Les portes d’entrée à rechercher sont un éventuel foyer dentaire,
des traces d’injection intraveineuse, de furonculose importante,
infectieuse d’abcès cutanés ou de signes urinaires.
Clinique
Hémocultures
L’EI est une maladie du cœur se présentant avec des signes géné-
raux. Le diagnostic est porté selon les critères de Duke modifiés [6] Dans le cadre du diagnostic d’une EI, il est primordial de réali-
(Tableaux 1, 2). Il convient de la suspecter devant toute fièvre ser trois paires d’hémocultures sur 24 heures espacées d’une heure
inexpliquée, surtout si associée à des phénomènes vasculaires au minimum avant toute prise d’antibiotique [7] . Il est possible de
ou immunologiques. Sur le plan cardiologique, l’apparition d’un les réaliser quelle que soit la température du patient vu que la

Tableau 1.
Critères de Duke modifiés (d’après [6] ).
Endocardite certaine Un des deux critères ci-dessous :
Critère pathologique : micro-organisme démontré par Critère clinique : deux critères majeurs ; un critère
culture ou examen histologique d’une végétation, d’un majeur et trois critères mineurs ; cinq critères
abcès intracardiaque ou d’une végétation ayant embolisé mineurs
Endocardite possible Sur critère clinique : un critère majeur et un à deux critères mineurs ; trois ou quatre critères mineurs
Endocardite rejetée Dans les cas suivants : diagnostic alternatif certain ; résolution du syndrome avec une antibiothérapie de moins de quatre
jours ; absence d’évidence d’endocardite lors de la chirurgie ou à l’autopsie après une antibiothérapie de moins de quatre
jours ; ne remplit pas les critères d’une endocardite possible

Tableau 2.
Explication des termes (d’après [6] ).
Critères majeurs Hémocultures positives Deux hémocultures positives à streptocoque non groupable,
Streptococcus gallolyticus (anciennement S. bovis), bactérie du groupe
HACCEK, à S. aureus ou entérocoque communautaire (en l’absence de
foyer identifié)
Hémocultures positives persistantes au même organisme (deux
hémocultures à 12 heures d’intervalles, ou toutes les hémocultures [si
trois] ou une majorité si plus de quatre hémocultures)
Sérologie Coxiella burnetii avec des IgG en phase I ≥ 800 en immunofluorescence
Atteinte de l’endocarde : signes échographiques et Échographie positive (l’ETO est recommandée) : végétation, abcès,
cliniques nouvelle déhiscence d’une valve prothétique
Clinique positive : nouveau souffle cardiaque
Critères mineurs Cardiopathie prédisposante ou toxicomanie
Fièvre > 38 ◦ C
Phénomènes vasculaires (embolie artérielle, anévrisme mycotique, infarctus pulmonaire, hémorragie conjonctivale, hémorragie
cérébrale, lésions de Janeway)
Phénomène immunologique (glomérulonéphrite, nodule d’Osler, tache de Roth, facteur rhumatoïde)
Critères microbiologiques mineurs : hémoculture positive sans entrer dans la définition du critère majeur, sérologie positive
pour un organisme responsable d’endocardites

IgG : immunoglobulines G ; ETO : échographie transœsophagienne ; HACCEK : Haemophilus parainfluenzae, Haemophilus aphrophilus, Actinobacillus actinomycetemcomitans,
Cardiobacterium hominis, Capnocytophaga sp., Eikenella corrodens, Kingella kingae.

2 EMC - Traité de Médecine Akos


Endocardite infectieuse : du diagnostic au traitement  4-0855

Tableau 3.
Principales étiologies et conduite à tenir devant une endocardite à hémoculture négative.
Étiologies Hémocultures négativées par antibiothérapie préalable
Bactéries à croissance difficile : HACCEK, streptocoques déficients (Abiotrophia spp. et Granulicatella spp.), Brucella spp., Bartonella spp.
Agents fongiques : Candida spp., Aspergillus spp.
Micro-organismes non cultivables sur milieux usuels : Coxiella burnetti, Tropheryma whipplei, Legionella spp., Chlamydia spp.,
Mycoplasma spp., Mycobacteria spp.
Bilan à prélever Trois hémocultures utilisant si possible des résines captant les antibiotiques
Un tube de sang hépariné pour culture cellulaire à adresser à un laboratoire spécialisé pour la culture de Coxiella burnetii, Bartonella
spp., Tropheryma whipplei plus un tube de sérum
Sérologies pour Coxiella burnetii, Bartonella spp., Chlamydia Coloration de Gram (et de Giménez si suspicion de germes
spp., Aspergillus spp., Candida spp., Legionella spp., Brucella intracellulaires)
spp. et Mycoplasma spp. Cultures prolongées (acellulaires)
Si intervention chirurgicale : analyses des valves, de Méthodes moléculaires (PCR et séquençage)
végétations, d’emboles Analyses histologiques avec colorations spéciales
Congélation à –80 ◦ C (pour PCR et culture cellulaire dans des
laboratoires spécialisés) ainsi que congélation du sérum à –80 ◦ C

PCR : polymerase chain reaction ; HACCEK : Haemophilus parainfluenzae, Haemophilus aphrophilus, Actinobacillus actinomycetemcomitans, Cardiobacterium hominis, Capnocyto-
phaga sp., Eikenella corrodens, Kingella kingae.

bactériémie est constante. Dans la majorité des cas, les deux pre- burnetii est indispensable, les EI à C. burnetti représentant près
mières hémocultures sont positives. En l’absence de positivité, il de 3 % des endocardites [12] . Une sérologie Coxiella positive avec
convient de répéter les hémocultures trois jours plus tard et de des immunoglobulines G (IgG) antiphase 1 supérieures ou égales
faire le bilan d’endocardite à hémocultures négatives (Tableau 3). à 1/800 en immunofluorescence est un critère majeur de la clas-
Il convient de garder les hémocultures en incubation pendant sification de Duke modifiée [6] . L’autre sérologie à réaliser est
une durée située entre 15 jours et un mois, bien que le gain de celle de Bartonella qui est la troisième cause d’EI à hémocultures
sensibilité d’une incubation très prolongée paraisse très faible [8] . négatives [13] . En fonction du contexte clinique, peuvent être éga-
lement réalisées les sérologies Chlamydia spp., Brucella, Legionella
spp., Mycoplasma spp., Candida spp. et Aspergillus spp., ainsi que la
Échographie cardiaque polymerase chain reaction (PCR) Trophyrema whipplei dans la salive,
les selles, le sang et sur les biopsies digestives si fibroscopie réalisée.
L’échocardiographie est le second élément essentiel du
diagnostic d’une EI. Elle doit être pratiquée le plus rapide-
ment possible devant toute suspicion d’endocardite. Le type Autres moyens diagnostiques
d’échocardiographie, par voie transthoracique (ETT) ou transœ-
sophagienne (ETO), à pratiquer en premier dépend de l’index de Il convient de citer l’étude microbiologique et histologique des
suspicion, de l’échogénicité du patient et de son état clinique. valves, si le patient a été opéré, avec des colorations spéciales
L’ETO est plus sensible, en particulier pour le diagnostic des végé- (Giemsa, Gimenez) [7] , ainsi que la biologie moléculaire, notam-
tations et des abcès, notamment en cas de valve prothétique [9] . ment la recherche du gène codant pour l’acide ribonucléique
L’ETO fait systématiquement partie de la prise en charge d’une EI (ARN) 16S bactérien [14] . Elle permet l’amplification directement à
excepté en cas d’ETT de bonne qualité associée à une faible suspi- partir des valves reséquées de l’acide désoxyribonucléique (ADN)
cion d’EI et en cas d’EI du cœur droit. En l’absence de signes en bactérien du gène codant pour ARN 16S. Cette méthode gagne
faveur d’une endocardite à l’échographie, il convient de la répéter toute son importance dans le cadre des EI à hémocultures néga-
trois à cinq jours plus tard si la suspicion d’endocardite reste éle- tives, dans le cadre des endocardites classées comme possibles
vée [10] selon les recommandations américaines [10] et entre cinq et selon la classification de Duke pour confirmer ou infirmer le diag-
sept jours selon les recommandations européennes [11] . Les critères nostic, et dans le cadre d’une identification précise de l’espèce
de positivité d’une échocardiographie selon la classification de permettant d’améliorer la prise en charge [14] .
Duke [6] , qu’elle soit transthoracique ou transœsophagienne, sont Outre l’ETT et l’ETO, de nouvelles techniques tendent à
actuellement la présence de végétations (masse oscillante intracar- affirmer le diagnostic dans certaines circonstances. En effet,
diaque au niveau d’une valve, d’une structure supportrice ou d’un l’angio-tomodensitométrie cardiaque (angio-TDM) peut être uti-
dispositif intracardiaque et située sur le trajet d’un flux de régur- lisé pour détecter des abcès [11] et a montré sa supériorité
gitation), la présence d’un abcès, ou la présence d’une nouvelle sur l’échocardiographie dans le contexte de dysfonctions de
déhiscence d’une valve prothétique. L’échocardiographie permet valves prothétiques [15] . Dans le cas de cardiopathie congénitale
également de détecter les complications éventuelles de l’EI telles complexe, il peut également être d’un fort intérêt. L’imagerie
qu’une insuffisance valvulaire sévère ou un abcès périvalvulaire et nucléaire avec la tomographie par émission de positrons (TEP)
doit donc être faite de manière régulière, notamment à la fin du couplé au TDM est devenue une méthode supplémentaire dans
traitement. le cas de diagnostics difficiles [11] , en particulier pour les por-
teurs de pacemaker [16] . Par sa sensibilité dans le diagnostic
des événements cérébraux secondaires, l’imagerie par résonance
Sérologies magnétique (IRM) prend toute sa place dans le diagnostic des
EI difficiles, tout comme la TDM à la recherche d’emboles sep-
tiques [11] .

“ Point fort
 Traitement et prise en charge
Les hémocultures et l’échocardiographie restent les
moyens diagnostiques les plus importants. La sérologie et
Prise en charge initiale
la biologie moléculaire prennent une place importante en En cas de suspicion d’endocardite, le bilan initial doit compren-
cas d’endocardite à hémoculture négative. dre, en plus des hémocultures, d’une échocardiographie et
d’éventuelles sérologies, une numération formule sanguine et
une protéine C réactive (CRP), une créatinine avec ionogramme
Dans le cadre de l’investigation étiologique d’une endocardite sanguin pour évaluer la fonction rénale et adapter la posologie
à hémocultures négatives (Tableau 3), la sérologie de Coxiella des antibiotiques, ainsi qu’un électrocardiogramme (ECG) pour

EMC - Traité de Médecine Akos 3


4-0855  Endocardite infectieuse : du diagnostic au traitement

Tableau 4.
Traitement des endocardites à streptocoques et à entérocoques.
Germe responsable Antibiotique Durée
Streptocoques (viridans et gallolyticus) Pénicilline G (12–18 millions UI/j en perfusion Un mois si ß-lactamine seule ou 15 jours si
sensibles à la pénicilline (CMI ≤ 0,1 mg/l) continue) ou amoxicilline (100 mg/kg/j) ou bithérapie dans les formes non compliquées
ceftriaxone (2 g/j) ± gentamicine (3 mg/kg/j en Deux semaines de bithérapie puis 2-4 semaines de
une à deux fois) ß-lactamine seule dans les formes compliquées ou
sur prothèse
Streptocoques (viridans et gallolyticus) peu Pénicilline G (18–24 millions UI/j en perfusion 15 jours de bithérapie puis deux semaines de
sensibles à la pénicilline (CMI > 0,1 et continue) ou amoxicilline ß-lactamine seule (quatre semaines de ß-lactamine
≤ 0,5 mg/l), streptocoques déficients, (200 mg/kg/j) + gentamicine (3 mg/kg/j en une à seule dans les formes compliquées ou sur prothèse)
streptocoques tolérants deux fois)
Streptocoques résistants à la pénicilline Pénicilline G (18–30 millions UI/j) ou Quatre semaines dont deux semaines de bithérapie,
(CMI > 0,5 mg/l) amoxicilline (200 mg/kg/j) + gentamicine six semaines pour les porteurs de prothèses
(3 mg/kg/j en une à deux fois)
Entérocoques Pénicilline G (18–30 millions UI/j) ou Quatre semaines de ß-lactamines
amoxicilline (200 mg/kg/j) + gentamicine Six semaines pour les patients porteurs de prothèse
(3 mg/kg/j en une à deux fois) et les patients ayant des symptômes depuis plus de
trois mois
Deux à six semaines de bithérapie (certains experts
recommandent deux semaines)
Cas particuliers des Enterococcus faecalis avec Amoxicilline (200 mg/kg/j) + ceftriaxone 4 g/j en Six semaines de bithérapie
haut niveau de résistance à la gentamicine deux fois
ou chez les patients insuffisants rénaux

Vancomycine ou teicoplanine si allergie à la pénicilline de type immédiate ou haut niveau de résistance à la pénicilline (ampicilline) (concentration minimale inhibitrice
[CMI] ≥ 16 mg/l) (E. faecium). Vancomycine : 15 mg/kg en dose de charge puis 30 à 60 mg/kg en perfusion continue/24 heures ou 1 g toutes les 8 à 12 heures (selon dosages :
plateau 30–40 mg/l ; résiduel 20 mg/l). Teicoplanine : 6–12 mg/kg toutes les 12 heures en dose de charge pendant un à quatre jours puis 6–12 mg/kg par jour selon résultats
des dosages (résiduel entre 20 et 40 mg/l).

Tableau 5.
Traitement des endocardites à staphylocoque et à germes du groupe HACCEK (Haemophilus parainfluenzae, Haemophilus aphrophilus, Actinobacillus actino-
mycetemcomitans, Cardiobacterium hominis, Capnocytophaga sp., Eikenella corrodens, Kingella kingae).
Germe responsable Antibiotique Durée
Staphylocoques sensibles Oxacilline ± gentamicine sur valve native + rifampicine a Quatre à six semaines (six semaines si prothèse)
à la méticilline si prothèse Si aminosides : durée de trois à cinq jours si valve native et
15 jours si prothèse
Staphylocoques résistants Vancomycine ou teicoplanine ± gentamicine sur valve Quatre à six semaines (six semaines si prothèse)
à la méticilline native + rifampicine a si prothèse Si aminosides : durée de trois à cinq jours si valve native et
15 jours si prothèse
HACCEK Ceftriaxone ou céfotaxime ou amoxicilline Un mois

Oxacilline : 150–200 mg/kg par jour, de préférence en intraveineuse avec seringue électrique après un bolus de 2 g sur une heure.
Gentamicine : 3 mg/kg en deux injections par jour.
a
Rifampicine : 900 à 1200 mg/j. La rifampicine est seulement recommandée pour les patients porteurs de valve, et doit être commencée trois à cinq jours après le début
de la vancomycine et de la gentamicine.

dépister un éventuel bloc de conduction suggestif d’abcès intra-


cardiaque.
Un bilan d’extension doit être pratiqué une fois le diagnostic
d’endocardite établi afin de dépister d’éventuelles complications.
“ Point fort
Ainsi il faut éliminer la présence de foyers septiques à distance,
Le traitement antibiotique doit être prolongé,
notamment au niveau du foie et de la rate par une imagerie appro-
priée (scanner). En cas de suspicion clinique d’accident vasculaire bactéricide et à forte posologie.
ou d’anévrisme mycotique, un scanner cérébral doit être réalisé,
et notamment avant une chirurgie pour éliminer une hémorragie
intracrânienne. En cas de symptomatologie évocatrice, une spon- multidisciplinaire (équipe endocardite [11] ) comprenant le car-
dylodiscite doit être éliminée par des radios standard ou, mieux, diologue, le chirurgien, l’infectiologue et le microbiologiste.
une IRM. Sur le plan biologique, il faut rechercher une gloméru- Le traitement antibiotique doit être bactéricide et d’une durée
lonéphrite en quantifiant la protéinurie ainsi que la présence de prolongée. Le traitement est généralement administré initia-
vascularite en recherchant les complexes immuns circulants et les lement par voie parentérale afin d’obtenir des concentrations
facteurs rhumatoïdes et autres marqueurs immunologiques (fac- sanguines élevées permettant d’assurer une concentration efficace
teurs antinucléaires [FAN], etc.). Finalement, une recherche de la de l’antibiotique dans la végétation. En relais, un traitement oral
porte d’entrée doit être entreprise avec un panoramique dentaire peut être prescrit mais dont la faisabilité et les modalités doivent
en cas d’endocardite à streptocoques oraux, une colonoscopie en être définies en concertation avec les infectiologues. Le traitement
cas d’endocardite à S. gallolyticus du fait de l’association avec les antibiotique des situations les plus communes est détaillé dans les
tumeurs coliques, et un examen cytobactériologique des urines en Tableaux 4 à 6, ainsi que celui des cas plus compliqués.
cas d’endocardite à entérocoque. En plus du traitement antibiotique, un traitement chirurgical
est impératif dans certaines situations cliniques [17] , notamment
Traitement en cas d’insuffisance cardiaque, de persistance de la positivité
des hémocultures après plus d’une semaine de traitement, de la
Le traitement antibiotique d’une EI repose sur des principes présence d’abcès périvalvulaire, de germes difficiles à traiter, en
généraux. Il doit être entrepris dans le cadre d’une concertation particulier si l’EI est sur prothèse. Le traitement chirurgical est

4 EMC - Traité de Médecine Akos


Endocardite infectieuse : du diagnostic au traitement  4-0855

Tableau 6.
Traitement des endocardites à hémocultures négatives.
Situation clinique Traitement Durée
Native sans germes identifié Amoxicilline + gentamicine ou amoxicilline-acide Quatre à six semaines
clavulanique + gentamicine
Native sans germe identifié, avec sepsis sévère ou Amoxicilline + oxacilline + gentamicine
choc
Prothétique de moins d’un an sans germe identifié Vancomycine + gentamicine + rifampicine a Six semaines (deux semaines
pour la gentamicine)
Prothétique de plus d’un an sans germe identifié Amoxicilline + gentamicine ou amoxicilline-acide Six semaines
clavulanique + gentamicine ou vancomycine + gentamicine si
allergie à la pénicilline
Amoxicilline + oxacilline + gentamicine si sepsis sévère ou choc

Amoxicilline : 200 mg/kg par jour.


Gentamicine : 3 mg/kg par jour en deux injections.
Vancomycine : 15 mg/kg en dose de charge puis 30 à 60 mg/kg en perfusion continue/24 h ou 1 g toutes les 8 à 12 heures (selon dosages : plateau 30–40 mg/l ; résiduel
20 mg/l).
a
Rifampicine : 900 à 1200 mg/j. La rifampicine est seulement recommandée pour les patients porteurs de valve, et doit être commencée trois à cinq jours après le début
de la vancomycine et de la gentamicine.

Tableau 7. progressive d’une insuffisance valvulaire. Sa survenue est une indi-


Indications chirurgicales pour le traitement de l’endocardite infectieuse cation chirurgicale en urgence surtout due à une insuffisance
Indiscutables À discuter
aortique.
Les phénomènes emboliques surviennent dans 20 à 50 % des
Insuffisance cardiaque sévère liée Volumineuses végétations : cas, surtout en cas de grosse végétation mobile, d’endocardite à
à la destruction – avant ou au décours d’embolies S. aureus ou Candida essentiellement durant les 15 premiers jours
valvulaire/désinsertion de la – au décours d’un AVC de traitement [19] . Les territoires concernés sont surtout le sys-
prothèse – certains micro-organismes : tème nerveux central, les poumons, les extrémités et la rate.
Lésions extensives paravalvulaires Staphylococcus aureus sur prothèse L’anticoagulation n’a pas été prouvée efficace dans la diminution
(abcès, fistule, augmentation de la
des phénomènes emboliques dans le cadre d’une endocardite sur
taille de la végétation sous
valve native, ni d’ailleurs un traitement par aspirine [20] . Dans le
traitement)
cas d’une endocardite sur valve mécanique, le traitement anticoa-
Sepsis persistant (hémocultures
positives sous traitement)
gulant peut être poursuit en donnant de l’héparine, sauf dans le
Certains micro-organismes cas de la présence d’emboles cérébraux avec risque de transforma-
(Pseudomonas aeruginosa, Candida tion hémorragique.
spp.) en particulier sur prothèse Les anévrismes mycotiques surviennent, eux, dans une faible
Rechute proportion des endocardites, notamment au niveau des artères
intracrâniennes [21] . Ils sont associés à une nette augmentation
AVC : accident vasculaire cérébral. de la mortalité, surtout en cas de rupture. Le diagnostic est fait
par IRM cérébrale ou par angioscanner pratiqués en présence
souvent recommandé en cas d’insuffisance cardiaque réfractaire, de signes évocateurs (céphalées, déficit neurologique focal, etc.).
d’endocardite sur dispositif intracardiaque (pacemaker, défibril- Si la supériorité de l’IRM sur la TDM a été montrée, la TDM
lateur implantable), en cas de grosses végétations mobiles avec est d’une accessibilité plus grande, notamment pour les patients
risque embolique élevé et nécessite une discussion pluridiscipli- sévères [11] . Le traitement des anévrismes n’est pas bien codifié,
naire en cas d’endocardite à S. aureus sur prothèse. La chirurgie puisque la majorité peut guérir sous antibiothérapie seule, mais
doit être faite le plus tôt possible sauf en cas de comorbidités parfois le recours à un traitement, soit par voie chirurgicale, soit
sévères puisque le pronostic est moins bon en cas de traitement par voie endovasculaire, est nécessaire. D’une manière générale,
médical seul [18] . Les indications chirurgicales sont résumées dans les complications neurologiques sont associées à une mortalité
le Tableau 7. plus importante. La prévention de ces dernières et de leurs récur-
rences demeurent la prise en charge rapide initiale avec une
antibiothérapie appropriée, voire une chirurgie précoce [11] . La chi-
Cas particulier de l’endocardite du cœur droit rurgie est possible après un accident vasculaire cérébral d’origine
ischémique [11] en l’absence de coma ou de transformation hémor-
L’endocardite du cœur droit est peu fréquente et affecte par- ragique et un délai précoce a d’ailleurs montré son bénéfice.
ticulièrement les usagers de drogues et les patients porteurs de Schématiquement, une prise en charge en chirurgie cardiaque doit
cathéters veineux centraux. L’épidémiologie microbiologique est être reportée à un mois [11] en cas d’accident hémorragique, de
dominée par le S. aureus, et plus particulièrement résistants à coma, de lourdes comorbidités.
la méticilline. La particularité des EI du cœur droit repose sur :
l’utilité de certains antibiotiques comme la daptomycine (unique-
ment recommandée pour l’EI du cœur droit) ; la possibilité d’une
durée de traitement courte (15 jours) et d’un traitement exclusive-
ment par voie orale pour les S. aureus sensibles à la méticilline [11] .  Suivi et prophylaxie
Suivi du patient
Prise en charge des complications
Une fois le traitement de l’endocardite mis en place, il convient
Au cours d’une endocardite, plusieurs complications peuvent d’organiser un suivi régulier du patient :
survenir qu’il faut savoir dépister et traiter. Il s’agit notamment de • sur le plan clinique, il faut suivre la courbe de température,
l’insuffisance cardiaque, des phénomènes emboliques et septiques rechercher quotidiennement l’apparition d’un nouveau souffle
à distance et des anévrismes mycotiques. cardiaque, dépister l’apparition de phénomènes emboliques,
L’insuffisance cardiaque est une complication relativement fré- notamment cérébral ou vasculaire, ou des signes de vascularite.
quente associée à une plus grande mortalité. Elle peut survenir Il faut également faire des ECG régulièrement à la recherche
de façon brutale par désinsertion d’une prothèse ou par rup- d’un bloc auriculoventriculaire (BAV) qui peut être le reflet d’un
ture d’un cordage ou, de façon plus insidieuse, par aggravation abcès intracardiaque ;

EMC - Traité de Médecine Akos 5


4-0855  Endocardite infectieuse : du diagnostic au traitement

• sur le plan paraclinique, il convient de prélever des hémocul- Déclaration d’intérêts : J.-L. Mainardi déclare : Fonds de recherche expérimen-
tures de façon régulière [10] (une par jour) car la persistance de tale Novartis ; investigateur principal d’études cliniques Erempharma, honoraires
la positivité des hémocultures, une semaine après un traite- d’orateur : Novartis, AstraZeneca ; invitation congrès : Astellas, AstraZeneca ;
ment antibiotique bien conduit, est une indication opératoire. conseil scientifique : AstraZeneca, MSD.
Il faut également doser les antibiotiques pour monitoriser leur M.-P. Fernandez-Gerlinger déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation
efficacité (glycopeptides) ou leur toxicité (notamment les ami- avec cet article.
nosides). De plus, il faut surveiller la fonction rénale et ne
pas hésiter à demander un dosage des ß-lactamines en cas
d’insuffisance rénale, si on suspecte une évolution défavorable,  Références
ou lors du passage à une prise par voie orale. Il faut également
faire une échographie de contrôle vers le dixième jour de trai- [1] Selton-Suty C, Célard M, Le Moing V, Doco-Lecompte T, Chirouze
tement pour noter l’évolution des végétations et détecter la C, Lung B, et al. Preeminence of Staphylococcus aureus in infec-
présence d’une éventuelle insuffisance cardiaque. tive endocarditis: a 1-year population-based Survey. Clin Infect Dis
Une fois le traitement de l’épisode aigu, il convient de suivre 2012;54:1230–9.
régulièrement le patient. La surveillance doit porter tant sur [2] Fournier PE, Thuny F, Richet H, Lepidi H, Casalta JP, Arzouni JP,
les complications cardiaques avec installation secondaire d’une et al. Comprehensive diagnostic strategy for blood culture–negative
insuffisance cardiaque, que sur le risque de complications infec- endocarditis: a prospective study of 819 new cases. Clin Infect Dis
tieuses avec un risque de rechute de l’endocardite à l’arrêt du 2010;51:131–40.
traitement. Il faut également donner au patient une carte de pro- [3] Houpikian P, Raoult D. Blood culture-negative endocarditis in
phylaxie de l’EI et lui expliquer les situations à risque. a reference center: etiologic diagnosis of 348 cases. Medicine
2005;84:162–73.
[4] Podglajen I, Mainardi JL. Apport des techniques de biologie molé-
Prophylaxie culaire dans le diagnostic des endocarditis infectieuses. Reanimation
2007;16:193–9.
[5] Que YA, François P, Haefliger JA, Entenza JM, Vaudaux P, Moreillon

“ Point fort P. Reassessing the role of Staphylococcus aureus clumping factor and
fibronectin-binding protein by expression in Lactococcus lactis. Infect
Immun 2001;69:6296–302.
[6] Li JS, Sexton DJ, Mick N, Nettles R, Fowler Jr VG, Ryan T, et al. Pro-
La prophylaxie des gestes dentaires n’est plus recomman- posed modifications to the Duke criteria for the diagnosis of infective
dée que pour les patients à haut risque (cardiopathie cya- endocarditis. Clin Infect Dis 2000;30:633–8.
nogène, prothèse valvulaire et antécédent d’endocardite). [7] Mainardi JL, Vandenesch F, Casalta JP, N’Guyen J, Benoît C,
Tissot-Dupont H, et al. Recommandations pour le diagnostic micro-
biologique et l’étude anatomopathologique des valves cardiaques au
cours des endocardites infectieuses. Bull Soc Fr Microbiol 1995;10:
La place de la prophylaxie de l’EI est de plus en plus débat- 12–5.
tue, d’autant plus qu’elle ne permet de prévenir qu’un faible [8] Baron EJ, Scott JD, Tompkins LS. Prolonged incubation and extensive
pourcentage des endocardites vu que la durée cumulée des bac- subculturing do not increase recovery of clinically significant microor-
tériémies est beaucoup plus longue lors des gestes de la vie ganisms from standard automated blood culture bottles. Clin Infect Dis
quotidienne (brossage des dents et mastication par exemple) que 2005;41:1677–80.
lors des gestes dentaires [22] . Actuellement, il est admis qu’une [9] Daniel WG, Mugge A, Grote J, Hausmann D, Nikutta P, Laas J,
bonne hygiène et des soins dentaires réguliers sont plus impor- et al. Comparison of transthoracic and transesophageal echocardio-
tants que la prophylaxie lors des gestes dentaires à risque et que graphy for detection of abnormalities of prosthetic and bioprosthetic
cette dernière ne permet de prévenir qu’un très faible nombre valves in the mitral and aortic positions. Am J Cardiol 1993;71:
d’endocardites [23] . Les recommandations actuelles n’indiquent 210–5.
une prophylaxie que pour les sujets à haut risque (cardiopathie [10] Baddour LM, Wilson WR, Bayer AS, Fowler Jr VG, Tleyjeh I, Rybak
cyanogène, prothèse valvulaire et antécédent d’endocardite) et M, et al. Infective endocarditis in adults: diagnosis, antimicrobial the-
dans des gestes à risque [24, 25] . rapy, and management of complications. A scientific statement for
healthcare professionals from the American Heart Association. Circu-
Au niveau dentaire, la prophylaxie est recommandée pour tout
lation 2015;132:1435–86.
geste qui comprend une manipulation de la gencive, de la région
[11] Habib G, Lancellotti P, Antunes M, Bongiorni MG, Casalta JP, Del
périapicale des dents, ou une perforation de la muqueuse orale Zotti F, et al. ESC Guidelines for the management of infective
chez des patients à haut risque. Le traitement recommandé est à endocarditis. The task force for the management on infective endo-
base d’amoxicilline 3 g per os 60 minutes avant la procédure [25] . carditis of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J
En cas d’allergie, le traitement recommandé est la clindamycine 2015;36:3075–128.
600 mg une fois ou la pristinamycine 1 g. Pour les procédures [12] Brouqui P, Raoult D. Endocarditis due to rare and fastidious bacteria.
gastro-intestinales et urinaires, l’antibioprophylaxie n’est plus Clin Microbiol Rev 2001;14:177–207.
recommandée. [13] Raoult D, Fournier PE, Vandenesch F, Mainardi JL, Eykyn SJ, Nash J,
et al. Outcome and treatment of Bartonella endocarditis. Arch Intern
Med 2003;163:226–30.
 Conclusion [14] Podglajen I, Bellery F, Poyart C, Coudol P, Buu-Hoï A, Bruneval P,
et al. Comparative molecular and microbiologic diagnosis of bacterial
L’EI est une maladie qui continue d’avoir le même taux de pré- endocarditis. Emerg Infect Dis 2003;9:1543–7.
valence et de mortalité malgré les avancées dans la prévention et [15] Fagman E, Perrotta S, Bech-Hanssen O, Flinck A, Lamm C, Olai-
le traitement du fait de sa survenue de plus en plus chez le sujet son L, et al. ECG-gated computed tomography: a new role for
patients with suspected aortic prosthetic valve endocarditis. Eur Radiol
âgé et l’émergence des endocardites associées aux soins. Les fac-
2012;22:2407–14.
teurs de risque traditionnels ne sont plus retrouvés que dans une
[16] Bensimhon L, Lavergne T, Hugonnet F, Mainardi JL, Latremouille
faible proportion des cas. Les germes les plus fréquemment retrou- C, Manoury C, et al. Whole body (18F) fluorodeoxyglucose posi-
vés sont S. gallolyticus et les staphylocoques, tout particulièrement tron emission tomography imaging for the diagnosis of pacemaker
S. aureus. Les moyens diagnostiques reposent sur les hémocultures or implantable cardioverter defibrillator infection: a preliminary pros-
et l’échocardiographie avec un rôle important des techniques pective study. Clin Microbiol Infect 2011;17:836–44.
de biologie moléculaire et de la sérologie en cas d’EI à hémo- [17] Delahaye F, Célard M, Roth O, de Gevigney G. Indications and
culture négative. Enfin, la chirurgie prend de plus en plus une optimal timing for surgery in infective endocarditis. Heart 2004;90:
place prépondérante dans le traitement adjuvant de l’endocardite, 618–20.
notamment en cas d’apparition de complications infectieuses ou [18] Habib G, Avierinos JF, Thuny F. Aortic valve endocarditis: is there an
cardiaques. optimal surgical timing? Curr Opin Cardiol 2007;22:77–83.

6 EMC - Traité de Médecine Akos


Endocardite infectieuse : du diagnostic au traitement  4-0855

[19] Steckelberg JM, Murphy JG, Ballard D, Bailey K, Tajik AJ, Taliercio [23] Duval X, Alla F, Hoen B, Danielou F, Larrieu S, Delahaye F, et al.
CP, et al. Emboli in infective endocarditis: the prognostic value of Estimated risk of endocarditis in adults with predisposing cardiac
echocardiography. Ann Intern Med 1991;114:635–40. conditions undergoing dental procedures with or without antibiotic
[20] Chan KL, Tam J, Dumesnil JG, Cujec B, Sanfilippo AJ, Jue J, et al. prophylaxis. Clin Infect Dis 2006;42:e102–7.
Effect of long-term aspirin use on embolic events in infective endocar- [24] Wilson W, Taubert KA, Gewitz M, Lockhart PB, Baddour LM, Levi-
ditis. Clin Infect Dis 2008;46:37–41. son M, et al. Prevention of infective endocarditis: guidelines from the
[21] Francioli P. Central nervous system complications of infective endo- American Heart Association: a guideline from the American Heart
carditis. In: Scheld WM, Whiteley RJ, Durack DT, editors. Infections Association Rheumatic Fever, Endocarditis, and Kawasaki Disease
of the Central Nervous System. New York: Raven Press; 1991. Committee, Council on Cardiovascular Disease in the Young, and
p. 515–59. the Council on Clinical Cardiology, Council on Cardiovascular Sur-
[22] Roberts GJ. Dentists are innocent ! “Everyday” bacteremia is the real gery and Anesthesia, and the Quality of Care and Outcomes Research
culprit: a review and assessment of the evidence that dental surgical Interdisciplinary Working Group. Circulation 2007;116:1736–54.
procedures are a principal cause of bacterial endocarditis in children. [25] Prophylaxie de l’endocardite infectieuse. Révision de la conférence de
Pediatr Cardiol 1999;20:317–25. consensus de mars 1992. Med Mal Infect 2002;32:587–95.

M.-P. Fernandez-Gerlinger, CCA.


J.-L. Mainardi, Professeur des Universités, praticien hospitalier (jean-luc.mainardi@aphp.fr).
Faculté de médecine Paris Descartes, 15, rue de l’École-de-Médecine, 75270 Paris cedex 06, France.
Unité mobile de microbiologie clinique, service de microbiologie, Hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Fernandez-Gerlinger MP, Mainardi JL. Endocardite infectieuse : du diagnostic au traitement. EMC - Traité
de Médecine Akos 2016;11(3):1-7 [Article 4-0855].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Traité de Médecine Akos 7


4-0860

4-0860

Infections respiratoires
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

supérieures
P Gehanno

Q ue ce soit chez l’enfant ou chez l’adulte, les infections respiratoires supérieures représentent une part majeure
de la pratique médicale, probablement le plus important motif de consultation chez l’enfant au-dessous de
3 ans. Dans toutes les tranches d’âge, plus particulièrement chez l’enfant, elles représentent la principale cause de
prescription d’antibiotiques en pratique de ville. Nous envisagerons essentiellement les infections aiguës, les
pathologies chroniques étant plus particulièrement prises en charge par les spécialistes oto-rhino-laryngologistes.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : otites, angines, sinusites, infections respiratoires supérieures communautaires, infections


oto-rhino-laryngologiques.


et S. pneumoniae qui, au cours de cette dernière moins fréquentes que l’enfant est plus grand, mais
Agents infectieux décennie, ont été fortement marqués par une elles représentent de toutes les façons un des
diminution in vitro de leur sensibilité aux antibiotiques problèmes de cette pathologie.
habituellement utilisés dans les infections ‚ Épidémiologie bactérienne
Les infections respiratoires supérieures sont virales respiratoires : bêtalactamines et macrolides.
ou bactériennes. Dans la majorité des cas, au moins Soixante-dix pour cent des otites moyennes aiguës
L’incidence clinique de cette diminution de sensibilité
pour ce qui concerne les infections des cavités de l’enfant sont indiscutablement bactériennes. La
est variable en fonction de l’âge du patient et de
annexées au rhinopharynx et aux fosses nasales signification des 30 % restants n’est pas univoque :
l’espèce bactérienne considérée. Elle est donc
(oreilles et sinus), il y a une connivence étroite entre étiologie virale exclusive ? germe intracellulaire ? H.
envisagée successivement dans le cadre de chaque
virus et bactérie, l’infestation virale étant un préalable i n fl u e n z a e représente 40 % des étiologies
pathologie.
habituel à l’infection bactérienne. L’agression virale, bactériennes, S. pneumoniae 30 %, B. catarrhalis
rhinopharyngite de l’enfant et rhume commun de ‚ Au niveau de l’oropharynx environ 10 %. Diverses espèces (Pseudomonas
l’adulte, est inductrice d’infections bactériennes (otite et aeruginosa, Staphylococcus aureus, S. pyogenes...) se
Au niveau de l’oropharynx (partie médiane du
sinusite) en réalisant un véritable mordançage de la partagent les autres étiologies bactériennes. Le fait
pharynx qui est accessible à l’inspection avec un
muqueuse de type respiratoire qui est abrasée par les marquant de ces 10 dernières années, concernant les
abaisse-langue), Hæmophilus et Pneumococcus n’ont
virus et perd ainsi son pouvoir de clairance otites, a été la diminution de sensibilité aux
plus de rôle pathogène. Une espèce bactérienne est
mucociliaire. En effet, la détersion de l’épithélium fait antibiotiques des deux principales espèces
principalement impliquée : il s’agit de streptocoques
disparaître, jusqu’au moment de leur régénérescence responsables. Le mécanisme quasi exclusif de la
bêtahémolytiques, essentiellement du groupe A
qui va se faire en une douzaine de jours, les glandes à résistance d’Hæmophilus à l’amoxicilline, actuelle-
(Streptococcus pyogenes). La résurgence, pour des
mucus et les cellules ciliées. Les bactéries résidentes, ment, est la production d’une bêtalactamase, enzyme
raisons de moindre protection vaccinale, d’angines
commensales, modifient ainsi leur rapport avec la de dégradation qui scinde les pénicillines A. Ce
diphtériques dans certaines régions d’Europe, doit
muqueuse et deviennent pathogènes. phénomène, qui a d’abord été identifié aux États-Unis,
nous rendre à nouveau vigilants vis-à-vis de cette
a été remarqué en France au milieu de la décennie
‚ Au niveau du rhinopharynx pathologie. Mais au niveau de l’oropharynx, comme
1980. Il a concerné 30 % des espèces d’Hæmophilus
et des fosses nasales nous le verrons ultérieurement, ce sont les étiologies
de façon stable de 1990 à 1996, pour croître
virales qui représentent la principale cause des
Le rhinopharynx de l’enfant est colonisé très vite brutalement à partir de 1996 jusqu’à atteindre 70 %
angines, aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant.
après la naissance par Hæmophilus influenzae, par des souches d’Hæmophilus isolées d’otite de l’enfant
Streptococcus pneumoniae (surtout de sérotype 23) et dans la région parisienne. L’utilisation d’une


par Branhamella catarrhalis. Ces trois espèces vont association d’antibiotiques permettant de bloquer les
persister avec des variations quantitatives entre elles et Otites de l’enfant bêtalactamases (association amoxicilline-acide
avec l’acquisition d’autres sérotypes selon un turn over clavulanique) ou l’utilisation de céphalosporines
qui dépend des antibiothérapies reçues et des d’abord faiblement résistantes aux bêtalactamases
« fréquentations » de l’enfant. Elles sont associées à Principale maladie infectieuse de l’enfant, les otites (céphalosporines de première génération : céfaclor,
d’autres espèces bactériennes qui sont rarement moyennes aiguës comportaient jadis un taux de céfatrizine, céfadroxil) puis de céphalosporines
responsables d’otites, tandis qu’elles-mêmes, ainsi que morbidité et de mortalité important en raison des fortement résistantes aux bêtalactamases (deuxième
nous l’avons déjà mentionné, sont susceptibles de le complications locales (mastoïdite) et locorégionales génération : céfuroxime axétil ou troisième
devenir, déterminant des infections de voisinage à méningoencéphaliques. Leur pronostic a été génération : céfixime et cefpodoxime proxétil) a
l’occasion des rhinopharyngites virales. transformé par l’antibiothérapie. Les otites s’observent permis de contrôler l’incidence clinique de ce
Trois bactéries sont ainsi quasi exclusivement surtout avant l’âge de 3 ans, avec un maximum de mécanisme de résistance, de telle sorte que la
responsables de l’infection des cavités annexées aux fréquence entre 12 et 24 mois. Leur pronostic en diminution de sensibilité d’Hæmophilus aux
fosses nasales. Ce sont H. influenzae, S. pneumoniae et termes de durée d’évolution et de fréquence des antibiotiques est actuellement plus une donnée de
B. catarrhalis. B. catarrhalis est peu virulente. Les otites récurrences est d’autant plus péjoratif qu’elles bactériologie qu’un véritable problème en clinique.
à Branhamella guérissent volontiers spontanément, surviennent plus tôt dans l’âge de l’enfant. Si la L’apparition de souches de pneumocoque de
ne sont pas dangereuses, ne se compliquent pas de première otite survient avant l’âge de 6 mois, des sensibilité anormale pose davantage de problèmes.
méningite. Restent donc essentiellement H. influenzae récidives sont quasi inéluctables. Elles sont d’autant Les pneumocoques ayant une sensibilité diminuée à la

1
4-0860 - Infections respiratoires supérieures

pénicilline ont concerné prioritairement, dans tous les simplement rosé ou rouge mais sans diminution de données de l’antibiogramme. Si l’on a affaire à un
pays où ils ont été isolés, des souches de transparence, tel que l’on peut l’observer au cours pneumocoque ayant une CMI inférieure à 2 mg/L, il
pneumocoque de portage rhinopharyngé, d’une banale rhinopharyngite chez un enfant qui peut être prescrit, en l’absence de vomissements, de
principalement à l’origine le sérotype 23. Cela explique pleure. Plus l’enfant est jeune, et c’est habituellement le l’amoxicilline à la dose de 150 mg/kg/j. Si l’on a affaire
que ces souches de pneumocoques « résistants » ont cas en dessous de 18 mois, plus fréquemment l’otite à un pneumocoque de haut niveau de résistance avec
été identifiées essentiellement chez l’enfant et quasi est bilatérale. La conviction résultant de l’examen une CMI supérieure ou égale à 2 mg/L, il faut
exclusivement, soit au niveau de prélèvements otoscopique que l’on a de l’existence d’une privilégier la ceftriaxone en injection intramusculaire
rhinopharyngés, soit dans le pus de l’otorrhée authentique otite moyenne aiguë doit entraîner la quotidienne unique à la dose de 50 mg/kg/j pendant
purulente d’une otite moyenne aiguë. Ultérieurement, prescription d’une antibiothérapie. au minimum 3 jours.
d’autres sérotypes ont été concernés par le
phénomène de résistance (6, 14, 19...). Les infections ‚ Traitement antibiotique ‚ Otites récidivantes
respiratoires basses de l’adulte ont été plus Il est certes probabiliste, mais il doit être
Les récidives sont favorisées par la persistance de
tardivement et restent encore moins concernées que actuellement largement guidé, d’une part par
cet épanchement réputé aseptique dans l’oreille
les infections oto-rhino-laryngologiques (ORL) de l’existence de corrélations bactériocliniques, d’autre
moyenne, que l’on appelle otite séreuse, qui est d’une
l’enfant. La résistance du pneumocoque est liée à la part par la connaissance de facteurs de risque qui ont
grande banalité dans les suites immédiates de l’otite,
modification sur sa capsule de la protéine de liaison à été dégagés, d’avoir affaire à un pneumocoque de
pour disparaître spontanément dans 95 % des cas
la pénicilline. Cette résistance concerne non seulement sensibilité diminuée.
dans le mois qui suit. Lorsque cette otite séreuse
la pénicilline, mais à des degrés divers toutes les Les corrélations bactériocliniques sont au nombre
persiste au-delà de 1 mois, les enfants concernés
bêtalactamines. Certaines sont très touchées par le de deux :
voient leur risque de faire d’autres otites moyennes
phénomène, comme les céphalosporines de première – la coexistence chez le même enfant d’une
aiguës bactériennes multiplié par 5.
génération, d’autres comme l’amoxicilline, le conjonctivite purulente et d’une otite doit faire
suspecter, comme responsable des deux sites Quelle attitude doit-on avoir face à ces otites
céfuroxime axétil ou le cefpodoxime proxétil
infectieux, un H. influenzae ; récidivantes ?
conservent une efficacité sur les pneumocoques de
bas niveau de résistance, alors que les céphalospori- – la possibilité que cet Hæmophilus soit producteur S’il existe une otite séreuse persistante, il faut la
nes de troisième génération injectables (ceftriaxone et de bêtalactamases doit inciter à prescrire soit une traiter en réalisant une adénoïdectomie, et si cela ne
céfotaxime) sont encore efficaces sur les pneumoco- association amoxicilline-acide clavulanique, soit une suffit pas, mettre en place un aérateur transtympani-
ques de haut niveau de résistance. Le phénomène de céphalosporine hautement résistante aux que. Chez les enfants qui fréquentent une crèche, le
résistance est croisé avec les macrolides, il ne l’est pas bêtalactamases, du type céfixime. retrait de la crèche est une mesure recommandée,
avec les synergistines (pristinamycine). Des échecs Les otites fébriles avec une fièvre supérieure ou mais bien entendu, elle n’est pas toujours réalisable.
cliniques sont observés lors des otites à pneumoco- égale à 38,5 °C, et d’autant plus si elles sont très L’antibiothérapie de longue durée, à dose
ques ; ils sont corrélés au niveau de résistance de la algiques, doivent faire suspecter l’implication d’un infrathérapeutique, qui a longtemps été recomman-
souche isolée. Ces échecs sont significativement plus pneumocoque. dée, ne se justifie plus actuellement, notamment dans
élevés lorsque la souche a une concentration Il existe des facteurs de risque d’avoir affaire à un le contexte de l’accroissement des résistances
minimale inhibitrice (CMI) à la pénicilline supérieure ou pneumocoque de sensibilité diminuée. Ce sont : bactériennes. Bien souvent, on est amené à traiter
égale à 2 mg/L. De ces considérations vont dépendre – l’âge de l’enfant, inférieur ou égal à 18 mois ; plusieurs épisodes d’otite bactérienne successifs.
les choix antibiotiques que nous détaillerons – la fréquentation d’une crèche ; Parents et médecins, dans ce cas, doivent s’armer de
ultérieurement. – l’administration d’antibiotiques pour quelque patience en attendant que la maturation du système
raison que ce soit dans les 3 mois précédents ; immunitaire, allant de pair avec la croissance de
‚ Diagnostic d’otite moyenne aiguë – l’existence d’une otite en situation d’échec déjà l’enfant, diminue spontanément les récurrences
L’otite se discute habituellement au cours ou au traitée. otitiques.
décours immédiat d’une rhinopharyngite virale, si Lorsque ces facteurs de risque sont réunis, il faut En conclusion, les otites de l’enfant sont très
banale chez l’enfant, et qui a été reconnue sur privilégier l’administration d’un antibiotique encore fréquentes, et la reconnaissance de cette donnée
l’association d’une obstruction nasale, d’un jetage efficace sur les pneumocoques de bas niveau de épidémiologique ne doit pas entraîner des traitements
mucopurulent, d’une toux fréquente associée à une résistance, comprenant les pneumocoques dits de par excès. Le diagnostic doit être fondé sur un bon
fièvre. S’il s’agit d’un grand enfant, il exprime sensibilité intermédiaire (CMI à la pénicilline comprise examen otoscopique. Dès lors que le diagnostic a été
spontanément l’existence d’une otalgie ; chez le entre 0,125 et 1 mg/L). Trois produits peuvent être bien posé, une antibiothérapie s’impose, dont l’objectif
nourrisson, elle est évoquée lorsqu’il porte retenus : l’association amoxicilline-acide clavulanique essentiel est de mettre l’enfant à l’abri des
fréquemment la main à son oreille et devant comportant 80 mg/kg d’amoxicilline, le cefpodoxime complications méningoencéphaliques. Actuellement,
l’existence de cris répétitifs et de pleurs nocturnes. proxétil ou le céfuroxime axétil. dans le contexte que nous connaissons des résistances
Même en l’absence de symptomatologie fonction- Bien entendu, un traitement symptomatique bactériennes, le choix de l’antibiotique doit être affiné
nelle, évoquée ou exprimée, il faut rappeler que antalgique et antipyrétique doit être administré. À en fonction des corrélations bactériocliniques que
l’examen des tympans doit être systématique chez défaut d’une nouvelle consultation, un contact nous avons évoquées et de l’existence de facteurs de
tout enfant enrhumé, fébrile. Il est bien entendu la clef téléphonique doit être ménagé avec la famille 4 jours risque d’avoir affaire à un pneumocoque résistant.
du diagnostic. Chez le grand enfant, l’examen est plus après l’institution du traitement. Si l’enfant présente
facile que chez le nourrisson. Il montre un tympan soit toujours des signes généraux (fièvre, troubles digestifs


épaissi, infiltré, comme il est classique de le dire, qui a éventuels), il doit être revu afin que l’état du tympan
perdu sa coloration gris rosé et sa transparence pour soit vérifié. Sinusites de l’enfant
prendre une couleur rouge lie-de-vin. Le relief du
manche du marteau oblique en haut et en avant a ‚ Échecs de ces traitements primaires
disparu et la courte apophyse du marteau, qui termine Lorsque l’otite persiste, à partir de 4 jours après Les sinus de la face, cavités paranasales, présentent
ce relief dans le quadrant antérosupérieur du tympan, l’institution du traitement, idéalement une paracentèse un continuum muqueux avec les fosses nasales. Ils
est elle-même noyée dans l’épaississement de la doit être réalisée pour identification bactériologique du sont revêtus par la même muqueuse respiratoire ciliée,
membrane. À un stade ultérieur, le tympan est bombé germe responsable. De la mise en culture du pus de caliciforme. Ils sont tous en libre communication avec
dans son quadrant postéro-inférieur, voire d’une façon l’otorrhée ressortent trois possibilités : les fosses nasales. La perméabilité de cette
semi-lunaire, réalisant un croissant concave vers le – culture stérile : aucun relais antibiotique n’est communication est le garant de l’absence de
haut. Chez le nourrisson, l’approche du tympan est justifié, il faut se contenter d’un traitement pathologie au niveau des sinus. À l’inverse des otites,
difficile car le conduit est étroit, encombré de débris symptomatique ; les sinusites sont rares chez l’enfant, très fréquentes
cérumineux, d’un nettoyage fastidieux et mal – mise en évidence d’un H. influenzae : prescription chez l’adulte. Cependant, deux catégories de sinusites
commode. Les modifications du tympan sont plus de céfixime ou d’une association amoxicilline-acide peuvent s’observer chez l’enfant : les sinusites
nuancées et une collection rétrotympanique peut clavulanique (si l’enfant bien entendu ne recevait pas ethmoïdales, aux alentours de 2 à 3 ans et à partir de
exister alors que le bombement de la membrane n’est déjà ce traitement) ; 3-4 ans, et les sinusites maxillaires qui sont beaucoup
pas évident. Cependant, elles doivent être – culture montrant un pneumocoque : le moins caractéristiques et moins dangereuses que les
suffisamment franches et distinctes d’un tympan traitement de substitution doit tenir compte des sinusites ethmoïdales.

2
Infections respiratoires supérieures - 4-0860


‚ Sinusites ethmoïdales de l’enfant ‚ Sinusites sphénoïdales
Chez un enfant de 2 à 3 ans, succédant à un rhume
Sinusites de l’adulte Le sphénoïde est le plus postérieur des sinus de la
banal, apparaît un mouchage purulent unilatéral, des face, profondément enchâssé à la jonction du tiers
céphalées et une tuméfaction œdémateuse à l’angle antérieur et du tiers moyen de la base du crâne. Les
‚ Sinusites maxillaires
interne de l’œil. La fièvre est aux alentours de 38,- sinusites sphénoïdales se caractérisent par une
Elles sont fréquentes chez l’adulte. On estime que sémiologie évocatrice, une bactériologie particulière, et
38,5 °C. La suspicion d’ethmoïdite, pathologie
les prescriptions d’antibiotiques pour sinusites un potentiel de complications endocrâniennes
dangereuse, impose sa confirmation par la pratique
maxillaires en France sont de l’ordre de 3 millions par particulièrement redoutables.
d’une tomodensitométrie qui va montrer une opacité
an. Un certain nombre a probablement été
ethmoïdale unilatérale et entraîner l’hospitalisation diagnostiqué en excès, et l’on peut approximative- Signes cliniques
pour mise en route d’un traitement par voie ment estimer les sinusites maxillaires aiguës entre 2 et
parentérale. H. influenzae et S. aureus sont les deux Les sinusites sphénoïdales se manifestent par des
2,5 millions par an. Ce chiffre élevé n’est pas étonnant céphalées profondes rétro-orbitaires irradiant au
germes principaux de l’ethmoïdite de l’enfant. Deux si l’on considère que chaque adulte fait environ trois vertex, un certain degré d’obnubilation et une absence
dangers sont possibles : l’un local, orbitaire, soit par rhumes communs par an, et que 1 à 2 % d’entre eux de mouchage antérieur. Celui-ci est remplacé par un
irruption du pus dans l’orbite, créant ainsi un abcès vont se compliquer de sinusite. écoulement postérieur, purulent, bien décrit par le
extrapériosté qui va comprimer le contenu orbitaire et Le diagnostic de sinusite maxillaire est facile lorsque malade et visible lors de l’examen à l’abaisse-langue
compromettre rapidement la fonction visuelle s’il n’est dans le cadre d’un rhume avec rhinorrhée claire puis de l’oropharynx, sous la forme d’un rideau de pus qui
pas évacué d’urgence, soit par survenue d’une cellulite purulente bilatérale, accompagnée d’obstruction tapisse la paroi pharyngée postérieure entre les piliers
susceptible de s’accompagner d’abcédation dans le nasale et de céphalées, survient une unilatéralisation postérieurs de l’amygdale. La bactériologie des
cône orbitaire limité par les muscles oculomoteurs ou des signes. Le mouchage ne se fait plus que d’un seul sinusites sphénoïdales, à côté des germes habituels,
en dehors du cône entre les muscles et le périoste. côté ; il est franchement purulent et s’accompagne de comporte un important pourcentage de S. aureus et de
Dans les deux cas, le pronostic visuel est très douleurs sous-orbitaires du côté du mouchage qui bactéries anaérobies. Il faut en tenir compte dans la
gravement en jeu. Ces complications orbitaires vont s’intensifient la nuit. En revanche, si la symptomatolo- prise en charge antibiotique.
cliniquement se manifester par l’apparition d’un gie demeure bilatérale, avec un mouchage purulent
important œdème palpébral avec parfois chémosis persistant des deux côtés accompagné de douleurs Complications méningoencéphaliques
(bourrelet conjonctival sous la forme d’une ligne rosée sous-orbitaires, il est difficile de faire le partage entre Elles sont dominées par les thrombophlébites du
qui apparaît sous le rebord ciliaire). Il faut soulever la une rhinite traînante et une rhinosinusite maxillaire sinus caverneux qui vont se manifester fréquemment
paupière pour rechercher une exophtalmie et une bilatérale. Dans ce cas, le diagnostic doit être étayé par par des crises convulsives inaugurales, et surtout par
limitation des mouvements orbitaires qui sont un un examen fibroscopique des fosses nasales qui va un syndrome du sinus caverneux associant un
indice pronostique péjoratif. montrer l’origine du pus sous le cornet moyen (siège œdème palpébral, une exophtalmie et des paralysies
Dans tous les cas, la répétition des scanners de drainage du sinus maxillaire dans les fosses oculomotrices, ainsi qu’une atteinte de la branche
permet : nasales). Si un tel examen ORL ne peut être effectué, ophtalmique du trijumeau, entraînant une
on peut se contenter d’une radiographie des sinus en hypoesthésie cutanée au-dessus du sinus frontal. La
– de dépister et de suivre ces complications
incidence de Blondeau (nez-menton-plaque) qui va thrombophlébite du sinus caverneux est plus
orbitaires en association avec l’examen
montrer trois types d’images : soit un niveau liquide fréquemment unilatérale que bilatérale. Des signes
ophtalmologique ;
qui est l’image la moins discutable de sinusite, soit une neurologiques déficitaires en foyer, labiles dans le
– de poser les indications thérapeutiques ;
opacité totale, soit un épaississement en cadre de la temps, vont survenir. Il existe habituellement un
– une évacuation chirurgicale d’urgence en cas muqueuse, dessinant un triangle supérieur à
d’abcès extraorbitaire ; syndrome méningé. Le pronostic vital est
5 millimètres d’épaisseur en dedans du triangle osseux extrêmement sévère, une issue fatale étant observée
– la chirurgie endo-orbitaire ophtalmologique, du contour sinusien. Un traitement antibiotique de 5 à dans plus de 50 % des cas. Chez les patients
éventuellement en cas d’abcédation intraorbitaire 8 jours, dirigé contre pneumocoque et Hæmophilus est survivants, des séquelles visuelles sont habituelles.
résistant à l’antibiothérapie et s’accompagnant d’une souhaitable pour hâter la guérison et éviter la
Le diagnostic de sinusite sphénoïdale n’est pas fait
dégradation de la fonction visuelle. survenue de complications méningoencéphaliques,
par les examens radiographiques conventionnels ; il
Le deuxième danger de ces ethmoïdites est la peu fréquente certes dans cette variété de sinusites,
faut d’emblée donner la préférence à l’examen
possibilité de survenue d’une thrombophlébite du mais qui reste une hypothèse toujours possible. Les
tomodensitométrique dès lors qu’il y a une suspicion
sinus caverneux et/ou d’une méningite. Le pronostic « résistances » d’Hi et de Sp chez l’adulte sont moins
clinique de sinusite sphénoïdale. Dans le cadre des
de la thrombophlébite du sinus caverneux est fréquentes que chez l’enfant. Elles sont de l’ordre de
sinusites sphénoïdales, nous prescrivons volontiers
redoutable, aussi bien sur le plan vital que pour ce qui 30 % pour Hi et de 50 % pour Sp. Au traitement
une association amoxicilline-acide clavulanique
concerne les séquelles visuelles. antibiotique doivent être associés des vasoconstric-
combinée à l’administration de fluoroquinolones. Un
teurs locaux et généraux et des antalgiques. La
scanner de contrôle doit être effectué aux alentours du
‚ Sinusites maxillaires de l’enfant prescription de corticoïdes pendant 3 à 4 jours est un
dixième jour de traitement. En l’absence d’améliora-
adjuvant qui paraît intéressant dans la mesure où il
Leur réalité est par période discutée, tant il est tion de l’image radiologique, ou si une complication
contribue à diminuer l’œdème qui obstrue les ostiums
difficile d’imputer à une opacité radiologique du sinus survient, il faut effectuer un drainage du sinus
de drainage sinusiens. Cette reperméabilisation des
maxillaire, chez l’enfant, une signification sphénoïdal par voie endonasale sous guidage
ostiums va permettre plus facilement l’évacuation du
pathologique. En effet, les sinus maxillaires, qui endoscopique.
pus endosinusien.
apparaissent chez l’enfant vers 2-3 ans, sont une
évagination des fosses nasales avec lesquelles ils ‚ Sinusites frontales et ethmoïdofrontales
communiquent largement. Ils se remplissent donc très
facilement de sécrétions nasales lors des pleurs. C’est
en définitif la clinique qui permet surtout de les
suspecter. Elle est relativement paucisymptomatique. Il
Elles se manifestent, outre un mouchage purulent,
par l’existence d’une douleur frontale sus-orbitaire
maximale en fin de matinée et en fin d’après-midi.
Elles présentent un potentiel de risques oculaires

Angines

Elles réalisent une situation inflammatoire, d’origine


s’agit d’une rhinopharyngite traînante qui reste identiques dans leur sémiologie, leur modalité infectieuse, atteignant l’oropharynx. Elles se
longtemps fébrile, avec un mouchage purulent qui évolutive et leur traitement à ceux des ethmoïdites de manifestent par des douleurs spontanées,
dure plus de 15 jours et s’accompagne d’une toux l’enfant. Elles sont également susceptibles de se constrictives, d’où le terme d’angine, et par des
surtout nocturne. C’est dans cette éventualité que compliquer de méningite et de suppuration douleurs déclenchées lors de la déglutition
l’opacité radiologique d’un ou des deux sinus endocrânienne, qu’ils s’agissent d’abcès extradural, (odynophagie), douleurs qui irradient souvent vers
maxillaires prend toute sa signification et permet d’empyème sous-dural ou d’abcès intracérébral. Les l’oreille. La fièvre est d’intensité variable. Les
d’entreprendre une antibiothérapie, essentiellement méningites sont fréquemment, dans ce cadre, des modifications du pharynx à l’inspection distinguent les
dirigée contre H. influenzae et S. pneumoniae. Les méningites à pneumocoque. Les abcès sont soit des angines érythémateuses où l’ensemble du pharynx est
sinusites frontales chez l’enfant n’apparaissent que abcès à germes anaérobies, soit des abcès à S. rouge vif, des angines érythématopultacées où les
vers la douzième année et sont alors semblables, dans pyogenes. Hæmophilus et pneumocoque sont les amygdales sont recouvertes par plages d’un enduit
leur sémiologie et leur évolution, à celles de l’adulte. pathogènes habituels des sinusites frontales. crémeux. Les angines pseudomembraneuses sont

3
4-0860 - Infections respiratoires supérieures

caractérisées par le développement d’une sorte de termes d’écologie bactérienne, dans une période où mononucléose infectieuse. La mononucléose étant
couenne qui tapisse les régions latérales de l’émergence des résistances devient préoccupante. La éliminée, il convient de faire un prélèvement de gorge
l’oropharynx. reconnaissance des angines streptococciques est à la recherche du bacille de Klebs-Loeffler et
actuellement facilitée par l’existence de kits d’entreprendre immédiatement une sérothérapie
‚ Angines bactériennes d’identification rapide qui permettent, au terme d’une antidiphtérique à la dose de 20 000 unités (0,1 mL par
Les angines liées au streptocoque bêtahémolytique, manipulation inférieure à 10 minutes, de mettre en voie sous-cutanée suivie, 15 minutes plus tard, par
essentiellement du groupe A, sont celles qui ont évidence, sur un prélèvement pharyngé, l’antigène 0,25 mL, et enfin, s’il n’y a pas de réaction, par la
monopolisé l’attention sur la pathologie pharyngée streptococcique. Dès lors que de tels kits, dont le coût totalité de la dose administrée pour moitié par voie
d’origine infectieuse. Elles représentent environ 30 % unitaire devrait se situer aux alentours de 15 francs, sous-cutanée, pour moitié par voie intramusculaire).
des angines chez l’enfant et 10 à 15 % chez l’adulte. seraient pris en charge par des organismes de sécurité L’hospitalisation est bien entendu nécessaire. Un
Leur présentation peut être celle d’une angine sociale, cette nouvelle stratégie thérapeutique dans traitement antibiotique par pénicilline est institué.
érythémateuse ou érythématopultacée. En revanche, l’angine pourrait devenir une réalité. En attendant ce L’entourage est également traité soit par pénicilline,
si elles s’accompagnent d’adénopathie, ce qui n’est moment, il faut certainement privilégier, si l’on soit par macrolide. La protection vaccinale est
pas très discriminant, elles ne comportent pas de continue à traiter toutes les angines comme si elles recherchée.
signes rhinopharyngés ou de toux associée. Les étaient streptococciques, la possibilité de traitements ‚ Angines fusospirillaires
risques de complications locorégionales persistent, raccourcis. Trois antibiotiques sont actuellement
Elles sont classiquement illustrées par une angine
phlegmon périamygdalien, abcès péripharyngé et reconnus par l’agence du médicament comme ayant
unilatérale comportant une exulcération reposant sur
cellulite cervicomédiastinale diffuse, à l’inverse du fait la preuve de leur possibilité d’éradication de S.
une base souple sur une amygdale. En fait, cette
risque de maladies post-streptococciques, et pyogenes lors de traitements courts. Ce sont
étiologie fusospirillaire peut être retrouvée dans des
notamment du rhumatisme articulaire aigu (RAA) qui l’amoxicilline en 6 jours, la josamycine en 5 jours et
angines érythémateuses banales. Elle est sensible à
s’est, dans nos régions, considérablement raréfié. Une l’azithromycine en 3 jours. Ces possibilités viennent se
l’association de pénicilline et de Flagylt.
enquête récente a montré que l’on observait en substituer au traitement dogmatique de l’angine en
France, actuellement, dix cas de rhumatisme articulaire 10 jours par la pénicilline V qui, il faut bien le ‚ Angines virales
chaque année. L’amélioration du niveau socioécono- reconnaître, n’est guère prescrite habituellement. Parmi les angines virales qui représentent
mique de la population, autant que l’antibiothérapie l’immense majorité des angines et qui sont liées à
systématique de toutes les angines, sont responsables ‚ Angines diphtériques l’adénovirus, le virus coxsakie et l’herpès virus, nous
de cette régression, ainsi que la quasi-disparition en L’absence ou la diminution de protection vaccinale retiendrons essentiellement la mononucléose
France des souches rhumatogènes. En effet, toutes les les ont fait resurgir dans les pays d’Europe de l’Est et infectieuse, détermination pharyngée de l’Epstein-Barr
souches de Streptococcus pyogenes ne sont pas très récemment, dans le bulletin épidémiologique virus.
susceptibles de déterminer l’apparition d’un RAA, et hebdomadaire, deux décès ont été rapportés au L’angine de la mononucléose infectieuse s’observe
seules les souches mucoïdes de type M sont Danemark. De tels cas, s’ils demeurent rares, doivent surtout chez les sujets jeunes. Elle est marquée par un
impliquées. Elles sont peu isolées en France, ce qui nous inciter à une particulière vigilance pour redonner syndrome général intense avec une fièvre élevée aux
n’exclut pas leur réapparition bien entendu. son actualité à la nécessité d’une protection vaccinale alentours de 39-40 °C, une asthénie profonde, parfois
Finalement, actuellement, c’est ce risque hypothétique régulièrement reconduite. Une injection de rappel un rash cutané. Localement, il y a des adénopathies
de RAA qui justifie la persistance d’une position (diphtérie-tétanos) est nécessaire tous les 10 ans. sous-angulomaxillaires bilatérales volumineuses et
dogmatique qui consiste à traiter toutes les angines Quant aux signes de l’angine diphtérique, ils doivent sensibles. À l’inspection de l’oropharynx, l’haleine est
dans la crainte de leur étiologie streptococcique, alors être connus de tous afin que cette maladie redoutable fétide et, là encore, il existe une fausse membrane qui
même qu’elles ne représentent, adultes et enfants soit immédiatement identifiée et traitée. n’est pas blanc nacré, mais grisâtre nécrotique.
confondus, que 15 à 20 % de l’étiologie de l’ensemble L’angine diphtérique se manifeste par des signes L’examen général montre en outre fréquemment une
des angines. Compte tenu de ce faible risque fonctionnels modérés, des adénopathies sous- hépatosplénomégalie. Le diagnostic repose sur un
d’étiologie streptococcique, minoré par un risque angulomaxillaires, un jetage nasal, fréquemment MNI-test dont le résultat est obtenu en quelques
devenu exceptionnel de RAA, nous sommes unilatéral, et à l’inspection du pharynx, signe cardinal, heures et la NFS montre une lymphocytose faite de
nombreux en France à militer pour une stratégie une angine pseudomembraneuse avec une fausse mononucléaires hyperbasophiles. Le bilan hépatique
d’antibiothérapie minimaliste dans les angines, visant membrane blanc nacré adhérente qui enchatonne les montre fréquemment un syndrome de cytolyse. Le
à ne traiter que les angines streptococciques. Cette piliers du voile du palais, recouvre l’amygdale et se traitement antibiotique n’est pas nécessaire, et si l’on
attitude ferait chuter la prescription d’antibiotiques prolonge sur le voile et dans le rhinopharynx. Devant souhaite malgré tout en prescrire, il faut éviter
dans l’angine de 9 millions actuellement à environ 2,5 un tel tableau, une diphtérie doit être immédiatement d’administrer de l’amoxicilline qui risque d’entraîner un
millions par an. Le bénéfice de cette désinflation serait évoquée. Il faut éliminer, en demandant un MNI-test et rash cutané intense. Une corticothérapie en cure
considérable en termes de coût de la santé et en une numération formule sanguine (NFS), une courte peut réduire la symptomatologie fonctionnelle.

Pierre Gehanno : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service,


service d’oto-rhino-laryngologie, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris cedex 18, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Gehanno. Infections respiratoires supérieures.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 4-0860, 2000, 4 p

4
 4-0880

Infections urinaires
H. Leroy, P. Tattevin

Les infections urinaires (IU) sont caractérisées par leur fréquence mais aussi par leur variété, allant de la
simple colonisation au choc septique. Il est fondamental de distinguer les situations d’IU simples des IU
compliquées où le terrain physiologique (enfant, homme, grossesse, sujet âgé), le terrain pathologique
(diabète, immunodépression, insuffisance rénale) ou l’existence d’une anomalie fonctionnelle de l’arbre
urinaire peuvent conduire à des tableaux cliniques graves. Il s’agit de la deuxième cause d’infections
bactériennes communautaires et elles touchent surtout la femme avec des pics de fréquence au début
de l’activité sexuelle, au moment de la grossesse et en postménopause. Les entérobactéries, majoritai-
rement Escherichia coli (E. coli), sont les principaux micro-organismes responsables des IU, avec une
augmentation actuelle de la résistance de celles-ci aux antibiotiques dont la pénicilline A, le cotrimoxazole
mais aussi les fluoroquinolones avec 10 % de souches résistantes. En conséquence, les céphalosporines
de 3e génération parentérales sont devenues le traitement probabiliste de 1re intention pour les infections
parenchymateuses. L’infection urinaire basse ou cystite associe brûlures mictionnelles, pollakiurie, pesan-
teur pelvienne et urines troubles, sans syndrome infectieux. S’il y a hyperthermie, on parle d’atteinte
parenchymateuse (pyélonéphrite ou prostatite), aiguë ou chronique. La bandelette urinaire est suffisante
pour le diagnostic de cystite aiguë simple de la femme jeune, mais dans les autres cas, l’examen de choix
est l’examen cytobactériologique des urines (ECBU). L’échographie des voies urinaires, voire l’uroscanner,
sera réalisée en cas d’atteinte parenchymateuse à la recherche d’une obstruction des voies urinaires ou
d’une complication à type d’abcès. La prise en charge thérapeutique associe des mesures hygiénodiété-
tiques, un drainage des urines si obstacle et une antibiothérapie probabiliste adaptée secondairement à
l’examen direct, à la bactérie isolée et à l’antibiogramme. En cas d’infection sur sonde urinaire, c’est une
indication à retirer la sonde ou à la changer pour se débarrasser des bactéries du biofilm à la surface de
la sonde.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Infections urinaires ; Cystite ; Prostatite ; Pyélonéphrite ; Bactériurie asymptomatique

Plan  De la physiopathologie
■ De la physiopathologie à la clinique 1 à la clinique
■ Épidémiologie 2 L’arbre urinaire est physiologiquement stérile et seul l’urètre dis-
Agents en cause 2 tal est colonisé par la flore fécale, cutanée et génitale. L’organisme
Accroissement de l’antibiorésistance 2 a des moyens de défense contre le développement d’une infection
■ Présentation clinique 2 « ascendante » à partir de cette flore (longueur de l’urètre, fré-
Signes cliniques communs 2 quence des mictions, flux mictionnel constant au niveau urétéral,
Formes topographiques 2 composition de l’urine, rôle bactéricide du mucus vésical).
Complications 2 L’IU communautaire est majoritairement de mécanisme
Formes particulières 2 « ascendant » avec invasion soit de la vessie, on parle alors de cys-
■ Prise en charge en pratique 3 tite, soit du rein ou de la prostate, et l’on parle de pyélonéphrite
Examens complémentaires : lesquels et dans quelles aiguë (PNA) ou de prostatite. On parle d’IU compliquée quand
circonstances ? 3 il existe des facteurs de risques comme la stase urinaire (liée à
Prise en charge thérapeutique 4 l’hypertrophie de la prostate ou les prolapsus urogénitaux de la
femme âgée), la sténose urétrale, les anomalies de l’arbre urinaire,
les modifications urodynamiques liées à la grossesse, les sondages
urinaires, ou la glycosurie en cas de diabète mal contrôlé. Pour
certains experts, toute IU chez l’homme et l’enfant sont des IU
compliquées. Quand il n’y a pas de facteur favorisant, seule la
pathogénicité du germe est en cause et il s’agit d’une IU simple.

EMC - Traité de Médecine Akos 1


Volume 7 > n◦ 2 > avril 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(12)45377-7
4-0880  Infections urinaires

Rarement, l’IU est d’origine hématogène et l’on peut voir des


abcès rénaux dans le cadre de bactériémie ou d’endocardite à sta-
 Présentation clinique
phylocoque doré. Signes cliniques communs
La cystite associe brûlures mictionnelles, pollakiurie, pesanteur
 Épidémiologie pelvienne et urines troubles, sans syndrome infectieux. On peut
observer une hématurie macroscopique, en fin de miction. S’il
y a hyperthermie, on parle d’atteinte parenchymateuse (pyélo-
Il s’agit de la deuxième cause d’infections bactériennes
néphrite ou prostatite), parfois associée à des frissons évocateurs
communautaires, après celles de l’arbre respiratoire. Elles sont plus
d’une bactériémie.
fréquentes chez la femme avec une répartition inégale tout au
long de leur vie : il existe un pic de fréquence au début de l’activité
sexuelle, au moment de la grossesse et en période postménopause. Formes topographiques
Chez la femme jeune, la prévalence de la bactériurie est de 1 %-3 %
contre 0,1 % chez l’homme [1] . La courte distance féminine urètre- La cystite aiguë simple est l’infection de la femme jeune
anus explique en partie cette différence de fréquence. L’incidence sans comorbidité. Le début est généralement brutal. Les cystites
des IU chez l’homme augmente après 50 ans parallèlement aux simples et ne se compliquent que rarement de PNA. Les cystites
problèmes d’obstruction prostatique et à la perte de l’action bac- sont dites récidivantes quand il y a au moins quatre épisodes par
téricide des sécrétions de la prostate. an. En général, les récidives ne sont pas liées à des uropathies mais
plutôt à des facteurs favorisants comme les relations sexuelles, les
boissons ou mictions insuffisantes et la constipation. Il n’y aurait
Agents en cause pas de cystite chez les filles de moins de trois ans. Par contre,
les PNA surviennent à n’importe quel âge [6] . La PNA simple asso-
Leur pathogénicité est liée à la présence de facteurs d’adhérence
cie les signes vésicaux et le syndrome infectieux à des douleurs
à la muqueuse et à la production d’hémolysines détruisant les
de la fosse lombaire majorées à la palpation/percussion, irradiant
cellules épithéliales du tractus urinaire. L’obstruction des voies
vers les organes génitaux externes. Chez le nourrisson, le tableau
urinaires ou le cathétérisme vésical sont également des éléments
clinique peut se réduire à une fièvre nue ou des troubles diges-
favorisant la colonisation urinaire. Par ailleurs, certaines bactéries
tifs. La PNA compliquée est plus à risques d’abcès périrénal, de
peuvent s’adapter au pH acide des urines en libérant de l’uréase
sepsis sévère, ou de chronicité. Enfin, dans le cas de la prostatite
qui alcalinise les urines.
aiguë, on observe une dysurie voire une rétention aiguë d’urines
Les entérobactéries sont les principales responsables des IU, et
liées à l’obstacle prostatique ainsi que des douleurs pelviennes et
E. coli serait à l’origine de 70 % à 95 % des cystites et des PNA non
urétrales. Au toucher rectal, la prostate est douloureuse et aug-
compliquées. Les autres entérobactéries, notamment Proteus sp.,
mentée de volume. Les complications sont le sepsis sévère, la
sont impliquées dans 15 % à 25 % des cas. Chez les patients hospi-
rétention d’urines, l’abcès prostatique ou l’orchiépididymite par
talisés ou ayant des anomalies des voies urinaires, l’épidémiologie
extension locale. Comme pour la pyélonéphrite, il existe une
est différente avec des IU à Pseudomonas aeruginosa, entérocoque
forme chronique (prostatite chronique) non nécessairement pré-
ou staphylocoque. Le Staphylococcus saprophyticus, contrairement
cédée d’épisodes aigus et souvent moins symptomatique.
aux S. aureus ou S. epidermidis, est capable d’adhérer aux cel-
lules uroépithéliales et est à l’origine de 5 %-10 % des cystites
simples de la femme jeune, mais reste exceptionnel dans les IU Complications
hautes. On retrouve les mêmes uropathogènes pour les prostatites
communautaires, à l’exception des infections sexuellement trans- En cas de mauvaise évolution à 48 heures-72 heures d’une PNA
missibles à gonocoque, Chlamydia trachomatis ou Mycoplasma bien traitée, on doit rechercher un abcès périnéphrétique ou
hominis. intraparenchymateux. Les facteurs de risques sont l’obstruction
des voies urinaires et le diabète. Parmi ces formes abcédées, la
pyélonéphrite emphysémateuse qui touche principalement la
Accroissement de l’antibiorésistance femme diabétique est une forme grave avec une mortalité élevée
(70 % malgré l’antibiothérapie et le traitement souvent radical par
La prévalence de la résistance aux antibiotiques chez les enté- néphrectomie) [1] . On peut également évoquer une nécrose papil-
robactéries est en augmentation, compliquant l’antibiothérapie laire [7] d’origine ischémique, de diagnostic radiologique, favorisée
probabiliste. En 2009, d’après l’Observatoire national de l’épidé- par le diabète, la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens
miologie et de la résistance bactérienne aux antibiotiques (AINS), l’obstruction ou la drépanocytose.
(ONERBA) en France, 43 % des E. coli sont résistants à l’amoxi-
cilline, 27 % à l’association amoxicilline-acide clavulanique, 18 %
au cotrimoxazole, 10 % aux fluoroquinolones (FQ), moins de 5 %
aux céphalosporines de 3e génération (C3G) (3 %), aux amino- Formes particulières
sides, aux furanes et à la fosfomycine [2] .
Depuis 1996, la résistance aux FQ n’a fait que croître : 18 % des IU de l’enfant : rechercher une malformation
souches d’E. coli responsables de bactériémies sont résistantes aux urogénitale
FQ en 2008 contre 4 % en 1996, alors que la résistance à la genta- Excepté dans le cas de la cystite de l’adolescente pubère, une
micine et au céfotaxime ne concerne respectivement que 5 % et uropathie doit être recherchée par une échographie des voies uri-
7 % des souches. Les souches d’E. coli résistantes aux C3G sont en naires voire une cystographie rétrograde, à distance de l’épisode,
général productrices d’une béta-lactamase à spectre élargi (BLSE) après stérilisation des urines. Un reflux vésico-urétéral est retrouvé
et sont également résistantes aux FQ. Les recommandations amé- chez 30 % à 50 % des enfants traités pour IU [1] .
ricaines de 2010 conseillent de ne plus utiliser les FQ en première
intention dans les régions où la résistance d’E. coli est supérieure
à 10 % [3] . Bactériurie asymptomatique : traitement ou non ?
Concernant la différence ville-hôpital, pour les souches d’E. coli Les colonisations urinaires (terme préféré à bactériuries
à l’origine de bactériémies, 14 % sont résistantes à l’acide nali- asymptomatiques) correspondent aux situations de portage de
dixique en 2008 en communautaire contre 31 % en milieu micro-organismes sans manifestation clinique. Le traitement n’est
hospitalier [4] . Pour les IU communautaires, un facteur de risque pas recommandé même en cas de diabète, de paraplégie, de son-
majeur de résistance aux FQ est un antécédent de traitement dage à demeure ou d’institutionnalisation [8, 9] . Seuls la grossesse,
par FQ au cours des 6 derniers mois : le taux de résistance les gestes urologiques ou chirurgicaux avec mise en place de pro-
passe de 3 % en l’absence de prise à 22 % en cas d’exposition thèse et la neutropénie sont des indications. C’est également le
préalable [5] . cas pour les greffés rénaux, en raison de l’immunosuppression et

2 EMC - Traité de Médecine Akos


Infections urinaires  4-0880

du risque anatomique d’évolution vers la pyélonéphrite en raison ou conserver les urines jusqu’à 24 heures à + 4 ◦ C. Pour la prosta-
d’un uretère post-implantation court (risque 7 fois plus élevé que tite aiguë, le massage prostatique pour sensibiliser l’ECBU n’est
chez les greffés sans colonisation) [10] . pas recommandé à cause du risque de dissémination hématogène
mais il reste possible en cas de prostatite chronique.
IU de la femme enceinte : dépister et traiter En cas de rétention urinaire chez l’homme, le choix entre
sondage urétral et cathéter sus-pubien est débattu car sonder
Il s’agit de l’infection la plus fréquente chez la femme enceinte favoriserait l’apparition d’abcès prostatiques. Certains préfèrent le
à cause des modifications anatomiques, hormonales et physico- sondage urétral car les complications du cathéterisme ne sont pas
chimiques de l’urine. L’IU expose à un risque de prématurité et de rares (perforation digestive ou de l’artère iliaque) [12, 13] . Le cathéter
retard de croissance intra-utérin. Le risque est majoré par l’âge sus-pubien est contre-indiqué en cas de troubles de l’hémostase,
de la mère, la parité, l’activité sexuelle, le diabète, les antécé- d’anticoagulants, de cicatrice sus-pubienne, d’hématurie, de
dents d’IU [1] . On recommande un dépistage systématique de la tumeur vésicale, ou de pontage fémoral croisé.
colonisation à partir du 4e mois de grossesse et un traitement sys- Chez l’enfant, on utilise soit une poche stérile autocollante
tématique, réduisant ainsi le risque de PNA de 75 % (risque estimé après toilette antiseptique de la zone périnéale (maintenue moins
à 20 %-30 % en l’absence de traitement de la colonisation) [9] . de 30 minutes), soit un sondage aller-retour chez la petite fille.
Cas particuliers des patients sondés
IU nosocomiales : au premier rang des infections
La leucocyturie n’est pas significative chez le patient sondé et
liées au soin
la BU n’a d’intérêt que pour infirmer l’absence d’IU si elle est
En 2001, les IU représentaient en France 43 % des infec- négative. Les experts américains définissent une IU sur matériel
tions nosocomiales [11] . Le sondage en est la principale cause. lorsqu’il y a des symptômes compatibles avec une infection, sans
L’acquisition peut survenir par voie endoluminale, hématogène, autre cause, avec une bactériurie ≥ 103 UFC/ml sur un échantillon
ou plus fréquemment extraluminale. Les bactéries d’origine diges- recueilli par du matériel ayant été changé dans les 48 heures [14] .
tive colonisent le périnée, et migrent vers la vessie par capillarité
Interprétation de l’ECBU
dans le film muqueux ou biofilm bactérien protecteur à la surface
externe de la sonde. Le sondage entraîne également une altération Le tableau 1 décrit les différents cas de figure et l’interprétation
des moyens de défense de l’épithélium vésical et perturbe le transit en fonction des résultats de l’ECBU. Toute leucocyturie aseptique
urinaire en créant un résidu. L’incidence journalière d’acquisition doit faire suspecter une tuberculose rénale et il faut réaliser des pré-
d’une IU sur sonde a diminué avec les systèmes clos, variant de 3 % lèvements sur la première miction du matin, trois jours de suite,
à 10 % par jour de sondage, mais le risque cumulé après 30 jours à la recherche de bacilles acido-alcoolo-résistants (BAAR).
est de 100 %. Il faut donc limiter le sondage aux situations indis- La détection de C. trachomatis se fait par PCR sur les urines du
pensables et ôter les sondes le plus rapidement possible. 1er jet sans toilette préalable. Si l’on suspecte une urétrite, il faut
également réaliser un prélèvement urétral à l’écouvillon.
ECBU de contrôle, sous traitement ou à distance de
 Prise en charge en pratique l’infection
Dans le cadre de la cystite et de la PNA simple, il n’est pas
Examens complémentaires : lesquels nécessaire de contrôler par un ECBU, sauf si l’évolution est défa-
vorable après 72 heures d’antibiothérapie. On réalisera un ECBU
et dans quelles circonstances ? à 48 heures-72 heures de traitement et quatre à six semaines après
Bandelettes urinaires l’arrêt pour les pyélonéphrites compliquées. Pour la prostatite
aiguë, l’ECBU prélevé quatre à six semaines après le traitement
Les bandelettes urinaires (BU) réactives recherchent la présence est également conseillé alors que celui à 48 heures-72 heures ne
de leucocytes et de nitrites dans les urines. La sensibilité de la l’est qu’en cas d’évolution défavorable.
détection de la leucocyturie est bonne (entre 75 % et 90 %, faux
négatifs en cas de glycosurie ou protéinurie importantes). Le seuil
de détection de la leucocyturie est de 104 /ml et la spécificité est
Autres examens biologiques
excellente (≥ 95 %) [11] . La détection des nitrites est basée sur la En cas de syndrome infectieux, il faut prélever une numération
transformation des nitrates en nitrites par les entérobactéries et le formule sanguine et doser les marqueurs de l’inflammation et la
seuil est de 105 UFC/ml (unité formant colonie). La sensibilité est créatininémie car les infections parenchymateuses compliquées
moyenne (35 % à 85 %), car certaines bactéries ne produisent pas peuvent être à l’origine d’une insuffisance rénale. On réalisera
de nitrites (staphylocoques, entérocoques ou Pseudomonas sp.). également des hémocultures pour authentifier une bactériémie
La spécificité est estimée à 95 %. La combinaison des deux tests a qui constitue un facteur de risque d’évolution péjorative.
une très bonne valeur prédictive négative, supérieure à 95 % : une L’élévation des antigènes spécifiques de prostate (PSA) est
BU avec absence de nitrite et de leucocyte élimine en pratique le inconstante et leur dosage ne doit pas être réalisé lors d’un épisode
diagnostic d’IU, sauf pour le nourrisson de moins de trois mois infectieux aigu. Par contre, on les dosera à distance (six mois) chez
et le patient neutropénique, pour lesquels la BU a une valeur pré- l’homme de plus de 50 ans pour rechercher un adénocarcinome
dictive négative insuffisante [6] . Le prélèvement d’urine doit être de prostate.
réalisé sur le deuxième jet d’urines fraîchement émises, dans un
récipient non stérile propre et sec, sans toilette préalable. Dans le Imagerie
cadre de la cystite simple, la BU est le seul examen recommandé.
Pour les PNA simples et les prostatites aiguës, une échographie
doit être réalisée dans les 24 heures pour exclure une obstruc-
Examen cytobactériologique des urines tion [15] . L’urgence de l’imagerie se justifie d’autant plus qu’il existe
et antibiogramme un antécédent de lithiase urinaire, un pH urinaire supérieur à 7
L’examen cytobactériologique des urines (ECBU) est indispen- ou une clairance de la créatinine inférieure à 40 ml/min [16]. Une
sable pour toute IU en dehors de la cystite simple de la femme échographie normale n’exclut pas le diagnostic de PNA. Le scan-
jeune. L’examen direct en urgence est primordial pour les cas ner n’est pas recommandé en première intention contrairement
d’urosepsis pour choisir la meilleure antibiothérapie probabiliste aux pyélonéphrites compliquées où l’uroscanner est à privilé-
en urgence. gier car plus sensible pour rechercher des foyers de néphrite, des
abcès (Fig. 1) ou une pyélonéphrite emphysémateuse (Fig. 2).
Recueil des urines Cependant, il est parfois inutile (sujet âgé sans facteur de risque
Il doit être réalisé dans un flacon stérile après toilette périnéale de complication) ou dangereux (insuffisance rénale favorisée par
au Dakin suivie d’un rinçage, sur des urines du deuxième jet et l’iode, PNA gravidique, allergie à l’iode). L’urographie intravei-
acheminé dans l’heure au laboratoire. On peut utiliser un milieu neuse n’a plus d’indication depuis l’utilisation du scanner. Pour la
de conservation qui inhibe la croissance bactérienne (tube boraté), recherche d’abcès prostatique, l’IRM est à préférer à l’échographie

EMC - Traité de Médecine Akos 3


4-0880  Infections urinaires

Tableau 1.
ECBU d’après [11] .
Symptômes Leucocytes Concentration Nombre Interprétation
≥ 104/ml bactérienne en d’espèces
UFC/ml
Non – ≤ 104 ≥0 Pas d’infection urinaire
Non ± ≥ 10 5
1 Colonisation urinaire ou souillure du prélèvement
± – ≥ 105 ≤2 Souillure. Refaire ECBU
± – ≥ 10 5
≤2 Colonisation urinaire ou souillure. Refaire. Infection possible si débutante, greffe,
immunodépression, chimiothérapie
Oui + < 103 ≤2 Infection possible
– Décapitée
– Tuberculose, Chlamydia trachomatis, Mycoplasma hominis, Neisseria gonorrhoeae
– Urétrite, prostatite
Oui + Entre 103 et 105 ≤2 Cystites : infection possible
– Seuil de 103 suffisant pour E. coli, autres entérobactéries et S. Saprophyticus
– Autres germes : refaire un ECBU
Pyélonéphrites et prostatites : seuil = 104 UFC/ml
Urétrite, prostatite chronique
Oui + ≥ 105 >2 Infection possible ou souillure. Refaire ECBU
Oui + ≥ 105 ≤2 Infection urinaire certaine

ECBU : examen cytobactériologique des urines ; UFC : unité formant colonie.

endorectale car elle est plus sensible, indolore et évite le risque


de dissémination de l’infection. Un bilan urodynamique plus
complet sera réalisé à distance.

Prise en charge thérapeutique


Règles hygiénodiététiques pour les IU récidivantes
La prévention en matière d’IU repose sur une bonne diurèse per-
mettant une clairance bactérienne, notamment après les rapports
sexuels. La consommation de canneberge inhiberait l’adhésion
bactérienne sur l’épithélium vésical. On limite la pullulation
microbienne avec des sous-vêtements en coton et des habits
amples. Les facteurs favorisants comme les prolapsus vésicaux et le

B
Figure 2. Tomodensitométrie d’une pyélonéphrite emphysémateuse.
Figure 1. Tomodensitométrie d’un abcès rénal compliquant une A. Présence d’air dans l’espace périrénal, le parenchyme rénal, voire la
pyélonéphrite aiguë retrouvant une hypodensité volumineuse avec effet voie excrétrice (flèche).
de masse sur les cavités pyélocalicielles, à contenu liquide hétérogène B. Cet air peut aussi être détecté par échographie ou par l’abdomen sans
(flèche). préparation s’il est en quantité abondante (flèches).

4 EMC - Traité de Médecine Akos


Infections urinaires  4-0880

Tableau 2. norfloxacine et la loméfloxacine ont également l’AMM mais leur


Traitements probabilistes des infections urinaires de l’adulte d’après la efficacité est probablement inférieure dans cette indication.
conférence de consensus de 2008 [12] . Les C3G ont l’avantage de la rareté des souches d’E. coli résis-
Cystite simple Fosfomycine trométamol : 3 g (1 j) tantes, mais ils nécessitent la voie parentérale tant que l’infection
Nitrofurantoïne : 100 mg × 3/j (5 j) n’est pas maîtrisée. Le céfixime oral, mal absorbé, doit être réservé
Norfloxacine : 400 mg × 2/j (3 j) au traitement de relais. La durée de traitement recommandée est
Ciprofloxacine : 500 mg ou ofloxacine : 400 mg (1 j) de 10 jours à 14 jours.
Ciprofloxacine : 250 mg × 2/j ou ofloxacine : Les aminosides peuvent être associés en cas de sepsis grave pen-
200 mg × 2/j (3 j) dant 1 jour à 3 jours.
Les traitements de relais par voie orale envisageables après
Cystite Nitrofurantoïne : 100 mg × 3/j
obtention de l’antibiogramme sont l’amoxicilline ± acide clavula-
compliquée Norfloxacine : 400 mg × 2/j ou lomefloxacine :
nique, le céfixime, une FQ ou le cotrimoxazole. Pour les souches
400 mg/j
Ciprofloxacine : 500 à 750 mg × 2/j ou ofloxacine :
multisensibles, on peut préférer l’amoxicilline du fait de son
200 mg × 2/j spectre étroit ou les FQ qui permettent un traitement court. Les
Céfixime : 200 mg × 2/j PNA compliquées avec abcès ou bactéries multirésistantes seront
traitées 21 jours.
PNA et prostatite C3G : ceftriaxone (1 à 2 g/j) ou céfotaxime
simples (1 à 2 g × 3/j) Prostatite
FQ : ciprofloxacine (per os : 500 à 750 mg × 2/j ou Le choix du traitement de la prostatite aiguë est guidé par la
i.v. : 400 mg × 2 à 3/j), ofloxacine (per os ou i.v. : diffusion des molécules dans le tissu prostatique : moyenne pour
200 mg × 2/j) les ␤-lactamines et les sulfamides ; bonne pour le cotrimoxazole et
les FQ. Ainsi, on utilise en probabiliste une C3G (± aminoside si
PNA et prostatite Biantibiothérapie initiale : C3G ou FQ
compliquées + aminosides
tableau septique sévère) et en relais une FQ ou le cotrimoxazole,
même en cas de sensibilité à l’amoxicilline. La durée est de 14 jours
PNA : pyélonéphrite aiguë ; C3G : céphalosporines de 3e génération ; FQ : fluoro- pour les formes aiguës évoluant rapidement favorablement, de
quinolones ; i.v. : par voie intraveineuse. 21 jours dans le cas contraire.
Le problème majeur du traitement de la prostatite chronique
est la diffusion des antibiotiques à cause de la fibrose et des cal-
résidu vésical postmictionnel chez la femme ménopausée doivent
cifications. Les FQ et le cotrimoxazole sont à privilégier. La durée
être pris en charge.
du traitement est mal codifiée et varie de 4 semaines à 6 semaines
en fonction de la bactérie, de sa sensibilité et de l’ancienneté des
Hospitalisation ou traitement ambulatoire ? signes. Pour les formes réfractaires, on peut proposer un traite-
Les infections parenchymateuses peuvent être traitées en ambu- ment antibiotique au long cours ou une chirurgie prostatique
latoire si un traitement efficace par voie orale ou simple comme (Tableau 2).
l’injection de ceftriaxone est envisageable. Certaines situations
nécessitent une hospitalisation : sepsis grave, forme hyperalgique, Gestes radiologiques et urologiques
impossibilité de réaliser le bilan en ambulatoire, vomisse-
Dérivation des urines [11]
ments, conditions socioéconomiques défavorables et doutes sur
l’observance [12] . Il est nécessaire de lever en urgence un obstacle : drainage par
pose endoscopique d’une sonde pyélovésicale JJ (double J), par
pose percutanée d’une sonde de néphrostomie ou par abord chi-
Traitement antibiotique (Tableau 2) rurgical direct.
Cystite Drainage des abcès
L’antibiothérapie probabiliste doit tenir compte de l’évolution Pour les abcès volumineux (> 5 cm), le drainage radiologique par
des résistances. Ainsi, le cotrimoxazole, l’amoxicilline ± acide cla- voie percutanée est le traitement de première intention, efficace
vulanique, les céphalosporines de 1re et 2e générations, et le dans 90 % des cas. Les abcès < 5 cm évoluent favorablement sous
pivmecillinam ne sont plus recommandés en 1re intention [12] . antibiotiques dans 92 % des cas [1] . Les pyélonéphrites emphy-
Le fosfomycine-trométamol est le traitement de 1re intention en sémateuses nécessitent une prise en charge chirurgicale et la
monodose. Les FQ doivent n’être utilisées qu’en 2e intention (en néphrectomie est exceptionnellement réalisée dans le cadre des
prise unique ou sur trois jours) afin de réduire la pression de fontes purulentes rénales.
sélection des résistances et la péfloxacine est à éviter du fait du
risque de tendinopathie. La nitrofurantoïne sera préférée aux FQ
Cas particuliers
en cas de prise récente de celles-ci. En cas d’infection à S. sapro-
phyticus, on utilise la nitrofurantoïne pendant 5 jours ou une FQ IU sur sonde
pendant 3 jours. La cystite compliquée est traitée 5 jours à 7 jours L’IU est une indication à retirer une sonde urinaire ou à la
(si nitrofurantoïne). changer, ceci permettant l’éradication des bactéries colonisant la
PNA sonde au sein du biofilm. Dans le cas des vessies neurologiques,
le sondage intermittent (auto- ou hétéro-sondages) a montré sa
Les antibiotiques doivent être bactéricides, couvrir les bacté-
supériorité, avec un nombre suffisant de sondages (4/j à 6/j).
ries présumées responsables en fonction des résistances et avoir
Le traitement monodose est insuffisant, mais un traitement de
une concentration dans le parenchyme rénal élevée ainsi qu’une
3 jours est possible chez les femmes ayant moins de 65 ans, sans
bonne biodisponibilité s’ils sont administrés par voie orale.
signes de PNA et chez qui la sonde a pu être retirée [17] .
L’efficacité doit être jugée cliniquement à 48 heures et par un
ECBU pour les formes compliquées. Le traitement probabiliste IU nosocomiales
repose sur les FQ et les C3G. La nitrofurantoïne et la fosfomycine Le traitement empirique doit être réservé aux infections paren-
trométamol ne sont pas indiquées vu leurs faibles concentrations chymateuses sévères et doit être réévalué dès l’obtention de
sériques. l’antibiogramme. Il repose sur l’examen direct des urines et sur
Les fluoroquinolones ont des avantages indéniables : concen- la connaissance de l’écologie locale. Face à un bacille Gram néga-
trations parenchymateuses élevées, excellente biodisponibilité tif, on peut débuter par la ceftazidime, le céfépime, l’association
permettant un relais oral précoce, voire d’emblée dans les formes pipéracilline-tazobactam, l’aztréonam ou une carbapénème.
peu sévères et possibilité d’un traitement court de 7 jours. Néan- Il n’y a pas d’indication de traitement antifongique systéma-
moins, on observe une augmentation des souches d’E. coli tique des colonisations urinaires à Candida. Le remplacement ou
résistantes aux FQ notamment en cas de prescription récente (< 6 l’ablation de la sonde est préconisé. En réanimation, la candidurie
mois). Depuis 2005, la lévofloxacine a obtenu l’autorisation de peut être un marqueur de candidose disséminée et doit inciter à
mise sur le marché (AMM) dans cette indication en France. La rechercher d’autres sites infectés [1, 14] .

EMC - Traité de Médecine Akos 5


4-0880  Infections urinaires

IU de l’enfant  Références
L’hospitalisation est recommandée chez tout enfant de moins
de 3 mois et en cas de signes d’infection sévère. La cystite aiguë de
la fille de plus de 3 ans doit être traitée par 3 jours à 5 jours de cotri- [1] Mandell, Douglas, and Bennett’s Principles and Practice of
moxazole ou de céfixime. Pour les PNA, le traitement comprend Infectious Diseases. London: Churchill Livingstone; 2004. p.
un traitement d’attaque par une C3G suivi par un traitement 875-905.
oral par cotrimoxazole ou céfixime (AMM à partir de 6 mois), [2] Poster ONERBA : Résistance aux antibiotiques en France. Résultats
adapté à l’antibiogramme. L’amoxicilline est recommandée pour 1998-2009 des réseaux fédérés dans l’ONERBA, JNI 2010, poster
N-01.
les infections à entérocoque. Dans les formes compliquées (enfant
[3] Gupta K. International Clinical Practice Guidelines for the Treatment
de moins de 3 mois, uropathie malformative connue, syndrome
of Acute Uncomplicated Cystitis and Pyelonephritis in Women: A 2010
septicémique, immunodéprimé), on peut associer un aminoside. Update by the Infectious Diseases Society of America and the Euro-
La durée totale de traitement est de 10 jours à 14 jours. En cas de pean Society for Microbiology and Infectious Diseases. Clin Infect Dis
résistance aux autres familles d’antibiotiques, les FQ peuvent être 2011;52:e103–20.
envisagées chez l’enfant prépubère [6] . [4] ONERBA, rapport d’activité 2008. Edition décembre 2010.
Femme enceinte http://www.onerba.org/IMG/pdf/onerba rapport2008 LD.pdf.
La colonisation doit être traitée 2 jours à 3 jours par [5] De Lastours V, Fantina B. Résistance aux fluoroquinolones en
l’amoxicilline ± acide clavulanique, le céfixime, la nitrofuran- 2010 : quel impact pour la prescription en réanimation ? Réanimation
toïne, le pivmécillinam ou le cotrimoxazole. Le traitement 2010;19: 347–53.
[6] AFSSAPS. Diagnostic et antibiothérapie des infections urinaires
probabiliste des cystites repose sur le céfixime ou la nitrofuran-
bactériennes communautaires du nourrisson et de l’enfant. Recom-
toïne, alors que celui des PNA repose sur une C3G.
mandations. Med Mal Infect 2007;37:637–44.
IU récidivantes [7] Guillausseau PJ. Infections urinaires et diabète sucré. Rev Prat 2003;
L’antibiothérapie au long cours est à réserver aux cas de réci- 53:1790–6.
dives invalidantes car elle expose aux risques de résistance et de [8] Harding GK, Zhanel GG, Nicolle LE. Antimicrobial treatment in dia-
toxicité des antibiothérapies au long cours.Le cotrimoxazole et le betic women with asymptomatic bacteriuria. N Engl J Med 2002;347:
nitrofurantoïne sont les traitements de choix, avec, pour ce der- 1576–83.
nier la réserve actuelle de l’Agence française de sécurité sanitaire [9] Nicolle LE. Asymptomatic bacteriuria: review and discussion of
des produits de santé (AFSSAPS) concernant la toxicité pulmonaire the IDSA guidelines. Int J Antimicrob Agents 2006;28(suppl):
ou hépatique des traitements prolongés [18]. S42–8.
[10] Foriente S. Systematic screening and treatment of asymptoma-
tic bacteriuria in renal transplant recipients. Kidney Int 2010;78:
774–81.
“ Points essentiels [11]
[12]
Pilly E. Maladies infectieuses et tropicales. Paris: Vigot; 2010.
AFSSAPS. Diagnostic et antibiothérapie des infections urinaires bacté-
riennes communautaires chez l’adulte. Med Mal Infect 2008;38(suppl):
• Les IU sont la deuxième cause d’infections bactériennes 203–52.
[13] Bruyère F, Faivre d’Arcier B. Rétention aiguë d’urine sur prostatite
communautaires, après celles de l’arbre respiratoire. aiguë : sonde vésicale ou cathéter sus-pubien ? Prog Urol 2009;19:
• Elles sont plus fréquentes chez la femme, notamment F123–5.
au début de l’activité sexuelle, au moment de la grossesse [14] AFSSAPS. Infections urinaires nosocomiales de l’adulte : conférence
et en postménopause. de consensus 2002. Med Mal Infect 2003;33:370–5.
• Il existe des formes cliniques très variées allant de la [15] Doco-Lecompte T, Letranchant L. Infections urinaires de
simple colonisation urinaire au choc septique souvent l’enfant et de l’adulte. Leucocyturie. Rev Prat 2010;60:
857–63.
favorisé par des comorbidités liées au terrain. [16] van Nieuwkoop C, Hoppe BP, Bonten TN, Van’t Wout JW, Aarts
• Les entérobactéries, dont E. coli, sont les principaux NJ, Mertens BJ, et al. Predicting the need for radiologic imaging in
micro-organismes responsables des IU et l’augmentation adults with febrile urinary tract infection. Clin Infect Dis 2010;51:
de la fréquence des souches résistantes aux antibiotiques 1266–72.
fait recommander les céphalosporines de 3e génération [17] Hooton TM, Diagnosis. prevention, and treatment of catheter-
parentérales en 1re intention pour les infections parenchy- associated urinary tract infection in adults: 2009 International Clinical
Practice Guidelines from the Infectious Diseases Society of America.
mateuses.
Clin Infect Dis 2010;50:625–63.
• Dans le cadre d’infections parenchymateuses, l’imagerie [18] AFFSAPS. Nitrofurantoïne et risque de survenue d’effets indésirables
est nécessaire : échographie des voies urinaires, voire l’uro- hépatiques et pulmonaires lors de traitements prolongés, février 2011.
scanner pour les formes compliquées. http://www.afssaps.fr/Infos-de-securite/lettres-aux-professionnels-
• Une IU associée à une obstruction des voies urinaires est de-sante/Nitrofurantoine-et-risque-de-survenue-d-effets-indesirables-
une urgence urologique nécessitant un drainage. hepatiques-et-pulmonaires-lors-de-traitements-prolonges-Lettre-aux-
professionnels-de-sante.

H. Leroy, CCA (helene.leroy@chu-rennes.fr).


P. Tattevin, PHU.
Services de maladies infectieuses et de réanimation médicale, Centre hospitalier universitaire régional de Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes
cedex 09, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Leroy H, Tattevin P. Infections urinaires. EMC Traité de Médecine Akos 2012;7(2):1-6 [Article 4-0880].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

6 EMC - Traité de Médecine Akos


 4-0900

Diarrhées infectieuses
M. Revest, P. Tattevin

Les diarrhées d’origine infectieuse représentent un problème majeur de santé publique du fait, d’une part
de leur très grande fréquence, et d’autre part de leur mortalité importante avec plus de deux millions
de décès survenant par an, principalement chez les enfants des pays en développement. En France,
leur impact en termes de mortalité est bien entendu moindre, mais elles n’en demeurent pas moins
responsables d’environ trois millions d’épisodes par an. Leur prise en charge repose d’abord sur une
analyse précise de leur sémiologie, permettant de séparer deux grands groupes : les diarrhées invasives
responsables d’un syndrome dysentérique caractérisé par une fièvre et l’émission de sang dans les selles,
et les diarrhées toxiniques provoquant un syndrome cholériforme fait de l’émission de selles aqueuses,
fréquentes, dans un contexte apyrétique. Les examens complémentaires ne sont pas systématiques et ne
sont à discuter qu’en cas de diarrhées suspectées invasives ou de diarrhée persistant plus de trois jours
malgré un traitement symptomatique bien conduit. Sur le plan thérapeutique, la première étape consiste
à dépister et traiter une éventuelle déshydratation. Le traitement antibiotique n’est pas systématique et
dépend soit de l’intensité des symptômes, soit du pathogène que les coprocultures ont permis de mettre en
évidence. Il est notamment systématique en cas de shigellose ou d’amoebose. Le traitement antibiotique
des salmonelloses mineures est par contre réservé à des situations particulières, comme les âges extrêmes,
les patients immunodéprimés ou porteurs de lésions vasculaires ou de matériel endovasculaire, ainsi que
les patients atteints de drépanocytose. Le reste de la prise en charge repose sur les antisécrétoires qui
peuvent être prescrits sans restriction alors que les ralentisseurs du transit doivent être évités au maximum
et restent contre-indiqués en cas de suspicion de diarrhée invasive.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Syndrome dysentérique ; Syndrome cholériforme ; Salmonellose mineures ; Shigellose ; Amoebose ;
Clostridium difficile

Plan  Introduction
■ Introduction 1 La diarrhée est définie par l’émission de selles trop fréquentes
■ Épidémiologie 2 et anormales en qualité. Le poids des selles est alors supérieur

à 300 g/j. De façon plus pratique, l’Organisation mondiale de
Physiopathologie 2
la santé (OMS) définit la diarrhée comme l’émission de plus de
■ Particularité sémiologique en fonction des différentes trois selles par jour, molles ou liquides [1] . On parle de diarrhée
étiologies 2 aiguë lorsqu’elle évolue depuis moins de deux semaines, pro-
Syndrome dysentérique 2 longée entre deux et quatre semaines, et de diarrhée chronique
Syndrome cholériforme 3 au-delà d’un mois d’évolution.
Autres diarrhées infectieuses 3 Les diarrhées infectieuses sont le plus souvent des diarrhées
Diarrhées postantibiotiques à Clostridium difficile 3 aiguës et représentent un motif de consultation en médecine géné-
■ Conduite à tenir 4 rale fréquent. Leur impact en termes de morbidité et en termes
Évaluer la gravité de la diarrhée 4 économiques reste en France majeur, avec un arrêt de travail de
Faire des hypothèses étiologiques 4 durée médiane de trois jours prescrit dans un tiers des cas [2] . Bien
Intérêt de réaliser un bilan complémentaire ? 4 que leur évolution soit le plus souvent spontanément favorable,
Quel traitement symptomatique prescrire ? 5 des complications parfois graves peuvent survenir sur des terrains
Quand prescrire des antibiotiques ? 5 fragilisés, personnes âgées ou nourrissons notamment. Le diag-
■ Conclusion 6 nostic étiologique et donc le choix de la stratégie thérapeutique
doivent s’appuyer sur une analyse précise du contexte épidémio-
logique et de la sémiologie.

EMC - Traité de Médecine Akos 1


Volume 7 > n◦ 2 > avril 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(12)45378-9
4-0900  Diarrhées infectieuses

 Épidémiologie
Tableau 1.
Germes responsables des diarrhées infectieuses.

Dans les pays en développement, les diarrhées infectieuses sont Syndromes Pathogènes
responsables d’environ deux millions de décès par an. Ces décès Syndrome cholériforme Vibrio cholerae (Choléra)
touchent essentiellement les enfants de moins de 5 ans, 80 % sur- E. coli entérotoxinogène (ETEC)
venant avant l’âge de deux ans [3] . Maladies du péril fécal, leur Staphylococcus aureus a
fréquence est directement corrélée aux conditions d’hygiène et Clostridium perfringens a
donc à la pauvreté. Bacillus cereus a
En France, on estime à environ trois millions le nombre Syndrome dysentérique Shigella
d’épisode de diarrhées aiguës infectieuses par an. Il existe une E. coli entéroinvasif et
réelle saisonnalité dans la survenue de ces épisodes, avec un pic entérohémorragique
important survenant durant l’hiver et un pic de moindre impor- Campylobacter jejuni
tance au cours de l’été [4] . Entamoeba histolytica histolytica
(non fébrile)
Syndrome intermédiaire b Salmonella non typhi
 Physiopathologie Yersinia
E. coli entéropathogène
Deux grands types de mécanismes physiopathologiques sont Virus (rotavirus, calicivirus,
possibles : adénovirus, astrovirus)
• Mécanisme toxinique : les symptômes sont liés à la libération a
Ne se voient qu’en cas de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC).
d’une toxine par des bactéries qui se fixent sur l’épithélium b
Associe une diarrhée fécale non sanglante, des douleurs abdominales, des
digestif sans le pénétrer. Cette toxine va stimuler la sécrétion vomissements et de la fièvre modérée.
d’eau et d’électrolytes par les cellules intestinales. L’incubation
est courte et il n’y a pas de destruction cellulaire (pas de sang
dans les selles), ni d’invasion de la paroi (pas de fièvre ni de Shigella dysenteriae est la plus fréquente et la plus virulente (sécré-
syndrome inflammatoire). Ce mécanisme est responsable du tion de toxine). Les autres espèces sont moins fréquentes (Shigella
syndrome cholériforme. À noter que la toxine responsable est flexneri, Shigella boydii et Shigella sonnei). Le réservoir est stricte-
soit préformée dans l’aliment ingéré, soit produite au moment ment humain et la transmission est interhumaine directe (mains
de la pénétration dans l’organisme. sales) ou par l’ingestion d’aliments peu ou pas cuits ou d’eau
• Mécanismes invasifs : les bactéries pénètrent alors les cellules contaminés. L’inoculum infestant peut être très faible (aux alen-
épithéliales. Ensuite, deux situations sont possibles selon le tours de 100 bactéries), ce qui explique la grande contagiosité de
pathogène : cette infection.
◦ soit une multiplication dans les cellules épithéliales et une Les symptômes sont liés à l’invasion puis à la destruction de
destruction de celles-ci avec émission de selles glairosan- l’épithélium digestif mais également à une sécrétion de toxine
glantes dans un contexte fébrile (syndrome dysentérique) : (pour S. dysenteriae), cette toxine pouvant être responsable des
Shigella, Campylobacter jejuni, Escherichia coli entéro-invasif et signes extra-digestifs. L’incubation est de 2 à 5 jours, puis survient
entérohémorragique ; un syndrome dysentérique typique et sévère avec fièvre élevée
◦ soit une traversée des cellules épithéliales par la bactérie cau- (40 ◦ C). Des formes graves avec signes neurologiques sont pos-
sale en entraînant une destruction de la muqueuse digestive sibles (convulsions, troubles de conscience, confusion).
moins importante que pour le mécanisme précédent, la mul- Le diagnostic est fait par la coproculture. Les hémocultures sont
tiplication bactérienne se faisant dans les tissus lymphoïdes rarement positives.
sous-muqueux. Par contre, une fois la muqueuse digestive Les mesures d’isolement s’appliquent ici de façon draconienne.
traversée, ces bactéries peuvent disséminer (Salmonelles non
typhiques, Yersinia). La diarrhée est alors peu ou pas sanglante Syndrome dysentérique à Escherichia coli
et survient dans un contexte fébrile. (entéroinvasif [EIEC] et entérohémorragique
À ces mécanismes physiopathologiques différents sont sou-
[EHEC])
vent associés des tableaux cliniques spécifiques. Le syndrome
cholériforme, témoin du mécanisme toxinique, associe des vomis- Ces germes sont cosmopolites, pouvant atteindre l’adulte et
sements et quelques douleurs abdominales à une diarrhée aqueuse l’enfant. La physiopathologie est identique à celle de la shigellose
extrêmement importante conduisant rapidement à la déshydra- avec à la fois un caractère invasif, mais également la produc-
tation, évoluant dans un contexte apyrétique. À l’opposé, le syn- tion de toxines. La symptomatologie est identique à celle de la
drome dysentérique comporte des selles glaireuses et sanglantes, shigellose.
des douleurs abdominales diffuses et importantes, un syndrome Certaines souches (E. coli entérohémorragique O157H7 rencon-
rectal avec épreintes, ténesmes et faux besoins et une fièvre. trée surtout chez l’enfant, et O154H4 responsable d’une épidémie
Entre ces deux syndromes clairement individualisés, on majeure chez l’adulte au printemps 2011 en Allemagne) pro-
retrouve des syndromes moins typiques, parfois dénommés syn- duisent une vérotoxine (ou shigatoxine) pouvant entraîner, outre
drome gastroentéritique ou syndrome intermédiaire, associant la diarrhée hémorragique, un syndrome hémolytique et uré-
des selles fécales non sanglantes, des douleurs abdominales, des mique.
vomissements et de la fièvre. Le Tableau 1 schématise ces différents Le diagnostic repose sur la coproculture et la caractérisation des
syndromes et les pathogènes responsables. souches bactériennes (polymerase chain reaction [PCR]).

Campylobacter jejuni
 Particularité sémiologique Le réservoir de cette bactérie est animal (tube digestif des
oiseaux notamment). L’incubation est de 1 à 3 jours, puis apparaît
en fonction des différentes un syndrome dysentérique classique.
étiologies [5] Le diagnostic est fait sur la coproculture.

Syndrome dysentérique Dysenterie amibienne


Provoquée par le parasite protozoaire Entamoeba histolytica,
Shigellose elle se caractérise par une diarrhée sanglante et glaireuse, asso-
Elle se rencontre essentiellement dans les pays en dévelop- ciée à des douleurs abdominales et un syndrome rectal sans
pement. Quatre espèces de shigelles peuvent être responsables. fièvre. Cette forme dysentérique n’est en réalité pas la forme

2 EMC - Traité de Médecine Akos


Diarrhées infectieuses  4-0900

la plus fréquente de diarrhée à amibes, qui est le plus souvent Autres diarrhées infectieuses
représentée par une diarrhée subaiguë faite de selles pâteuses.
Le contexte de voyage en zone tropicale doit être recherché. Salmonelloses
La contamination se fait par l’intermédiaire des mains sales Elles sont provoquées par des Salmonella enterica non Typhi.
ou par l’ingestion d’aliments contaminés. En zone tempérée, Elles se rencontrent soit au cours d’un voyage en pays tropical,
l’homosexualité masculine a été rapportée comme facteur de soit au cours de TIAC (1re cause de TIAC en France).
risque d’acquisition. En cas de TIAC, la contamination se fait par ingestion
d’aliments non ou insuffisamment cuits (viandes, œufs, fruits
de mer). Beaucoup de ces bactéries sont retrouvées dans le
Syndrome cholériforme tube digestif d’animaux (oiseaux). Les salmonelles vont péné-
Choléra trer les entérocytes pour les traverser et se multiplier dans la
sous-muqueuse en intramacrophagique. De là, elles peuvent dis-
Maladie tropicale qui touche exceptionnellement le voyageur, séminer vers d’autres organes (bactériémies, atteintes vasculaires,
le choléra est endémique en Inde et survient par épidémies. Il est atteinte osseuse) surtout en cas d’immunodépression, de drépa-
dû à Vibrio cholerae (sérovars O1 de répartition mondiale et O139 nocytose, ou chez la personne âgée.
limité à l’Inde et au Bangladesh). Le réservoir de cette bactérie L’incubation est de 12 à 24 heures. Ensuite apparaissent des diar-
est représenté par l’homme malade ou le porteur sain. La trans- rhées fécales non sanglantes, associées à des douleurs abdominales
mission se fait soit par l’intermédiaire des mains sales, soit par et des vomissements, dans un contexte fébrile (38,5-39 ◦ C). Le
ingestion d’eau ou d’aliments contaminés. diagnostic sera fait par mise en évidence du germe dans les selles,
L’incubation est le plus souvent courte (quelques heures) mais voire les hémocultures.
peut aller jusqu’à 5 jours. Puis survient brusquement un syndrome
cholériforme typique, très intense, les patients pouvant émettre Yersinioses
jusqu’à 15 litres de selles afécales par jour. Il n’y a pas de fièvre.
Le diagnostic est fait par mise en évidence de la bactérie dans les Deux bactéries peuvent être en cause : Yersinia enterocolitica et
selles (retrouvée à l’examen direct et en culture). Yersinia pseudotuberculosis.
Le pronostic est essentiellement conditionné par la qualité de la Elles provoquent des diarrhées associées à une fièvre modérée
prise en charge symptomatique qui consiste en une compensation et des douleurs abdominales importantes. L’évolution est le plus
des pertes hydriques. Sans cette compensation, le tableau évolue souvent favorable, mais des syndromes post-infectieux peuvent
rapidement vers le collapsus voire le décès. apparaître (érythème noueux, syndrome de Fiessenger-Leroy-
L’antibiothérapie (doxycycline en première intention) a comme Reiter).
principal intérêt de réduire l’excrétion de bactéries dans les selles
afin d’éviter les cas secondaires. Elle raccourcit de plus la durée E. coli entéropathogènes
d’évolution. Provoque des tableaux de gastroentérites banaux, notamment
Les mesures d’isolement sont primordiales (isolement des en collectivité (crèches, écoles).
malades, désinfection des selles).
La prévention par la vaccination est réservée aux personnels de
santé allant travailler dans une zone où sévit une épidémie.
Gastroentérites virales
Très fréquentes et survenant par épidémies, elles sont le plus
souvent dues aux rotavirus, aux calicivirus, aux norovirus et aux
E. coli entérotoxinogène (ETEC) astrovirus. Elles sont très contagieuses.
Il s’agit de la principale cause des diarrhées des voyageurs ou Le tableau est celui de diarrhées fébriles, vomissements, dou-
turista. L’incubation est courte. Elle provoque des diarrhées non leurs abdominales et parfois signes extradigestifs (myalgies). Ce
fébriles peu sévères associées à des douleurs abdominales et qui tableau est classiquement plus marqué chez l’enfant.
vont spontanément régresser en 2 à 3 jours. L’évolution est spontanément favorable, mais il faut se méfier
La plupart du temps, la diarrhée a cessé lors du retour du voyage des déshydratations pouvant survenir chez le nourrisson.
et le diagnostic étiologique n’est pas fait (caractérisation de la
bactérie retrouvée dans les selles par PCR). Diarrhées infectieuses chez le patient séropositif
Aucun traitement antibiotique n’est nécessaire. pour le virus de l’immunodéficience humaine
(VIH)
Staphylococcus aureus
Chez le patient dont le statut immunitaire reste conservé,
Responsable de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) les causes de diarrhées infectieuses sont similaires à celles ren-
par mécanisme toxinique, la toxine étant préformée dans contrées chez le patient séronégatif. Par contre, à un stade
l’alimentation. Cette toxine est thermostable, donc résistante à la avancé d’immunodépression, les patients présentent volontiers
cuisson. La contamination se fait par ingestion d’aliments (pro- des diarrhées chroniques parfois responsables de pertes de poids
duits laitiers, crèmes glacées, plats cuisinés, salades composées) majeures. Une place importante est alors occupée par les para-
contaminés lors de leur préparation par un porteur sain ou pré- sites et notamment Cryptosporidum (également rencontré chez
sentant une pathologie cutanée à S. aureus. l’immunocompétent mais donnant alors des diarrhées sponta-
L’incubation est courte (2 à 4 heures), puis apparaît une diarrhée nément résolutives), Isospora belli ou des microsporidies. Les
hydrique dans un contexte apyrétique, associée à des douleurs salmonelles sont également fréquentes, volontiers récidivantes et
abdominales et des vomissements. responsables de bactériémies.
L’évolution est spontanément favorable.

Diarrhées postantibiotiques à Clostridium


Autres bactéries
difficile
Deux autres bactéries sont classiquement responsables de diar-
rhées toxiniques dans un contexte de TIAC : Elles sont provoquées par la pullulation de C. difficile secon-
• Clostridium perfringens : la contamination se fait par des plats daire à un déséquilibre de la flore intestinale provoquée par une
préparés la veille et insuffisamment réfrigérés. L’incubation est antibiothérapie inefficace sur C. difficile. Le C. difficile produit
de 8 heures et le tableau clinique est celui d’un syndrome cho- deux toxines (A et B). La prise de l’antibiotique responsable est
lériforme modéré ; le plus souvent récente, voire en cours. Elle remonte à deux mois
• Bacillus cereus : l’incubation est de 6 heures avec une contami- maximum.
nation par du riz, de la purée ou des légumes insuffisamment Les antibiotiques les plus à risque sont :
cuits. Les vomissements sont importants. • les lincosamides : présentent le plus fort risque intrinsèque ;

EMC - Traité de Médecine Akos 3


4-0900  Diarrhées infectieuses

Tableau 2.
Caractéristiques des toxi-infections alimentaires collectives.
Bactéries Mécanisme Incubation Aliments en cause
S. aureus Toxinique (toxine thermostable 2 à 4 heures Plats cuisinés, produits laitiers, crèmes
préformée) glacées, salades composées, pâtisseries
C. perfringens Toxinique (toxine sécrétée par la 8 à 16 heures Viandes en sauce peu cuites
bactérie dans le tube digestif)
B. cereus Toxinique (toxine préformée) 2 à 8 heures Riz, purée, légumes germés
Salmonella sp. Invasif 12 à 24 heures Viandes, œufs, fruits de mer peu cuits

• les ␤-lactamines : représentent en réalité, les principaux antibio- • contexte de toxi-infection alimentaire collective : définie
tiques pourvoyeurs de colite à C. difficile en termes de fréquence comme la survenue d’au moins deux cas de la même symp-
(beaucoup plus utilisés que les lincosamides) ; tomatologie dont l’origine peut être rattachée à la même
• les fluoroquinolones. origine alimentaire. Les évocations étiologiques peuvent alors
Le tableau clinique se limite le plus souvent à une diarrhée dans s’appuyer sur :
les suites d’une prise d’antibiotique. ◦ l’incubation : elle est courte en cas de mécanismes toxi-
Parfois, le tableau est grave avec colite pseudomembraneuse : niques (2 à 4 heures pour S. aureus, 2 à 8 heures pour Bacillus
diarrhée glairosanglante, douleurs abdominales intenses, altéra- cereus et 8 à 16 heures pour Clostridium perfringens) et plus
tion de l’état général, fièvre élevée. longue pour les mécanismes invasifs (12 à 24 heures pour les
Le diagnostic repose essentiellement sur la mise en évidence des salmonelloses),
toxines A et B dans les selles. ◦ le type d’aliment ingéré (Tableau 2) :
- S. aureus : plats cuisinés, produits laitiers, crèmes glacées,
salades composées, pâtisseries,
 Conduite à tenir - C. perfringens : viandes en sauce peu cuites,
- B. cereus : riz, purée, légumes germés,
Sa chronologie est stéréotypée. - Salmonelles : viandes, œufs, fruits de mer peu cuits ;
• la prise récente d’antibiotiques : une diarrhée à C. difficile doit
être évoquée ;
Évaluer la gravité de la diarrhée • en fonction du tableau clinique : comme précisé plus haut,
les syndromes cholériformes et dysentériques doivent faire
La première étape de la prise en charge consiste à rechercher
évoquer différents pathogènes.
des signes de déshydratation chez le patient, témoin d’une mau-
vaise tolérance [6] . Ces signes sont particulièrement à rechercher
chez le jeune enfant, la personne âgée et les personnes trai-
tées par des médicaments à impact sur la perfusion glomérulaire Intérêt de réaliser un bilan
(diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou antago-
nistes des récepteurs de l’angiotensine 2, anti-inflammatoires non complémentaire [7] ?
stéroïdiens [AINS]). D’autres signes de gravité sont également pos-
Le bilan complémentaire n’est pas systématique (Fig. 1). Sa réa-
sibles :
lisation dépend du tableau clinique :
• syndrome pseudo-occlusif : par hypokaliémie ou par colite
• en cas de diarrhée non sanglante, non fébrile, sans signe cli-
grave (Shigellose, Amoebose, Clostridium difficile, etc.) ;
nique de déshydratation, aucun bilan complémentaire n’est
• signes neurologiques pouvant évoquer un syndrome hémoly-
nécessaire. L’évolution est le plus souvent spontanément
tique et urémique (E. coli) ;
favorable en 2 à 3 jours, sous couvert éventuellement d’un
• des signes de bactériémies voire de sepsis sévères : les bacté-
traitement symptomatique. En cas de persistance des symp-
riémies sont particulièrement à risque en cas de salmonellose
tômes sans amélioration au-delà de 3 jours, une coproculture
survenant chez des patients splénectomisés ou drépanocytaires.
avec recherche de salmonelle, shigelle, Yersinia et Campylobac-
ter, ainsi qu’un examen parasitologique des selles doivent être
prescrits ;
• en cas de diarrhées sanglantes et/ou fébriles, le bilan sera systé-
“ Point fort matique et comportera :
◦ une coproculture en précisant la demande de recherche
de Campylobacter et Yersinia. Une coproculture standard ne
La recherche de signe de déshydratation est le premier comporte que la recherche de salmonelle et de shigelle,
temps de l’examen clinique devant une diarrhée suspectée ◦ un examen parasitologique des selles qu’il faut savoir répé-
infectieuse. ter trois fois, sur des selles fraîches matinales du fait d’une
sensibilité non parfaite,
◦ une numération formule sanguine (NFS),
◦ un ionogramme sanguin, urée, créatininémie,
◦ des hémocultures en cas de syndrome septique au premier
Faire des hypothèses étiologiques plan,
◦ en cas de retour d’une zone tropicale, il faut savoir évoquer le
Certains facteurs épidémiologiques particuliers doivent être paludisme qui peut se présenter comme une diarrhée fébrile
recherchés : au moins initialement. Le frottis sanguin à la recherche de
• existence d’un voyage récent à l’étranger : certains pathogènes paludisme doit être prescrit dans ce contexte ;
sont en effet essentiellement rencontrés en milieu tropical et • en cas de signe clinique de déshydratation, quel que soit le type
seulement exceptionnellement en zone tempérée. Il s’agit des de diarrhée :
shigelles, des amibes et bien sûr du choléra. Ce dernier reste ◦ ionogramme sanguin, urée, créatininémie,
exceptionnel et ne peut concerner qu’un personnel de santé ◦ NFS ;
ayant travaillé auprès de personnes atteintes de choléra ; • en cas de diarrhée survenant durant ou après une antibiothéra-
• en fonction de la saison : les rotavirus et les astrovirus se pie, la recherche de toxines de Clostridium difficile dans les selles
rencontrent surtout en hiver ; est systématique.

4 EMC - Traité de Médecine Akos


Diarrhées infectieuses  4-0900

Figure 1. Arbre décisionnel. Prise


Type de diarrhée en charge des diarrhées infec-
tieuses. NFS : numération formule
sanguine.

Pas de déshydratation

Diarrhée hydrique non Signe de déshydratation


Diarrhée sanglante
fébrile, patient sans ou terrain fragilisé : bilan
et/ou fébrile
antécédent et traitement antibiotique
systématique

Pas de bilan Bilan systématique :


Traitement coproculture complète,
symptomatique : examen
racécadotril parasitologique
des selles, NFS,
ionogramme sanguin,
fonction rénale,
Amélioration Persistance 72 heures recherche de
paludisme si retour de
zone d’endémie
+ hémocultures
Coproculture avec
recherche de salmonelle,
Shigella, Campylobacter,
Yersinia, examen Symptômes modérés :
Symptômes marqués ou
parasitologique des selles attente des résultats du
terrain fragilisé :
bilan, traitement
traitement par
symptomatique et
fluoroquinolone en plus
traitement antibiotique en
du traitement
Traitement adapté fonction des résultats du
symptomatique
bilan

Quand prescrire des antibiotiques ?


“ Point fort La plupart des diarrhées infectieuses disparaissent spontané-
ment. La prescription d’antibiotiques ne doit donc pas être
systématique, ce d’autant que celle-ci peut avoir des effets néfastes
La notion d’un voyage en zone tropicale doit faire évoquer non négligeables. Si certaines indications ne souffrent d’aucune
le paludisme comme cause de diarrhée. discussion (traitement anti-infectieux systématique pour les diar-
rhées à shigelles, choléra, Clostridium et amibes, cf. Tableau 3),
d’autres sont beaucoup plus discutées. Ainsi, les diarrhées dues
aux salmonelles mineures (non Typhi) se compliquent de bac-
Quel traitement symptomatique prescrire ? tériémies dans 5 % à 8 % des cas. Les facteurs de risque de
bactériémies sont représentés par les âges extrêmes (avant 3
Ce traitement symptomatique possède deux intérêts : diminuer mois et après 65 ans), l’immunodépression y compris le trai-
l’intensité des symptômes et traiter l’éventuelle déshydratation : tement par corticoïdes au long cours, les patients atteints de
• lutter contre la déshydratation : maladies inflammatoires du tube digestif, les patients hémodia-
◦ dans tous les cas, il faut conseiller aux patients de bien lysés chroniques et ceux atteints d’hémoglobinopathies comme
s’hydrater, mais également de continuer à s’alimenter pour la drépanocytose. Chez tous ces types de patients, un traitement
compenser les pertes en électrolytes (sucres, sel et potassium),
◦ en l’absence de signe clinique ou biologique de déshydra-
Tableau 3.
tation, une réhydratation orale par de l’eau, associée à une
Traitement antibiotique des diarrhées infectieuses selon les différentes
alimentation simple (riz, jus de fruits, fruits secs, gâteaux
étiologies.
salés, etc.) est suffisante. L’utilisation des solutions de réhy-
dratation orale est également possible, surtout utile chez Pathogènes Traitement
l’enfant ou la personne âgée, Shigelle Ciprofloxacine pendant 3 à 5 jours,
◦ en cas de déshydratation importante, la réhydratation par systématique
voie veineuse s’impose ;
• diminuer la diarrhée : Salmonelles non Ciprofloxacine pendant 3 jours (monodose si
◦ les ralentisseurs du transit type lopéramide sont efficaces typhiques peu sévère), non systématique a
mais peuvent s’avérer dangereux en favorisant la stagna- Campylobacter jejuni Azithromycine pendant 5 jours, non
tion et donc la pullulation des germes en causes. Ils doivent systématique
donc être évités au maximum. Ils sont formellement contre-
Yersinia Ciprofloxacine pendant 7 jours
indiqués en cas de diarrhée invasive, donc en cas de fièvre
ou de sang. Ils peuvent être utilisés en cas de diarrhées toxi- Choléra Doxycycline pendant 3 jours
niques mais avec parcimonie, a
Antibiothérapie indiquée : avant 3 mois et après 65 ans ; immunodépression ;
◦ les antisécrétoires, comme le racécadotril (un comprimé trois
maladies inflammatoires du tube digestif ; hémodialysés chroniques ; hémoglo-
fois par jour) ne possèdent par contre pas ces inconvénients binopathies, drépanocytose ; patient porteur d’un anévrisme de l’aorte ou d’une
et peuvent être utilisés sans restriction. prothèse valvulaire cardiaque.

EMC - Traité de Médecine Akos 5


4-0900  Diarrhées infectieuses

antibiotique, reposant sur les fluoroquinolones en première inten- • les infections par Entamoeba histolytica nécessitent un traite-
tion, doit être administré. On étend également cette indication ment par métronidazole 500 mg × 3/j pendant 7 jours associé
aux patients connus pour être porteurs d’un anévrisme athéro- à un amoebocide de contact : tiliquinol-tibroquinol (Intétrix® ),
mateux de l’aorte ou d’une prothèse valvulaire cardiaque, du fait 2 gélules matin et soir pendant 10 jours.
de la grande propension des salmonelles à se fixer à un endo-
thélium vasculaire pathologique et à provoquer dans les suites
une infection à ce niveau. En dehors de ces situations, aucune  Conclusion
antibiothérapie n’est nécessaire, du fait d’une évolution sponta-
nément favorable et d’un effet modéré de l’antibiothérapie sur la De par leur fréquence, les diarrhées infectieuses occupent
durée et l’intensité des symptômes. Elle pourrait en outre favori- une place importante en médecine générale. La connaissance
ser le portage chronique des salmonelles. Enfin, la résistance aux de la physiopathologie de ces infections permet d’évoquer des
antibiotiques des salmonelles est une problématique importante, pathogènes précis et aide le clinicien dans la prise en charge
notamment en cas de retour du sud-est asiatique, région où la thérapeutique de ce patient. Loin d’être systématique, le bilan
prévalence de la résistance de ces bactéries aux fluoroquinolones complémentaire peut parfois aider à cette prise en charge, pour
est élevée. En cas d’indication d’antibiothérapie, le traitement réserver l’antibiothérapie.
repose alors sur les céphalosporines de troisième génération injec-
tables.
En ce qui concerne les diarrhées à Campylobacter, les données
sont également contrastées. Le traitement antibiotique n’a proba-
blement que peu d’intérêt. S’il est proposé (diarrhée importante
qui persiste au-delà de 3 jours), il repose sur l’azithromycine en
“ Points essentiels
première intention. • Une diarrhée fébrile et/ou sanglante oriente vers un
Des propositions de traitement antibiotique sont fournies dans
le Tableau 3, pour chaque étiologie.
mécanisme invasif.
• Une diarrhée aqueuse, non fébrile, oriente vers un méca-
nisme toxinique.
• La recherche de signes cliniques de déshydratation doit
“ Points forts être systématique devant toute diarrhée.
• Un bilan complémentaire n’est nécessaire qu’en cas de
mauvaise tolérance clinique de la diarrhée et/ou de diar-
• L’antibiothérapie est systématique en cas de shigellose. rhée fébrile avec émission de sang.
• L’antibiothérapie n’est pas systématique en cas de sal- • Le traitement antibiotique ne doit pas être systématique,
monellose. mais est réservé aux diarrhées avec signes de gravité, ou à
certaines étiologies comme les shigelloses.
• La notion de voyage en zone tropicale tout comme
La plupart du temps, la question de l’antibiothérapie se pose la prise récente d’antibiotiques doit être recherchée par
avant que les résultats de la coproculture ne soient disponibles. l’interrogatoire.
La réflexion de l’indication de l’antibiothérapie empirique doit
alors se baser sur l’intensité et les caractéristiques sémiologiques
de la diarrhée. Cette antibiothérapie empirique doit être débutée
devant :  Références
• une diarrhée invasive (fièvre et/ou sang et glaires) marquée ;
• tout type de diarrhée avec signe de gravité et notamment signe [1] Thielman NM, Guerrant RL. Clinical practice. Acute infectious diar-
de déshydratation intense ; rhea. N Engl J Med 2004;350:38–47.
• en cas de terrain très fragile : patient âgé, pathologies asso- [2] Letrilliart L, Desenclos JC, Flahault A. Risk factors for winter out-
ciées de type insuffisance cardiaque sévère, insuffisance rénale, break of acute diarrhoea in France: case-control study. Br Med J
patient immunodéprimé. 1997;315:1645–9.
Elle repose alors sur les fluoroquinolones en première inten- [3] Kosek M, Bern C, Guerrant R. The global burden of diarrhoeal disease,
tion : ciprofloxacine, 500 mg/j pendant 3 jours. Ce traitement as estimated from studies published between 1992 and 2000. Bull WHO
2003;81:197–204.
empirique sera secondairement adapté aux résultats des copro-
[4] Yazdanpanah Y, Beaugerie L, Boelle PY, Letrilliart L, Desenclos JC,
cultures qui auront été prélevées avant son initiation.
Flahault A. Risk factors of acute diarrhoea in summer–a nation-wide
Enfin, il existe deux cas particuliers nécessitant un traitement French case-control study. Epidemiol Infect 2000;124:409–16.
spécifique : [5] DuPont HL. Clinical practice. Bacterial diarrhea. N Engl J Med
• Clostridium difficile : le traitement antibiotique inducteur doit si 2009;361:1560–9.
possible être interrompu. Un traitement spécifique est le plus [6] DuPont HL. Guidelines on acute infectious diarrhea in adults. The
souvent prescrit même si une guérison survient dans 25 % des Practice Parameters Committee of the American College of Gastroen-
cas grâce au seul arrêt de l’antibiothérapie responsable. Ce trai- terology. Am J Gastroenterol 1997;92:1962–75.
tement spécifique repose sur le métronidazole, 250 mg × 4/j [7] Bouchaud O. Diarrhées aiguës infectieuses. Rev Prat 2008;58:
pendant 10 jours. Des rechutes sont possibles ; 1179–86.

M. Revest (matthieu.revest@chu-rennes.fr).
P. Tattevin.
Service des maladies infectieuses et réanimation médicale, Hôpital Pontchaillou, CHU Rennes, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes cedex 9, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Revest M, Tattevin P. Diarrhées infectieuses. EMC - Traité de Médecine Akos 2012;7(2):1-6 [Article 4-0900].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

6 EMC - Traité de Médecine Akos


¶ 4-0920

Neutropénies fébriles
S. Choquet

Les neutropénies fébriles représentent une complication fréquente des chimiothérapies actuelles. Leur
prise en charge précoce permet de limiter la mortalité à moins de 10 % des cas. L’utilisation de facteurs
pronostiques justifie parfois de proposer un traitement antibiotique à domicile, sous la surveillance du
médecin généraliste. Dans tous les autres cas, l’hospitalisation est de règle pour débuter une
antibiothérapie à large spectre. Un germe n’est isolé que dans un tiers des cas.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Neutropénie fébrile ; Antibiothérapie ; Vancomycine ; Voie veineuse centrale

Plan empirique rapide est nécessaire, elle permet d’abaisser la


mortalité à moins de 10 % des cas [1]. Elle s’appuie en grande
¶ Introduction 1 partie sur deux réunions de consensus des sociétés américaine,
allemande et japonaise des maladies infectieuses, en 1997, [2]
¶ Définition 1 2002, [3] 2003 [4] et 2004 [5]. Hormis cet aspect humain essentiel,
¶ Facteurs de risque 2 les neutropénies fébriles constituent un enjeu de santé publique
¶ Germes impliqués 2 important, avec un coût moyen de prise en charge de près de
Cocci à Gram positif 2 20 000 dollars par hospitalisation [1].
Bacilles à Gram positif 2
Bacilles à Gram négatif 2
Germes anaérobies 2 ■ Définition (Tableau 1)
Champignons 2
On parle de neutropénie fébrile lorsqu’un patient a un taux
¶ Examens à pratiquer 2
de neutrophiles inférieur à 500/mm3 (grade 4 de la toxicité
¶ Groupes à risque 2 définie par l’Organisation mondiale de la santé [OMS]), ou
¶ Choix de l’antibiothérapie de première ligne 3 compris entre 500 et 1 000/mm3, et prochainement en dessous
Antibiothérapie à domicile, per os 3 de 500/mm3, et une température supérieure ou égale à 38,3 °C
Biantibiothérapie intraveineuse 3 ou deux fois supérieure ou égale à 38 °C dans les 12 heures. Il
Monothérapie 3 est fréquent d’ajouter les monocytes aux neutrophiles, et de
Indications de la vancomycine 3 garder le seuil de 500/mm3.
¶ Modifications de l’antibiothérapie 3 Certaines fièvres du neutropénique peuvent parfois être
Critères de changement 3 respectées, notamment lors d’un traitement par Aracytine® à
Choix de l’antibiothérapie 4 fortes doses, ou dans les 6 heures suivant une transfusion,
En cas d’apyrexie 4 toutefois la décision d’abstention ne doit être prise que par un
Utilisation des facteurs de croissance (G-CSF) 4 spécialiste.
¶ Utilisation des voies centrales 4
À l’inverse, des douleurs abdominales sans fièvre peuvent être
Épidémiologie 4
d’origine infectieuse (notamment à Clostridium septicum). Enfin
Soins 4
les patients sous antipyrétique (paracétamol, anti-
Arguments évocateurs d’une infection de la voie centrale 4 inflammatoires non stéroïdiens [AINS], corticoïdes) voient
Indications de retrait 4 souvent leur diagnostic retardé et constituent des patients à
risque élevé d’infection grave.
¶ Conclusion 5

Tableau 1.
■ Introduction Définition de la neutropénie fébrile.
Neutrophiles Température
Rançon des progrès de l’oncologie et de l’hématologie, les
< 500/mm 3
≥ 38,3 °C
neutropénies fébriles font partie du lot quotidien de ces
< 1000/mm3 et prochainement ≥ 38 °C à 2 reprises en moins de 12 h
spécialités et sont devenues une situation fréquemment rencon-
< 500/mm3
trée en ville. Le pronostic vital étant mis en jeu, une attitude

Traité de Médecine Akos 1


4-0920 ¶ Neutropénies fébriles

■ Facteurs de risque facteur de risque, on le trouve davantage chez les patients


atteints de myélome, de leucémie lymphoïde chronique ou
Les neutropénies n’ont pas toutes le même risque d’être traités par corticothérapie.
compliquées d’une fièvre. Les principaux facteurs pronostiques Les entérocoques sont rarement isolés lors d’un premier
sont : épisode fébrile et proviennent le plus souvent de la colonisation
• le type de chimiothérapie utilisée, les traitements hématolo- du patient. Enterococcus faecium est plus souvent isolé qu’Ente-
giques étant habituellement plus agressifs ; rococcus faecalis, et ils sont tous deux le reflet de lésions
• une éventuelle corticothérapie associée ; digestives et muqueuses.
• la présence et la manipulation pendant l’aplasie d’une voie
centrale (cathéter simple ou chambre implantable) ; Bacilles à Gram positif
• une aplasie survenue à l’hôpital, souvent associée à l’émer-
gence de germes hospitaliers, multirésistants ; Les corynébactéries représentent l’essentiel des bacilles à
Gram positif isolés chez le neutropénique. Elles proviennent
• la maladie sous-jacente : dans ce cadre, les leucémies aiguës
surtout de lésions cutanées, au premier rang desquelles se
sont associées au risque le plus élevé ;
trouvent les cathéters centraux.
• le taux de neutrophiles est également important, une neutro-
pénie inférieure à 100/mm3 étant un facteur de risque majeur.
Bacilles à Gram négatif
■ Germes impliqués (Tableau 2) Escherichia coli est le bacille à Gram négatif le plus fréquent,
il devance Klebsiella et Pseudomonas aeruginosa.
Pseudomonas aeruginosa reste le germe associé à la mortalité la
Lors des neutropénies fébriles, un germe est isolé uniquement
plus élevée dans toutes les séries. Son taux de mortalité a
dans un tiers des cas. De 1960 à 1980, les bacilles à Gram
toutefois baissé à moins de 10 % grâce aux antibiothérapies
négatif étaient les plus fréquemment retrouvés, et principale-
empiriques et il représente moins de 10 % des bactériémies.
ment le Pseudomonas aeruginosa. Avec l’utilisation large des voies
centrales, des fluoroquinolones, et de par la fréquence des
mucites chimio-induites, les cocci à Gram positif représentent Germes anaérobies
de nos jours 70 % des hémocultures positives. Les anaérobies sont rarement la cause de septicémies chez le
neutropénique : ils représentent moins de 3 % des bactériémies.
Cocci à Gram positif Les infections à Fusobacterium, Peptococcus ou Capnocytophaga
sont habituellement le reflet de mucites importantes.
Le germe le plus souvent isolé est le staphylocoque coagulase
négatif. Sa fréquence et sa bénignité ont conduit à recomman-
der deux hémocultures positives à ce germe avant tout traite-
Champignons
ment : plus de 50 % de ces staphylocoques résistent à la Ils compliquent les neutropénies et les corticothérapies
méticilline et les septicémies à ce germe ne sont jamais prolongées, surtout lors du traitement des leucémies aiguës.
mortelles. Les Candida sont favorisés par les antibiothérapies à large
Les autres cocci à Gram positif fréquemment retrouvés sont spectre ainsi que les mucites. Candida albicans est le champi-
le Staphylococcus aureus, les streptocoques et les entérocoques. gnon le plus souvent isolé, toutefois les traitements prophylac-
Parmi les streptocoques, Streptococcus viridans est particulière- tiques par fluconazole ont favorisé l’émergence de Candida
ment agressif, associé à une mortalité oscillant entre 6 et 30 % krusei et glabrata.