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INSTITUT SUPERIEUR DE GESTION

DE TUNIS
2019-2020

DROIT DU MARCHÉ FINANCIER

Chapitre préliminaire : L'appel public à l'épargne

Section 1 : Les critères d’appel public à l’épargne


Le CSC répute comme sociétés faisant appel public à l'épargne, celles qui émettent ou cèdent
des valeurs mobilières en appelant le public à l'épargne. Il en est de même pour toutes les
sociétés désignées comme telles par des lois spéciales (Article 162 CSC).
La loi n° 94-117 du 14 novembre 1994, portant réorganisation du marché financier (LMF)
telle que modifiée par la loi n° 99-92 du 17 août 1999 relative à la relance du marché financier
répute sociétés ou organismes faisant appel public à l'épargne :
1) Les sociétés qui sont déclarées comme telles par leurs statuts
2) Les sociétés dont les titres sont admis à la cote de la Bourse.
3) Les banques et les sociétés d'assurances quel que soit le nombre de leurs actionnaires
4) Les sociétés dont le nombre d'actionnaires est égal ou supérieur à cent
5) Les Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières
6) Les sociétés et les organismes autres que les organismes de placement collectif en
valeurs mobilières qui, pour le placement de leurs titres, recourent soit à des
intermédiaires, soit à des procédés de publicité quelconques, soit au démarchage.
La publicité peut consister en annonces diffusées dans la presse, en affiches placardées dans
les lieux publics, en communiqués à la radio ou à la télévision etc.
Le démarchage s'entend l'activité de la personne qui se rend habituellement à la résidence de
personnes, sur leurs lieux de travail ou dans les lieux publics, en vue de leur proposer la
souscription ou l'acquisition de titres. Est également considéré comme démarchage, l'envoi de
lettres, dépliants ou tous autres documents lorsqu'il est utilisé, de façon habituelle, pour
proposer la souscription ou l'acquisition de titres (Article 1 LMF).

Section 2 : Les conséquences de l’appel public à l’épargne

1) Capital minimal
Lorsque la société fait appel public à l'épargne son capital ne peut être inférieur à 50.000
dinars (Article 161 CSC).

2) Constitution de la société
La procédure de constitution des sociétés anonymes avec appel public à l’épargne présente
quelques spécificités.

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3) Information du public
Toute société lors de l'admission de ses titres à la cote de la Bourse ou lorsqu’elle émet des
valeurs mobilières par appel public à l'épargne, doit chaque fois et au préalable, publier un
prospectus destiné à l'information du public et portant notamment sur l'organisation de la
société, sa situation financière et l'évolution de son activité ainsi que les caractéristiques et
l'objet du titre émis. (Article 2 LMF).
Le Conseil du Marché Financier s'assure que les publications légales sont régulièrement
effectuées par les sociétés faisant appel public à l'épargne. Il vérifie la conformité des
informations fournies ou publiées par les personnes précitées aux exigences légales et
réglementaires. (Article 32 LMF).
a- Obligation d’information du CMF et de la BVMT lors des assemblées (Article 3
LMF) :
- L'assemblée générale ordinaire (annuelle) :
• Avant la tenue de l'assemblée :
D'une part, les sociétés faisant appel public à l’épargne sont tenues de déposer ou d’adresser,
sur supports papiers et magnétique, au conseil du marché financier et à la bourse des valeurs
mobilières de Tunis prévue, dans un délai de quatre mois, au plus tard, de la clôture de
l’exercice comptable et quinze jours, au moins, avant la tenue de l’assemblée générale
ordinaire :
- l’ordre du jour et le projet des résolutions proposées par le conseil d’administration ou par le
directoire,
- les documents et les rapports prévus, selon le cas, par les articles 201 ou 235 du code des
sociétés commerciales et l’article 471 dudit code. Le rapport annuel sur la gestion de la
société doit comporter les informations arrêtées par règlement du conseil du marché financier
et particulièrement, un exposé sur les résultats des activités, leur évolution prévisible et
éventuellement les changements des méthodes d’élaboration et de présentation des états
financiers, ainsi que des éléments sur le contrôle interne,
- les rapports du ou des commissaires aux comptes visés, selon le cas, aux articles 200, 269 et
472 du code des sociétés commerciales. Lesdits rapports doivent contenir une évaluation
générale du contrôle interne.
D'autre part, les sociétés faisant appel public à l’épargne doivent publier au bulletin officiel du
conseil du marché financier et dans un quotidien paraissant à Tunis, leurs états financiers
annuels accompagnés du texte intégral de l’opinion du commissaire aux comptes dans les
délais visés à l’article 3 de la présente loi.
Toutefois, à des fins de publication dans le quotidien, les sociétés peuvent se limiter à publier
les notes sur les états financiers obligatoires et les notes les plus pertinentes sous réserve de
l’obtention de l’accord écrit du commissaire aux comptes.
• Après la tenue de l'assemblée :
D'une part, les sociétés faisant appel public à l’épargne doivent, dans les quatre jours
ouvrables qui suivent la date de la tenue de l’assemblée générale ordinaire, déposer ou
adresser au conseil du marché financier et à la bourse des valeurs mobilières de Tunis : les
documents visés à l’article 3 de la présente loi s’ils ont été modifiés, les résolutions adoptées
par l’assemblée générale ordinaire, l’état d’évolution des capitaux propres en tenant compte
de la décision d’affectation du résultat comptable, le bilan après affectation du résultat
comptable, la liste des actionnaires, la liste des titulaires des certificats de droit de vote et
éventuellement la liste des titulaires d’obligations convertibles en actions.

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D'autre part, les sociétés faisant appel public à l’épargne doivent publier au bulletin officiel du
conseil du marché financier et dans un quotidien paraissant à Tunis dans un délai de trente
jours après la tenue de l’assemblée générale ordinaire au plus tard : les résolutions adoptées
par l’assemblée générale ordinaire, l’état d’évolution des capitaux propres en tenant compte
de l’affectation du résultat comptable, le bilan après affectation du résultat comptable, les
états financiers lorsqu’ils ont subi des modifications.
- L'assemblée générale extraordinaire :
Les sociétés faisant appel public à l’épargne doivent déposer au conseil du marché financier et
à la bourse des valeurs mobilières de Tunis ou leur adresser quinze jours au moins avant la
date de la tenue de l’assemblée générale extraordinaire : l’ordre du jour et le projet des
résolutions proposées par le conseil d’administration ou par le directoire, le rapport du ou des
commissaires aux comptes éventuellement et les documents mis à la disposition des
actionnaires comme appui aux résolutions proposées.
Les résolutions sont adressées au conseil du marché financier et à la bourse des valeurs
mobilières de Tunis dès leur adoption par l’assemblée générale.
b- Obligation d’information continue (Article 4 LMF) :
Les sociétés faisant appel public à l'épargne sont tenues de fournir au Conseil du Marché
Financier et à la Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis dans un souci d'information continue
du public tous renseignements et documents nécessaires à la négociation ou à l'appréciation
de leurs titres.
A la demande du Conseil du Marché Financier, lesdites sociétés doivent procéder à la
diffusion de ces informations ou toute explication supplémentaire exigée par le Conseil du
Marché Financier par communiqués.

4) Le contrôle exercé par le CMF


Le Conseil du Marché Financier est chargé de veiller à la protection de l'épargne investie en
valeurs mobilières, produits financiers négociables en bourse et tout autre placement donnant
lieu à appel public à l'épargne.
a- Contrôle des transactions portant sur des blocs de titres (Articles 5 à 7 LMF) :
Les projets d'acquisition émanant d'une personne, ou d'un groupe déterminé de personnes,
d'un bloc de titres susceptible de conférer le contrôle majoritaire en droits de vote appelé bloc
de contrôle dans une société faisant appel public à l'épargne, doivent faire l'objet d'une
demande adressée au Conseil du Marché Financier qui se prononce sur la demande et indique,
au demandeur, s'il doit procéder à une offre publique d'achat ou s'il doit se soumettre à une
procédure de maintien de cours enregistrés à la bourse (Article 6 LMF).
Lorsqu'une personne, agissant seule ou de concert, vient à détenir un nombre de titres de
nature à lui conférer le contrôle majoritaire en droits de vote, dans une société faisant appel
public à l'épargne, le Conseil du Marché Financier peut lui ordonner soit de procéder à une
offre publique d'achat, soit de se soumettre à une procédure de maintien de cours enregistrés
en bourse dans les conditions fixées par le règlement général de la bourse (Article 7 LMF).
b- Contrôle de l’actionnariat et des franchissements des seuils de participation
(Articles 8 à 16 LMF) :
Toute personne physique ou morale, agissant seule ou de concert, qui vient à détenir
directement ou indirectement plus du vingtième, du dixième, du cinquième, du tiers, de la
moitié ou des deux tiers du capital d'une société faisant appel public à l'épargne autre qu’une
société d'investissement à capital variable, est tenue de déclarer à cette société, au Conseil du
Marché Financier, et à la Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis dans un délai de 15 jours à

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compter du franchissement d'un des seuils de participation précités le nombre total d'actions et
de droits de vote qu'elle y détient.  Cette déclaration est également faite dans le même délai et
aux mêmes organismes lorsque la participation au capital ou le nombre des droits de vote
devient inférieur aux seuils susvisés (Articles 8 & 16 LMF).
c- Contrôle des opérations de concentration :
Si l’une des sociétés fusionnantes est une société faisant appel public à l’épargne,
l’autorisation du Conseil du Marché Financier est nécessaire (Article 416 CSC).

5) Transactions portant sur les valeurs mobilières


Sous réserve des exceptions prévues par la loi, les transactions portant sur des valeurs
mobilières et des droits s'y rapportant émis par les sociétés faisant appel public à l'épargne,
doivent être effectuées sur un marché de négociation dans les conditions fixées par le
règlement général de la bourse (Article 70 LMF).

6) Récusation du commissaire aux comptes


Le président du tribunal de première instance de Tunis peut, sur demande motivée du
président du Conseil du Marché Financier, ordonner par voie de référé la récusation du
commissaire aux comptes désigné par l’assemblée générale de sociétés faisant appel public à
l’épargne et la nomination de celui qui le remplace. (Article 45 LMF).

7) Etablissement des états financiers selon les normes comptables IFRS


En vertu de la décision de l’assemblée générale du Conseil National de la Comptabilité du 6
septembre 2018, les sociétés cotées à la bourse des valeurs mobilières de Tunis, les banques,
les établissements financiers et les sociétés d’assurance et de réassurance sont appelées à
établir leurs états financiers consolidés selon les normes internationales d’information
financière (IFRS) à partir du 1er janvier 2021.

8) Autres conséquences spécifiques aux sociétés faisant appel public à l'épargne et qui
sont admises à la cote de la bourse
D’abord, l’article 19 de la LMF autorise les sociétés admises à la cote de la bourse à acheter
les actions qu'elles émettent en vue de réguler leurs cours sur le marché. De même,
l'admission des actions à la cote de la bourse vaut pour la société concernée renonciation de
plein droit à toute clause d'agrément et de préemption prévue par ses statuts (Article 22 LMF).
Ensuite, les sociétés admises à la cote de la bourse sont tenues de désigner leur commissaire
aux comptes parmi les membres de l'ordre des experts comptables de Tunisie (Article 20
LMF).
En outre, les sociétés admises à la cote de la bourse sont tenues de fournir, au Conseil du
Marché Financier et à la Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis, des états provisoires établis
sous la responsabilité du conseil d'administration au plus tard un mois après la fin de chaque
semestre couru de l'exercice. Ces états doivent être accompagnés de l'avis du commissaire aux
comptes sur les résultats provisoires. Lesdites sociétés doivent procéder à la publication des
états provisoires dans un quotidien paraissant à Tunis, dès leur envoi au Conseil du Marché
Financier (Article 21 LMF).
Enfin, l’article 215 du CSC tel que modifié par la loi du 29 mai 2019 relative à l’amélioration
du climat de l’investissement, exige désormais que lorsque la société est cotée en bourse, elle
doit dissocier obligatoirement entre les fonctions de président du conseil d’administration et
celles de directeur général. L’article 239 bis exige quant à lui que le conseil de surveillance de
ces sociétés doit comporter au moins deux membres indépendants des actionnaires.

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Chapitre I : Les valeurs mobilières

Les valeurs mobilières ont longtemps suscité un intérêt secondaire. L’épargne populaire et les
excédents de trésorerie des entreprises étaient en grande partie placés en comptes d’épargne
parfois bloqués. Cette inertie en matière de placement cède de plus en plus la place à un plus
grand dynamisme en matière de placement en valeurs mobilières.

Section 1 : La notion de valeurs mobilières

Le code des sociétés commerciales n'a pas défini les valeurs mobilières auxquelles il leur
consacre le sous-titre 5 intitulé " Des valeurs mobilières " et dans lequel il réglemente les
actions, les actions à dividende prioritaire sans droit de vote, les certificats d'investissement,
les titres participatifs, les obligations et les obligations convertibles en actions. D'autres
articles comme l'article 5 de la loi du 21 janvier 1976, portant refonte et codification de la
législation des changes et du commerce extérieur et l'article premier de la loi du 21 mars
2000 relative à la dématérialisation des titres ont donné des énumérations de différentes
catégories de valeurs mobilières sans pour autant définir la notion. Ainsi, l'article premier de
la loi du 21 mars 2000 précitée dispose que : Sont considérés comme valeurs mobilières, les
actions, les actions à dividende prioritaire sans droit de vote, les certificats d’investissement,
les titres participatifs, les obligations, les obligations convertibles en actions, les parts des
fonds communs de placement en valeurs mobilières, les droits rattachés aux valeurs
mobilières précitées et les autres instruments financiers négociables sur des marchés
organisés. D'après cet article, il ressort que les valeurs mobilières citées ainsi que les autres
instruments financiers sont négociables ou sont susceptibles de l'être sur des marchés
réglementés. Dès lors, on constate que les deux critères qui qualifient les valeurs mobilières
sont explicitement cités, à savoir la négociabilité et la possibilité que la négociation se réalise
sur un marché réglementé en l'occurrence la bourse. Ainsi cela rejoint la définition des valeurs
mobilières qui était donné par l'ancien article 404 du code de procédure civile et commerciale,
aujourd'hui modifié et qui disposait que : On entend par valeurs mobilières tous les titres
nominatifs, mixtes, à ordre ou au porteur émis par des personnes morales publiques ou privées
et qui sont susceptibles de cotation et de négociation en bourse, ainsi que les coupons, droits
de souscriptions ou d'attribution détachés de ce titre.

Aujourd'hui, en raison de leur dématérialisation, on pourrait alors définir les valeurs


mobilières comme étant des titres émis par des personnes morales, publiques ou privées,
transmissibles par inscription en compte et sont susceptibles d’être négociées en bourse. Les
deux grandes catégories de valeurs mobilières sont les actions et les obligations. Mais il y en
existe d'autres telles que les certificats d'investissement et les titres participatifs.
Toutefois, il faudrait préciser que l'énumération des valeurs mobilière demeure inachevée et
est ouverte afin d'accueillir d'autres produits financiers. A cet égard, l'article 69 de la loi du 14

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novembre 1994 relative à la réorganisation du marché financier prévoit que le Ministre des
Finances et le Conseil du Marché Financier peuvent ordonner à la Bourse des Valeurs
Mobilières de Tunis de déclarer un produit financier négociable sur ses marchés.

Section 2 : Les caractéristiques communes aux valeurs mobilières

§ A. Les valeurs mobilières sont des meubles

Les valeurs mobilières sont des meubles même si la société émettrice possède des immeubles
et leurs détenteurs n’ont qu’un droit mobilier incorporel envers ladite société. A cet effet,
l’article 15 du code des droits réels dispose : «sont meubles par détermination de la loi, ( ...),
ainsi que les parts sociales, les actions et les obligations émises par toutes sociétés, encore que
ces sociétés soient propriétaires d’immeubles».
Aussi l'article 404 (nouveau) du code de procédure civile et commerciale dispose : «les
valeurs mobilières sont assimilées, en ce qui concerne les voies d'exécution, aux meubles par
nature».

§ B. Les valeurs mobilières sont des droits susceptibles de procurer des revenus

S’opposant aux effets de commerce et aux billets de banque, les valeurs mobilières ont une
vocation primordiale de procurer à leur titulaire des revenus fixes ou variables qui peuvent
être des intérêts ou des dividendes.

§ C. La négociabilité

La négociabilité peut être définie comme étant «la qualité attachée à certains titres
représentatifs d’un droit ou d’une créance, qui en permet une transmission plus rapide et plus
efficace que les procédés du Droit civil ».
A cet égard, il est utile de distinguer la notion de négociabilité réservée d’une manière
exclusive aux valeurs mobilières de la notion de cessibilité qui est le procédé de transmission
des parts sociales.
La différence entre ces deux notions peut être située au moins à deux niveaux :
D'une part, sur le plan formel, la cession des parts est entourée d’un formalisme exorbitant.
L’exemple des cessions de parts sociales dans les sociétés à responsabilité limitée en est le
témoin idéal.
L’article 110 du CSC exige que :
- la cession des parts sociales soit constatée par un écrit comportant une signature légalisée
des parties,
- que cette cession obéisse aux conditions fixées à l'article 109 du CSC relatives notamment à
l’agrément des cessionnaires non associés et,
- qu'elle soit signifiée à la société.
Au contraire, la négociation des actions est de loin plus simple : elle est faite par une
modification de l’inscription au compte sur lequel figure l’action. L’article 315 du CSC
dispose : «Les valeurs mobilières sont négociées par leur transfert d'un compte à un autre».
D'autre part, la cession des parts sociales est obligatoirement soumise à la formalité fiscale de
l’enregistrement.

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Quant aux valeurs mobilières émises par les sociétés anonymes, bien que non soumises à la
formalité fiscale de l’enregistrement, elles sont soumises, obligatoirement et à peine de nullité
de la transaction, à l’enregistrement à la bourse suivant les conditions édictées aux articles 70
et suivants de la loi n° 94-117 du 14 novembre 1994, portant réorganisation du marché
financier.
Si la «négociabilité des valeurs mobilières» est le principe, certaines valeurs mobilières
peuvent être temporairement non-négociables.
Ainsi, l’article 320 du CSC dispose : «Les actions ne sont négociables qu'après
l'immatriculation de la société au registre de commerce. En cas d'augmentation du capital, les
actions sont négociables à compter de la date et de la réalisation de celle-ci conformément à la
loi». Sont donc non négociables, les actions émises par la société tant que celle-ci n’a pas
acquis sa personnalité morale ou tant qu’une augmentation de capital est non réalisée.
L’interdiction de négociation s’applique aussi aux actions dont le premier quart n'a pas été
libéré.
Aussi, les actions d’apport sont temporairement non-négociables en vertu de l’article 318 du
CSC qui dispose que : «Les actions d'apport ne sont négociables que deux ans après la
constitution définitive de la société». L’article 319 du CSC nuance cette interdiction de
négociation temporaire en disposant : «En cas de fusion de sociétés par voie d'absorption ou
de création d'une société nouvelle englobant une ou plusieurs sociétés préexistantes, ainsi
qu'en cas d'apport partiel d'actif par une société à une autre, l’interdiction de négocier les
actions ne s'applique pas aux actions d'apport attribuées à une société par actions ayant, lors
de la fusion ou de l'apport plus de deux ans d'existence et dont les actions étaient
précédemment négociables».

§ D. Les valeurs mobilières sont dématérialisées

L’article 2 de loi n° 2000-35 du 21 mars 2000 relative à la dématérialisation des titres


dispose : «Les valeurs mobilières sont dématérialisées et sont représentées par une inscription
au compte de leur propriétaire auprès de la personne morale émettrice ou d’un intermédiaire
agréé. Elles se transmettront par transfert d’un compte à un autre.
La personne morale émettrice ou l’intermédiaire agréé délivrera à l’intéressé une attestation
portant sur le nombre des titres qu’il y détient».
L’article 3 de cette loi ajoute : «Les valeurs mobilières quelle que soit leur nature, émises sur
le territoire tunisien et soumises à la législation tunisienne, doivent être nominatives et
inscrites dans des comptes tenus par la personne morale émettrice ou par un intermédiaire
agréé».
La dématérialisation signifie que les valeurs mobilières n'auront plus d'existence matérielle.
La forme «au porteur» est désormais interdite purement et simplement. En d’autres termes, les
titres n’ont plus de support matériel sur lequel s’incorporent les droits. En effet, les valeurs
mobilières dématérialisées sont représentées par une simple inscription au compte de leur
propriétaire.
Lesdits comptes de valeurs mobilières sont tenus par :
- la personne morale émettrice pour les sociétés qui ne font pas appel public à l’épargne,
- la personne morale émettrice ou l’intermédiaire agréé dûment mandaté par cette dernière
pour les sociétés anonymes faisant appel public à l’épargne.
Le décret n° 2001-2728 du 20 novembre 2001, relatif aux conditions d’inscription des valeurs
mobilières et aux intermédiaires agréés pour la tenue des comptes en valeurs mobilières
apporte certaines dispositions relatives à la tenue des comptes de valeurs mobilières.

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Les comptes de valeurs mobilières doivent comporter les informations suivantes :
- les éléments d'identification des personnes physiques ou morales propriétaires des valeurs
mobilières et, s'il y a lieu, l'identification de l'usufruitier ainsi que les droits y rattachés et le
cas échéant à qui reviennent ces droits,
- les restrictions dont ces titres peuvent être frappés tels que le nantissement et la saisie.
Le numéro et l'intitulé du compte doivent permettre d'identifier avec précision l'identité et la
nationalité du titulaire du compte ainsi que les caractéristiques des valeurs mobilières dont il
est propriétaire, et ce, selon les conditions fixées par le règlement du Conseil du Marché
Financier.
Les sociétés émettrices et les intermédiaires agréés sont tenus de mettre à jour les comptes des
valeurs mobilières dont ils ont la charge chaque fois qu'ils prennent connaissance de tout
changement soit sur la propriété conformément aux règles régissant la valeur objet du
transfert de propriété, soit sur les droits et les restrictions y rattachés dont les valeurs
mobilières en question peuvent être frappées (article 4 du décret n° 2001-2728 du 20
novembre 2001).
Chaque société émettrice ou intermédiaire agréé doit tenir un journal général des opérations,
servi chronologiquement de toute écriture affectant les comptes des titulaires inscrits chez lui.

Section 3 : Les droits rattachés à chaque catégorie de valeurs mobilières

§ A. Les Actions

1. Classification des actions


Les actions sont les titres des actionnaires d’une société anonyme ou d’une société en
commandite par actions.
L’action est la contrepartie de l’apport souscrit par l’actionnaire. Elle représente une fraction
du capital social. Les actions se distinguent des parts sociales et des parts d’intérêt qui
constatent les droits des associés dans les SARL, les SNC, les sociétés en commandite simple.
La différence principale tient au fait qu’elles sont négociables alors que les parts sociales sont
seulement cessibles selon les procédés du droit civil.
On peut envisager plusieurs classifications d’actions :

a) Actions en numéraire et actions d’apport

L’importance d’une telle classification tient à l’interdiction de négocier les actions d’apport
dans le délai de deux ans après la constitution définitive de la société ou, en cas
d’augmentation du capital, après la réalisation définitive de cette augmentation.
Cette classification est apportée par l’article 316 du CSC qui dispose : «Sont réputées actions
de numéraire :
- celles dont le montant est libéré en espèces ou par compensation ou celles qui sont émises
par suite d'une incorporation de réserves, bénéfices ou primes d'émission au capital,
- celles dont le montant résulte pour partie d'une incorporation de réserves, bénéfices ou
primes d'émission et pour partie d'une libération en espèces».
L’article 316 du CSC considère que «Toutes autres actions sont des actions d'apport». Ainsi,
comment classer les actions émises suite à une conversion d’obligations ? Les actions
provenant de la conversion d’obligations convertibles doivent normalement être considérées

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comme actions de numéraire dans la mesure où elles proviennent d’une compensation de la
créance de l’obligataire. Ce dernier reçoit des actions en contrepartie de sa créance.

b) Actions de capital et actions de jouissance

Une action de capital représente une fraction de capital non amorti alors que l’action en
jouissance représente une action d’un capital amorti. L’amortissement du capital consiste à
rembourser le nominal des actions par prélèvement sur les bénéfices distribuables ; il s’agit
d’un remboursement par anticipation des apports.
L’amortissement du capital a une double conséquence :
- L’actionnaire n’a plus droit à l’intérêt statutaire au cas où la loi l’autoriserait et où il est
prévu par les statuts de la société.
- Lors de la liquidation, le nominal des actions de jouissance n’est pas de nouveau remboursé ;
l’actionnaire garde néanmoins son droit au boni de liquidation.
La classification - action de capital - action de jouissance semble être purement conceptuelle.
En effet, l'opération d'amortissement du capital risque de se heurter au principe de la stricte
proportionnalité des dividendes avec les participations énoncé par l'article 288 du CSC.
c) Actions ordinaires et actions de priorité
Les actions de priorité (privilégiées ou de préférence) procurent à leurs titulaires des
avantages que ne donnent pas les actions ordinaires. L'avantage accordé consiste
généralement en une augmentation du droit aux bénéfices annuels : l’action de priorité donne
droit à un dividende supérieur à celui accordé à l'action ordinaire ; ou le dividende doit être
servi en premier aux titulaires des actions de priorité alors que les titulaires des actions
ordinaires risquent de ne pas être payés si les bénéfices ne sont pas suffisants. Le dividende
peut être également cumulatif : si les bénéfices ne sont pas suffisants, un prélèvement sera
effectué en priorité sur les bénéfices ultérieurs.

A l’exception des actions à dividende prioritaire sans droit de vote, la possibilité d'émettre des
actions de priorité n'a pas été expressément prévue par le code des sociétés commerciales
même si l'article 317 admet que les actions peuvent conférer des droits différents à leurs
titulaires. Néanmoins, la validité de ces actions de priorité pourrait être contestée dans la
mesure où elles portent atteinte au principe de l'égalité entre actionnaires. A cet égard l'article
288 du CSC dispose que : "La part de chaque actionnaire dans les bénéfices est déterminée
proportionnellement à sa participation dans le capital social. Toute clause statuaire contraire
est réputée non écrite ".

Cependant, malgré ce principe d'égalité, plusieurs textes dans le code des sociétés
commerciales font référence à la possibilité d'émettre des actions de priorité. D'abord, l'article
164 du CSC prévoit qu'en cas de constitution d'une société anonyme avec appel public à
l'épargne, celle-ci devrait publier une notice au JORT qui mentionnerait notamment les
avantages particuliers stipulés dans le projet de statuts au profit de toute personne. Ensuite, en
cas de réduction du capital social, l'article 307 du CSC prévoit que si l'objectif de la réduction

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est de rétablir l'équilibre entre le capital et l'actif social ayant subi une dépréciation à cause
des pertes, la réduction est réalisée soit par la réduction du nombre des actions ou la baisse de
leur valeur nominale, tout en respectant les avantages rattachés à certaines catégories d'actions
en vertu de la loi ou des statuts. Enfin, l'article 375 du CSC énonce que l'assemblée générale
extraordinaire d'une société anonyme peut décider sur le rapport du conseil d'administration
ou du directoire et sur celui du commissaire aux comptes, la scission des actions en deux titres
distincts :

- Le certificat d'investissement, qui représente les droits pécuniaires attachés à l'action. Il est
dit privilégié lorsqu'un dividende prioritaire lui est accordé.
- Le certificat de droit de vote, qui représente les autres droits attachés à l'action.

Par conséquent, le fait d'admettre que le certificat d'investissement puisse être privilégié
impliquerait qu'une fois qu'il serait rejoint par un certificat de droit de vote l'action serait ainsi
reconstituée et elle serait forcément une action de priorité.

3. Valeur de l'action

- La valeur nominale d'une action : La valeur nominale d'une action résulte de la division du
capital de la société par le nombre d'actions émises. L'action a donc nécessairement une
valeur nominale indiquée dans les statuts qui représente une quote-part du capital social.
L'article 161 du CSC exige que le capital doive être divisé en actions dont la valeur nominale
ne peut être inférieure à un dinar.

- La valeur d'émission : La valeur d’émission des actions nouvelles doit être supérieure ou
égale à la valeur nominale. La différence entre le prix d’émission et la valeur nominale
constitue la prime d’émission. Elle correspond à la part de chaque action sur les résultats
antérieurs non distribués et mis en réserve par décision des anciens actionnaires. La prime est
facultative et l’émission d’une action à sa valeur nominale est dite « au pair ».

- La valeur boursière : La cotation en bourse des actions qui composent le capital social d’une
société cotée évolue en fonction des achats et des ventes des investisseurs par le jeu de l’offre
et de la demande.

- La valeur mathématique ou intrinsèque de l'action : Cette valeur est utilisée comme base
d'évaluation des apports en société notamment en cas d’introduction en Bourse ou de fusion et
cela afin d'évaluer la parité d'échange. Le calcul de la valeur intrinsèque, qui a pour base le
bilan de la société est très délicat et donne presque toujours lieu à difficulté.

4. Propriété des actions

Lorsque les actions appartiennent à plusieurs personnes en indivision, le principe de


l'indivisibilité du titre à l'égard de la société émettrice est affirmé par l'article 315 al 6 du
CSC. Ce principe signifie que les copropriétaires d’actions indivises doivent être représentés
aux assemblées générales par l'un d'eux ou par un mandataire unique qui encaisse
éventuellement les dividendes. Cependant la qualité d'associé est reconnue à chacun des
indivisaires.

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lorsque les actions sont grevées d'usufruit, le code des sociétés commerciales n'a pas prévu de
règles spécifiques de partage des pouvoirs entre l'usufruitier et le nu-propriétaire. Ce sont
donc les règles de droit commun qui s'appliqueraient. Logiquement et en s'inspirant des
solutions retenues par le droit français, on estime que le nu-propriétaire a le droit de vote dans
les assemblées générales extraordinaires. En cas d'augmentation du capital, c'est lui qui
exercerait le droit préférentiel de souscription. Tout ce qui n'est pas "fruit" revient ainsi au nu-
propriétaire : amortissement du capital, droit d'attribution d'actions gratuites...On estime,
également, que la qualité d'associé revient au nu-propriétaire.

Toutefois, l'usufruitier a le droit de vote dans les assemblées générales annuelles. C'est à lui
que revient les fruits de l'action dont essentiellement les dividendes.

5. L'achat par une société de ses propres actions

Le problème du rachat par les sociétés de leurs propres actions est une question classique du
droit des sociétés. En effet, une société peut-elle devenir son propre actionnaire ?
Indiscutablement, l’opération est dangereuse. Elle l’est, tout d’abord, pour la société elle-
même. Des achats démesurés, non financés par des réserves libres, peuvent mettre gravement
en cause l’équilibre de la société. Elle l’est également pour les créanciers, lorsqu’une partie du
capital a servi à financer l’opération qui s’analyse alors comme une diminution de fait du
capital, non assortie de garanties au profit des tiers.

Pour ces raisons, l'article 88 de la loi du 14 novembre 1994 relative à la réorganisation du


marché financier a posé un principe d’interdiction : «l’achat par une société de ses propres
actions est interdit». L’interdiction qui n’est que de principe est toutefois assortie de deux
types d’exceptions : une première exception de portée assez vaste autorise le rachat en vue
d’une réduction du capital non motivée par des pertes, sous réserve du respect de certaines
contraintes procédurales. Une seconde exception admet le rachat en vue de la régularisation
des cours pour les sociétés admises aux négociations sur un marché réglementé.  

- Le rachat en vue d'une réduction du capital :

L’article 88 de la loi du 14 novembre 1994 relative à la réorganisation du marché financier


prévoit que l'assemblée générale extraordinaire qui décide une réduction du capital non
motivée par des pertes peut autoriser le conseil d'administration, pendant une période
déterminée à acheter un nombre d'actions en vue de leur annulation. Dans ce cas, le capital est
réduit à concurrence des actions effectivement achetées. Ces actions doivent être annulées
dans un délai de trois mois à partir de la date de l'achèvement de l'opération d'achat.

Cette situation peut être également envisagée dans le cas ou en présence d'une clause
d'agrément, la société n’agrée pas le cessionnaire proposé. Dès lors, l'article 321 du CSC
énonce que le conseil d’administration ou le directoire sera tenu, dans un délai de trois mois à
compter de la notification du refus, de faire acquérir les actions soit par un actionnaire, ou par
un tiers, soit, avec le consentement du cédant, par la société –même. Dans ce dernier cas, le
capital social devra être réduit de l’équivalent de la valeur de ces actions.

- Le rachat en vue de la régularisation des cours de l'action :

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L'article 19 de la loi du 14 novembre 1994 relative à la réorganisation du marché financier
prévoit que les sociétés admises à la cote de la bourse peuvent acheter les actions qu'elles
émettent en vue de réguler leurs cours sur le marché. A cette fin, l'assemblée générale
ordinaire doit avoir expressément autorisé le conseil d’administration de la société à acheter et
à revendre ses propres actions en bourse. Le conseil d’administration fixe notamment les
conditions d'achat et de vente des actions sur le marché, le nombre maximum d'actions à
acquérir et le délai dans lequel l'acquisition doit être effectuée. Cette autorisation ne peut être
accordée pour une durée supérieure à trois ans. La société ne peut détenir plus de 10 % des
actions.

6. Droits rattachés aux actions


Les actions confèrent à leurs titulaires des droits de nature différente.
L’actionnaire n’est pas un créancier de la société. Il a un titre de capital qu’il reçoit en
contrepartie de l’apport qu’il effectue. L’actionnaire a deux sortes de droits :
- les droits pécuniaires et ;
- les droits extra-pécuniaires ou extrapatrimoniaux.
Certains droits des actionnaires leurs sont reconnus par la loi. Les statuts peuvent étendre ces
droits. Nous-nous intéresserons à la première catégorie de droits. Cette catégorie mérite, en
fait, d’être méticuleusement étudiée parce qu’elle retrace généralement les frontières que, ni le
pacte social, ni les décisions collectives des actionnaires ne peuvent violer.

a) Les Droits Pécuniaires

Droit aux dividendes distribués par la société : La part de chaque actionnaire dans les
bénéfices est déterminée proportionnellement à sa participation dans le capital social. Toute
clause statutaire contraire est réputée nulle.
Le mot "dividende" désigne la partie des bénéfices d'une société qui, sur décision de
l'assemblée générale, est distribuée à chaque titulaire d'une action.
Pour avoir droit à un dividende, l'actionnaire doit être en possession de l’action à la date du
détachement de coupon. Cette date est communément appelée le jour « ex-date » ou « ex-
dividende ». Ainsi, quiconque achète l’action le jour du détachement de coupon ou par la suite
n’aura donc pas droit au dividende : seules les personnes ayant acheté l’action au plus tard le
jour précédent l’ « ex-date » ont droit au dividende. Les dates de détachement de coupon et de
paiement diffèrent dans la majorité des cas. Le paiement du coupon intervient en effet souvent
quelques jours, voire quelques semaines après son détachement.
La mise en paiement des dividendes décidée par l'assemblée générale ordinaire d'une société
faisant appel public à l'épargne, doit avoir lieu dans un délai maximum de trois mois à partir
de la décision de l'assemblée générale. L’article 288 nouveau du CSC prévoit désormais que
si ce délai sera dépassé, les bénéfices non distribués génèreront alors un intérêt commercial au
sens de la législation en vigueur.
En application des dispositions de l’article 289 du CSC, la société ne peut exiger des
actionnaires la répétition des dividendes sauf dans les cas suivants :
• si la distribution des dividendes a été effectuée contrairement aux dispositions énoncées aux
articles 288 et 289 du CSC,
• s'il est établi que les actionnaires savaient le caractère fictif de la distribution ou ne
pouvaient l'ignorer compte tenu des circonstances de fait.
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Voici les types de dividendes les plus répandus :
- Le dividende ordinaire : Lorsque l'exercice s'avère bénéficiaire, l'assemblée générale
annuelle peut décider librement la distribution de ce dividende dans une proportion
généralement proposée par le conseil d'administration.

- Le dividende statutaire : aussi appelé premier dividende, est un versement parfois prévu par
les statuts de certaines sociétés représentant généralement un pourcentage du nominal de
l'action. La somme du premier dividende et du dividende complémentaire, aussi appelé
superdividende, constituent le dividende total.

- Le dividende majoré : Pour récompenser la fidélité de certains de leurs actionnaires, qui, par
exemple, détiennent des actions depuis X années, les sociétés peuvent instituer des
"dividendes majorés". Le droit français qui réglemente ce type de dividende exige que la
majoration n'excède pas 10%.

- Le dividende prioritaire : L’action à dividende prioritaire sans droit de vote fait partie de la
catégorie des actions dites de préférence et offre au détenteur de ce type d'action l'assurance
que le dividende lui sera versé de manière prioritaire et qu'il sera cumulatif et supérieur à tous
les autres.

Droit aux réserves de la société : L'actionnaire a de ce fait un droit à l’attribution d’actions


gratuites à la suite d’une augmentation du capital par incorporation de réserves.

Droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une
augmentation du capital : Le droit préférentiel de souscription est d’ordre public. Il ne peut
y être dérogé par une clause au niveau du pacte social.
Le délai d'exercice du droit de souscription d'actions de numéraire ne peut en aucun cas être
inférieur à quinze jours. Ce délai court à partir de la date à laquelle est annoncé au Journal
Officiel de la République Tunisienne aux actionnaires le droit préférentiel dont ils disposent
ainsi que la date d'ouverture de la souscription et la date de sa clôture et de la valeur des
actions lors de leur émission (Article 301 du CSC).
Néanmoins, l'assemblée générale extraordinaire qui décide ou autorise une augmentation du
capital social peut supprimer le droit préférentiel de souscription pour la totalité de
l'augmentation du capital ou pour une ou plusieurs parties de cette augmentation. Elle
approuve, obligatoirement et à peine de nullité de l'augmentation, le rapport du conseil
d'administration et celui des commissaires aux comptes relatif à l’augmentation du capital et à
la suppression dudit droit préférentiel (article 300 du CSC).
Par ailleurs, les actionnaires peuvent renoncer à titre individuel à leur droit préférentiel de
souscription (article 296 du CSC).
Enfin, un droit d'achat prioritaire d'actions peut être accordé aux salariés et anciens salariés
d'une entreprise à participation publique, lors de la cession d'actions détenues par l'Etat. Des
actions à prix réduit ou gratuites peuvent aussi leur être attribuées (article 29 de la loi n° 89-9
du 1er février 1989 relative aux participations, entreprises et établissements publics).

Droit au remboursement de l'apport lors de la liquidation de la société et droit au boni


de liquidation : Le boni de liquidation est réparti entre les associés proportionnellement à
leur participation dans le capital social (article 47 du CSC). Lorsque la liquidation résulte de

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la dissolution de la société, les associés peuvent, après le paiement de tous les créanciers,
reprendre les biens meubles ou immeubles objet de leurs apports, sauf stipulation contraire
des statuts (article 46 du CSC).

b) Les Droits Extra-Pécuniaires

Les droits non pécuniaires découlent de l’affectio societatis et ont une nature en quelque sorte
politique au sens large du terme. Ils permettent à l’actionnaire d’exercer une influence sur la
haute gestion de la société. On les appelle parfois droits propres ou droits individuels, pour
montrer que l’actionnaire ne peut en être privé par les statuts.
Le principe en matière d’actions est l’égalité des actionnaires pour les actions d’une même
catégorie mais rien n’interdit à une société d’émettre des actions appartenant à des catégories
différentes. L’article 317 du CSC considère que les actions peuvent conférer des droits
différents à leurs titulaires. Les actions dotées de droits identiques constituent une même
catégorie d'actions.

L’actionnaire a le droit de faire partie de la société : Il ne peut en être exclu que dans les
cas prévus par la loi. Une exclusion faite en dehors de ces cas constitue une atteinte au droit
de la propriété.
L’exclusion est prévue par la loi à titre de sanction lorsqu’un actionnaire n’exécute pas les
obligations mises à sa charge. Il en est ainsi lorsqu’un actionnaire ne libère pas la totalité des
actions qu’il possède. Rappelons que, dans les souscriptions en espèces, la libération partielle
est possible, il existe alors un écart entre le montant libéré et le montant souscrit. Ces deux
chiffres vont progressivement se rejoindre car, au fur et à mesure que la société fera des
«appels de fonds» en invitant les souscripteurs à payer les parties non encore libérées de leur
participation.
L’exclusion en question est faite, alors, au moyen de la procédure d’exécution en Bourse. Au
début, cette procédure a été prévue par l’article 18 de la loi n° 94-117 portant réorganisation
du marché financier uniquement pour les sociétés faisant appel public à l'épargne.
La loi n° 2000-93 du 3 novembre 2000, portant promulgation du CSC a abrogé toutes
dispositions contraires audit code et les articles 325 et 326 du CSC réglementent désormais le
traitement réservé aux actionnaires défaillants de toute société anonyme qu’elle fasse ou non
appel à l’épargne.

L’actionnaire a le droit de négocier ses actions : Le principe est que l’actionnaire ne peut
en aucun cas être prisonnier de ses titres. L’actionnaire peut vendre ses titres à un autre
actionnaire ou à un tiers étranger sans avoir besoin d’autorisation. Cette règle n’est toutefois
pas absolue.
D’une part, certaines cessions d’actions doivent être soumises à un agrément préalable. Il en
est ainsi pour toute acquisition d’actions d’un établissement de crédit susceptible d’entraîner
le contrôle de celui-ci et toute opération dont il résulte l’acquisition d’un pourcentage des
droits de vote égal ou supérieur à 10%.
Sont aussi soumises aux autorisations requises par la législation de change et de commerce
extérieur, les acquisitions de valeurs mobilières par une personne physique ou morale non-
résidente et de nationalité étrangère sous réserve de certaines exceptions.

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D'autre part, les statuts peuvent prévoir des clauses d’agrément et de préemption limitant la
libre cessibilité des actions dans le dessein de «fermer» la société anonyme.
L’article 321 du Code des sociétés commerciales a autorisé l’agrément des cessions d’actions
dans les sociétés anonymes en disposant que : «Sauf en cas de succession ou de cession soit à
un conjoint, soit à un ascendant ou à un descendant, la cession à un tiers d'actions émises par
une société ne faisant pas appel public à l’épargne, peut être soumise à l’agrément de la
société par une clause statutaire».
Cet article appelle les remarques suivantes :
L'article 321 du CSC subordonne la validité de tout agrément de cession d’actions à
l’existence d’une clause statutaire. Il n’est donc pas possible de prévoir l’agrément par le biais
d’un accord extrastatutaire entre actionnaires ou d’une décision collective non portée au sein
du pacte social.
Le non-respect des clauses d’agrément par un actionnaire l’expose à la non-opposabilité de sa
cession envers les tiers. La société ne doit pas procéder aux inscriptions modificatives dans les
comptes de valeurs mobilières qu’elle détient lorsque la procédure d’agrément n’a pas été
respectée.
L’article 321 du CSC autorise-t-il de soumettre les cessions aux actionnaires à un agrément ?
En d’autres termes, est-ce que le mot «tiers» employé par l’article susvisé englobe ou non les
actionnaires. La doctrine est pratiquement unanime pour considérer que le terme «tiers»
n’englobe pas les actionnaires et que par conséquent les cessions entre actionnaires ne
peuvent pas être soumises à agrément. La traduction arabe du terme «tiers» donnée par
l’article 3 du CSC soit (‫)غير الشركاء‬, apporte une confirmation édifiante à cette acception.

L’actionnaire a un droit de vote et de participation dans les décisions collectives : Ce


droit est proportionnel à la quotité du capital souscrit. Tout actionnaire peut voter par
correspondance ou se faire représenter par toute personne munie d'un mandat spécial (article
278 du CSC).
L’émission d’actions à droit de vote multiples est interdite partant du fait que l’article 11 du
CSC dispose «L’associé bénéficie d'un nombre de voix proportionnel aux apports et actions
qu'il détient».
Le droit de voter aux assemblées est d’ordre public. L’actionnaire ne peut en être dépourvu
par une clause statutaire. En revanche, il peut en être privé par une disposition expresse de la
loi.

Droit d’éligibilité aux fonctions sociales : Tout actionnaire est éligible aux fonctions de
direction. Parfois même, la qualité d’actionnaire est requise pour l’exercice de certaines
fonctions sociales. Ainsi, le président directeur général et les membres du conseil de
surveillance doivent être actionnaires. En revanche et sauf clause contraire des statuts, les
membres du conseil d’administration ou du directoire peuvent être choisis en dehors des
actionnaires (article 226 du CSC). La qualité d’actionnaire n’est pas, également, requise pour
exercer la fonction de directeur général.
Néanmoins, l’actionnaire ne peut être désigné commissaire aux comptes (article 7 de la loi du
18 août 1988, portant refonte de la législation relative à la profession d’expert-comptable).

Droit d’information : Le droit d’information que la loi garantit à l’actionnaire lui permet de
se faire une opinion personnelle sur la gestion de la société.

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Pour les sociétés faisant appel public à l'épargne, l'exercice du droit d'information est renforcé
par le contrôle du Conseil du Marché Financier.
L’actionnaire exerce son droit d’information, essentiellement, en se faisant communiquer un
ensemble de documents soit d’une manière permanente soit préalablement aux assemblées
générales.

Le droit d’information préalable aux assemblées générales :


Lors de la constitution de la société, le rapport du commissaire aux apports doit être déposé au
siège de la société et mis à la disposition des souscripteurs qui peuvent en obtenir
communication quinze jours au moins avant la date de l'assemblée générale constitutive
(article 173 du CSC).
Pour les groupes de sociétés, l’article 472 du CSC définit l’étendue du droit de consultation en
disposant : «La société mère doit mettre, à son siège, à la disposition de tous les associés les
états financiers consolidés ainsi que le rapport de gestion du groupe et le rapport du
commissaire aux comptes de la société mère, au moins un mois avant la réunion de
l’assemblée générale des associés».
En dehors de ces cas, l’étendue du droit d’information préalable aux assemblées a été fixée
par l’article 280 du CSC qui dispose : «Le conseil d'administration ou le directoire doit mettre
à la disposition des actionnaires au siège de la société, quinze jours au moins avant la date
prévue pour la tenue de l’assemblée, les documents nécessaires pour leur permettre de se
prononcer en connaissance de cause et de donner leur avis sur la gestion et le fonctionnement
de la société».
On pourrait affirmer que tout document dont la préparation est requise par la loi et qui est
destiné à être présenté aux assemblées d’actionnaires constitue valablement un document
entrant dans le champ d’application du droit de consultation préalable aux assemblées.
Cette logique peut être confirmée par les dispositions de l’article 285 du CSC traitant des
énonciations que le procès-verbal des assemblées générales doit obligatoirement contenir.
Ledit article exige, en effet, que le procès-verbal des assemblées générales contienne «les
documents et les rapports soumis à l'assemblée générale».
Le droit d’information permanent :
En premier lieu, l’actionnaire a le droit de connaître l’identité des autres actionnaires. En
effet, l’actionnaire a le droit d'obtenir, dans les conditions et délais déterminés par les statuts,
communication de la liste des actionnaires (article 286 du CSC).
En second lieu, l’actionnaire a le droit de consulter certains documents sociaux. Dans l’article
11 du CSC, qui est un texte général, le législateur a prévu un droit de consultation générale
dont bénéficie tout associé d’une société commerciale alors que l’article 284 du CSC, qui ne
concerne que les sociétés anonymes, limite ce droit de consultation uniquement aux
actionnaires détenant au moins dix pour cent du capital social.

Droit d’agir en justice : Les actionnaires détenant au moins vingt pour cent du capital social
pourront demander l’annulation des décisions prises contrairement aux statuts ou portant
atteinte aux intérêts de la société, et prises dans l’intérêt d'un ou de quelques actionnaires ou
au profit d'un tiers (article 290 du CSC).
Un ou plusieurs actionnaires détenant au moins quinze pour cent du capital social peuvent,
dans un intérêt commun, exercer une action en responsabilité contre les membres du conseil
d'administration pour faute commise dans l'accomplissement de leur fonction. L'assemblée

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générale ne peut décider le désistement à l'exercice de l'action en responsabilité (article 220
du CSC).
La minorité des associés dans une société appartenant à un groupe de sociétés dont la
participation n'est pas inférieure à dix pour cent peut exercer l'action sociale contre les
associés représentant la majorité dans la société mère, en cas de prise d'une décision portant
atteinte aux intérêts de la société et ayant pour objectif de servir les intérêts de la majorité au
détriment des droits légitimes de la minorité (article 477 du CSC).

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