L’observation est une méthode de collecte de données qui alimente traditionnellement la
réflexion de nombreuses disciplines de gestion. C’est le cas en management, ou les observations de Taylor (1911) furent à l’origine de l’organisation scientifique du travail (OST) dans l’industrie, puis dans les années 1930 avec les travaux de l’école des relations humaines sur les conditions de travail et les styles de leadership. Les concepts théoriques issus de cette école ont ensuite alimenté la gestion des ressources humaines ; discipline dans laquelle l’observation sert aujourd’hui à appréhender – ente autre – la gestion des compétences individuelles et collectives. L’observation a aussi servi à l’analyse de l’organisation dans le domaine de la gestion des systèmes d’information, afin de mieux faire correspondre les choix technologiques (solutions informatiques et logicielles) avec les choix organisationnels et stratégiques des entreprises. L’observation est également mobilisée en marketing, notamment lorsqu’il s’agit d’analyser et de modéliser les comportements du consommateur en situation d’achat et face aux stratégies de communication qui le ciblent. Enfin, l’observation est présente dans le champ du management stratégique, par exemple dans l’analyse des prises de décisions des dirigeants. I- L’observation dans les sciences de gestion : Le succès de l’observation dans les sciences de gestion tient en partie au fait qu’elle constitue l’une des clés de voûte des recherches procédant par études de cas (Ragin et Backer, 1992 ; Yin, 2003). En apparence facile et intuitive, car relevant de l’expérience sensible immédiate qui consiste à voir et à entendre, l’observation recouvre en réalité des activités complexes aux multiples facettes. Certains auteurs, comme Peneff (2009), en rendent compte lorsqu’ils évoquent le « goût de l’observation » pour mieux signifier le degré d’engagement personnel qui requiert souvent cette technique de collecte de données et pour insister sur la saveur toute particulière que cette expérience procure au chercheur, et qui se traduit également dans les résultats de la recherche. Cela en fait une méthode d’investigation très exigeante, tant du point de vue de la pratique du chercheur que de l’architecture globale de la recherche. Bien que très utilisée, l’observation suscite régulièrement des réserves sur sa capacité à produire des connaissances scientifiques, surtout lorsqu’elle est comparée aux méthodes d’enquête statistique (par questionnaire notamment). D’un côté, les observations expérimentales qui reposent sur des protocoles très stricts sont interrogées sur leur pertinence, dans la mesure où elles sortent le phénomène étudié de son contexte naturel pour mieux isoler et contrôler les effets des variables indépendantes sur les variables dépendantes du modèle théoriques sous-jacent ; de l’autre côté, les observations in situ qui étudient les phénomènes dans leurs contextes naturels sont interrogées sur le faible niveau de formalisation de leur protocole d’observations et sur la représentativité des cas observés. Qu’elle soit expérimentale ou in situ, l’observation est susceptible de connaître des biais qui peuvent affecter aussi bien l’observateur que les personnes ou les phénomènes observés et qui trouvent souvent leurs origines dans les relations entre l’observateur et l’observé. II- Définition de l’observation ? Définir l’observation en tant que support de recherche est problématique dans la mesure où l’observation possède un double nature, à la fois technique et stratégique. L’observation peut être définie, au sens étroit du terme, comme une technique de collecte de données primaires visibles et audibles. Dans cette perspective, l’accent est mis sur les modalités concrètes et les outils mis en œuvre pour saisir le phénomène étudié. Cette conception de l’observation est au cœur des démarches expérimentales. Mais l’observation ne peut également être définie, de manière plus large, comme une stratégie particulière d’interaction avec le terrain. De ce point de vue, l’exercice déborde largement le simple cadre du « voir et entendre » pour impliquer toute la personne de l’observateur. Cette conception est au cœur de l’observation in situ non expérimentale. L’accent est mis sur le choix du type de relations que le chercheur entretient avec son terrain afin d’accéder au phénomène étudié puis d’en rendre compte et de l’analyser. La double nature technique et stratégique de de l’observation se traduit dans les activités qui entrent dans le cadre de l’observation. III- L’observation comme technique : voir et entendre Dans ce sens le plus concret et le plus étroit, observer consiste avant tout à « voir » ce que des personnes, des objets ou des phénomènes sont et/ou font. L’œil et le regard du chercheur sont alors les principaux vecteurs de l’observation. Ces derniers peuvent être outillés par des moyens vidéo qui permettront de relever et d’enregistrer avec précision les activités des personnes. Dans un sens plus abstrait, l’observation peut porter non pas sur l’activité directe mais sur des traces et des indicateurs de cette activité. Il ne s’agit pas alors de « voir » mais plutôt de d’évaluer un phénomène et de suivre ses évolutions. C’est le plus souvent dans cette acception que l’on parle d’« observatoire ». Mais l’observation ne se résume pas à « voir ». Pour essentielle qu’elle soit, cette composante n’est qu’une des dimensions de l’observation, qui inclut également la collecte des sons et les paroles. Observer c’est donc, en première approche, voir ce qui peut être vu et entendre ce qui peut être dit par les personnes observées. IV- L’observation comme mode d’interaction entre l’observateur et l’observé : L’observation peut être définie plus largement comme une stratégie d’investigation orientée vers un mode particulier d’interaction entre le chercheur et son « terrain ». Le terrain est ici pris au sens large de l’ensemble des sources de données utilisables par le chercheur. Classiquement, deux options sont possibles : l’observation passive et l’observation participante. V- Les différentes formes d’observation Les observations vont différer selon plusieurs modalités : • Les lieux : l’observation peut avoir lieu en situation naturelle (dans un musée, un supermarché, une cour d’école…). Elle peut aussi se dérouler en milieu artificiel (dans un laboratoire de recherche, un magasin test…). • La participation du chercheur : le chercheur peut participer à l’activité du groupe observé ; on parlera alors d’« observation participante » (des observateurs ont participé au travail en usine, comme ouvriers, afin d’étudier au plus près les interactions entre les salariés, Bernoux, 1973). • Directe/indirecte : l’observation peut être directe. Le chercheur collecte alors lui-même les données. Ou bien elle peut être indirecte : le Chercheur utilisera la caméra ou l’appareil photographique et analysera les données enregistrées. • À découvert/ en sous-marin : le chercheur peut observer une personne à découvert. La personne se sait alors observée. Cette technique nécessite un temps d’adaptation pour le sujet car, se sentant observé, il modifiera son comportement, qui sera loin d’être naturel. Le chercheur peut opérer masqué : l’observation se déroule « en sous-marin » et le sujet ne sait pas qu’il est observé. VI- Le protocole d’observation Le chercheur va poser une question de départ : par exemple, « Comment les enfants réagissent-ils au rayon peluches d’un magasin ? » Afin de répondre à cette question, il conviendra de choisir un terrain approprié (magasin de jouets ou rayon jouets d’une grande surface). L’observateur devra aussi délimiter les acteurs à observer (les enfants bien sûr, mais aussi les adultes qui les accompagnent, afin de comparer les comportements de l’enfant selon, par exemple, l’âge ou le sexe des accompagnants). Le jour et l’heure de l’observation sont importants : une veille de Noël ou un jour d’été, un samedi après-midi ou un mercredi matin sont des variables qui auront un impact sur le recueil des données. Enfin, l’observateur devra construire la grille d’observation. Cette grille comprend tous les indicateurs nécessaires à l’observation. L’objectif est de coder des séquences de comportements en fragmentant la conduite globale d’un individu. Les fragments, ainsi répertoriés, seront comptabilisés et analysés. Il convient, dès lors, de reporter la totalité de l’inventaire de comportements ou d’activités qui peut se présenter pendant le temps d’observation. La grille doit être complète afin de pouvoir restituer, dans l’addition des fragments, la logique globale du comportement individuel. VII- Conclusion : De manière générale, l’intérêt de cette recherche réside alors dans les différents niveaux de définition proposés qui pose l’observation, à la fois, comme un outil et un « ressenti du chercheur ». En mettant ainsi l’accent sur les biais cognitifs, affectifs et comportementaux liés à ce mode de collecte, ainsi qu’aux aspects éthiques qui en découlent, notamment quant aux relations qui s’établissent avec le terrain de recherche. La méthode de l’observation est très Importante pour la recherche en sciences de la gestion.