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Docteur en Droit
Enseignant chercheur à l’université Hassan II
Casablanca
a- GENERALITES :
L'internationalisation des économies nationales ne cesse de s'accroître depuis
la fin du siècle écoulé1. Dès le début de cette intégration planétaire des économies,
dénommée, "mondialisation" économique, traduite par l’accélération et la
simplification des échanges de marchandises, de services et de techniques, les
contrats internationaux2, considérés comme instruments juridiques de
développement du commerce international par excellence, sont au nombre croissant.
Marqués par leur diversité, ces contrats répondent à des besoins différents. A côté
des formes classiques3, se sont multipliés les contrats internationaux de distribution
ou de coopération entre entreprises4. Sont également apparues des formules inédites,
issues de la pratique et renouvelant le contrat d’entreprise (contrats clés en main,
d’ingénierie…), réalisant un transfert de technologie (contrats de licence, de savoir-
faire…) ou assurant le financement d’autres obligations (crédit, bail…) 5.
1
ALLEGRET (J-P) et LE MERRER (P), Économie de la mondialisation : vers une rupture durable, 2ème
édition, Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles, 2015, p.9.
2
C’est à juste titre que le professeur EL MERNISSI (M), (Définition du contrat international, revue
l’actualité juridique, n°18, 1999, p.4), distingue entre deux conceptions du contrat international : « dans
une première approche, le contrat international n’est qu’une simple projection du contrat interne qui
serait affecté d’un élément d’extranéité », avant de souligner que : « dans une approche différente, le
contrat international est un contrat hétérogène qui se trouve dans la mouvance de plusieurs systèmes
juridiques ».
3
Entre autres : contrats de vente, de transport,…
4
On retrouve ainsi des contrats de coopération ayant pour objet, une coopération industrielle,
commerciale ou technologique notamment en matière de recherche et développement comme le
contrat de sous-traitance et de joint-venture qui est une relation contractuelle comportant la mise en
commun de biens et d'industries, visant la poursuite et le partage des profits et ayant généralement un
objet limité.
Voir à ce sujet : BAPTISTA (L-O) et DURAND-BARTHEZ (P), Les associations d'entreprises (Joint-
Ventures) dans le commerce international, Bruylant, 2012, p. 3.
5
FONTAINE (M), les contrats internationaux à long terme, études offertes à Roger HOUIN, édition
Dalloz, Sirey, Paris, 1985, p.267 s.
1
Le nombre de ces contrats connait une prolifération exponentielle avec
l’exportation des matières premières pour les pays occidentaux et l’importation des
produits fabriqués ou des services fournis par leurs entreprises aux pays en
développement. Faisant partie de cette dernière catégorie, le royaume du Maroc,
aspirant à encourager les investissements étrangers dans tous les domaines
notamment, le transfert de technologie, a senti le besoin impérieux de reconstruire
l’arsenal juridique de l’ensemble du pays, dans l’objectif de mettre en œuvre une
nouvelle politique économique basée sur la liberté d’entreprendre.
Cette technique qui vise à faire donner la solution à une question intéressant les
rapports entre deux ou plusieurs personnes par une ou plusieurs autres personnes,
appelées arbitres, lesquelles tiennent leurs pouvoirs d’une convention privée et
statuant sur la base de cette dernière sans être investies de cette mission par l’Etat 8 ;
ou encore, l’institution par laquelle un tiers règle le différend qui oppose deux ou
plusieurs parties en exerçant la mission juridictionnelle qui lui a été confiée par
celles-ci9.
6
JAEGER (J.D), l’étendue du contrôle de l’arbitre en commerce international, mémoire pour
l’obtention de master en droit, faculté de droit, université Laval, 1998, p.94.
7
C’est ainsi que l’article 17 de la loi-cadre n°18-95 du 3 octobre 1995 formant charte d’investissement
au Maroc dispose au paragraphe 3 que : « Les contrats visés ci-dessus peuvent comporter des clauses
stipulant qu’il sera procédé au règlement de tout différent afférent à l’investissement, pouvant naître
entre l’Etat marocain et l’investisseur étranger, conformément aux conventions internationales
ratifiées par le Maroc en matière d’arbitrage international ».
8
DAVID (R), L’arbitrage dans le commerce international, Economica, Paris, 1982, p.9.
9
On distingue, en ce sens, entre l’arbitrage institutionnel et l’arbitrage ad hoc. Dans l’arbitrage
institutionnel, les parties doivent respecter les règles de procédures de l’institution d’arbitrage choisie.
Cette dernière n’est pas une juridiction puisque son rôle se limite à administrer et à fournir les
infrastructures nécessaires aux arbitrages qui se déroulent sous son égide en application de son propre
règlement qui détermine les principales règles de l’arbitrage, les pouvoirs et les devoirs des arbitres et
dont le respect est assuré par une autorité chargée d’assurer l’administration de l’arbitrage et son
contrôle, à l’exemple de la cour international d’arbitrage de la CCI. (JACQUET (J.M) et DELEBECQUE
2
Dès lors qu’il soit désigné, l’arbitre a pour mission de régler le différend. La
décision qu’il rend ne constitue pas une simple proposition sur laquelle les parties
sont invitées à se mettre d’accord10, elle est un jugement par lequel l’arbitre fait
œuvre juridictionnelle.
Cette décision prend le nom de sentence et peut obtenir après exequatur, ordre
donné par le juge étatique compétent suite à une demande formulée par ce qui s’en
prévaut de la faire exécuter au moyen des pouvoirs de coercition dont il dispose et
dont il est investi, force exécutoire ; c'est-à-dire elle prend la forme d’un jugement
étatique susceptible d’être exécuté via les voies d’exécution forcée prévues par la
loi11.
(Ph), Droit du commerce international, Dalloz, Paris, 2ème éd, 1999, p.318). Ce qui procure une certaine
sécurité que ne présente pas l’arbitrage ad hoc. Néanmoins, on peut mentionner deux principaux
inconvénients qui lui sont propres à savoir, en premier, son coût élevé et, en second, et non le
moindre, la "judiciarisation" progressive de la procédure que les parties voulaient, au départ, souple
(FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E), GOLDMAN (B), traité de l’arbitrage commercial international,
Litec, Paris, 1996, p.36). Ce qui altère considérablement le principe de souplesse de la procédure
d’arbitrage tandis qu’apparaissent les risques d’une administration anonyme et lourde à l’instar de la
justice étatique écartée pour cette raison (REDFERN (A) et HUNTER (M), Droit et pratique de
l’arbitrage commercial international, LGDJ, 2ème éd, 1998, pp.44-48).
L’arbitrage ad hoc est celui qui, au contraire de l’arbitrage institutionnel, n’est pas confié à une
institution particulière et ne met donc en présence que les parties et les arbitres en dehors de toute
structure préexistante. En effet les parties fixent leurs propres règles de procédure et, d’une manière
générale, organisent le déroulement de l’instance arbitrale.
Son principal avantage est qu’il permet d’adapter la procédure à la volonté des parties et aux
circonstances particulières du litige ce qui le rend flexible, toutefois, il présente aussi un inconvénient
qui est le risque de corruption qui pèse sur les arbitres dès lors que les enjeux du litige sont importants
et qu’il n’y a aucune institution ou centre d’arbitrage pour les contrôler.
Voir pour plus de détails : OPPETIT (B), Sur le concept d’arbitrage, études offertes à Berthold
GOLDMAN, Litec, Paris, 1983, p.230 s ; GUYON (Y), l’arbitrage, Economica, Paris, 1995, p.11 ;
JARROSSON (Ch), la notion d’arbitrage, LGDJ, Paris, 1987, p.40.
10
Par contre, dans les autres modes alternatifs de règlement des litiges, à savoir la médiation et la
conciliation, le tiers n’exerce aucun pouvoir juridictionnel et ne rend aucune décision obligatoire pour
les parties.
11
Ces voies d’exécution sont prévues au chapitre 3 du titre 9 du CPC marocain.
3
Toutefois, on ne peut prétendre que l’arbitrage soit entièrement juridictionnel au
vu de ses effets mais également contractuel par son origine qu’il puise dans la
volonté des parties via la convention d’arbitrage 12. Cette conception retenue par
l’ensemble des auteurs modernes qui considèrent que l’arbitrage est une institution
de nature hybride, complexe, tenant à la fois du contrat et du jugement. La
convention initiale et la décision finale exercent leur influence sur cette méthode, ce
qui ne permet pas d’opérer des séparations susceptibles de la dénaturer 13.
Ceci dit, la procédure arbitrale est ponctuée d’un acte juridictionnel. Cet acte est
susceptible d’exécution forcée car, dès lors que l’une des parties refuse d’exécuter la
sentence, l’autre peut obtenir du juge étatique la formule exécutoire par le biais d’une
ordonnance d’exequatur, le juge exerçant une fonction régalienne qui est la justice,
opérant ainsi une distinction entre juris dicto, le fait de dire le droit et ce qui est juste
et imperium, le pouvoir de donner des ordres à la force publique pour mettre à
exécution14.
12
TOUMLILT (A), la dualité de l’arbitrage : analyse critique de la loi 05-08, thèse pour le doctorat en
droit, faculté de droit, université de Grenoble, 2010, p.3 s ; J ARROSSON (Ch), arbitrage commercial,
JCl. Com. Fasc, 203, n° 04.
13
La dualité de l’arbitrage était connue du droit musulman comme en droit romain. En effet, en lisant
les articles qui y sont consacrés dans la « Medjellé » qui constitue une codification des règles de droit
musulman en vigueur dans les pays qui étaient soumis à l’empire ottoman et ou était appliquée la
doctrine hanéfite, on y trouve les règles principales suivantes. L’arbitrage est la désignation, par les
parties, d’un juge qui tranche leurs litiges. Elles peuvent désigner chacun un arbitre. Les arbitres
désignés doivent statuer à l’unanimité. Ils peuvent désigner un tiers arbitre s’ils y ont été autorisés par
les parties. Ils doivent rendre leur sentence dans le délai convenu. Chaque partie peut révoquer son
arbitre avant la sentence. Si celle-ci est soumise au juge, il la confirme quand elle est conforme au
droit ; sinon il l’annule. Si les parties ont donné aux arbitres le pouvoir de transiger, elles sont liées par
la transaction qu’ils décident.
Voir à ce propos: SALEH (S), commercial arbitration in the Arab Middle East: a study in sharia and
Statute law, Graham and Trotman, London, 1984, p.9 s.
14
HOCINE (F), l’influence de l’accueil de la sentence arbitrale par le juge algérien sur l’efficacité de
l’arbitrage commercial international, thèse pour le doctorat en Droit, faculté de droit et sciences
politiques, université Mouloud MAMMERI de Tizi-Ouzou, 2012, p.4.
4
en raison de la finalité à laquelle sont ordonnées les règles 15, le régime juridique
d’exéquatur des sentences arbitrales internationales englobe l’ensemble des
dispositions juridiques régissant la procédure d’exéquatur des sentences arbitrales
rendues en matière internationale.
En effet l’exéquatur des sentences arbitrales internationales est régi par des
règles juridiques spécifiques qui en constituent les sources. Ces dernières sont
réparties en sources formelles à savoir : les législations nationales et de conventions
internationales sur l’arbitrage commercial international, et sources informelles en
l’occurrence les règles de procédure des institutions permanentes d’arbitrage et la
jurisprudence aussi bien telle rendue par les juridictions étatiques qu’arbitrale 16.
Par ailleurs, il faut rappeler que jusqu'au début des années 1920, la reconnaissance
et l'exécution17 des sentences arbitrales internationales18 n’étaient guère aisées et se
cantonnaient à quelques Etats occidentaux. D'un point de vue strictement juridique,
cette situation pouvait se justifier. Tout d'abord, l'arbitrage n'était pas encore
répandu dans le monde. Ensuite, les Etats étaient alors hostiles à la reconnaissance et
à l'exécution des décisions internationales sur leur territoire. Enfin, la question de
l'exécution des sentences étrangères était l'objet d'un vide juridique au plan
international. En dehors des accords bilatéraux entre des Etats favorables à
15
CORNU (G), vocabulaire juridique, PUF, France, 1987.
16
Voir : infra, pp.15-39.
17
Faut-il souligner que s’agissant des sentences arbitrales internationales, l’exéquatur comprend aussi
bien la reconnaissance que l’exécution forcée, or en matière d’arbitrage interne il s’agissait seulement
de l’exécution forcée.
18
Il faut souligner à cet égard que le législateur marocain a utilisé, à l’article 327-40 de la loi 08-05,
l’expression « arbitrage international » afin de désigner aussi bien les sentences rendues à l’étranger
que celles considérées comme étant internationales selon l’article ci-dessus et ce en harmonisation
avec la convention de New-York de 1958 ; toutefois cette dernière a employé le terme « étrangères ».
Dans ce sens, nous soutenons l’opinion de Mr DERMICH qui considère que le terme « internationale »
est beaucoup plus large que « étrangère » dans la mesure ou l’arbitrage internationale comprend
l’arbitrage internationale proprement dit, à savoir celui qui ne dépend d’aucune loi étatique ainsi que
celui qui entretient, par l’un ou plus de ses éléments, des rapports avec un ou plusieurs systèmes
juridiques étatiques.
Voir pour plus de détails : رسالة لنيل دبلوم الدراسات العليا في القانون، التحكيم الدولي في المواد التجارية،عبد هللا درميش
55و54 ص،1983.1982 ، جامعة الحسن الثاني ـ الدار البيضاء، كلية العلوم القانونية واالقتصادية االجتماعية، الخاص.
5
l'exécution des sentences rendues sur leurs territoires réciproques, aucun instrument
juridique unificateur n'existait encore19.
Ce n’est qu’à partir des années 1920, que l'exécution des sentences arbitrales à
l'étranger connut une certaine évolution suite à l'adoption de deux textes
multilatéraux sous les auspices du secrétariat général des nations unies.
19
FADAZ (S), Le régime juridique de l’arbitrage commercial international, mémoire pour l’obtention
du D.E.S.S en droit des affaires et fiscalité, faculté de droit, université de Lomé, 2006-2007, p.71.
20
Protocole de Genève de 1923 relatif aux clauses d’arbitrage, disponible sur :
https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19230024/200906180000/0.277.11, consulté le
29/02/2015.
21
Voir les articles 3 et 4 du Protocole de Genève.
22
Convention de Genève du 26 septembre 1927 pour l'exécution des sentences arbitrales étrangères,
disponible sur le site internet : http://www.jurisint.org, consulté le 30/05/2015.
23
Convention de New-York du 10 juin 1985 pour la reconnaissance et l’exécution des sentences
arbitrales étrangères, disponible sur :
https://www.admin.ch/opc/fr/classifiedcompilation/19580084/201502190000/0.277.12, consulté le
29/09/2015.
6
l’arbitrage24, s'en inspirent largement dans leurs dispositions relatives à la
reconnaissance et à l'exécution des sentences ainsi que les limites de contrôle exercé.
C’est ainsi que le Maroc s’est doté en 2007 de la loi 08-0525 ayant modernisé le
droit de l’arbitrage marocain en prévoyant pour la première fois des dispositions
spécifiques à l’arbitrage international et particulièrement à la question de l’exéquatur
des sentences arbitrales qui en découlent. Elle a comblé, en effet, le vide législatif qui
marquait le texte antérieur en l’occurrence le CPC de 1974.
DELIMITATION DU SUJET :
Le sujet de cette étude porte, donc, sur le régime juridique d’exéquatur des
sentences arbitrales internationales, considéré comme étant l’un des sujets nécessitant
le recours aux sources aussi bien internes (législations étatiques) qu’internationales
(conventions et autres instruments d’ordre international).
c-INTERETS DU SUJET :
24
Voir pour plus de détails, l’évolution des dispositions juridiques marocaines relatives à l’exéquatur
des sentences arbitrales internationales à la section 2 du chapitre de cette étude, pp.74-77.
25
La loi n° 08-05 abrogeant et remplaçant le chapitre VIII du titre V du code de procédure civile, Dahir
n° 1-07-169 du 19 kaada 1428 (30 novembre 2007) portant promulgation de la loi n° 08-05, Bulletin
Officiel n° 5584 du jeudi 6 décembre 2007, pp.3894-3905.
7
Le sujet de cette étude revêt une importance aussi bien théorique (1) que pratique
(2), dont les contours sont déterminés comme suit :
1- Intérêt théorique
2- Intérêt pratique
8
attractivité qui dépend inéluctablement du seuil de protection garantie aux
investisseurs étrangers
En premier lieu, les sentences arbitrales n’ont à l’égard des ordres juridiques
étatiques, d’autre autorité que celle que ceux-ci acceptent de leur conférer. Le
concours des juridictions étatiques est donc indispensable à l’exéquatur des
sentences arbitrales et, par conséquent, à l’arbitrage international comme mode de
règlement des litiges.
d-PROBLEMATIQUE
9
En revanche, l’équilibre entre les droits des parties à l’arbitrage de recourir à la
reconnaissance et l’exéquatur des sentences et l’obligation du juge d’exéquatur de
contrôler lesdites sentences, doit être trouvé afin d’assurer l’efficacité des décisions
rendues dans le cadre de l’arbitrage comme mode de règlement des différends
commerciaux internationaux accepté et plébiscité par toutes les parties y compris
l’Etat qui, par sa loi, régie dans une large mesure la procédure d’exequatur.
Cet équilibre ne peut se réaliser que si notre droit positif adopte un principe de
limitation des voies de recours admissibles à l’encontre de la sentence et qui consiste
à circonscrire l’objet des recours possibles aux seules nécessités du contrôle de
l’exequatur de la dite sentence. Il s’ensuit que le juge étatique ne doit se faire juge du
litige réglé par la sentence, il n’appréciera pas la pertinence ni même l’exactitude du
raisonnement suivi par l’arbitre, son contrôle ne doit s’exercer qu’à travers le prisme
des cas d’ouverture autorisés.
Est-ce que cet équilibre est établi ? Dans quelles mesures les textes de lois
répondent-ils aux impératifs du commerce international et par conséquent, quel est le
degré d’efficacité des réformes effectuées en vue de l’élaboration d’un droit et d’un
climat plus favorables à l’arbitrage international et donc œuvrant à l’efficacité des
sentences arbitrales, qui en sont l’aboutissement, devant le juge marocain ou
étranger ?
e-DEMARCHE SUIVIE
10
la décision rendue à l’issue de la procédure d’exéquatur, en comparaison avec le
droit comparé, permettra de savoir si ce texte est favorable à ce type de règlement
des différends.
A cet effet, il s’agira dans la présente thèse de mener une étude du droit
marocain et international axé sur le sort de la sentence arbitrale devant le juge de
l’exéquatur tout en optant pour une analyse critique27 dans le but d’en dénoncer les
insuffisances, si insuffisance il y a, ayant pour objectif premier de proposer, au
besoin, des réformes concrètes afin de placer la législation marocaine, dans le
domaine, dans un contexte international attractif.
Pour cela, cette étude s’articule ainsi autour de deux grands axes. Dans la
première partie de la présente étude, nous allons mettre en exergue les problèmes
posés par la procédure d’exéquatur des sentences arbitrales internationales en termes
des conditions requises pour demander l’exéquatur telles qu’elles sont prévues au
droit marocain et à certains systèmes étatiques comparés en la matière, ainsi qu’au
droit conventionnel et autres instruments internationaux d’arbitrage.
Il Faut souligner, par ailleurs, que compte tenu du fait de la juxtaposition des
systèmes juridiques applicables à l’exéquatur des sentences arbitrales internationales,
et l’émergence de mécanismes particuliers d’exécution, échappant ainsi au contrôle
27
Du fait que l’approche critique est une approche objectivante visant à réduire les erreurs de
jugement ; c’est une discipline d’honnêteté intellectuelle permettant de lutter contre les mystifications,
de prendre recul par rapport à ses convictions. Il s’agit de préférer la réalité, même difficile ou
complexe, à des illusions confortables ou à des simplifications abusives.
Voir pour plus de détails sur cette approche : KANT (E), critique de la raison pure, Folio, Paris,
Galimard, 1990, chapitre IV, section C(a) (i) ; ARFAZADEH (H), ordre public et arbitrage international
à l’épreuve de la mondialisation, L.G.D.J, Schultless, 2005, p.7.
11
des juridictions étatiques, il nous est avéré plus utile de faire précéder les deux
parties par un chapitre préliminaire, afin de dresser une plateforme panoramique des
droits concourant à régir la question objet de cette étude d’une part. Et mettre en
exergue les nouvelles méthodes d’exécution adoptées par certaines institutions et
organismes d’arbitrage contribuant alors au renforcement du caractère autonome de
l’arbitrage en garantissant une exécution forcée des sentences qui en ressortent sans
le passage obligatoire par la justice étatique, d’autre part.
f-Plan
Première Partie : Les problèmes posés par la procédure d’exéquatur des sentences
arbitrales internationales : Du volontaire au forcé
12
Chapitre préliminaire :
13
Tenant compte de l’importance et de l’intérêt que revêt la phase post-arbitrale,
spécifiquement la procédure de l’exéquatur dans la concrétisation de l’efficacité de la
sentence arbitrale internationale, les ordres juridiques tant internationaux que
nationaux se sont portés concurrents en la matière.
14
Tout d’abord, il est lieu de constater une panoplie de conventions aussi bien
bilatérales que multilatérales portant tant principalement qu’accessoirement sur
l’exequatur des sentences arbitrales internationales. Ensuite, figure une multitude
d’instruments de règlements relevant de différentes institutions d’arbitrage à
l’échelon interne et international, constituant des instruments applicables, en grande
partie, lors du recours à l’arbitrage institutionnel. Enfin l’évolution des lois étatiques
portant sur l’arbitrage motivées par l’enjeu de l’harmonisation des mécanismes de
reconnaissance et d’exéquatur, en constituant un gage d’efficacité, de légitimité et de
prévisibilité30.
Par ailleurs, une attention toute particulière doit être accordée aux spécificités
d'internet et à l'impact que ce contexte particulier peut avoir sur le cadre traditionnel
de l'arbitrage. La transition vers le monde virtuel ne se fait donc pas sans heurts. Si
l'arbitrage en ligne est techniquement praticable, juridiquement il soulève un certain
nombre de questions. Ainsi, la reconnaissance et l’exécution des décisions rendues
dans le cadre de l'arbitrage classique exigent de nombreuses conditions de fonds et
de formes que l'arbitrage en ligne par sa nature même ne peut totalement satisfaire.
Il’s’agit, d’un arbitrage au cadre procédural assoupli dont le mécanisme d’auto-
exécution des sentences qui en émanent en constitue l’aspect majeur 31.
30
JOSEPH (J), L’arbitrage commercial international et les garanties procédurales, mémoire pour
l’obtention de master en droit, faculté des études supérieures, université de Montréal, 2009, p 150.
31
NDIAYE (P), arbitrage en ligne et les litiges du commerce électronique, mémoire pour l’obtention de
master en droit, faculté de droit, université de Montréal, 2006, p.2.
15
l’observation d’une procédure d’exéquatur dans l’Etat ou la sentence est invoquée
(§1), afin que cette dernière puisse être insérée dans l’ordre juridique de cet Etat.
D’autres ont prévu des mécanismes assurant l’exécution obligatoire de la sentence
sans l’intervention d’une procédure judiciaire dans l’Etat d’accueil de la sentence
(§2).
Pour qu’elle soit revêtue de la force exécutoire dans l’Etat ou il est invoquée 32,
une sentence arbitrale internationale doit en recevoir l’exéquatur par la juridiction
compétente. Cette exigence a été prévue particulièrement par la convention de New-
York qui a réformé celle de Genève de 1927 (A). Par ailleurs, certains instruments
tendant à proposer des modèles d’arbitrage, ont été adoptés par la commission des
nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI), afin d’harmoniser
le droit de l’arbitrage international (B).
32
Dans le cas où elle n’est pas exécutée volontairement par la partie qui a succombé.
33
Du fait que la quasi-totalité des conventions internationales portant sur l’arbitrage n’abordent la
question de l’exéquatur qu’accessoirement. Voir notamment les accords bilatéraux, d’entraide
judiciaire, conclus entre le Maroc et les autres Etats, sur : www.justice.gov.ma/, consulté le
05/08/2015.
34
Il s’agit des conventions aussi bien multilatérales que bilatérales ratifiées par le royaume du Maroc.
Il en est, entre autres, de la convention de New-York de 1958, de la convention de Washington de
1965, de la convention arabe de Ryad de 1983, de la convention Maroco-italienne relative à l’aide
mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition du 12 février 1971, (promulguée par le
dahir n° 1-75-242 du (12 avril 1976), publiée au bulletin Officiel n° 3317, p.1783) et de la convention
Maroco-égyptienne relative à la coopération judiciaire en matière civile du 22 mars 1989, (promulguée
16
indirectement35 du fait des relations économiques qu’il entretient avec les Etats qui en
sont membres.
Deux conventions multilatérales ont été élaborées sous les auspices de la société
des nations, à Genève, après la première guerre mondiale à savoir le protocole de
Genève du 24 septembre 1923 et la convention de Genève du 26 septembre 1927 (I).
Toutefois, le succès de la convention de New-York de 1958, a marginalisé ces deux
devancières, qui ne conservent d’utilité que dans les rapports entre pays qui ne sont
pas l’un et l’autre liés par la convention de New-York (II).
par le dahir n° 35-97-1 du (29 septembre 1997), signée à Rabat le 22 mars 1989, Bulletin Officiel n° 4526,
p.4005).
35
Ceci est notamment le cas de la législation uniforme sur l’arbitrage adoptée par les Etats membres
de l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), à savoir l'Acte
uniforme relatif au droit de l'arbitrage du 11 mars 1999 ainsi que du règlement d'arbitrage de la Cour
Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) calqué sur le règlement de la Chambre de Commerce
International de 1988. C’est également le cas de la convention européenne de Genève du 21 avril 1961.
36
Protocole de Genève de 1923, L.N.T.S, 1924, Vol. XXVII, p.158.
37
JOSEPH (J), op.cit, p.144.
38
S’agissant de l'acceptation et du respect des conventions, la convention de New York ne fait plus de
différence entre « compromis » et «clause compromissoire ».
17
conventions d’arbitrage et des sentences arbitrales, se retrouvent sous une forme plus
moderne dans la convention de New-York39.
Par ailleurs faut-il ajouter que le protocole de Genève de 1923 était limité dans
son champ d’application et ses effets. Il ne s’appliquait qu’aux conventions
d’arbitrage passées « …entre parties soumises respectivement à la juridiction d’Etats
contractants différents… »40 et il pouvait être en outre limité aux arbitrages
commerciaux par les Etats ayant fait une réserve en ce sens. S’agissant de l’exécution
des sentences, chaque Etat contractant s’engageait à assurer, conformément aux
dispositions de sa loi nationale, l’exécution des sentences arbitrales rendues sur son
territoire à la suite de conventions d’arbitrage rentrant dans le champ d’application
du protocole41.
39
JAEGER (J.D), l’étendue du contrôle de l’arbitre en commerce international, op.cit, p.10.
40
Article 1 du Protocol de Genève de 1923.
41
REDFERN (A) et HUNTER (M), op.cit, p.12.
42
Convention de Genève du 26 septembre 1927 pour l'exécution des sentences arbitrales étrangères,
disponible sur: http://www.jurisint.org, consulté le 30/05/2015
43
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.141.
44
JOSEPH (J), op.cit, p.144.
18
Ceci constituait ce que l’on appelle la question du double exequatur 45 : pour
démontrer que la sentence était devenue définitive dans le pays ou elle avait été
rendue, la partie qui avait triomphé dans l’arbitrage était souvent obligée d’obtenir
d’abord une attestation des tribunaux dudit pays certifiant que la sentence
remplissant les conditions voulues pour y être exécutée 46, avant de poursuivre
l’exécution de la sentence devant les tribunaux du pays ou cette exécution était
recherchée.
45
Article 1.d de la convention de Genève.
46
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.141.
47
PECHOTA (V), the futur of the law governing international arbitral process, unification and beyond,
Am.Rev.Int’l Arb, 1992, pp.19-20; LYNCH (K), the forces of economic globalization, challenges to the
regimes of international arbitration, the hague, Kluwer, 2003, p.208.
48
IDRISSI AMRAOUI (S.M), L’arbitrage commercial et le droit de la consommation, Programme
EuroMed Justice, Séminaire : Justice et affaires commerciales, Athènes, du 12 au 15 Novembre 2007,
disponible sur :
http://www.eipa.eu/modules/EuroMedJustice/Conferences/28_Athens_12_15Nov07/speeches/4%2
0Speech%20AMRAOUI.pdf, consulté le 31/5/2015 ; BOUNA (N), SAIMANE (Kh), CHARIFI (N.A),
ALAOUI HACHIM (M) et BENANI (A), l’arbitrage commercial international au Maroc, mémoire de
fin d’études à l’école nationale de commerce et de gestion-Tanger, 2008-2009, p.26, disponible sur :
http://www.etudier.com/dissertations/Arbitrage-Commercial-International-Au-Maroc/382661.html,
consulté le 27/05/2015.
19
internationales. D’où l’intérêt à étaler ses caractéristiques majeures (a) ainsi que
l’étendue de son domaine d’application (b).
49
JAEGER (J.D), op.cit, p.9.
50
HOCINE (F), l’influence de l’accueil de la sentence arbitrale par le juge algérien sur l’efficacité de
l’arbitrage commercial international, op.cit, 2012, p.156.
51
JAEGER (J.D), ibidem, p.12.
52
Voir à ce sujet :
20
Par ailleurs faut-il signaler qu’en établissant une comparaison entre le texte
final et le projet de l’ECOSOC de 1955, il est lieu d’observer le chemin parcouru vers
l’émancipation de l’arbitrage international vis-à-vis des lois étatiques. Toutefois, les
plénipotentiaires réunis à New-York n’ont pas osé consacrer pleinement la notion de
sentence arbitrale « internationale » qui leur avait été proposée par la CCI53.
Ainsi la cour d’appel de Rouen l’applique sans hésiter à une sentence rendue
en suisse et présentée à son exequatur dès lors que la suisse et la France l’ont ratifiée.
Peu importe que la Yougoslavie, qui était partie à l’arbitrage, n’ait ratifiée cette
كلية العلوم القانونية، رسالة لنيل دبلوم الماستر في القانون الخاص، تذييل األحكام األجنبية بالصيغة التنفيذية في المادة التجارية،سمير ابن األمين
.157 ص،2011 ـ2010 ، مكناس، جامعة موالي إسماعيل،واالقتصادية واالجتماعية
53
FOUCHARD (Ph), suggestions pour accroitre l’efficacité internationale des sentences arbitrales,
Rev.arb, 1998, p.653.
54
Le domaine d'application de la Convention ne dépend pas de la nationalité des parties à l'arbitrage.
La convention s'applique à toutes les sentences «étrangères», c'est-à-dire aux sentences rendues dans
un autre État, ainsi, dans l'interprétation dominante, qu'aux sentences qui ne sont pas considérées
comme nationales, en raison des éléments d'extranéité qui caractérisent la cause, même si elles sont
rendues dans l'État dans lequel le bénéfice de la convention est sollicité.
Voir sur ce sujet : JOSEPH (J), op.cit, p.149.
21
convention que sous réserve de sa non application aux sentences rendues
antérieurement car la nationalité des parties est sans effet sur son application »55.
55
C.A, Rouen, 13 novembre 1984, Rev.arb, n°115, 1985, note Dévolvé.
56
C.A, Paris, 19 novembre 1982, Rev.arb, n°465, 1983, note Goldman.
Voir les détails de cette affaire dans la deuxième partie de cette thèse aux développements relatifs aux
effets de l’annulation de la sentence par une juridiction de l’Etat du siège de l’arbitrage.
57
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), traité de l’arbitrage commercial international,
op.cit, p.146; JAEGER (J.D), l’étendue du contrôle de l’arbitre en commerce international, op.cit, pp.16-
17.
58
A l’exception d’une réserve de réciprocité ou encore de commercialité. Voir : infra.
59
Toutefois, chaque État adhérant a la possibilité de limiter ce champ d'application en soumettant
l'application de la Convention de New York à une ou deux conditions.
22
En dépit de son apparente simplicité, ce critère d’application de la convention
de New-York a donné lieu à l’émergence de quelques difficultés. Certaines- qui
n’auraient jamais dû surgir- tiennent à la prise en considération par le juge du pays
d’accueil d’autres points de contact de l’arbitrage avec son pays, qui le conduisent à
écarter la convention de New-York, et à exercer un pouvoir d’annulation sur une
sentence qu’il considère comme « national ».
A l’évidence, il s’agit des sentences rendues dans le pays même ou elles sont
ensuite invoquées. La convention admet qu’elles puissent échapper à la loi de ce
pays, soit pour être soumises à une autre loi que la loi locale, notamment au
règlement d’une des institutions d’arbitrage 62, soit pour être simplement
« dénationalisées ». Elles relèvent alors du régime d’accueil, supposé plus libéral, de
la convention de New-York63.
60
Chambre des Lords, 24 juillet 1991, Hiscox c. Outhwaite, in : REYMOND ( C),where is an arbitral
award made ?, the law quarterly review, n° 108, 1992, pp.1-6.
61
Aucune définition des « sentences considérées comme n'étant pas nationales » n’est contenue dans
la Convention. Cependant, il est accepté comme règle générale que la nationalité d'une sentence
arbitrale est celle du pays dont la loi régit la procédure qui a précédé son prononcé. Le plus souvent,
cela sera la loi procédurale de l'endroit où la sentence a été rendue si les parties n'ont pas déclaré un
autre droit applicable.
Voir : VAN DEN BERG (A.J), The New-York Arbitration Convention of 1958-Towards a uniform
judicial interpretation, Denventer, Kluwer Law and Taxation Publishers, Boston, 1981, p.40.
62
Parmi les institutions d'arbitrage international, on compte la chambre de commerce international
(CCI) au Maroc ainsi qu’à Paris, The American Arbitration Association (AAA) à New-York, the
International Centre for Settlement of Investment Disputes (ICSID) à Washington et la Cour
d'Arbitrage International (ICA) à Londres.
23
En ce sens, une cour d’appel des Etats-Unis a ainsi jugé que n’était pas nationale
et relevait de la convention de New-York pour son exécution aux Etats-Unis une
sentence arbitrale rendue à New-York mais impliquant deux entités étrangères. En
effet, pour la cour d’appel fédérale, les sentences ici visées sont soumises à la
convention.
Ainsi ladite cour a énoncé que : « non parce qu’elles sont rendues à l’étranger,
mais parce qu’elles sont rendues dans le cadre juridique d’un autre pays, c'est-à-dire
63
C’est la position adoptée par Mr Fouchard qui nous parait pertinemment soutenable dans la mesure
où il interprète la lettre de l'article I (1) d'une façon très large incluant aussi des sentences a-nationales
à savoir les sentences relevant d'une procédure arbitrale qui a été détachée d'une loi nationale
d'arbitrage par la volonté des parties, ayant soumis l'arbitrage, en vertu d'un accord particulier, au
règlement d'une des institutions de l'arbitrage international. L'auteur rappelle que la convention de
New-York est destinée à faciliter l'exécution des sentences étrangères et que ses promoteurs voulaient
donner un statut véritablement international aux sentences. Même si le qualificatif international a été
abandonné, le fait que la convention vise les sentences étrangères montre, à l'avis de l'auteur, la
tendance à vouloir détacher l'arbitrage des lois nationales. Voir : FOUCHARD (Ph), note sous Paris, 21
février 1980, J.D.I., 1980, pp.660-673.
Contrairement à cette position, une approche devenue classique, allant dans le sens que les sentences
a-nationales ne peuvent pas être exécutées en vertu de la convention de New-York.
Voir: VAN DEN BERG (A.J), The New York Arbitration Convention of 1958-Towards a uniform
judicial interpretation, op.cit, p.37.
L'histoire législative, ainsi que le système et le texte de la convention, iraient à l'encontre d'une telle
interprétation. Considérant l'article V -1, a) qui «parle d'une sentence pas valable en vertu de la loi à
laquelle les parties l'ont subordonnées ou, à défaut, en vertu de la loi du pays où la sentence a été
rendue » ; notamment l'article V-1, e), qui « parle d'une sentence annulée par un tribunal du pays dans
lequel, ou d'après la loi duquel, la sentence a été rendue », il serait clair que la convention prend pour
acquis que les sentences sont régies par une loi d'arbitrage nationale, l'annulation d'une sentence
appartient exclusivement à la juridiction du pays sous le droit duquel la sentence a été rendue. La
«dénationalisation» de la procédure d'arbitrage par l'exclusion de l'application d'une loi nationale
empêcherait, par le fait même, le contrôle judiciaire d'une juridiction nationale.
Voir: PAULSSON (J), Delocalisation of international commercial arbitration: when and why it matters,
ICLQ, 1983, p.53.
Quoiqu’il en soit, il convient de remarquer que les craintes provoquées par ces sentences sont
désormais effacées, parce que la législation marocaine sur l’arbitrage issue de la loi 08-05 prévoit, en
vertu de l’article 327-51 du CPC, que les sentences arbitrales internationales rendues au Maroc
peuvent toujours y être annulées. Pour réaliser les buts poursuivis par la convention de New-York et
pour respecter l'autonomie de la volonté des parties, la soumission des sentences a-nationales à la
24
rendues en application d’une loi étrangère, ou concernant de plaideurs ayant leur
principal centre d’activités hors de la juridiction d’exequatur. Nous préférons cette
interprétation plus large parce qu’elle est davantage dans la ligne du but recherché
par le traité qui fut conclu pour encourager l’exequatur des sentences de l’arbitrage
international »64.
Pour sa part, la cour d’appel de Paris en a ainsi jugé à deux reprises, lorsqu’elle
interdisait l’appel-nullité contre une sentence rendue en France en application du
seul règlement d’arbitrage de la CCI. Bien que cette dernière conséquence soit
aujourd’hui condamnée, son fondement exprime encore le droit positif français : une
sentence, rendue à la suite d’une procédure « qui n’est pas celle de la loi française, ne
peut être considérée comme française »65.
De même, la cour suprême des Pays-Bas 66 a cassé un arrêt rendu par la cour
d’appel de la Haye67 refusant l’exéquatur d’une sentence arbitrale prétendant
que l’application de la convention de New-York à l’exécution d’une sentence
étrangère nécessite que celle-ci soit rendue conformément à la loi d’un Etat
déterminé. La cour suprême a ainsi motivé sa décision en avançant que
l’interprétation faite par la cour d’appel ne trouve aucun appui dans la convention et
l’exéquatur d’une sentence arbitrale ne dépend pas du lieu qu’elle entretient avec le
droit du pays sur le territoire duquel elle a été rendue 68.
25
Il faut ajouter par ailleurs que l’article 2 de la convention de New-York contient
un autre élargissement de son champ d’application. Il prévoit en effet des
dispositions matérielles qui s’appliquent directement aux conventions d’arbitrage,
indépendamment d’une éventuelle procédure en reconnaissance ou en exécution
d’une sentence, ultérieure, et sans davantage de limitation dans l’espace, qui
résulterait de la localisation de ces conventions ou de l’arbitrage qu’elles prévoient 69.
69
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.148.
26
qu’il appliquera la convention à la reconnaissance et à l'exécution des seules
sentences rendues sur le territoire d'un autre Etat contractant…».
La réserve de réciprocité est importante. Les Etats qui ont adopté la convention
sur la base de la réciprocité ont convenu en effet de ne reconnaître et exécuter que
« les sentences de la convention » et par voie de conséquence quand on cherche un
pays approprié pour y fixer le siège d’un arbitrage commercial international, on a
intérêt à choisir un pays qui a adhéré à la convention de New-York pour augmenter
les chances de reconnaissance et d’exécution de la sentence dans les autres Etats
parties72.
70
Surtout que cette réserve concerne uniquement la mise en œuvre de la convention de New-York
sans qu’elle soit étendue aux droits étatiques sur l’arbitrage international.
71
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.149.
72
REDFERN (A) et HUNTER (M), op.cit, p.372.
73
La convention compte 154 Etats parties. Voir : Etats Unies, collection des traités, chapitre XXII,
arbitrage commercial, 1. Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales
étrangères, état du 29/03/2015, disponible sur : https://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?
mtdsg_no=XXII-1&chapter=22&lang=fr, consulté le 29/03/2015.
27
La convention est aujourd’hui commune aux grandes nations commerçantes du
monde, qu’elles soient socialistes, capitalistes, arabes, africaines, asiatiques, latino-
américaine, européennes ou nord-américaines. A mesure que davantage de pays
adhèrent à la convention prennent une dimension plus internationale en dépit de la
réserve de réciprocité74.
A vrai dire, si la loi de la CNUDCI étend encore son influence et si les réformes
législatives nationales continuent à libéraliser les conditions de la circulation
internationale des sentences, le bénéfice de la convention de New-York finira par
sembler insignifiant.
Il en est ainsi du droit marocain sur l’arbitrage qui est plus souple, en termes du
contrôle de la sentence à l’étranger, que la convention de New-York ; nonobstant le
fait que le gouvernement marocain a présenté sa réserve concernant l’application de
la convention de New-York en les termes suivants : «Le gouvernement de sa majesté
le Roi du Maroc n'appliquera la convention qu'à la reconnaissance et à l'exécution
des seules sentences rendues sur le territoire d'un autre État contractant »76.
Quant à la cour d’appel de Paris, après avoir jugé, en vertu de son arrêt
« Gotaverken » concernant la portée de la réserve de réciprocité, que la sentence
rendue en France n’était pas française, elle refuse cependant de lui appliquer la
convention de New-York au titre du deuxième cas prévu par l’article premier, alinéa
1. Car, dit-elle:« la France a usé de la réserve prévue à l’article 1er, §, de la
convention de New-York, en déclarant qu’elle appliquera la convention, sur la base
de la réciprocité, à la reconnaissance et à l’exécution des seules sentences rendues sur
le territoire d’un autre Etat contractant »77.
74
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.149.
75
REDFERN (A) et HUNTER (M), ibid.
76
Etats Unies, collection des traités, chapitre XXII, arbitrage commercial, précité : supra.
77
C.A, Paris, 21 février 1980, Rev.arb, n°306, note Jeantet.
28
Faut-il ajouter à cet égard que la réserve de réciprocité ne peut porter que sur
les conditions de reconnaissance et d’exécution de la sentence rendue à l’étranger. On
ne saurait l’étendre à l’article II, pour autant que les règles matérielles qu’il édicte
soient applicables en dehors de toute procédure de ce type.
Ainsi les rapports qu’un Etat considère comme commerciaux ne seront pas
nécessairement considérés comme tels dans un autre, ce qui ne facilite pas
l’interprétation uniforme de la convention. D’ailleurs la réserve de commercialité a
soulevé des difficultés d’application à l’intérieur d’un même pays comme l’ont
montré deux affaires qui se sont passées en Inde78.
78
REDFERN (A) et HUNTER (M), op.cit, p.373.
79
Indian Organic Chemical Limited v.Subsidiary 1 (U.S) Subsidiary 2 (U.S) and Chemtex Fibres Inc,
(Parent Company) (U.S) , (1979) IV Yearbook Commercial Arbitraion, p.271.
29
commerciale, on ne pouvait pas le considérer comme tel « en vertu du droit en
vigueur en Inde ».
Ainsi le juge déclara : « A mon sens, si l’on veut invoquer les dispositions (de la
convention de New-York), il ne suffit pas de prouver que le contrat est commercial ;
il faut prouver en outre qu’il est commercial en vertu d’une disposition légale ou
d’un principe de droit applicables en Inde »80.
Ce précédent n’a pas été suivi dans une affaire soumise ultérieurement à la High
Court de Gujarat. Les défendeurs demandèrent au juge de radier l’affaire qui avait,
ici aussi, été introduite au mépris d’une clause d’arbitrage et obtinrent satisfaction.
Sur le point de savoir si le contrat était ou non un contrat commercial, le juge déclara
que le mot commerce : « … est un terme qui a la signification la plus large et qui
embrasse toutes les affaires et toutes les transactions sous quelle que forme que ce
soit y compris le transport, la vente et l’échange de marchandises entre des gens de
pays différents »81. Il ajouta : « on observera que la décision de l’éminent juge unique
de la High Court de Bombay dans l’affaire Indian Organic Chemical Limited n’a pas
été confirmé en appel. La cour d’appel de Bombay après avoir rappelé les motifs du
jugement l’a ensuite infirmé… »82.
De ce fait, chaque Etat peut décider de son côté quels sont les rapports qu’il
considère comme commerciaux au regard de la disposition de la convention de New-
York sur la réserve de commercialité.
Faut-il ajouter à cet égard que si le Maroc ne fait pas partie des Etats ayant établi
cette réserve, la France, quant à elle, a retiré, par lettre au secrétaire général des
nations unies du 17 novembre 1989, la réserve de commercialité qui avait assorti sa
ratification de la convention de New-York. Cette décision exprime le souci de
favoriser l’application la plus large de la convention de New-York et de remettre en
cause la prohibition archaïque de la clause compromissoire en matière civile.
80
Ibidem, p.273.
81
Union of India and Others.v.Lief Hoegh&Co. (Norwway) and Others, (1984) IX Yearbook
Commercial Arbitration, pp.405-407
82
Union of India and Others.v.Lief Hoegh&Co. (Norwway) and Others, (1984) IX Yearbook
Commercial Arbitration, p.408.
30
B- L’émergence incessante des lois et règlements internationaux d’arbitrage
Par ailleurs, si l’idée de proposer aux Etats un modèle législatif sur l’arbitrage
avait été suggérée à la CNUDCI dès 1972, elle ne fut reprise qu’en 1979. Ainsi a été
élaboré un projet de loi-type par un groupe de travail et communiqué aux Etats et
aux organisations internationales intéressées, en même temps qu’il était examiné lors
d’une réunion intérimaire de L’ICCA à Lausanne, en mai 1984. Après les ultimes
aménagements qu’elle y apportera lors de sa 18ème session, la CNUDCI l’adopta le 21
juin 198583 (II).
83
En invitant l’assemblée générale des nations unies : « à recommander aux Etats de prendre en
considération la loi-type lorsqu’ils promulgueront ou réviseront leur législation pour répondre aux
besoins actuels de l’arbitrage commercial international ». Par une résolution du 11 décembre 1985, une
telle recommandation fut en effet adressée aux Etats, et, comme on le verra, ne resta pas un vœu
pieux.
Voir le commentaire analytique du projet de texte d’une loi-type sur l’arbitrage commercial
international, doc. A/CN. 9/264, et le rapport de la CNUDCI sur les travaux de sa 18ème session, 3-21
juin 1985, assemblée générale doc.off., 40ème session, suppl. n°17/A/40/171, chap. II, n°11à 333.
84
Sachant qu’elle a procédé, dans le cadre de la facilitation des échanges commerciaux internationaux,
à l’élaboration de plusieurs instruments juridiques entre autres : la convention des nations unies sur
les contrats de vente internationale de marchandises (1980), la loi type sur l’arbitrage commercial
international (1985), la loi type sur l’insolvabilité internationale (1997).
31
C’est à cette version révisée que nous ferons référence dans la présente étude. Cette
révision du règlement de la CNUDCI, lancée par la Commission en 2006, était
fortement souhaitée trente ans après l’adoption du premier texte85.
Ce règlement consacre, par ailleurs, la volonté des parties et à défaut celle des
arbitres dans la conduite de la procédure arbitrale. S’agissant des parties,
l’expression de leur volonté se manifeste par la liberté qui est la leur dans la
constitution de leur tribunal arbitral. Cette faculté, laissée aux parties de constituer
leur tribunal arbitral, est prévue par le règlement d’arbitrage de la CNUDCI, dans sa
version révisée de 2010. En effet, l’article 3(3) g dudit texte mentionne que la
notification d’arbitrage doit contenir une proposition quant au nombre des arbitres, à
la langue et au lieu d’arbitrage.
32
Cette disposition du règlement de la CNUDCI est novatrice par rapport à
l’ancien règlement qui disposait que « le tribunal arbitral appliquera la loi désignée
par la règle de conflit qu’il juge applicable en l’espèce ». Elle avait été critiquée aux
motifs que le recours à la règle de conflit paraît rétrograde 88. La nouvelle disposition
du règlement d’arbitrage de la CNUDCI relative à la détermination des règles
applicables au fond du litige, semble avoir pris en compte ces critiques. En effet, en
stipulant que le tribunal applique la loi qu’il juge appropriée, elle consacre la
méthode de choix par « voie directe », qui devrait conduire à l’application des
principes généraux de droit ou à la lex mercatoria.
33
De surcroit, les centres d’arbitrage eux-mêmes, qui pouvaient se sentir menacés
par le règlement de la CNUDCI lui ont réservé un très bon accueil. Plus de vingt
d’entre eux, et des plus prestigieux, ont accepté de fonctionner comme simple
« autorité de nomination » dans le cadre du règlement de la CNUDCI. Certains
appliquent même directement et complètement ce règlement dans les arbitrages
qu’ils administrent : c’est le cas des centres régionaux de Kuala-Lumpur et du Caire,
des centres d’arbitrage international de Hong-Kong et de Colombie britannique, de
l’institut d’arbitrage de la chambre de commerce de Stockholm, de la cour espagnole
d’arbitrage, ou de la commission interaméricaine d’arbitrage commercial 91.
91
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), traité de l’arbitrage commercial international,
op.cit p.117.
92
Faut-il souligner à cet égard que l’Angleterre n’a pas adopté la loi type de la CNUDCI au moment
de la réforme de sa loi arbitrale. En ce sens Lord MUSTIL justifie cela par le fait que : « La loi-type de
la CNUDCI était un document d'harmonisation d'une grande importance, mais la nécessité de
parvenir à un accord entre tant les États membres différents les uns des autres signifia que les
ambitions des promoteurs de cette loi-type avaient été plutôt modestes. C'est ainsi qu'il ya des pans
entiers du droit de l'arbitrage sur lesquels la loi-type reste muette. De plus, certaines questions les plus
cruciales n'ont pas abouti à un accord. Par exemple durant les débats qui aboutirent à la loi-type, le
problème ardu et capital qui consiste à identifier les dispositions qui doivent avoir un caractère
obligatoire fut maintes fois repoussé et finit par ne jamais être traité ».
V : MUSTILL (M.J), la nouvelle loi anglaise sur l'arbitrage de 1996 : philosophie, inspiration,
aspiration, Rev.arb, 1997, p.36.
34
Pour qu’il soit acceptable dans des pays très différents par leur système
juridique ou politique et leur conception de l’arbitrage, ledit modèle devait donc
relever un défi de transaction. Toutefois, la conciliation nécessaire entre des
conceptions divergentes a conduit parfois à des lacunes, parfois à des
complications93.
Cela dit, cette nouvelle distinction est fondée sur des raisons de fond et non sur
des critères territoriaux, qui sont inadéquats vu l’importance limitée du lieu de
l’arbitrage dans les affaires internationales. Ce lieu est en effet souvent choisi par les
parties pour des motifs de commodité et le différend n’aura parfois qu’un vague lien,
voire n’en aura aucun, avec l’État où l’arbitrage a lieu juridiquement97.
93
JOSEPH (J), L’arbitrage commercial international et les garanties procédurales, op.cit, p.17.
94
Voir à ce sujet les développements de la 2ème partie de cette thèse.
95
NDIAYE (P), arbitrage en ligne et les litiges du commerce électronique, op.cit, p.96.
96
Note explicative du secrétariat de la CNUDCI relative à La Loi-type de la CNUDCI sur l'arbitrage
commercial international du 21 juin 1985 avec des amendements adoptés en 2006, Nations Unies,
Vienne, 2008, ISBN 978-92-1-233443-1, p.39, disponible sur :
http://www.uncitral.orgiuncitraVfr/uncitraltexts/arbitration/1985Modelarbitrationstatus.html,
consulté le 8/4/2015.
97
REDFERN (A) et HUNTER (M), op.cit, pp.425-426.
35
Par conséquent, la reconnaissance et l’exécution des sentences
« internationales », qu’elles soient « étrangères » ou « internes », devraient être régies
par les mêmes dispositions.
98
En dépit que les motifs de refus de reconnaissance ou d’exécution prévus dans la loi type soient
identiques à ceux qui sont énumérés à l’article V de la convention de New-York, ils ne valent pas
seulement pour les sentences étrangères et s’appliquent, par contre à toutes les sentences rendues sous
l’empire de la législation incorporant la loi type. De manière générale, il a été jugé souhaitable, par
souci d’harmonie, d’adopter la même approche et la même formulation que cette importante
convention.
Voir : note explicative du secrétariat de la CNUDCI relative à La Loi-type de la CNUDCI sur
l'arbitrage commercial international, précitée : supra.
99
Ibid.
100
Voir la recommandation relative à l’interprétation du paragraphe 2 de l’article II et du paragraphe 1
de l’article VII de la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales
étrangères, conclue à New York le 10 juin 1958, adoptée par la Commission des Nations Unies pour le
droit commercial international le 7 juillet 2006 à sa trente-neuvième session, documents officiels de
l’assemblée générale, soixante et unième session, Supplément N° 17(A/61/17), annexe II, disponible
sur : http://www.uncitral.orgiuncitraVfr/uncitraltexts/arbitration/1985Modelarbitrationstatus.html,
consulté le 8/4/2015.
36
l’original de la convention d’arbitrage ni d’une copie de ce document 101. Ceci va de
paire avec l’intégration dans le texte du même article, la reconnaissance des clauses
compromissoires par référence102.
101
L’article 35, paragraphe 2 dispose de la loi type stipule : « La partie qui invoque la sentence ou qui
en demande l’exécution doit en fournir l’original ou une copie ».
102
Option I, point 6, article 7 révisé de la loi type de la CNUDCI.
103
Le législateur marocain s’est amplement inspiré de la loi type de la CNUDCI lors de la rédaction de
la loi 08-05 relative à l’arbitrage notamment en matière internationale.
Voir : BOUNA (N), SAIMANE (Kh), CHARIFI (N.A), ALAOUI HACHIM (M) et BENANI (A) ,
L’arbitrage commercial international au Maroc, op.cit, p.26.
37
plus habituel et le moyen ordinaire et normal de solution des litiges dans le monde
du commerce international104.
104
RATHVISAL (T), ordre public et arbitrage international en droit du commerce international,
mémoire de fin d’études pour l’obtention de master 1 en Droit des activités de l’entreprise, université
lumière, Lyon 2, 2005, p.1, disponible sur : http://www.memoireonline.com/01/08/865/m_ordre-
public-arbitrage-international-droit-commerce-international0.html, consulté le 31/07/2013.
105
De même que les traités régionaux ou bilatéraux qui renvoient, directement ou indirectement, à la
convention de New-York. Il en est ainsi de la convention européenne de Genève de 1961 qui
n’envisage la phase judiciaire de reconnaissance et d’exécution de la sentence, étant le point de vue
trop exclusif de la convention de New-York qu’indirectement en vertu de l’article IX, paragraphe 2 qui
dispose que : « Dans les rapports entre États contractants également parties à la convention de New-
York du 10 juin 1958 sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, le
paragraphe 1 du présent article a pour effet de limiter aux seules causes d'annulation qu'il énumère
l'application de l'article 5, paragraphe 1 (e) de la convention de New-York ». En effet le 1er paragraphe
du même article stipule que : « L'annulation dans un État contractant d'une sentence arbitrale régie
par la présente convention ne constituera une cause de refus de reconnaissance ou d'exécution dans
un autre État contractant que si cette annulation a été prononcée dans l'État dans lequel ou d'après la
loi duquel la sentence… ».
Il en est de même de certaines conventions bilatérales dont le Maroc fait partie. Il s’agit par exemple
de la convention maroco-italienne du 12 février 1971 ( Dahir n° 1-75-242 du 12 avril 1976 portant
publication de la convention d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition
entre le Royaume du Maroc et la République italienne, faite à Rome le 12 février 1971, Bulletin Officiel
n° 3317, p.1783), qui prévoie en effet en son article 24 que : « La reconnaissance et l'exécution des
sentences arbitrales sont régies par la convention de New-York adoptée le 10 juin 1958 par
l'Assemblée générale des Nations unies et ratifiée par les deux parties contractantes ». Il s’agit
également de la convention maroco-égyptienne du 22 mars 1989 (Dahir n° 35-97-1 du 29 septembre
1997 portant publication de la convention relative à la coopération judiciaire en matière civile, signée à
Rabat le 22 mars 1989, Bulletin Officiel n° 4526, p.4005), qui stipule en son article 37 : « chacun des
deux Etats reconnaît les sentences arbitrales rendues dans l’autre Etat et l’exécute sur son territoire
conformément à la convention de New-York du 10 juin 1958 relative à la reconnaissance et l’exécution
des sentences arbitrales étrangères ». Les dispositions de cet article trouvent leurs analogues dans
l’article 39 de la convention maroco-koweitienne relative à la coopération juridique et judiciaire en
38
des normes matérielles qui échappent au jeu de la règle conflictuelle, applicables à la
reconnaissance et l’exéquatur des sentences arbitrales internationales106.
matière civile et commerciale signée le 10 décembre 1996, publiée par le Dahir n° 166-98-1, du 10 avril
2001, Bulletin officiel n° 4956, p.3965.
106
Racine (J.B), L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999, p.1.
107
Lire rapport de la CNUCED de mai 2010 : Études de la CNUCED sur les politiques
d’investissement international au service du développement, Différends entre investisseurs et État :
prévention et modes de règlement autres que l’arbitrage. Disponible sur:
http://unctad.org/fr/docs/diaeia200911_fr. Consulté le 21/02/2015 ; selon le même rapport, vers la
fin 2008, le nombre d’affaires se rapportant à des accords d’investissement était de 317. La plupart ont
été soumises au CIRDI ou à la CNUDCI. Au moins 77 gouvernements − dont 47 de pays en
développement, 17 de pays développés et 13 de pays en transition − ont été parties à des procédures
d’arbitrage, et plus des deux tiers (70 %) des 317 plaintes connues ont été déposées au cours des six
années écoulées (CNUCED, 2009).
Voir supra pour ce règlement.
39
Le règlement CIRDI prévoit une procédure exceptionnelle à suivre pour
l’exécution des sentences rendues sous son égide après satisfaction de conditions
requises pour bénéficier de la compétence du centre (I). Et s’il est admis qu’en
principe toute sentence arbitrale doit, pour être exécutée de force, recevoir
l’exequatur, la règle souffrirait une exception puisque l’efficacité dans tous les Etats
membres est acquise pour les sentences arbitrales rendues dans le cadre de la
convention de Washington de 1965 pour le règlement des différends relatifs aux
investissements entre Etats et ressortissants des autres Etats108.
Ladite convention qui est ratifiée par le Maroc 109, dont l’article 54/1 prévoit que
« chaque État contractant reconnaît toute sentence rendue dans le cadre de la
108
Cette convention, qui est connue sous le non de « convention pour le règlement des différends
relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats » ou plus informellement sous le
nom de convention CIRDI, est entrée en vigueur le 14 octobre 1966. Elle a été élaborée par les
directeurs exécutifs de la Banque mondiale pour la reconstruction des gouvernements des Etats
membres de la Banque, le 18 mars 1965.
Voir à ce sujet : Registre des textes des conventions des Nations unies (1966), vol. 160, n° 8359.
109
Le Maroc a signé le 11 octobre 1965 la Convention de Washington du 18 mars 1965 « pour le
règlement des différends relatifs aux investissements entres États et ressortissants d’autres États »
créant le CIRDI, élaborée sous les auspices de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le
Développement (BIRD) ou Banque Mondiale. Un Décret royal du 31 octobre 1966 portant ratification
de cette convention a été déposé le 11 mai 1967, celle-ci étant entrée en vigueur le 10 juin 1967.
Voir : NAJJAR (N), L'arbitrage dans les pays arabes face aux exigences du commerce international,
Paris, LGDJ, 2004, pp. 67 et 68.
Le royaume du Maroc a donc été l’un des premiers pays arabes à signer cette convention, après la
Tunisie l’ayant signée le 5 mai 1965, et ratifiée le 22 juin 1966, et celle-ci est entrée en vigueur le 14
octobre 1966. La plupart des États arabes l’ayant signée dans les années 1980 et 1990.
Faut-il ajouter par ailleurs que depuis sa ratification en 1967 de la convention de Washington de 1965,
le Maroc a connu trois arbitrages s’étant déroulés sous l’égide du CIRDI. La première affaire, Holiday
Inns S.A. and others c. Maroc, est le premier différend qu’ait eu à trancher un tribunal arbitral CIRDI.
Les deux autres affaires impliquant le royaume du Maroc, Salini Costruttori S.p.A. and Italstrade
S.p.A. c. Maroc et Consortium R.F.C.C. c. Maroc, se sont déroulées parallèlement, devant un tribunal
composé de la même manière, et sont, tout comme la première, connues pour leurs apports en matière
de compétence dans la « jurisprudence CIRDI.
Voir : DOUMAL (H), Le Maroc et l’arbitrage CIRDI, Réflexion sur la compétence, mémoire pour
l’obtention de Master en droit des pays arabes, faculté des sciences juridiques et politiques, université
Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, 2010-2011, p.18.
40
présente convention comme obligatoire et assure l’exécution sur son territoire des
obligations pécuniaires que la sentence impose comme s’il s’agissait d’un jugement
définitif d’un tribunal fonctionnant sur le territoire dudit État… ».
Cet article impose donc aux Etats membres de reconnaître dans leur ordre
juridique force de chose jugée aux sentences du CIRDI sans qu’elles soient soumises
à une procédure d’exequatur. De la sorte, aucune véritable procédure d’exequatur
n’est nécessaire pour obtenir les effets de la sentence, bien au contraire, toute
procédure qui ne serait pas limitée à la vérification de l’authenticité du titre
exécutoire devrait être considérée comme contraire à la convention de Washington 110.
Et même si cette position œuvre dans le sens de l’efficacité des sentences il est,
malgré tout, nécessaire de jeter un regard critique sur le rôle du centre à travers sa
jurisprudence qui fait passer en priorité les intérêts des investisseurs au détriment de
l’intérêt général des Etats hôtes (II).
Si l’arbitrage est « l’institution par laquelle un tiers règle le différend qui oppose
deux ou plusieurs parties, en exerçant la mission juridictionnelle qui lui a été confiée
par celles-ci »111, il présente deux éléments constitutifs : l’élément juridictionnel,
implicite dans la fonction de trancher un différend surgi entre deux ou plusieurs
parties avec une décision obligatoire pour lesdites parties, et l’élément contractuel,
qui consiste en ce que les arbitres exercent un pouvoir qui leur a été conféré par les
parties.
41
La distinction la plus importante à souligner, toutefois, est la spécificité du
CIRDI de voir se dérouler sous son égide des « arbitrages transnationaux »113. En
effet, l’arbitrage prévu par la convention de Washington de 1965 est spécifiquement
consacré au règlement des différends relatifs aux investissements entre États et
investisseurs étrangers, « sa nature – commerciale ou internationale – faisant l’objet
de débats en doctrine »114.
42
de souligner le fait que non seulement la procédure d’exécution des sentences des
tribunaux CIRDI est tout à fait exceptionnelle (b), mais également que ceux-ci
disposent d’une compétence restreinte (a).
En effet, trois conditions doivent être réunies afin qu’un tribunal arbitral
CIRDI se reconnaisse compétent : le consentement des parties (1), la nature de
l’investissement en cause (2) et la nature de l’investisseur et de l’État d’accueil(3).
C’est à juste titre que, selon, certains observateurs Les nombreux arrêts rendus par le CIRDI depuis
vingt ans constituent une jurisprudence qui transforme radicalement le droit international. Elle donne
à l’entreprise un statut nouveau parmi les entités de droit international et elle entame une
modification inédite des attributs du droit de propriété ce qui a amené d’autres à le considérer comme
étant gardien de la propriété privée et de la protection absolue de l’investisseur.
Voir : COSSART (J) et MENDEZ (D), le centre international de règlement des différends sur
l'Investissement (CIRDI). Article publié le 21/12/2009, disponible sur :
https://france.attac.org/archives/spip.php?article10611, consulté le 21/02/2015 ; RUIZ DIAZ
BALBUENA (H), le CIRDI, quand la gestion des biens publics, la démocratie et les droits humains se
heurtent aux droits des investisseurs étrangers, les cahiers de la coopération internationale : Les
accords commerciaux bilatéraux et régionaux moteur de l’intégration régionale ou nouveau cheval de
Troie du libre-échange ? n°08, 05/2008, p.33.
120
Ibidem.
121
MANCIAUX (S), Investissements étrangers et arbitrage entre États et ressortissants d’autres États :
trente années d’activité du CIRDI, op.cit, p.31.
43
1-Le consentement des parties au litige
Cependant, depuis les sentences SPP c. Egypte de 1988124 et AAPL c. Sri Lanka
de 1990125, l’investisseur peut saisir unilatéralement le CIRDI, se prévalant du
consentement décalé de l’État d’accueil inscrit dans sa loi nationale régissant
l’investissement ou dans le TBI applicable. Ces sentences consacrent ainsi
l’avènement de l’arbitrage transnational unilatéral ou « without privaty »126.
122
L’article 25(1) de la convention de Washington de 1965 : « La compétence du centre s’étend aux
différends d’ordre juridique entre un État contractant (ou telle collectivité publique ou tel organisme
dépendant de lui qu’il désigne au centre) et le ressortissant d’un autre État contractant qui sont en
relation directe avec un investissement et que les parties ont consenti par écrit à soumettre au centre.
Lorsque les parties ont donné leur consentement, aucune d’elles ne peut le retirer unilatéralement. »
123
DOUMAL (H), op.cit, p.22.
124
SPP c. Egypte, première décision sur la compétence du 27 novembre 1985 et deuxième décision sur
la compétence du 14 avril 1988, ICSID Case No. ARB/84/3, 3 ICSID Reports 142/3.
Voir : GAILLARD (E), chronique des sentences arbitrales, Journal du Droit International 1994, pp. 217-
247.
125
AAPL c. Sri Lanka, Sentence du 21 juin 1990, ICSID Case No. ARB/87/3, 6 ICSID Review n°2
(1991).
Voir : GAILLARD (E), Chronique des sentences arbitrales, Journal du Droit International 1992, pp.
217- 232.
126
DOUMAL (H), Ibidem, p.22.
44
Le consentement de l’Etat d’accueil de l’investissement étant dissocié dans la
mesure où il consent à l’arbitrage avant la survenance du différend, il permet un
accès « automatique » à l’arbitrage CIRDI pour l’investisseur, la requête de celui-ci
devant un tribunal arbitral CIRDI constituant alors son consentement à l’arbitrage.
Il convient néanmoins de souligner la possibilité pour les États, dans les TBI, de
conditionner le recours à l’arbitrage des tribunaux CIRDI à la tentative préalable du
règlement amiable du différend dans un délai de six mois. Un tel délai a
judicieusement été appelé par certains auteurs "cooling-off period", et doit courir à
partir de la date à laquelle a lieu la demande de l’investisseur basée sur une violation
présumée du TBI127.
Le TBI conclu entre la France et le Maroc le 13 janvier 1996 128 prévoit ainsi une
"clause de cooling-off" à son article 8 alinéa 1 et 2 : « Tout différend relatif aux
investissements entre l'une des Parties contractantes et un investisseur de l'autre
Partie contractante est, autant que possible, réglé à l'amiable entre les deux parties
concernées.
Si un tel différend n'a pas pu être réglé dans un délai de six mois à partir du
moment où il a été soulevé par l'une ou l'autre des parties au différend, il est soumis
à la demande de l'investisseur, soit à la juridiction compétente de la Partie
contractante impliquée dans le différend, soit à l'arbitrage du centre international
pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), créé par la
convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États
et ressortissants d'autres États, signée à Washington le 18 mars 1965».
127
V : Murphy Exploration and Production Company International c. République d’Equateur,
Décision sur la compétence du 15 décembre 2010, ICSID Case N° ARB/08/4.
128
Disponible sur :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000204475&dateTexte,
consulté le 22/02/2015.
45
La convention de Washington de 1965, dans la formule de son article 25(1) :
«La compétence du centre s’étend aux différends d’ordre juridique (…) qui sont en
relation directe avec un investissement. », fixe la compétence ratione materiae du
CIRDI. Ainsi, « seule la notion d’investissement est source d’incertitude »129.
Cependant, les quelques trois mille TBI existant énumèrent tous, à leur article
1er, les formes d’investissement possibles, la notion d’investissement étant alors
conçue de manière très large afin d’englober un maximum d’activités 133. En réaction à
129
MANCIAUX (S), Investissements étrangers et arbitrage entre États et ressortissants d’autres États :
trente années d’activité du CIRDI, op.cit, p.37.
130
DOUMAL (H), op.cit, p.23.
131
Rapport des administrateurs de la BIRD sur la convention pour le règlement des différends relatifs
aux investissements entre États et ressortissants d’autres États, disponible sur :
http://icsid.worldbank.org/ICSID/StaticFiles/basicdoc-fra/CRR_French-final, pp.35-50, consulté le
08/10/2015 ; MANCIAUX (S), The Notion of Investment: New Controversies, the journal of world
investment and trade, 2008, p.4; voir également l’article 25(4) de la convention de Washington de 1965
132
DOUMAL (H), op.cit, p.24.
46
cette dilution de la notion d’investissement, la « jurisprudence CIRDI » a cherché à
restreindre cette notion, en adoptant elle-même une définition de l’investissement.
Ainsi, il convient de souligner qu’ « aussi bien les Etats que les investisseurs et
même les arbitres souhaitent profiter de cet état d’indétermination
jurisprudentielle»139 autour de la notion d’investissement, celui-ci «permettant aux
133
Voir, par exemple, l’article 1er alinéa 1er du TBI conclu entre la France et le Maroc le 13 janvier
1996.
134
En l’occurrence la nature de l’investissement en cause.
135
Salini Costruttori S.p.A et Italstrade S.p.A c. Royaume du Maroc, affaire n°ARB/00/4. Sentence du
23 juillet 2001.
136
BEN HAMIDA (W), la notion d’investissement : la notion maudite du CIRDI ?, in : les cahiers de
l’arbitrage, 2007/4, pp. 31 et 32.
137
Ibidem., pp.33- 39.
138
BEN HAMIDA (W), La notion d’investissement, le chaos s’amplifie devant le CIRDI, in : les cahiers
de l’arbitrage, 2009/4, p.40 s.
139
Ibid.
47
parties de modeler une définition favorable à leur cause et aux arbitres d’adapter
leurs solutions selon les circonstances des affaires»140.
Afin qu’un tribunal arbitral statuant sous l’égide du CIRDI soit compétent
ratione personae, l’article 25(1) de la convention de Washington de 1965 prévoit que
« la compétence du centre s’étend aux différends d’ordre juridique entre un État
contractant (ou telle collectivité publique ou tel organisme dépendant de lui qu’il
désigne au centre) et le ressortissant d’un autre État contractant…».
D’une part, en ce qui concerne l’État 141, celui-ci doit être non seulement partie à
la convention de Washington de 1965, mais il doit également avoir ratifié le TBI dont
la violation est alléguée par l’investisseur. Toutefois, une telle ratification n’est pas
obligatoire si l’investisseur se prévaut de la violation d’une loi nationale
d’investissement, par laquelle l’État a consenti à l’arbitrage CIRDI, ou si l’État et
l’investisseur ont conclu une clause d’arbitrage prévoyant le recours à l’arbitrage
CIRDI142.
140
DOUMAL (H), op.cit, p.25.
141
L’État est toujours défendeur au litige dans l’arbitrage CIRDI, les investisseurs refusant
systématiquement de consentir à l’arbitrage lorsqu’un État saisit le CIRDI.
142
DOUMAL (H), op.cit, p.26.
143
L’article 25(3) de la convention de Washington de 1965 stipule ainsi que : « Le consentement d’une
collectivité publique ou d’un organisme dépendant d’un Etat contractant ne peut être donné qu’après
approbation par ledit Etat, sauf si celui-ci indique au centre que cette approbation n’est pas
nécessaire»
48
participation de ces entités rattachées à l’État au consentement de celles-ci, un tel
consentement ne pouvant être donné « qu’après approbation par ledit État, sauf si
celui-ci indique au centre que cette approbation n’est pas nécessaire ».
144
CARREAU (D) et JUILLARD (P), op.cit, p.418.
145
BEN HAMIDA (W), la notion d’investisseur : les nouveaux défis de l’accès des personnes physiques
au CIRDI, in : les cahiers de l’arbitrage, 2007/4, p. 31.
146
CARREAU (D) et JUILLARD (P), op.cit, p.422.
147
Voir, par exemple, l’article 1er alinéa 2 du TBI conclu entre la France et le Maroc le 13 janvier 1996.
148
DOUMAL (H), op.cit, p.27.
149
Article 44 de la convention CIRDI.
49
n’y a pas de juge local d’appui et les parties renoncent à s’adresser aux tribunaux
étatiques pour obtenir des mesures provisoires150.
En effet, les sentences et décisions rendues par des tribunaux arbitraux CIRDI ne
pouvant être contestées que par une procédure de révision 152 ou devant un comité
d’annulation ad hoc et non devant les juridictions nationales153.
150
Articles 26 et 47 de la convention CIRDI et article 39 du règlement d’arbitrage CIRDI.
151
LAURANT (B) et HONLET (J.Ch), les incidences politiques de la souveraineté sur l’arbitrage,
reconnaissance et continuité des Etats, Rev.arb, n°3, 2003, pp.777-804.
152
L’article 51(1) de la convention de Washington de 1965 dispose que : « Chacune des parties peut
demander, par écrit, au secrétaire général la révision de la sentence en raison de la découverte d’un
fait de nature à exercer une influence décisive sur la sentence, à condition qu’avant le prononcé de la
sentence ce fait ait été inconnu du tribunal et de la partie demanderesse et qu’il n’y ait pas eu, de la
part de celle-ci, faute à l’ignorer».
153
Ce comité, ad hoc de trois membres excluant les membres du tribunal ayant rendu la sentence
contestée, a la faculté de suspendre l’exécution. Ce système, qui crée un double degré de juridiction au
sein du CIRDI, se justifie par l’absence d’autre moyen de contrôle de la sentence du fait de l’absence
de procédure d’exequatur. En effet, Le centre prévoit dans son règlement que le recours en annulation
est examiné par une commission d’annulation nommée par l’institution même. C’est le cas qui
ressemble le plus à une deuxième instance arbitrale, puisque contrairement aux autres cas, l’accord
des parties pour nommer et se soumettre à cette commission n’est pas exigé. A la demande de la partie
qui s’oppose à l’exécution de la sentence arbitrale, le centre entame directement la procédure
d’annulation.
Lire à ce sujet, le rapport introductif de HORCHANI (F), in : Le CIRDI 45 ans après : Bilan d’un
système, actes du colloque organisé à Tunis les 11, 12 et 13 mars 2010, revue québécoise de droit
international, n°24, 2011, pp.247-250.
50
L’annulation constitue ainsi une voie de recours extraordinaire dans le système
CIRDI, limitée aux griefs d’annulation 154 énoncés à l’article 52 de la convention de
Washington de 1965155, et dont l’objectif est de garantir la légitimité du processus de
décision et non la justesse de la sentence au fond.
154
MARBOE (I): ICSID annulment decisions: three generations revisited, in: BINDER (Ch),
KRIEBAUN (U), REINISCH (A) and WITTICH (S), International Investment Law for the 21st Century,
Essays in Honour of SCHREUER (Ch), Oxford University Press, 2009, p.201.
155
L’article 52 de la convention de Washington de 1965 stipule que: « (1) Chacune des parties peut
demander, par écrit, au secrétaire général l’annulation de la sentence pour l’un quelconque des motifs
suivants : (a) vice dans la constitution du Tribunal ; (b) excès de pouvoir manifeste du Tribunal ; (c)
corruption d’un membre du tribunal ; (d) inobservation grave d’une règle fondamentale de
procédure ; (e) défaut de motifs. (2) Toute demande doit être formée dans les 120 jours suivant la date
de la sentence, sauf si l’annulation est demandée pour cause de corruption, auquel cas ladite demande
doit être présentée dans les 120 jours suivant la découverte de la corruption et, en tout cas, dans les
trois ans suivant la date de la sentence. (3) Au reçu de la demande, le président nomme
immédiatement parmi les personnes dont les noms figurent sur la liste des arbitres, un comité ad hoc
de trois membres. Aucun membre dudit comité ne peut être choisi parmi les membres du tribunal
ayant rendu la sentence, ni posséder la même nationalité qu’un des membres dudit tribunal ni celle de
l’Etat partie au différend ou de l’Etat dont le ressortissant est partie au différend, ni avoir été désigné
pour figurer sur la liste des arbitres par l’un desdits Etats, ni avoir rempli les fonctions de conciliateur
dans la même affaire. Le comité est habilité à annuler la sentence en tout ou en partie pour l’un des
motifs énumérés à l’alinéa (1) du présent article. (4) Les dispositions des articles 41-45, 48, 49, 53 et 54
et des chapitres VI et VII s’appliquent mutatis mutandis à la procédure devant le comité. (5) Le comité
peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, décider de suspendre l’exécution de la sentence
jusqu’à ce qu’il se soit prononcé sur la demande en annulation. Si, dans sa demande, la partie en cause
requiert qu’il soit sursis à l’exécution de la sentence, l’exécution est provisoirement suspendue jusqu’à
ce que le comité ait statué sur ladite requête. (6) Si la sentence est déclarée nulle, le différend est, à la
requête de la partie la plus diligente, soumis à un nouveau Tribunal constitué conformément à la
section 2 du présent chapitre ».
51
dont la sentence fait l’objet d’un recours en annulation, et il ne peut pas réformer une
sentence au fond sous couleur d’application de l’article 52 de la convention de
Washington. Si la possibilité d’annulation dans le système CIRDI est une «concession
à la nature partiellement privée de l’arbitrage CIRDI »156, le comité ad hoc dérive son
pouvoir de la volonté des parties, tout comme le tribunal arbitral.
Les décisions et sentences arbitrales rendues par des tribunaux arbitraux CIRDI
doivent être exécutées, la question de l’immunité de juridiction ne se posant pas, et la
convention de Washington de 1965 constituant une renonciation à l’immunité
d’exécution dont peuvent normalement se prévaloir les États. Cette convention
impose donc aux États parties de reconnaître dans leur ordre juridique force de chose
jugée aux sentences et décisions des tribunaux arbitraux CIRDI et de leur donner
exécution sans procédure préalable d’exéquatur157.
156
GAILLARD (E), La jurisprudence du CIRDI, volume II, 2004-2008, Paris, 2010, p.250, RFCC c.
Maroc (annulation), Décision du 18 janvier 2006, § 223.
157
L’article 54(1) de la convention de Washington de 1965 stipule que : « Chaque État contractant
reconnaît toute sentence rendue dans le cadre de la présente convention comme obligatoire et assure
l’exécution sur son territoire des obligations pécuniaires que la sentence impose comme s’il s’agissait
d’un jugement définitif d’un tribunal fonctionnant sur le territoire dudit État. Un État contractant
ayant une constitution fédérale peut assurer l’exécution de la sentence par l’entremise de ses
tribunaux fédéraux et prévoir que ceux-ci devront considérer une telle sentence comme un jugement
définitif des tribunaux de l’un des États fédérés.»
158
DOUMAL (H), op.cit, p.21.
52
Le caractère définitif de la procédure d’arbitrage, à savoir le fait que la sentence
arbitrale est obligatoire et non susceptible d’appel sur le fond, est généralement
considéré comme un avantage de l’arbitrage par rapport au règlement par la voie
judiciaire.
Certains pensent toutefois que, bien que ce caractère définitif constitue l’un des
principaux intérêts de l’arbitrage international en raison du gain de temps et d’argent
qui en découle, il risque parfois d’obliger à s’accommoder de sentences erronées ou
d’incohérences entre des sentences rendues sur des questions ou faits identiques ou
très semblables159.
Nonobstant les critiques encore plus radicales contre le centre de certains qui
selon eux, le CIRDI a implicitement institué la «doctrine des effets» puisqu’il ne
prend pas en considération l'intention ou le but recherché d'une mesure allant à
l’encontre des intérêts de l’investisseur et prise par l’Etat hôte mais uniquement les
effets que cette mesure génère160.
159
HOCINE (F), op.cit, p.247 ; voir également : Document de travail sur l’investissement international
ayant pour thème : Améliorer le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats :
vue d’ensemble, OCDE, Numéro 2006/1, février 2006.
160
Le mécanisme CIRDI constitue une offensive généralisée des pays développés contre la
souveraineté des Etats du Sud, offensive idéologique et politique contre les peuples et les Etats du Sud
dans le but d'anéantir le droit de chaque peuple à choisir son propre système économique, politique,
social et culturel, le droit à l'autodétermination et les différentes résolutions et doctrines
internationales. En effet, par ce mécanisme sont mises en place de nouvelles règles d'ordre
économique pour légaliser le pillage organisé et le vol structurel des ressources des pays du Sud au
lieu de réaffirmer l'obligation incombant aux investisseurs de contribuer au développement de l'Etat
hôte. Preuve à l’appui, sur 232 plaintes déposées devant le CIRDI, 230 l’ont été par des multinationales
: Dans les 109 différends traités par le CIRDI jusqu’en février 2007, 74% des défendeurs étaient des
pays en voie de développement ; dans 36% des cas, le CIRDI a tranché en faveur des multinationales
et dans 34 % des cas, les différends ont été résolus en dehors du Centre mais avec compensation
financière pour les firmes.
Voir à ce sujet : RUIZ DIAZ BALBUENA (H), op.cit, p.33.
53
sont estompées et elles ne justifient plus aujourd'hui un régime surprotecteur des
investissements qui visait, à une période donnée, à corriger le déséquilibre originel
lié à la qualité étatique de l'une des deux parties aux contrats d'investissements 161.
Cet état de fait, Mr Fouchard le résume si bien en déclarant qu’« au nom de la liberté
et de la protection de l'investissement international, le balancier est passé de l'autre
côté162 ».
161
HORCHANI (F), le droit international des investissements à l’heure de la mondialisation, JDI, n° 2,
2004, p.367.
162
FOUCHARD (Ph), l'arbitrage et la mondialisation de l’économie, Philosophie du droit et droit
économique: quel dialogue ? Mélanges en l'honneur de Gérard FARJAT, édition Frison-Roche, Paris,
1999, p.393.
54
Elle échappait ainsi aux critiques des écologistes nord-américains. En 1998, les
autorités locales de San Luis Potosi lui interdisaient d’installer un dépôt de déchets
hautement toxiques.
Metalclad entamait alors devant le CIRDI une procédure contre l’État Mexicain
pour violation du traité de protection de l’investissement, car selon l’investisseur, le
refus des autorités municipales de lui accorder un permis d’exploitation au motif que
l’activité présentait des risques écologiques d’une part et l’adoption d’un décret
gouvernemental déclarant la zone concernée de zone écologique d’autre part,
constituaient une mesure d’effet équivalant à l’expropriation contraire à l’article 1110
dudit Accord163.
55
connaissance de cause ou le transfert formel du titre de propriété en faveur de l’État
récepteur, mais également une interférence dissimulée ou incidente sur l’usage de la
propriété qui ait pour effet de priver, totalement ou en partie le propriétaire de
l’usage ou du bénéfice économique qu’il pouvait espérer de cette propriété».
L’arrêt ajoute que « pour obtenir une indemnisation il n’est pas nécessaire d’avoir
subi une expropriation formelle ou une dépossession 167». Le tribunal arbitral a, en
outre, estimé qu’il «n’avait besoin ni de se prononcer ni de se pencher sur les raisons
pour lesquelles, ou l’intention dans laquelle, le décret écologique a été pris 168» et
rappelle le principe selon lequel l’intention du gouvernement est moins importante
que l’impact réel de la mesure.
L’intérêt des investisseurs privés devient ainsi un facteur fondamental pour l’Etat
lorsqu’il entreprend certaines réformes169, de plus, c’est bien à un véritable
renversement du principe pollueur-payeur170 auquel on assiste puisque la charge de
167
Sentence CIRDI, Tecnica Medioambientales Tecmed SA c/ MEXIQUE, affaire n° ARB (AF)/02/2.
Sentence du 29 mai 2003.
168
Sentence Tecmed, paragraphe 116.
169
Voir : ROBERT (S), la protection du pouvoir de réglementation environnementale de l’Etat dans le
cadre du contentieux de l’expropriation indirecte. Investissement international et protection de
l’environnement, disponible sur : http://www.esil-sedi.eu/fichiers/fr/Robert, consulté le
23/02/2015.
170
Principe énoncé pour la première fois le 26 mai 1972 par le conseil de l’OCDE dans sa
recommandation sur les principes directeurs relatifs aux aspects économiques des politiques de
56
la nouvelle réglementation environnementale revient à l’Etat ; l’investisseur pollueur
est, quant à lui, indemnisé.
Ces arrêts ouvrent la voie à une modification profonde du droit de propriété lié
à la notion d’investissement. L’obligation faite à l’État de garantir le respect du droit
de propriété se transforme en obligation de garantir le profit lié à cette propriété.
l'environnement sur le plan international. (Doc, n° C (72)128 de 1972), ainsi que la recommandation de
sa mise en œuvre (Doc, n° C (74)223 de 1974) ; le principe étant qu’il faut obliger le pollueur à prendre
en charge les coûts causés par sa pollution et supporter l’intégralité des coûts économiques des
dégradations de l’environnement qu’il occasionne.
171
DELANOY (L), PORTWOOD (Ch) et PORTWOOD (T), la responsabilité de l’Etat pour déni de
justice dans l’arbitrage d’investissement, Rev.arb, n° 3, 2005, pp.603-643.
172
C’est à juste titre qu’a pu l’affirmer Mr HORCHANI (F), (le droit international des investissements à
l’heure de la mondialisation, op.cit, p.412), en signalant qu’« au nom de la protection des droits des
investisseurs étrangers prévus par l’accord (TBI s’entend), les politiques publiques des Etats sont
mises en cause dans des domaines sensibles tels que l’environnement, l’eau, la santé, la
consommation, la souveraineté judiciaire ».
173
ROBERT (S), op.cit, p.6.
57
étrangers et le régime de protection des droits de l’homme ? Autrement dit, existe-t-il
un conflit entre les obligations conventionnelles de promotion et protection des
investissements et les obligations en matière de droits de l’homme, qui dérivent du
droit international général et conventionnel.
Sous cette optique, il serait donc très difficile de nier que la sentence qui tranche
le litige en faveur de l’investisseur en oubliant de considérer, dans l’appréciation de
mesures prises par l’Etat, l’exigence de celui-ci de s’acquitter des obligations
internationales sur la protection des droits de l’homme, consacrées dans des règles
174
Voir : BEKHECHI (M.A), Droit international et investissement international, quelques réflexions sur
des développements récents, Le droit international au service de la paix, de la justice et du
développement, Mélanges Michel VIRALLY, Pedone, Paris, 1991, pp.109-112.
58
internationales, le cas échéant impératives, ne serait pas en harmonie ou en
conformité avec le droit international175.
Et, par conséquent, il serait aussi très difficile de nier le droit de l’Etat à la remise
en cause de son obligation de reconnaissance et d’exécution des sentences ; la règle
étant que les arbitres doivent lire les dispositions concernant la protection des
investissements à la lumière des normes pertinentes sur la protection des droits de
l’homme (coutumières ou conventionnelles) pour en tirer les conséquences aux fins
du règlement du litige porté devant eux176.
175
Voir l’analyse faite de quelques affaires récentes en partie deux de l’ouvrage des Co-auteurs :
LEBEN (Ch) , NOUVEL (Y), BEN HAMIDA (W), CREPET DAIGREMONT (C), FADLALLAH (I),
ESCOBAR (A), RUBINS (N), YALA (F), WALDE (Th), ROMERO HOBER (K), EDUARDO (S),
VERHOEVEN(J), le contentieux arbitral transnational relatif à l'investissement, nouveaux
développements, Anthemis, Bibliothèque des hautes études de Paris, 2006.
176
HORCHANI (F), le statut de l’investisseur étranger, Colloque international sur :
« L'étranger", Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, Tunis, 28 février 2005, p.10
disponible sur : http://www.urdri.fdspt.rnu.tn/articles/etranger/etranger_horchani.pdf, consulté le
28/02/2015.
177
Ibid.
178
Le Maroc a d’ailleurs conclu plus d’une soixantaine de TBI dont 37 sont en vigueur (avec 8 pays
arabes, 18 pays européens, 5 pays africains, 4 pays asiatiques et 2 pays des Amériques).
Voir à ce sujet : DOUMAL (H), op.cit, p.7.
179
Dahir n° 1-95-213 du 8 novembre 1995 portant promulgation de la Loi-cadre n° 18-95 formant
Charte de l'investissement.
59
production ; rationaliser la consommation de l’énergie et de l’eau ; protéger
l’environnement».
Et s’il est logique que la finalité de tout investissement reste la réalisation d’une
rentabilité maximale soutenue par des privilèges tirés de main- d’œuvre avantageuse
et de conjonctions douanières et fiscales, il n’est pas concevable que ces intérêts
privés passent devant l’utilité publique ou l’intérêt général. Il faut que la justice soit
faite en sauvegardant l’équilibre et la conciliation entre les finalités initiales des uns
et des autres180.
Sans doute peut-on relever que, dans le cas d'une sentence rendue contre un État
contractant, il n'existe aucun moyen de coercition à l'encontre de celui-ci afin de le
contraindre à exécuter cette sentence, si ce n'est la sanction morale qui consisterait
dans une mise à l'index par la BIRD et les autres organismes internationaux d'aide
aux pays en voie de développement, ce qui ne serait d'ailleurs, sans doute pas sans
efficacité.
Dans l’arbitrage CIRDI181, un Etat qui ne s’exécute pas peut craindre de ne plus
obtenir de prêt de la banque mondiale. De même, dans le domaine des travaux
publics, un Etat qui se fait une réputation de permettre à ses entreprises publiques
d’ignorer les sentences arbitrales à tort, risque de voir les entrepreneurs de
180
Voir en ce sens l’affaire Autopista Concesionada de Venezuela, C.A. «Aucoven» c/ République du
Venezuela, affaire n°ARB/00/5, Décision du 23 septembre 2003 : Les faits résultent d’un contrat de
concession, conclu entre Aucoven, une entreprise incorporée au Venezuela, et la République du
Venezuela, portant sur la construction puis l’exploitation des autoroutes à la fin janvier 1997, la
disposition 21 du contrat obligeait le Venezuela à augmenter le tarif des péages. Étant donné
l’opposition populaire à la proposition d’augmentation des tarifs (une multiplication du coût des frais
de péage par 20 pour les voitures et les taxis et par 4 jusqu’à 10 pour les poids lourds), le Venezuela
demande non seulement à Aucoven de suspendre la collecte des péages mais modifie, le 29 avril 1997,
les augmentations dans des proportions plus raisonnables. L’élection d’Hugo Chavez et la nomination
d’un nouveau gouvernement n’arrangent pas non plus la situation puisqu’ils entraînent une requête
du ministère des infrastructures auprès du procureur général pour que ce dernier engage des
poursuites devant la cour suprême du Venezuela afin d’obtenir la nullité du contrat. Le tribunal
arbitral CIRDI accordera plus de douze millions de dollars de dédommagements à la société Aucoven.
181
REDFERN (A) et HUNTER (M), Droit et pratique de l’arbitrage commercial international, op.cit,
p.339.
60
réputation internationale refuser de soumissionner pour des projets sur son territoire.
Il se peut aussi que ses mêmes entrepreneurs ne soumissionnent qu’à des prix très
élevés pour couvrir tous les risques financiers qu’ils encourent 182.
Transformé comme l'est, dans son issu, l'arbitrage qui devient non contraignant
lorsqu'il s'adapte aux nécessités du commerce électronique (I), mais qui comporte
certaines mesures de coercition d’ordre économique et juridique (II).
182
دراس ة مقارن ة ألحك ام التحكيم التج اري ال دولي كم ا ج اءت في القواع د، التحكيم التج اري ال دولي،ف وزي محم د س امي
دار الثقاف ة للنش ر، اإلص دار الث الث، الطبع ة األولى،واالتفاقيات الدولية واإلقليمية والعربية مع اإلش ارة إلى أحك ام التحكيم في التش ريعات العربي ة
، التحكيم في المنازعــات الدوليــة، التحكيم اإللــزامي: التحكيم، جهــاد هواشــي،؛ عبــد الهــادي عبــاس359 ص،2008 ، األردن، عمــان،والتوزي ع
499 ص،1982 ، دمشق، دار األنوار للطباعة، الطبعة األولى، التحكيم في التجارة الدولية.
183
،2008 ، مصر، دار الفكر الجامعي، التحكيم اإللكتروني في عقود التجارة الدولية،خالد ممدوحـ إبراهيم
247ـ246 ص.
184
FARES (W), signature électronique et sécurité des données, RIHAB ALMAHAKIM, n°3, 2009, p.5.
185
Des projets pilotes d'expérimentation ont été alors initiés aux USA et au Canada avec la création de
plates-formes d'arbitrage en ligne dotées de règlements de procédure inspirés des règles classiques de
base de l'arbitrage commercial international mais atténués par des adaptations à l'environnement
numérique. Il en est ainsi entre autres de Virtual Magistrate créé en mars 1996 par le Cyberspace Law
Institute 5CLI) et le National Center for Automated Information Research (NCAIR) aux USA et du
Cybertribunal mis en place en 1996 par le centre de Montréal (CRDP), lancée le 4 juin 1998.
Voir à ce sujet : FADAZ (S.A.M), Le régime juridique de l’arbitrage commercial international, mémoire
pour l’obtention du D.E.S.S en droit des affaires et fiscalité, faculté de droit, université de Lomé,
2006/2007, p.46.
61
I-Via l’aspect non contraignant de la sentence électronique
186
L’arbitrage en ligne peut être défini comme : « un mode alternatif de résolution du différend
proposé directement sur réseau de l’internet ».
Voir, à ce sujet : NAIMI-CHARBONIER (M), la formation et l’exécution du contrat électronique, thèse
pour le doctorat en droit, faculté de droit, université Panthéon-Assas, Paris, 2003, p.238.
Voir également : التجارة اإللكترونية في التشريعات العربية،عصام عبد الفتاح مطر
اإلختصاص الدولي للمحاكم وهيئات التحكيم في،؛ حسام أسامة أحمد42 ص،2009 ، االسكندرية، دار الجامعة الجديدة للنشر،واألجنبية
177 ص،2009 ، مصر، دار الجامعة الجديدة،منازعات التجارة اإللكترونية.
187
Voir : ؛50 ص،2006 ،160 العدد، مجلة العالم الرقمي، التحكيم اإللكتروني في منازعات المعامالت اإللكترونية،عادل حماد أبو عزة
8 ـ7 ص،2003 ، القاهرة، النسر الذهبي للطباعة، جهات االختصاص القضائي بمنازعات التجارة اإللكترونية، أحمد شرف الدين.
188
DONGMO GUIMFAK (Ch.M), L'arbitrage en droit de la propriété intellectuelle dans l'espace oapi,
mémoire pour l’obtention de master en droit de la propriété intellectuelle, faculté de droit, université
de Yaoundé II-SOA, 2009-2010, p.52.
189
Ibid.
190
478 ص،2009 ، القاهرة، دار النهضة العربية، التحكيم اإللكتروني، إيناس الخالدي.
62
C'est pour cette raison qu'il est indispensable de nous interroger sur la validité
de la procédure de l’arbitrage électronique, dont les actes s’effectuent via des
instruments électroniques191, et partant sur la décision rendue en ligne si elle
remplisse toutes les exigences et les conditions imposées à l'arbitrage traditionnel.
191
BETTO (J.G) FRY (J), HENRY (M), KLEIMAN (E) et PINSOLLE (Ph), nouvelles tendances de
l’arbitrage international, RDAI, n°3, 2006, p.372.
192
YU (H.L) et NASIR (M), can online arbitration exist within the traditional arbitration framework, 20
journal of arbitration, 2003, p.459.
193
Le contrat électronique peut être défini comme : « l’ensemble des transactions financières et
commerciales réalisées par voies électroniques sur des réseaux ouverts, comme internet, ou sur des
réseaux dits « propriétaires » ou fermés. Il inclut l’échange des données informatisées (ED!), les
transferts de fonds, les transactions par carte de crédits et de débit, de même que les activités de vente
au détail ».
Voir : KONE (M.A), la protection du consommateur dans le commerce international passé par
internet, une analyse comparée des systèmes juridiques européen, Français Canadien et Québécois,
mémoire pour l’obtention du diplôme de master en droit, faculté de droit, université de Montréal,
2007, p.2.
63
En ce sens, si l’article II, paragraphe 1 de la convention de New-York sur la
reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, obligent les
juridictions des Etats parties à la convention de reconnaître les conventions
d’arbitrage et d’ordonner l’exécution des sentences arbitrales étrangères sous
certaines conditions parmi lesquelles : la convention d’arbitrage doit être écrite et
signée par les parties conformément à l’article II, paragraphe 2 de la même
convention, la sentence arbitrale doit être approuvée ce qui exige tacitement la
signature de la sentence arbitrale.
Afin de veiller à ce que ces conditions soient satisfaites via les voies électroniques
de résolution des litiges, il faudrait étendre les notions de l’écrit et de la signature,
afin qu’elles puissent comprendre l’évolution qui les a atteint dans l’ère de la
révolution des informations et de la communication194.
194
Ceci étant, les initiatives sont nombreuses. La loi type de la CNUDCI intègre totalement l'écrit
électronique en acceptant à l’article 7, alinéa 2: « un échange de lettres, un document signé par les
parties, un échange de communications télex, un échange de conclusions, un échange de télégrammes
et un échange de tout autre moyen de communication qui en atteste l'existence ». La loi marocaine 05-
08 sur l’arbitrage, qui se présente plus libérale, prévoit à l’article 327-13, alinéa 2 que : « La convention
d'arbitrage est réputée établie par écrit lorsqu'elle est consignée dans un document signé par les
parties ou dans un échange de lettres, de communications télex, de télégrammes ou de tout autre
moyen de télécommunication considéré comme convention et qui en atteste l'existence ».
195
KHOLER (G.K), le lieu de l’arbitrage à l’aune de la mondialisation (Réflexions à propos de deux
formes récentes d’arbitrage), Rev.arb, 1998, pp. 517-536.
64
procédure de la loi de cet Etat constitue un motif de refus de reconnaissance de la
sentence et de son exécution196.
Celle-ci tient au fait que la mise en œuvre de certaines dispositions prévues à des
systèmes d’arbitrage, est subordonnée à la dimension spatiale de l’arbitrage, c'est-à-
dire au lieu même de l’arbitrage ou au lieu ou la sentence a été rendue. Ceci est
notamment le cas d’un arbitrage ou les arbitres s’établiraient dans des Etats
différents et, par commun accord, les délibérations s’effectueraient par Fax ou
courrier électronique197.
Il s’avère, donc, qu’il est tellement difficile d’exécuter une sentence arbitrale
électronique conformément à la convention de New-York, ce qui conduit à trouver
une solution spécifique, dépourvue d’une procédure d’exéquatur, en vue de garantir
l’exécution de la sentence arbitrale électronique.
196
YU (H.L) et NASIR (M), can online arbitration exist within the traditional arbitration framework,
op.cit, pp.455-473 ; GAUTRAIS (V), BENYEKHLEF (K) et TRUDEL (P), Les limites apprivoisées de
l’arbitrage cybernétiques : l’analyse de ces questions à travers l’exemple du cybertribunal, revue
juridique : Themis, Montréal, 1999, p.583.
197
NDIAYE (P), arbitrage en ligne et les litiges du commerce électronique, op.cit, p.109.
198
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et BERTHOLD (G), op.cit, p.1095 ; ARSIC (J), international
commercial arbitration on the intern et - has the cuture Come too early?, 14 j.Int.Arb., 1997, p.209.
65
II -Via des mesures coercitives adaptées
Cet état de fait était à l’origine de la recherche d’un régime propre à l’exécution
de ces sentences, conformément à des mécanismes spécifiques, en l’occurrence
l’autorégulation200 de l’arbitrage électronique.
Ce régime se caractérise par le fait qu’il est autonome sur le plan pratique, et
indépendant de celui applicable à l’arbitrage traditionnel. Cela dit, une sentence
rendue dans le cadre de l’arbitrage en ligne serait exécutée sans le besoin d’une
procédure d’exéquatur effectuée par la justice étatique ; cette méthode ne pourrait
199
CALAIS-AULOY (J) et STEINMETZ (F), droit de la consommation, Dalloz, Paris, 7ème éd, 2006, p.5.
200
L'autorégulation (qui signifie en anglais auto-regulation) se manifeste à la fois comme une
autodiscipline et un cadre contractuel. Elle peut être définie comme une technique juridique selon
laquelle des règles de droit ou de comportement sont créées par des personnes auxquelles ces règles
sont destinées à s'appliquer, soit que ces personnes les élaborent elles-mêmes soit qu'elles soient
représentées a cet effet. En d'autres mots, l'autorégulation s'entend « du mode de production de droit
fondé sur l'adoption par les acteurs d'un système social de normes juridiques qui s'appliquent à ces
mêmes acteurs ».
Voir à ce sujet : SCHULTZ (T), Réguler le commerce électronique par la résolution des litiges en ligne,
cahiers du centre de recherche informatique et droit CRID, n° 27, Bruxelles, Bruylant, 2005, p.103.
Or, l'autorégulation est connue souvent sur le net sous une forme collective, lorsqu'un groupe
d'acteurs dans un secteur déterminant s'engagent à respecter un certain nombre de règles, comme un
code d'éthique ou encore une charte. Mais, la forme la plus utilisée est « les codes de conduite ». Il
s'agit d'une forme de création de règles selon un processus particulier : elles sont élaborées par les
destinataires des règles ou par leurs représentants. Ce sont de règles proposées et non imposées. Elles
peuvent être définies comme instruments de régulation élaborés volontairement par ceux qui
prennent part à une activité, ayant pour objectif d'organiser, de manière souple et évolutive, une
fonction, par voie de règles communes, uniformes et non obligatoires ».
Voir : DE LOCHT (P) et LAZARO (Ch), le commerce électronique européen sur les rails ? : Analyse et
propositions de mise en œuvre de la directive sur le commerce électronique, Cahiers du CRID; n° 19,
Académia Bruylant, Bruxelles, 2001, p.300.
66
recevoir application dans certains ordres juridiques qui requièrent la condition de la
réciprocité afin d’exécuter les sentences arbitrales internationales notamment celles
rendues à l’étranger.
201
EL SHAZLY (Y), Essai sur la diffusion du modèle européen du procès équitable à la politique
uniforme de résolution des litiges relatifs aux noms de domaine, UDRP, mémoire pour l’obtention de
master en droit des nouvelles technologies, faculté de droit et sciences politiques, université lumière ,
Lyon 2, 2006, p.17.
202
Ainsi, La construction d'un site Internent comprend un passage obligatoire au nom de domaine.
Techniquement, chaque ordinateur connecté au réseau de l'Internet est individualisé par une adresse
numérique qui s'appelle IP/ TCP (Internet Protocol/ Transfer Control Protocol). Celui-ci est composé
par quatre groupes des nombres séparés par des points. Par exemple, l'IP 195.6.62.33 identifie
l'ordinateur qui héberge le site de la poste de France. Cette adresse entièrement numérique et difficile
à mémoriser rend difficile la localisation des sites sur Internet. Pour surmonter cet obstacle et
simplifier l'identification sur le réseau, il a été décidé de faire correspondre à chaque adresse IP un
nom de domaine (ex « www.laposte.com » ou « www.sncf.fr ». C'est la traduction alphanumérique du
numéro d'un ordinateur connecté au réseau; ce nom est plus commode a mémoriser et à utiliser que le
code IP, la forme numérique de cette adresse).
Voir : GALLOUX (J.Ch), Droit de la propriété industrielle, Dalloz, Paris, 2ème éd, 2003, p.559.
De surcroit La nature essentielle de cette adresse alphanumérique est à distinguer d'un site web sur
Internent; une fonction juridiquement semblable à celle des signes distinctifs. Cette mission fonctionne
à travers un système de bases de données et de serveurs assurant la correspondance entre les noms de
domaine ou de sites utilisés par les internautes et les adresses numériques utilisables par les
ordinateurs.
Voir : KAUFMAN (G), noms de domaine sur Internet, aspects juridiques, Vuibert, 2001, p.7;
HALPERN (C), Guide Juridique et Pratique, Droit et Internet, De Vecchi, 2003, p.13.
67
En ce sens, l’expérience de l’arbitrage relative aux noms des domaines 203
constitue une expérience pionnière, non seulement au niveau de l’emploi de
l’internet dans toutes les phases de la procédure d’arbitrage, mais également au
niveau de l’efficacité de la sentence y afférente.
203
Appelé UDRP (Uniform Domaine Name Dispute Resolution Policy), est une procédure qui est née
en 1999 faisant partie intégrante de l’ICANN, suite à l’émergence d’une nouvelle pratique sur internet
à savoir le cybersquatting ou domain name grabbing qui consiste en un enregistrement abusif d'un
nom de domaine générique de premier niveau en vue de léser le titulaire de droit de marques et lui
faire payer le prix fort pour qu'il récupère le nom de domaine approprié de mauvaise foi par un autre
(voir : NDIAYE (P), arbitrage en ligne et les litiges du commerce électronique, op.cit, p.76). Cela dit,
L'élaboration d'un site web comprend un passage obligatoire: celui de l'identification par une «adresse
symbolique permettant une mémorisation et une identification plus aisée du site disponible sur le
réseau. Le nom de domaine a de fait deux fonctions en plus de permettre l'accès à l'internet, ils
assument une fonction publicitaire et promotionnelle pour l'entreprise. Voir LAMY, Lamy droit de
l'informatique et des réseaux, Lamy, 2001, pp. 1316-1318; voir aussi VERBIEST (T), « Les réformes des
systèmes de gestions de noms de domaine: état des lieux », 6 mars 2001, pp. 1-3, disponible sur :
http://www.droittechnologie.org/I 2.asp?actu id=397, consulté le 8/4/2015. Pour une analyse de la
procédure se référer à l'article de CANDEAGO (F), analyse de la politique et des règles de procédure
d'I.C.A.N.N. relatives au règlement des conflits entre les titulaires de marques de commerce et les
détenteurs de noms de domaine», Lex Electronica, vol. 9, n° l, 2004, disponible sur:
http://www.lexelectronica.org/articles/v9-1 /candeago.htm#introducion, consulté le 3/6/2015.
68
exécution propre, contenu dans le régime établi par l’institution (ICANN)204 lié
directement aux centres d’arbitrage.
204
Structurellement, l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), crée en 1998
par l’initiative de la « National Télécommunications and Information Agency (NTIA) », entité
rattachée au « United States Department of Commerce », est un organisme à but non lucratif
transnationale qui fonctionne par des équipes et des dirigeants de tous pays et disposant d'un large
éventail de compétences. Comme un modèle de partenariat public-privé, l'ICANN a pour objectif de
préserver la stabilité opérationnelle d'Internet, de promouvoir la concurrence, d'assurer une
représentation globale des communautés d'Internet, et d'élaborer une politique correspondant à sa
mission. Sa mission suit une démarche consensuelle ascendante. Elle est chargée de coordonner la
gestion des éléments techniques du système des noms de domaine de l'Internet (DNS) pour assurer la
"résolution universelle" (universal resolvability), de sorte que tous les internautes puissent trouver
toutes les adresses valables.
Voir : EL SHAZLY (Y), op.cit, p.30. Voir également l’adresse : http://icann.org/tr/french.html,
consulté le 08/03/2015.
205
La décision Parisi v. Netlearning Inc. confirme ce mécanisme, District Court, Eastern District of
Virginia, 10 mai 2001, n° A 00-1823-A, in : CRUQUENAIRE (A), le règlement extrajudiciaire des litiges
relatifs aux noms de domaine, analyse de la procédure UDRP, Bruylant, Bruxelles, 2002, pp.54-55.
69
L’efficacité de ce système206 de résolution de litiges demeure dans le fait que la
sentence rendue par le centre d’arbitrage électronique ne dépend pas de la volonté
de la partie succombant. C’est le registraire du nom du domaine qui doit exécuter la
décision et c’est lui qui est capable de l’exécuter techniquement, compte tenu qu’il
soit seul qui détient les outils techniques lui permettant de radier le nom de domaine
du réseau ou transférer sa propriété au demandeur207.
Et si les décisions rendues dans le cadre des litiges portant sur les noms des
domaines, sont exécutées obligatoirement par celui contre lequel la décision est
rendue, faute d’une exécution volontaire de sa part, certaines sentences s’exécutent
volontairement sous les pressions publicitaires et commerciales.
206
Ibidem., pp.9-11 ; voir également : MILCHIOR (R), marques et internet, cahiers du Lamy de
l'informatique et des réseaux, n° 139, août-septembre, 2001, p. 13.
207
Ainsi comme exemple la décision de l’expert (ompi) : litige n° DFR 2011-0015/. Le requérant est la
société Jahida, champigny-sur-marne, France : représentée par Alain Bensoussan, Avocats, France/ le
défendeur est Mohammed Moussaid, Bretigny sur orge, France, le litige concerne le nom de domaine
« jahida.fr » enregistré le 25 janvier 2011. Une demande déposée par la société Jahida auprès du centre
d’arbitrage et de médiation de l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle (ci-après désigné
le « centre ») a été reçue le 14 avril 2011. Le 15 avril 2011, le centre a adressé à l’association française
pour le nommage internet en coopération, une demande aux fins de vérification des éléments du litige
et le gel des opérations…
Le 9 juin 2011, l’expert considère que l’enregistrement du nom de domaine litigieux par Le défendeur
constitue une atteinte aux droits du requérant. Et conformément aux articles 20 (b) et (c) du règlement,
l’expert ordonne la transmission au profit du requérant du nom du domaine « Jahida ».
Voir : كلية، رسالة لنيل شهادة الماجستير في القانون، التحكيم اإللكتروني كوسيلة لتسوية منازعات عقود التجارة اإللكترونية،كريم بوديسة
193 ص،2012 ، تيزي وزو، جامعة مولود معمري،الحقوق والعلوم السياسية.
208
C’est ce qui découle du paragraphe 8 des règles d’application des principes directeurs régissant le
règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine.
70
décision est rendue pourrait exercer des pressions commerciales afin de l’interdire
de publier sur des sites interne déterminés, ou mettre le non de la partie perdante
dans la liste noire des commerçants et sociétés inconfiants, ce qui conduirait à
l’abolition de la réputation commerciale qu’ils s’efforcent à en disposer 209.
209
257 ص،س. م، اإلختصاص الدولي للمحاكم وهيئاتـ التحكيم في منازعات التجارة اإللكترونية،حسام أسامة أحمد.
71
§1- L’évolution marquante du droit marocain d’exéquatur des sentences arbitrales
internationales
210
المجلة المغربية لقانون األعمال، حجية أحكام المحكمين في قانون المسطرة المدنية المغربية،عمر اإلسكرمي المرابط
57 ص،2006 مارس،10 العدد،والمقاوالت.
211
Dont il est fait recours lorsqu’il s’agissait de la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales
internationales. Voir à cet égard l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Casablanca n°
2000/1/2013, rendue le 3/8/2000, in :
195 ص،2000 ،2 العدد،مجلة المنتدى.
Voir également : BEDJAOUI (M) et EL-KARKOURI (D), l’arbitrage commercial international en droit
marocain, JDI, n° 1, 2001, p.79 ; RAZON (J.P), l’arbitrage en droit marocain, n° 1, 1985, p.20.
212
SQUALLI (A), l’exécution des sentences arbitrales au Maroc, Revue de droit et d’économie, n°20,
2003, p.11.
72
Cette situation avait pour effet de provoquer des controverses au sein tant de la
doctrine que la jurisprudence en ce qui concerne la procédure applicable aux
sentences internationales.
Par ailleurs, faut-il souligner à cet égard, que l’ancien CPC ne distinguait
nullement entre sentence interne et internationale214. Ce qui conduisait à une
confusion d’échelle concernant la procédure applicable à la sentence rendue en
matière internationale ; est ce qu’elle serait soumise au régime d’exéquatur
applicable aux sentences nationales215 ou celui relatif aux jugements étrangers216.
Cette confusion n’est plus suscitée avec la promulgation de la loi 08-05 par le
dahir n° 1-07-169 du 30 novembre 2007 et son entrée en vigueur le 6 décembre 2007.
73
notamment, par la convention de New-York de 1958 ainsi que la loi type de la
CNUDCI de 1985, la loi 08-05 a prévu une règlementation particulière à la question
de l’exéquatur des sentences arbitrales internationales aux articles 327-46 à 327-54
du CPC marocain.
Certes lesdits articles ont essayé de prévoir des règles matérielles facilitant
l’accueil, au Maroc, des sentences arbitrales qu’elles soient rendues à l’étranger ou
dans le royaume en matière internationale, et surmontant ainsi les polémiques aussi
bien jurisprudentielles que doctrinales qui existaient antérieurement. Il en est ainsi
de la compétence judiciaire, de l’établissement de la sentence, des motifs de refus de
reconnaissance et d’exéquatur et des recours ouverts à l’encontre de la décision du
juge de l’exéquatur soit directement ou indirectement 217.
217
Notons ainsi que cette réforme s’inscrit dans le cadre des réformes législatives entamées par le
royaume depuis les années 90 du siècle écoulé, tendant l’encouragement et la préservation des
investissements aussi bien internes qu’externes ainsi que la modernisation de l’arsenal juridique relatif
au monde des affaires.
218
Ces problèmes vont être analysés à travers la première partie de la présente thèse.
74
La ratification respective de la convention de New-York sur la reconnaissance et
l’exécution des sentences arbitrales étrangères, par une grande partie de la
communauté internationale était, sans doute, l’élément déclencheur du processus
des réformes des systèmes étatiques sur l’arbitrage international dont la phase post-
arbitrale constitue la clé de voute.
219
L’article 82 du code tunisien de l’arbitrage de 1993.
220
En effet le code de procédure civil et administratif algérien ne prévoit aucune disposition
interdisant l’exécution d’une sentence annulée dans son pays d’origine, en se cantonnant à énumérer,
en vertu de l’article 1056, les motifs permettent le recours contre l’ordonnance accordant la
reconnaissance ou l’exéquatur.
221
L’article 1061 al 3 du code de procédure civil allemand.
75
déclarée exécutoire en Allemagne permet de demander l'annulation de l'exequatur
dans ce pays, en France, une série d'arrêts de la cour de cassation222 a confirmé le
caractère libéral et favorable du droit français par rapport à la convention de New-
York et la possibilité de reconnaître et d'exécuter en France une sentence annulée ou
suspendue à l'étranger. Si un juge de cet État est saisi d'une requête d'exequatur, il
appréciera tous les aspects de la validité de la convention d'arbitrage au regard de la
lex fori, autrement dit au regard du seul droit français, lequel ne soumet la
convention d'arbitrage à aucune exigence de forme223.
222
Voir le détail de ces arrêts à la deuxième partie de cette recherche.
223
POUDRET (J.F) et BESSON (S), droit comparé de l’arbitrage international, Bruylant, LGDJ,
Bruxelles, 2002, p.884 ; JOSEPH (J), L’arbitrage commercial international et les garanties procédurales,
op.cit, 2009, p.135. Soulignons à cet égard que ce principe est adopté en France en vertu aussi bien du
décret de 1981 ainsi que celui lui abrogeant à savoir le décret de 2011.
224
L’article 80 du code tunisien sur l’arbitrage de 1993.
225
L’article 1031 du CPCA algérien
226
L’article 1484 du décret de 2011 modifiant le NCPC français
76
considérer comme des jugements étrangers (droits égyptien, omanais 227 et
yéménite228).
Donc la loi égyptienne ne s’applique pas aux sentences rendues à l’issue d’un
arbitrage étranger et pour lesquelles les parties n’ont pas convenu de l’application
de la loi égyptienne. C’est ainsi que l’exequatur des sentences étrangères est soumise
aux règles relatives à l’exécution des jugements étrangers conformément à l’article
299 du code de procédure civile Egyptien.
227
L’article 1 de la loi Omanaise 47/97, sur l’arbitrage
228
L’article 3 de la loi Yéménite de 1992 sur l’arbitrage
229
Arrêt cité par : MARKBAOUI (S), la place laissée au juge national par les lois d’arbitrage des pays
arabes inspirés par la loi-type de la CNUDCI, le blogue du master arbitrage et commerce
international, 2011, p.12, disponible sur : http://maci-uvsq.com/2011/04/23/la-place-laissee-au-juge-
national-par-les-lois-d%E2%80%99arbitrage-des-pays-arabes-inspirees-par-la-loi-type-de-la-cnudci-
par-samy-markbaoui/, consulté le 3/6/2013.
230
A l’exception, concernant les pays arabes, de l’Irak et de la Libye. Voir : Nations Unies, Recueil des
Traités, vol 330, p.3, disponible sur: https://treaties.un.org/doc/Treaties/2007/12/28/XXII-1.fr.pdf,
consulté le 25/03/2015.
77
Conclusion du chapitre :
C’est ainsi que les sentences rendues dans le cadre de l’arbitrage traditionnel
devrait être soumises à une procédure d’exéquatur par la justice étatique. En effet,
78
depuis plusieurs années, les droits régissant la procédure d’exéquatur des sentences
arbitrales internationales, ici étudiés se sont sensiblement rapprochés et consacrent
sur de nombreux points des solutions identiques ou, à tout le moins, analogues.
Partie I :
Du volontaire au forcé
231
LOQUIN (E) et KESSEDJIAN (C), la mondialisation du droit, Litec, Paris, 2000, pp.401-409.
79
Une fois la sentence arbitrale internationale rendue, l’arbitre est dessaisi du
litige232. Le principe est que la sentence arbitrale est exécutée volontairement 233. C'est
232
Du fait que l’arbitre comme l’a pu exprimer Mr Jarrosson « est un juge éphémère ». Il est le juge
d’un litige : celui en vue de la résolution duquel il a été nommé. Une fois le litige réglé et la sentence
rendue, il a achevé sa mission et n’est plus arbitre. (JARROSSON (Ch), arbitrage international, JCL,
droit international, Fasc.197, n°113). Nonobstant le fait qu’en matière internationale, la loi marocaine
sur l’arbitrage ne prévoit aucune disposition indiquant que la sentence dessaisit les arbitres de la
contestation qu’elle tranche, come elle a, cependant, fait en matière interne en vertu de l’article 327-28
du CPC, il ya lieu de considérer que cette dernière l’emporte. Cela résulte de la nature même de la
convention passée entre les parties et le tribunal arbitral pour régler le différend. Mais cette règle
même contient des dérogations en l’occurrence la nécessité d’offrir aux parties un mécanisme leur
permettant de faire interpréter la sentence ou même de rectifier une erreur matérielle, ou encore de
faire compléter la sentence sur les questions que les arbitres auraient omis de trancher.
Voir : BEGUIN (J), BOURDAUX (G), MENJUCQ (M), RUIZ FABRI (H), SOREL (J.M), SERAGUNI
(Ch), LE BARS (B) et MAINGUY (D), droit du commerce international, Litec, Paris, 2005, p.1063.
233
CHEDLY (L), l’exécution des sentences internationales annulées dans leurs pays d’origine :
cohérence en droit comparé et incohérence du droit tunisien, J.D.I. n° 4, 2009, p.140.
80
l'hypothèse rêvée234. Cependant, la partie perdante peut pour des raisons diverses
refuser d’obtempérer. L’autre partie peut, dans ce cas, demander la reconnaissance et
l’exécution forcée de la sentence arbitrale internationale235.
234
LEKEDJI NGUEMGUM (F), op.cit, p.52.
235
En effet dans sa représentation la plus fréquente, la justice apparait (selon une locution empruntée
des juristes MIGNARD (J.P) et HUET (B), exéquatur des sentences arbitrales, pour une procédure
contradictoire, gazette du palais, n° 249 à 250, 2013, p.12), sous les traits « d’une femme aux yeux
bandés, tenant dans sa main droite un glaive et dans sa main gauche une balance. Les deux plateaux
de la balance font référence à l’idée d’équilibre et de mesure. Le glaive romain rappelle, quant à lui,
que la justice n’est rien sans la force qui permet de la faire appliquer. Le glaive est d’ailleurs à double
tranchant, car la justice peut frapper en faveur ou en défaveur de chacune des parties au litige ». Si en
matière d’arbitrage le tribunal arbitral tient les plateaux de la balance, le glaive reste l’apanage de
l’Etat souverain, détenteur du monopole de la violence légitime. Seul l’Etat dispose de l’imperium et
peut donner une force exécutoire à une décision de justice, l’arbitre est dépourvu de cette faculté. Il
doit rendre la décision qui lui semble la plus appropriée, mais il ne peut en aucun cas forcer une partie
à l’exécuter. L’exigence d’exéquatur est ainsi la conséquence de l’absence de l’imperium de l’arbitre.
236
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.904.
237
Voir les articles 327-47 et suivant du CPC.
238
NGUEMGUM (F.L), Les compétences du juge étatique dans l’arbitrage OHADA, mémoire pour
l’obtention de master en contentieux et arbitrage des affaires, faculté de droit, université catholique
d’Afrique centrale, 2007/2008, p.42.
239
ZAHER (Kh), le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international, op.cit, p.85.
81
y arriver, également, que la partie contre laquelle une sentence avait été rendue
intente une action principale aux fins de la non reconnaissance de la sentence.
Dans la première hypothèse, le moyen de droit invoqué est utilisé dans le cas ou
la partie intéressée n’a pas besoin de mesures d’exécution pour s’assurer du bénéfice
de la sentence, mais qu’il lui suffit de se prévaloir de son autorité de chose jugée 240.
Or, dans la seconde hypothèse, il s’agit, par exemple d’une sentence qui avait rejeté
la réclamation d’une créance ou la revendication d’un droit de propriété, le
bénéficiaire de la sentence l’oppose contre la partie qui, à nouveau, revendique ce
même droit ou réclame cette même créance241.
240
Ceci est notamment le cas d’une personne actionnée en justice en paiement d’une somme d’argent,
oppose, en compensation une créance qu’elle a contre le demandeur et qui avait été consacrée par une
sentence arbitrale dans un arbitrage entre les mêmes parties. Voir : HOCINE (F), l’influence de
l’accueil de la sentence arbitrale par le juge algérien sur l’efficacité de l’arbitrage commercial
international, op.cit, p.184.
Mr VIDAL (D), (droit français de l’arbitrage commercial international, Gualino, Paris, 2004, p.261),
donne un autre exemple de la demande incidente de reconnaissance de la sentence arbitrale devant
n’importe quelle juridiction sans qu’il s’agisse de son exécution, la caution d’une partie qui peut avoir
intérêt à faire reconnaître la sentence qui réduit la dette principale, et à laquelle elle n’est pas partie,
pour invoquer son application au titre du caractère accessoire du cautionnement.
Voir, également, à ce sujet : ROBERT (J), l’arbitrage, droit interne, droit international privé, Dalloz,
Paris, 6ème éd, 1993, p.213 ; FOUCHARD (Ph), l’arbitrage international en France après le décret du 12
mai 1981, JDI, n°2, Paris, 1982, p.403.
241
Dans ce sens, la reconnaissance, selon REDFERN (A) et HUNTER (M), correspond à une
« procédure défensive » qu’on utilise lorsqu’un tribunal étatique est saisi d’une demande portant sur
un litige qui a déjà été soumis à l’arbitrage. La partie à qui la sentence a donné satisfaction, soulèvera
l’autorité de la chose jugée et, pour en faire la preuve, communiquera la sentence au tribunal en lui
demandant de reconnaître sa validité et son caractère obligatoire à l’égard des questions qu’elle a
tranché.
Voir : REDFERN (A) et HUNTER (M), Droit et pratique de l’arbitrage commercial international, op.cit,
p.364.
82
La finalité poursuivie par l’exécution n’est plus d’agir en bouclier mais de
« mettre l’épée dans les reins »242, c’est un acte offensif qui a pour but d’obliger la
partie récalcitrante à exécuter la sentence arbitrale qu’elle se refuse à exécuter
spontanément. De la sorte, les sentences arbitrales jouissent de l’autorité de la chose
jugée, mais elles ne sont pas exécutoires. Cela signifie que le créancier ne peut aller
trouver les forces de l’ordre, se prévalant de la sentence, pour demander l’exécution
forcée. Afin de se doter de la force exécutoire, la sentence doit, nécessairement,
recevoir le sceau du juge de l’exéquatur, juge national de l’Etat ou l’exécution est
demandée243.
L’exéquatur est, donc, « un bon à exécuter et non point un acte d’exécution »244.
C’est un ordre d’exécution donné par une autorité judiciaire à une sentence arbitrale
internationale rendue par une justice privée suite à une demande formulée par ce qui
s’en prévaut245.
242
Selon la formule employée par : Ibidem., p.365.
243
RAHAL (A), l’exécution des sentences arbitrales dans les pays du moyen-orient, thèse pour le
doctorat en droit, faculté de droit, université Paris I, 2002, p.115.
244
NGUEMGUM (F.L), op.cit, p.43.
245
MEZIOU (Kh), l’exécution des sentences arbitrales, RJ Com, n° 4, 2000, p.47.
246
Sur le plan théorique, bien que des hypothèses existent ou l’on peut invoquer la reconnaissance
sans forcément demander l’exéquatur de la sentence, on imagine difficilement, sur le plan pratique, un
plaideur introduisant une instance juste pour demander la reconnaissance d’une sentence arbitrale
internationale et non pas son exéquatur. Il va de soi que la demande d’exéquatur comprend
nécessairement celle de la reconnaissance.
83
En ce sens, la loi marocaine 08-05 sur l’arbitrage, à l’instar de certaines lois
nationales247 prévoit une procédure de reconnaissance et d’exécution, largement
favorable à l’efficacité des sentences arbitrales internationales. Toutefois, cette
procédure soulève certains problèmes tenant essentiellement à la mise en œuvre des
conditions requises pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales.
Chapitre 1 :
247
Notamment la loi française sur l’arbitrage issue du décret du 13 janvier 2011, la loi fédérale suisse
sur le droit international privé du 18 décembre 1987 et la loi égyptienne nº 27 du 21 avril 1994.
84
Les lois nationales sur l’arbitrage divergent248 quant à la détermination du juge
compétent en matière de contrôle des demandes de reconnaissance et d’exéquatur
des sentences arbitrales internationales (§1). Toutefois, il semble qu’elles se
rapprochent en ce qui concerne l’étendue de ce pouvoir de contrôle (§2).
248
Certaines législations ont prévu que les sentences arbitrales internationales soient exécutoires dès
qu’elles sont visées par un fonctionnaire administratif. Ceci est notamment le cas en droits suédois et
finlandais. D’autres sont allées loin de cela puisqu’elles permettent l’exécution des sentences arbitrales
internationales sans aucunes procédures ou contrôle comme c’est le cas du Norvège et de l’Autriche.
Voir à cet égard : رسالة لنيل دبلوم الدراسات، دور العمل القضائي في تحقيق فعالية حكم التحكيم دراسة مقارنة،يوسف الساقوط
، جامعة محمد الخامس السويسي ـ سال، كلية العلوم القانونية واالقتصادية واالجتماعية، العليا المعمقة في القانون الخاص
144 ص،2008.2007.
249
De son côté la loi type de la CNUDCI n’indique pas en détail les procédures à suivre en matière de
reconnaissance et d’exécution, le soin de les définir étant laissé à la législation et aux pratiques
nationales en matière de procédure.
Voir : note explicative du secrétariat de la CNUDCI relative à La Loi-type de la CNUDCI sur
l'arbitrage commercial international du 21 juin 1985 avec des amendements adoptés en 2006, précité,
p.39.
250
L’article III de la convention de New-York de 1958 dispose : « Chacun des Etats contractants
reconnaîtra l’autorité d’une sentence arbitrale et accordera l’exécution de cette sentence conformément
aux règles de procédure suivies dans le territoire ou la sentence est invoquée… »
85
compétente en la matière251, il nous est avéré plus pertinent d’aborder en premier
lieu la réglementation faite par la loi marocaine (I), avant de développer celles
adoptées par d’autres lois nationales comparées sur l’arbitrage (II).
86
attributions qui lui sont dévolues en matière commerciale, celles dévolues au
président du tribunal de première instance par le code de procédure civile ».
Dans le but que les sentences arbitrales internationales trouvent leur voie
d’exécution dans les plus brefs délais, les juridictions marocaines avaient traité les
sentences arbitrales internationales d’une certaine flexibilité. Ainsi, un certain
nombre de décisions judiciaires marocaines rendues en la matière, a énoncé que
l’ordonnance octroyant la reconnaissance et l’exéquatur relève de la compétence du
président du TPI à l’instar des sentences arbitrales internes, et non de celle des
juridictions de fond comme c’est le cas des jugements judiciaires 254.
C’est ainsi que le président du tribunal de commerce 255 de Rabat a rendu une
ordonnance d’exéquatur d’une sentence arbitrale internationale rendue par le
tribunal arbitral auprès de la CCI de paris le 19/12/2005. La cour de cassation a
confirmé la même décision quand elle a rendu le 10/01/2007 un arrêt prévoyant que
la compétence de reconnaissance et d’exéquatur d’une sentence arbitrale
internationale est attribuée au président du TPI256.
Il faut noter par ailleurs qu’en dépit que la question de connaître des
demandes de reconnaissance et d’exéquatur soit l’apanage du président de la
juridiction compétente, un vice-président ou un président d’une chambre peuvent,
eux aussi statuer sur des demandes pareilles 257. C’est ce qui a été confirmé par la
jurisprudence marocaine dans des situations analogues. En effet, le vice-président
254
Ainsi, il a été prévu dans un arrêt n° 1085, RG.com n° 335/83 rendu par la cour d’appel de
Casablanca le 21/06/1983 que : « l’exequatur d’une sentence est rendu par le président du TPI en tant
que tel conformément à l’article 322 du CPC et non en tant que jugement du tribunal de fond dans le
cadre des dispositions du premier paragraphe de l’article 430 du CPC ».
Voir à ce sujet : ندوة مشتركة بين المجلس، تنفيذـ القرارات التحكيمية الدولية وأحكام التحكيم الوطنية،إبراهيم باحماني
،7 العدد، سلسلة دفاتر المجلس األعلى، العمل القضائي والتحكيم التجاري: تحت عنوان، 2004 ، مارس5 ،األعلى ومحكمة النقض المصرية
116 ص،.2005.
255
T.C, Rabat, ordonnance n° 1320, rendue le 23/3/2006, RG n°1349/1/2006, in : ،س. م،سمير ابن األمين
114 ص.
256
Cass. Com, n° 15, RG.com n° 1015/3/2/03, rendu le 10/1/2007, in :
مساهمة في الذكرى الخمسينية لتأسيس المجلس األعلى، مواكبة الغرفة التجارية لميدان االستثمار،عبدالرحمان المصباحي،
، محكمة االستئناف التجارية بالدار البيضاء، قضايا االستثمارـ والتحكيم من خالل توجهات المجلس األعلى: الندوة الجهوية الرابعة تحت عنوان
206 ص،2007 أبريل19 و18.
87
du tribunal de commerce de Casablanca a rendu une ordonnance pour accorder la
reconnaissance et l’exécution d’une sentence arbitrale rendue par la chambre
arbitrale de Paris le 7/7/2006 entre deux sociétés à savoir ITRACO et HUBAU et
dont l’original est déposé auprès du tribunal de grande instance de Paris le
10/7/2006258.
L’une des nouveautés majeures apportées par la loi 08-05 réside dans la
réglementation de l’arbitrage international aux articles 327-39 à 327-54 du CPC ainsi
que les articles relatifs à l’arbitrage interne et qui lui sont applicables 260. Plus
particulièrement, figure l’alinéa 2 de l’article 327-46 du CPC disposant ce qui suit :
« Sous les mêmes conditions, elles sont déclarées reconnues et exécutoires au Maroc
par le président de la juridiction commerciale dans le ressort de laquelle elles ont été
rendues, ou par le président de la juridiction commerciale du lieu d'exécution si le
siège de l'arbitrage est situé à l'étranger ».
88
l'arbitrage se déroule au Maroc, saisir le président de la juridiction qui sera amené
par la suite à déclarer exécutoire la sentence arbitrale ; 2. Au cas où l'arbitrage se
déroule à l'étranger et si les parties ont prévu l'application de la loi de procédure
civile marocaine, saisir le président du tribunal de commerce de Rabat ».
89
En établissant une comparaison entre les deux articles, il est lieu de relever
que la mission de contrôler la sentence arbitrale internationale a été confiée au
président du tribunal de commerce à l’article 327-46 et au président du tribunal ou
président du tribunal de commerce en vertu de l’article 327-41, ce qui constituerait
une sorte d’ambivalence chez les parties à l’arbitrage quant au juge compétent à
ordonner l’exéquatur.
90
La compétence pour statuer sur la demande de l'exéquatur de la sentence
arbitrale rendue dans le cadre du présent article revient à la juridiction
administrative dans le ressort de laquelle la sentence sera exécutée ou au tribunal
administratif de Rabat, lorsque la sentence arbitrale concerne l'ensemble du
territoire national ».
265
C.A.Com, Casablanca, n° 2505, Ordonnance rendue le 27/10/2010, RG n° 1789/1/2010.
Voir : 192 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
266
Ibid.
91
Le tribunal a motivé sa décision en énonçant que : « attendu que, et
conformément à l’article 310 du CPC, la compétence de connaître de la demande
d’exéquatur d’une sentence arbitrale rendue dans le cadre des litiges relatifs aux
contrats conclus par l’Etat à la juridiction administrative dans le ressort de laquelle
la sentence sera exécutée ou au tribunal administratif de Rabat, lorsque la sentence
arbitrale concerne l'ensemble du territoire national »267.
267
T.C, Rabat, n° 670, Ordonnance rendue le 18/06/2012, RG n° : 414/3/2012, in : مجلة األبحاث والدراسات
249 ص،2013 ، ينايرـ ماي، العدد األول،القانونية.
268
L’article 327-43 du CPC stipule : « Lorsque l'arbitrage est soumis à la loi marocaine de procédure
civile, les dispositions des sous-sections II et III de la section I du présent chapitre ne s'appliquent qu'à
défaut de convention particulière et sous réserve des articles 327-41 et 327-42 ci-dessus ».
269
أكتوبر،20 العدد، تذييل أحكام التحكيم الوطنية واألجنبية بالصيغة التنفيذية في التشريع المغربي والمقارن،محمد فاضل الليلي
134 ص،2010.
92
En effet, L’article 1516 du NCPC tel qu’il a été amendé par le décret de
2011dispose : « La sentence arbitrale n'est susceptible d'exécution forcée qu'en vertu
d'une ordonnance d'exequatur émanant du tribunal de grande instance à juge
unique (…) ».
270
Cass. Civ, 1re, 29 juin 1994, bull. I, n° 224.
Voir : FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et BERTHOLD (G), op.cit, p.907.
271
BETTAIB (A), le contrôle post-arbitral de la sentence arbitrale étrangère, colloque de Tunis
vingtième anniversaire du code tunisien de l’arbitrage sous thème : le juge et l’arbitrage, Pedone, 2014,
p.304.
93
D’abord ceci a pour effet de faire éloigner le lieu d’exécution de l’autorité
compétente à connaître des demandes de reconnaissance et d’exécution. Ensuite, la
procédure devant la cour d’appel en tant que juridiction de fond est une procédure
contentieuse. Enfin le législateur français définit, en vertu de l’article 1504 du
NCPC, l’arbitrage international comme étant celui « qui met en cause des intérêts
du commerce international », il a fallu par voie de conséquence qu’il attribue la
compétence d’exéquatur des sentences arbitrales internationales aux présidents de
juridictions de commerce ou administratives du lieu d’exécution s’il s’agirait d’un
arbitrage se déroulant à l’étranger, ou celles de Paris afin d’éviter toute lenteur dans
la procédure d’exéquatur.
272
134 ص،س. م، تذييل أحكام التحكيم الوطنية واألجنبية بالصيغة التنفيذية في التشريع المغربي والمقارن، محمد فاضل الليلي.
273
Pour sa part, le droit algérien confère la compétence en matière de reconnaissance et d’exécution
des sentences arbitrales internationales au président du tribunal dans le ressort duquel elles ont été
rendues ou par le tribunal du lieu d’exécution si le siège du tribunal arbitral se trouve hors du
territoire national. C’est ce qui résulte de l’article 1051 de la loi 08-09 du 25 Février 2008, portant code
de procédure civile Algérien et publiée au journal officiel de la république algérienne n°21 du 23 avril
2008.
94
la législation marocaine en la matière est la plus progressiste dans la mesure où elle
a tout d’abord attribué la compétence matérielle pour connaître des demandes de
reconnaissance et d’exécution desdites sentences au président du tribunal de
commerce ; et ce pertinemment avec la définition donnée par l’article 327-39 du
CPC, à l’arbitrage international étant celui qui « met en cause des intérêts du
commerce international… ».
Enfin les règles de compétence prévues par la loi 08-05 ont constitué une
source d’inspiration au droit français qui ne réglementait pas à travers le décret de
1981 la compétence territoriale en matière d’exéquatur ; et c’est ce qu’on va aborder
dans le point suivant.
Certaines lois ont concentré cette compétence sur la capitale de l’Etat. Ceci est
notamment le cas de la loi tunisienne et de la loi égyptienne ouvrant néanmoins aux
parties la faculté de se mettre d’accord sur la désignation d’une autre cour d’appel
dans le pays, ainsi que la loi française en ce qui concerne les sentences arbitrales
rendues à l’étranger.
274
Article 327-46 du CPC.
95
algérien ainsi que le législateur français qui a prévu le premier critère pour les
sentences rendues en France.
275
ADAMS (Ch) et LIBORIO (V), l’exéquatur des sentences arbitrales aux Etats-Unis, JDI, 2004,
pp.1165-1177.
276
Voir à ce sujet : CASTEL (J.G), droit international privé Québequois, Toronto, Butterworths, 1980,
p.622, qui estime qu’ « un arbitrage étranger est celui qui est rattaché à un seul pays étranger par sa
procédure comme par son objet. Alors que la qualification d’un arbitrage international se trouve dans
la nature internationale du contrat auquel il se rattache ».
277
L’article 1 de la convention de New-York dispose que la convention : « … s'applique également aux
sentences arbitrales qui ne sont pas considérées comme sentences nationales dans l'Etat ou leur
reconnaissance et leur exécution sont demandées »
96
De même le droit français sur l’arbitrage prévoie ce critère aussi bien dans
l’ancien décret de 1981que dans celui du 2011en vertu de l’article 1516 qui dispose :
« La sentence arbitrale n'est susceptible d'exécution forcée qu'en vertu d'une
ordonnance d'exequatur émanant du tribunal de grande instance dans le ressort
duquel elle a été rendue… ».
Cela dit l’article 1477 du décret de 1981 s’est confiné à préciser que le juge
compétent est celui « dans le ressort duquel la sentence a été rendue ». Même, après
l’abrogation de ce décret et son remplacement par celui de 2011, Celui-ci dispose à
l’article 1516 que : « La sentence arbitrale n'est susceptible d'exécution forcée qu'en
vertu d'une ordonnance d'exequatur émanant du tribunal de grande instance dans le
ressort duquel elle a été rendue ou du tribunal de grande instance de Paris lorsqu'elle
a été rendue à l'étranger ».
278
Gaillard (E) et DE LAPASSE (P), le nouveau droit français de l’arbitrage interne et international,
Recueil Dalloz Etudes et commentaires/chronique, n°3, 20 janvier 2011, p.175
279
128 ص،س. م،سمير ابن األمين.
97
A l’opposant, le CPC marocain ainsi que le droit algérien issu de la loi 08-09 ont
prévu expressément aux articles respectivement 327-46 et 1051 que la reconnaissance
et l’exécution des sentences arbitrales internationales rendues à l’étranger sont
connues par le président du tribunal du lieu d’exécution pour le premier et le
tribunal du lieu d’exécution pour le second.
Faut-il ajouter à cet égard que ce critère a été consacré par La jurisprudence
marocaine par le biais de plusieurs arrêts de la cour de cassation et cours d’appels.
C’est ainsi que la cour de cassation a rendu le 19/11/2000 un arrêt 280, portant
sur un contrat de réalisation de travaux portières qui comporte une clause
compromissoire, et énonçant qu’ : « à l’issue d’un litige, a été rendu une sentence
arbitrale par le tribunal arbitral international auprès de la CCI de Paris, le président
du tribunal qui a été saisi du litige a refusé de la revêtir de la formule exécutoire du
fait que la compétence s’attribue au président de la juridiction dans le ressort de
laquelle la sentence a été rendue ; la cour d’appel l’a infirmé arrêtant en faveur de la
demande ; et lorsque la cour de cassation a été saisie du litige a refusé le pourvoi en
cassation exprimant que la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales
internationales sont soumises à la convention de New-York applicable au Maroc en
vertu du Dahir du 19/12/1960 ». Ledit arrêt a été motivé par le fait que : « la
compétence relative à l’octroie de la formule exécutoire aux sentences arbitrales
internationales est attribuée au président de la juridiction du lieu d’exécution ».
280
Cass.com, n° 60, rendu le 19/11/2000, RG n° 79/98.
Voir:. 205 ص،س. م،عبد الرحمان المصباحي
281
T.C, Casablanca, ordonnance n° 17587 /2006, rendue le 28/7/2006, RG n° 17842/4/26.
Voir : 127 ص،س. م،سمير ابن األمين.
98
Or la loi aussi bien égyptienne que tunisienne sur l’arbitrage ne prévoit
guerre ce critère, se contentant, pourtant, de fixer la capitale comme élément
déterminant de la compétence territoriale en matière d’exéquatur ou le cas échéant le
lieu convenu par les parties pour la loi égyptienne.
282
Critère adopté par les législateurs français, tunisien et égyptien.
283
135 ص،س. م، تذييل أحكام التحكيم الوطنية واألجنبية بالصيغة التنفيذية في التشريع المغربي والمقارن، محمد فاضل الليلي.
284
JOSEPH (J), L’arbitrage commercial international et les garanties procédurales, mémoire pour
l’obtention de master en droit, faculté des études supérieures, université de Montréal, 2009, p.144.
285
IDRISSI AMRAOUI (S.M), le rôle du juge dans l’exécution des sentences arbitrales, intervention au
séminaire organisé par le programme Euro Med Justice, sous thème : justice et affaires commerciales,
Athènes, du 12 au 15 Novembre 2007, disponible sur :
http://www.eipa.eu/modules/EuroMedJustice/Conferences/28_Athens_12_15Nov07/speeches/4%
20Speech%20AMRAOUI%20(II).pdf, consulté le 25/05/2015.
99
Cette harmonisation des lois nationales (A), puise son origine
principalement, dans les efforts déployés par les opérateurs du commerce
international en vue de favoriser l’accueil des sentences arbitrales internationales
par les juges étatiques chargés du contrôle. Ces efforts étant concrétisés par la
consécration du principe du contrôle formel des sentences arbitrales
internationales aussi bien par les conventions internationales, notamment celle de
New-York ainsi que par la loi type de la CNUDCI qui en reconnaîtra l'actualité
(B).
286
JOSEPH (J), op.cit, p.145.
287
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.977.
288
JAEGER (J.D), l’étendue du contrôle de l’arbitre en commerce international, op.cit, p.28.
100
éventuelle d'autant plus qu'il n'effectue qu'un contrôle sommaire de la sentence,
souvent qualifié de « prima facie»289.
Certes le contrôle exercé par le juge compétent pour connaître des demandes
de reconnaissance et d’exécution des sentences arbitrales internationales revêt une
importance particulière dans la mesure où il doit concilier les impératifs de
promotion de l’arbitrage avec la mission originelle des tribunaux, celle de faire
régner l’ordre public et faire respecter les droits des personnes292.
289
THIERRY (J), l'exécution des sentences arbitrales: éléments de droit comparé, Rev.arb, 1983, p.431.
290
NGUEMGUM (F.L), Les compétences du juge étatique dans l’arbitrage OHADA, op.cit, p.53.
291
C’est à juste titre que Mr René DAVID, (le droit du commerce international : Réflexions d'un
comparatiste sur le droit international privé, Economica , Paris, 1987 , p.504), estime que : « le contrôle
formel de la sentence arbitrale se justifie par le fait que la sentence constitue un contrat, et à ce titre on
ne demande pas au juge de l’exéquatur de juger le litige mais tout simplement de prescrire l’exécution
de la convention nouvelle que constitue dans les rapports entre les parties la décision des arbitres ».
Nous soutenons cette opinion dans la mesure ou la convention originaire et le litige originaire existant
entre les parties ont disparu, de la sorte, l’examen du juge se concentre sur la convention d’arbitrage,
la procédure de l’arbitrage conforme à la volonté des parties et la sentence afin de vérifier s’il existe un
vice affectant la validité de la sentence objet de l’exécution forcée et si cette dernière mérite la
qualification de sentence d’arbitrage international qui ne heurte pas l’ordre public sans aucun examen
du litige qui existait entre les parties, ce dernier étant déjà tranché définitivement par un tribunal
arbitral.
292
JAEGER (J.D), l’étendue du contrôle de l’arbitre en commerce international, op.cit, p.3.
101
Toutefois, suivant la méthode établie par la convention de New-York, les lois
nationales n’ont, quasi unanimement, prévu qu’un contrôle « prima facie » de la
sentence293.
293
193 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
294
Faut-il souligner à cet égard que la prohibition de révision au fond de la sentence a été
expressément prévue par l’ancien texte du CPC marocaine qui stipulait en vertu de son article 321,
alinéa 1 que : « le président du tribunal de première instance ou le premier président de la cour
d’appel saisi de la requête n’a en aucune manière, à examiner l’affaire au fond… »
295
T.C, Casablanca, Ordonnance n° 2505 rendue le 27/10/2010, RG n° 1789/1/2010, inédit.
296
Cette attitude a été adoptée auparavant par la cour de cassation marocaine qui a confirmé un arrêt
rendu par la cour d’appel de Casablanca s’étant omis de statuer sur la question de la prescription
inhérente au fond du litige et s’est contentée dans le cadre de son contrôle de s’assurer que la sentence
arbitrale dont la reconnaissance et l’exécution sont invoquées, ait satisfait les conditions exigées par la
convention Maroco-française applicable, étant donné que l’examen de la question de la prescription
requiert que le fond soit examiné. C’est ainsi que ledit arrêt a énoncé que : « et s’agissant de la
prescription, l’article 19 de la convention judiciaire Maroco-française prévoit que la mission de la
juridiction devant laquelle la demande d’exéquatur d’une sentence rendue par l’autre Etat est
invoquée, se limite à s’assurer que ladite sentence ait rempli les conditions exigées par l’article 16 et
suivant, sans qu’elle soit dotée d’aucune prérogative à examiner le fond du litige ; et comme la
prescription est liée au fond du litige et n’intègre pas dans le cadre des questions revêtant un
caractère d’ordre public, la juridiction était juste lorsqu’elle a évincé l’examen de la prescription et
s’est contentée de l’examen de vérifier que les conditions contenues sont remplies… ».
Arrêt n°162, rendu par la chambre administrative de la cour de cassation, le 3/8/ 1979, in :
102
De même, la cour de cassation marocaine a rejeté, dans un autre arrêt 297 relatif
à un litige de contrat d’entreprise comportant une clause compromissoire, un
pourvoi de cassation d’un arrêt de la cour d’appel confirmant l’ordonnance
d’exécution d’une sentence arbitrale en énonçant que : « le juge d’exécution ne peut
connaître du fond du litige ».
Ceci dit le contrôle devant être exercé par les juridictions étatiques sur les
sentences arbitrales internationales à l’occasion de leur exéquatur vise uniquement
qu’elles soient dépourvues des vices majeurs susceptibles de les entacher et ne
signifie pas que ces juridictions contrôlent la sentence arbitrale internationale quant
au fond ; mais il s’agit d’un contrôle purement formel299. Le juge étatique ne peut
donc examiner l’application de la loi par l’arbitre ni son interprétation ou de celle des
dispositions contractuelles, ni son évaluation des faits présentés par les parties ; et ce
en vue de maintenir l’autonomie de l’arbitrage et par conséquent la volonté des
parties300.
297
Cass.Civ, n° 1766, rendu le 7/7/2002, RG n° 177/8 ;
Voir : 132 ص،س. م،سمير ابن األمين.
298
Cass.Civ, n° 2660, rendu le 27/3/1996., in :
سلسلة دفاتر،" مداخلة شارك بها في ندوة "العمل القضائي والتحكيم التجاري، دور القضاء في األمر بتنفيذ أحكام التحكيم،خالد أحمد عبد الحميد
44 ص،2005 ،7 عدد،المجلس األعلى.
299
SQUALLI (A), l’exécution des sentences arbitrales au Maroc, op.cit, p.21 ; ZAHER (Kh), le nouveau
droit marocain de l’arbitrage interne et international, op.cit, pp.85- 86.
300
FOUCHARD (Ph), les usages l’arbitre et le juge, Litec, Paris, 1982, p.85.
103
limitation de l’étendue du contrôle prévue par le NCPC français tel qu’il a été
modifié par le décret de 2011 par le biais de l’article 1514, la cour de cassation
française a confirmé ce principe depuis très longtemps. Ainsi la dite cour avait rendu
un arrêt301 énonçant que : « après avoir observé que le rôle du juge ordonnant
l’exécution soit largement limité qu’il ne détienne qu’un pouvoir strictement limitée
et ne puisse examiner ainsi, si la sentence arbitrale est susceptible d’exécution ou non
comme il ne peut refuser d’ordonner l’exécution sauf si l’œuvre qui lui est évoquée
ne présente pas un caractère judiciaire et la sentence arbitrale comporte ce qui heurte
l’ordre public ».
Il en est ainsi des droits égyptiens et tunisiens sur l’arbitrage qui interdisent
toute révision au fond de la sentence arbitrale internationale, conformément
respectivement aux articles 58 de la loi de 1994 et 81 de la loi de 1993.
Soulignons par ailleurs que, vu le rôle très sensible du contrôle exercé sur les
sentences arbitrales, les juges étatiques d’exéquatur seront appelés à être plus
vigilants.
301
Cass. 1er civ., 14 décembre 1983, p 483. Voir : FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B),
op.cit p.911.
302
JAEGER (J.D), l’étendue du contrôle de l’arbitre en commerce international, op.cit, p.3.
303
DAVIS (K), When Ignorance of The Law is No Excuse, Judicial Review of Arbitration Awards, 1997,
p .52.
104
Pourtant, l'arbitrage privé est marqué par sa nature contractuelle et les parties
ont choisi le tribunal arbitral pour sa neutralité et probablement pour son expertise
dans le domaine en question. Si les tribunaux exercent un contrôle tellement fort que
la décision des arbitres est finalement remplacée par la décision des juges, il ne
vaudrait plus la peine d'aller en arbitrage car les parties se retrouvaient, ni plus ni
moins, dans la même situation que si elles avaient choisi directement une procédure
devant les juridictions étatiques.
105
La récente réforme du droit de l’arbitrage international en France a
apporté du nouveau en la question. Ainsi le décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011
portant réforme de l'arbitrage dispose en son article 1515 que : « L'existence d'une
sentence arbitrale est établie par la production de l'original accompagné de la
convention d'arbitrage ou des copies de ces documents réunissant les conditions
requises pour leur authenticité » ; avant d’ajouter dans l’alinéa 2 que : « Si ces
documents ne sont pas rédigés en langue française, la partie requérante en produit
une traduction. Elle peut être invitée à produire une traduction établie par un
traducteur inscrit sur une liste d'experts judiciaires ou par un traducteur habilité à
intervenir auprès des autorités judiciaires ou administratives d'un autre Etat membre
de l'Union européenne, d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen
ou de la Confédération suisse ».
Le même souci de flexibilité a conduit les auteurs de la convention à ne pas préciser l’autorité
compétente pour accomplir ces formalités. Il est généralement admis que les autorités judiciaires, les
notaires ou les agents diplomatiques ou consulaires de l’Etat d’origine de la sentence peuvent
procéder à l’authentification de l’original ou à la certification de la copie.
Par ailleurs, l’exigence de la production de la convention d’arbitrage soulève la question de savoir si
le contrôle de l’existence et de la validité de la convention d’arbitrage doit être opéré par le juge saisi
d’une demande de reconnaissance ou d’exéquatur autrement que suivant les formes et dans les limites
prévues par l’article V.
La réponse doit être négative selon (VAN DEN BERG (A.J), the New York Arbitration Convention of
1958-Towards a Uniforrn Judicial Interpretation. Kluwer Law International, Boston, 1994, p.255), dans
la mesure où l’intention des rédacteurs de la convention de New-York avait clairement été de limiter
les causes de refus de reconnaissance et d’exéquatur aux motifs énumérés limitativement à l’article V.
106
D’emblée, il faut souligner que le demandeur d’exéquatur ne se trouve
chargé d’aucune obligation de nature juridique, le droit marocain de l’arbitrage,
comme la convention de New-York, considèrent que la sentence fait foi par elle-
même, elle constitue un titre en elle-même. Pourtant, l’existence de la sentence
doit être établie par celui qui s’en prévaut via la production des documents exigés
(B), à travers une procédure non contentieuse (A).
Faut-il avancer de prime abord, que les actes du juge ne sont pas nécessairement
des jugements qui tranchent un litige entre deux ou plusieurs adversaires. Dans bien
des cas, le tribunal est appelé à intervenir en l’absence de tout litige pour contrôler,
autoriser ou homologuer certains actes. On dit alors que le juge intervient en matière
gracieuse, parce que sa fonction est exercée en marge de ses attributions
juridictionnelle gracieusement305.
305
SOLUS (H) et Roger (P), Droit judiciaire privé. Tome 3 : procédure de première instance, SIREY,
Paris, 1991, p.1030.
306
Ibidem., p.1036.
107
rendue hors la présence des parties et sans l'assistance du greffier, à charge de leur en
référer en cas de difficulté ».
La confusion est d’autant plus à craindre que, dans les deux cas, la demande
est formée par une requête307 et que pour cette raison, le demandeur est souvent
désigné dans les deux procédures sous le non de requérant.
La demande d’exéquatur doit, donc, être introduite par requête 310 et instruite
selon les règles admises en matière gracieuse311. La saisine du tribunal par voie
contentieuse est donc de nature à porter atteinte à la compétence exclusive de la cour
307
La requête peut être définie comme « étant une demande écrite adressée directement à un
magistrat, sans mise en cause d’un adversaire, dans les cas ou la situation est urgente et ou la nécessité
commande qu’il soit procédé non contradictoirement. De ce fait, l’exéquatur est accordé ou refusé sans
débat contradictoire entre les parties. Il serait même inapproprié que le juge appelle l’autre partie à
l’audience éventuelle d’autant plus qu’il n’effectue qu’un contrôle sommaire de la sentence». Voir :
HOCINE (F), l’influence de l’accueil de la sentence arbitrale par le juge algérien sur l’efficacité de
l’arbitrage commercial international, op.cit, p.190.
308
Voir à ce sujet :
13و12 ص،1997 ، القاهرة، النسر الذهبي للطباعة، الطبعة الثانية، سلطة القاضي المصري إزاء أحكام التحكيم، أحمد شرف الدين.
309
Ibid.
310
ZAHER (Kh), le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international, op.cit, p.85.
311
DAVID (R), le droit du commerce international : Réflexions d'un comparatiste sur le droit
international privé, op.cit, p.503 ; JEANTET (F.Ch), l’accueil des sentences étrangères ou
internationales dans l’ordre juridique français, Rev.arb, n° 4, 1981, p.510.
108
d’appel et serait constitutive d’un véritable excès de pouvoir ouvrant la voie à un
appel-nullité.
312
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, pp.935-937.
313
Notamment le CPC à l’article 327-47, le NCPC français tel qu’il été modifié par le décret de 2011 à
l’article 1515, la loi tunisienne sur l’arbitrage de 1993 à l’article 80 ainsi que la loi égyptienne de 1994
sur l’arbitrage à l’article 56 avec certaines nuances liées particulièrement à l’exigence, outre de
l’original de la sentence ou d’une copie certifiée, seulement d’une copie de la convention d’arbitrage
ainsi que d’ « une copie du procès-verbal attestant du dépôt de la sentence, en application de l’article
47 de cette loi».
314
En l’occurrence l’article IV de la convention de New-York. Toutefois l’article 35 de la loi type de la
CNUDCI de 1985 telle qu’elle a été amendée par la recommandation de 2006 n’exige que la
production de l’originale de la sentence arbitrale ou en fournir une copie.
Voir : CNUDCI, « État Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international (1985) avec les
amendements adoptés en 2006 », (2 octobre 2014), en ligne : CNUDCI (bases de données), disponible
sur : http://www.uncitral.orgiuncitraVfr/uncitraltexts/arbitration/1985Modelarbitrationstatus.html,
consulté le 10/4/2015.
109
par celui qui s’en prévaut, à la demande présentée auprès du juge étatique compétent
en vue d’obtenir la reconnaissance ou l’exéquatur.
C’est ce qui a été confirmé par une ordonnance rendue par le président du
tribunal de commerce de Casablanca, et qui a jugé que : « … et attendu qu’en vertu
de l’article IV de la convention de New-York suscité », celui qui demande la
reconnaissance ou l’exécution prévues à l’article précédent doit présenter avec la
demande :
315
T.C, Casablanca, Ordonnance n° 2505, rendue le 27/10/2010, RG n° 1789/1/2010, in :
.188 ص،س, م، دراسة في القانون المغربي والمقارن: رقابة القضاء على التحكيم،عبد الكبير العلوي الصوصي
110
cassation égyptienne a annulé le 18/12/1997, une sentence arbitrale non
accompagnée de la convention d’arbitrage316.
316
Ladite cour énonce : « la disposition au paragraphe 3, de l’article 43 de la loi n°27 de l’année 1994
relative à l’arbitrage dans les matières civiles et commerciales qu’il faut que la sentence arbitrale doive
contenir … et une copie de la convention d’arbitrage …, signifie que le but recherché par le législateur
en exigeant l’établissement de l’existence de ce document dans la sentence n’est autre que s’assurer
que la sentence ait été rendue dans les limites des pouvoirs des arbitres, puisés dans la convention
d’arbitrage, afin de préserver les intérêts des parties, il s’agit ainsi d’un document majeur obligatoire
requis pour la régularité de la sentence à défaut duquel, la finalité recherchée par le législateur de son
établissement ne serait pas réalisée ; ce qui conduit à la nullité, et ne changera en rien que la
convention d’arbitrage soit déposée par celui au profit duquel la sentence a été rendue avec cette
dernière au greffe du tribunal prévu à l’article 9 de la loi sur l’arbitrage susmentionnée… de sorte qu’il
ne serait pas admissible de combler l’insuffisance par n’importe quel autre moyen ».
Recours n° 4623, année judiciaire 66, audience du 18/12/1997, disponible sur le site internet du
ministère de la justice égyptienne : http://www.arablegalportal.org/egyptverdicts/, consulté le
19/4/2014.
Mettant en œuvre cette décision, la cour de cassation égyptienne a jugé dans l’un de ses arrêts que :
« l’article V/1(b) de la convention de New-York de l’année 1958, obligatoirement applicable, a exigé
pour le refus de la demande d’exéquatur d’une sentence arbitrale étrangère de fournir la preuve que
la partie contre laquelle la sentence est invoquée n'a pas été dûment informée de la désignation de
l'arbitre ou de la procédure d’arbitrage, ou qu'il lui a été impossible, pour une autre raison, de faire
valoir ses moyens, fait partie des règles de procédures, et selon l’article 22 du droit civil égyptien
toutes les questions relatives à la procédure doivent être régies par la loi de l’Etat sur lequel le procès
est intenté est les procédures sont suivies, et étant établi par la traduction officielle de la sentence
arbitrale rendue sur la ville de Stockholm ainsi que les documents qui lui sont accompagnés qu’il soit
confirmé au tribunal arbitral que les recourant ont été dûment informés de l’ouverture de la procédure
d’arbitrage des noms des arbitres en dépit de leur convocation de se présenter conformément à la loi
et qu’ils n’ont pas établi la preuve, légalement admissible, de l’irrégularité desdites informations selon
la loi de procédure Suédoise, obligatoirement applicable, et contrairement à ce qui a été établi sur la
sentence arbitrale et les pièces jointes la sentence objet de recours ayant abouti à la régularité de ces
informations serait abouti à un résultat régulier », recours n° 2660, année judiciaire 59, audience du
27/31996, disponible sur le site internet du ministère de la justice égyptienne :
111
jurisprudence pour désigner soit la «clause compromissoire» 319 (a), soit «le
compromis d’arbitrage» ou simplement le «compromis» (b).
a- Clause compromissoire
112
validité des clauses arbitrales par référence est subordonnée à la constatation du
consentement des parties.
113
faire face. A ce stade, les parties gardent l’espoir qu’il n’y aura pas de différend entre
elles et insèrent la clause compromissoire à titre de simple formalité 324.
b- Compromis
324
DAVID (R), le droit du commerce international : Réflexions d'un comparatiste sur le droit
international privé, op.cit, p.27.
325
Voir : COUCHEZ (G), LANGLADE (J.P), LEBEAU (D), Droit judiciaire privé, Dalloz, Paris, 1998,
p.411.
326
MALVILLE (M.H), Principe d’interprétation de bonne foi de la clause d’arbitrage par l’effet utile et
contre le rédacteur, Rev.arb, 2002, p.413 et s.
327
Synonyme de cumul ou de concomitance, caractère de ce qui est double, ce qui est constitué de
deux éléments distincts, dictionnaire en ligne, disponible sur http://www.le-
dictionnaire.com/definition.php, consulté le 06/04/2015.
114
II-Une sentence arbitrale internationale susceptible d’exéquatur
En vertu de l’article 327-40 du CPC 329, est international « l'arbitrage qui met en
cause des intérêts du commerce international, et dont l'une des parties au moins a
son domicile ou son siège à l'étranger ». tout en s’inspirant de l’article 1492 du code
français de procédure civile, se contentant de donner une définition générique sans
aller plus loin, le législateur marocain, lui, énumère les cas dans lesquels un arbitrage
doit être considéré comme international330.
328
Ou de la convention de Washington de 1965 créant le CIRDI dans son article 25, alinéa1 qui fait
référence à la notion de consentement à l’arbitrage donné à l’avance par l’Etat partie dans un traité ou
une loi relative aux investissements.
Voir : DAVID (R), le droit du commerce international : Réflexions d'un comparatiste sur le droit
international privé, op.cit, p.276.
329
Faut-il souligner à cet égard que le législateur marocain a employé l’expression « arbitrage
international » à l’article 327-40 du CPC afin de désigner la sentence arbitrale rendue à l’étranger ainsi
que les sentences arbitrales considérées comme étant international selon ledit article et ce
conformément à la convention de New-York de 1958. Toutefois cette dernière a employé le terme «
étranger », et dans ce cadre le professeur Darmich va dans le sens que le terme « internationale » est
plus large que « étrangère » ; avis qui nous parait amplement soutenable, dans la mesure ou
l’arbitrage international comprend l’arbitrage international proprement dit c'est-à-dire celui étant,
entièrement, indépendant de tout régime juridique national, ainsi que l’arbitrage qui dépend, par un
ou plusieurs de ses éléments , d’un ou plusieurs régimes juridiques, d’un Etat ou un certain nombre
d’Etats .
Voir à ce sujet :
تذييل األحكام األجنبية بالصيغة التنفيذية في المادة،؛ سمير ابن األمين55و54 ص،س. م، التحكيم الدولي في المواد التجارية،عبد هللا درميش
8 ص،س. م،التجارية.
330
ZAHER (Kh), le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international, op.cit, p.66.
115
En effet, ledit article entasse une définition économique et une définition
juridique qu’est la référence au domicile ou au siège à l’étranger. Il s’agit, en cette
dernière définition, des mêmes critères que ceux retenus par le premier article de la
loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international, lui-même, demeure
critiquable dans la mesure où il donne une liste de critères tout en laissant aux
parties toute liberté331.
331
دار السالم للطباعة للنشر، الطبعة األولى، الجزء الثاني، التحكيم الدولي على ضوء القانون المغربي الجديد والمقارن،عبد الرحيم زضاكي
20 ص،2010 ، الرباط،والتوزيع.
332
Ainsi, la loi type de la CNUDCI a établi une liste, à titre indicatif, des relations revêtant un caractère
commercial en disposant que : « Le terme "commercial" devrait être interprété au sens large, afin de
désigner les questions issues de toute relation de caractère commercial, contractuelle ou non
contractuelle. Les relations de nature commerciale comprennent, sans y être limitées, les transactions
suivantes : toute transaction commerciale portant sur la fourniture ou l'échange de marchandises ou
de services; accord de distribution; représentation commerciale; affacturage; crédit-bail; construction
d'usines; services consultatifs; ingénierie; licences investissements; financement; transactions
bancaires; assurance; accords d'exploitation ou concessions; coentreprises et autres formes de
coopération industrielle ou commerciale; transport de marchandises ou de passagers par voie
aérienne, maritime, ferroviaire ou routière. »
333
Il s’agit de Mr : ZAHER (Kh), le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international,
op.cit, p.66.
116
grands problèmes334. Or les deux autres cas prévus par le texte en question retiennent
certains critères insuffisants à caractériser l’internationalité du litige.
En effet, lorsque l’établissement des parties est situé sur le territoire du même
Etat, l’arbitrage n’en demeure pas moins international dans les trois cas suivant en
application de l’article 327-40/2 et 327-40/3 du CPC :
334
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.56.
335
ZAHER (Kh), le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international, op.cit, p.67.
336
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.56.
117
Il y a là une disposition expresse du législateur permettant à toute personne
désireuse d’échapper aux règles restrictives marocaines (lois de police entre autres)
de draper artificiellement de façon légale un arbitrage purement interne dans les
habits d’un arbitrage devenu international par la seule volonté des parties. Ainsi ces
dernières auraient toute latitude à mettre en échec aussi bien les dispositions
instaurant des règles de compétence exclusives au profit de certaines juridictions
marocaines que celles interdisant la soumission à l’arbitrage de certains litiges ou
exigeant des autorisations spéciales pour la conclusion des conventions d’arbitrage 337.
L’expression « sentence définitive » est utilisée par les auteurs dans des sens très
différents.
Tantôt elle est employée pour désigner une sentence qui statue sur l’ensemble
des points en litige et qui, en conséquence, emporte complet dessaisissement des
arbitres. Selon cette terminologie, les sentences « définitives » s’opposent aux
sentences « intérimaires », « interlocutoires » ou « partielle » dont aucune ne met fin à
la mission des arbitres. C’est en ce sens que les termes ont été utilisés au cours des
travaux préparatoires de la loi-type de la CNUDCI mais il y a lieu de noter que c’est
précisément cette terminologie qui a conduit à l’abandon de toute définition de la
notion de sentence.
337
ZAHER (Kh), Ibid.
118
Il en reste néanmoins une trace dans la loi-type elle-même qui dispose, en son
article 32, que la sentence définitive est celle qui clôt la procédure arbitrale 338. C’est
également en ce sens que l’article 21, alinéa 1er, du règlement d’arbitrage de la CCI
qui utilise ce terme en opposant les sentences « partielles » aux sentences
« définitives »339.
En ce sens, une sentence définitive n’est donc pas nécessairement une sentence
portant sur l’ensemble du différend. Une sentence sur le principe de responsabilité,
par exemple, constitue une sentence définitive, même si elle s’accompagne d’une
mesure d’instruction destinée à informer les arbitres sur le quantum du dommage.
Cette conception est reçue par le droit néerlandais de l’arbitrage qui dispose à
l’article 1049 du code de procédure civile que « le tribunal arbitral peut trancher le
différend par des sentences finales, complètes ou partielles ».
119
l’expression lorsqu’elles indiquent que la sentence à intervenir sera définitive (« final
and binding »). Aussi est-ce cette conception qui nous parait devoir être retenue. Une
sentence étant par ailleurs définie comme une décision mettant fin, en tout ou en
partie, au litige, il faut admettre que toute sentence est définitive quant à la partie du
différend qu’elle tranche343.
De prime abord, faut-il souligner qu’il est suggérer, pour éviter toute confusion,
d’opposer les sentences partielles aux sentences globales, et non aux sentences
définitives ; ce terme désignant l’effet de la sentence, fut elle partielle, sur la partie du
différend tranché par les arbitres344.
Par ailleurs, bien que la loi relative à l’arbitrage au Maroc ne contienne aucune
disposition précisant la possibilité pour les arbitres de rendre des sentences arbitrales
partielles, nombreuses sont les législations comparées disposant cette faculté.
Il en est de même du droit suisse qui dispose à l’article 188 de la loi de droit
international privé que « sauf convention contraire, le tribunal arbitral peut rendre
des sentences partielles ».
Il en ressort que les parties peuvent décider que les arbitres trancheront une
partie du litige (compétence, droit applicable, principe de responsabilité…) par une
sentence séparée, appelée sentence partielle. A défaut d’accord des parties à ce sujet,
c’est aux arbitres qu’il appartient d’en décider345.
Cela dit, la liberté des arbitres d’apprécier l’opportunité de se prononcer par voie
de sentences partielles ne peut être restreinte que par la volonté des parties ; la
jurisprudence française s’est prononcée sur un cas similaire. Ainsi, dans l’affaire
343
Voir à ce sujet : دار الفكر، الطعن بالبطالن على أحكام التحكيم الصادرة في المنازعات الخاصة الدولية،حفيظة السيد الحداد
27 ص،1997 مصر،اإلسكندرية،الجامعي.
344
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.755.
345
Voir à ce sujet : 105 ص،س, م،عبد الرحيم زضاكي
120
Eurodif, l’acte de mission, tel qu’interprété par la cour d’appel de Paris, stipulait que
les arbitres statuerait par des sentences distinctes sur la compétence et sur le fond. La
cour en déduit qu’il y avait lieu d’annuler, pour dépassement par les arbitres de leur
mission, au sens de l’article 1502, 3ème alinéa du N.C.P.C.F, la sentence avait
méconnu cette prescription346.
Cependant, la cour de cassation a cru devoir annuler cette décision au motif que
la cour d’appel ne pouvait parvenir à une telle conclusion qu’à condition que
l’obligation de statuer par des sentences distinctes résultat d’une « clause expresse et
précise de l’acte de mission »347.
121
Quant à la question de savoir s’il convient de statuer par une sentence partielle
sur la loi applicable, elle doit, également être résolue de manière casuistique. Ainsi le
fait de fixer la loi applicable par une sentence distincte évite aux parties d’avoir à
présenter leur argumentation dans tous les droits susceptibles de trouver à
s’appliquer, y compris les principes généraux de droit349.
Seront analysées au premier plan les sentences rendues par défaut (2-2), et au
second les sentences d’accord (2-1).
349
Il s’agit de toutes les règles qui ne sont pas tirées d’un seul ordre juridique étatique mais, qui sont
dégagées soit de la comparaison de droits nationaux soit de sources internationales, en vigueur ou
non, ou la jurisprudence des tribunaux internationaux.
Voir à ce sujet : GAILLARD (E), la distinction des principes généraux du droit et des usages du
commerce international, Etudes offertes à Pierre Bellet, Litec, 1991, p.204.
350
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.756.
351
35 ص،س. م، الطعن بالبطالن على أحكام التحكيم الصادرة في المنازعات الخاصة الدولية، حفيظة السيد الحداد.
122
délai qui lui est imparti, entraîne l'arrêt de la procédure d'arbitrage par décision du
tribunal arbitral.
Si le défendeur ne produit pas son mémoire en réponse dans le délai qui lui
est imparti, le tribunal arbitral poursuit la procédure d'arbitrage sans que cela soit
considéré comme reconnaissance par le défendeur du bien fondé de la requête
introduite par le demandeur… ».
Il en découle que le défaut d’une partie ne devait pas avoir pour effet de
paralyser la procédure d’arbitrage. Il suffit, pour que les exigences de légalité des
parties et du contradictoire soient respectées, que chaque partie ait été mise à même
de présenter son argumentation dans des conditions comparables 352. En d’autres
termes, une sentence rendue à l’issue d’une procédure par défaut ne présente aucune
spécificité par rapport à une sentence rendue dans une hypothèse ou toutes les
parties ont comparu.
352
Voir: CRAIG (W.L), PARK (W) et PAULSSON (J), International Chamber of Commerce Arbitration,
Oceana publications/ ICC Publishing, 3rd édition, 2000, p.325.
353
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.757.
123
également souhaiter que leur décision soit constatée par le tribunal arbitral sous
forme de sentence354.
Par ailleurs, deux questions se posent à cet égard. La première demeure celle
qui se rapporte au fondement juridique de cet accord en droit marocain ; or la
seconde est relative au fait de savoir si les sentences d’accord revêtant le caractère
d’une transaction bénéficieraient, comme les sentences arbitrales ordinaires, des
mécanismes de reconnaissance et d’exécution.
Cela dit, dans les Etats qui ont adopté la loi type, la question pourra donc être
réglée par la simple application des dispositions de droit commun de la
354
37 ص،س. م، الطعن بالبطالن على أحكام التحكيم الصادرة في المنازعات الخاصة الدولية، حفيظة السيد الحداد.
355
Et qui peut être applicable aussi en matière international du fait du renvoi opéré par l’article 327-43
du CPC
356
106 ص،س, م،عبد الرحيم زضاكي.
124
reconnaissance et de l’exécution des sentences. Il est toutefois permis de penser que
la portée du choix opéré par la loi type pourrait être plus large. L’adoption de la règle
de l’article30, alinéa 2, manifeste en effet l’existence d’un consensus en faveur de
cette solution, susceptible d’être invoquée à ce titre lors de l’interprétation 357 d’autres
instruments internationaux.
Ainsi Le décret de 2011, en vertu de l’article 1515 permet à une partie qui
sollicite la reconnaissance et l’exécution en France d’une sentence rédigée en langue
étrangère, de produire dans un premier temps une traduction libre devant le juge de
l’exequatur. Il a été en effet considéré que l’exigence d’une traduction établie par un
traducteur expert n’était pas nécessaire.
357
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.759.
358
Arrêt n° 3875/08 rendu le 26/08/2008, RG.com n° 1193/4/2007.
125
Casablanca le 26/08/2008359 qui énonce : « …si les documents suscités ne sont pas
rédigés dans une langue officielle du pays ou l’exécution est invoquée, la partie qui
demande la reconnaissance et l'exécution de la sentence aura à produire une
traduction de ces pièces dans cette langue. La traduction devra être certifiée par un
traducteur officiel ou un traducteur juré ou par un agent diplomatique ou consulaire.
Et attendu que l’appelante a joint sa demande de ce qui suit :
De son côté le président du tribunal du Caire a refusé de rendre une ordonnance 360pour
l’exécution d’une sentence arbitrale internationale faute de joindre la demande d’exéquatur
par une traduction de la sentence dans la langue arabe… »361.
126
Ainsi établie, une sentence arbitrale internationale devrait respecter une
condition prévue, certes, par les différents ordres juridiques, n’en ayant pas, cependant,
précisé les contours. Il s’agit en effet de la non contrariété à l’ordre public.
Chapitre 2 :
Le concept de l’ordre public semble avoir une existence vieille, dont l’origine se
perd dans les abysses temporels 362. En effet, l’ordre public avait rythmé les relations
juridiques dans les sociétés humaines, voire même les relations juridiques dans les
relations purement sociales.
S’il est acquis que la notion est relativement vieille, l’expression « ordre public »,
elle est d’apparition assez récente. A titre d’illustration, en droit marocain, la notion
362
CATALA (P), à propos de l’ordre public : le juge entre deux millénaires, mélanges offerts à Pierre
DRAI, Dalloz, Paris, 2000, pp. 511-522.
363
OUATTARA (A), de nouvelles tendances pour l’ordre public en droit international privé, Revue
Penant, n° 876, 2011, p.324.
127
d’ordre public a été introduite pour la première fois au DOC à travers l’article 62 qui
stipule : « la cause serait illicite si elle est contraire à l’ordre public »364.
En droit français, avant 1804, la formule était inconnue. Ainsi, pour envoyer au
dispositif juridique destiné à garantir la sauvegarde et la promotion de la structure
communautaire, on invoquait plus volontiers les expressions « droit public » ou
« lois publiques ».
364
18 ص،س. م،سمير ابن األمين.
365
DEUMIER (P) et REVET (T), dictionnaire juridique, éd quadriage/Lamy- PUF, 2003, pp.1119 -1122,
voir : ordre public ; Pierre Mayer, la sentence contraire à l'ordre public au fond, Rev.arb, 1994, p.634.
366
SERAGLINI (Ch), lois de police et justice arbitrale internationale, Dalloz, 2001, p.151.
128
Or, dans l’arbitrage international, le rôle majeur de l’ordre public ne porte pas
sur l’éviction d’une loi étrangère puisque l’arbitre international n’est rattaché à aucun
for et toutes les lois, à la différence de celle du juge, sont étrangères au regard de
l’arbitre international368.
De ce fait, si l’arbitre n’est pas considéré comme étant le gardien d’un ordre public
particulier, il subit nécessairement le harnachement des ordres publics des pays ou la
sentence est appelée à être exécutée369. Ceci dit la sentence rendue dans le cadre de l’arbitrage
international doit respecter l’ordre public étatique lorsque la sentence fait l’objet d’un
contrôle étatique notamment lors d’une demande d’exéquatur.
367
Racine (J.B), l'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, Paris, 1999, p.233 ; LE
CAM-MAYOU (C), l’exception d’ordre public international dans l’application de la loi étrangère et la
réception des jugements étrangers : Etude comparative en droit français et droit américain, mémoire
pour l’obtention de Master en droit européen comparé, Institut de droit comparé, Université
Panthéon-Assas Paris II, 2012-2013, p.8.
368
JOBARD-BACHELIER (M.N), ordre public international, Fasc. 534-2, J.cl, éditions techniques 1992,
p .10.
369
Racine (J.B), op.cit, p.233.
370
Article 327-46 de la loi 05-08
371
Voir les articles : 1415 du NCPC français, 1051 du C.P.C.A algérien, 81 du droit tunisien de
l’arbitrage de 1993.
129
Section 1 : Particularité de l’ordre public en matière d’exéquatur des sentences
arbitrales internationales
372
ARFAZADEH (H), op.cit, p.162.
373
BATTIFOL (H) et LAGARDE (P), traité de droit international privé, 8ème éd, LGDJ,Paris, 1993,
p.363 ; ARFAZADEH (H), op.cit, p.131
130
A- Distinction entre l’ordre public interne et international
Par ailleurs, selon la définition donnée par le doyen Cornu 376 « l’ordre public
interne renvoie, dans un pays donné, à un moment donné, à l’état social dans lequel
la paix, la tranquillité et la sécurité publiques ne sont pas troublées ». Mais ce serait,
374
188 ص،س. م،ممدوح عبد العزيز العنزي.
375
ARCHER (D), Impérativité et ordre public en droit communautaire et droit international privé des
contrats. (Étude de conflit de lois), thèse pour le doctorat d’Etat en droit, faculté de droit, université de
Cergy-pontoise, 2006, p.24.
376
CORNU (G), vocabulaire juridique, association Henri CAPITANT, 8ème éd, quadriage/PUF, 2007,
p.644, voir : ordre public.
131
plus concrètement, au sein d’un ordre juridique, le terme servant à caractériser
certaines normes juridiques qui s’imposent avec une force particulière 377.
En d’autres termes, une norme serait d’ordre public « toutes les fois qu’elle est
inspirée par une considération d’intérêt général qui se trouverait compromise si les
particuliers étaient libres d’empêcher l’application de la loi »378.
Expression singulière s’il en est, l’ordre public, par ses manifestations plurielles,
innerve cependant toutes les disciplines de droit380.
132
à chaque Etat signataire le soin de déterminer le contenu et les conditions
d'application de cette notion381.
Mais cette définition est loin de se suffire à elle-même, car elle appréhende
l’ordre public à partir de son objet et de sa fonctionnalité. De ce point de vue, l’ordre
public international se donne comme une vue véritable chimère. Une sorte de
nébuleuse aux contours mal définis et qui semble difficile à cerner 386. Aussi, pas plus
que l’ordre public en droit interne, n’apparait-il qu’un législateur ait tenté de définir
l’ordre public en droit international387.
381
SERAGLINI (Ch), op.cit, p.151.
382
NIBOYET (M.L) et DE LA PARADELLE (G), droit international privé, LGDJ, 2009, n° 307.
383
Le doyen BATTIFOL n’en semble pas surpris lorsqu’il affirme que « tous les essais de définition de
cette notion ont naturellement échoué ».
Voir : BATTIFOL (H), aspects philosophiques du droit international privé, Dalloz, réédition de 2002
présentée par Yves LEQUETTE, p.159.
384
BATTIFOL (H) et LAGARDE (P), traité de droit international privé, op.cit, p.363.
385
MAYER (P) et HEUZE (V), droit international privé, Montchrétien, 9ème éd, 2007, p.199 ; BUCHER
(A), la dimension sociale du droit international privé, cours général, Les livres de poche de l’académie
de droit international de La Haye, 2011, p.228.
386
42 ص،س. م،عبد الرحيم زضاكي.
387
OUATTARA (A), op.cit, p.329.
133
Quoiqu’il en soit, on ne peut pas nier le fait que les caractéristiques de l’ordre
public interne diffèrent catégoriquement de celles de l’ordre public international 388.
Ainsi, si l’on est en présence d’un différend relatif à la répartition des fruits
des intérêts, concernant une société de financement dont l’activité réside dans le fait
de prêter les tiers des sommes liquides. Si ce différend est soumis à l’arbitrage dont
l’aboutissement est une sentence arbitrale, certains Etats considéreraient l’objet du
contrat une opération commerciale ordinaire, et ladite sentence serait facilement
reconnue et exécutée389.
Il est à déduire que le commerce usuraire fait partie de l’ordre public interne et
non pas de l’ordre public international390.
Il en est ainsi des contrats de vente des boissons alcooliques qui est considérée
en France un contrat commercial ordinaire et toute sentence arbitrale lui est relatif,
serait revêtu de l’exéquatur sans aucune difficulté. Cependant, l’objet de ce contrat
est contraire à l’ordre public interne du royaume d'Arabie saoudite et toute sentence
arbitrale en résultant, serait voir refuser l’exéquatur dans cet Etat ; et si elle est
388
BATTIFOL (H) et LAGARDE (P), traité de droit international privé, op.cit, p.150.
389
191 ص،س. م،ممدوح عبد العزيز العنزي.
390
358 ص،1998 ، دار المعارف، الجزء الثاني، التحكيم الدولي،عبد الحميد األحدب.
134
rendue à l’intérieur du territoire saoudien, cette sentence serait susceptible
d’annulation pour motif de contrariété à l’ordre public interne saoudien 391.
Ce qui est exigé, donc, par l’ordre public interne de chaque Etat présente un
caractère relatif et diffère d’un pays à l’autre, or l’ordre public international est
commun entre tous les Etats du monde393.
391
Il en est de même du droit de la concurrence qui fait partie de l’ordre public aux états unis
d’Amérique. C’est la raison pour laquelle les juridictions américaines contrôlent les sentences
arbitrales en matière de concurrence afin de connaître si elles se conforment à l’ordre public interne
américain. Or la liberté de la concurrence ne fait pas partie de l’ordre public international.
Voir : 359 ص،س. م، التحكيم الدولي،عبد الحميد األحدب.
392
ARFAZADEH (H), op.cit, p.152.
393
Concernant l’idée de l’ordre public selon la doctrine du droit international privé, voir :
؛215 ص،1975 ، دار النهضة العربية، تنازع القوانين، الجزء الثاني، الوجيز في القانون الدولي الخاص،فؤاد عبد المنعم رياض وسامية راشد
.226 ص،2002 ، دار المعرفة الجامعية، دراسة مقارنة، الوجيز في تنازع القوانين،عكاشة محمد عبد العال
135
En ce sens, une partie des droits comparés ont adopté un principe moniste
en n’exigeant que la conformité de la reconnaissance ou l’exécution de la sentence
arbitrale internationale à l’ordre public international seulement ou l’ordre public
interne uniquement (I). En revanche, le droit marocain de l’arbitrage a fait
l’exception en adoptant un principe dualiste laissant toute la latitude au juge
d’exéquatur de choisir entre l’ordre public international ou interne (II).
394
Il faut souligner que la convention de Washington du 18 mars 1965 pour le règlement des
différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats, stipule
conformément aux articles 53 et 54 que l’exécution d’une sentence arbitrale rendue conformément à la
convention ne peut pas être empêchée par la réserve de l’ordre public.
395
Exception faite du droit égyptien. Ainsi l’article 58 de la loi de 1994 dispose que : « L’exécution de la
sentence arbitrale rendue conformément à cette loi ne peut être ordonnée qu’après vérification des
points suivants:… b) qu’elle ne comporte pas une violation à l’ordre public égyptien… ». De son côté,
la cour de cassation égyptienne a défini les règles juridiques considérées d’ordre public comme étant
« des règles, par le biais desquelles, se réalise un intérêt général, politique, social ou économique, lié à
l’organisation suprême de la société et prime sur les intérêts des individus qui doivent respecter cet
intérêt général et ne peuvent l’écarter par des conventions entre eux-mêmes si elles leur apportent des
intérêts privés, du fait que ces derniers ne peuvent équivaloir l’intérêt général ». Cassation 23/1980,
année 31, n°1, p.1193, in :
مداخلة شارك بها في أعمال الندوة المشتركة بين المجلس،" "مفهوم النظام العام وأثره في تنفيذـ أحكام التحكيم األجنبية،محمد رفعت عبد المجيد
سلسلة دفاتر المجلس،2004 مارس5 : نظمتـ بتاريخ،" "العمل القضائي والتحكيم التجاري: في موضوع،األعلى ومحكمة النقض المصرية
.19 ص،2005 سنة،7 عدد،األعلى
« C’est pour cela, une sentence arbitrale ne peut contrevenir à ces règles ». cassation n° 385 de l’année
judiciaire 44, in : مساهمة في الندوة المشتركة بين المجلس األعلى، دور القضاء في األمر بتنفيذ أحكام التحكيم،خالد أحمد عبد الحميد
ص،2005 ،7 العدد، سلسلة دفاتر المجلس األعلى، العمل القضائي والتحكيم التجاري: تحت عنوان، 2004 مارس5 ،ومحكمة النقض المصرية
63.
136
qui s'en prévaut et si cette reconnaissance ou cette exécution n'est pas manifestement
contraire à l'ordre public international ».
Il en est ainsi de l’article 1051 du CPCA algérien qui dispose : « les sentences
d’arbitrage international sont reconnues en Algérie si leur existence est établie par
celui qui s’en prévaut et si cette existence et si cette reconnaissance n’est pas contraire
à l’ordre public international ».
Nul ne peut contester le fait que le domaine de l’ordre public international est
beaucoup plus restreint que celui de l’ordre public interne 396 ; ce dernier qui constitue
une entrave devant l’accueil des sentences arbitrales internationales et partant à
l’égard des intérêts du commerce international dont le Maroc est étroitement lié.
Cette entrave se manifeste, notamment dans l’aspect « mercure » de l’ordre public
interne ; celui-ci change d’un Etat à l’autre et peut englober toutes les normes
impératives de chaque Etat.
396
ARFAZADEH (H), op.cit, p.150; 190 ص،س. م،ممدوح عبد العزيز العنزي.
137
sentence arbitrale internationale susceptible de contrevenir à l’ordre public. Il est
tenu également, le cas échéant, de mentionner dans son ordonnance de refus de la
formule exécutoire, l’aspect de violation de l’ordre public sous peine que son
ordonnance ne soit pas motivée397.
397
Cependant le fait que l’ordonnance de refus de reconnaissance ou d’exéquatur ne comporte pas la
motivation de la contrariété de la sentence arbitrale internationale à l’ordre public, n’a aucun effet sur
cette décision. Voir :
،4 العدد، المجلة المغربية للوساطة والتحكيم، الرقابة القضائية على األحكام التحكيمية األجنبية والدولية في الدول العربية،عبد هللا درميش
11 ص،2009.
Ainsi on retrouve certaines ordonnances judiciaires ne contenant pas de motivation. Parmi lesquelles
on peut citer l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Rabat qui s’est
contenté de contrôler si la demande est accompagnée des documents exigés sans mentionner le
contrôle de l’ordre public et qui énonce : « et attendu que la demande vise la reconnaissance et
l’exécution de la sentence arbitrale internationale dont les références sont indiquées ci-dessus ; et
attendu que la sentence suscitée est invoquée au Maroc et que selon l’article III, de la convention
relative à la reconnaissance des sentences arbitrales étrangères et leur exécution rendue en juin 1958
par l’organisation des nations unies ratifiée par le Maroc en vertu du Dahir du 09/02/1960, a prévu
que l’exécution de la sentence arbitrale étrangère se fait à travers les règles procédurales suivies dans
le territoire ou elle est invoquée ; et attendu que la sentence arbitrale objet de la demande s’est
appuyée sur les articles 32 et 33 des deux contrats conclus entre les parties respectivement le
31/01/2000 et 02/10/2000.
Et attendu que l’article IV de la convention de New-York susmentionnée exige la production de la
demande à l’Etat ou la reconnaissance et l’exécution est invoquée accompagnée de l’original de la
sentence arbitrale ou d’une copie de la sentence réunissant les conditions de son authenticité ainsi que
la convention comportant la clause compromissoire et une traduction des documents suscités à la
langue de l’Etat d’exécution une traduction officielle.
Et attendu que la demanderesse a fourni les documents exigés par l’article suscité, ce qui fait que sa
demande soit prouvée et acceptée.
Pour ces motifs : nous ordonnons la reconnaissance et l’exécution de la sentence arbitrale rendue par
le tribunal arbitral international près de la chambre de commerce internationale de Paris le
19/12/2005». T.C, Rabat, Ordonnance n° 1320 rendue le 23/03/2006, RG n° 1349/1/2006, in :
211 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
138
témoigne d’autant du libéralisme à l’égard de l’efficacité des sentences arbitrales
internationales.
398
211 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
399
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.969 ; RACINE (J.B), l’arbitrage
commercial international et l’ordre public, LGDJ, Paris, 1999, p.487.
400
Un tel cas extrême a été constaté dans une espèce allemande : entreprise P contre entreprise F,
concernant une violation du principe des droits de défense. Ainsi l’arbitre avait communiqué à
l’entreprise F une lettre qu’il n’avait pas communiqué à l’entreprise P. En plus, il n’avait pas pris en
considération une lettre d’un ministère allemand, soumise à lui par l’entreprise P qui contredisait la
lettre de l’entreprise F, mais il a rendu une sentence en faveur de l’entreprise F. la cour d’appel a jugé
ce comportement comme un cas extrême d’une violation du principe de bonne administration de la
procédure, parce que la partie était empêchée de présenter son cas en ayant toute l’information
nécessaire. Elle a donc refusé l’exécution de la sentence.
Rapporté dans Yearbook, vol II, 1977, (fédéral republic of Germany n°11).
139
une sentence contraire à l’ordre public international est corrélativement contraire à
l’ordre public interne401.
Voir: JAEGER (J.D), l’étendue du contrôle de l’arbitre en commerce international, mémoire pour
l’obtention de master en droit, faculté de droit, université Laval, 1998, p.71.
401
ARFAZADEH (H), op.cit, p.162.
402
Une sentence arbitrale internationale ne serait pas contraire à l’ordre public si elle comporte des
intérêts excédant le taux d’intérêt dans l’Etat ou ladite sentence est invoquée. C’est ainsi qu’un arrêt de
la cour d’appel de commerce de Casablanca a jugé que : « le dépassement du taux d’intérêt en vertu
de la sentence arbitrale, opéré par la volonté des parties qui se sont mises d’accord de faire application
du droit anglais, ne comporte en rien qui heurte l’ordre public ». Arrêt n° 5369/2006, rendu le
21/11/2006, inédit.
403
L’article 310 de la loi 05/08 dispose : « Les litiges relatifs aux actes unilatéraux de l'Etat, des
collectivités locales ou autres organismes dotés de prérogatives de puissance publique ne peuvent
faire l'objet d'arbitrage. Toutefois, les contestations pécuniaires qui en résultent peuvent faire l'objet
d'un compromis d'arbitrage à l'exception de celles concernant l'application d'une loi fiscale.
Nonobstant les dispositions du 2ème alinéa de l'article 317 ci-dessous, les litiges relatifs aux contrats
conclus par l'Etat ou les collectivités locales peuvent faire l'objet d'une convention d'arbitrage dans le
respect des dispositions relatives au contrôle ou à la tutelle prévus par la législation ou la
réglementation en vigueur sur les actes concernés. La compétence pour statuer sur la demande de
l'exequatur de la sentence arbitrale rendue dans le cadre du présent article revient à la juridiction
140
judiciaire du royaume dans cet arbitrage, étant considéré comme l’institution investie
de défendre les finances publiques.
La distinction entre l’ordre public interne et l’ordre public international est une
amélioration importante pour répondre aux besoins de prévisibilité et de régularité
de l’arbitrage commercial international405.
141
§2-La prise en considération de l’ordre public transnational
Une sentence peut être considérée comme étant efficace lorsqu’elle est exécutée
volontairement ou lorsqu’elle est susceptible de l’être par la force. En effet « une
sentence qui n’est susceptible d’’être reconnue et exécutée dans aucun pays ne
représente guère plus qu’un chiffon de papier409 ».
409
MAYER (P), l’autonomie de l’arbitre dans l’appréciation de sa propre compétence, R.C.A.D.I, t :
217, 1989, p.366.
410
RACINE (J.B), L'arbitrage commercial international et l'ordre public, op.cit, p.571.
411
CHEDLY (L), arbitrage commercial international et ordre public transnational, op.cit, p.570.
142
Certains caractères spécifiques à l’ordre public transnational sont de nature à
expliquer que le recours à cet ordre public paraît, dans la majorité des cas, plus
approprié que le recours à un ordre public étatique412.
Cela conduit l’arbitre à respecter la majorité des ordres publics étatiques en même
temps qu’il met en œuvre l’ordre public transnational. Ce respect rejaillit sur
l’efficacité de la sentence au moment où le juge étatique la contrôle414.
Même dans le cas ou le juge étatique ne contrôlerait que l’ordre public au sens
du droit international privé du for, la mise en œuvre par l’arbitre de l’ordre public
transnational suffit dans la majorité des cas, de rendre la sentence conforme à l’ordre
public du juge du contrôle415.
412
Aussi bien un auteur écrit-il dans sa thèse que « l’ordre public transnational est la traduction
juridique de préoccupations éthiques ».
Voir : RACINE (J.B), l'arbitrage commercial international et l'ordre public, op.cit, p. 570 s.
413
GAILLARD (E), Trente ans de lex mercatoria : pour une application sélective de la méthode des
principes généraux du droit, JDI, N°1, 1995, p.8.
414
ARFAZADEH (H), op.cit, p.168.
415
CHEDLY (L), arbitrage commercial international et ordre public transnational, op.cit, p.572.
143
transnational comme un ordre public commun aux divers ordres juridiques paraît
utile pour l’efficacité des sentences devant les ordres étatiques 416.
Ainsi, certains principes inhérents à toute justice ont été identifiés par les
arbitres comme d’ordre public transnational. Il s’agit essentiellement de certains
principes procéduraux419 tels que les principes d’indépendance, d’impartialité, du
contradictoire, d’égalité des parties, de la preuve et d’estoppel.
416
ARCANGELI (V), op.cit, p.131.
417
GOLDMAN (B), la lex mercatoria dans les contrats et l’arbitrage internationaux : réalités et
perspectives, JDI, 1979, p 478.
418
MAYER (P), la sentence contraire à l'ordre public au fond, Rev.arb. 1994, p. 645.
419
301 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
144
Ces mêmes principes se trouvent intacts dans le contrôle étatique de l’ordre
public, de sorte que l’arbitre qui les respecte permet de sauver, lors du contrôle, sa
sentence du refus de reconnaissance ou d’exécution pour ces motifs.
On peut illustrer cela par l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris, qui énonce
que : « l’efficacité de la procédure d’arbitrage et la coopération entre les parties d’un
côté, et le tribunal arbitral de l’autre, qui soutient cette procédure, oblige chacune des
parties de déclarer immédiatement toute violation et ce dès qu’elle en prenne
connaissance. La partie ayant participé à la procédure qui a mené à la sentence
420
C.A. com, Casablanca, n° 3875/2008, 26/08/2008, RG n° 1193/1/2007, inédit.
421
C.A, Tunis, n° 31 et 32, 12 /01/ 1999, in : CHEDLY (L), arbitrage commercial international et ordre
public transnational, op.cit, p.575.
422
Cass.Civ, 1ère, 24/03/1998, Rev.arb, 1999, n°2 , p.255.
423
C.A.Com, Casablanca, n° 2206/2002, rendu le 26/07/2002, RG n° 1824/2002/4, inédit ; C.A, Tunis,
n° 39, 15/06/1999, in :
171 ص،2001 عدد أبريل، تونس،مجلة القضاء والتشريع.
424
Il s’agit d’une règle matérielle, tendant la limitation du risque dilatoire, qui est en passe d'être
universellement reconnue et consacrée. Pour la Loi-type de la CNUDCI (article 4), c'est la renonciation
au droit de faire objection : « la partie qui a connaissance des irrégularités de la procédure arbitrale et
ne réagit pas immédiatement à celles-ci est présumé renoncer à s'en prévaloir ultérieurement pour
contester la sentence qui lui déplaît. Manifestation du principe de l'estoppel ou exigence du respect
d'un comportement de bonne foi dans la procédure arbitrale, cette règle est aujourd'hui consacrée
dans de nombreux systèmes juridiques et dans tous les règlements d'arbitrage modernes ».
Voir à ce sujet : Observations relatives à la liste CNUDCI des questions sur l’organisation de la
procédure arbitrale, Rev.arb, 1998, p.661.
145
arbitrale, sans qu’elle s’oppose à la constitution du tribunal arbitral, ne serait plus en
mesure, conformément au principe d’estoppel, de demander au juge d’exécution de
refuser la sentence arbitrale pour motif d’une irrégularité affectant la constitution du
tribunal arbitral ; cette déclaration serait rejetée car cette partie a accepté
implicitement, mais obligatoirement, à la constitution du tribunal arbitral »425.
A côté des principes procéduraux que l’arbitre a identifié comme des principes
d’ordre public transnational et que les juges considèrent comme faisant partie de
l’ordre public servant à leur contrôle, il convient de vérifier si le même parallélisme
existe pour les autres domaines de l’ordre public transnational, parallélisme propice
à l’efficacité des sentences arbitrales qui le mettent en œuvre.
425
C.A, Paris, 10/04/2008, Rev.arb, n°1, 2009, p.642 ; voir également : C.A, Paris, 31/01/2008, Rev.arb,
n°1, 2009, p.618 ; on peut également illustrer le principe d’estoppel par l’arrêt de la cour d’appel de
Tunis du 12 juin 1999 dans lequel on trouve l’affirmation suivante : « attendu que le principe en
matière d’arbitrage commercial international, consiste à refuser à une partie de pouvoir se contredire
au détriment d’autrui, en l’induisant en erreur… Par conséquent, une personne ne peut, convaincre
l’autre partie de participer à l’arbitrage et d’invoquer après la nullité de la convention d’arbitrage. Un
tel comportement est contraire au principe de bonne foi qui est à la base des relations commerciales
internationales ».
Voir à ce sujet : CHEDLY (L), arbitrage commercial international et ordre public transnational, op.cit,
p.576.
146
Il en est également des principes de bonne foi426, d’interdiction de la corruption,
de certains droits de l’homme et de Pacta Sunt Servanda…
426
Parmi les applications du principe de bonne foi, mises en œuvre par les arbitres, il est lieu de citer
une sentence relative à la détermination de la responsabilité du fréteur dans la mise à disposition du
navire, rendue par la chambre arbitrale maritime de Paris. En l’espèce, les arbitres ont décidé que :
« l’exigence de bonne foi dans l’exécution des contrats interdit de penser que de telles marges ( une
marge sur la vitesse du navire et une marge sur la consommation) de tolérance puissent servir à
d’autres fins et en particulier, au maquillage flatteur des performances du navire. Une tolérance n’est
pas un droit ».
Sentence rendue par la chambre arbitrale maritime de Paris, n° 684 le 1er mars 1988, D.M.F 1988, p.245,
in : MARGHICH (A), droit et pratique de l’affrètement à temps au Maroc, thèse pour le doctorat
d’Etat en droit privé, faculté des sciences juridiques économiques et sociales, université sidi Mohamed
Ben Abdellah de Fès, 2001/2002, p.162.
C’est ce qui a été prévu par le tribunal fédéral suisse dans un arrêt rendu le 07/10/2008, in : la revue
d’arbitrage, n°4, 2009, pp.805-806. Ledit arrêt énonce : « attendu qu’il faut distinguer entre l’ordre
public procédural et l’ordre public général matériel. L’ordre public procédural assure aux parties le
droit à une (sentence) indépendante, un procès adéquat avec le droit processuel applicable, et attendu
qu’il y aurait lieu d’une violation de l’ordre public procédural lors d’une violation des principes
fondamentaux généraux et reconnus. Or (la sentence) contraire à l’ordre public matériel serait celle qui
contredit les principes fondamentaux de la loi applicable sur la base du litige de sorte qu’il serait
impossible de respecter son régime juridique et ses valeurs le déterminant, et parmi les exemples de
ces principes, celui de bonne foi, d’exercice non abusif de droit, d’interdiction de discrimination… ».
Faut-il souligner à cet égard que le principe « pacta sunt servanda» ne se réduit pas à la règle de
l’intangibilité du contrat à laquelle il est généralement ramené – le principe de la force obligatoire du
contrat exprimé à l’article 230 du D.O.C, il est au contraire un véritable principe de droit, produisant
des effets spécifiques en droit du commerce international. Il invite plus largement à respecter la
volonté commune et réelle des parties, prioritairement appréciée en vertu des usages du commerce et
règles matérielles transnationales. « Pacta sunt servanda est donc plus qu’une règle, c’est un principe
de droit transnational, qui tend à confirmer – si besoin était – la nature d’ordre juridique transnational
de la Lex mercatoria. L’un et l’autre se renforcent mutuellement ».
Voir à cet égard : BRAMBAN (B), le principe pacta sunt servanda en droit du commerce international :
Etude critique d’un principe de droit transnational, thèse pour le doctorat en droit, faculté de Droit et
147
Concernant d’abord le principe selon lequel un Etat ne peut opposer à
l’arbitrabilité d’un litige auquel il a consenti sa propre législation, il y a lieu de citer
un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris427 qui déclare que : « quelqu’en soit le
fondement, la prohibition pour un Etat de compromettre est limitée aux contrats
d’ordre interne et n’est pas d’ordre public international, lequel interdirait au
contraire à un opérateur public de se prévaloir des dispositions restrictives de son
droit national ou de la loi du contrat pour se soustraire à posteriori à l’arbitrage
convenu ».
Le même principe a été affirmé par le juge égyptien. Ainsi, dans un arrêt du
19 mars 1997, la cour d’appel du Caire déclare que: « l’arbitrage peut s’appliquer aux
contrats administratifs…le demandeur ayant attendu que le tribunal arbitral ait
rendu sa sentence, qui lui était, défavorable, pour invoquer la nullité de la
convention d’arbitrage au motif que le litige concernait un contrat administratif, a
adopté une attitude qui n’est pas conforme au principe général de l’exécution de
bonne foi des obligations »428.
p.577.
427
428
429
C.A, Paris, 12/01/1993, Rev.arb, 1994, p.685, note Bureau.
430
C.A, paris, 30/09/1993, Rev.arb, 1994, p.359, note Bureau. La solution est maintenue par : Cass.civ,
1ère, 19/12/1995, Rev.arb, 1996, p.49, note Bureau.
148
Il est lieu par ailleurs d’avancer que le parallélisme entre les contenus de
l’ordre public de l’arbitre (l’ordre public transnational) et celui des juges du contrôle
(l’ordre public du for) apparaît clairement dans l’arrêt431 du tribunal fédéral suisse
rendu le 19 avril 1994, dans le cadre de l’affaire Westland Helecopters opposant la
société Westland Helecopters Limited à l’Arab Organization for industrialization
(AOI) et ses quatres membres432.
Cette convergence explique qu’il est très utile pour l’efficacité d’une sentence
internationale, devant un juge qui contrôle le respect des principes fondamentaux de
sa loi du for, que l’arbitre ait préalablement mis en œuvre l’ordre public
transnational435.
431
Arrêt Wesland Helicopters, T.Fed, 1ère cour civil, 19/04/1994, RSDIE, p.564 s.
432
Sentence CCI, affaire Westland Helicopters United c. Arab Organization for Industrialization,
United Araba Emirates, Kingdom of Saudi Arabia, State of Qatar, Arab Republic of Egypt, Arab
British Helipcopters Company (Egypte), 25 mars 1984, affaire n°3879, J.D.I. Tome 112/1985/1.
Voir: ZHEKEYEVA (A), La souveraineté et la réalisation de la responsabilité internationale des Etats
en droit international public, thèse pour le doctorat d’Etat en droit, faculté de droit, université Paris
12, 2009, p.341.
433
Bull ASA, 1994, p.404 s.
434
CHEDLY (L), Arbitrage commercial international et ordre public transnational, op.cit, p.577.
435
JAEGER (J.D), l’étendue du contrôle de l’arbitre en commerce international, op.cit, p.73.
149
En effet, à l'évidence, toutes ces règles renforcent l'efficacité des sentences
arbitrales, puisqu'elles restreignent la prise en considération des particularismes
procéduraux nationaux et l'étendue des critiques recevables lors d'une procédure
judiciaire d'exécution de celles-ci436.
b - Lors du contrôle des lois de police par le juge : utilité relative.
La question qui se pose à cet égard demeure celle de savoir si le fait qu’un
arbitre mette en œuvre l’ordre public transnational dans sa sentence permet de
faciliter l’exéquatur de celle-ci devant un juge qui contrôle l’inexistence d’une atteinte
matérielle à l’ordre public.
Cette idée peut être expliquée par le fait que l’efficacité des sentences
conséquente à une mise en œuvre de l’ordre public transnational se justifie par le
large recoupement qui existe entre les contenus de l’ordre public transnational et des
ordres publics étatiques contrôlés.
Cependant, les philosophies, et par là, les contenus qui sous tendent la méthode
des lois de police et de l’ordre public transnational diffèrent 438.
436
FOUCHARD (Ph), observations relatives à la liste CNUDCI des questions sur l’organisation de la
procédure arbitrale, op.cit, p.661.
437
MAYER (P), La sentence contraire à l’ordre public au fond, Rev.arb, 1994, p.643.
438
CHEDLY (L), arbitrage commercial international et ordre public transnational, op.cit, p.580.
150
En effet, si la méthode de l’ordre public transnational consiste à ériger en
règles impératives certaines valeurs partagées par la communauté internationale :
des valeurs qui tendent à l’universel, l’essence des lois de police, au contraire, est de
défendre des intérêts spécifiques à un Etat (politique, économique ou sociaux) : les
lois de police consacreraient ainsi des choix particularistes 439.
Parmi les lois de police particularistes, celles ayant pour objectif la réalisation
du développement des Etats du tiers monde constituent un exemple significatif ; c’est
ce qui explique que l’ordre public transnational n’a pas intégré la notion.
Ceci dit, si le contenu des lois de police ne consacrait que ce qui est
particulariste, on pourrait considérer que la caractéristique de l’ordre public
transnational comme un ordre public commun deviendrait indifférente pour
l’efficacité des sentences arbitrales devant un juge étatique qui contrôle le respect de
ces lois440.
439
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.861 s.
440
CHEDLY (L), Ibidem, op.cit, p.581.
441
L'Institut de droit international a été fondé en 1873 à Gand en Belgique sous l'initiative de Gustave
Rolin Jaequemyns. L'Institut avait pour mission de soutenir les efforts visant à éliminer des sociétés les
sources de conflit et à codifier le droit international. Il a comme slogan « Justice et Paix ». L'institut a
reçu le prix Nobel de la paix en 1904.
151
elles poursuivent des fins généralement acceptées par la communauté
internationale ».
C’est, précisément, sous ce dernier aspect, que la doctrine constate que : « la
théorie des lois de police se rapproche singulièrement de celle qui fonde le recours à
l’ordre public réellement international »442.
Parmi les lois de police qui ont pour objectifs de réaliser des choix qui tendent à
l’universel, il y a lieu de citer les lois interdisant la corruption dans le commerce
international443.
152
transnational demeure conforme à la source transnationale du pouvoir de juger des
arbitres446.
446
C’est ainsi que l’ordre public transnational se distingue de l’ordre public étatique pour plusieurs
raisons : tout d’abord, si l’ordre public transnational ait un domaine d’intervention beaucoup plus
large devant l’arbitre, le domaine de l’ordre public étatique devant le juge est manifestement étroit.
Ensuite, si l’appréciation de sa compétence par le juge ne peut se faire que sur la base de sa loi du for,
l’appréciation de celle de l’arbitre s’effectue en vertu de la loi choisie par les parties. Enfin, en matière
de procédure, un tribunal étatique ne peut appliquer que sa procédure, or, il est communément admis,
aujourd’hui que les parties peuvent choisir le droit applicable à la procédure arbitrale. Donc l’ordre
public transnational peut intervenir à la fois en matière de compétence, de procédure et en matière
substantielle, or celui étatique n’intervient qu’en matière substantielle à savoir le fond du litige.
Voir : CHEDLY (L), Arbitrage commercial international et ordre public transnational, op.cit, p.408.
447
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.869.
448
Voir par exemple l’article 327-44 du CPC sur l’arbitrage, l’article 1511 du NCPC français.
449
L’expression usages du commerce international apparaît dans divers règlements d’arbitrage, lois
sur l’arbitrage et dans certaines conventions internationales. En dépit du caractère désormais classique
de cette notion, une très grande ambigüité demeure sur la nature des usages auxquels ces textes font
référence. Dans une première conception restrictive, les usages du commerce international ne peuvent
s’entendre que des pratiques contractuelles habituellement suivies dans une branche donnée du
commerce. Il existe ainsi des usages du commerce maritime, des usages du commerce du blé… . Dans
une seconde conception, la notion d’usage reçoit une définition beaucoup plus large. Comprenant
toujours les pratiques contractuelles habituellement suivies, elle inclurait aussi les véritables règles de
droit dégagées de l’observation du droit comparé ou d’autres sources internationales.
Voir à ce sujet : GAILLARD (E), la distinction des principes généraux du droit et des usages du
commerce international, Etudes offertes à Pierre Bellet, Litec, 1991, pp.206-207.
153
Contrairement à l’ordre public transnational, l’extériorité par rapport à
l’arbitre de tout ordre public étatique fait douter de la légitimité d’évincer un droit
choisi pour des raisons exclusivement étatiques, ou d’appliquer immédiatement une
loi de police450.
En ce sens Mr Gaillard, estime que « s’il s’agit …de donner effet à des
politiques étatiques qui ne correspondent pas à des valeurs morales largement
partagées, le recours à la théorie des lois de police ne serait pas légitime »451.
De son côté, Mr Goldman a, après avoir plaidé pour l’application par l’arbitre
des règles relatives à la concurrence (lois de police), consenti que cette méthode « …
comporte un risque : la sentence rendue par l’arbitre…pourrait se voir refuser
l’exequatur pour avoir statué ultra-petita… »452.
450
CHEDLY (L), Arbitrage commercial international et ordre public transnational, op.cit, p.583.
451
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.869.
452
GOLDMAN (B), l’arbitrage international et le droit de la concurrence, Bull.ASA, 1989, p.295.
453
CHEDLY (L), arbitrage commercial international et ordre public transnational, op.cit, p.583.
454
MAYER (P), droit international privé, Montchrestien, Paris, 1994, p.86.
154
A supposer qu’un arbitre arrive à identifier certaines lois comme de police, il
risque d’être confronté à une seconde difficulté liée au fait que la majorité de ces lois
ne précisent pas leur champ d’application et laissent le soin à leur juge de le faire en
le déduisant de leur but.
Son extériorité par rapport aux ordres juridiques étatiques risque de rendre
très difficile la compréhension par l’arbitre des buts étatiques, d’autant plus que ces
buts ne devraient pas être illégitime, et que la compétence revendiquée par ces lois
ne devrait pas être excessive par rapport à la réalisation de ces buts.
C’est donc une opportunité idéale pour appliquer ce qui est de plus en plus
nommé « lex mercatoria »457.
455
CCI, n°8385, 1995, JDI, 1997, p.1061.
456
CHEDLY (L), arbitrage commercial international et ordre public transnational, op.cit, p.585.
457
A la suite d'un article devenu célèbre « la lex mercatoria dans les contrats et les arbitrages
internationaux », le professeur GOLDMAN qui fut le promoteur de cette loi des marchands la
qualifiait comme « une règle d'institution qui a progressivement alimenté et continue à alimenter les
155
Ainsi, il s’avère que le fait que l’ordre public transnational ait la
caractéristique d’être un ordre public de l’arbitre est de nature à rendre sa mise en
œuvre légitime aux yeux des juges étatiques contrôleurs et son identification
possible.
La multiplicité des lieux d’exécution ne gène pas l’arbitre qui met en œuvre
l’ordre public transnational, car cet ordre public est par définition unique et commun
à un nombre important d’Etats.
156
vicieux »459, car c’est l’application ou même la prise en considération de la loi de
police qui permettra de savoir laquelle des deux parties obtient gain de cause.
La première hypothèse, dite « faux conflit »460 est l’hypothèse dans laquelle les
différentes lois de police vont dans le même sens : restriction et prohibition. Dans ce
cas-là, les différentes lois de police peuvent s’appliquer cumulativement :
l’application de la loi la plus sévère conduira au respect de la moins sévère.
S’il est tout à fait exact sur un plan théorique, qu’en cas de faux conflit entre
les lois de police, l’application de la loi la plus sévère conduit au respect de la loi la
moins sévère, les conséquences sur le plan pratique sont loin d’être satisfaisantes. En
effet, utilisée par les arbitres, cette méthode conduira ces derniers à appliquer la loi la
plus restrictive de la liberté des parties. C’est clairement aller en contresens avec
l’esprit actuel très libéral en matière d’arbitrage461.
Ainsi, ce « vrai conflit » obligera l’arbitre à départager les lois de police qui se
veulent applicables. Or, départager des lois de police différentes conduira
nécessairement à compromettre l’exécution dans un des deux Etats.
459
POMMIER (J.Ch), la résolution des conflits de lois en matière contractuelle en présence d’une clause
d’élection de droit : le rôle de l’arbitre, JDI, 1992, p.338.
460
IDOT (L), les conflits de lois en droit de la concurrence, JDI, 1995, p.337.
461
CHEDLY (L), arbitrage commercial international et ordre public transnational, op.cit, p.587.
462
MEZGHANI (A), l’arbitrage commercial international et les impératifs du
développement, colloque : les entreprises et l’arbitrage commercial international dans le nouveau code
tunisien, organisé les 26-27/11/1993, centre d’études juridiques et judiciaires, 1995, pp.72-73.
157
Cette situation ne paraît pas systématique si l’arbitre a mis en œuvre un
principe d’ordre public transnational : principe qui pourrait concilier les deux
positions en n’adoptant ni l’une ni l’autre463.
463
CHEDLY (L), arbitrage commercial international et ordre public transnational, op.cit, p.588.
464
Arrêt rendu par la cour de cassation le 29/10/86, RG n° 9779. in :
.435 ص،2/2002 العدد، دفاتر محكمة النقض، القاضي والتحكيم الدولي،عبد االلطيف مشبال
465
C.A, Casablanca, 21/06/1983, in :322 ص،1983 يوليوز،المجلة المغربية للقانون.
En l’espèce, la cour d’appel de Casablanca a, ainsi, rejeté l’appel d’une ordonnance accordant
l’exéquatur d’une sentence arbitrale internationale en motivant sa décision par le fait que :
« l’ordonnance du président du tribunal n’est pas contraire à l’ordre public international ». A vrai dire,
158
public marocain, s’inspirer de l’ordre public international. Cette attitude
jurisprudentielle a été consacrée par plusieurs décisions judiciaires postérieures 466,
nonobstant le fait qu’elles comportent dans leur prononcé l’expression « ordre public
marocain »467.
Et attendu que le domicile de celle contre laquelle l’exécution doit être effectuée se
trouve dans le ressort de cette juridiction, le président de cette juridiction serait
compétent d’ordonner l’exéquatur de la sentence arbitrale objet du litige.
cette décision est louable dans la mesure où elle favorise l’efficacité des sentences arbitrales
internationales et partant les contrats internationaux. Dans ce sens, Nathalie NAJJAR a commenté
l’arrêt de la cour d’appel de Casablanca en disant : « si la solution n’est pas nouvelle, il faut souligner
la référence aux principes régissant l’ordre public international ; la cour d’appel de Casablanca
distingue les solutions qui prévalent en droit interne de celle qui intéressent les litiges internationaux.
La cour s’appuie même sur la doctrine et la jurisprudence qui le reconnaissent de manière constante
pour consolider sa motivation. La méthode mérite d’être approuvée sans réserve même si en l’espèce,
la distinction entre litiges internationaux ne concernant qu’un contrat d’Etat arbitral soumis à un
régime de droit privé ».
Voir : NAJJAR (N), l'arbitrage dans les pays arabes face aux exigences du commerce international,
édition Delta, 2007, p.196.
466
Voir : 5 ، ندوة مشتركة بين المجلس األعلى ومحكمة النقض المصرية، تنفيذـ المقررات التحكيمية الوطنية والدولية،إبراهيم باحماني
119و118 ص،2005 ،7 سلسلة دفاتر المجلس األعلى العدد، تحت عنوان العمل القضائي والتحكيم التجاري، 2004 مارس.
467
211و210. ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
468
T.Com, Casablanca, Ordonnance n° 72, rendue le 06/02/2006, RG n° 30/2006/3, (inédit
159
notification traduite en langue arabe et d’une attestation certifiant le paiement des
frais de l’arbitrage.
II-Jurisprudence comparée :
469
Il en est également de : T.Com, Casablanca, Ordonnance n° 39, rendue le 30/01/2012, RG n°
1981/1/2011. Voir : annexe 2.
160
Dans le cas où on admettrait que le juge contrôle la sentence par rapport à
l’ordre public transnational, Il devient clair que sa mise en œuvre préalablement par
l’arbitre facilite l’exécution et l’efficacité de sa sentence.
Dans ce cas, il existe une identité des ordres publics de référence, devant
l’arbitre et devant le juge. C’est ainsi que la jurisprudence suisse distingue l’ordre
public de référence lorsque les juges suisses sont sollicités en vue de l’exéquatur des
sentences arbitrales internationales.
470
Voir sur cette affaire : LALIVE (P), arbitrage international et ordre public suisse - une surprenante
décision du tribunal fédéral suisse: l'arrêt SGTM / Bangladesh, Revue de droit suisse, n°98, 1979, pp.
529-551.
471
Sachant que la L.D.I.P suisse renvoie en matière d’exéquatur à la convention de New-York du 10
juin 1958. (Art 194 de la LDIP) et du fait que l’article VII de ladite convention ne permet de refuser
l’exéquatur que lorsque la reconnaissance ou l’exécution est « contraire à l’ordre public de ce pays », le
contrôle en vue de l’exéquatur ne peut être opéré que par rapport à l’ordre public suisse. En revanche,
en matière de recours, l’article 190 de la LDIP suisse, relatif aux recours, est plus ouvert à un ordre
161
2- La position récente : regain d’intérêt à l’ordre public transnational
Ainsi, dans l’arrêt Westland rendu par le tribunal fédéral le 19 avril 1994472, le
tribunal rappelle d’abord la position antérieure de la haute juridiction suisse qui :
« n’a pas tranché jusqu’ici la question de savoir à quel ordre juridique ou à quel
système de valeurs : suisse, étranger, supranational ou universel la notion d’ordre
public de l’article 190 alinéa 2.e de la LDIP fait appel ».
Ensuite, le tribunal fédéral semble très près d’admettre lors des recours, un
contrôle des sentences arbitrales par rapport à l’ordre public transnational.
public transnational puisqu’il dispose que : « la sentence peut être attaquée lorsqu’elle est
incompatible avec l’ordre public».
472
T.Fed, 19 avril 1994, Émirats arabes unis c. Westland Helicopters, ATF 120 II, p.150.
473
T.Fed, 30 décembre 1994, Bull.ASA, 1975, p.217.
162
Le fait que ce dernier arrêt fait jurisprudence en suisse474, est de nature à
appuyer l’affirmation selon laquelle la mise en œuvre de l’ordre public transnational
est utile pour l’efficacité des sentences qui y sont basées 475.
474
Voir aussi dans le même sens : T.Fed, 6 septembre 1996, Bull.ASA, 1997, p 291 ; T.Fed, 9 février 1998,
Bull.ASA, 1998, p.634.
475
CHEDLY (L), arbitrage commercial international et ordre public transnational, op.cit, p.592.
476
Cass.civ, 1ère, 15/03/1988, Rev.arb, 1990, p.115.
477
C.A, Paris, 27/10/1994, Rev.arb, 1994, p.709.
478
C.A, Paris, 25 mai 1990, Rev.arb, 1990, p.892 .
163
En l’espèce, un recours tendant à l’annulation de certaines sentences arbitrales
rendues entre Procofrance et Fougerolle reprochait, sur la base de l’article 1502-
5°479du NCPC aux arbitres de méconnaître le principe d’ordre public véritablement
international d’exécution de bonne foi des conventions, en refusant de réviser leurs
sentences alors que celles-ci étaient basées sur une fraude.
Par ailleurs, la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 25 mai 1990 semble
favorable à un contrôle des sentences arbitrales, par rapport à l’ordre public
transnational puisqu’elle a opéré un tel contrôle, et a estimé que l’ordre public
transnational n’a pas été violé : « En statuant ainsi, les arbitres n’ont pas consacré une
violation heurtant l’ordre public international, aucun principe dépendant de cet
ordre public, fût il d’essence véritablement international et d’application universelle,
ne pourrait autoriser l’arbitre à ouvrir une voie de recours exclue par la loi de
procédure applicable à l’arbitrage selon la volonté commune des parties ».
479
Ce cas de recours est désormais prévu à l’article 1520-5° du NCPC en vertu du décret n° 2011-48 du
13 janvier 2011 portant réforme de l'arbitrage.
480
C.A, Paris, 30/10/1993, Rev.arb, 1994, note Bureau, Rev.crit. DIP, 1994, p.349.
164
public aient normalement une efficacité maximale en France, puisque l’ordre public
de référence de l’arbitre et celui du juge coïncident481.
Ces tendances suisse et française et le lien qu’elles ont avec l’efficacité des
sentences basées sur l’ordre public transnational n’empêchent pas qu’elles puissent
être appréciées d’une manière critique, surtout du point de vue de la théorie générale
du droit international privé.
Cela dit, La situation du juge étatique, disposant d’une loi du for national,
l’empêche d’être un gardien d’un ordre public transnational. Mrs Fouchard, Gaillard
et Goldman rejettent, pour cette raison, la possibilité pour un juge étatique de
contrôler l’ordre public transnational ; « …si elle est parfaitement légitime lorsqu’elle
s’applique à l’ordre public, que les arbitres, qui ne sont pas les organes d’un ordre
juridique déterminé, doivent appliquer …cette conception ne saurait correspondre
aux exigences des articles 1502-5° et 1504…qui ne peut correspondre que de la
conception française de l’ordre public international… Fondée devant les arbitres,
cette terminologie constitue un abus de langage lorsqu’elle est utilisée devant les
juridictions françaises… »483.
481
CHEDLY (L), arbitrage commercial international et ordre public transnational, op.cit, p.595.
482
MAYER (P), droit international privé, op.cit, p.139.
483
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.969.
165
De surcroit, un contrôle par le juge étatique de l’ordre public transnational
pourrait, en cas de contrariété de l’ordre public de son for et de l’ordre public
transnational, l’amener à une véritable impasse484.
Par ailleurs, outre le statut du juge, qui empêcherait un contrôle par celui-ci
de l’ordre public transnational, la finalité des demandes en exéquatur permettrait
d’aboutir au même résultat. En effet, la finalité de l’intervention du juge étatique,
dans ces cas, est de recevoir dans son ordre juridique une sentence qui lui était,
auparavant extérieure. Si telle est la finalité du contrôle, il devient normal que seul
l’ordre public du for peut intervenir et que seules les valeurs fondamentales de ce for
seront défendues.
Dans cette logique, une opinion doctrinale suisse485 légitime le contrôle par le
juge suisse de l’ordre public transnational en cas de recours en annulation. Ainsi,
« en considérant que contrairement à la finalité de l’exéquatur, qui est la réception de
la sentence, la finalité de l’annulation est l’envoi de la sentence. Car le but de l’action
consiste à s’ « assurer qu’à travers le respect des principes fondamentaux communs à
une majorité d’Etats, les sentences rendues en Suisse seront acceptées par la
communauté internationale ». En quelque sorte, l’intervention du juge suisse, n’ayant
pas pour objectif d’intégrer la sentence en suisse, mais de l’exporter à l’extérieur. Il
devient normal que l’ordre public suisse n’intervient pas, mais qu’on fait intervenir
un ordre public commun à une majorité d’Etats : l’ordre public transnational.
Nous ne pouvons pas approuver cette opinion dans la mesure où son point
de départ repose sur une localisation de l’arbitrage international dans le pays du
siège. En d’autres termes, c’est le juge du siège de l’arbitrage qui a la qualité, de
déclarer la sentence conforme aux valeurs fondamentales de la communauté
484
C’est le cas par exemple si l’arbitre évince l’ordre public d’un Etat (qui pourrait être celui du juge
d’exécution) pour contrariété à l’ordre public transnational.
Voir : GAILLARD (E), trente ans de lex mercatoria : pour une application sélective de la méthode des
principes généraux du droit, JDI, N°1, 1995, p.21.
485
KAUFMAN KHOLER (G), l’ordre public d’envoi ou la notion d’ordre public en matière
d’annulation des sentences arbitrales, Revue suisse de droit international et européen, n°3, 1995,
p.273s.
166
internationale486. Cependant cette conception de localisation, comme le souligne Mr
Gaillard, « est aujourd’hui dépassée »487.
Ensuite, concernant la finalité d’envoi, elle révèle chez Mme Kholer une
grande méfiance à l’égard de l’arbitrage international : seule la sentence arbitrale ne
peut suffire aux Etats étrangers, selon cette vision, pour s’assurer de la conformité de
la solution aux principes fondamentaux de la communauté internationale, encore
faut-il une autorisation permettant la sortie de la sentence, qui ne peut être octroyée
que par un juge inspirant confiance.
486
CHEDLY (L), arbitrage commercial international et ordre public transnational, op.cit, p 598.
487
GAILLARD (E), l’ordre juridique arbitral : réalité, utilité et spécificité, R.D McGill, v 55, n°4, 2010,
p.907.
488
Comme l’a pu affirmer Mr GAILLARD dans son article : L'exécution des sentences annulées dans
leur pays d'origine, JDI, n°3, 1998, p.674.
489
Qui a été dépassé depuis la conclusion de la convention de New-York de 1958.
490
Voir par exemple l’article 327-26 du CPC, l’article 1484 du NCPC français et l’article 32 du code
tunisien de l’arbitrage.
491
Voir l’article V de la convention de New-York de 1958.
492
Voir l’article 327-46 du CPC.
167
Sur le plan pratique, la critique la plus importante, du contrôle par le juge du
respect par l’arbitre de l’ordre public transnational est venue du professeur
Goldman493, pourtant très favorable à la mise en œuvre de cet ordre public par le juge
privé.
Ce contrôle est inutile, dans le cas ou la valeur serait déjà d’ordre public dans
le système du juge. Il est plus simple, pour ce dernier dans ce cas de contrôler son
ordre public : le caractère transnational de celui-ci n’ajoute rien.
Toutefois, cette position a été controversée par une opinion doctrinale 494 en
France. Selon cette doctrine, la référence, lors du contrôle à l’ordre public
transnational, demeure utile même si le système du juge reçoit cette valeur, car cette
référence permet d’insister sur le consensus de la communauté internationale du
principe que le juge dégage.
168
Par ailleurs, lorsque le juge du contrôle oppose à la sentence arbitrale un
traité international qui contient des principes identifiés par les arbitres comme
d’ordre public transnational, il paraît inutile de considérer qu’il contrôle le respect
par l’arbitre de l’ordre public transnational ; il s’est référé en réalité à l’ordre
juridique de la société étatique internationale, qui s’impose au juge, lorsque du moins
le traité considéré lie son pays.
La référence par le juge étatique à son ordre public n’empêche évidemment pas
que la mise en œuvre par l’arbitre de l’ordre public transnational facilite l’efficacité
des sentences car les caractéristiques de l’ordre public transnational, en particulier
son caractère commun, lui permettent même dans ce cas de réaliser une efficacité
maximale de la sentence499.
497
Notamment les jurisprudences française et suisse précitées.
498
Voir par exemple l’arrêt de la cour d’appel de Casablanca du 26/08/2008, précité : supra, et
l’ordonnance du président de la cour d’appel de Rabat du 06/02/2006, précitée, supra.
499
Voir les articles 327-46 et 327-49 du CPC qui se réfèrent à l’ordre public international ou interne. Il
en est ainsi des articles 1514 et 1520 du NCPC français.
169
relativiser l’effet de l’ordre public constituant l’élément majeur à contrôler lors de la
procédure d’exéquatur (§2).
Serait traité en premier lieu l’ordre public au fond (I) et dans un second l’ordre
public procédural (II).
500
Du moment que la notion d’ordre public ne se cantonne pas à l’aspect matériel (les valeurs
suprêmes politiques, économique, sociales et religieuses de l’Etat), mais elle s’étend également à
l’aspect procédural relatif aux garanties procédurales dont l’observation est considérée crucial dans
tout système judiciaire.
C’est ce qui a été affirmé par le tribunal fédéral suisse dans un arrêt rendu le 07/10/2008, (in : revue
d’arbitrage, n°4, 2009, pp 805-806). Ledit arrêt énonce : « attendu qu’il faut distinguer entre l’ordre
public procédural et l’ordre public général matériel. L’ordre public procédural assure aux parties le
droit à une (sentence) indépendante, un procès adéquat avec le droit processuel applicable, et attendu
qu’il y aurait lieu d’une violation de l’ordre public procédural lors d’une violation des principes
fondamentaux généraux et reconnus. Or (la sentence) contraire à l’ordre public matériel serait celle qui
contredit les principes fondamentaux de la loi applicable sur la base du litige de sorte qu’il serait
impossible de respecter son régime juridique et ses valeurs le déterminant, et parmi les exemples de
ces principes, celui de bonne foi, d’exercice non abusif de droit, d’interdiction de discrimination… ».
170
; elle peut aussi être constatée lorsque le comportement des parties est licite, mais que
l'illicéité est intrinsèque501 à la décision elle-même (b).
Cette distinction peut se révéler importante d'un point de vue pratique. En effet,
dans la seconde hypothèse, le comportement des parties n'est pas en cause. Les
conclusions de l'arbitre ne sont refusées que parce qu'elles sont contraires à l'ordre
public. II peut s'avérer alors que la sentence soit reconnue partiellement et que seuls
certains éléments de la décision soient refusés.
Lorsque l'une des parties soutient que l'ordre public a été violé quant au fond
du contrat principal, l'arbitre, s'il constate cette violation, (et dans la mesure où il est
reconnu compétent pour le faire)502 doit la sanctionner503.
501
Faut-il souligner que lorsque l'illicéité est intrinsèque à la sentence, le refus d'exécution, touche
uniquement à la décision de l'arbitre ; ce qui permet une reconnaissance partielle.
Voir à ce sujet : ARCANGELI (V), les notions d’arbitrabilité, d’ordre public et de public policy comme
moyens de contrôle de l’arbitrage commercial international au Canada, op.cit, p.222.
502
MAYER (P), le contrat illicite, op.cit, p.215.
503
ARCANGELI (V), op.cit, p.222.
504
Ibid, p.162.
171
jurisprudence n'est donc guère abondante, pour ne pas dire inexistante au moins au
niveau marocain, sur ce point505.
172
l'arbitre, ni la cour d'appel, ne sont parvenus, dans cette instance, à constater l'illicéité
de la cause ou de l'objet du contrat512.
La violation d’une règle d’ordre public au fond est également possible dans le
cas où la décision arbitrale recèle un comportement illicite alors même que le but
final des parties n'était pas contraire à l'ordre public513.
511
De même les juridictions Québécoises, ne donnent pas exécution à une décision arbitrale qui ne
respecte pas le principe de l'éthique des affaires internationales. Ainsi, comme l'illustre très clairement
une décision rendue au Québec, le tribunal n'hésitera pas à appliquer la disposition concernant l'ordre
public du Canada pour refuser une sentence condamnant une partie au paiement d'une somme que
les arbitres ont établi être un pot-de-vin.
Voir : Industrial Bulk Carriers Inc. c. Transporrde Cargaison Ltd, C.A. 15 juin 1990, n°. 500-09-
000480-905 (500-05-006765-893 C.S.M.) ; [19901 A.Q. n°. 1089 : C.S. 4 avril 1991, n°. 2216.1.S.C.C.
Bulletin 1991, p.883. D'après la cour d'appel québécoise : « Il faut (...se garder de confondre le
jugement qui statue sur une requête en homologation d'une sentence arbitrale rendue hors du Québec
comme en général sur toute autre requête d'homologation judiciaire…), avec la décision ou la sentence
arbitrale qu'on cherche à faire homologuer. Ce sont deux choses totalement différentes, à telle
enseigne, comme le rappelait le juge Challies dans L-wch c. Poisson, qu'un jugement en homologation
ne saurait rendre valide une décision par ailleurs invalide ».
De surcroît, il est lieu de souligner qu'un tribunal québécois refuse une décision arbitrale qui aurait
pour résultat de priver le consommateur ou le travailleur de la protection offerte par les articles 3117
ou 3118 du code civil du Québec.
Voir : Dominion Bridge Corp. c. knai, 5 décembre 1997, n° 5004OO-00.18 19.975 (50- 17400365-976).
119971 A.Q. n° 3923, note 199.
Ces exemples ont été cité par : ARCANGELI (V), op.cit, p.223.
512
KOSHERI (A) EL et LEBOULANGER (Ph), l'arbitre face à la corruption et aux trafics d'influence,
Rev.arb, 1984, p.12.
513
ARCANGELI (V), op.cit, p.163.
514
Sté Courrèges Design c. Sté André Courrèges et autres, Paris, 5 avril 1990, Rev.cr.dr.int.pr, 1991,
p.592.
173
lequel le contrôle majoritaire de la société française André Courrèges avait été cédé à
la société japonaise Itokin.
D'après cette sentence, les parties s'étaient remises dans la situation créée par le
contrat initial, donnant ainsi à la compagnie japonaise le contrôle de la compagnie
française ; et ce, en violation des règles que la cour considérait d'ordre public
174
international515, d'où le refus d'accueillir cette sentence dans l'ordre juridique
français.
Mais Les arbitres n'ont pas tenu compte de l'ensemble des contrats existants
entre les parties et, ce faisant, ont fini pour méconnaître le but de la loi qu'eux-mêmes
avaient estimé applicable au fond. Or, en l’espèce, comme le note la cour, cette
méconnaissance a abouti à consacrer une solution contraire a l'ordre public.
C'est donc la conclusion concrète atteinte par la décision de l'arbitre (la remise
de la propriété des marques françaises à une compagnie sous contrôle étranger), qui
est prise en considération par la cour, et non pas simplement, la non application des
règles impératives applicables516.
515
C’est ce qui a été énoncé par l’arrêt « Courrèges » en les termes suivants : « … les règles relatives au
contrôle des pouvoirs publics sur les investissement étrangers expriment par des dispositions
impératives, la conception d’un ordre public économiques international, en ce qu’elles tendent à
assurer dans l’intérêt de la collectivité, l’équilibre des relations économiques et financières avec
l’étranger par la maitrise des mouvements de capitaux à travers les frontières : en conséquence,
l’exécution en France d’une sentence arbitrale consacrant une violation de ces dispositions est
contraire à l’ordre public international ».
Voir : C.A, Paris, arrêt Courrèges, 5 avril 1990, Rev.cr.dr.int.pr, 1991, p. 592.
516
KESSEDJIAN (C), note sous l'arrêt Courrèges, op.cit, note 196, Rev.cr.dr.int.pr, 1991, p.588.
517
Ibidem, p.591.
175
Ceci dit, la cour aurait dû tenir compte des faits postérieurs au prononcé de la
décision, en raison du principe de l'effet utile, selon lequel chaque fois que l’on
peut sauver une décision étrangère lors de son insertion dans un ordre juridique
différent, on doit le faire518.
En effet, puisque c'est le résultat final qui doit être considéré, il est logique de ne
pas limiter l'examen à la seule décision de l’arbitre. Puisque ce sont les effets de
l’exécution de la décision qui doivent être considérés, pourquoi ferait-on abstraction
de circonstances survenues ultérieurement, si ces circonstances permettent de
concilier les objectifs poursuivis par l’administration et la mise en œuvre normale des
procédures judiciaires ou arbitrales519.
518
RACINE (J.B), l'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999, note 88, p.530.
519
SYNVET (H), note sous Sté Courrèges Design c. Sté André Courrèges et autres, Rev.arb 1992, p.124.
520
C.A, Casablanca, le 20/03/1997, RG n° 6444/96, in : 344 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
521
C.A, n° 274, rendu par deux chambres le 08/03/2006, RG.com n° 292/3/2/03, in :
284 ص،66 العدد،2007 اإلصدار الرقمي مارس،مجلة قضاء المجلس األعلى.
176
La deuxième hypothèse que nous examinerons en matière de non-conformité
de la sentence à l'ordre public au fond est celle correspondant à la violation qui
apparait dans la décision arbitrale. Elle ne découle pas d'une illicéité portant sur le
fond du contrat principal ou sur son exécution par les parties, mais d'une violation
imputable à l'arbitre lui même522.
Les pouvoirs de l'arbitre peuvent être limités par une loi523 ou par l'intervention
d'une autorité judiciaire étatique524. Ils peuvent également être restreints par la
volonté des parties525. Soulignons immédiatement que seules les imites découlant
d'une loi ou de l'intervention d'une autorité judiciaire seront seules abordées à ce
niveau. Les pouvoirs de l'arbitre limités par la volonté des parties feront l’objet
d’étude prévue dans le cadre de la deuxième partie526.
On peut prendre pour exemple du premier cas de figure ou les limites aux
pouvoirs de l'arbitre découlent d'une loi, la détermination du montant de dommages
et intérêts527. Bien que le pouvoir de l'arbitre en matière de dommages moratoires soit
522
ARCANGELI (V), op.cit, p.171.
523
Lorsque les parties, ou à défaut l’arbitre, se sont référées à une loi ou règlement afin de régler leurs
litiges conformément à l’article 327-44 du CPC.
524
Dans le cas ou une autorité judiciaire compétente procèdera à la désignation de l’arbitre ou la
constitution du tribunal arbitral, en application de l’article 327-41, alinéa 2 du CPC.
525
En vertu des articles 327-41, alinéa 1 et 327-44 du CPC.
526
Suivant la logique préconisée aussi bien par la convention de New-York que le CPC, distinguant,
ainsi, entre le dépassement par les arbitres de leur mission, prévu à l’article V, paragraphe 1, c) et
‘article 327-49/3°, fixée par les parties, et la violation de l’ordre public prévu à l’article V, paragraphe
2, b) de la convention de New-York et l’article 327-46 du CPC, dont les pouvoirs des arbitres excédés
sont déterminés par une loi ou une autorité judiciaire.
527
Les dommages et intérêts punitifs sont nées en Angleterre, à la fin du XVIII ème siècle, et avaient
pour but de punir l'auteur du dommage et de dissuader pour l'avenir la réalisation d'un acte fautif : ils
jouent un rôle de prévention et sont, à ce titre, un moyen d'assurer le respect de la loi. En effet, le
supplément de condamnation qui pèse sur le responsable est un moyen d'accroître la sévérité et donc
le caractère dissuasif des dommages et intérêts compensatoires. Les dommages et intérêts sont
essentiellement indemnitaires. Leur existence est donc contestable mais les avantages qu'ils présentent
177
généralement reconnu, une sentence qui condamne une partie au paiement d'intérêts
moratoires à un taux usuraire incompatible avec l'ordre public international sera
évidemment refusée528. Cependant, en ce qui a trait aux autres réparations
pécuniaires, notamment les dommages punitifs, la question qui se pose touche au
pouvoir même de l'arbitre529.
178
De la sorte et selon les circonstances, l'excès de pouvoir de l'arbitre pourra
conduire au refus de la sentence dans sa totalité ou simplement au refus de la partie
de la sentence contraire à l'ordre public533.
1012), n'a pas été suivie par la jurisprudence postérieure : Belko v. AVX Corp., 204 Cal. App. 3d
894.251 Cal. Rptr, 1988, p.557.
533
Pour prévenir une éventuelle réaction de rejet des autorités de contrôle, qui pourraient notamment
considérer que les manquements réprimés ne sont pas suffisamment graves pour justifier des
dommages et intérêts punitifs, l'arbitre doit toujours s'interroger sur la légitimité de l'objectif
poursuivi par la sanction. Il doit alors s'assurer que le but poursuivi par la peine apparaît légitime
dans le plus grand nombre d'ordres juridiques. Pour ce faire, le but poursuivi par la condamnation
aux dommages et intérêts punitifs doit apparaître légitime au regard des valeurs fondamentales
exprimées par les principes et règles transnationaux, donc communes à la majorité des systèmes
juridiques. C’est ainsi que le professeur MAYER (P), (La règle morale dans l'arbitrage international,
op.cit, p.379), souligne que « Toutes les fautes ne peuvent ainsi être punies par l'allocation de
dommages et intérêts punitifs: le domaine de cette peine privée doit être cantonné aux plus graves,
qui portent atteinte à des valeurs morales fondamentales partagées par la communauté des États ».
De leurs côtés, les ordres juridiques intéressés par l'arbitrage sont appelée à ne pas systématiquement
refuser l'exéquatur à une sentence prononçant une condamnation au paiement de dommages et
intérêts punitifs. Certes, la jurisprudence marocaine n’avait pas encore l’occasion de connaître des
demandes d’exéquatur de sentences arbitrales prononçant le paiement des dommages-intérêts
punitifs. Or, la cour de cassation française a eu l’occasion le 1er décembre 2010, d’affirmer dans un
arrêt que les dommages et intérêts punitifs ne sont pas, per se, contraires à l'ordre public au sens du
droit international privé. En revanche, l'ordre public réagit quand ces dommages et intérêts
apparaissent excessifs : la cour de cassation pose ainsi une limite en exigeant que les dommages et
intérêts punitifs ne soient pas disproportionnés. La cour s’est exprimée en les termes suivantes :
«Attendu que si le principe d'une condamnation à des dommages et intérêts punitifs n'est pas, en soi,
contraire à l'ordre public international français, il en est autrement lorsque le montant alloué est
disproportionné au regard du préjudice subi et des manquements aux obligations contractuelles du
débiteur ». Cette solution que nous songeons, susceptible d’être préconisée par le droit marocain de
l’arbitrage qui se veut plus libéral quant à l’accueil des sentences arbitrales internationales tout en
veillant au respect des valeurs partagées par les Etats.
534
ARCANGELI (V), op.cit, p.174.
179
Comme nous le verrons plus en détail lors de l’examen de la notion
d’arbitrabilité, le but des procédures collectives est de protéger les créanciers lorsque
le débiteur vient de se trouver dans un état d'insolvabilité, la loi désigne un tribunal
qui prendra contrôle sur tous ses biens afin de les partager entre les créanciers en
respectant la force de leurs titres respectifs et en les plaçant ainsi sur un plan
d'égalité535.
535
C’est à juste titre qu’a pu le souligner le professeur Yves GUYON, droit des affaires, Tome
2, Entreprises en difficultés- Redressement judiciaire- Faillite, Economica, Paris, 9eme éd, 2003, p.33.
Ainsi, selon lui, « Le principe d’égalité signifie que les créanciers subissent, en principe, les mêmes
délais de paiement et les mêmes réductions de leurs droits. Toutefois cette égalité ne s’applique
pleinement qu’à ceux qui ont des droits identiques c'est-à-dire les créanciers chirographaires ».
536
RIET (Ch), l’arbitrage et les procédures collectives, mémoire pour l’obtention de Master en droit
fondamental des affaires, faculté de droit, université de Toulouse 1 capitole, 2010, p.35.
537
ANCEL (P), arbitrage et procédures collectives après la loi du 25 janvier 1985, Rev.arb, 1987,
pp.127-132.
538533
LEVEL (P), l'arbitrabilité, Rev.arb, 1992, p.230 ; FOUCHARD (Ph), Arbitrage et faillite, Rev.arb,
1998, p.471.
180
montant539. Ce principe a été interprété et appliqué par la jurisprudence française de
façon très stricte. En effet, la cour de cassation française a décidé, dans l'arrêt
Thinet540, en 1988, que toute sentence de condamnation au paiement sera refusée 541.
181
Il faut ajouter que, lorsque les circonstances lui permettent de retenir sa
compétence, l'arbitre est aussi tenu de veiller au respect d'autres règles qui agissent
au niveau de la procédure d'arbitrage. Ces règles visent à porter la procédure
d'arbitrage à la connaissance des autres créanciers et à leur permettre d'y participer
pour protéger leurs intérêts. La violation de ces normes « à la fois d'ordre public
interne et international », conduit inévitablement au refus de la sentence545. Nous y
reviendrons lorsque nous examinerons le respect du principe du contradictoire 546.
La décision de l'arbitre violera l'ordre public procédural du for chaque fois que,
soit à cause du comportement des parties et/ou de l'arbitre, soit en raison d'une
application incorrecte des règles d'ordre public, les garanties procédurales
fondamentales ne seront pas respectées547.
marocain dans la mesure où elle s’accommode aux dispositions de l’article 695 du code de commerce
marocain qui dispose : « Au vu des propositions du syndic, le juge-commissaire décide de l'admission
ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève
pas de sa compétence ».
545
C.A. Civ, Paris, 23/3/1993, Rev.arb, 1998, p.540, note Fouchard.
546
Voir les développements réalisés à l’occasion de l’étude de l’ordre public procédural dans l’aspect
relatif aux droits de la défense.
547
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.972.
548
Voir à ce sujet : ARCANGELI (V), op.cit, p.177 ; االختصاص القضائي الدولي وآثار،سامي بديع منصور و آخرون
276 ص،2009 ،ـ لبنان، بيروت،1 الطبعة، المؤسسة الجامعية للدراسات والنشر والتوزيع،1 الطبعة، الجزء الثاني،األحكام األجنبية في لبنان.
549
MIGNARD (J.P) et HUET (B), exéquatur des sentences arbitrales : pour une procédure
contradictoire, revue de la gazette du palais, n°249 à 250, 2013, p.11.
182
interne et ordre public international permet d'exclure l'application de plusieurs
autres règles qui demeurent applicables aux rapports internes (b).
- La sentence doit avoir été obtenue sans fraude en respectant les règles de base
relatives à la charge de la preuve (1).
- La décision arbitrale doit être rendue dans le respect des règles de procédure posées
par les parties (3).
550
C.A.com, Casablanca, 15/01/2015, n°220, RG n° 2669/8224/2013, disponible sur :
http://www.mahkamaty.com/, consulté le 25/10/2015.
183
commerce551 de Casablanca accordant la reconnaissance et l’exéquatur de la sentence
internationale552 rendue par le tribunal international près de la chambre de commerce
internationale de Paris.
Ainsi l’arrêt rendu par ladite cour énonce que : « … Et comme exemple des
principes fondamentaux relatifs à l’ordre public international et national, les règles
suprêmes, communes entre les nations en l’occurrence celles se rapportant à
l’exécution de bonne foi des engagements… »553.
Par ailleurs, le principe de « fraus omnia corumpit »554, avait constitué l’un des
motifs d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris ultérieurement confirmé par la
cour de cassation555, qui a considéré contraire à l'ordre public international, une
sentence rendue par un arbitre sur la base de documents mensongers 556 .
Evidemment le principe de la « bona fide »557 s'applique aux parties et à leurs
avocats (qui sont obligés, eux aussi, de déclarer leurs rapports avec l'autre partie, si
ces rapports peuvent causer un possible conflit d'intérêts) aussi bien qu'à l'arbitre qui
551
T.C, Casablanca, Ordonnance n°3921, rendue le 28/12/2012, RG n° 2426/1/2011, in : ibidem.
552
Sent.CCI, n°16850, 21/09/2011, in: ibidem.
553
Voir : C.A.com, Casablanca, 15/01/2015, …, ibidem.
554
C’est un adage latin qui signifie : « la fraude corrompt tout ».
555
Société European Gas Turbines SA c. société Westman International, précité, supra ; voir également
Fougerolle S.A. c. Procofrance S.A, Paris, 1ère ch, Sect.c, 25/05/1990, Rev.cr.dr.int.pr, 1990, p.753, note
Oppetit ; Rev.arb, 1990, p/892, note Boissésson ; Cass.civ, 1ère ch, 25/05/1992, Rev.arb, 1993, p.91 ;
Cass.civ, 25/05/1992, Rev.arb, 1993, p. 91, note Oppetit ; clunet, 1992, p.974, note Loquin.
556
Ces documents visaient à prouver des dépenses qui n'avaient jamais été faites et qui avaient
pourtant été reconnues par l'arbitre. La Cour motiva sa décision de la façon suivante: en application
du principe général selon lequel la fraude fait exception à toutes les règles, les dispositions de la
sentence arbitrale obtenues par fraude sont contraire à l’ordre public international français et doivent
être annulées », affaire Fougerolle, Précité : Ibid.
557
Il s’agit d’une locution latine qui désigne en français le principe de bonne foi.
Voir à ce sujet : MAYER (P), le principe de bonne foi devant les arbitres du commerce international,
Etudes Lalive, 1993, p.543.
184
a le devoir de rendre une décision impartiale558 ; la partialité de l'arbitre ou sa
collusion avec l'une des parties n'étant qu'une forme de fraude559.
558
Fitzroy Engineering, Ltd. v. FIame Engineering, Inc., Yearbook, 1996, p. 744; U.S. Disr, 1994, LEXIS,
17781, International Arbitration Report, 1995, n° 1, 1994, A-1, in : ARCANGELI (V), op.cit, p.178.
559
C’est à juste titre que le professeur Albert Jan van den BERG ( The New-York Arbitration
Convention of 1958. op.cit, p.377 ), note que bien que l'absence d'impartialité de l'arbitre puisse être
également soulevée selon l'article V, paragraphe I, (b) de la convention de New-York, elle est presque
toujours soulevée comme contraire a l'article V, paragraphe 2, b de la même Convention.
560
Pour la jurisprudence française, voir : Sociétés T.A.I, et I.E.C. c. sociétés . S.I.A.P.E, Engrais de
Gabès, Me. Lafont ès qual. et Ferrari, Paris. 1ère ch. supp, 2/06/1989, Rev.arb, 1991, p.87 ; Société Siab
et autres c. société Valmont et autre, Paris, 1ère ch, Civ., 8/07/1994. Rev.arb, 1996, p.428, note
Fouchard ; Cassiau et autre. c. société Le Parc des Pyrénées, Cass.Com, 29/03/1994, Rev.arb, 1996,
p.527, note Fouchard.
561
C’est ainsi qu’un arrêt américain souligne: «whilst clearly confirming this principle in the cases
decided under the convention, the courts generally distinguish between the case where the
circumstances wiches might have created the lack of impartiality on the part of the arbitrator
“imputed bias” or “apparence of biais” and the case where the arbitrator has effectively not acted in
an impartial manner “actual bias”. As a rule, only in the latter case, the courts are prepared to refuse
enforcement of the award ».
Voir: Brandeis Instel v. Calabrian Chemicals Corp., 656 F. Supp. 160 (SDNY 1987), Yearbook, 1988,
p.554.
185
été rendue par le LME. Calabrian soutenait la partialité des arbitres précisément en
raison de l'affiliation de Brandeis au LME. Selon Calabrian, cette partialité aurait été
encore plus évidente parce que l'employeur d'un des arbitres était membre, avec
Brandeis, d'un comité de 28 membres du LME nommé le « Ring ». Toutes ces
circonstances auraient indiqué la présence d'un « vieux réseau de garçons » et
conséquemment, d'une « interdiction d’apparence de partialité »562.
La même prudence inspire la jurisprudence française. Ainsi, malgré qu'il soit fait
devoir à l'arbitre d'informer les parties de toutes les circonstances capables d'affecter
sa décision, « le manquement à cette obligation d'information n'entraîne pas
automatiquement la nullité de la sentence »564.
La partialité ne se présume pas, il faut qu'elle soit démontrée dans le cas concret.
La cour décide en effet qu'il « appartient (…) au juge étatique de mesurer les effets de
cette réticence et d'apprécier si à elle seule, ou rapprochée d’autres élément de la
cause, elle constitue une présomption suffisante du défaut d’indépendance
allégué »565.
Par ailleurs, la violation de l’ordre public pour motif de fraude procédural, peut
se réaliser également dans le cas ou une sentence arbitrale est rendue en faveur d’une
partie inexistante réellement.
562
Telle qu'elle avait été définie dans l'arrêt rendu par la cour suprême de New-York, dans l’affaire
Commonwealth Coating corp. v. Continental casualty. Company, 393 U.S. 145 ((89 S.Ct. 337, 21
L.Ed.2d 301), disponible sur: http://www.law.cornell.edu/supremecourt/text/393/145, consulté le
9/6/2014.
563
Ibid.
564
C’est ce qui découle de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris dans l’affaire opposant le
gouvernement de l’Etat de Quatar et la société Creighton Limited, 1ère ch.civ, 01/01/1996, Rev.arb,
1996, p.428, note Fouchard.
565
Ibid.
186
Dans ce sens, La cour d’appel de Paris a rendu un arrêt refusant l’exequatur
d’une sentence arbitrale obtenue par fraude566. Dans cette affaire, une sentence
rendue par un tribunal arbitral suisse ad hoc avait condamné une société française à
payer à une société anglaise, ainsi qu’à une société israélienne, une somme de plus de
1.000.000 dollars, au titre de l’exécution de contrats de vente d’acier. Le tribunal de
grande instance de Paris avait conféré l’exequatur à la sentence.
Toutefois, la cour d’appel a, par la suite, constaté que la société israélienne était
en réalité radiée depuis des années, donc inexistante, ce qui constituait une fraude
dans l’obtention de la sentence arbitrale. Celle-ci a donc été rendue en
méconnaissance de l’ordre public international. L’ordonnance a été infirmée : la
sentence arbitrale ne pouvait recevoir l’exequatur.
Le principe selon lequel les arbitres doivent respecter les règles de base
relatives à la charge de la preuve a été très clairement exprimé par la cour de
cassation française dans un arrêt rendu en 1990567.
Les deux décisions arbitrales obtenues font l'objet d'un recours en annulation par
Béton, et sont ultérieurement annulées par la cour d'appel qui, statuant aussi au
566
C.A, Paris, 25 juin 2013, RG n° 12/01461, in : MOTTE-SURANITI (D), L’exequatur des sentences
arbitrales, disponible sur: http://www.motte-suraniti-avocat.com/fr/exequatur-french-lawyer-
avocat-francais/exequatur-sentences-arbitrales, consulté le 27/01/2015.
567
C’est ce qui ressort de l’arrêt rendu dans l’affaire opposant société chantiers Modernes à la société
Bétons chantiers par : Cass.civ, 2ème ch, 28/02/1990, bull.civ.II, n° 24.
187
fond, condamne la société Chantiers modernes au paiement des sommes dues à la
société Béton. La cour de cassation confirme l'arrêt de la cour d'appel. La cour note
que la non-conformité du béton n'était pas établie et que c'était à la société Chantiers
modernes de faire constater en temps utile la non-conformité alléguée 568.
568
La cour de cassation s'exprime ainsi : « les dispositions de l’article 9 du nouveau code de procédure
civile en vertu desquelles il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires en succès de sa
prétention sont, selon l’article 1460, alinéa 2, du même code, toujours applicables à l’instance arbitrale
même si l’arbitre statue comme amiable compositeur ». Soulignons seulement à cet égard qu’après la
réforme apportée au droit de l’arbitrage français par le biais du décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011,
les dispositions de l’article 1460 de l’ancien code de procédure civil français ont été contenues dans
l’article 1464 du NCPC modifié par le décret suscité. En effet les deux premiers alinéas de l’article 1464
prévoient que : « A moins que les parties n'en soient convenues autrement, le tribunal arbitral
détermine la procédure arbitrale sans être tenu de suivre les règles établies pour les tribunaux
étatiques. Toutefois, sont toujours applicables les principes directeurs du procès énoncés aux articles 4
à 10, au premier alinéa de l'article 11, aux deuxième et troisième alinéas de l'article 12 et aux articles 13
à 21,23 et 23-1 ».
569
PELLERIN (J), observations sous l’arrêt : société Chantiers modernes. c .société Bétons chantiers,
Rev.arb, 1991, pp.649-650.
570
Il s’agit d’un principe contenu dans l'article 1315 du code civil, issu d'une expression latine, en vertu
duquel la charge de la preuve incombe au demandeur.
C'est en effet une règle traditionnelle que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver
et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le fait qui a produit l'extinction de son
obligation.
188
2- Les droits de la défense : condition dont le contenu est varié
Outre qu’il soit considéré le plus souvent comme traduisant une exigence
élémentaire de justice procédurale, le principe du contradictoire 573 peut également
être retenu au titre du grief tiré de la violation de l’ordre public en cas de son
inobservation ; ce qui a pour conséquence de permettre au juge de le soulever
d’office574.
571
En employant l’expression « droits de la défense » à l’article 327-49/4 de la loi 08-05, le législateur
marocain aurait utilisé une formulation générale qui englobe aussi bien le principe de contradiction
prévu par le droit français à l’article 1492/4 du NCPC français tel qu’il a été modifié par le décret de
2011, que le principe prévu à l’article V, paragraphe 1, b, de la convention de New-York de 1958
exprimé en les termes suivants : « que la partie contre laquelle la sentence est invoquée n’a pas
suffisamment informée de la désignation de l’arbitre ou de la procédure d’arbitrage, ou qu’il lui a été
impossible, pour une autre raison, de faire valoir ses moyens ».
572
Etant donné l’existence d’une corrélation entre les droits de la défense et l’égalité des parties. Pour
plus de développements sur ce sujet voir : الطبعة، دار النهضة العربية،1994 لسنة27 التحكيم طبقا للقانون رقم،أحمد صاوي
203 ص،س. م،؛ عبد الكبير العلوي الصوصي118 ص،الثانية.
573
Le respect du principe du contradictoire se traduit par le devoir de l'arbitre de mettre les parties en
position de connaissance des demandes de l'autre partie et d'y répondre adéquatement.
Voir : KESSEDJIAN (C), Le principe de la contradiction et l'arbitrage, Rev.arb, 1995, pp.381-410 ;
GUINCHARD (S), l'arbitrage el le respect du principe du contradictoire (à propos de quelques
décisions rendues en 1996, Rev.arb, 1997, pp.185-198.
574
ARCANGELI (V), op.cit, p.177.
189
qu’elles aient choisi d’utiliser cette possibilité ou au contraire de faire défaut ou de
s’abstenir partiellement575.
575
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.1002.
576
ARCANGELI (V), op.cit, p.182.
577
Il faut noter ici, que la convention de New-York de 1958 sanctionne la violation du contradictoire en
elle-même, sans subordonner le refus de reconnaissance ou d’exécution à la constatation que la
violation du contradictoire a fait grief à la partie qui l’invoque. A elle seule, l’irrégularité est
suffisamment importante pour justifier ce résultat sans que la partie qui en a été victime se voie
imposer la charge supplémentaire de la preuve d’un grief. Voir à ce sujet : FOUCHARD (Ph),
GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.1002.
190
licenciement du réseau, ne s’inscrit pas dans le cadre de la notion juridique ci-
dessus, mais liée au fond qui a été tranché en sa présence… »578.
Par ailleurs, il n'est pas suffisant que la sentence ait été rendue par défaut 579
pour refuser de la reconnaître : « La sentence rendue par défaut n'est pas contraire à
l'ordre public international, si le défendeur a été dûment informé du déroulement de
la procédure arbitrale et n'a pas été dans l'impossibilité matérielle de se faire
représenter devant le tribunal arbitral siégeant à l’étranger »580.
De même, le principe du contradictoire n'est pas violé du fait que les arbitres
aient choisi de délibérer en secret581 ; ou encore lorsque les arbitres ont refusé de
prolonger certains délais582.
578
T.C, Casablanca, n° 2505, Ordonnance rendue le 27/10/2010, RG n° 1789/1/2010, inédit. C’est ce
qu’a pu affirmer le même président lorsqu’il a jugé que : « concernant l’exception de non respect des
droits de la défense : attendu que les défendeurs ont invoqué le moyen selon lequel la demanderesse
n’a pas produit la preuve de sa notification, ce qui a fait que la sentence arbitrale avait contredit les
conditions prévues à l’article 23 de l’accord de coopération indiquée. … et en revenant à la sentence
arbitrale, il en ressort que les défendeurs étaient présents et représentés par leur représentant et que le
deuxième défendeur a, même, présenté une demande reconventionnelle et par conséquent, ce qui
invoque comme violation des droits de la défense, est considéré comme étant infondé ». Ordonnance
n° 2284, rendue le 06/10/2010, RG n° 1723/1/210, inédit.
579
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.757.
580
Dovert et Tabordeau c. Confex, Paris, 1ère ch. supp., 7 février 1991, Rev.arb, 1992, p.634, note
Pellerin.
581
Société Hostin armes blanches. c .société sport, Paris, 1èrech, 10/02/1984, Rev.arb, 1985, p.176, obs.
Bernard.
582
US District court, SDNY, 21/12/ 1992, Yearbook, 1994, p.791.
191
l’identité des arbitres ayant statué sur le différend, dans une affaire ou certains
documents ont été soumis au tribunal arbitral et non à l’autre partie583, dans une
affaire ou le défendeur n’a pas pu commenter le rapport de l’expert nommé par le
tribunal584, ou dans une affaire ou le tribunal arbitral a reproché à une partie d’avoir
suivi une méthode de présentation des preuves qu’il avait lui-même suggérée 585.
583
Cour d’appel de Cologne, 10/06/ 1976, Yearbook, 1979, p.258.
584
C.A, Amsterdam, 16 juillet, 1992, Yearbook, 1994, p.708.
585
Cour suprême de Hong-Kong, 15 janvier, 1993, Yearbook, 1994, p.664.
586
C.A.com, Casablanca, 22/07/2014, n° 4049/2014, RG n° 04/13/2014, disponible sur :
http://mahkamaty.com, consulté le 24/10/2014.
587
T.C, Rabat, Ordonnance n° 323, rendue le 06/03/2013, RG n° 1256/3/2012, in : ibidem.
588
Sent.CCI, 21/05/2012, in :ibidem
589
Voir: C.A.com, Casablanca, 22/07/2014,…, ibidem.
192
Le cas d'espèce concernait un arbitrage multipartite591. Le différend surgissait
d'un accord de consortium horizontal592 entre trois sociétés (BKMI, Siemens et
Dutco). L'accord contenait une clause d'arbitrage liant les trois parties au différend.
Le tribunal arbitral ainsi constitué décida, par une sentence interlocutoire, que
la procédure arbitrale était régulièrement instituée et que l'arbitrage pouvait avoir
590
BKMII Industriean Lagen GmbH c. sociéri Dutco Construction Co (Pvt), Cass.civ, 1ère ch, 7/01/1992,
Clunet, 1992, p.707.
591
On appelle multipartite l'arbitrage qui oppose plusieurs parties.
592
Un rapport horizontal existe entre les membres d'un consortium qui ont tous signé un seul et même
contrat. Il se différencie d'un rapport vertical qui, liant lui aussi plusieurs parties, découle pourtant
d'une pluralité de contrats distincts ou de chaines de contrats.
593
BKMI Industriean Lagen GmbH c. sociéri Dutco Construction Co (Pvt), précité, Ibid.
193
lieu sous la forme d'une procédure multipartite. Cette sentence interlocutoire fut
confirmée par la cour d'appel594 de Paris saisie d'un recours en annulation.
194
principe de l'égalité des parties dans le déroulement du procès. Mais il faut aussi
admettre qu'en l'espèce, on est effectivement parvenu à reconnaître à une partie,
individuellement, une faculté (la faculté de choisir l'arbitre) qui a été niée aux autres.
L'arrêt qui a cassé la décision de la cour d'appel a donc établi que le respect
du principe d'égalité des parties n'est pas limité au déroulement du procès, mais qu'il
régit l'entière procédure, y compris la constitution du tribunal arbitral lui-même.
Mais il nous semble que la question ainsi posée ne réfléchit pas vraiment le
problème. Si la formulation de l'arrêt est peut-être malheureuse, sa signification est
cependant très claire, dans la mesure où l'on part de l'idée que ce n'est pas le principe
d'égalité qui fait l'objet de la renonciation mais seulement la faculté des parties de
désigner des arbitres. Cette décision n'implique pas que dans un arbitrage
multipartite chaque partie doive forcément choisir un arbitre, mais que toutes les
parties doivent pouvoir utiliser cette faculté de manière égale.
595
JARROSSON (Ch), note sous l'arrêt BKMI Industriean Lagen GmbH c. sociéri Dutco Construction
Co (Pvt), Clunet, 1992, p.733 : « Il y a selon nous une contradiction entre la découverte d'un principe
fondamental qui tient à la notion même de justice et la reconnaissance de la faculté d'y déroger. De
deux choses l'une en effet : ou bien il existe un principe fondamental d'égalité des parties, et ce
principe a un caractère d'ordre public qui n'est pas seulement de protection, car au-delà de tel ou tel
justiciable, il concerne la justice toute entière, et alors on ne peut jamais y renoncer sous peine de le
ruiner, ou bien il ne s'agit que d'un droit dont les parties peuvent disposer et alors importe peu
qu'elles y aient renoncé avant ou après la naissance du différend ».
195
C'est précisément le principe d'égalité qui exige que l'on puisse renoncer à
cette faculté uniquement après la naissance du litige, parce que seule la naissance du
litige permet aux parties de se rendre compte de leur propre position par rapport aux
autres parties.
596
Commune urbaine de Casablanca c. Société Degrémont., Cass. civ., 1ère ch, 15/06/1994,
Rev.cr.dr.int.pr, 1994, p.680, obs.Cohen, in : Société Dubois et vanderwalle c. sté Boots Frites BV, Paris,
1ère ch. civ., 22/09/1995, Rev. Arb, 1996, p.100, note Gaillard.
597
Sur les inconvénients des délais impératifs, voir : REDFERN (A) et HUNTER (M), Droit et pratique
de l’arbitrage commercial international, op.cit, p.319 ; ainsi que :
315 ص،1998 ، دار المعارف، الجزء الثاني، التحكيم التجاري الدولي، عبد الحميد األحدب.
Celui-ci estime que « si la fixation des délais exprime la volonté des parties de trancher promptement
le litige, elle pourrait avoir un effet inverse dans l’arbitrage commercial international ». Il ajoute que
« si dans l’arbitrage interne, on trouve un grand nombre de petites affaires et non compliquées,
l’arbitrage international concerne souvent les affaires les plus sérieuses ; et devant de cours délais, les
arbitres pourraient êtres obligés de rendre une sentence arbitrale qui n’aurait pas une grande chance
d’être exécutée ». C’est la raison pour laquelle certains contrats internationaux évitent de fixer un délai
pour la mission des arbitres et se suffisent d’exprimer le désir des parties « de rendre la sentence
arbitrale dans un délai raisonnable ».
196
b- Principes confirmés par la jurisprudence comme étant d'ordre public interne
Parmi les règles dont la nature d'ordre public simplement interne semble
avoir été établie par la jurisprudence, on trouve les règles qui posent un délai (1) et
les règles relatives à la motivation de la sentence arbitrale (2), sur lesquelles nous
nous arrêterons dans ce qui suit.
Si la sentence arbitrale n'est pas rendue dans le délai visé à l'alinéa ci-dessus,
toute partie à l'arbitrage peut demander au président de la juridiction compétente de
mettre fin à la procédure d'arbitrage par ordonnance. Chacune des parties peut alors
saisir le tribunal initialement compétent pour connaître du litige »598.
598
Notons que le législateur marocain a associé, dans cet article, deux dispositions contradictoires.
D’une part, il a permis à chacune des parties, en cas d’expiration du délai d’arbitrage sans que la
sentence soit rendue, de demander au président de la juridiction compétente d’ordonner la
prorogation du délai. D’autre part le même article a permis au président de la juridiction compétente,
à la demande de l’une des parties, de mettre fin à la procédure arbitrale. Quelle serait donc la solution
si l’une des parties a présenté une demande de prorogation du délai d’arbitrage, et l’autre partie, qui
lui est avérée que ses intérêts seraient mis en cause dans l’éventuelle sentence arbitrale, présente une
demande pour mettre fin à la procédure d’arbitrage.
197
De leur côté, les juridictions marocaines, en matière d’arbitrage interne,
contrôlent si les arbitres auraient respecté le délai qui leur sont imparti pour trancher
le litige. C’est ce qui découle d’une ordonnance du président du tribunal de
commerce de Casablanca qui énonce : « …et attendu que l’arbitre a tranché le litige
dans le délai qui lui est imparti en vertu du contrat d’arbitrage… »599.
Toutefois le délai, au terme duquel les arbitres devraient rendre leur sentence,
n’est pas d’ordre public. C’est ce qui ressort d’un certain nombre de décisions
judiciaires marocaines. Ainsi la cour de cassation marocaine a affirmé dans un arrêt
qu’elle avait rendue en 2005, que « et attendu que l’article 308 du CPC stipule que les
arbitres épuisent leurs attributions après trois mois de la date de leur désignation
mais, aussi bien le délai suscité que la date à partir de laquelle il est calculé ne sont
pas d’ordre public… »600.
Etant donné que le président de la juridiction compétence dispose d’un pouvoir discrétionnaire à cet
égard, il devrait être plus attentif ; du fait que l’ordonnance de mettre fin à la procédure d’arbitrage
alors que la sentence vient d’être rendue, pourrait nuire à la crédibilité de l’arbitrage. De même, le fait
de continuer dans une procédure arbitrale sans issue, serait susceptible de dilater la procédure et
dilapider le temps, ce qui nuirait aux avantages de l’arbitrage.
599
T.C, Casablanca, ordonnance n° 77, rendue le 15/01/2007, RG n° 2331/1/2006, inédit.
600
Il s’agit d’une traduction personnelle, voir le texte en arabe du, Cass.civ, 16/02/2005, n° 169, dans :
543 ص،2009 أكتوبر، العدد الرابع،مجلة التحكيم.
601
C.A, Casablanca, 23/06/1987, n° 1376, RG.com n° 481/87, in :
76 ص،س. م، شرح قانون المسطرة المدنية والتنظيم القضائي،عبد العزيز توفيق.
198
C’est ce qui a été prévu explicitement par la jurisprudence française. Ainsi, Dans
un arrêt rendu en 1994, la cour de cassation française s'est exprimée de la façon
suivante : « la loi française n’exige pas, en matière internationale, que les pouvoirs
des arbitres soient enfermés, à défaut de délai conventionnel, dans un délai légal »602.
Mais la justice ne serait pas nécessairement mieux servie par le refus d'exécution
de la sentence qui a été rendue après un délai déraisonnable. Notons d'ailleurs que
602
Arrêt rendu dans l’affaire : société nigérienne des produits pétroliers (Sonidep) c. Société Signoil
ressouces. NV, par : Cass.civ, 1ère ch, 15/06/1994, in : COHEN (D), observations sous l’arrêt
communauté urbaine de Casablanca c. Société Degrémont, Rev.cr.int.pr, 1994, p 686.
603
REDFERN (A) et HUNTER (M), op.cit, p.317.
604
Voir, par exemple, l'article 6/1 de la convention européenne des droits de l'Homme :
« Toute personne a droit a ce que sa cause soit entendue équitablement publiquement el dans un délai
raisonnable par un tribunal indépendant et impartial… »
Sur les liens possibles entre l'arbitrage et cette convention, voir JARROSSON (Ch), l'arbitrage et la
convention européenne des droits de l'Homme, Rev.arb, 1989, pp.573-607.
605
COHEN (D), observations sous l’arrêt communauté urbaine de Casablanca c. Société Degrémont,
op.cit, note 280, p.687.
199
l'article 14 de la loi-type prévoit que, lorsque l'arbitre « ne s’acquitte pas de ses
fonctions dans un délai raisonnable », les parties peuvent s'accorder pour mettre fin a
l'arbitrage. En cas contraire, « l’une ou l’autre partie peut prier le tribunal ou autre
autorité visé à l’article 6 (notamment toute autorité chargée de certaines fonctions
d'assistance et de contrôle dans le cadre de l'arbitrage) de prendre une décision, qui
ne sera pas susceptible de recours, sur la cessation du mandat ».
Étant donné que les parties ont les moyens de mettre fin au mandat de l'arbitre
et qu'elles ne sont donc pas obligées de se soumettre indéfiniment à des délais
déraisonnables, il nous semble assez logique que les règles relatives au délai soient
considérées d'ordre public simplement interne, pour ne pas dire qu’elles ne sont pas
entièrement d’ordre public.
200
moyen nécessaire dans le contrôle du tribunal sur d'éventuelles violations des droits
de la défense par l'arbitre608.
La sentence rendue sans motifs sera donc reconnue, à condition que la loi 610
applicable à la procédure arbitrale n'exige pas de motivation, ou qu'elle n'ait été
prévue par les parties611.
2 que «La sentence arbitrale doit être motivée, à moins que les deux parties à l’arbitrage n’en soient
convenu autrement ou que la loi applicable à la procédure arbitrale n’exige pas de mentionner les
motifs de la décision».
Avec des termes similaires, l’article 31 de la loi type de la CNUDCI dispose : « La sentence est
motivée, sauf si les parties sont convenues que tel ne doit pas être le cas ou s’il s’agit d’une sentence
rendue par accord des parties conformément à l’article 30 ».
608
C’est à juste titre que la cour d’appel du Caire a pu affirmer que : « étant donné que la finalité
principale de la motivation des jugements de façon générale est de garantir le contrôle sur l’œuvre du
juge et de s’assurer de son assimilation suffisante des faits de l’espèce, la défense des parties et mettre
le point sur les motifs de la décision rendue par la juridiction à son égard, il n’y ait aucune
contestation quant à l’obligation de motivation des sentences arbitrales (…). Et étant donné cela, la
sentence arbitrale devrait comporter les motifs démontrant les sources de preuves sur la base desquels
la juridiction a constitué sa religion (…), et pour ce, le fait qu’une sentence ne comporte pas les motifs
constitue un vice formel menant à sa nullité, et il en est de même si la motivation serait erronée,
fautive, vicieuse, ambigüe ou générale ». Il s’agit d’une traduction personnelle de l’arrêt de la cour
d’appel du Caire, n° 47, année judiciaire 119, du 29/6/2003. Pour voir la version arabe et originelle de
cette décision, consulter :
ص،2004 ، يوليوز7 عدد، مجلة التحكيم العربي، المستحدث من قضاء محكمة االستئناف القاهرة في مسائل التحكيم التجاري،برهان أمر هللا
172.
609
C.A, Paris, 1ère ch, 22/01/1988, Rev.arb, 1989, p.251, note Derains ; voir également : Cass.civ, 1ère
ch, 19/03/1980, Rev.arb, 1980, p.496, note Mezger.
610
Voir l’arrêt rendu dans l’affaire opposant la société Total Chine aux sociétés E.M.H et G.S.C, par la
cour d’appel de Paris le 28/06/1984, Rev.arb, 1989, p 328, note Pellerin.
611
Commune urbaine de Casablanca c. Société Degrémont, précité, note 279. Dans ce cas, il ne s'agit
plus d'une violation de l'ordre public du for visant à protéger les droits de la défense, mais plutôt de la
201
Notons que cette tendance à reconnaître une sentence non-motivée peut être
critiquable à la lumière des pouvoirs plus importants reconnus à l'arbitre en matière
d'ordre public et compte tenu des limites posées aux pouvoirs de contrôle du
tribunal de l'exécution, même lorsqu'il s'agit d'une violation de l'ordre public 612.
202
exemple, le prononcé d’une peine pénale ou la condamnation à exécuter un
engagement perpétuel seraient contraires en elles-mêmes à l’ordre public »615.
La question de savoir si le contrôle sur la sentence est suffisant pour garantir que
la sentence est vraiment conforme à l'ordre public peut se poser même lorsque la
sentence est motivée parce que le tribunal ne semble pas avoir le pouvoir de
« contrôler l'exactitude des motifs de la sentence »616.
Cette tendance qu’il nous avère pertinemment soutenable, a été confirmée par
un auteur marocain. Ainsi Mr Darmich souligne que « si la juridiction du contrôle ne
dispose pas du pouvoir d’apprécier les motifs sur la base desquels la sentence a été
instituée, elle contrôle, néanmoins, l’existence de ces motifs et qu’ils ne soient pas
contradictoires »619.
615
RACINE (J.B), L'arbitrage commercial international et l'ordre public, op.cit, p.544.
616
Ibidem, p.539.
617
FOUCHARD (Ph), note sous société Sermi et maître Hennion ès qual. c. société Ortec, Rev.arb, 1998,
p.562.
618
Arrêt rendu dans l’affaire opposant Société Unijet, S.A.A.A c. S.A.R.L. International Business
Relations (I.B.R), par C.A, Paris, 1ère ch. Supp, 6/05/1988, Rev.arb, 1989, note Loquin.
619
،4 االعدد، المجلة المغربية للوساطة والتحكيم، الرقابة القضائية على األحكام التحكيمية األجنبية والدولية في الدول العربية،عبد هللا درميش
6 ص،2009.
203
De la sorte, Mr Loquin note, à cet égard, que « la contrariété des motifs n’est pas
seulement une absence de motivation », mais plutôt « un vice fondamental qui
affecte la sentence ». Elle indiquerait, d'après l'auteur « l’absence de tout lien logique
entre la décision des arbitres et les raisons qui ont fondé cette décision »620.
Mr Loquin soutient que le fait que l'absence de motivation soit admise ne signifie
pas que l'arbitraire soit lui aussi admis. En effet, rien ne s'oppose à ce que la partie
intéressée démontre qu’ « une violation de l’ordre public international se dissimule
derrière l’absence de motivation ». Et donc, continue-t-il, « à fortiori, le même
contrôle s’impose lorsque la sentence est motivée, et cela malgré la possibilité de ne
pas la motiver »621.
La contrariété des motifs est donc, d'après Mr Loquin, un motif suffisant pour
refuser l’exequatur indépendamment du devoir de l'arbitre de motiver la sentence 622.
620
LOQUIN (E), note sous l’arrêt rendu dans l’affaire opposant Société Unijet, S.A.A.A c. S.A.R.L.
International Business Relations (I.B.R), Rev.arb, 1989, pp.87-96.
621
Ibidem., p.95.
622
Ibid.
623
Qu’il s’agisse aussi bien de la voie judiciaire ou arbitrale, la cour de cassation marocaine a affirmé
que la contradiction des motifs vaudrait leur inexistence.
Voir : cass.civ, n° 93, rendu le 12/2/1980, RG.fam n° 73450 ; Cass.civ, n° 36, rendu le 21/2/1978,
RG.civ n° 65793, in :
101 ص،2010 ، الطبعة الثانية، مطبعة النجاح الجديدة، كرونولوجيا االجتهاد القضائي في قانون المسطرة المدنية،الحسن البوعيسي.
624
GAILLARD (E), un revirement de jurisprudence bienvenu : l’abandon du contrôle de la
contradiction des motifs des sentences arbitrales, note sous Cass.civ, 1èrech, 11/05/1999, et C.A, Paris,
1ère ch. c, 26/10/1999, Rev.arb, 1999, p.811.
204
par le biais d’une vérification de l’absence de contradiction dans la motivation au
nom de l’ordre public international »625.
Les exemples qui précédent démontrent que seuls des comportements extrêmes
des parties ou de l'arbitre entrainent un refus de la sentence arbitrale au motif de sa
contrariété à l'ordre public. En revanche, parfois ce refus ne découle, ni d'un
comportement des parties ou de l'arbitre, ni de la non-conformité de la décision
arbitrale mais d'une violation qui concerne la seule exécution de la sentence. C’est ce
qu’on va aborder à travers le point suivant.
On peut prendre pour exemple, le cas d'une sentence arbitrale qui constate une
dette à la charge d'une partie soumise à une procédure collective.
625
DERAINS (Y), note sous l’arrêt rendu dans l’affaire opposant Sté C.F.I.P.C à la Sté Etablissements
A. Arnaud, précité : supra.
626
Cass.civ, 1ère, n° 60, 19/01/2000, RG.com n° 709/98, inédit.
205
Même si la sentence arbitrale se limite à constater la dette et qu’elle est reconnue
par les autorités de l'État de l'exécution, l’exécution elle-même sera limitée par
l'intervention des principes régissant les procédures collectives (notamment celui de
l'égalité des créanciers et celui de la suspension des poursuites individuelles).
Une telle sentence sera donc reconnue par le tribunal du for normalement
compétent pour la reconnaissance et l'exécution. Le même tribunal ne sera cependant
pas compétent pour l'exécution, cette dernière rentrant (d'après le principe de la
suspension des poursuites individuelles) dans la compétence du tribunal devant
lequel la procédure collective se déroule. La sentence reconnue constituera un titre
faisant preuve de la créance elle-même. Mais ses effets pourront être limités du point
de vue de la satisfaction du créancier ; et ce à cause précisément du principe d'égalité
des créanciers.
Les éléments à retenir sont les suivants : Le premier, qui a été clairement établi
par la jurisprudence américaine dans le cas Fotochrome627, est que, seule la sentence
reconnue constituera un titre valable pour l'admission au passif de la créance dont
elle fait preuve. Cela en raison du fait que la procédure de reconnaissance permet a
l'autre partie de contester la sentence628.
Un arrêt français nous fournit un bon exemple d'un tel refus d'exécution d'une
sentence arbitrale rendue contre la partie soumise à une procédure collective. Ainsi la
cour de cassation a, dans un arrêt rendu le 6 mai 2009, International Company For
627
Arrêt rendu dans l’affaire Fotochrome.inc.v.Copal Copany, 517.2d 512 (C.A. 2d Cir.1975), in:
ARCANGELI (V), op.cit, p.198.
628
Dans le cas Fotochrome, la cour s’est exprimée ainsi : « in order to filed a claim in chapter XI
proceeding on foreing arbitral rendred in apan in arbitration commenced before filing of petition but
completed. Afterwards, foreing creditor was required to secure judgement confirming arbitration
award, giving debtor in possession the opportunity to contest the award on grounds set out in united
nations convention on recognition and enforcement of foreing arbitral awards, and, if succeful,
creditor could then file judgement as proof as claim » . précité : supra.
206
Commercial Exchanges, refusé l’exequatur d’une sentence arbitrale rendue sous
l’égide de la Refined Sugar Association, car la sentence avait condamné une partie en
méconnaissance de la règle de la suspension des poursuites individuelles
(procédures collectives). La cour a énoncé que : « Le principe de suspension des
poursuites individuelles en matière de faillite est à la fois d'ordre public interne et
international »629.
De son côté une juridiction américaine, Dans une affaire dite Victrix630, refusa
d'exécuter une sentence arbitrale sur les biens du débiteur (Salen), soumis à une
procédure collective en Suède, aux États-unis. L'exécution de la sentence arbitrale
aurait en effet violé le principe d'ordre public international de l'égalité des créanciers
que l'ordonnance de la cour suédoise visait à protéger 631.
629
Cass.civ, 1re ch, n° 08-10.281, 6/05/2009. Disponible sur :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?
oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000020594892, consulté le 23/1/2015.
630
HUTCHINSON (S), Non-recognition of post-bankruptey arbitration, Victrix Steamship
Co.v.Salen.Dry .Cargo A.B, Int.law, 1988, pp.1183-1196.
631
La Cour a jugé que: « any distribition of Salens limited assets is likely to affect other creditors, not
parties to the proceeding, who obeyed the Swedish court’s stay and sought relief only in the
bankruptcy proceedings. By attaching salen’s assets after its declaration of bankruptcy, Victrix
attempted to secure a (captive fund). To satisfy the anticipated arbitration award,(…) we will not aid
Victrix’s efforts to evade the writ of the Swedish bankruptcy court ». Vitrix Steamship Co.v.Salem Dry
cargo AB, 825 F.2d 709 (2nd Cir.1987); Syracuse journal of International law and Commerce, 1988,
p.447; Yearbook, 1990, p.538.
207
Cette immunité peut pourtant « exceptionnellement être écartée, lorsque les
biens sur lesquels doivent porter l’exécution ont été affectés par l’Etat à une activité
économique et commerciale relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en
justice »633.
Il est vrai également que l'exécution sur les biens qui ne seront pas destinés à un
tel but, sera contraire au principe de l'immunité634.
C’est à juste titre que la cour d'appel de Paris635 l’a pu affirmer en énonçant que :
« dès lors que la société défenderesse n’établit pas que l’exécution de la sentence en
France heurte l’ordre public international en ce qu’elle est contraire à ce principe de
l’immunité ».
Cette décision ne nous avère pas soutenable, dans la mesure ou, comme l’a pu
estimer Mr Gaillard636, la cour d’appel a méconnu le sens de la convention de
Washington « en imposant au demandeur à l’exéquatur d’établir qu’il existe sur le
territoire de l’Etat ou elle est demandée, des biens non couverts par l’immunité
comme préalable à l’octroi de l’exéquatur.
632
Etat français c. Société Européenne d’études et d’entreprises (S.E.E.E), Cass.civ, 18 novembre 1986,
Clunet, 1987, p.120, note Oppetit ; Rev.cr.dr.int.pr, 1987, p.786, note Mayer ; Rev.arb, 1987, p.149, note
Dévolvé.
Voir à ce sujet : BEGUIN (J) BOURDAUX (G), MENJUCQ (M), RUIZ FABRI (H), SOREL (J.M),
SERAGLINI (Ch), LE BARS (B) et MAINGUY (D), droit du commerce international, LexisNexis, 2ème
éd, 2011, p.727.
633
Arrêt rendu dans l’affaire opposant Société E.U.R.O.D.I.F et autres à la république islamique d’Iran,
par Cass.civ, 1ère ch, 14/11/1984, Rev.cr.dr.int.pr, 1984, p.644, note Bischoff ; Clunet, 1984, p.598, note
Oppetit ; Rev.arb, 1985, p.69, note Couchez ; SYNVET (H), quelques réflexions sur l’immunité de
juridiction de l’Etat étranger, Clunet, 1985, pp.865-887.
634
JACQUET (J.M), l’Etat opérateur du commerce international, J.D.I., 1989, p.687.
635
Etat du Sénégal c. Seutin, ès-qual de liquidateur de la société S.O.A.B.I, Paris, 5décembre 1989,
Rev.arb, 1990, p.165, note Broches ; Clunet, 1990, note Gaillard.
636
GAILLARD (E), note sous l’arrêt Etat du Sénégal c. Seutin, ès-qual de liquidateur de la société
S.O.A.B.I, précité, note 312.
208
sentence même, qui rendent l'exécution impossible, même si certains biens du
débiteur existent dans la juridiction où l'exécution a été demandée.
Lorsque l'une des parties à l'arbitrage est un État, l'impasse pourra être évitée en
indiquant, si possible spécifiquement, les biens de l'État (qui sont utilisés dans le
contexte d'une activité économique et commerciale relevant du droit privé) sur
lesquels la partie qui demande l'exécution entend satisfaire ses droits découlant de la
sentence arbitrale. Ce qui, en pratique, n'est pas toujours facile637.
637
REDFERN (A) et HUNTER (M), droit et pratique de l’arbitrage commercial international, op.cit,
p.348.
638
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.976.
209
au regard de l'ordre public international639 ou, même, réellement international640,
c'est-à-dire un ordre public dégagé de la comparaison des exigences fondamentales
de divers droits étatiques et du droit international public notamment.
Cela veut dire par conséquent que le juge de l'Etat d'accueil de la sentence
apprécie lui-même la conformité de la sentence à l'ordre public non uniquement
selon les critères du for641, mais également, conformément aux valeurs partagées par
la communauté internationale642.
Cela dit, la tâche du juge étatique serait assez délicate dans la mesure où il
serait amené à puiser la notion de l’ordre public à respecter dans plusieurs ordres
juridiques. D’où la pertinence de soutenir la solution donnée par certains auteurs de
la doctrine643 arbitrale en désignant par ordre public international, l’assouplissement
du contenu de l’ordre public lorsqu’il s’agit d’une relation internationale privé.
Seulement nous pouvons souligner à cet égard, que l’ordre public dans
l’application, aussi bien de la convention de New-York de 1958 en son article V-2.b,
que du CPC à l’article 327-46, par le juge marocain doit être interprété étroitement et
que l’exécution des sentences arbitrales ne doit être refusée que si l’exécution risque
de heurter la conception fondamentale de droit, de justice et de moralité 644.
639
LOUSSOUARN (Y) et BOUREL (P), Droit international privé, 9ème édition, Dalloz, 2007, p.143.
640
LALIVE (P), ordre public transnational (ou réellement international) et arbitrage international,
Rev.arb, 1986, p.329.
641
RACINE (J.B), op.cit, p.563.
642
Dans la mesure où l’ordre juridique du for n’a pas à imposer ses conceptions aux rapports moraux,
sociaux et économiques à l’ensemble du monde.
Voir à ce sujet : 36 ص،س. م، التحكيم الدولي،عبد الحميد األحدب.
643
HOCINE (F), l’influence de l’accueil de la sentence arbitrale par le juge algérien sur l’efficacité de
l’arbitrage commercial international, op.cit, p.218 ; ، النظرية العامة في القانون القضائي الخاص الدولي،حفيظة السيد الحداد
، لبنان، بيروت، منشورات الحلبي الحقوقية، الطبعة األولى، االختصاص القضائي الدولي وتنفيذـ األحكام األجنبية وأحكام التحكيم:الكتاب الثاني
464 ص،2007.
644
En s’inspirant notamment de l’arrêt rendu par la cour de district de New-York dans l’affaire
« Parsons & Whitlmore Overseas co., Inc.C/. Société générale de l’industrie du Papier (RAKATA), qui
énonce que « la convention de New-York penche généralement en faveur de l’exécution et que
l’exécution des sentences arbitrales étrangère ne devrait refusée « que si l’exécution risquerait de
heurter la conception fondamentale que l’Etat du for se fait de la justice et de la moralité ».
210
B- Caractère manifeste de l’ordre public
Pour la deuxième conséquence, l'application abstraite d'une loi de police qui est
contraire à l'ordre public ne conduit pas automatiquement à la sanction du refus de
son exécution. Il faut, pour constater la contrariété de la sentence à l'ordre public, que
Voir : REDFERN (A) et HUNTER (M), Droit et pratique de l’arbitrage commercial international, op.cit,
p.377.
645
Paris, 18 novembre 2004, SA Thalès Air Défense c/. GIE Euromissile, JCPG, n° 2, 2005, p.10038, note
Chabot ; JDI, 2005, p.357, note Mourre, Revue Lamy Concurrence, février/avril
2005, p.68, note Barbier de la Serre et Nourissat ; RTD com, 2005, p.263, note Loquin; JCPG, n°1, 2005,
134, obs Seraglini et « L’affaire Thalès et le non-usage immodéré de l’exception d’ordre public (ou les
dérèglements de la dérèglementation) », cahier de l’arbitrage, vol. III, p.86; DE LEYSSAC (C.L),
arbitrage et concurrence : retour sur Ecoswiss, Revue concurrences, n°1, 2005, p.1.
646
DI BROZOLO (L.R), L'illicéité qui crève les yeux : critère de contrôle des sentences au regard de
l'ordre public international (à propos de l'arrêt Thalès de la Cour d'appel de Paris), Rev.arb, 2005,
p.535.
647
RACINE (J.B), op.cit, p.527.
648
DI BROZOLO (L.R), op.cit, p.543.
211
le résultat de l'application de cette loi soit intolérable649. Ainsi, la thèse néo-étatique
ou maximaliste est critiquable, la thèse à retenir est celle minimaliste du contrôle des
sentences650.
La solution donnée par la cour d’appel française, dans l’arrêt « Thalès », a été
confirmée plus tard par la cour de cassation française dans un arrêt rendu le 9 mars
2011, dans une affaire opposant société chantiers de l'atlantique et société gaz
transport et tecnigaz. Ainsi ledit arrêt énonce que le contrôle de la compatibilité
d'une sentence arbitrale avec l'ordre public international se limite au caractère
« flagrant, effectif et concret de la violation allégué »653.
649
RACINE (J.B), Ibid.
650
DI BROZOLO (L.R), op.cit, p,558.
651
Ibid.
652
Ibid, p.50.
653
Cass.civ, 1re ch, n° 2011-20, 9/03/2011, Rev.arb, 2011, pp.3-4.
654
CADIET (L), code de procédure civil, 19ème édition, Litec, Paris, 2006, pp. 808- 809.
212
En ce sens, Il peut arriver qu’une sentence conforme à la conception
marocaine de l’ordre public au moment ou elle est rendue soit, au moment où elle est
présentée en vue de l’obtention de la reconnaissance et l’exéquatur, considérée
comme contraire à l’ordre public.
Toutefois, cela ne doit pas aller jusqu’à admettre le fait que des faits postérieurs
au prononcé de la sentence doivent être pris en compte dans l’appréciation de sa
conformité à l’ordre public656.
Il s’avère, qu’en dépit des réformes apportées aux différents ordres juridiques
nationaux d’arbitrage puisées essentiellement des conventions internationales, des
apports doctrinaux, et des diverses jurisprudences à travers le monde, la procédure
de reconnaissance et d’exéquatur des sentences arbitrales internationales connaît
encore certaines difficultés, affectant ainsi les objectifs escomptés, en l’occurrence
l’instauration de l’équilibre entre la consécration de l’autonomie de l’arbitrage, la
circulation assouplie des sentences arbitrales dans le monde et l’encouragement des
investissements internationaux d’une part, et la réaffirmation de la souveraineté des
655
C.A, Versailles, 2/10/1989, Rev.arb, 1990, p.115, note Idot.
656
Cass.civ, 1re ch, 2/6/1987, Rev.arb, 1987, p.283.
213
Etats, le respect de l’Ethique des affaires et la préservation des droits des personnes
d’autre part.
Ensuite, le fait d’exiger, par le législateur marocain que la traduction aussi bien de
la sentence que de la convention ou de leurs copies soit certifiée nécessairement par
un traducteur agrégé près des juridictions, est de nature à faire retarder la procédure
d’exéquatur657, tenant compte la valeur de la dimension temporelle dans les affaires
internationales dont le temps a un coup très important.
Les cas d'intervention de l'ordre public lors du contrôle sur la sentence arbitrale
sont peu nombreux. Le tribunal étatique refusera d’homologuer une sentence, de la
reconnaître et d'en ordonner l'exécution, si elle n'est pas conforme a l'ordre public au
sens international du for, du point de vue de son contenu (parce qu'elle consacre un
comportement illicite des parties ou à cause du défaut de l'arbitre de sanctionner
l'illicéité du contrat, soulevée par une partie, par exemple) ou si les principes de
procédure considérés d'ordre public international n'ont pas été respectés par les
arbitres (par exemple, le principe du contradictoire).
657
Contrairement à ce qui a été prévu par le législateur français en vertu de la dernière réforme qu’il a
introduit au droit français de l’arbitrage, en n’exigeant pas au demandeur d’exéquatur la production
d’une traduction certifiée par un traducteur agrégé près des juridictions sauf dans le cas ou cela lui a
été demandé. Voir l’article 1515 du NCPC français.
214
Parfois même, une sentence conforme à l'ordre public pourra ne pas être
exécutée si c'est l'exécution elle-même qui viole les standards locaux (par exemple.
lorsque les biens du débiteur font partie de l'actif d'une procédure collective). De
toute façon, seule la violation des principes fondamentaux reconnus par la plus
grande partie des États est susceptible de justifier le refus de reconnaître et exécuter
une sentence arbitrale internationale.
Enfin, l'intervention de l'ordre public au sens international est aussi limitée par la
tendance, suivie par les cours étatiques, a abandonner l’approche purement formelle,
qui se traduisait par un examen dans l'abstrait de la violation, en faveur d'un examen
concret de la violation de l'ordre public.
En principe, les faits de chaque espèce ne seront donc pas réexaminés pour
vérifier si leur qualification par L'arbitre est exacte. Le tribunal acceptera les
conclusions de l'arbitre quant aux faits. Seules les conséquences juridiques de ce que
l'arbitre a constaté, seront réexaminées. Cela est, d'ailleurs, d'autant plus difficile que
l'arbitre n'est pas obligé de motiver sa sentence et que, de toute façon, la motivation
ne doit pas nécessairement être convaincante ou bien fondée.
215
Partie II :
216
Lorsqu’une décision rendue par le juge d’exéquatur, il y a toujours une partie
contente et l’autre mécontente ; elle confirme ou infirme la sentence arbitrale
invoquée par l’une au détriment de l’autre. Ce qui, à l’évidence, amène la partie
n’ayant pas été satisfaite de la décision rendue par le juge d’exéquatur à la
contester659. L’outil juridique disponible en ce sens, n’est que l’exercice de l’une des
voies de recours prévues par la loi.
659
RAHAL (A), l’exécution des sentences arbitrales dans les pays du Moyen-Orient, op.cit, p.154.
217
à en renforcer la procédure d’exéquatur660 et promouvoir, par voie de conséquence,
l’arbitrage international.
Dans cette optique, les recours pouvant, ainsi, être intentés à l’encontre des
décisions prononcées par le juge saisi à connaître des demandes de reconnaissance
ou d’exécution sont prévus par les divers ordres juridiques étatiques 662 relatifs à
l’arbitrage international663. Ils diffèrent selon le refus ou l’acceptation de ladite
demande ainsi que le type de la sentence 664.
660
DE BOISSESON (M), Le droit français de l'arbitrage - Interne et international, 2ème éd, Joly, Paris,
1990, p.814.
661
HOCINE (F), l’influence de l’accueil de la sentence arbitrale par le juge algérien sur l’efficacité de
l’arbitrage commercial international, op.cit, p.223.
662
Du fait que la convention de New-York n’a pas prévu une disposition régissant les voies de recours
ni contre les sentences arbitrales ni à l’encontre des ordonnances rendues par le juge de l’exéquatur.
Cependant il faut noter que la loi type de la CNUCI a, dans le but de l’harmonisation du droit de
l’arbitrage international et notamment la phase post-arbitrale, énuméré à l’article 34, les griefs ouvrant
recours en annulation des sentences arbitrales.
663
Dans ce contexte, il faut excepter l’arbitrage du CIRDI, lequel échappe à toute emprise du droit
national, étant régi exclusivement par la convention de Washington et prévoyant un recours en
annulation devant un comité ad hoc propre au mécanisme CIRDI.
Voir pour ce sujet, les développements relatifs au mécanisme d’exéquatur et d’annulation des
sentences rendues dans le cadre de l’arbitrage CIRDI, au chapitre préliminaire ci-dessus.
664
KAUFMAN-KHOLER (G), Les voies de recours contre les sentences arbitrales, colloque organisé
par le ministère de la justice et la C.G.E.M en collaboration avec la cour de cassation sous thème :
l’arbitrage commercial interne et international, le 3 et 4 Mars 2004, Série des cahiers de la cour de
cassation, n°6, 2005, p.163.
218
En droit marocain de l’arbitrage international contenu dans le CPC 665, les
dispositions régissant ces voies de recours sont prévues aux articles de 327- 48 à
l’article 327-54. En effet l’article 327-48 du CPC dispose : « L'ordonnance qui refuse la
reconnaissance ou l'exécution est susceptible d'appel ». Cette disposition demeure
applicable aussi bien aux sentences arbitrales internationales rendues à l’étranger
qu’aux celles rendues au Maroc en matière internationale.
« 1. le tribunal arbitral a statué sans convention d'arbitrage ou sur convention nulle
ou après expiration du délai d'arbitrage ; 2. le tribunal arbitral a été irrégulièrement
composé ou l'arbitre unique irrégulièrement désigné ; 3. le tribunal arbitral a statué
sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée ; 4. lorsque les droits de la
défense n'ont pas été respectés ; 5. la reconnaissance ou l'exécution sont contraires à
l'ordre public international ou national. »
665
Aux articles de 327-39 à 327-54.
219
considération en ce qui concerne les motifs sur la base desquels, ces voies pourraient
être exercées du fait du défaut de renvoie à l’article 327-48, en ce qui leur concerne.
Chapitre 1 :
220
Ceci dit, les recours des ordonnances accordant ou refusant l’exéquatur des
sentences arbitrales internationales étaient régis par les dispositions applicables à
l’arbitrage interne. Et à ce titre, ces ordonnances étaient susceptibles d’appel.
Cette tendance s’est réaffirmée par le législateur marocain en vertu de la loi 08-
05, aux articles 327-48 et 327-49 du CPC, selon lesquels, le recours en appel est ouvert
dans deux situations. La première est celle commune à toutes les sentences arbitrales
internationales, qu’elles soient rendues au Maroc ou à l’étranger. C’est l’appel de la
décision refusant la reconnaissance ou l’exécution (Section 1). Certes, cette possibilité
constitue une garantie procédurale tendant à favoriser davantage l’exéquatur des
sentences arbitrales internationales dans la mesure où le requérant de l’exéquatur,
qui n’est pas satisfait de la décision du juge compétent, aurait une seconde chance de
saisir la juridiction compétente dans l’Etat ou la reconnaissance et l’exécution sont
requises, afin de la réformer. En revanche, le régime juridique qui organise ce
contentieux souffre de certaines lacunes devant être comblées afin de réaliser les
objectifs qui lui sont escomptés. La seconde situation est celle propre, généralement,
aux sentences étrangères tenant compte la vague des réformes continues des lois
Etatiques sur l’arbitrage. Il s’agit de l’appel de la décision accordant l’exéquatur
(Section 2).
Etant prévue par les différents ordres juridiques étatiques, cette voie de recours
présente une difficulté relative à l’absence d’une énumération des motifs sur le
fondement desquels la juridiction compétente devrait effectuer son contrôle, ou du
moins d’un renvoi aux cas définis à l’article 327-49 du CPC (§1). Certes, cette carence
est partagée par l’ensemble des droits nationaux, ces derniers se distinguent,
666
NDIAYE (P), arbitrage en ligne et les litiges du commerce électronique, op.cit, p.87.
221
toutefois, par certaines nuances dont l’étude revêt une importance qui n’est pas des
moindres (§2).
Il faut souligner d’emblée qu’il se pose à cet égard, une question délicate. Il
s’agit en effet, de savoir si la cour d’appel, lorsqu’elle est saisie d’un tel recours, est ce
qu’elle devrait limiter son examen aux deux éléments du contrôle exercé par le juge
de l’exéquatur et sur le fondement desquels celui-ci aurait refusé l’exéquatur : à
savoir l’inexistence de la sentence ou sa contrariété à l’ordre public international ; ou,
si elle devrait, à l’issue d’un débat contradictoire, exercer un plein contrôle de la
sentence, le conduisant à ne pouvoir réformer, le cas échéant, la décision entreprise
qu’après avoir vérifié qu’aucun des six cas de refus d’exéquatur visés à l'article 327-
49 du CPC n'a été rempli ?
La législation marocaine se distingue par le fait qu’il ait prévu un cours délai
pour exercer ce recours(A) ; or celle française se distingue par l’assouplissement du
formalisme relatif à la notification de la décision refusant l’exéquatur (B).
667
En l’occurrence la cour d’appel.
668
GUYON (Y), droit des affaires, Tome 1, droit commercial général des sociétés, Economica, Paris,
8ème
éd, 1994, p.79 ; GAILLARD (E), arbitrage commercial international, JCL, proc, civ, Fasc, 1072, n°23
et s.
222
A- Législation marocaine : promptitude dans l’exercice
L'article 1057 CPCA algérien précise que l'appel est porté devant la cour d'appel
dont relève le juge qui a rendu la décision d'exequatur, dans un délai d'un mois à
compter de la signification de la décision du juge.
Etant donné le caractère strict qui s'attache à toutes les voies de recours en
matière d'arbitrage, et particulièrement international, il ne pourrait être question qu'à
l'occasion d'un pareil recours, soient examinés simultanément, même avec l'accord
des parties, les recours susceptibles d'être ouverts contre la même sentence, aux titres
des articles 1065 et 1058 CPCA.
669
ZAHER (Kh), le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international, op.cit, p.87.
670
Par des termes identiques l’article 1055 du CPCA algérien dispose : « l’ordonnance qui refuse la
reconnaissance ou l’exécution est susceptibles d’appel».
671
،2001، 44 العدد، المجلة المغربية لقانون واقتصاد التنمية، التحكيم البحري بين مصداقية القضاء الخاص وضعف قضاء الدولة،فريد الحاتمي
52ص.
223
président de la juridiction » ayant ordonné le refus. C’est ce qui résulte de l’article
327-50 du CPC.
C’est ce qui a été affirmée par la cour d’appel de Casablanca dans un arrêt
rendu le 26/08/2008674 infirmant, en vertu duquel, l’ordonnance du président du
tribunal de commerce de Casablanca ayant refusé une demande d’exéquatur
présentée par la société scientifique productive pour le commerce « Natane » dont le
siège social se trouve à l’Ukraine, à l’encontre de la société des anciens de l’institution
« René Presse » dont le siège sociale se situe à Casablanca.
672
Contenu dans l’article 32-50 du CPC marocain.
الصــلح: الندوة الجهوية الحادية عشر تحت عنوان، مساهمة في الذكرى الخمسينية لتأسيس المجلس األعلى، الحكم التحكيمي،ـ محمد فاضل الليلي
.303 ص،2007 نونبر2و1، قصر المؤتمرات بالعيون،والتحكيم والوسائل البديلة لحل النزاعات من خالل اجتهاد المجلس األعلى
673
ZAHER (Kh), le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international, op.cit, p.87.
674
C.A, Casablanca, n° 3875/08, rendu le 26/08/2008, RG n° 1795-2008-4, précité : supra, p.227.
224
procès, la demande de désignation de l’arbitre et l’information de la partie demandée
en appel de la date de l’audience ou l’affaire sera connue ainsi que le nom de l’arbitre
désigné, que les droits de défense ont été respectés par la sentence suscitée, qu’elle a
tranché un litige ayant fait l’objet d’une clause compromissoire, qu’elle ne comporte
aucune violation à l’ordre public marocain et que la partie demandée en appel n’a
prouvé aucun cas des cinq cas prévus (…), entraînant le refus de la demande
d’exéquatur de la sentence, ce qui fait que la demande de la partie contre laquelle
l’appel est intenté, tendant à la reconnaissance et l’exécution de la sentence arbitrale
rendue en sa faveur, serait fondée et l’ordonnance, objet du recours en appel,
refusant la demande d’exéquatur serait considérée comme non avenu et doit être
rejetée et par conséquent, la demande serait retenue ».
En effet l’Article 1523 du NCPC français stipule : « La décision qui refuse la
reconnaissance ou l'exequatur d'une sentence arbitrale internationale rendue en
675
226 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
676
Visant ainsi plus de lisibilité et de clarification du régime des voies de recours possibles dans le
cadre de la procédure d’exéquatur des sentences arbitrales internationales, comme l’ont pu souligner :
GAILLARD (E) et DE LAPASSE (P), Le nouveau droit français de l’arbitrage interne et international,
Recueil Dalloz, Etudes et commentaires/chronique, n°3, 20 janvier 2011, p.13.
225
France est susceptible d'appel », en ajoutant que « L'appel est formé dans le délai
d'un mois à compter de la signification de la décision. Dans ce cas, la cour d'appel
connaît, à la demande d'une partie, du recours en annulation à l'encontre de la
sentence à moins qu'elle ait renoncé à celui-ci ou que le délai pour l'exercer soit
expiré ».
De même, l’article 1525 du NCPC français prévoit que : « les décisions qui
statuent sur une demande de reconnaissance et d’exécution d’une sentence rendue à
l’étranger, en matière interne ou internationale, sont susceptibles d’appel sur les
même fondements que ceux de l’article 1520 de (ce code) ».
Quoiqu’il en soit, cet appel doit être formé dans un délai d’un mois à partir de
la date de la signification de la décision judiciaire refusant la reconnaissance ou
l’exécution de la sentence.
Il faut souligner ici, qu’il y ait une différence manifeste entre le droit
marocain et le droit français concernant le délai fixé pour l’exercice des recours en
général et l’appel contre la décision ordonnant le refus de l’exéquatur de la sentence
arbitrale internationale. Ainsi si le droit marocain détermine ce délai dans quinze
677
SERAGLINI (Ch), l’efficacité et l’autorité renforcées des sentences arbitrales en France après le
décret n°2011-48 du 13 janvier 2011, cahiers de l’arbitrage, n° 2, 2011, p.375
226
jours, à compter de la notification de la décision, le droit français fixe ce délai dans un
mois à partir de la signification de ladite décision
678
EL AHDAB (J) et SCHNELLER (Y), la reforme du droit français de l’arbitrage : une refonte pour
rendre Paris et le droit français toujours compétitifs, la revue des juristes, n°4, 2011, p.11 ; SERAGLINI
(Ch), l’efficacité et l’autorité renforcées des sentences arbitrales en France après le décret n°2011-48 du
13 janvier 2011, op.cit, p.375 ; JARROSSON (Ch) et PELLERIN (J), le droit français de l’arbitrage après
le décret du 13 janvier 2011, Rev.arb, n° 1, 2011, aux pp.71-73 ; FORTIER (L-Y) et BACHAND (S), La
nouvelle loi française sur l’arbitrage : vues d’Outre-Atlantique, cahiers de l’arbitrage, n°1, 2013, p.22.
227
divergent, néanmoins en termes du délai imparti à l’exercice dudit recours ainsi
qu’en termes de la juridiction compétente en la matière (§2).
Il faut noter d’emblée que Les motifs constituant l’objet du contrôle des
juridictions d’appel sont les mêmes qu’il s’agisse du recours contre les ordonnances
d’exequatur de sentences rendues aussi bien au Maroc qu’à l’étranger ou de recours
en annulation à l’encontre des sentences arbitrales rendues au Maroc en matière
internationale679.
228
Il est à noter d’après l’examen de ces cas que les lois nationales comparées ont
essayé de tenir compte de la nature hybride de l’arbitrage considéré comme étant
contractuel en raison de sa source et judiciaire en termes de ses effets.
Cette nature se répercute sur la nature même de la sentence arbitrale et, par
voie de conséquence, sur la manière de formulation des cas constituant l’objet du
contrôle judiciaire étatique ; ce qui permet d’avancer que cette situation s’est reflété
sur l’efficacité de la sentence arbitrale681. Ceci dit, ces cas s’élargissent de façon à
s’interroger sur la validité du caractère limitatif qui leur est attribué.
On se propose, donc, d’étudier ces cas en les répartissant sur deux axes. Le
premier est lié aux cas de recours en appel liés à la convention d’arbitrage (A). Le
deuxième est relatif à ceux inhérents à l’instance arbitrale (B) ; sachant que l’axe
portant sur la nature juridictionnelle de la sentence arbitrale notamment ce qui
concerne le respect de l’ordre public par l’ordonnance accordant l’exéquatur, il a été
analysé dans les développements précédents683.
3- L’ordonnance d’exécution de la sentence arbitrale est non susceptible de recours. Seul peut être
formé un recours contre l’ordonnance de refus d’exécution; ce recours est porté devant la juridiction
visée à l’article 9 de cette loi, dans le délai de 30 jours à compter de la date à laquelle cette ordonnance
a été rendue ».
681
س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي .263 ص،
682
Ibidem., p.264.
683
Voir la section 2, chapitre 1 de cette deuxième partie, pp.134-225.
229
A - Cas de recours en appel contre l’ordonnance d’exéquaturs relatifs à la
convention d’arbitrage.
684
Faut-il rappeler que la convention d'arbitrage peut être conclue soit par le moyen d'un compromis
ou par une clause compromissoire. La différence entre le compromis et la clause compromissoire est
simple. Le compromis permet aux parties de conclure une clause d'arbitrage une fois le litige initié,
alors que la clause compromissoire a été introduite par les parties dans leur contrat initial afin de leur
permettre de prévoir qu'en cas d'un litige éventuel au cours de leur relation contractuelle, il serait
soumis à l'arbitrage. La clause compromissoire est insérée dans le contrat initial mais elle peut
également exister par référence. Elle permet ainsi aux parties d'inclure dans leur contrat original un
renvoi aux dispositions d'un autre contrat qui prévoit qu'un litige éventuel sera soumis à l'arbitrage.
Voir : De SEVRES (N.K), le consentement à la convention d’arbitrage commercial international :
évolution et développement récents en droit québécois et en droit international, mémoire pour
l’obtention de master en droit des affaires, faculté de droit, université de Montréal, 2004/2005, p.10.
685
Ou de l’annuler s’il s’agit d’un recours en annulation concernant les sentences rendues au Maroc en
matière international.
686
C’est ainsi qu’un arrêt de la cour d’appel de commerce de Casablanca énonce : « et attendu le fait
que la partie demandée en appel ait fait valoir de l'inexistence de la convention d’arbitrage, a été
démenti par le contrat liant les parties concernant l’opération entre elles en matière de bois et qui
prévoit en son article six le recours à l’arbitrage devant le tribunal arbitral commercial international
près de la chambre d’industrie et du commerce en l’Ukraine à la ville de Kiev, et ce conformément à
une copie du contrat rédigée en langue russe avec sa traduction en langue arabe une traduction
officielle ce qui fait que le recours n’a aucun fondement ». Arrêt n° 3875/2008, le 26/08/2008, RG n°
1193/1/2007, in :
507 ص،2009 ، أبريل، العدد الثاني،مجلة التحكيم.
230
en se basant sur le fondement contractuel, lorsque la convention d’arbitrage est nulle
(I) ou inexistante (II).
687
L’article 1056/1 du CPCA algérien dispose : « 1° si le tribunal arbitral a statué … sur convention
nulle … ».
688
L’article 1520/1 du NCPC français dispose: « Le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou
incompétent».
689
Comme elles sont citées par l’article 2 du DOC marocain qui dispose : « les éléments nécessaires
pour la validité des obligations qui dérivent d'une déclaration de volonté sont : 1° La capacité de
231
capacité des parties à l’arbitrage(1). Par ailleurs si l’objet de la convention d’arbitrage
suscite des éclaircissements (2), la cause, quant à elle, ne pose, pas de difficultés
particulières en pratique 690.
s'obliger ; 2° Une déclaration valable de volonté portant sur les éléments essentiels de l'obligation ; 3°
Un objet certain pouvant former objet d'obligation ; 4° Une cause licite de s'obliger».
690
La cause dans la convention d’arbitrage s’incarne dans la volonté des parties à régler les différends
qui naissent ou susceptibles de naître entre elles à l’occasion de l’exécution du contrat principal par
voie d’arbitrage. Ceci dit, la cause serait licite dans la plupart des cas.
Voir: 161 ص،1997 ، دار الفكر الجامعي اإلسكندرية، الطبعة األولى، المستحدث في التحكيم التجاري الدولي، معوض عبد الثواب.
691
MALVILLE (M.H), Principe d’interprétation de bonne foi de la clause d’arbitrage par l’effet utile et
contre le rédacteur, op.cit, p.413 s.
692
La plus importante conséquence d'un consentement à l'arbitrage est que la décision prise par les
parties d'y recourir entraîne l'incompétence consensuelle des tribunaux étatiques, qui doivent, si la
convention d'arbitrage est valide, se déclarer incompétents. L'accès à l'arbitrage n'est toutefois pas
automatique et direct. En effet, il n'est possible que si les parties y ont accordé leur consentement. Ceci
dit un consentement invalide a pour effet de provoquer la nullité de la convention de l’arbitrage et par
conséquent l’ouverture de l’appel contre la sentence qui en résulterait.
Pour plus de détails voir : DE SEVRES (N.K), le consentement à la convention d’arbitrage commercial
international : évolution et développement récents en droit québécois et en droit international, op.cit,
p.2.
232
Par ailleurs, le consentement est un élément majeur dans la convention
d’arbitrage693. Souvent, à l’occasion de l’examen des demandes de reconnaissance et
d’exécution des sentences arbitrales, se pose avec acuité la question du contrôle de la
validité du consentement faute duquel, la convention d’arbitrage serait nulle et
l’exéquatur ne pourrait pas être ordonné694.
Les juges devront, par ailleurs, lors de leur contrôle post-arbitral s’assurer de
l’existence de cette volonté et de sa validité en se fondant sur les règles juridiques
impératives sans tenir compte des règles supplétives. Elles devront également tenir
en considération que « l’interprétation des clauses ambigües ou non strictes doit
commencer par le principe de bonne foi, et par conséquent il s’applique a l’encontre
de la partie établissant la clause ambigüe, dans la mesure ou la mise en œuvre du
texte vaut mieux que sa négligence »695.
693
A cet égard, la cour de cassation marocaine a rendu un arrêt énonçant que : « la convention sur
l’arbitrage constitue une exception et l’exception, de par sa nature s’interprète de façon restreinte,
c’est-à-dire qu’on ne peut recourir à l’arbitrage sauf en cas d’existence d’une clause compromissoire
ou compromis sur l’arbitrage rédigé de façon exprimant la volonté des parties, par le biais d’un
contrat écrit ou lettres échangées conformément aux articles 307 et 309 du CPC et l’article II de la
convention de New-York pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères. Et
en revenant aux faxes échangés entre les parties, il n’existe pas d’entre eux ce qui contient acceptation
de l’arbitrage pour régler tout litige susceptible de naître entre elles». Arrêt n° 291 rendu le
07/03/2007, dossier n° 19/3/1/2004 (inédit).
694
118 ص،1998 ، دار المعارف، الجزء الثاني، التحكيم الدولي، عبد الحميد األحدب.
695
C.A, Paris, 07/02/2002, Rev.arb, 2002, p.413.
233
compromissoire696. La clause compromissoire n’a pas besoin, donc, d’un
consentement qui lui est propre697.
Une partie de la doctrine699 estime qu’il est permis de se baser sur la succession du
recours à l’arbitrage effectué par les deux sociétés dans leurs affaires, et admet par
conséquent l’existence d’un accord tacite d’arbitrage, sauf s’il s’est avéré du nouveau
696
دراسة مقارنة ألحكام التحكيم التجاري الدولي كما جاءت في القواعد واالتفاقياتـ الدولية، التحكيم التجاري الدولي،فوزي محمد سامي
، عمان، دار الثقافة للنشر والتوزيع، اإلصدار الثالث، الطبعة األولى،واإلقليمية والعربية مع اإلشارة إلى أحكام التحكيم في التشريعات العربية
123 ص،2008 ،األردن.
697
D’autant plus que le renvoi à des clauses types ou à un autre contrat comprenant une clause
d’arbitrage est considéré comme étant un compromis sur l’arbitrage, compte tenu le fait que « le
silence vaut acceptation » conformément à un arrêt de la cour d’appel de Paris, rendu le 13/07/2007,
Rev.arb, n°1, 2009, p.612.
698
DE SEVRES (N.K), le consentement à la convention d’arbitrage commercial international : évolution
et développement récents en droit québécois et en droit international, op.cit, p.14.
699
BOUCOBZA (X), la clause compromissoire par référence en matière d’arbitrage commercial
international, Rev.arb, 1998, p.495 ;
270 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
234
contrat que les deux parties l’ont opéré intentionnellement pour l’exclure de
l’arbitrage.
700
Cass.civ, 1ère, janvier 2008, n° 10, RG n° 349-12-07, Rev.arb, n°1, 2009, p.618.
701
Ainsi que le relève la cour d’appel de Paris à la suite d’une longue lignée de décision formulées en
des termes analogues, dans un arrêt Jaguar du 7 décembre 1994, en énonçant : « dans le droit de
l’arbitrage international, les effets de la clause compromissoire s’étendent aux parties directement
impliquées dans l’exécution du contrat dès lors que leurs situations et leurs activités font présumer
qu’elles avaient connaissance de l’existence et de la portée de cette clause afin que l’arbitre puisse être
saisi de tous les aspects économiques et juridiques».
Voir : FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDAMN(B), op.cit, p.299.
702
Cass.civ, 17/10/1961, Rev.arb, 1962, p.62.
235
Pour sa part la cour d’appel de Paris703 a affirmé que la transmission d’un contrat
d’une personne à une autre présume l’acceptation de ce dernier de la clause
compromissoire qui lui est insérée.
Il faut noter, par ailleurs, que si le consentement de deux volontés ne pose pas
des difficultés particulières dans le cas où la convention d’arbitrage serait insérée
dans le contrat principal ou en vertu d’un accord distinct rédigé dans un document
spécial ou par le biais d’un procès, la difficulté paraît essentiellement dans le cas
d’échange de lettres entre parties ou encore dans le cas de la clause d’arbitrage
électronique704.
Dans le premier cas, le consentement de chacune des parties serait établi dans les
documents qu’elles échangent entre elles, sauf s’il s’est avéré du dernier contrat qu’il
ne contienne aucune clause compromissoire. Pour cela, il faut examiner les lettres
échangées entre les parties afin de connaître la réalité du contenu de l’union des deux
volontés705.
Or, dans le cas d’une convention d’arbitrage électronique, celui conclu par le
biais d’un support électronique, l’expression de la volonté serait effectuée par ce
support électronique : l’offre serait émise et l’acceptation reçue par le biais de ce
support. De la sorte, le commerçant fait inclure son site internet les conditions de
contracter y compris la clause compromissoire. Si le visiteur du site voulait conclure
le contrat, il serait amené à cliquer sur une bulle contenant l’expression « j’accepte »
ou d’autres expressions ayant le même sens comme signe d’acceptation de l’achat 706.
703
Cet arrêt comprend ce qui suit : « le signataire d’un contrat relatif à un navire coulé, ne peut pas se
faire valoir de l’inapplication de la clause d’arbitrage à son égard, qui est contenu au connaissement
au motif qu’il ne l’a pas signé. Même en l’absence du consentement explicite, la transmission du
connaissement au destinataire présume son acceptation à la clause d’arbitrage sans le besoin de
prouver l’acceptation de ce dernier à la clause d’arbitrage ». Arrêt rendu le 10/04/2008, Rev.arb, n°3,
juillet 2009, p.894.
704
NDIAYE (P), arbitrage en ligne et les litiges du commerce électronique, op.cit, p.98.
705
BOUCOBZA (X), la clause compromissoire par référence en matière d’arbitrage international,
op.cit, p.495.
706
HUET (J), réflexions sur l’arbitrage électronique dans le commercial international, gazette du palais,
9/1/2000, p.110.
236
Cette solution a été prévue par différentes législations nationales707ayant essayé
de règlementer les affaires et le commerce électronique parmi lesquelles figure la
législation marocaine en vertu de l’article 65-3708 du DOC qui stipule : « La voie
électronique peut être utilisée pour mettre à disposition du public des offres
contractuelles ou des informations sur des biens ou services en vue de la conclusion
d'un contrat. Les informations qui sont demandées en vue de la conclusion d'un
contrat ou celles qui sont adressées au cours de son exécution peuvent être
transmises par courrier électronique si leur destinataire a accepté expressément
l'usage de ce moyen. Les informations destinées à des professionnels peuvent leur
être transmises par courrier électronique, dès lors qu'ils ont communiqué leur
adresse électronique. Lorsque les informations doivent être portées sur un
formulaire, celui-ci est mis, par voie électronique, à la disposition de la personne qui
doit le remplir».
237
condition relative à la capacité s’applique aussi bien aux personnes privées (1-2.1),
qu’aux personnes publiques710 (1-2.2).
238
De même, un mandataire pourrait conclure une convention d’arbitrage au
profit du mandant à condition qu’il soit muni d’une procuration spéciale. En
revanche, la stipulation pour autrui n’impliquant pas de représentation, le
bénéficiaire de la stipulation n’est lié que s’il a ultérieurement accepté ce mode de
règlement de litige717.
Par ailleurs, à l’instar des personnes physiques privées, les personnes morales
privées peuvent êtres parties à l’arbitrage. La jurisprudence française ne tient pas
compte de la loi applicable aux personnes morales privées, mais elle a consacré à
leur égard certaines règles matérielles718.
239
décision objet de cassation, lorsqu’elle a refusé l’exéquatur de la sentence arbitrale
en se fondant sur les motifs susmentionnés, était infondé,… ce qui justifie sa
cassation et infirmation ».
S’agissant des personnes morales publiques, il est lieu de se référer à la loi qui
leur sont applicables afin de savoir si elles jouissent de la capacité exigée pour
conclure des conventions d’arbitrage concernant le règlement de leurs différends
avec les autres parties721.
Ainsi, Sous l’empire de l’ancien CPC marocain de 1974, les personnes morales
publiques ne pouvaient faire recours à l’arbitrage. Par conséquent, le président du
tribunal disposait d’un pouvoir de contrôle absolu en refusant l’exéquatur d’une
sentence arbitrale internationale toutes les fois que son objet concerne un litige
relatif à un contrat administratif dont l’une des parties est une personne publique 722.
721
163 ص،س, م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
722
Il faut noter à cet égard qu’en dépit que l’article 306 du CPC abrogé, ait interdit le recours à
l’arbitrage dans « les litiges relatives aux contrats ou biens soumis à un régime gouverné par le droit
public », il existe certains arrêts rendus par la justice marocaine ayant atténué ladite interdiction en
établissant la distinction entre le domaine contractuel des personnes public dans le cadre du droit
privé et celui doté des prérogatives du droit public. C’est ainsi qu’un arrêt rendu par la cour d’appel
de Casablanca le 21/06/1983 a jugé que : « attendu que le demandeur évoque que la sentence arbitrale
est nulle pour contrariété à l’ordre public du fait qu’il soit une personne publique et qu’il ne dispose
pas de biens privés qu’il puisse en disposer et ses biens appartiennent à l’Etat, et lorsqu’il conclut un
contrat afin d’exercer son activité administrative il se soumet aux dispositions du droit public…
attendu que le recourant est chargé en vertu du Dahir de 07/09/1963 de missions d’importation,
commercialisation et emballage des produits relatifs au thé et sucre et soumis dans ces transactions
aux règles commerciales applicables… et attendu que la jurisprudence et la doctrine ont affirmé la
validité du compromis conclu par l’Etat et les établissements publics lorsque les contrats en vue
desquels le compromis a été conclu, acquiert un caractère hybride de contrat international et de droit
privé comme c’est le cas de l’espèce…». C.A, Casablanca, 21/06/1983, n° 1083, in :
www.Cabinetbassamat.com/extranet/Jurisprudence.php, consulté le: 07/10/2014.
240
Toutefois, dès l’entrée en vigueur de la loi 08-05723, les personnes morales de
droit public peuvent compromettre dans l’arbitrage en respectant certaines
conditions prévues respectivement aux articles 310, 311 et 317 du CPC. De la sorte,
ces dispositions soulèvent certaines remarques dont l’importance, selon notre sens
n’est pas des moindres.
Cependant, dans les domaines n’étant pas considérés comme des actes
unilatéraux de l’Etat et des collectivités locales, dont les contrats administratifs 724
723
De son côté le droit égyptien autorise l’arbitrage dans les litiges relatifs aux contrats administratifs
après l’entrée en vigueur de la loi n° 9/1997, en vertu de laquelle a été ajouté un deuxième paragraphe
à l’article 1er de la loi n° 27/1994 et qui a exigé l’accord du ministre compétent, afin que la convention
d’arbitrage puisse produire ses effets, lorsqu’elle a prévu : « L’accord pour recourir à l’arbitrage dans
les litiges relatifs aux contrats administratifs est donné par le Ministre compétent ou l’autorité
compétente en ce qui concerne les personnes de droit public. La délégation de ce pouvoir est
interdite».
724
La cour de cassation marocaine exige pour la formation d’un contrat administratif, en plus que
l’une de ses parties soit une personne morale de droit public et comprend d’autres conditions
inhabituelles dans les contrats privés, une troisième condition se rapportant au fait que la conclusion
du contrat soit liée à la gestion d’un service public, et ce conformément à son arrêt rendu le
21/09/1995, n° 367, in :
كلمة منشورة ضمن أعمال ندوة" قضايا العقود اإلدارية ونزع الملكية للمنفعة العامة وتنفيذ األحكام من خالل اجتهادات المجلس،الطيب الشرقاوي
14 ص،2007 ، الرباط، مطبعة األمنية،2007 مارس22ـ21 ، يومي،األعلى" في الذكرى الخمسينية للمجلس األعلى.
241
(les marchés publics à titre d’exemple)725, le législateur marocain stipule au
deuxième paragraphe de l’article 310 du CPC que : « Nonobstant les dispositions du
2e alinéa de l'article 317 ci-dessous, les litiges relatifs aux contrats conclus par l'Etat
ou les collectivités locales peuvent faire l'objet d'une convention d'arbitrage dans le
respect des dispositions relatives au contrôle ou à la tutelle prévus par la législation
ou la réglementation en vigueur sur les actes concernés »726.
725
« Un marché public est un contrat administratif conformément à la loi », arrêt de la cour de
cassation rendu le 14/11/1996, n° 788, RG.adm n° 887/5/1/96, inédit.
726
، أهم قرارات المجلس األعلى في المادة اإلدارية .96 ص،2007 ،الجزء األول
727
171 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
728
Voir : الندوة، مساهمة في الذكرى الخمسينية لتأسيس المجلس األعلى،05.08 قواعد التحكيم قراءة في القانون رقم،رياض فخري
، قصر المؤتمرات بالعيون، الصلح والتحكيم والوسائل البديلة لحل النزاعات من خالل اجتهاد المجلس األعلى:الجهوية الحادية عشر تحت عنوان
441 ص،2007 ، الرباط، مطبعة األمنية،2007 نونبر2و1.
242
législateurs. Les textes législatifs contiennent plutôt l'expression "susceptible d'être
réglé par voie d'arbitrage". Elle indique une qualité particulière de la question objet
du différend : son aptitude à être soustraite à la juridiction publique 729. C'est ce qui
permet de constater qu'un contrat d'arbitrage est objectivement licite730.
La loi marocaine 08-05 sur l’arbitrage, pour sa part, n’a prévu aucune
disposition régissant la question de l’arbitrabilité en matière d’arbitrage
international. Toutefois, en revenant à la section relative à l’arbitrage interne, il est
lieu de constater que le législateur marocain à employer différentes formulations afin
de désigner la notion « arbitrabilité ».
Or l’article 309 du CPC dispose que : « Sous réserve des dispositions de l'article
308 ci-dessus, la convention d'arbitrage ne peut concerner le règlement de litiges
relatifs à l'état et à la capacité des personnes ou aux droits personnels qui ne font pas
l'objet de commerce ».
729
ARCANGELI (V), les notions d’arbitrabilité, d’ordre public et de public policy comme moyens de
contrôle de l’arbitrage commercial international au Canada, op.cit, p 247 ; NDIAYE (P), arbitrage en
ligne et les litiges du commerce électronique, op.cit, p.87.
730
GAILLARD (E), arbitrage commercial international-convention d’arbitrage-arbitrabilité,
Jurisclasseur, 1994, Fasc 586-36. 1058.
243
De surplus l’article 310 du même code dispose que : « Les litiges relatifs aux
actes unilatéraux de l'Etat, des collectivités locales ou autres organismes dotés de
prérogatives de puissance publique ne peuvent faire l'objet d'arbitrage…»731.
Par ailleurs, la convention de New-York de 1958, fixant les grands principes sur
lesquels reposent la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales
internationales, n’est guère éclairante en ce qui concerne le domaine de l’arbitrabilité
(2-2) prévue à l’article V, paragraphe 2, a) de la convention732. Avant de nous
attaquer à ce problème une délimitation de la notion de l’arbitralité du litige s’avère,
primordiale (2-1).
731
L’article 311 du CPC dispose que : Les entreprises publiques soumises au droit des sociétés
commerciales peuvent conclure des conventions d'arbitrage dans les formes et conditions déterminées
par leur conseil d'administration ou de surveillance ou par leur organe de gestion.
Nonobstant les dispositions du 2e alinéa de l'article 317 ci-dessous, les établissements publics peuvent
conclure des compromis d'arbitrage dans les formes et conditions déterminées par leur conseil
d'administration. Les conventions comportant des clauses d'arbitrage font l'objet d'une délibération
spéciale du conseil d'administration ».
732
L’article V, 2 stipule : « la reconnaissance et l’exécution d'une sentence arbitrale pourront aussi être
refusées si l'autorité compétente du pays où la reconnaissance et l'exécution sont requises constate : (a)
que, d'après la loi de ce pays, l'objet du différend n'est pas susceptible d'être réglé par voie
d'arbitrage ».
733
Bucher (A), le nouvel arbitrage international en Suisse, Ed Helbing & Lichtenhahn, Bâle et
Francfort-sur-le-Main, Théorie et pratique du droit, 1988. p. 37.
734
LEVEL (P), l'arbitrabilité, Rev.arb. 1992, p.213
244
Mais, ces définitions formulées sont mises à l'écart car elles ne
correspondent totalement pas à notre problématique. On s'attache surtout à la
définition donnée par le professeur Jarrosson. En 1996, dans son article célèbre, il a
défini l'arbitrabilité comme « le fait d'être arbitrable et est arbitrable ce qui est
susceptible d'être arbitré735». La notion d'arbitrabilité désigne, donc, l'aptitude de
l'objet du différend à être soustraite de la juridiction étatique.
735
JARROSON (Ch), arbitrabilité : présentation méthodologique, RJ.Com, n°2 et 4, 1996, pp. 1-2.
245
La notion d'arbitrabilité recouvre deux aspects: subjectif et objectif736. Le
premier fait en effet référence à la capacité des parties qui acceptent de
compromettre737 et le second, qui sera le seul retenir notre attention, porte sur les
matières dont les litiges peuvent être tranchés par ce biais.
246
seulement être le fruit d'un consentement non vicié et être passée entre personnes
qui peuvent toutes compromettre, il faut également que l'objet même de cette clause
compromissoire soit licite738, car le législateur interdit parfois de compromettre sur
certains droits. Elle résulte donc de la réponse à la question : sur quels droits peut-
on compromettre ?
C’est la raison pour laquelle, certains auteurs739 ont exclue la distinction entre
l’arbitrabilité objective et celle subjective en ne retenant que l'arbitrabilité subjective
est, en effet, un abus de langage et recouvre une autre notion, qui peut résider soit
en une règle de capacité, soit en une règle matérielle relative à l'aptitude des
personnes morales de droit public à compromettre et qu'en réalité la seule et
véritable arbitrabilité est celle dite objective740.
247
Cette disposition allait trop loin en ce qu’elle permet au juge de l’Etat
d’accueil de refuser la reconnaissance ou l’exécution de la sentence au vu de sa
propre conception des matières susceptibles d’être réglées par voie d’arbitrage. Or
les limites fixées par les ordres juridiques à l’arbitrabiliité du litige ne traduisent pas
toutes des convictions fondamentales de cet Etat. Certaines limites posées par l’Etat
d’accueil à l’arbitrabilité des litiges traduisent des politiques essentielles.
La difficulté survient alors du fait que l'on ne sait exactement ce que recèle ce
concept. Dans une large acception l'ordre public est en effet défini comme étant
l'ensemble des règles qui régissent la vie en société édictées dans l'intérêt général.
Une règle est dite d'ordre public lorsqu'elle est obligatoire et s'impose pour des
248
raisons impératives de protection743, de sécurité ou de moralité744. Les personnes ne
peuvent y déroger par convention. Il est généralement admis que les règles d'ordre
public ont pour but dans l'arbitrage international de sauvegarder les intérêts du for.
Elles remplissent une « fonction de référence à une normalité juridique ou para-
juridique745».
743
En effet, si l'arbitre est compétent en vertu de la volonté des parties, en cas de déséquilibre
contractuel, c'est seulement à la volonté de la partie la plus forte. Dans ce sens, il est souhaitable que la
partie faible soit protégée et donc que le litige soit inarbitrable en raison de l'ordre public.
Voir :
، سلسلة دفاتر المجلس األعلى، مقال منشور ضمن أعمال ندوة التحكيم التجاري الداخلي والدولي، قابلية المنازعات للتحكيم،محمد أبو العينين
.87 ص،2005 ،6 عدد
En droit de la consommation, de différentes positions s'affrontent en la jurisprudence. Le
consommateur semble bien moins à l'abri d'un arbitrage international. En effet, le fondement de
l'inarbitrabilité trouve sa source dans l'accroissement des frais et l'éloignement du lieu de l'arbitrage
du domicile du consommateur. De plus on peut craindre qu'en raison de l'inégalité économique, le
choix de l'arbitrage soit imposé par le professionnel. Voir : BEGUIN (J), BOURDAUX (G), MENJUCQ
(M), RUIZ FABRI (H), SOREL (J.M), SERAGLINI (Ch), LE BARS (B) et MAINGUY (D), traité droit du
commerce international, LexisNexis, 2ème éd, 2011, p.912.
Le problème en la matière réside dans le fait que l’article 308 qui renvoie à l’article 62 du DOC
prévoyant une prévention à la partie faible au contrat, ne s’applique pas à des matières
internationales.
744
Il ne s'agit que d'une définition parmi d'autres eu égard « à la multiplicité de ses sources, de son
contenu et de sa finalité ». Diverses expressions sont utilisées comme le « bâti élémentaire de la
société» par MALAURIE (Ph), l'ordre public et le contrat, Reims, éd. Maton-Braine, 1953, p.3.
745
GOLDSTEIN (G), de l'exception d'ordre public aux règles d'application nécessaire, étude du
rattachement substantiel impératif en droit international privé canadien, Montréal, droit privé, édition
Thémis, 1996, p.358.
746
Cette solution consiste à faire coïncider l'ordre public et les dispositions impératives.
Voir : MOTULSKY (H), note sous l'arrêt Sté anonyme agricole c. Torris, Paris 9/2/ 1954 J.C.P, 1955,
11.8483.
747
Tissot c. Neff, 28 novembre 1950, D., 1951, p.170.
249
Autrement dit le critère déterminant sera donc : « L'objet du litige et non (…) le
caractère des règles qui régissent la solution 748».
Le problème reste entier cependant. Quels sont ces critères pour déterminer les
questions qui, bien qu'incluses dans une règle d'ordre public, sont susceptibles
d'être soustraits au juge ?
En d’autres termes, il s'agit de savoir dans quelle mesure l'ordre public peut
faire échec à la compétence de l'arbitre749.
748
ANCEL (P), note sous Sté Auvinet S.A. c. S.A. Saconi et Poirier, Rennes, 1ère ch., 26 septembre 1984,
Rev.arb, 1986, p.441. Voir aussi OPPETIT (B), note sous l'arrêt Société Impex c. Société P.A.Z. Malteria
Adriatica Tirrena, Cass.Civ., 1ère ch. Civ. 18 mai 1971, Clunet, 1972, p.63.
749
Il faut souligner à cet égard que l'arbitre peut juger auparavant sur sa propre compétence et qu'en
raison du principe d'autonomie de la clause compromissoire, il est judicieux de reconnaître le pouvoir
de sanctionner la violation d'ordre public aux arbitres commerciaux internationaux. La volonté
présumée des parties ne peut servir de justification au principe qui veut que le tribunal arbitral décide
lui-même sur les objections à sa compétence en vertu du principe de (compétence-compétence). En
jurisprudence, le sujet est très abordé. Deux arrêts de principe ont été rendus en la matière, dégageant
ainsi le principe de compétence-compétence en droit français de l'arbitrage international. Il s'agit des
arrêts de la cour d'appel de Paris rendus le 29 mars 1991 (arrêt Ganz) et le 19 mai 1993 (arrêt Labinal).
Il convient de citer ici la formule qu'a jugé la cour d'appel dans l'arrêt Ganz (C.A, Paris, 1re ch. Suppl.,
29 mars 1991, Rev.arb, 1991, p.478, note Idot) : « en matière internationale, l'arbitre a compétence pour
apprécier sa propre compétence quant à l'arbitrabilité du litige au regard de l'ordre public
international et dispose du pouvoir d'appliquer les principes et règles relevant de cet ordre public,
ainsi que de sanctionner leur méconnaissance éventuelle, sous le contrôle du juge de l'annulation». La
portée de l'arrêt Labinal (C.A, Paris, 1re ch. Suppl., 19 mai 1993, Rev.arb, 1993, p.645, note Jarrosson)
est toute autre que celle de l'arrêt Ganz. La cour y ajoute que « l'arbitrabilité du litige n'est pas exclue
du seul fait qu'une réglementation d'ordre public est applicable au rapport de droit litigieux ».
750
ANCEL (P), arbitrage - Conventions d'arbitrage- Conditions de fond-Litiges arbitrables», Juris-
Classeur Procédure civil, Fasc. 1024, p.10 ; FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B),
op.cit, p.1011.
250
En revanche, d’autres questions sont exclues des matières arbitrales en
fonction de critères moins fondamentaux. Mr Moutulsky donne l’exemple du
règlement des difficultés pécuniaires entre époux en instance de divorce 751.
751
MOTULSKY (H), L’exécution des sentences arbitrales étrangères, Ecrits, vol 2, Etudes et notes sur
l’arbitrage, Dalloz, 1974, pp.396-397.
752
Comme la loi suisse du droit international privé, à l’article 177 qui considère comme arbitrale
« toute cause de nature patrimoniale ».
753
FOUCHARD (Ph), la portée internationale de l’annulation de la sentence arbitrale dans son pays
d’origine, Rev.arb, 1997, p.347 ; PAULSSON (J), arbitrality, still through a Glass Darkly, Arbitration in
the next Decade, Special Supplement, ICC Arb, Bull., 1999, p.98.
754
C’est à juste titre qu’a pu l’affirmer Mr Arfazadeh considérant que « la non arbitrabilité résulte de la
compétence exclusive d’une juridiction nationale, et non des lois applicables au fond du litige ».
Ajoute t-il que « les alinéas (a) et (b) de l’article V/2 appellent deux types d’examen clairement
distincts. Le premier (l’arbitrabilité) se rapporte à la compétence de l’autorité et constitue un obstacle
procédural absolu à la reconnaissance d’une sentence arbitrale, quel que soit son contenu ou la
solution qu’elle apporte au litige. Or, le second (l’ordre public) se rapporte au fond du litige et fixe les
principes et règles matérielles que les arbitres doivent respecter dans leur sentence au fond ».
Voir : ARFAZADEH (H), Ordre public et arbitrage international à l’épreuve de la mondialisation,
L.G.D.J, Schultless, 2005, p.107.
FOUCHARD (Ph), GAILLARD (E) et GOLDMAN (B), op.cit, p.1011.
251
Ceci correspond à la disponibilité des droits755 qui désigne qu’on ne peut
compromettre que sur les droits dont on a la libre disposition, d'où exclusion de
l'arbitrage lorsque les droits concernés ne sont pas disponibles.
Du premier point de vue, il est constant que l'arbitrabilité d'un litige n'est pas
conditionnée par la seule présence des règles à caractères d'ordre public 758 ou
autrement dit le fait que les règles d'ordre public soient mises en cause dans le
litige, ne fait pas obstacle à l'arbitrabilité759. Même si certains auteurs ont estimé760
755
Ainsi le CPC dispose à l’article 308 que : « Dans le respect des dispositions du dahir du 9 ramadan
1331 (12 août 1913) formant code des obligations et des contrats, tel que modifié et complété, et
notamment de son article 62, toutes personnes capables, physiques ou morales, peuvent souscrire une
convention d'arbitrage sur les droits dont elles ont la libre disposition, dans les limites et selon les
formes et procédures prévues par le présent chapitre ».
756
JARROSSON (Ch), arbitrabilité : présentation méthodologique, op.cit, p.3.
757
L’article 7 de la loi tunisienne n°42 de 1993, énumère les matières dont « On ne peut
compromettre » à savoir : « 1) dans les matières touchant à l'ordre public; 2) dans les contestations
relatives à la nationalité; 3) dans les contestations relatives au statut personnel, à l'exception des
contestations d'ordre pécuniaire en découlant; 4) dans les matières où on ne peut transiger;5) dans les
contestations concernant l'Etat, les établissements publics à caractère administratif et les collectivités
locales, à l'exception des contestations découlant de rapports internationaux, d'ordre économique,
commercial ou financier, régis par le chapitre troisième du présent code ».
Nicolas NORD, ordre public et lois de police en droit international privé, thèse pour le doctorat en
droit international, faculté de Droit de sciences politiques et de gestion, université Robert SCHUMAN,
Strasbourg III, 2003, p.138.
758
JACQUET (J.M), et DELBECQUE (Ph), et CORNELOUP (S), droit du commerce international, 3ème
éd, Dalloz, 2002, op.cit, p.388.
759
NORD (N), ordre public et lois de police en droit international privé, op.cit, p.138.
760
JARROSON (Ch), arbitrabilité : présentation méthodologique, op.cit, p.3 ; THARA (R), ordre public
et arbitrage international en droit du commerce international, mémoire pour l’obtention de master 1
en Droit des activités de l’entreprise, université lumière, Lyon 2, 2005, p.7.
252
que la seule présence en la cause d'une disposition d'ordre public rendait les droits
litigieux, par voie de conséquence, indisponibles, et dès lors, que le litige était
inarbitrable.
761
JOBARD-BACHELLIER (M.N), ordre public international, J-CL éditions techniques, Fasc.534-2,
1992, p.14.
762
MAYER (P), le contrat illicite, Rev.arb, 1984, p.218.
763
Qu’il soit en la forme d’un compromis ou d’une clause compromissoire.
253
Ces conditions se rapportent essentiellement à la forme écrite de la convention
d’arbitrage (1) ainsi qu’aux mentions devant y être comprises (2).
764
GIUDITTA CORDERO (M), forme de la convention d'arbitrage : développements au sein de la
CNUDCI et l'exigence de forme écrite selon la Convention de New-York, Bulletin de la cour
internationale d'arbitrage de la CCI, Vol. 18, n° 02, 2008, p.55.
765
Le groupe de travail chargé de clarifier l’article II/2 de la convention de New York a longtemps
hésité entre l’élaboration d’un protocole modifiant la convention ou une mise en place d’un
instrument l’interprétant et a finalement renoncé pour finalement adopter une simple
recommandation. Rapport du groupe de travail sur l’arbitrage, travaux de la 36éme session (New
-York, 04- 08 mars 2002). Document A/CN. 9/508, paragraphe 92.
254
Certes le CPC marocain n’exige pas, expressément dans la section relative à
l’arbitrage international, que la convention d’arbitrage soit passée par écrit. Toutefois
la convention de New-York, ratifiée par le Maroc, à laquelle est soumis l’arbitrage
international, a disposé à son article II que : « Chacun des Etats contractants
reconnaît la convention écrite par laquelle les parties s’obligent à soumettre à un
arbitrage tous les différends ou certains des différends qui se sont élevés ou
pourraient s’élever entre elles au sujet d’un rapport de droit déterminé, contractuel
ou non contractuel, portant sur une question susceptible d’être réglée par voie
d’arbitrage ».
Pour certain systèmes de droits, l'exigence d'un écrit est telle que son absence est
sanctionnée par la nullité de l'acte que ce soit en matière d’arbitrage interne ou
international. Il en est ainsi du droit algérien de l’arbitrage contenu dans le code de
procédure civile et administratif.
766
C.A.com, Casablanca, 15/01/2015, n°220, RG n° 2669/8224/2013, disponible sur :
http://www.mahkamaty.com/, consulté le 25/10/2015.
T.C, Casablanca, Ordonnance n°3921, rendue le 28/12/2012, RG n° 2426/1/2011, in : ibidem.
767
255
auquel celle-ci se réfère ». De même l’article 1012 dispose que « le compromis est
constaté par écrit ».
Cette position stricte du droit algérien d’arbitrage qui considère l’écrit comme
étant une condition de conclusion du consentement des parties à l’arbitrage, est
partagée par le droit égyptien sur l’arbitrage de 1994 qui n’établi aucune distinction
entre l’arbitrage interne et l’arbitrage international en vertu de l’article 12 qui
dispose que « A peine de nullité, la convention d’arbitrage doit être écrite ».
Le législateur marocain comme son homologue français ont adopté une position
plus souple que la précédente, en ce qui concerne l’exigence de la forme écrite en
matière d’exéquatur des sentences arbitrales internationales.
768
Nonobstant l’expression « qui permet la preuve par écrit de son existence», il faut soutenir une
opinion doctrinale algérien qui va dans le sens selon lequel, « l'hypothèse d'une sentence définitive
rendue sur la base d'une convention d'arbitrage, qui plus est internationale, non écrite n'a aucune
chance de recevoir exécution conformément aux dispositions de la convention de New York et de
l’article 1052 NCPCA ».
Voir : HOCINE (F), l’influence de l’accueil de la sentence arbitrale par le juge algérien sur l’efficacité
de l’arbitrage commercial international, op.cit, p.106.
256
Ainsi, le CPC ne prévoit aucune disposition expresse exigeant la forme écrite de la
convention d’arbitrage, mais il ouvre en vertu de l’article 327-41 la faculté suivante :
« La convention d'arbitrage peut, directement ou par référence à un règlement
d'arbitrage, désigner le ou les arbitres ou prévoir les modalités de leur désignation
ainsi que celles de leur remplacement ».
C’est ainsi que la cour d’appel de Casablanca a rendu le 17/07/2007, un arrêt 769
en vertu duquel elle a à juste titre, jugé que si l’exception relative à l’exigence de
l’écrit manuel conformément à l’article 309 du CPC, s’applique aux compromis
d’arbitrage nationaux, elle est désormais dépassée concernant les contrats d’arbitrage
internationaux.
La cour a motivé sa décision en jugeant que : « …et attendu que, comme il est
indiqué à l’ordonnance objet d’appel, la lettre électronique datée du 15/10/2007 citée
ci-dessus a comporté le renvoi aux clauses et conditions normalisées jointes et qui
seraient obligatoires, et en se référant aux clauses et conditions normalisées de vente
considérées comme le type applicable annuellement en l’absence de toute
modification expresse, émerge la clause 13 en prévoyant clairement que tout
différend ou litige en vertu de ce contrat serait réglé par voie d’arbitrage,
conformément aux normes et règlements de la bourse de Londres des mines et
conformément au droit anglais, et qu’il est décidé selon le paragraphe 2 de l’article II
de la convention de New-York sur la reconnaissance et l’exécution des sentences
arbitrales étrangères applicable dans cette espèce qu’il est entendu par convention
écrite une clause compromissoire insérée dans un contrat, ou un compromis, signés
769
C.A.Com, Casablanca, 17/07/2007, n° 3908/2007, RG n° 1387/07/4, inédit.
770
C.A.Com, Casablanca, 12/3/2013, n° 1426/2013, RG n° 1420/2012/4, inédit.
771
T.Com, Casablanca, Ordonnance n° 39, rendue le 30/01/2012, RG n° 1981/1/2011.
257
par les parties ou contenus dans un échange ,de lettres ou de télégrammes, et que ce
dernier cas est celui qui se conforme avec les lettres électroniques, notamment ce qui
concerne les deux lettres datées respectivement le 11/10/2007 et 15/10/2007, sachant
que ce qui en a été émis au nom du Mr Appicassis était en sa qualité de gérant de la
société demanderesse puisqu’elle n’en a pas nié cette qualité concernant ce qui existe
dans le dossier de lettres précédentes lui sont rendues dans le cadre des négociations
pour conclure le contrat qui leur est inhérent ; et il était établi du certificat de son
registre de commerce qu’il est considéré parmi ses gérants.
Et qu’il serait nécessaire selon ce qui est cité le rejet de l’appel pour motif qu’il
n’est pas fondé et la confirmation de l’ordonnance objet d’appel ».
Quoiqu’il en soit, il semblerait que les régimes qui exigent un écrit 772,
assouplissent l'exigence au maximum afin de comprendre également les cas
772
Ainsi, étant entendu que l’exigence de l’écrit soit primordiale à la validité de la convention
d’arbitrage, l’écrit en question peut avoir plusieurs supports :
1. Une clause compromissoire insérée dans le contrat principal.
2. Un compromis signé par les parties.
3. Les autres moyens de communication, à la condition qu’ils soient écrits tels que les fax et les
échanges de courriers électroniques pour autant qu’il en ressorte une expression claire et non
équivoque des parties de se soumettre à l’arbitrage.
4. Une clause d’arbitrage par référence qui permet aux parties d’inclure dans leur contrat principal un
renvoi aux dispositions d’un autre contrat qui prévoit qu’un litige éventuel sera soumis à l’arbitrage.
Voir à ce sujet : BOUCOBZA (X), la clause compromissoire par référence en matière d’arbitrage
international. Rev.arb, 1998, p.495.
258
d’écriture effectuée sur support électronique773. Ceux qui ne requièrent pas un écrit,
de leur côté, prennent un certain nombre de précautions.
773
En considérant la convention d’arbitrage comme étant faite par écrit lorsqu’elle est « passée par tout
autre moyen de communication qui permet la preuve de son existence » comme prévu par l’article
1040 du CPCA algérien, ou lorsqu’elle « est incluse dans un écrit signé des deux parties, ou dans des
lettres, télégrammes ou tous autres moyens écrits de communication échangés entre elles », comme
prévu par le droit égyptien ainsi que les droits français et marocain en matière d’arbitrage interne.
Voir : CATALA (P), l’écriture électronique et actes juridiques, mélanges cabrillac, Dalloz et Litec,
Paris, 2000, p.95.
774
BÉGUIN (J), l'arbitrage commercial international, centre de recherche en droit privé et comparé du
Québec, Montréal, 1987, p.271. L'auteur explique que les systèmes qui exigent ou non l'écrit sont en
effet très similaires car ils sous-entendent tous que la preuve de la convention doit être possible.
775
DE SEVRES (N.K), op.cit, p.24.
776
La modification apportée à la loi type de la CNUDCI en 2006 a rendu cette dernière plus libérale
puisqu’elle à éradiqué toute production de la convention d’arbitrage lors de la demande de la
reconnaissance ou d’exécution. Voir l’article 35 de la loi type.
259
désignation » et dans l’article 317 du CPC que:« la clause d'arbitrage doit, soit
désigner le ou les arbitres, soit prévoir les modalités de leur désignation », elle en va
autrement en ce qui concerne l’arbitrage international777.
777
Par des termes similaires Le NCPC français dispose à l’article 1444 que : « La convention d'arbitrage
désigne, le cas échéant par référence à un règlement d'arbitrage, le ou les arbitres, ou prévoit les
modalités de leur désignation ».
778
La même attitude a été adoptée par le législateur français en vertu de l’article 1508 du NCPC qui
dispose que : « La convention d'arbitrage peut, directement ou par référence à un règlement
d'arbitrage ou à des règles de procédure, désigner le ou les arbitres ou prévoir les modalités de leur
désignation ». C’est la position adoptée par le CPCA algérien aux articles 1041 et 1042.
779
ZAHIR (Kh), le nouveau droit marocain de l’arbitrage interne et international, op.cit, p.69.
780
«L’inexistence de la convention d’arbitrage a pour effet la nullité de la sentence arbitrale car elle est
rendue de celui qui n’en est pas compétent. La nullité est dans ce cas, inhérente à l’ordre public ; la
juridiction la soulève d’office ». Arrêt rendu par la cour d’appel du Caire le 30/12/2002, in:
280 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
260
Le recours en appel781 à l’encontre de la sentence arbitrale internationale pour
motif de l’inexistence de la convention d’arbitrage serait recevable dans le cas où
cette sentence serait rendue sans convention d’arbitrage (a), ou lorsqu’elle est rendue
conformément à une convention d’arbitrage expirée (b).
Ceci dit, il est possible de former recours en appel contre une sentence
arbitrale dans ce cas, suite à l’inexistence du consentement à l’arbitrage, par la
partie qui exerce ce recours782. En ce sens, un arrêt783 rendu par la cour d’appel de
Paris le 01/06/1999 dispose : « l’arbitrage international s’établissant en France ou à
l’étranger, dispose d’un fondement contractuel, et de ce fait la volonté commune
des parties, elle seule, et de façon exclusive qui attribue le pouvoir juridictionnel à
l’arbitre….
781
Ou en annulation dans la mesure où ce cas ouvre également la faculté de former recours en
annulation de la sentence arbitrale interne rendue en matière international conformément l’article
327-51 du CPC.
782
DE SEVRES (N.K), op.cit, p.11.
783
C.A, Paris, 01/06/1999, Rev.arb, 2000, p.493.
784
Ibidem, op.cit, p.10.
261
volonté exprimée, par les parties au moment de la conclusion du contrat ou lors de
la reconduction du contrat, n’a pas voulu effectivement convenir sur l’arbitrage 785.
785
التحكيم في المواد المدنية والتجارية الوطنية،؛ نبيل إسماعيل عمر281 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي
264 ص،2005 ، الطبعة الثانية، دار الجامعة الجديدة،والدولية.
786
Un arrêt de la cour d’appel de Paris énonce : « …la société Baste présente deux motifs afin
d’annuler la sentence arbitrale, le premier est l’inexistence de la convention d’arbitrage(…) attendu
que selon le principe de l’Estoppel, la société Baste ne peut se faire valoir de l’inexistence de la
convention d’arbitrage après avoir invoquer devant le juge l’existence de telle convention dans le
contrat d’importation et de distribution exclusive, et partant ce motif ne peut être accueilli pour en vue
de l’annulation ». Arrêt rendu le 20/09/2007, Rev.arb, n°1, 2009, p.634.
787
Cass.Com, n° 291, rendu le 07/03/2007, RG.com n° 19/3/1/2004, inédit.
788
Cass.civ, 1ère, 06/01/1987, in : 496 ص،1986 أكتوبرـ،4 العدد،المجلة العربية للفقه والقضاء.
262
De même, la cour de cassation égyptienne a décidé que : « … et si les
arbitres reçoivent leur compétence à trancher le litige, de la convention des parties à
y recourir en vue d’en connaître, tous ce qui est rendu en dehors des juridictions
sans cette convention ne pourrait être jugement disposant des aspects
fondamentaux des jugements… »789.
263
la convention d’arbitrage serait considérée comme étant inexistante. La sentence
rendue après ce délai serait susceptible d’être annulée si ladite sentence est rendue au
Maroc en matière d’arbitrage international et l’ordonnance qui lui a accordée
l’exequatur serait susceptible d’appel lorsque cette sentence est rendue à l’étranger.
Par ailleurs, faut-il souligner à cet égard que le tribunal arbitral assume la
responsabilité juridique lorsqu’il ne rend pas sa sentence au cour du délai fixé par les
parties ou par la loi, et ce dans le cas où ce tribunal rendrait une sentence au profit de
l’une des parties et annulée par la juridiction compétente au motif de l’expiration du
délai.
Celui qui a intérêt a, dans ce cas, la faculté d’intenter une action conformément
aux règles ordinaires de la responsabilité, compte tenu que l’obligation des arbitres
est une obligation de résultat à savoir rendre une sentence arbitrale dans le délai
déterminé, et comme ils ont échoué pour un motif qui leur revient et non aux parties
à l’arbitrage, ils seront dans l’obligation de réparer le dommage affectant la partie
préjudiciée795.
264
B - Cas de recours en appel relatifs à l’instance arbitrale
Une partie à l’arbitrage dispose du droit de se baser sur des motifs ayant trait à
l’instance arbitrale afin d’interjeter recours à l’encontre de l’ordonnance qui accorde
l’exequatur d’une sentence arbitrale internationale. Il en est ainsi de la situation ou le
tribunal arbitral n’aurait pas respecté les règles procédurales de l’arbitrage.
796
Il n’existe pas également en droit musulman ce qui interdit d’établir une convention réglementant
les règles de l’arbitrage et ses formalités et détermine les jalons de l’espèce et les pouvoirs de l’arbitre
afin que les arbitres et les parties soient en toute connaissance de cause.
Voir à ce sujet : ،1994 ، الطبعة األولى، دار اإليمان، التحكيم في الشريعة االسالمية والنظم الوضعية،مسعد عواد حمدان البرقاني الجهني
159ص.
797
C.A, Caire, 27/7/2003, n°12/120, in : 286 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
265
Il en découle que l’appel de l’ordonnance d’exéquatur de la sentence pour
motifs liés à l’instance arbitrale peut être ouvert en cas d’inobservation des
procédures à suivre pour rendre ladite sentence (I), et en cas d’excès par les arbitres
de leur mission (II).
Parmi les questions procédurales 800 constituant des motifs ouvrant la faculté de
former recours en appel à l’encontre des ordonnances d’exéquatur des sentences
arbitrales internationales, le fait de ne pas opérer les notifications801 aux parties de la
façon convenue ou prévue par la loi qui régit les procédures 802 ; ne pas procéder à un
798
ROBERT (J), l’arbitrage droit interne. Droit international privé, Dalloz, 5ème éd, 1983, p.273.
799
C.A, Paris, 26/03/1991, Rev.arb, 1991, p.456.
800
Le modèle développé par Mme Kessedjian consiste dans l’élaboration d’une liste de six moyens de
procédure dans lesquels s'applique le principe de la contradiction : « la question des notifications, le
temps utile, l'administration de la preuve, la communication entre les parties et l'arbitre, la discussion
des éléments de fait et de droit qui seront utilisés par les arbitres pour rendre leur décision et le droit à
une procédure orale ».
Voir à ce sujet : KESSEDJIAN (C), Le principe de la contradiction et l'arbitrage, Rev.arb, n°381, 1995,
p.390.
801
ASCENSIO (L), Le principe de la contradiction, Paris, L.G.D.J., 2007, p.73.
802
C’est ainsi qu’un arrêt de la cour de cassation française comprend : « …conformément à l’article II
des normes de l’Unistral prévue par la clause compromissoire afin de régir les procédures de
l’arbitrage, la notification ne peut être considérée comme étant parfaite que lorsqu’elle est remise à la
main du destinataire lui-même, soit au lieu de son domicile habituel, soit au lieu de son travail, ou son
adresse postale, de façon qui laisse présumer que l’arbitre se soit rassuré de la remise du document…
violation du principe du contradictoire, nécessite de l’annulation de la sentence arbitrale ». Arrêt n°
266
traitement équitable à l’égard des parties lors du déroulement des plaidoiries 803 ; ne
pas garantir les droit de défense à l’une des parties804, en lui octroyant une durée
temporelle inférieure que son adversaire ce qui lui aurait empêché d’invoquer,
suffisamment, ses moyens de défense ; en ne respectant pas les distances entre les
parties805 ; accueillir une réplique modificative des demandes de la part d’entre elles
et la refuser de la part de l’autre806, ou encore auditionner les témoins sans prêter
serment conformément au droit marocain.
267
Mr Chouayb…sans prêter serment contrairement à ce qui est prévu à l’article 327-12
du CPC qui dispose : Les auditions devant le tribunal arbitral se font après prestation
de serment(…). Et que le tribunal arbitral a violé les dispositions du paragraphe
précédent de l’article 327/36 en ne respectant pas les règles procédurales à travers
l’audition des témoins sans prestation de serment et en n’appliquant pas le droit que
les parties ont convenu de le faire appliquer sur l’objet du litige ce qui conduit à
annuler la sentence arbitrale »807.
C’est ce qui a été confirmé par un arrêt de la cour d’appel du Caire lorsqu’elle a
rejeté un recours en annulation809 à l’encontre d’une sentence au motif que
« l’arbitrage se caractérise par sa spécificité et ses applications distinctes de la justice
publique et par ses règles particulières imposées par son fondement contractuel…il
n’existe pas en arbitrage une forme particulière pour notifier les parties des
procédures, tant qu’elles ne l’ont pas prévues. Le principe dans l’arbitrage est la
liberté de la forme et non sa restriction par des règles strictes, l’essentiel pour l’arbitre
consiste en la notification des parties des procédures de façon équitable et respecter
le principe du contradictoire… »810.
La mission des arbitres est déterminée par la convention d’arbitrage. Elle est
limitée par l’objet du litige conformément à ce qui a été prévue par la volonté des
807
C.A.Com, Marrakech, n°141, rendu le 19/10/2010, RG n° 585/2/10, inédit.
808
289 ص،س, م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
809
Tenant compte que les cas de recours en annulation contre une sentence arbitrale internationale
rendue au Maroc sont les mêmes que ceux ouvrant le recours en appel contre l’ordonnance accordant
l’exequatur de la sentence étrangère en droit marocain d’arbitrage ainsi que dans d’autres droits
nationaux comparés tel que le droit français, algérien…
810
C.A, Caire, 09/06/2009, n° 102, AJ 123, in : 21 ص،2009 ، العدد الرابع،مجلة القضاء والتحكيم.
268
parties, ou par les contours tracés par le président de la juridiction compétente dans
le cas où c’est lui qui va procéder à la désignation811.
Le dépassement par les arbitres des limites de leur mission constitue donc un
motif 812susceptible d’ouvrir le recours en appel contre l’ordonnance qui accorde la
reconnaissance ou l’exécution d’une sentence arbitrale internationale (b). Toutefois,
faut-il rappeler de la faculté ouverte à l’arbitre de statuer sur sa propre compétence,
préalablement à la possibilité de l’exercice de la mission arbitrale, dite principe de
« compétence-compétence » (a).
a- Principe de compétence-compétence
811
L’article 327-41 du CPC dispose : « La convention d'arbitrage peut, directement ou par référence à
un règlement d'arbitrage, désigner le ou les arbitres ou prévoir les modalités de leur désignation ainsi
que celles de leur remplacement. Si la constitution du tribunal arbitral se heurte à une difficulté et sauf
clause contraire, la partie la plus diligente peut :
1. Au cas où l'arbitrage se déroule au Maroc, saisir le président de la juridiction qui sera amené par la
suite à déclarer exécutoire la sentence arbitrale ; 2. Au cas où l'arbitrage se déroule à l'étranger et si les
parties ont prévu l'application de la loi de procédure civile marocaine, saisir le président du tribunal
de commerce de Rabat ».
812
Article 327-49, paragraphe 3 du CPC.
813
POUDRET (J.F) et BESSON (S), droit comparé de l’arbitrage international, op.cit, p.406.
269
tribunal arbitral de statuer, soit d'office, soit sur la demande de l'une des parties, sur
la validité ou les limites de ses compétences ou sur la validité de la convention
d'arbitrage, et ce par ordonnance qui n'est susceptible de recours que dans les mêmes
conditions que la sentence au fond et en même temps qu'elle ». Or en matière
internationale il est fait renvoie aux conventions internationales l’ayant ratifié 814.
814
En droit français, l’aspect positif du principe de compétence-compétence est consacré en arbitrage
interne par l’article 1466 ancien du code de procédure civile selon lequel : « Si, devant l'arbitre, l'une
des parties conteste dans son principe ou son étendue le pouvoir juridictionnel de l'arbitre, il
appartient à celui-ci de statuer sur la validité ou les limites de son investiture ». Le nouvel article 1465,
adopté par le décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l’arbitrage, quant à lui, dispose
que « Le tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur les contestations relatives à son pouvoir
juridictionnel ». Ainsi apparaît-il clairement que le nouvel article met en évidence l’aspect positif du
principe de compétence-compétence. Cet article s’applique désormais, également en matière
internationale par le biais du renvoie prévu à l’article 1506/3, nouveau du NCPC.
815
C.A.com, Casablanca, 15/01/2015, n°220, RG n° 2669/8224/2013, disponible sur :
http://www.mahkamaty.com/, consulté le 25/10/2015.
816
T.C, Casablanca, Ordonnance n°3921, rendue le 28/12/2012, RG n° 2426/1/2011, in : ibidem.
817
Voir : BEGUIN (J,) BOURDAUX (G), MENJUCQ (M), RUIZ FABRI (H), SOREL (J.M), SERAGLINI
(Ch), LE BARS (B) et MAINGUY (D), droit du commerce international, op.cit, p.908 ; JACQUET (J.M),
DELEBECQUE (Ph) et CORNELOUP (S), droit du commerce international, op.cit, p.387.
270
Cependant, l’article V, chapitre 3 de la convention de Genève de 1961,
reconnaissant à l’arbitre dont la compétence est contestée « le pouvoir de statuer sur
sa compétence », dispose que « sous réserve des contrôles judiciaires ultérieurs
prévus par la loi du for, l'arbitre dont la compétence est contestée, ne doit pas se
dessaisir de l'affaire; il a le pouvoir de statuer sur sa propre compétence et sur
l'existence ou la validité de la convention d'arbitrage ou du contrat dont cette
convention fait partie ». De même, la convention de Washington de 1965 instituant le
CIRDI, à l’article 41, prévoit une règle analogue.
818
YILDIZ (I), la priorité chronologique reconnue à l’arbitre en droit maritime français : Particularisme
ou Universalisme ? Le principe dit de compétence-compétence, mémoire pour l’obtention de diplôme
de Master en droit maritime et des transports, faculté de droit et de sciences politiques d’Aix-
Marseille, université de droit, d’économie et des sciences d’Aix-Marseille, 2011-2012, p.26.
271
En revanche, le droit français consacre aujourd’hui sans ambages l’aspect négatif
du principe de compétence-compétence. Depuis l’entrée en vigueur du décret n°
2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l’arbitrage, l’aspect négatif du principe
de compétence-compétence appliqué à l’arbitrage international a été consacré par
l’actuel article 1448 applicable par renvoi de l’article 1506 nouveau du code de
procédure civile qui dispose que « lorsqu’un litige relevant d’une convention
d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’État, celle-ci se déclare incompétente
sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est
manifestement nulle ou manifestement inapplicable. La juridiction de l’Etat ne peut
relever d’office son incompétence »819.
272
convenue par les parties de les soumettre à l’arbitrage, serait respecter l’ensemble de
ce qui s’est précédé ce qui fait que son arrêt n’est pas contraire aux dispositions objet
du recours et valablement motivé et le moyen est infondé »820.
273
Pour apprécier si l’arbitre a dépassé les limites de sa mission, la juridiction
compétente ne repose pas sur les termes utilisés par l’arbitre dans la sentence
arbitrale, mais sur les fondements sur lesquels il s’est basé effectivement dans sa
sentence.
822
318 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
823
Parmi lesquels, il y a lieu de citer :
Cass.civ, 1ère, 18/10/2001, Rev.arb, 2002, p.360, note Jarrosson ; Cass.civ, 1ère, 10/07/2003, Rev.arb,
2003, p.361, note Betto.
274
La cour d’appel territorialement compétente à raison du siège de la juridiction
dont relève le président de la juridiction, ayant rendu l’ordonnance accordant
l’exéquatur aux sentences arbitrales étrangères824, est la juridiction compétente de
connaître des recours formés à l’encontre desdites ordonnances. C’est ce qui ressort
de l’article 327-50 du CPC825.
275
reconnaissance ou d’exéquatur. Mais l’on comprend que c’est la cour d’appel du
ressort de laquelle le tribunal de grande instance de Paris qui en est compétente.
Ainsi l’article 1525 dispose : « La décision qui statue sur une demande de
reconnaissance ou d'exequatur d'une sentence arbitrale rendue à l'étranger est
susceptible d'appel. L'appel est formé dans le délai d'un mois à compter de la
signification de la décision. Les parties peuvent toutefois convenir d'un autre mode
de notification lorsque l'appel est formé à l'encontre de la sentence revêtue de
l'exequatur. La cour d'appel ne peut refuser la reconnaissance ou l'exequatur de la
sentence arbitrale que dans les cas prévus à l'article 1520»826.
826
De son côté, le droit algérien de l’arbitrage n’a pas désigné expressément la question de la
compétence ni territoriale, ni matérielle, concernant les recours en appel des décisions de
reconnaissance et d’exécution des sentences arbitrales. Ainsi, si l’article 1056 du CPCA dispose que :
« l’appel de l’ordonnance qui accorde la reconnaissance ou l’exécution n’est ouvert que dans les cas
suivants : « 1. si le tribunal arbitral a statué sans convention d’arbitrage ou sur convention nulle ou
expirée ; 2. si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composée ou l’arbitre unique irrégulièrement
désigné; 3. si le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée; 4.
lorsque le principe de la contradiction n’a pas été respecté; 5. si le tribunal arbitral n’a pas motivé ou
s’il ya contrariété de motifs; 6. si la sentence est contraire à l’ordre public international», l’article
1057du CPCA s’est contenté de disposer que : « l’appel est porté devant la cour dans le délai d’un
mois à compter de la signification de l’ordonnance ». Mais l’on comprend que c’est la cour d’appel
dont relève le juge de l’exécution, qui serait compétent de connaître des recours en appel des
sentences arbitrales internationales rendues à l’étranger, du fait que s’agissant du recours en
annulation des sentences rendues en Algérie en matière internationale, la compétence est attribuée
conformément à l’article 1059 à la cour d’appel dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue.
Voir à ce sujet : HOUCINE (F), op.cit, pp.225-232.
827
Cette question a été régie par l’ancien code de procédure civile français issu du décret de 1981 qui
disposait à l’article 1503 que l’appel des décisions qui refusent ou accordent la reconnaissance ou
l’exécution « est porté devant la cour d’appel dont relève le juge qui a statué». Ce qui nous permet
d’avancer que l’objectif de clarté annoncé par les rédacteurs du nouveau décret de 2011 n’a pas été
éteint dans ce point-là. Le législateur français aurait pu recourir à la technique de renvoi qu’il a adopté
276
Il est à déduire que le droit marocain d’arbitrage international est plus évolutif,
que les autres droits en termes de clarté, de lisibilité et de précision des dispositions
relatives à la détermination de la compétence judiciaire en matière des recours de
décisions de reconnaissance et d’exécution des sentences arbitrales internationales.
Mais, qu’en est-il pour le délai fixé pour exercer ces recours ? C’est ce qui va
être abordé à travers le point suivant.
Nul ne peut contester le fait que le délai d’exercice de recours contre une décision
judiciaire joue un rôle très important, lorsqu’il est réduit, dans la mesure où il
permettrait à la partie qui se sent lésée de former recours dans un laps de temps très
raisonnable. Et partant il favoriserait l’efficacité de ladite décision et constituerait un
élément susceptible d’encourager les parties à opter pour une loi donnée.
à travers ledit texte en renvoyant à l’article 1519 relatif au recours en annulation cité ci-dessus.
828
C’est le même délai pour former recours en annulation des sentences arbitrales rendues au Maroc
en matière d’arbitrage international conformément à l’article 327-52 du CPC qui prévoit que «… Ce
recours est recevable dès le prononcé de la sentence ; il cesse de l'être s'il n'a pas été exercé dans les
quinze jours de la notification de la sentence déclarée exécutoire ».
277
l’article 1525 du NCPC français afin de former appel de La décision qui statue sur
une demande de reconnaissance ou d'exequatur d'une sentence arbitrale rendue à
l'étranger est susceptible d'appel. Ce délai commence à courir à «compter de la
signification de la décision »829.
Il en est de même du droit algérien qui prévoit le même délai pour exercer le
recours en appel contre l’ordonnance accordant ou refusant la reconnaissance et
l’exécution d’une sentence arbitrale étrangère. Ce délai commence, « à compter de la
signification de l’ordonnance du président du tribunal » en vertu de l’article 1057 du
CPCA algérien830.
829
Ce délai est le même en ce qui concerne le recours en annulation contre la sentence rendue en
France en matière d'arbitrage international. Il est recevable dès le prononcé de la sentence. Il cesse de
l'être s'il n'a pas été exercé dans le mois de la notification de la sentence,
conformément à l’article 1519 du NCPC.
830
Le recours en annulation contre la sentence arbitrale rendue en Algérie en matière internationale est
recevable s’il a été exercé « dans le mois de la signification de l’ordonnance du président du
tribunal ». C’est ce qui ressort de l’article 1059 du CPCA algérien.
278
Chapitre 2 :
279
Cependant, Même si le titre de la convention de New-York ne se réfère qu'à la
reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales, les juges nationaux doivent
respecter les limites que leur assigne la convention de New-York dans son article V,
non seulement lorsqu'ils sont saisis d'une demande en exécution, mais aussi chaque
fois qu'un recours est exercé devant eux contre une sentence régie par la convention
de New-York. Il importe de noter que les voies de recours classiques qui mènent à
l'annulation d'une sentence ne sont pas évoquées dans la convention de New-York 833.
Le recours en annulation contre les sentences arbitrales est prévu par la quasi-
totalité des ordres juridiques étatiques relatifs à l’arbitrage835, compte tenu qu’il
s’agisse d’une garantie, incomparable pour les parties ainsi qu’ « un indice de bonne
justice »836.
280
De la sorte, certaines nuances portant sur l’étendue du recours en annulation
(§1) et les modalités de son exercice (§2), méritent d’être analysées.
De même, l’article 1518 du NCPC français dispose que : « la sentence rendue en
France en matière d'arbitrage international ne peut faire l'objet que d'un recours en
annulation… »837.
837
Avant l’entrée en vigueur du décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l'arbitrage,
cette disposition a été prévue à l’article 1504 de l’ancien code de procédure civile qui stipulait : « la
sentence arbitrale rendue en France en matière d’arbitrage international peut faire l’objet d’un recours
en annulation dans les cas prévus à l’article 1502… ».
281
Ceci dit, les juridictions aussi bien marocaines que françaises sont compétentes
pour connaître du recours en annulation à l’encontre d’une sentence arbitrale dès lors
qu’elle soit rendue sur le territoire du royaume du Maroc, ou celui français, même
dans le cas où la sentence arbitrale a été rendue à l’occasion d’un litige international
et n’est rattachée à l’ordre juridique marocain, ou français, par aucun élément.
C’est le cas par exemple, lorsque les parties ou l’institution arbitrale détermine
le siège de l’arbitrage dans un lieu donné, alors qu’il se serait arrivé, pour des raisons
de simplicité, que certaines audiences de l’arbitrage soient tenues dans un autre lieu
et la sentence soit signée et rendue dans un autre lieu ; ce qui soulève la
problématique de la séparation entre le siège légal de l’arbitrage et celui effectif 840.
282
international un lieu d’arbitrage susceptible de s’approprier avec un concept donné
du contrôle devant être exercé par les juridictions de ces deux Etats sur les sentences
arbitrales.
Cette solution a été donnée par un arrêt de la cour d’appel843 de Paris énonçant :
« le recours en annulation présenté devant les juridictions françaises contre une
sentence rendue à l’étranger en matière internationale n’est pas recevable, et que le
demandeur qui a publié l’arrêt devant une juridiction, clairement incompétente,
aurait causé une discussion publique de faits devraient être discrètes. Il est admis
que la nature des procédures arbitrales assurent un degré maximal de discrétion
841
GAILLARD (E), arbitrage commercial international contrôle étatique. Droit commun, op.cit, p.10 s.
842
La cour d’appel de Versailles a considéré « une sentence arbitrale objet de recours formé devant
cette juridiction comme étant rendue en France, même si elle était signée à Bruxelles, et ce sur le
fondement que les parties ont choisi Paris comme siège d’arbitrage ». C.A, Versailles, 17/01/1987, in :
248 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
843
C.A, Paris, 28/02/1986, Rev.arb, 1986, p.583.
283
dans le règlement des différends d’ordre personnel ; il en résulte que le demandeur
aurait, en transgressant ses engagements objet d’accord, causé au défendeur un
dommage, qu’il est tenu de le réparer ».
Le premier exemple type qui représente cette tendance n’est que le droit
égyptien de l’arbitrage de 1994 qui dispose à l’article 52, que : « (1) Les sentences
arbitrales rendues conformément aux dispositions de cette loi ne sont susceptibles
d’aucune des voies de recours prévues par les codes de procédure civile et
commerciale. (2) Une action en annulation de la sentence est possible en application
des dispositions des deux articles suivants ».
Il en ressort que le droit égyptien de l’arbitrage peut être considéré comme étant
parmi les droits les plus élargissant844, que les droits marocains et français, l’étendue
844
C’est également le cas de l’ancien droit belge de l’arbitrage du 27 mars 1985, contenu dans le code
judiciaire privé, qui disposait à l’article 1717 que : « les juridictions belges ne sont pas compétentes de
connaître du recours en annulation sauf si l’une des parties au litige tranché par la sentence arbitrale
est soit une personne physique ayant la nationalité belge ou son domicile ou sa résidence habituelle en
Belgique, soit une personne morale ayant en Belgique, son siège statutaire, son principal établissement
284
du recours en annulation, dans la mesure où il permettrait aux juridictions
égyptiennes de connaître des recours en annulation à l’encontre, non seulement des
sentences rendues sur le territoire égyptien, mais également contre celles rendues à
l’étranger et le droit égyptien est celui appliqué sur les procédures d’arbitrage
conformément à la convention des parties845.
Le recours en annulation contre les sentences arbitrales est destiné à attaquer une
sentence internationale rendue dans le lieu ou son exéquatur est demandé ; Pourtant
l’effet de ce recours est susceptible de s’étendre à la procédure d’exéquatur. En effet
l’article V, 1, e, de la convention de New-York, dispose : « La reconnaissance ou
l'exécution de la sentence ne seront refusées, sur requête de la partie contre laquelle
elle est invoquée, que si cette partie fournit à l'autorité compétente du pays où la
reconnaissance et l'exécution sont demandées la preuve (…) que la sentence n'est pas
encore devenue obligatoire pour les parties ou a été annulée ou suspendue par une
autorité compétente du pays dans lequel, ou d'après la loi duquel , la sentence a été
rendue ».
ou une succursale ».
Mais avec l’entrée en vigueur de la loi du 24 Juin 2013, modifiant la sixième partie du Code judiciaire
relative à l'arbitrage, le 01 septembre 2013, le recours en annulation est désormais prévu seulement
contre les sentences arbitrales rendues en Belgique conformément à l’article 4 § 7 qui dispose : « Sauf
convention contraire des parties, la sixième partie du présent Code s'applique lorsque le lieu de
l'arbitrage au sens de l'article 1701, § 1er, est situé en Belgique ». Toutefois, l’article 1718 de la même
loi dispose que : « Les parties peuvent, par une déclaration expresse dans la convention d'arbitrage ou
par une convention ultérieure, exclure tout recours en annulation d'une sentence arbitrale
lorsqu'aucune d'elles n'est soit une personne physique ayant la nationalité belge ou son domicile ou sa
résidence habituelle en Belgique, soit une personne morale ayant en Belgique, son siège statutaire, son
principal établissement ou une succursale ».
Ce texte se rapproche du texte de l’article 192 de la loi fédérale sur le droit international privé suisse
du 18 décembre 1987 ; ce qui signifie que le droit suisse restreint également l’étendue des recours
contre les sentences arbitrales internationales.
Voir à ce sujet : POUDRET (J.F), les voies de recours en matière d’arbitrage international en suisse
selon le concordat et la nouvelle loi fédérale, Rev.arb, n°4, 1998, p.595.
845
94 ص،س. م، الطعن بالبطالن على أحكام التحكيم الصادرة في المنازعات الخاصة الدولية، حفيظة السيد الحداد.
285
L’autorité compétente à connaître de l’annulation diffère d’un système juridique à
l’autre (A). Mais ce recours même, pouvait être éradiqué par les parties pour ne
retenir que l’appel contre l’ordonnance d’exéquatur à l’instar du système applicable
aux sentences rendues à l’étranger (B).
Or, dans d’autres lois nationales, cette compétence est attribuée certes, à la cour
d’appel, mais celle relevant de la capitale du pays. Ceci est le cas du droit égyptien et
Tunisien en vertu respectivement des articles 9 de la loi égyptienne de 1994 et 78 du
droit tunisien de 1993.
846
Conformément à l’article 54, alinéa 1 de la loi égyptienne sur l’arbitrage qui stipule : « L’action en
annulation de la sentence arbitrale doit être intentée dans les 90 jours qui suivent sa notification à la
partie contre laquelle elle a été rendue ». Dans ce sens, un arrêt de la cour d’appel du Caire énonce :
« l’article 54 (alinéa 1) de la loi de l’arbitrage égyptienne, et concernant le délai de l’exercice du recours
en annulation du tribunal arbitral, il commence de la date de son annonce par les huissiers, et ne peut
être remplacé par aucune formalité même la connaissance confirmée de la sentence ». C.A, Caire,
26/02/2003, n° 56/119, in : مجلة التحكيم، المستحدث من قضاء محكمة االستئناف القاهرة في مسائل التحكيم التجاري،برهان أمر هللا
2004 ، يوليوز7 عدد،العربي.
847
En vertu de l’article 78 alinéa 3 du code tunisien de l’arbitrage de 1993 qui dispose : « La demande
d'annulation ne peut être présentée après l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date à
Laquelle le requérant s'est fait délivrer la sentence ou, si une demande a été faite en vertu de l'article
77 du présent code, à compter de la date à laquelle le tribunal arbitral a statué sur cette demande».
286
il est à noter que le délai de 3 mois ou de 90 jours, est trop long de sorte qui
dépasse tous les délais connus dans les recours des décisions judiciaires 848, ce qui se
répercute de façon négative sur l’exécution d’une sentence arbitrale, du fait que celui
qui a succombé et ayant mauvaise foi ,va entendre jusqu’à ce que le délai vient d’être
épuisé d’un ou deux jours puis présenterait son recours en annulation.
Ce qui a été évité par la législation marocaine ayant fixé ce délai dans 15 jours
« de la notification de la sentence déclarée exécutoire ». Par ce court délai, le droit
marocain serait le plus progressiste par rapport aux autres droits comparés, en
réduisant le délai d’exercice du recours en annulation dans l’objectif de renforcer
l’efficacité de la sentence arbitrale internationale.
En effet, selon l’article 1522 du NCPC, cette renonciation peut avoir lieu à tout
moment ; elle doit s’effectuer par convention spéciale, et être expresse. Ces dernières
conditions laissent à penser qu’une renonciation dans des termes génériques ou
contenus dans le règlement d’un centre d’arbitrage, comme l’article 28/6 du
règlement d’arbitrage de la CCI, selon lequel « les parties renoncent à tout recours
848
252 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
849
Dans son commentaire sur la réforme introduite au droit de l’arbitrage français par le décret de
2011, Mr Gaillard souligne que cette disposition a été retenue dès lors qu'elle était de nature à marquer
de manière claire le fait que le principal contrôle de la régularité de la sentence internationale
s'effectue au lieu où celle-ci a vocation à être exécutée.
Voir : GAILLARD (E), commentaire analytique du décret du 13 janvier 2011 portant réforme du droit
français de l'arbitrage, cahiers de l’arbitrage, 2011, p.187 ; JARROSSON (Ch) et PELLERIN (J), le droit
français de l’arbitrage après le décret du 13 janvier 2011, Rev.arb, n° 1, 2011, pp.71-73.
287
auquel elles peuvent renoncer » ne sera pas suffisante, et qu’une renonciation sans
ambigüité sera nécessaire850.
Cette faculté a été prévue également par le droit tunisien en vertu de l’article
78/6 de la loi de 1993 qui dispose que : « …6- Les parties qui n'ont en Tunisie, ni
domicile, ni résidence principale ni établissement, peuvent convenir expressément,
d'exclure tout recours, total ou partiel, contre toute décision du tribunal arbitral »851.
850
Sur la renonciation expresse, voir par exemple, pour comparaison avec la renonciation à l’appel en
matière interne, (C.A, Paris, 23 juin 2011, RG n°10/19817, (inédit)), où la cour a retenu que l’indication
dans une clause d'arbitrage et un procès-verbal de saisine du tribunal que la sentence s'imposera aux
parties ne constituent pas une renonciation à l'appel, car celle-ci doit être expresse.
851
Elle est également prévue par le droit suisse à l’article 192 de la loi sur le droit international privé
suisse du 18 décembre 1987 (Etat le 1er juillet 2014), qui dispose : « Si deux parties n’ont ni domicile, ni
résidence habituelle, ni établissement en Suisse, elles peuvent, par une déclaration expresse dans la
convention d’arbitrage ou un accord écrit ultérieur, exclure tout recours contre les sentences du
tribunal arbitral; elles peuvent aussi n’exclure le recours que pour l’un ou l’autre des motifs énumérés
à l’art. 190, al. 2. 2 lorsque les parties ont exclu tout recours contre les sentences et que celles-ci doivent
être exécutées en Suisse, la convention de New-York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et
l’exécution des sentences arbitrales étrangères s’applique par analogie ».
852
KAUFMAN-KHOLER (G), Les voies de recours contre les sentences arbitrales, colloque organisé
par le ministère de la justice et la C.G.E.M en collaboration avec la cour de cassation sous thème :
l’arbitrage commercial interne et international, le 3 et 4 Mars 2004, Série des cahiers de la cour de
cassation, n°6, 2005, p.176 ; GAILLARD (E), l’ordre juridique arbitral : réalité, utilité et spécificité,
op.cit, p.905.
288
des recours intentés à l’encontre de l’ordonnance d’exéquatur soit directement ou
indirectement853.
Afin d’empêcher les recours dilatoires et pour contraindre la partie qui succombe
à exécuter la sentence arbitrale internationale en toutes circonstances, certains
régimes d’arbitrage ont supprimé l’effet suspensif des recours en annulation contre la
sentence (B). D’autres droits nationaux maintiennent l’attitude classique à savoir
l’effet suspensif avec certaines nuances (A).
A-L’effet suspensif
853
Du fait que la renonciation au droit d’intenter recours contre la sentence arbitrale internationale
rendue à l’Etat de l’origine de l’arbitrage n’empêche pas la partie succombant à former appel contre
l’ordonnance d’exéquatur de ladite sentence.
289
Cette attitude est, aujourd’hui, adoptée aussi bien par le droit marocain que le
droit algérien. Ainsi l’article 327-53 du CPC dispose que : « Le délai pour exercer les
recours prévus aux articles 327-48, 327-49 et 327-51 ci-dessus suspend l'exécution de
la sentence arbitrale.
De son côté l’article 1060 du CPCA algérien dispose que le délai pour exercer
l’appel et le recours en annulation suspendent « l’exécution de la sentence arbitrale ».
854
L’expression « à moins que la sentence arbitrale ne soit assortie de l'exécution provisoire » n’était
pas inscrite dans cet article lorsqu’il est sous forme de projet, mais ajoutée lors de sa discussion au
parlement. Ce qui permet de soulever la question de savoir quelle est l’instance chargée de revêtir la
sentence arbitrale par l’exécution provisoire. Est-ce le président du tribunal lors de l’ordonnance
d’exéquatur ou le tribunal arbitral ? S’il s’agit du président du tribunal, le recours en annulation
contre la sentence arbitrale serait considéré en lui-même suspensif de l’ordonnance d’exécution
rendue par le président du tribunal et partant suspensif de l’exécution provisoire et ce conformément
aux articles 327-26 et 327-32 du CPC. Or si le tribunal arbitral est celui qui revêt sa sentence de
l’exécution provisoire, ceci n’aura aucun effet sur l’exécution de sa sentence, dont la compétence
relève du président du tribunal qui dispose de « l’imperium ». Pour ce, il serait souhaitable de
supprimer cette expression dans la mesure où elle n’aurait aucun effet au niveau de la pratique.
Voir à ce sujet : 255 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
855
Car, admettre la suspension de l’exécution de la sentence du seul fait de l’interjection recours contre
cette dernière ou contre l’ordonnance de l’exéquatur, conduirait la partie succombant de mauvaise foi
d’y omettre jusqu’au dernier jour du délai du recours, ce qui retarderait l’exécution et le délai
commence à y courir.
Voir à ce sujet : ، دار الفكر الجامعي، الطعن بالبطالن على أحكام التحكيم الصادرة في المنازعات الخاصة الدولية،حفيظة السيد الحداد
235 ص،1997 ، مصر،اإلسكندرية.
290
Il serait souhaitable que le législateur marocain change d’attitude en prévoyant
que le recours en annulation et le délai imparti pour son exercice ne suspendent pas
l’exécution de la sentence arbitrale tout en donnant à la cour d’appel la compétence
de suspendre l’exécution si celui qui a intérêt fournirait des sûretés convenables, afin
de contrecarrer la partie de mauvaise foi voulant simplement faire retarder
l’exécution par des manœuvres dilatoires856.
856
Comme c’est le cas du droit suisse en vertu de l’article 190/1 de la LDIP qui dispose que la sentence
est exécutoire dès son prononcé, mais l’instance de recours peut attribuer l’effet suspensif si les
circonstances le requièrent. Elle ne le fera qu’en cas de risque de dommage irréparable, qui n’est pas
réalisé lorsque le dommage peut être réparé par un paiement en argent. En conséquence, l’octroi de
l’effet suspensif est très rare.
Voir plus de détail sur cette idée : POUDRET (J.F) et BESSON (S), Droit comparé de l’arbitrage
international, op.cit, pp.760-761 ; KAUFMAN-KHOLER (G), les voies de recours contre les sentences
arbitrales, op.cit, p.178.
291
De ce fait, le droit égyptien est considéré, à travers cette solution, comme étant
le plus avancé par rapport aux autres droits suscités en confirmant que l’exercice du
recours en annulation contre une sentence arbitrale, n’entraine pas d’office la
suspension de l’exécution de la sentence arbitrale, sauf si le demandeur ayant formé
le recours, l’a demandé dans la requête du recours, et si la demande est fondée sur
des causes sérieuses857.
857
"الطعن بالبطالن على أحكام التحكيم الصادرة في المنازعات الخاصة،حفيظة السيد الحداد
226 ص،1995 عدد ينايرـ أبريل، السنة الرابعة والسبعون، مجلة المحاماة، قانون التحكيم الجديد، ؛ عثمان حسين234 ص،س. م،الدولية.
858
256 ص،س. م،عبد الكبير العلوي الصوصي.
859
En ce sens le rapport au premier ministre relatif au décret du 13 Janvier 2011 précise clairement qu’
« une telle modification a été voulue pour éviter les recours dilatoires exercés par des parties de
mauvaise foi ».
Voir : EL AHDAB (J) et SCHNELLER (Y), la réforme du droit français de l’arbitrage : une refonte pour
rendre Paris et le Droit français toujours compétitifs, op.cit, p.11 ; GAILLARD (E) et DE LAPASSE (P),
Le nouveau droit français de l’arbitrage interne et international, op.cit, p.187.
292
recours et se trouve dans l’effet non suspensif du recours en annulation ou de l’appel
de l’ordonnance d’exequatur860.
Il convient à cet égard de relever qu'une erreur s'est glissée dans les renvois
opérés par l'article 1506, en ce que cet article renvoie au deuxième alinéa de l'article
1484, lequel prévoit la faculté pour le tribunal arbitral d'ordonner l'exécution
860
Il s’agit donc de mettre fin à ce que la doctrine a pu qualifier d’«instrument dilatoire de premier
ordre ».
Voir à ce sujet : BEGUIN (J), SERAGLINI (Ch) et ORTSCHEIDT (J), un second souffle pour
l’arbitrage-Arbitrage international- A propos du décret du 13 janvier 2011, la semaine juridique
édition générale, JCP G, 2001, p.467.
861
Ainsi, conformément à l’article 1486 ancien du CPC français, le délai pour exercer l’appel et le
recours en annulation « suspend l’exécution de la sentence arbitrale. Le recours exercé dans le délai est
également suspensif ». Cette disposition relative à l’arbitrage interne était applicable en matière
d’arbitrage internationale et ce conformément à l’article 1506 qui disposait : « le délai pour exercer les
recours prévus aux articles 1501, 1502 et 1504 suspend l’exécution de la sentence arbitrale. Le recours
exercé dans le délai est également suspensif ».
862
MIGNARD (J.P) et HUET (B), exéquatur des sentences arbitrales, pour une procédure
contradictoire, op.cit, 2013, p.10.
293
provisoire de la sentence, En réalité, ce renvoi est inutile dans la mesure où
l'exécution provisoire est de droit863.
L'erreur est cependant sans incidence, la mention le cas échéant, par les arbitres
ne pouvant avoir, dans ces conditions, qu'un caractère de confirmation d'un état de
droit existant. En revanche, conscients qu'une exécution provisoire de droit de la
sentence arbitrale était susceptible d'entraîner, dans certaines situations, des
conséquences difficilement réparables, les rédacteurs du décret ont donné au premier
président de la cour d'appel la faculté d'aménager ou de suspendre l'exécution de la
sentence dès lors que son exécution serait susceptible de léser gravement les droits
d'une partie, Cette disposition est à elle seule représentative de la réforme opérée : il
s'agissait de rendre plus efficace le droit de l'arbitrage tant interne qu'international,
tout en ayant le souci de ne pas porter atteinte aux droits des parties dans des cas
extrêmes864.
863
GAILLARD (E) et DE LAPASSE (P), le nouveau droit français de l’arbitrage interne et international,
op.cit, p.187.
864
Une ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris, rendue le 23 avril 2013 (premier
président de la cour d’appel de Paris, ord n° 13/02612, 23 avril 2013), vient illustrer le caractère
potentiellement dévastateur de la procédure d’exéquatur tel que modifiée par le décret du 13 janvier
2011, l’appel contre l’ordonnance ayant accordé l’exéquatur n’a en effet plus aucune efficacité s’il
n’intervient qu’après l’exécution de la sentence. Et ce tout particulièrement dans l’hypothèse ou la
sentence a été rendue à l’étranger et ou le demandeur peut transférer hors de France les montants
reçus en exécution de la condamnation.
Voir : MIGNARD (J.P) et HUET (B), exéquatur des sentences arbitrales, pour une procédure
contradictoire, op.cit, p.12.
294
Faut-il avancer d’emblée que, s’agissant des conséquences découlant de la
décision de refus d’exécution d’une sentence sous la convention de 1958, il est
affirmé à l’unanimité865 qu’elle ne touche que la juridiction qui l’a rendue, alors que
les juridictions des autres pays ne sont pas liées par cette décision de refus, mais
peuvent décider à leur tour si elles veulent exécuter la sentence ou non.
Suivant cette logique, une partie dont la demande d’exécution a été refusée dans
un pays, n’est pas empêchée de demander l’exécution de la même sentence dans un
ou plusieurs autres pays où se trouvent des actifs de l’autre partie866.
Cette solution est, en effet, dictée par l’article VII de la convention de New-York
qui ne prévoie que les conditions minimales de la reconnaissance et de l’exécution
des sentences et ne s’oppose nullement à ce que le droit interne de tel ou tel Etat fasse
preuve d’un plus grand libéralisme867.
Toutefois, l’effet de l’annulation d’une sentence dans son pays d’origine pour
l’application postérieure de cette sentence en vertu de la convention de New-York a
été très contesté.
295
elle est invoquée, que si cette partie fournit à l'autorité compétente du pays où la
reconnaissance et l'exécution sont demandées la preuve (…), (e) Que la sentence n'est
pas encore devenue obligatoire pour les parties ou a été annulée (…) par une autorité
compétente du pays dans lequel, ou d'après la loi duquel , la sentence a été rendue ».
C’est l’interprétation opérée par Mr Van Den Berg869 en exprimant une position
favorable au maintien du régime restrictif de la convention de New York et au
contrôle des sentences arbitrales par le juge du pays d'origine de la sentence. D’après
lui, ce juge est le mieux placé pour apprécier la régularité de l’arbitrage ; lorsqu'une
sentence arbitrale a été annulée par un juge du pays d'origine, normalement le pays
du siège de l'arbitrage, elle ne peut être exécutée à l'étranger. Le fondement de cette
règle se trouvant à l'article V-1 de la convention de New-York, qui prévoit qu'un juge
national peut refuser l'exécution d'une sentence arbitrale étrangère si le défendeur en
fait valoir et apporte la preuve que la sentence a été annulée par une autorité
compétente du pays dans lequel ou d'après la loi duquel elle a été rendue 870.
Par ailleurs, l’article VII de la convention donne au juge, qui est saisi d’une
demande en reconnaissance d’une sentence arbitrale rendue dans un autre Etat, le
droit de « surseoir à statuer ou de refuser de reconnaître une sentence annulée par
868
JAEGER (J.D), op.cit, p.33.
869
VAN DEN BERG (A.J), l'exécution d'une sentence arbitrale en dépit de son annulation, Bulletin de
la cour internationale d'arbitrage de la CCI. Vol. 9, n°02, novembre 1998, p.15 ; voir également :
MCARDLE FROISSARD (B), exécution de la sentence arbitrale et voies de recours contre la sentence
rendue, Mémoire pour l’obtention de DESS en droit maritime et droit des transports, faculté de droit
et de sciences politiques, université d’économie et des sciences d’Aix Marseille, 1999, p.57 ; l’auteur
approuve cette solution.
870
ص،2000 : سنة،ط. د، اإلسكندرية، دار الفكر الجامعي، الرقابة القضائية على أحكام التحكيم بين االزدواجية والوحدة،حفيظة السيد الحداد
101.
296
une juridiction du lieu où la sentence a été rendue ou de celui dont la loi est
applicable ».
Pour Mr Van Den Berg871, l'avantage de la règle est que lorsqu'une sentence
arbitrale est annulée dans son pays d'origine, l’arbitrage est clairement terminé et le
litige définitivement réglé. Le bénéficiaire de la sentence ne sera vraisemblablement
pas tenté d'en obtenir la reconnaissance et l'exécution à l'étranger, sachant à l'avance
que l'exécution lui sera refusée aux termes de l'article V-1, e) de la convention de
New-York. Ainsi, dans le cas d'une sentence arbitrale irrégulière, le bénéficiaire de la
sentence n'ira pas chercher «à droite et à gauche872» une juridiction conciliante qui
serait disposée à confirmer une telle sentence ; un raisonnement, certes, logique mais
qu’en est-il si la sentence arbitrale en question était régulière mais annulée comme
même.
Un tel effet extraterritorial de l’annulation a été critiqué sur le plan aussi bien
jurisprudentiel que doctrinal, parce qu’il empêcherait la reconnaissance et l’exécution
d’une sentence internationale dans d’autres pays.
871
VAN DEN BERG (A.J), l'exécution d'une sentence arbitrale en dépit de son annulation, op.cit, p.14.
872
BOLLEE (S), les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, les
méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, Economica, Paris, 2004,
p.263
297
L’interprétation plus souple de l’article V-1, e), va dans le sens qu’un tribunal, à
qui on demande en application de la convention de New-York d’exécuter une
sentence internationale, annulée par la juridiction de l’Etat ou l’arbitrage a eu lieu,
dispose d’une discrétion pour exécuter une telle sentence quand même873.
Cela dit, cette affaire avait également donné l’occasion à la cour de cassation
française de se prononcer sur l’articulation des dispositions de l’article V/l(e) de la
convention de New-York, selon lequel « la reconnaissance et l’exécution de la
sentence ne seront refusées (...) que si (...) la sentence (...) a été annulée ou suspendue
873
PAULSON (J), Rediscovering the New York Convention: Further Reflections on Chromalloy,
International Arbitration Report, 1997, note 22, p.24; FOUCHARD (Ph), la portée internationale de
l’annulation de la sentence arbitrale dans son pays d’origine, Rev.arb, 1997, p.329.
874
GAILLARD (E), trente ans de lex mercatoria : pour une application sélective de la méthode des
principes généraux du droit, JDI, N°1, 1995, p.5.
298
par une autorité compétente du pays dans lequel (...) la sentence a été rendue » et de
l’article VII de cette convention, qui précise pour sa part que « les dispositions de la
présente convention (...) ne privent aucune partie intéressée du droit qu’elle pourrait
avoir de se prévaloir d’une sentence arbitrale de la manière et dans la mesure admise
par la législation ou les traités du pays où la sentence est invoquée ».
Dans un arrêt880 du 9 octobre 1984, la cour de cassation a cassé cet arrêt sur le
visa de l’article VII de la convention de New-York et de l’article 12 du NCPC, au
motif que le premier de ces deux textes l’autorisait à accueillir la sentence en se
fondant sur le doit commun français et que, ce préalable étant établi, le second lui
imposait de rechercher dans quelle mesure le droit français ne permettait pas la
reconnaissance de cette sentence.
875
Sent. CCI n° 3131, 26/10/1979, Rev.arb, 1983, p.525.
876
T. com. Vienne, 29/6/1981, Rev.arb, 1983, p.514.
877
TGI, Paris, 4/3/1981, rejetant la demande de rétractation de l’ordonnance d’exequatur intervenue le
4 février 1980, Rev.arb, 1983, p. 466.
878
Arrêt 29/1/ 1982, Rev.arb, 1983, p. 516.
879
C.A Paris, 19/11/1982, Rev.arb, 1983, p.472.
880
Cass. Civ, 1re ,9 octobre 1984, Sté PABALK TICARET SIREKETI c/ Sté NORSOLOR, Rev.arb, 1985,
p.431, note Goldman ; JDI, 1985, p 67, note KHAN ; Rev.crit, 1985, p.551, note Dutoit.
299
Comme l’a justement souligné le professeur Gaillard 881, cette décision n’a pas
eu l’occasion de se prononcer sur la question des conditions de l’accueil, en droit
commun français, d’une sentence annulée dans son pays d’origine. La discussion de
cette question, qui aurait dû s’opérer devant la cour de renvoi, n’a pas pu intervenir
dans cette affaire, l’arrêt de la cour d’appel de Vienne ayant entre-temps été annulé
par la cour suprême autrichienne882.
881
GAILLARD (E), L'exécution des sentences annulées dans leur pays d'origine, JDI, n°3, 1998, p.650.
882
C. suprême d’Autriche, 18/11/1982, Rev.arb, 1983, p. 519.
883
Ibid, p.651.
884
Sent.CCI, n° 5622 du 19 août 1988, Rev.arb, 1993, p.327; Yearbook, 1994, p.105.
885
C'est-à-dire la loi du contrat, en d’autres termes la loi qui aura été choisie par les parties à un contrat
(pour régir leurs obligations contractuelles ou la création du contrat, l’exécution du contrat, la
résolution du contrat). Définition disponible sur:
http://cdvf.free.fr/phantu/study/master/data/droit_contrat_international.pdf, consulté le
08/08/2015.
300
A l’initiative de la société OTV, cette première sentence a été reconnue en
France et a fait l’objet d’une ordonnance d’exequatur rendue par le Tribunal de
grande instance de Paris le 27 février 1990886.
Dans le même temps, la sentence avait fait l’objet, en Suisse, d’une procédure
d’annulation à la demande de la société Hilmarton. Cette sentence a ainsi été annulée
par la cour de justice du canton de Genève le 17novembre 1989887 ; décision étant
maintenue par un arrêt du Tribunal fédéral rendu le 17 avril 1990888 soit exactement
deux mois après l’ordonnance ayant accordé l’exequatur de cette sentence en France.
301
incertitudes sur les conditions précises de l’accueil en droit français des sentences
annulées dans leur pays d’origine, en particulier sur la question de savoir si une telle
reconnaissance était possible chaque fois que la sentence pouvait être qualifiée de
sentence internationale par le droit français892.
Il n’en demeurait pas moins que cet arrêt confirmait la solution esquissée par
l’arrêt Norsolor en acceptant la reconnaissance en France d’une sentence annulée au
siège de l’arbitrage.
892
GAILLARD (E), L'exécution des sentences annulées dans leur pays d'origine, op.cit, p.652.
893
JDI, 1996, p.120, note Gaillard; Rev.arb, 1995, p.638, note Jarrosson.
302
Par un arrêt du 10 juin 1997894 la cour de cassation a cassé sans renvoi, sur visa
de l’article 1351 du code civil relatif à l’autorité de la chose jugée, les deux arrêts de la
cour de Versailles, mettant ainsi un terme à cette affaire. Après cet arrêt, ne subsistait
donc plus dans l’ordre juridique français que la première décision ayant ordonné
l’exequatur de la première sentence Hilmarton, qui s’est donc trouvée définitivement
reconnue en France, malgré son annulation en Suisse. Cette décision de la cour de
cassation a ainsi pleinement restauré la cohérence, qui avait paru un instant
incertaine, de la jurisprudence française relative à la reconnaissance des sentences
annulées dans le pays d’origine.
Le principe selon lequel une sentence annulée dans son pays d’origine peut
être reconnue en France devait, du reste, trouver une nouvelle application dans
l’affaire Chromalloy.
894
JDI, 1997, p.1033, note Gaillard ; Rev.arb, 1997, p.376, note Fouchard.
895
11 Int. Arb. Report C1, 1996.
896
11 Int. Arb. Report, C54, 1996; Rev.arb, 1997, p.439.
897
Rev.arb, 1994, p.665.
898
Rev.arb, 1997, p.395, note Fouchard; JDI, 1997, p.750, note Gaillard.
303
jurisprudence Hilmarton, la reconnaissance de cette sentence en France, en dépit de
son annulation en Egypte899.
899
La solution ne faisait guère de doute à partir du moment où il était établi qu’aucune des hypothèses
limitativement énumérées par l’article 1502 du NCPC, qui donne la liste des cas de refus d’exequatur,
n’était satisfaite. il n’est pas inutile de reproduire ici in extenso les motifs adoptés par la cour d’appel
car ils résument parfaitement la position du droit français sur la question de la reconnaissance d’une
sentence annulée dans son pays d’origine : « considérant qu’ainsi le juge français ne peut refuser
l’exequatur que dans les cas prévus et limitativement énumérés par l’article 1502 NCPC qui constitue
son droit national en la matière et dont la société Chromalloy est dès lors fondée à se prévaloir ; Et
considérant que cet article 1502 du NCPC ne retient pas au nombre des cas de refus de reconnaissance
et d’exécution celui prévu par l’article V de la convention de 1958 dont l’application doit en
conséquence être écartée ; considérant enfin que la sentence rendue en Egypte était une sentence
internationale qui par définition n’était pas intégrée à l’ordre juridique de cet Etat de sorte que son
existence est demeurée établie malgré son annulation et que sa reconnaissance en France n’est pas
contraire à l’ordre public international ».
Voir à ce sujet : GAILLARD (E), l'exécution des sentences annulées dans leur pays d'origine, op.cit,
p.654.
304
sans nécessairement tenir compte de l’annulation ou de la suspension de la sentence
dans son pays d’origine900 .
Ainsi, une sentence arbitrale avait été rendue à Londres le 10 avril 2001 sous
l’égide de la Grain and Feed Trade Association (GAFTA). Elle avait fait l’objet d’une
ordonnance d’exequatur du président du tribunal de grande instance de Paris le 30
septembre 2003. Cette ordonnance est intervenue en dépit de l’annulation de la
sentence par la high court of justice de Londres le 19 mai 2003. À la suite de cette
annulation, une autre sentence avait été rendue le 21 août 2003, elle-même
exéquaturée le 10 février 2004 par le président du tribunal de grande instance de
Paris. La société Putrabali avait demandé à la cour d’appel de Paris l’infirmation de
la première ordonnance d’exequatur pour contrariété à l’ordre public international 901.
Elle avait invoqué une fraude dans la demande d’exequatur au motif que la
décision en cause avait fait l’objet d’une annulation dans l’État du siège de
l’arbitrage. Dans son arrêt du 31 mars 2005902, la cour d’appel de Paris, a rejeté cette
demande, confirmant ainsi l’exequatur de la sentence annulée, au motif que
l’annulation de la sentence dans le pays d’origine ne constitue pas un cas d’ouverture
de l’appel de la décision qui accorde l’exequatur d’une sentence.
900
Cass.Civ. 1re, 29 juin 2007, société Putrabali Adyamulia c/ société Rena Holding, Rev.arb, n°3, 2007,
p.517, obs. Gaillard.
901
Sur le fondement de l’article 1502-5° du nouveau N.C.P.C.
902
C.A, Paris, 31/3/2005, Rev.arb, 2006, p.665, note Gaillard.
305
Certes, l’arrêt n° 1021 du 29 juin 2007 de la cour de cassation constate que
l’annulation d’une sentence dans son pays d’origine n’est pas une cause de refus de
reconnaissance et d’exécution de la sentence rendue à l’étranger, mais ce constat est
aussi l’occasion, pour la cour, de rappeler qu’une sentence internationale, qui n’est
rattachée à aucun ordre juridique étatique, est une décision de justice internationale
dont la régularité est examinée au regard des règles applicables dans le pays où sa
reconnaissance et son exécution sont demandées. Si, pour le droit français, l’arbitrage
international se caractérise par une opération qui implique une circulation de biens,
de services ou de personnes à travers les frontières, la sentence qui conclut un tel
arbitrage est internationale, et elle aussi, dans un sens, a pour vocation de circuler à
travers les frontières903.
903
DE BOISSÉSON (M), note sous : Cass.civ, 1re, 29 juin 2007, société Putrabali Adyamulia c/ société
Rena Holding, chronique droit de l’arbitrage, petites affiches, n° 192,25 septembre 2007, p.25.
904
Ibid.
905
Gaillard (E), Souveraineté et autonomie : Réflexions sur les représentations de l’arbitrage
international, JDI, n° 4, 2007, p.1164.
306
l’autonomie de l’arbitrage et donc l’émancipation de la sentence par rapport aux
contraintes particularistes du siège906, sans encourir « le grief de s’abstraire des ordres
juridiques nationaux ». Le rapport à la cour de cassation du président Ancel, qui fut
aussi conseiller rapporteur en l’espèce, souligne au contraire le sens de
l’internationalité de la sentence : « Dans la conception de la jurisprudence française,
la sentence internationale ne se rattache pas à l’ordre juridique de son pays d’origine,
précisément parce qu’elle est «internationale ». De ce point de vue, l’abstraction
radicale par rapport au siège s’écarte d’un positivisme transnational907.
Les décisions évoquées ci-dessus ont prévu une solution fondamentale, que les
juridictions marocaines seront sollicitées à l’adopter selon une opinion doctrinale
marocaine908 qu’il nous est pertinemment soutenable. Ainsi, le juge de l’exécution
marocaine ne devrait pas, donc, être lié par la décision du juge du lieu de l’arbitrage ;
et ce contrairement à la convention de New-York, qui a consacré, à son tour, un
principe garantissant aux Etats contractants le droit d’opter pour l’application de la
loi interne si elle présente des dispositions beaucoup plus souple que ladite
convention.
De la sorte, comme la loi marocaine 08-05 ne prévoit aucun cas de refus 909 de
reconnaissance et d’exécution d’une sentence arbitrale annulée à l’étranger, une
sentence arbitrale rendue en France, à titre d’exemple, et annulée par le juge français
pourrait, néanmoins, se voir accordée l’exéquatur par le juge marocain.
307
lesquels il convient à présent de se prononcer. Les uns relèvent de la dimension
littérale du texte de la convention de New-York (a), les autres d’une appréciation se
basant sur le souci de garantir la véracité du sort de la procédure d’exéquatur (b).
L’article VII confirme aussitôt cette lecture et ne laisse subsister aucun doute sur
le fait que les auteurs de la convention n’ont voulu fixer que les hypothèses
minimales de reconnaissance des sentences, laissant à chaque Etat le soin d’apprécier
s’il y a lieu d’être plus libéral913.
910
PAULSSON (J), may or must under the New-York convention: A exercise in syntax and linguistics,
Arb.Int, 1998, p.2; Schwartz (E), a comment on Chromalloy-hilmarton à l’américaine, J.Int.Art, 1997,
p.125.
911
GAILLARD (E), L'exécution des sentences annulées dans leur pays d'origine, op.cit, p.662.
912
FOUCHARD (Ph), La portée internationale de l’annulation de la sentence arbitrale dans son pays
d’origine, op.cit, p.344.
913
En ce sens PAULSSON (J), (l’exécution des sentences arbitrales en dépit d'une annulation en
fonction d'un critère local, Bulletin de la cour internationale d'arbitrage de la CCI, vol 09, n°1, 1998,
pp.14-32 ; du même auteur : L’exécution des sentences arbitrales dans le monde de demain, Rev.arb,
308
Par ailleurs, concernant l’argument opposé à la jurisprudence Norsolor-
Putrabali, reposant sur l’idée selon laquelle qu’en adoptant l’article V/l(e), la
convention de New-York aurait cherché à répartir les compétences entre le juge de
l’Etat d’origine et le juge de l’Etat d’accueil en imposant à celui-ci de reconnaître la
décision de celui-là. Une centralisation des actions en contestation de la sentence au
siège de l’arbitrage aurait ainsi permis d’assurer un minimum de cohérence dans
l’ordre juridique international914.
Outre le fait que cette perspective est difficilement compatible avec le texte de
l’article VII, l’incapacité des auteurs de la convention à assurer une telle coordination
internationale résulte de trois considérations au moins.
n°4, 1998, pp.637-651), fait une distinction entre les motifs locaux et les motifs internationaux
d'annulation des sentences et suggère que l'annulation d'une sentence par le juge du pays où elle a été
rendue n'empêche pas son exécution ailleurs à moins que les motifs de l'annulation ne soient
internationalement admis.
914
Ibid.
915
PAULSSON (J), L’exécution des sentences arbitrales en dépit d'une annulation en fonction d'un
critère local, op.cit, p.24.
916
GAILLARD (E), L'exécution des sentences annulées dans leur pays d'origine, op.cit, p.662.
309
New York a précisément voulu rompre. On mesure ainsi à quelle logique de
régression conduit le raisonnement qui veut imposer l’autorité de la décision rendue
au siège dans l’Etat d’accueil.
310
systématiquement défavorable à l’efficacité des sentences arbitrales serait pour le
moins curieux dans une convention dont l’objet est de favoriser la reconnaissance et
l’exécution des sentences919.
Le fait que cette position, pourtant très cohérente, ait aujourd’hui été
abandonnée constitue un nouvel indice du fait que, même de façon implicite, la
convention de New York ne consacre pas l’idée qu’une sentence ne peut puiser la
reconnaissance de sa validité que dans l’ordre juridique du siège de l’arbitrage 922.
919
76 ص،س. م، الرقابة القضائية على أحكام التحكيم بين االزدواجية والوحدة، حفيظة السيد الحداد.
920
SAMUEL (A), Jurisdictional Problems in International Commercial Arbitration - A Study of Belgian,
Dutch, English, French, Swedish, Swiss, US and West German Law, Schulthess, Zurich, 1989, p.293.
921
Voir : Code Judiciaire Belge, à l’article 1718, et D I P suisse à l’article 192. Lorsque le législateur
belge aura, comme il se le propose, aligné son droit sur le système suisse, l’exemple vaudra pour les
sentences pour lesquelles les parties ont exclu toute possibilité de recours en annulation.
922
GAILLARD (E), l'exécution des sentences annulées dans leur pays d'origine, op.cit, p.664.
311
annulation sur n’importe quel territoire (2). La troisième, étant le corolaire de ses
précédentes, vise le respect de la neutralité du sort de la procédure d’exéquatur (3).
Le souci de ne pas décourager les Etats qui s’efforcent de moderniser leur droit
de l’arbitrage est louable. Cependant, pour l’essentiel, l’argument repose sur une
pétition de principe. Il postule que la convention de New-York reconnaît aux Etats le
droit de réglementer, à l’égard du monde entier, les arbitrages qui se déroulent sur
leur territoire. Ce n’est, en effet, qu’à cette condition que le fait de ne pas reconnaître,
à l’étranger, l’efficacité de la décision d’annulation rendue par les juridictions de
l’Etat du siège porte atteinte à l’autorité de cet Etat.
En réalité, la souveraineté de l’Etat sur son territoire n’est pas en cause 925. Seule
l’efficacité internationale des décisions en matière d’arbitrage rendues sur ce
territoire fait l’objet de la controverse et il est parfaitement conforme aux principes
du droit international privé qu’à défaut de convention internationale à ce sujet, cette
question soit réglée selon les vues de l’Etat d’accueil. L’objet de la convention de
New-York ne couvrant que la reconnaissance des sentences et non des décisions de
923
Ibid.
924
SCHWARTZ (E), a comment on Chromalloy-Hilmarton, à l’américaine, I4 J. Int. Arb, 1997, p.134.
925
Voir l’article Vl(e) de la Convention de New-York.
312
justice en matière d’arbitrage926, la souveraineté de chacun des Etats ne peut trouver à
s’exercer que dans les limites de son propre ordre juridique.
La solution repose sur un principe tout à fait général et évite au juge français de
porter une appréciation quelconque sur la décision étrangère dont la portée est
considérée comme ne dépassant pas les limites de l’ordre juridique en cause. En cela,
926
Voir l’article II de la Convention de New-York.
927
80 ص،س. م، الرقابة القضائية على أحكام التحكيم بين االزدواجية والوحدة،حفيظة السيد الحداد.
928
Certains motifs de la décision s’engagent en effet dans une appréciation, toujours délicate, de la
valeur de la décision d’annulation intervenue en Egypte, présentée comme la répudiation par l’Etat de
son engagement de se soumettre aux résultats de l’arbitrage.
Voir à ce sujet : GAILLARD (E), l'exécution des sentences annulées dans leur pays d'origine, op.cit,
p.664.
313
elle est moins offensante pour l’Etat dont la décision n’est pas reconnue dans l’ordre
juridique français.
929
FOUCHARD (Ph), La portée internationale de l’annulation de la sentence arbitrale dans son pays
d’origine, op.cit, p.352.
930
Ibid.
931
Les sentences a-nationales sont aussi nommées transnationales, apatrides ou flottantes.
314
condamnée à attendre une mesure d’exécution dans divers pays pour pouvoir y
répondre en s’opposant à la reconnaissance dans chacun d’entre eux 932.
La même critique a été adressée à l’article 192 de la LDIP suisse qui permet à
certaines sentences d’échapper à toute action en annulation au lieu du siège 933. En
d’autres termes, la solution encouragerait à un forum shopping discutable de la part
du plaideur susceptible de se prévaloir d’une sentence annulée au siège de
l’arbitrage.
En pratique, le phénomène ne doit pas être surestimé, le choix des Etats dans
lesquels une tentative d’exécution sera conduite dépendant davantage de la
localisation des biens du débiteur que du caractère plus ou moins rigoureux du droit
de l’arbitrage de l’Etat d’accueil934.
Pour n’en prendre qu’un, dans le domaine du droit des affaires, la situation
n’est pas différente de celle dans laquelle le bénéficiaire d’une sentence à l’encontre
d’un Etat se heurte à une immunité d’exécution dans un Etat et bénéficie d’une
exception de commercialité dans un autre.
932
FOUCHARD (Ph), l’arbitrage commercial international, Dalloz, Paris, 1965, n° 508 s ; OPPETIT (B),
note sous l’arrêt Norsolor : précité supra, Rev.crit.dip, 1995, p.356 ; l'existence même des sentences a-
nationales est niée par Schmiîthoff (C.M), (in : Finality of arbitral awards and judicial review, J. Lew,
dir., contemporary problems in international arbitration, center for commercial law studies, London,
1987 à la p.232). D'après cet auteur, même en arbitrage transnational, il y a toujours un lien avec une
loi nationale qui serait pertinente pour des questions qui n'ont pas été réglées par les parties.
933
GAILLARD (E), l'exécution des sentences annulées dans leur pays d'origine, op.cit, p.669.
934
LOQUIN (E), obs sous Cass.civ, 1re, 23 mars 1994, RTD com., 1994, p.702.
935
Ibid.
315
Mieux, la discordance des solutions que reflète la jurisprudence favorisant la
reconnaissance des sentences annulées dans leur pays d’origine, n’est pas plus
choquante que celle dans laquelle, à l’inverse, la sentence est validée à siège et se voit
néanmoins refuser l’exequatur au lieu d’exécution. La sentence est alors tout aussi
boiteuse, mais de l’autre jambe936.
Dans l’affaire Norsolor, c’est la société française qui avait été condamnée au
profit de la société turque par la sentence annulée par la cour d’appel de Vienne 940.
936
GAILLARD (E), l'exécution des sentences annulées dans leur pays d'origine, op.cit, p.669.
937
Ibidem, p.670.
938
JAEGER (J.D), l’étendue du contrôle de l’arbitre en commerce international, op.cit, p.41.
939
84 ص،س. م، الرقابة القضائية على أحكام التحكيم بين االزدواجية والوحدة، حفيظة السيد الحداد.
940
GAILLARD (E), Trente ans de lex mercatoria: pour une application sélective de la méthode des
principes généraux du droit, op.cit, p.208.
316
L’exécution de la sentence en dépit de cette annulation portait donc préjudice à la
société française.
A vrai dire, si la règle posée par les arrêts Norsolor-Putrabali trahit un parti
pris très fort, c’est un parti en faveur de la validité des sentences arbitrales et du
caractère nécessairement très limité des causes d’inefficacité des sentences.
C’est donc sur un plan plus fondamental, celui des titres respectifs de l’ordre
juridique du lieu d’exécution et de celui du siège de l’arbitrage à contrôler la
941
85 ص،س. م، الرقابة القضائية على أحكام التحكيم بين االزدواجية والوحدة، حفيظة السيد الحداد.
942
Ibid.
943
GAILLARD (E), l'exécution des sentences annulées dans leur pays d'origine, op.cit, p. 670.
317
régularité des sentences arbitrales, qu’il y a lieu de se placer pour apprécier la valeur
de cette jurisprudence944.
Par ailleurs, il faut souligner que les juridictions marocaines n’ont jamais, selon
notre connaissance, été saisies d’une affaire de ce genre. C’est pour cela que nous
sollicitons des juridictions marocaines d’adopter cette solution à l’instar de la
jurisprudence française et en se conformant avec la souplesse consacrée par la loi
marocaine 08-05 ; étant donné le fait qu’en facilitant les voies d’exécution aux
sentences arbitrales internationales, on pourrait veiller à ce que les investissements
étrangers trouvent la voie la plus facile vers l’économie marocaine.
944
JAEGER (J.D), l’étendue du contrôle de l’arbitre en commerce international, op.cit, p.42.
945
En effet, on ne peut que souligner le fait que, dans la pratique, le siège de l’arbitrage est souvent
déterminé par une institution d’arbitrage plutôt que par les parties au litige eux même.
Voir : BOLLEE (S), les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales,
op.cit, p.266.
318
Conclusion de la deuxième partie
Afin d’éviter un usage abusif de ces mécanismes, et protéger par la suite les droits
des parties à l’arbitrage dont l’exécution de la sentence lui sont favorable constitue la
pierre angulaire, les législations étatiques ont aménagé leurs systèmes des voies de
recours de façon très minutieuse en termes de l’unicité aussi bien de la juridiction
compétente à en connaître que des motifs ouvrant le droit d’exercer ces voies de
recours et en termes de délais.
319
327-52 du CPC relative à l’arbitrage, pour tous les recours intentés contre
l’ordonnance rendue au terme de la procédure d’exéquatur d’une sentence arbitrale
internationale que ce soit de façon directe ou indirecte.
Ainsi, cette limitation s’articule autour de trois axes fondamentaux : les motifs
ouvrant l’exercice de ces recours sont déclinés en liste close, la révision sur le fond
n’est généralement pas possible et le délai pour l’exercice du recours est bref. Dans
les systèmes juridiques qui ont opté pour un régime de recours comme le nôtre 946,
celui-ci se construit sur un catalogue de motifs expressément énumérés. Les
conventions internationales et les systèmes étatiques cultivent une certaine (mais pas
totale) communauté de vue quant au catalogue des motifs.
L’essentiel c’est que le recours soit basé sur un groupe de motifs qui soient
préalablement énumérés et qui répondent à la nature et à l’efficacité de la sentence
arbitrale. L’absence d’une révision sur le fond comme règle générale doit être
comprise en rapport intime avec le caractère limitatif des motifs de recours 947: la
juridiction compétente peut infirmer l’ordonnance du juge d’exéquatur de la
sentence arbitrale uniquement pour un des motifs préalablement déterminés. En
principe aucun d’eux ne peut entamer la révision sur le fond, ni l’appréciation des
faits ni du droit que les arbitres ont réalisée948.
946
Entre autres, les droits : français, tunisien, algérien, égyptien.
947
Du fait qu’une révision sur le fond de la sentence supposerait l’examen de la sentence pour une
erreur par rapport au droit ou aux faits commise par l’arbitre. Or ni la liste des motifs de l’article V de
la convention de New-York ni celle prévue à l’article 327-49 du CPC ou même aux droits étatiques
comparés n’en contiennent aucun qui permet une telle révision.
948
MOUSSERON (J.M), RAYNARD (J), FABRE (R) et PIERRE (J.L), droit du commerce international
de l’entreprise, Litec, Paris, 3ème éd, 2003, p.190.
320
exécuter dépend de l’ouverture du recours ou de la possibilité de son exercice. Il est
donc essentiel que la sentence arbitrale soit définitive et acquière autorité de chose
jugée dans un délai qui ne soit pas trop long.
Cela dit, les voix de recours à l'encontre des sentences rendues à l'étranger ou au
Maroc en matière internationale ont un caractère exceptionnel. Le législateur
Marocain a entendu écarter toute autre voie de recours que celles qui sont traitées
dans ce texte. C'est-à-dire que ni l'appel proprement dit contre la sentence, ni la tierce
opposition, ni l'action en révision, ni l'action préventive en inopposabilité n’est
recevable en matière d’arbitrage internationale dans l’objectif de faciliter l’accueil au
Maroc des sentences qui en résultent en garantissant un sort positive de la procédure
d’exéquatur.
Conclusion générale
C’est à cet effet que nous avons, tout au long de l’étendue des pages de cette
étude, essayé d’élucider le sujet portant sur le régime juridique d’exéquatur des
sentences arbitrales internationales à travers deux principaux volets précédés d’un
pallier dont l’importance n’était pas des moindres. Ce dernier étant relatif au
caractère hybride de sources de droit régissant l’exéquatur des sentences arbitrales
internationales ; le premier volet se rapportait aux problèmes posés par la procédure
321
d’exéquatur ; or le second tenait trait au sort réservé à la décision rendue au terme de
la procédure d’exéquatur soit directement soit indirectement.
D’après cet exposé analytique, il est lieu de déduire que, certes, le législateur
marocain a fait doter la question de la reconnaissance et l’exécution des sentences
arbitrales internationales de dispositions particulières, répondant ainsi aux
aspirations et recommandations des intéressés par le domaine de l’arbitrage. Ces
derniers ayant tant prôné la nécessité de combler le vide juridique en matière
d’arbitrage international, particulièrement la reconnaissance et l’exécution des
sentences qui y sont rendues.
Pour cela, nous songeons que l’opportunité nous commande de mettre en avant
certaines remarques et suggestions pouvant être étalées comme suit :
l’obtention de l’exéquatur
322
Il s’agit de la réglementation de la compétence judiciaire, des exigences d’ordre
matériel et de l’étendue de l’ordre public
949
Il faut noter toutefois que la question de la compétence se trouve prévue par le projet de loi n° 95-17 relatif
à l’arbitrage.
323
De surcroît, le fait d’exiger, par le législateur marocain que la traduction, aussi
bien de la sentence que de la convention ou de leurs copies, soit certifiée
nécessairement par un traducteur agrégé près des juridictions, est de nature à faire
retarder la procédure d’exéquatur950, tenant compte de la valeur de la dimension
temporelle dans les affaires internationales dont le temps a un coup très important.
Solution prévue, portant par le droit français par le biais de la réforme qui lui est
apportée par le décret de 2011.
Du fait que parfois même, une sentence conforme à l'ordre public pourra ne pas
être exécutée si c'est l'exécution elle-même qui viole les standards locaux (par
exemple, lorsque les biens du débiteur font partie de l'actif d'une procédure
collective). De toute façon, seule la violation des principes fondamentaux reconnus
par la plus grande partie des États est susceptible de justifier le refus de reconnaître
et exécuter une sentence arbitrale.
Cela dit, les cas d'intervention de l'ordre public lors du contrôle sur la sentence
arbitrale devraient être peu nombreux. Le tribunal étatique refusera d’homologuer
une sentence, de la reconnaître et d'en ordonner l'exécution, si elle n'est pas conforme
à l'ordre public au sens international du for, du point de vue de son contenu (parce
qu'elle consacre un comportement illicite des parties ou à cause du défaut de l'arbitre
950
Contrairement à ce qui a été prévu par le législateur français en vertu de la dernière réforme qu’il a
introduit au droit français de l’arbitrage, en n’exigeant pas au demandeur d’exéquatur la production
d’une traduction certifiée par un traducteur agrégé près des juridictions sauf dans le cas ou cela lui a
été demandé. Voir l’article 1515 du NCPC français.
324
de sanctionner l'illicéité du contrat, soulevée par une partie, par exemple) ou si les
principes de procédure considérés d'ordre public international n'ont pas été respectés
par les arbitres (par exemple, le principe du contradictoire).
Il est vrai que le législateur marocain a prévu un système des voies de recours
largement évolué par rapport aux droits étatiques comparés en termes de la
réduction du délai d’exercice à 15 jours et en termes de l’attribution de l’ensemble de
ce contentieux à la cour d’appel. Cependant, il serait plus judicieux d’étendre les
motifs d’appel de l’ordonnance d’exéquatur, applicables également au recours en
annulation contre la sentence rendue au Maroc en matière internationale, à celle de
refus de l’exéquatur à titre de renvoie.
De même, dans le but d’unifier le système des voies de recours, il serait plus
pertinent de la part du législateur de prévoir la faculté pour les parties de renoncer à
l’annulation de la sentence internationale rendue au Maroc en faveur de l’appel de
l’ordonnance d’exéquatur comme c’est le cas du droit français, suisse et tunisien.
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ـ إبراهيم باحماني :تنفيذ المقررات التحكيمية الوطنية والدولية ،ندوة مشتركة بين المجلس األعلى ومحكمة النقض
المصرية 5 ،مارس ،2004 ،تحت عنوان :العمل القضائي والتحكيم التجاري ،سلسلة دفاتر المجلس األعلى،
العدد.2005 ،7
ـ خالد أحمد عبد الحميد :دور القضاء في األمر بتنفيذ أحكام التحكيم ،مداخلة شارك بها في ندوة "العمل القضائي والتحكيم
التجاري" ،سلسلة دفاتر المجلس األعلى ،عدد.2005 ،7
ـ عبد الكريم الطالب :حجية أحكام المحكمين في قانون المسطرة المدنية المغربي ،مساهمة في الندوة العلمية التي نظمتها
شعبة القانون الخاص بكلية العلوم القانونية واالقتصادية واالجتماعية بفاس بشراكة مع وزارة العدل وهيئة
المحامين بفاس تحت عنوان :الطرق البديلة لتسوية المنازعات ،يومي 4و 5أبريل .2003
ـ فؤاد كحيحلي :النظام العام المغربي وتنفيذ األحكام األجنبية ،مجلة القصر ،العدد ،6مطبعة النجاح الجديدة ،الدار البيضاء،
شتنبر .2003
ـ رفعت محمد عبد الحميد :مفهوم النظام العام وأثره في تنفيذ أحكام التحكيم األجنبية ،سلسلة دفاتر المجلس األعلى ،العدد،7
.2005
ـ خالد أحمد عبد الحميد :دور القضاء في األمر بتنفيذ أحكام التحكيم ،مساهمة في الندوة المشتركة بين المجلس األعلى
ومحكمة النقض المصرية 5 ،مارس ،2004تحت عنوان :العمل القضائي والتحكيم التجاري ،سلسلة دفاتر
المجلس األعلى ،العدد.2005 ،7
ـ طارق مصدق :دراسة في أهم المبادئ العامة للتحكيم التجاري على ضوء اجتهاد المجلس األعلى ،مساهمة في الذكرى
الخمسينية لتأسيس المجلس األعلى ،الندوة الجهوية الحادية عشر تحت عنوان :الصلح والتحكيم والوسائل
البديلة لحل النزاعات من خالل اجتهاد من خالل اجتهاد المجلس األعلى ،قصر المؤتمرات بالعيون1،و2
نونبر ،2007
ـ تذييل أحكام التحكيم الوطنية و األجنبية بالصيغة التنفيذية في التشريع المغربي والمقارن ،مجلة المرافعة،
العدد ،20أكتوبر .2010
ـ الحكم التحكيمي ،مساهمة في الذكرى الخمسينية لتأسيس المجلس األعلى ،الندوة الجهوية الحادية عشر
تحت عنوان :الصلح والتحكيم والوسائل البديلة لحل النزاعات من خالل اجتهاد المجلس األعلى ،قصر
المؤتمرات بالعيون1،و 2نونبر .2007
ـ مريم العباسي و ناصر بلعيد و كريم بنموسى :دور القضاء في مسطرة التحكيم ،سلسلة نهاية تدريب الملحقين القضائيين،
العدد ،3مارس.2011
ـ عالل البصراوي :التحكيم االختياري واألنظمة المشابهة ،مجلة المحاكم المغربية ،عدد ،117نونبر/دجنبر .2008
ـ محمد رافع :اتفاق التحكيم في ظل القانون المغربي واالتفاقيات الدولية ،مجلة المحاكم المغربية ،عدد ،117نونبر/دجنبر
.2008
358
ـ محمد رفعت عبد المجيد :مفهوم النظام العام وأثره في تنفيذ أحكام التحكيم األجنبية" ،مداخلة شارك بها في أعمال الندوة
المشتركة بين المجلس األعلى ومحكمة النقض المصرية ،في موضوع" :العمل القضائي والتحكيم
التجاري" ،نظمت بتاريخ 5 :مارس ،2004سلسلة دفاتر المجلس األعلى ،عدد ،7سنة .2005
ـ محمد شعيبي :القرارات التحكيمية الدولية في المادة التجارية ،المجلة المغربية لقانون واقتصاد التنمية ،العدد ،39
.1997.1996
ـ محمد شعيبي :التحكيم التجاري الدولي في الميزان ،المجلة المغربية لقانون واقتصاد التنمية ،العدد .1994 ،34
ـ عبد اللطيف مشبال :الرقابة القضائية الالحقة على صدور الحكم التحكيمي واتفاقية نيويورك ،مساهمة في الذكرى
الخمسينية لتأسيس المجلس األعلى ،الندوة الجهوية الرابعة تحت عنوان :قضايا االستثمار والتحكيم من
خالل توجهات المجلس األعلى ،محكمة االستئناف التجارية بالدار البيضاء 18 ،و 19أبريل .2007
ـ رياض فخري :قواعد التحكيم قراءة في القانون رقم ،08 .05مساهمة في الذكرى الخمسينية لتأسيس المجلس األعلى،
الندوة الجهوية الحادية عشر تحت عنوان :الصلح والتحكيم والوسائل البديلة لحل النزاعات من خالل اجتهاد
المجلس األعلى ،قصر المؤتمرات بالعيون1،و 2نونبر .2007
ـ عبد الرحمان عاللي :مجاالت التحكيم والنظام العام ،المجلة المغربية لقانون األعمال والمقاوالت ،العدد ،12أبريل.2007
ـ عثمان حسين :قانون التحكيم الجديد ،مجلة المحاماة ،السنة الرابعة والسبعون ،عدد ينايرـ أبريل .1995
ـ حسن لحبيبي :مراكز التوفيق والتحكيم التجاري ضمانة قانونية للمستثمرين وتخفيف من أعباء القضاء ،جريدة الصباح،
العدد 13 ،339ـ.2001 /5 /12
ـ شعيبي المذكوري :خصومة التحكيم الدولي في المادة التجارية ،مجلة المحاكم المغربية ،عدد .72
ـ يونس العياشي :مدى مالئمة مشروع قانون التحكيم التجاري رقم 05.08مع االتفاقيات الدولية ومبادئ التحكيم التجاري
الدولي ،مجلة محاكمة ،عدد .2007 ،2
ـ محمد أبو العينين :قابلية المنازعات للتحكيم ،مقال منشور ضمن أعمال ندوة التحكيم التجاري الداخلي والدولي ،سلسلة
دفاتر المجلس األعلى ،عدد .2005 ،6
ـ عبد الرحمان المصباحي :مواكبة الغرفة التجارية لميدان االستثمار ،مساهمة في الذكرى الخمسينية لتأسيس المجلس
األعلى ،الندوة الجهوية الرابعة تحت عنوان :قضايا االستثمار والتحكيم من خالل توجهات المجلس
األعلى ،محكمة االستئناف التجارية بالدار البيضاء 18 ،و 19أبريل .2007
I : Les prémices d’un droit international d’exéquatur des sentences arbitrales
internationales via les traités de
Genève………………………………………………………………………...……18
I : Spécificité de la procédure d’exécution des sentences rendues par les tribunaux
CIRDI……………………………………………………………………….………44
360
b: Caractère exceptionnelle de la procédure d’exécution des sentences CIRDI……..53
2 : Affaire Tecmed c/ Mexique : exécution en dépit d’une atteinte à l’ordre public...59
Section 2 : Les lois nationales d’exéquatur : Réformes motivées par l’harmonisation
et la compétitivité……………….……………………..…………………………..75
B : Après la loi 05-08 : dispositions propres à l’exequatur des sentences arbitrales
internationales……………………………………………………………………..78
Première Partie : Les problèmes posés par la procédure d’exéquatur des sentences
arbitrales internationales: Du volontaire au forcé……………………………..84
361
Section 1 : La compétence du juge et d’exéquatur entre l’entente et la discordance
juridique……………………………………………………………..…………….89
a : Clause compromissoire……..…………………………………………………………118
b : Compromis……………………………………………………………………………..120
B : Efficacité de la sentence et contrôle par les juges étatiques de l’ordre public
transnational……………….……………………………………………………..166
II :Jurisprudence comparée……………………..………………………………………..168
a : Les règles d'ordre public au sens international, applicables à la procédure arbitrale
dont l’inobservation provoquerait le refus d’exéquatur……………………..192
364
1: Fraude à la procédure et les règles de base relatives à la charge de la preuve…..193
b : Principes confirmés par la jurisprudence comme étant d'ordre public interne…207
365
B : Législation française : assouplissement du formalisme…………………………..237
366
b : Convention d’arbitrage expirée……………………………….……………………..275
367
§2 : Polémique issue de la mise en œuvre des dispositions de la convention de New-
York relatives à l’annulation de la sentence dans son pays d’origine……..….309
I : Décisions en faveur de l’exécution des sentences annulées dans leur pays
d’origine.……………………….…………………………………………………312
Conclusion générale………………………….…………………………………………..337
Sources et bibliographie…………….…………………………..……………………….341
368
369