BIOGRAPHIE DE L’AUTEUR :
Parmi les travaux menés dans ce centre, par Isabelle Danjou et Béatrice Dubois-
Grivon, nous citons un cahier de recherche paru en 1999 et intitulé « les jeunes
entreprises innovantes : profil des créateurs et des comportements stratégiques »,
ayant porté sur vingt-deux entreprises du Nord – Pas de Calais, et qui s’est attaché à
cerner les spécificités des jeunes entreprises innovantes régionales et à identifier,
dès les premiers stades du développement, les facteurs de succès de ses
entreprises.
POSTULAT :
HYPOTHÈSES DE BASE :
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MODE DE DÉMONSTRATION :
La stratégie de recherche repose sur une méthodologie qualitative qui place l’individu
au centre du questionnement et accorde une part prépondérante à l’expérience
subjective des entrepreneurs : la méthode des récits de vie. La logique à suivre dans
le cadre de l’approche choisie, approche de nature qualitative et inductive, n’est pas
celle de la statistique mais celle de la qualité des entretiens et de l’information
recueillie. La notion de représentativité, qui n’a pas de sens ici ou un sens très
secondaire, a été remplacée par celle de « saturation ».
Les récits de vie ont été recueillis au cours d’entretiens d’une durée moyenne d’une
heure trente qui se sont déroulés en deux temps : une phase principale d’expression
libre, non directive, introduite par une question ouverte destinée à inviter
l’interlocuteur à décrire sa trajectoire professionnelle en mettant en relief ses actions
entrepreneuriales les plus marquantes ; une phase d’investigation un peu plus
directive, destinée, si nécessaire, à approfondir une ou plusieurs actions
entrepreneuriales évoquées.
Les entretiens ont été conduits selon la méthode empathique qui consiste à entrer
dans le monde perceptuel de la personne interrogée, à adhérer, mais sans excès, à
son cadre de référence, afin de favoriser la richesse et la sincérité des propos. Ces
entretiens ont été enregistrés et Intégralement retranscrits à fin d’analyse. Les
significations pertinentes pour l’objet de la recherche ont été extraites en s’appuyant
sur une analyse thématique (identification des thèmes prégnants, recherche d’une
cohérence thématique inter-entretiens…) et sur une analyse comparative par thèmes
(repérage de récurrences, de logiques de pensée ou d’action semblables…).
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Résumé :
Isabelle Danjou s’est servie de ces interviews pour donner une ossature à son
ouvrage qui va traiter, dans une première partie, l’entrepreneur selon sa flamme, son
talent et son goût du projet collectif et elle va revenir, dans une deuxième partie, pour
démontrer que l’entrepreneur est un produit de la vie et de ses passages à l’acte.
C’est par une envie furieuse, une attitude optimiste et une conviction personnelle que
l’homme puisse entreprendre, ces émotions constituent une source de force pour
celui-ci. Pour Isabelle Danjou, l’entrepreneur doit croire en ce qu’il fait et cette
adhésion entre le vécu intérieur et l’action est source de plaisir et de bonheur.
La direction a pour rôle de désigner les grandes lignes du projet dessiné : la création
d’une nouvelle entité viable, la croissance, le développement, la réorganisation, la
remise à flot, la diversification, l’innovation. Toutes ces actions mènent vers un seul
chemin qui est la création de valeur.
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donne Léon Schwarzenberg 1 à la réussite d‘un projet « la véritable réussite, c’est la
réussite par rapport aux problèmes que vous pose la vie (…). La vraie réussite c’est
d’arriver à résoudre un problème difficile qui vous était posé au début de votre vie et
que vous pensez avoir en partie, mais en partie seulement, résolu quand vous l’avez
terminée. Ça c’est la seule réussite. La réussite sociale c’est un peu la frime quoi !
Il existe, toujours en tout homme, un canal important entre ses aspirations et ce qu’il
arrive à en traduire dans ses actes. Il reste que, malgré tout, toute action se fait au
nom de quelque chose. Pour les dirigeants d’entreprise, il y a toujours une forme de
conviction qui est au rendez-vous pour soutenir les projets entrepreneuriaux.
L’attrait pour le défi, l’esprit de l’aventure, la prise des risques, la passion, le besoin
de réalisation, le courage, les convictions, la force d’engagement, la ténacité… sont
les caractéristiques essentielles des comportements des dirigeants. Plus
particulièrement les entrepreneurs nordistes ont une race de bâtisseurs dont la
puissance de feu repose sur leur détermination et leur pragmatisme, ils ont aussi une
touche d’opiniâtreté et de bon sens, ces deux dernières caractéristiques font une
certaine identité régionale où on retrouve des valeurs d’effort, de simplicité et de
sobriété. En plus de toutes ces qualités, l’aspect familial de la plus parts des
entreprises de cette région donne aux dirigeants un sens de pérennité ce qui fait de
ces entreprises des firmes à sensibilité développée à l’aspect de la responsabilité
sociale et à capacité à travailler pour les générations futur.
2. Son sens du projet, c’est son talent pour concevoir, faire apparaître ou tout
simplement recueillir des idées qui ouvrent le champ des possibles et pour convertir
celles-ci en des projets opportuns et réalistes.
Ainsi, l’entrepreneur doit avoir une vision du projet, c’est-à-dire qu’il doit penser
comment concrétiser son idée conçue sur le terrain, car le projet n’est pas seulement
un but, il est aussi un chemin en même temps. Certes, le fait d’avoir une idée est très
important mais la manière qu’on utilise à expliciter et à diffuser celle-ci est plus
importante. Par ailleurs, la transformation d’une idée à une action concrète qui
repose sur une négociation constante entre le désirable et le possible, entre le rêve
te les contraintes de la réalité, nécessite une collaboration de l’imagination et la
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Paroles recueillies par Claude Brovelli dans le cadre des entretiens qu’il a menés pour réaliser son livre : Ils ont
réussi, Edition France Empire, 1984, P.178
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réflexion, de l’intuition et l’esprit d’analyse, ainsi, il faut trouver cette potion magique
qui lie rationalité et intuition.
Par conséquent, on peut déduire que les trois dimensions de la vie psychique (la
cognition, l’affect et la conation) d’un homme sont les véritables paramètres qui
entrent en jeu pour déterminer l’action de celui-ci. Isabelle Danjou a esquissé ce
point dans son ouvrage (objet de notre fiche de lecture).
Ce qu’on peut déduire de ces définitions, c’est que l’entrepreneur seul ne peut pas
prendre toujours la bonne décision, car, souvent l’un de ces cotés influence plus que
les autres la pensée de celui-ci, d’où la nécessité de l’existence des personnes qui
vont aider le dirigeant à éliminer toute subjectivité de sa pensée.
Il faut être convaincu que rien ne se fait seul et il ne suffit pas de croire aux
dimensions interactionnelles et décisionnelles, il faut aussi trancher et s’engager
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personnellement face à autrui. Dans ces conditions, l’entrepreneur sera enserré dans
une toile d’interdépendance, alors il doit en profiter et y tirer des bénéfices, ce qui
impose de construire de fortes compétences relationnelles. Et puisqu’il doit garder
son autonomie, au milieu de cette toile, il est censé décider par lui-même en se
confrontant à une relative solitude intérieure et à la responsabilité liée à ses choix.
Dans la région du Nord-Pas de Calais, les hommes sont dotés d’une certaine éthique
plus développée qu’ailleurs, ce qui fait d’eux des entrepreneurs collectivistes (issus
d’entreprises familiales) qui diffèrent de ceux du reste de la France et cela est dû
principalement à leur culture familiale caractérisée par une honnêteté, une fiabilité et
un altruisme typiques.
Cet aspect humain des entreprises nordistes est un modèle idéal qui doit être imité
par les autres entrepreneurs qui sont devenus aujourd’hui très individualistes. Les
ressources personnelles ou dispositions susceptibles de soutenir les dynamiques de
pensée et d’action des dirigeants entreprenants sont le produit d’un apprentissage et
évoluent au cours du temps sous l’effet des expériences vécues. Elles servent le
comportement entrepreneurial mais ne le déterminent que partiellement : les
comportements résultent de processus beaucoup plus complexes que la
manifestation des seules dispositions.
Pour essayer de cerner cette question des causes intrinsèques à l’entrepreneur lui-
même, on va chercher à découvrir, d’après les témoignages qui reflètent les
expériences vécues des entrepreneurs, les principaux motifs qui poussent les
instincts de ces dirigeants à entreprendre à savoir, l’impact de l’exemplarité ;
l’influence de l’expérience ; les «épreuves du feu » qui révèlent ; la contingence
comme source d’opportunités.
- L’impact de l’exemplarité
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raconter à ses petits (lors des prises des repas par exemple) ses faits vécus à
l’entreprise. Ce phénomène ne peut être limité seulement aux parents, l’exemple
peut être aussi un parrain, un maître, un chef ou bien même un collègue.
- L’influence de l’expérience
L’apprentissage est l’une des qualités de l’individu, celui-ci qui a des aptitudes et des
capacités à acquérir un savoir-faire durant ses expériences, et même des réflexes
qui lui donnent le sens d’anticipation et de réaction.
Ressources de
l’entrepreneur Attitudes Aptitudes
Dimensions
De l’entrepreneur
Acceptation du risque
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Regard tourné vers l’avenir Capacité d’interprétation du réel et
Un développeur de questionnement de la réalité
qui dessine Sens du réel, pensée concrète et - Faculté de perception et
réaliste, bon sens d’analyse de situations complexes
des projets d’avenir
- Faculté de dépassement des
Sens de l’observation et du détail apparences et fausses rationalités
base cognitive -perspicacité et discernement pour
de l’action Pensée globale, holistique se poser les bonnes questions, pour
percevoir des opportunités
Pensée créative, imaginative ; -Aptitude à développer une
autonomie de pensée perception claire et opératoire de la
réalité qui rende lisible la
complexité
Capacités d’anticipation
Capacité de construction d’un
futur souhaitable dans une logique
de projets
- habileté à conjuguer rigueur et
imagination
- habileté à transformer des idées
en projets réalistes et à concevoir
les modalités pratiques
Capacité d’évaluation
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Il est à signaler que l’expérience développe une certaine capacité d’influence chez
les individus, par exemple, la conduite d’équipes constitue l’une des meilleures
formations pour un dirigeant.
L’évolution d’un parcours professionnel d’un entrepreneur se base sur une volonté
active de développer ses talents, de libérer son potentiel, d’approfondir et d’élargir
toujours plus ses domaines de compétence. Les interviews ont permis à l’auteur de
mettre en lumière trois facteurs déterminant de la confiance en soi.
L’effet d’une volonté personnelle qui incite à exercer le mieux possible une
mission, un métier, en accordant une plus grande place à l’apprentissage, à
l’acquisition des connaissances et de pratiques nouvelles.
L’importance de la confiance accordée par les autres.
L’avantage de la mise en situation est de faire émerger des talents, parfois
insoupçonnés, en affrontant les vagues de l’entreprise et de son
environnement.
La confiance en soi, selon les psychologues, est une accumulation des expériences
qui s’expriment dans un contexte donné, il s’agit donc d’une assurance partielle qui
s’applique, à un certain moment, à un domaine particulier.
Ainsi, le parcours d’un créateur ou d’un entrepreneur peut être marqué plus ou moins
fortement par des situations ou des événements fortuits en ce sens qu’ils auraient
fort bien pu ne pas se produire, ce qui représente pour lui un élément de chance
auquel il doit profiter pour grimper et enrichir sa carrière.
Il est à signaler que les circonstances heureuses ne concernent pas que la survenue
des opportunités d’affaires, d’opportunités de création ou de reprise d’entreprise,
l’association avec les partenaires, le développement de nouveaux produits ou
marchés… il y a des événements qui, sans révéler des opportunités à saisir, n’en ont
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pas moins un impact important en modifiant, par exemple, la perception que le
dirigeant a de son environnement et de son entreprise.
Les projets, sans aucun doute, portent des sens et des perspectives visées par leurs
porteurs (recherche de profits maximums, acquisition d’un statut social, participation
à la vie de la collectivité, réalisation de soi, fidélité à une histoire familiale,…), mais
concrètement, ces derniers s’attachent avant tout à les faire aboutir. Il leur faut donc
une volonté de mise en œuvre et un choix de faire et de réaliser.
Les choix effectués par les porteurs de projets constituent un processus qui les
conduit à entreprendre, c’est une aventure qui prenne place dans un contexte
d’imprévisibilité, car les dirigeants ou futurs dirigeants prennent des décisions qui
auront par la suite une influence sur le cours des choses que ce soit à court ou à
long terme, ce qui donne à ces décisions, qui doivent être pertinentes et rigoureuses,
une très grande importance.
Pour mettre l’accent sur les intentions qui constituent une première marche
incontournable vers l’action, Shapero (page 226) nous propose le modèle ci-
dessous :
Désirabilités Perception de
spécifiques désirabilité
Perception à Intentions
agir
Perception
d’efficacité Perception de
personnelle faisabilité
Les travaux menés jusqu’à présent ont cherché à identifier et à valider les facteurs
qui déterminent les intentions entrepreneuriales, mais n’ont pas déterminé le lien
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entre l’intention et sa concrétisation. Cette dernière ne se traduit pas toujours dans
des comportements.
Le lien de causalité entre l’intention et le passage à l’acte est loin d’être direct, car
beaucoup d’éléments interviennent à nouveaux à travers notamment la survenue
d’une opportunité d’affaires, la rencontre de partenaires complémentaires ou un
incident de parcours dans la carrière, ce qui peut constituer un facteur déclencheur
et permettre au désir de prendre forme et à l’intention d’entreprendre de se
concrétiser. Ainsi, le choix de l’individu intervient de façon incontournable, parce que
celui-ci peut toujours s’engager ou renoncer à son projet.
On parle d’une complémentarité entre deux approches du réel opposées : d’un coté,
l’imagination, les idées, la vision, la projection dans le futur, ce qui correspond à une
visée stratégique du monde et, de l’autre, le pragmatisme, le souci de concrétiser, de
finaliser, qui correspondent à une visée opérationnelle du monde. Cette alliance de la
hauteur de vue et du pragmatisme a été effectivement décrite précédemment comme
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une composante essentielle de la créativité appliquée qui permet de concevoir des
projets d’entreprise à la fois inédits et réalistes.
On ne peut pas parler de l’entrepreneur en faisant l’impasse sur son théâtre intérieur,
sur ce qui nourrit sa force d’engagement. On ne peut pas susciter l’esprit d’entreprise
sans solliciter ou éveiller le pôle émotif de la vie psychique des personnes.
Vis-à-vis de soi-même :
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Vis-à-vis de l’action menée :
- Le pragmatisme (et les valeurs associées de sobriété et d’efficacité) : une idée, une
action ont de la valeur dans la mesure où elles s’avèrent bien adaptées à la réalité et
permettent d’accomplir des choses utiles.
- La dimension collective : l’aventure est collective et non individuelle.
Vis-à-vis de l’entreprise :
-L’entreprise : elle est une valeur, une fin en soi et non un moyen.
-La pérennité : la continuité de l’entreprise est le principal défi à relever.
-La responsabilité sociale, l’engagement vis-à-vis d’autrui, avec les valeurs
associées de confiance mutuelle et de respect des autres.
Parmi ces valeurs, on peut penser que les premières citées, c’est-à-dire celles qui se
rapportent à l’individu lui-même, sont largement partagées par de nombreux
entrepreneurs, tout au moins par ceux qui entreprennent par défi et non par dépit ou
contrainte, car elles sont nécessaires pour soutenir l’engagement dans la réalisation,
contre vents et marées, de projets d’entreprise. Les autres valeurs servent aussi, de
toute évidence, l’esprit entrepreneurial : être attaché à agir dans la durée, de manière
concrète et pas seulement pour soi, en donnant une visée collective au projet,
apporte assurément de l’assise et de la vigueur aux projets de création et de
développement d’entreprises. Cependant, l’accent très prononcé mis sur ces aspects
donne à penser que ces valeurs appartiennent peut-être plus en propre aux
dirigeants du Nord de la France qu’à ceux d’autres contrées. On peut en tout état de
cause se poser la question d’une certaine “culture” entrepreneuriale nordiste faite
d’opiniâtreté et de management à long terme, de pragmatisme discret mais efficace,
de foi dans les hommes et de sens de la responsabilité… qui, en cette ère de finance
cynique et triomphante, exhale somme toute une fraîcheur réconfortante bien plus
qu’une senteur désuète. A ce stade de la recherche, ces éléments ne peuvent que
participer à formuler des hypothèses et appellent la réalisation de travaux de
recherche à visée comparative, menés dans d’autres régions françaises et d’autres
pays.
BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE :
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