Explorer les Livres électroniques
Catégories
Explorer les Livres audio
Catégories
Explorer les Magazines
Catégories
Explorer les Documents
Catégories
Moines et ermites :
des Pères du désert d’Égypte
à ceux de l’Éthiopie contemporaine1
1. Reprise, avec quelques modifications, d’un article paru dans « Le ciel dans les civi-
lisations orientales », Acta Orientalia Belgica XII, Bruxelles, 1999, pp. 89-104.
2. En prenant, bien sûr, le mot « philo-sophique » au sens étymologique (cf. Lampe,
A Patristic Greek Lexicon, s.v. filósofos et filosofía).
3. La bibliographie sur les apophtegmes, spécialement en français, s’est multipliée
|
au cours des cinquante dernières années, en bonne partie grâce à dom Regnault. Ici,
2014 2016
les apophtegmes sont identifiés exclusivement d’après les numéros qu’il leur a assi-
gnés (ils diffèrent parfois des numérotations antérieures). En particulier, les apoph-
tegmes porteurs d’un « S » entre le nom et le chiffre (par ex. « Jacques S 2 ») constituent
un supplément aux collections éditées, (identifié par le P. J-Cl. Guy, sj). Par ailleurs, et
à parler avec précision, les moines du nord de l’Égypte étaient plutôt des « ermites
vivant en communauté » : ils habitaient chacun seul dans leur cellule, parfois avec un
ou deux disciples, regroupés dans des espèces de villages monastiques, ce qui leur
assurait la présence d’une église, d’un point d’eau et, quand il le fallait, le secours des
confrères.
247
248
5. Le pain ayant la forme d’une galette plate, on en prend un morceau que l’on roule, après
y avoir placé des aliments (viande, etc.), et on le met littéralement dans la bouche de l’hôte.
6. Pratiquement tous, même les laïcs les moins « pratiquants », passent tout le carême
(55 jours) sans aliments protéinés (la règle est : « rien qui provienne de l’animal », donc
ni viande, ni œufs, ni laitages). La plupart des chrétiens « ordinaires » restent jusqu’au
soir sans manger ni boire les jours de jeûne ; les plus fervents d’entre eux « joindront »
facilement plusieurs jours.
7. N’oublions pas qu’une bonne partie de l’Éthiopie est située au-dessus des 2000 m
d’altitude, et ce sont d’ailleurs ces hauts-plateaux qui, depuis des temps immémo-
riaux, forment l’habitat préféré des populations chrétiennes.
|
normalement sans que les genoux touchent terre ; elles supposent une certaine sou-
plesse acquise dès l’enfance. Elles sont traditionnelles dans toutes les Églises chré-
tiennes d’Orient, et remontent à l’Antiquité (laquelle ne distinguait d’ailleurs pas
toujours « génuflexion » de « prosternation » : cf. l’article « Génuflexion » dans DACL
[Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de Liturgie], 6/1, col. 1017-1021, article qui
pourrait être notablement affiné de nos jours).
9. Nous pensons surtout à l’Orient chrétien antique, mais la réflexion vaudrait tout
autant pour les Vies de saints irlandais du haut Moyen Âge, comme on le remarquera,
par exemple, à la lecture de l’article « Génuflexion » cité à la note précédente.
249
10. Il est assez courant pour un ascète de ne manger qu’une fois par semaine en
carême (et il s’agit alors d’une alimentation purement végétarienne) ; et d’aucuns pra-
tiquent un régime encore plus austère. La comparaison avec les ascètes de l’Inde vient
immédiatement à l’esprit.
11. Voir W. Bushell, Baidemariam Desta et K. Bushell, « From Hagiography to Ethno-
graphy via Psychophysiology : Towards an Understanding of Advanced Ethiopian
Christian Ascetics », dans Proceedings of the Eleventh International Conference of
Ethiopian Studies. Addis Abeba, April 1-6 1991 dans Bahru Zewde, R. Pankhurst et
Taddese Beyene (éds), vol. II, Addis Abeba, 1994, pp. 41-60. On y rapporte le cas d’as-
cètes passant de longues heures en prière dans l’eau froide (pénitence qui était bien
connue des premiers moines irlandais !). Il est aussi possible de voir des personnes
prenant pour la prière, et gardant pendant plusieurs heures (si pas davantage), la
250
Constatations anthropologiques
Le spécialiste des études chrétiennes n’est pas seul à éprou-
ver devant ces faits une surprise teintée d’intérêt : il y a quelques
années, un anthropologue américain, William Bushell14, avait
été frappé par le fait que nombre de phénomènes rapportés par
les revues spécialisées en « psychosomatique » se rencontraient
presque à chaque page dans les Vies de saints anciennes, et en
particulier dans celles de l’Éthiopie ; il a cherché à savoir si ces
phénomènes — que le rationalisme moderne tend à discréditer
osture dans laquelle saint Takla Haymanot est représenté, les bras levés et en équi-
p
libre sur une seule jambe.
12. En particulier, tous les touristes peuvent remarquer, dans la paroi rocheuse qui
entoure certaines églises de Lalibela, des cavités à peine suffisantes pour permettre à
un adulte de s’y tenir recroquevillé ; elles servent de refuge à des moines ou moniales
venus en pèlerinage, et qui peuvent y passer quelques semaines, quelques mois ou
même quelques années.
13. Bien sûr, un Occidental à l’esprit pratique pourrait songer à installer un système
perfectionné pour retenir et recycler l’eau de pluie mais, justement, ce genre de soucis
n’entre pas dans les priorités du monastère ; l’eau de la citerne, car il en existe une, est
|
251
16. Il signale avoir commencé en 1988, et était sur le point de terminer au moment du
Congrès d’Addis Abeba, en avril 1991.
252
17. La vision ne peut pas être « constatée » scientifiquement ; quant aux guérisons
d’autrui, à propos desquelles Bushell a relevé des témoignages, il a renoncé à s’en
servir, car les moyens médicaux à mettre en œuvre pour « prouver » une guérison
excèdent de loin ceux dont dispose un chercheur de terrain (cf. Bushell, note 6, p. 52).
18. Cf. L’apophtegme Éth. Coll. 13,26 (L. Regnault [dir.], Les sentences des Pères du
désert, Abbaye de Solesmes, vol. 2 : Nouveau Recueil, 1970, p. 293 [tiré de la Collectio
monastica éthiopienne]) ; A. Grillmeier, Le Christ dans la tradition chrétienne, II / 4 :
L’Église d’Alexandrie, la Nubie et l’Éthiopie après 451, en collab. avec Th. Hainthaler.
trad. en français par Sr Pascale-Dominique, Paris, 1996 : voir pp. 267-269, et la biblio-
graphie de la note 53, en particulier E. Lanne, « La prière de Jésus dans la tradition
|
19. Ce qui ne signifie pas non plus que tout soit de même valeur : la plupart des récits
ont nécessairement connu une phase de transmission orale, plus réceptive aux modi-
fications. C’est d’ailleurs facile à voir : il suffit de comparer plusieurs apophtegmes
rapportant la même anecdote.
20. Arsène 27 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabé-
tique, 1981, 65. N 639 = Id. (dir.), Les sentences des Pères …, vol. 5 : Série des anonymes,
1985 (qui est simultanément le n° 43 de la collection Spiritualité orientale publiée par
l’Abbaye de Bellefontaine), 1639. Et Joseph 7 = L. Regnault (dir.), Les sentences des
Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 390. Pour un commentaire, voir Louis Leloir,
253
Macérations extraordinaires
Sauf en matière de jeûne (auquel nous reviendrons), la même
sobriété est de mise dans la description des pénitences et macé-
rations extraordinaires auxquelles se livraient ces ascètes hors
du commun. C’est ainsi que, contrairement à certaines hagio-
graphies qui relèvent manifestement des « passions épiques23 »,
on ne trouve que des pénitences, certes particulièrement
pénibles, mais en définitive comparables à des austérités attes-
tées à notre époque par des anthropologues : Bessarion, Séra-
pion, Onuphre et les fameux moines « Réchabites » vivent à l’air
libre et presque comme des animaux sauvages24 ; quelques
O.S.B., Désert et communion. Témoignage des Pères du désert recueillis à partir des
Paterica arméniens (= Spiritualité orientale, 26), Bégrolles-en-Mauge, 1978, pp. 226 ss.
21. Jacques S 2 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères …, vol. 4 : Collection alpha-
bétique, 964. Ce récit trouverait facilement son parallèle dans des constatations faites
par des anthropologues contemporains.
22. Pœmen 144 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alpha-
bétique, 718. Silvain 2 = Ibid., 857. Et Tithoès 1 = Ibid., 910 (ce dernier sera transcrit
ci-dessous).
23. Cf. H. Delehaye, Les Passions des martyrs et les genres littéraires (= Subsidia Hagio-
graphica, 13 B), pp. 213 ss., où l’on trouvera nombre d’exemples.
24. Cf. Bessarion 12 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection
alphabétique, 167. N 565 = L. Regnault, Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des ano-
nymes, 1565 (Sérapion). La Vie d’Onuphre (cf. BHG 1378 ss) est résumée dans N 132 A
et D = Ibid., 1132 A et D. Et Macaire 2 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…,
254
27. N 566 L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes, 1566.
2014 2016
On pourrait aussi citer Ibid., 1592/3 (= collection de Paul Evergetinos, I, 13) : « N’aie
pas de vêtement inutile suspendu dans ta cellule, parce que c’est la mort pour toi ; car
d’autres gèlent, qui sont plus justes que toi, et toi, pécheur, tu as du superflu. »
28. Et c’est d’ailleurs pourquoi l’autre Macaire, qui était le prêtre de Scété, ne lui donna
qu’une pénitence « légère », à savoir trois semaines de jeûne en ne mangeant qu’une fois
par semaine (austérité dont Macaire le Citadin était coutumier) : Macaire l’Égyptien 21
= L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 474.
29. Carion 2 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabé-
tique, 441.
255
30. Agathon 15 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, idem, 97.
31. Et, bien sûr, non sans raison, car il ne manque pas de textes qui y donnent prise : cf. P.
Devos, « Règles et pratiques alimentaires selon les textes : le salut par l’ascèse ? », dans Le
site monastique copte des Kellia. Sources historiques et explorations archéologiques. Actes
du colloque de Genève, 13 au 15 août 1984, Genève, 1986, pp. 73-83 (ici p. 73).
32. Cassien, Conférences, II, 22 (éd. E. Pichery, dans Sources chrétiennes, 42 [Paris,
1955], pp. 133 ss), cité par P. Devos, « Règles et pratiques alimentaires… », p. 76.
33. Cf. Évagre 6 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alpha-
bétique, 232 (citation du Traité pratique, 91).
34. Cf. Ammonas 4 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection
alphabétique, 116 ; la parole du publicain est, bien sûr : « Mon Dieu, prends pitié du
pécheur que je suis » (Lc 18,13). Voir aussi les apophtegmes Synclétique 6 = Ibid., 897 ;
Biare 1 = Ibid., 173 ; et Arsène 2 = Ibid., 40.
35. Cassien, Conférences, XXIV, 3 (éd. Pichery, dans Sources chrétiennes, 64 [Paris,
1959], p. 174).
256
36. Cf. Arsène 14 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères.., vol. 4 : Collection alpha-
bétique, 52. Et Ch 250 (L. Regnault [dir.], Les sentences…, vol. 2 : Nouveau Recueil,
pp. 281 ss).
|
37. Cf. Macaire l’Égyptien 21 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Col-
2014 2016
lection alphabétique, 474 (cité à la n. 28 ci-dessus). N 641 = L. Regnault (dir.), Les sen-
tences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes, 1641. On trouvera d’autres exemples sur
le jeûne dans P. Devos, « Règles et pratiques alimentaires… », cité plus haut.
38. N 242 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes,
1242. N 23 = Ibid., 1023.
39. Jean Colobos 32 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection
alphabétique, 347. Carion 1 = Ibid.,440 (concerne Zacharie).
40. Arsène 36 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, ibidem, 74. Cette même histoire
revient, en une version quelque peu différente, dans l’apophtegme Romanos 1 = Ibid., 799.
257
La discrétion monastique
Qui cherche à collecter les phénomènes exceptionnels en
trouvera une vingtaine au chapitre XIX de la collection systéma-
tique, intitulé « De ceux qui font des miracles45 » : c’est peu m
algré
41. L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 2 : Nouveau Recueil, p. 285 : Ch 270.
42. Jacques S 2 (cité ci-dessus : cf. note 21).
43. Ch 255 (=L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, ibidem, p. 282). Remarquons
bien que le texte ne signifie pas nécessairement qu’il fut guéri : «le repos» peut aussi
être une manière de désigner la mort ! Il se peut que, tout simplement, le P. Dioscore
ait décidé de vivre avec la santé que le Seigneur lui donnait, sans s’en faire davantage,
jusqu’à ce que le Seigneur l’ait rappelé à Lui. Le récit est ambigu, et cette ambiguïté
même du texte nous révèle ce qui était vraiment important pour ces moines : non pas
d’être en bonne santé, mais de vivre constamment en union avec le Seigneur, sans se
laisser distraire par les aléas de la vie terrestre.
44. La faute était bien sûr celle d’avoir mis son espoir dans l’argent plutôt qu’en Dieu.
Cette histoire revient deux fois : N 261 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…,
vol. 5 : Série des anonymes, 1261. Et N 493 = Ibid., 1493.
45. L. Regnault, Les chemins de Dieu au désert. Collection systématique des apoph-
tegmes, Solesmes, 1992, pp. 319-326.
258
46. Bien sûr, la définition de « ce qui excède le cadre ordinaire » n’est pas univoque, et
c’est ainsi que des étrangers peuvent être mis au courant, parfois presque sans l’avoir
cherché, de phénomènes surprenants à leurs yeux : dans ce cas, il est probable que
leur interlocuteur, dont les références culturelles sont tout autres, n’ait pas imaginé
l’effet que cette « révélation » produirait sur eux. Ce genre de situations se produisait
déjà dans le désert de Scété au ive siècle : cf. l’apophtegme Arsène 28 = L. Regnault
(dir.), Les sentences des Pères …, vol. 4 : Collection alphabétique, 66. Et surtout N 486 A
|
= L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes, 1486 A (= BHG
2014 2016
259
50. L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes, 1559 = N 559
(Paul Evergetinos, I, 45,24).
51. Évagre S 1 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes,
950 (ou Syst XV, 16/15) : cf. PG 79, 1249 C.
52. Syst XV, 21 (Isaïe 6/XIII 4 b) : L. Regnault, Les chemins de Dieu…, p. 231.
53. On relira avec profit tous les apophtegmes que la collection alphabétique rapporte
à son sujet (L. Regnault [dir.], Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique,
316-355) ; rappelons simplement qu’il commença sa carrière monastique en recevant
un fameuse leçon de son frère (Jean Colobos 2 = L. Regnault (dir.), Les sentences des
Pères…, idem, 317), et qu’il en tira un profit inépuisable. Il était devenu tellement
humble qu’il pouvait, en toute vérité et simplicité, deviner le désir d’autrui et accepter
qu’on lui rendît service (Jean Colobos 7 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…,
idem,322).
54. Jean Colobos S 1 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection
alphabétique, 956 b (ou Syst XV, 34/22 a).
55. Macaire l’Égyptien 35 = L. Regnault (dir.), idem, 488.
56. Jean 2 = L. Regnault (dir.), Idem, 408 (ou Syst XV, 36/23 ; il s’agit de Jean de la Thé-
baïde, aussi appelé Jean de Lycopolis).
260
261
61. Antoine 3 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabé-
tique, 3.
262