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Rupture
Jean-Claude Charmet
1 INTRODUCTION 1
1.1 La mécanique de la rupture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.2 Contrainte critique et taille critique de défaut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.2.1 Rupture brutale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.2.2 Rupture de fatigue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
2 LA RUPTURE BRUTALE 3
2.1 Résistance théorique à la rupture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
2.1.1 La contrainte théorique de clivage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
2.1.2 L’énergie superficielle des solides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
2.1.3 L’effet d’échelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
2.2 Approche en force et en contrainte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
2.2.1 Le coefficient de concentration des contraintes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
2.2.2 La contrainte de rupture effective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
2.3 La rupture fragile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
2.3.1 Fissure et modes de rupture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
2.3.2 Les phases de chargement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
2.3.3 Les hypothèses du modèle de rupture fragile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
2.3.4 Le modèle de rupture fragile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
2.3.5 Coefficient de concentration k et facteur d’intensité K . . . . . . . . . . . . . . 9
2.4 La correction d’élasto-plasticité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.4.1 Autonomie de la zone critique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.4.2 Modèle d’Irwin en plasticité confinée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.4.3 Modèle de Barenblatt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.4.4 Modèle de Dugdale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2.5 La ténacité des matériaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.5.1 Condition d’amorçage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.5.2 La ténacité théorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.5.3 Le paradoxe de la ténacité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2.5.4 La ténacité effective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2.6 Approche énergétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.6.1 Critère énergétique pour la rupture brutale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.6.2 Le bilan d’énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
2.6.3 Condition d’amorçage et taux de restitution de l’énergie . . . . . . . . . . . . . 16
2.6.4 Stabilité et propagation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.6.5 Courbe d’équilibre d’une fissure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.6.6 Influence du type de chargement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
2.7 La longueur de Griffith . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.7.1 Énergie de fissuration et longueur absolue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.8 Taux de restitution d’énergie, taux d’énergie de fermeture et invariant intégral . . . . 21
2.8.1 G taux de restitution d’énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.8.2 G Invariant intégral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.8.3 G taux d’énergie de fermeture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
iii
iv TABLE DES MATIÈRES
3 LA RUPTURE DE FATIGUE 37
3.1 Rupture en fatigue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
3.1.1 Les essais de fatigue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
3.1.2 Endommagement par fatigue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
3.1.3 Fatigue des pièces non fissurées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
3.1.4 Fatigue des pièces fissurées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
3.2 Les mécanismes de la rupture en fatigue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
3.2.1 Les mécanismes d’initiation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
3.2.2 Les stades de propagation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.2.3 Le faciès de rupture de fatigue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
INTRODUCTION
Lorsqu’un matériau est sollicité jusqu’à rupture, les essais montrent que la contrainte de rupture
σR est une grandeur présentant de fortes fluctuations pouvant même dépasser la décade pour certains
matériaux et que le mode de ruine dépend de la nature du matériau. Ainsi la rupture peut interve-
nir brutalement quasi sans déformation préalable pour les matériaux qualifiés aujourd’hui de fragiles,
tandis qu’elle n’intervient qu’après une étape de grande déformation permanente pour les matériaux
qualifiés aujourd’hui de ductiles. Nous savons maintenant que les matériaux fragiles rompent brutale-
ment au delà d’une certaine tension, tandis que les matériaux ductiles s’écoulent plastiquement sous
cisaillement avant de rompre. Si la rupture est toujours l’étape ultime de la ruine des structures, elle
est précédée d’une étape de plastification pour les matériaux ductiles. Ce document traitera principa-
lement de la rupture fragile au sens macroscopique d’un matériau, c’est à dire une rupture intervenant
sans plastification macroscopique notable, ce qui n’exclut pas une plastification microscopique en tête
de fissure.
1
2 CHAPITRE 1. INTRODUCTION
taille de défaut critique aC à rupture, pour une sollicitation donnée. La taille a du défaut croı̂t avec N
ou t tandis que la contrainte de rupture σR décroı̂t. Pour un défaut de taille a = aC donnée, il existe
donc une contrainte critique σC = σ(aC ) provoquant la rupture. Réciproquement, pour une contrainte
σ = σC donnée, il existe une taille maximale de défaut admissible aC = a(σC ) pour que la structure
ne casse pas.
Chapitre 2
LA RUPTURE BRUTALE
La contrainte σ étant la dérivée de l’énergie par rapport à l’extension, elle oscille avec la même
période a distance interatomique. Au premier ordre du développement en série de Fourier la contrainte
σ s’écrit :
2π
σ = σth sin x = σth sin 2πε σ ' 2πσth ε lorsque ε → 0
a
x étant le déplacement d’une moitié du cristal par rapport à l’autre. Aux faibles déformations l’iden-
tification avec la loi de Hooke σ = Eε permet de relier raideur et résistance par :
E E
σth = σth ≈
2π 10
ordre de grandeur confirmé par la théorie des énergies de liaison (potentiel de Lennard-Jones, voir
Élasticité).
Les liaisons chimiques étant responsable de la cohésion du matériau à l’échelle atomique il est
normal de trouver une relation entre la raideur E (Module d’Young) et la résistance en traction σth
(contrainte de rupture).
3
4 CHAPITRE 2. LA RUPTURE BRUTALE
tension de surface donc une énergie superficielle γ. L’énergie de séparation W S à fournir pour créer
par clivage les deux nouvelles surfaces d’aire S est W S = 2γS.
Supposant, avec Griffith, que l’énergie élastique mobilisable pour assurer le clivage est celle stockée
au voisinage du plan de séparation dans un volume V = Sa, S étant l’aire de clivage et a la distance
interatomique. 21 σε = 2E1 2
σ étant la densité volumique d’énergie élastique stockée, l’énergie mobilisable
1 2
est W = 2E σ Sa. Le clivage intervient donc pour une contrainte σth telle que W El = W S , soit
El
2 = 4γE. Dans l’établissement de cette relation on suppose que les liaisons atomiques continuent
aσth
d’obéir à la loi de Hooke jusqu’à rupture. Ce n’est pas le cas, la courbe force de rappel - écart à la
position d’équilibre déduite du potentiel de Lennard-Jones s’écarte de la loi linéaire d’une manière
approximativement parabolique, la force croissant moins vite que l’écart. Compte tenu de la propriété
géométrique des paraboles, la contrainte maximale calculée par la loi linéaire est surestimée d’un
facteur 2, ainsi la relation : s
γE
σth =
a
est une bonne approximation de la résistance théorique à la rupture en traction de la plupart des
solides. q
E
En rapprochant les deux expressions de σth = 2π et σth = γE a , γ, E et a sont liés par :
4π 2 γ = Ea (2.1)
La résistance effective à la rupture σR des matériaux massifs de nos structures est 10 à 100 fois
plus faible que la contrainte de cohésion σth de la matière (somme des forces de liaison de la section
la plus faible).
Bien que sa valeur moyenne soit fonction décroissante de la taille de l’échantillon, σR présente
toujours une grande dispersion quel que soit le soin pris pour opérer sur des échantillons identiques
dans des conditions identiques. Une chaı̂ne de molécules devrait présenter une résistance effective égale
à la résistance théorique, ce sont les inévitables défauts qui sont responsables des effets d’échelle et
de dispersion. Du fait de leur répartition statistique plus un échantillon est volumineux et plus les
défauts qu’il contient peuvent être de taille importante diminuant sa résistance à la rupture.
Deux théories, l’une fondée sur des considérations de forces et de contraintes, l’autre due à Griffith
fondée sur des bilans énergétiques, ont permis de jeter les bases de la mécanique de la rupture et sont
à l’origine de son développement. Les arguments fondés sur l’énergie sont les plus importants, les plus
fondamentaux et les plus universels, mais commençons par exposer les arguments fondés sur les forces
et les contraintes.
Au voisinage des sommets du grand axe apparaı̂t une forte concentration de la contrainteqde
traction. Sa valeur maximale σm en bord d’ellipse est à cet endroit σσm0 = k = 1 + 2 cb = 1 + 2 ρc ,
avec ρ rayon de courbure en extrémité du grand axe (cρ = b2 ). k = 3 dans le cas du trou circulaire
(b = c = ρ). La contrainte de traction diminue pour tendre vers σ0 lorsque l’on s’éloigne de l’ellipse le
long du grand axe.
Aux sommets du petit axe 2b de l’ellipse, règne au contraire une contrainte de compression, d’am-
plitude σ0 tendant à s’annuler lorsque l’on s’éloigne de l’ellipse le long du petit axe.
Si les trous elliptiques sont rarement rencontrés en pratique, la solution reste valable pour des
ouvertures dont la forme en est peu éloignée telles que les fissures (ellipse aplatie) ou les ouvertures
à angles assez vifs comme les hublots et les écoutilles. Le coefficient de concentration de contrainte
k et, par voie de conséquence, la contrainte σm augmentent très rapidement avec l’aplatissement de
2.3. LA RUPTURE FRAGILE 7
Cette condition n’est évidemment pas applicable aux fissures fermées qui imposent une condition de
frottement entre les lèvres, comme cela se produit dans les roches sous pression.
On distingue trois modes de rupture :
– Le mode I appelé de manière évidente mode d’ouverture.
– Le mode II appelé mode de glissement plan.
– Le mode III appelé mode de glissement antiplan ou mode de déchirure, celui mobilisé lorsque
l’on déchire une feuille de papier.
La phase d’ouverture pendant laquelle, la fissure immobile s’ouvre, les lèvres s’écartant sans chan-
gement de géométrie de la surface S. Cette phase se poursuit jusqu’à un chargement critique
autorisant la fissure à se propager en s’agrandissant. A ce chargement critique correspond la
condition d’amorçage.
La phase de propagation Au delà du chargement critique d’amorçage, la fissure s’agrandit (avance)
soit dans le plan tangent à S soit dans d’autres directions (branchement), c’est la phase de
propagation qui pourra être contrôlée (propagation dite stable) ou non (propagation dite instable
conduisant à la rupture brutale ou catastrophique).
On s’attend donc à ce que le modèle présente une divergence des contraintes physiquement sans
signification au voisinage de la tête de fissure, mais la solution représentera bien l’évolution spatiale
du champ de contrainte induit par la fissure au delà d’un petit rayon r0 .
2.3. LA RUPTURE FRAGILE 9
π √
r
Lim
K= σm ρ
ρ→0 2
On retrouve bien le fait annoncé que K est une fonction du chargement et de la géométrie du
problème. Les expressions de K pour diverses géométries et divers chargements sont tabulées dans les
livres spécialisés.
plastiquement est plus étendue de façon à respecter l’équilibre des contraintes. Il faut compenser la
troncature de la distribution élastique pour x ≤ ry . En faisant l’hypothèse simple selon laquelle la
distribution élastique de la contrainte σyy est translatée d’une quantité X l’égalité des aires hachurées
conduit à X = ry , soit R = 2ry . La dimension de la zone plastique est donc : R = π1 ( RKP )2 .
Ce calcul est évidemment approximatif l’équilibre des contraintes n’étant assuré que dans le plan
prolongeant la fissure. Il n’est valable que si la dimension de la zone plastique reste assez petite
(hypothèse de zone plastique confinée). La fissure accompagnée de sa zone plastique se comporte
comme une fissure élastique fictive de longueur (c + R). R appelée correction de zone plastique d’Irwin
est utilisée pour mieux représenter la fissure dans le cas où la plasticité commence à devenir importante.
Ce modèle ne peut prétendre représenter correctement la forme de la zone plastique dans tout le plan.
Des calculs analytiques et numériques plus évolués montrent que l’estimation fournie conduit, dans
tous les cas, à un très bon ordre de grandeur peu affecté par l’écrouissage. Par contre, les formes de
la zone plastique sont fortement dépendantes du problème traité.
Le profil de la fissure est émoussé par la plasticité. Les lèvres s’écartent à leur extrémité d’une
K2
quantité δ appelée écartement de fissure ou Crack Tip Opening Displacement, CTOD. δ ≈ ER P (E
est le module de Young) est un bon ordre de grandeur.
dont les faces sont pontées par des fibrilles. Ce sont des faisceaux de chaı̂nes polymériques extraites
de la matrice. Elles sont relativement alignées, comme dans un polymère fortement étiré. Lorsque
l’ouverture de la craquelure augmente, la longueur des fibrilles augmente, non par fluage, mais par
poursuite de l’extraction des chaı̂nes qui finissent par céder créant une véritable fissure.
Par superposition les conditions aux limites sur la fissure fictive de longueur 2(c + R) incluant les
zones plastifiées s’écrivent :
L’annulation du facteur d’intensité de contrainte total pour obtenir des contraintes finies aux limites
2.5. LA TÉNACITÉ DES MATÉRIAUX 13
1 π K 2 8RP 1
R = c( − 1) R≈ ( ) δ= c ln ( )
cos πσ
2RP
∞
8 RP πE cos πσ
2RP
∞
P
Lorsque σ∞ < RP , (jusqu’à σ∞ = R2 ), l’approximation conduit à une expression proche ( π8 ≈ π1 )
de celle d’Irwin. L’approche de Dugddale colle assez bien à la réalité dans le cas des plaques minces. En
outre, elle permet de déterminer l’ouverture à fond de fissure d = CT OD et de mieux préciser les limites
de validité des solutions proposées en plasticité confinée. La comparaison sous forme adimensionnelle
de la relation entre taille de zone plastique et CTOD montre que les solutions en plasticité confinée ne
s’appliquent bien que lorsque la contrainte appliquée ne dépasse pas la moitié de la limite d’élasticité
du matériau.
Compte tenu du faible intervalle de valeurs de l’énergie superficielle, (γ 0,5-5 J.m−2 ) la ténacité
d’un matériau, qui varie comme la racine carrée de sa raideur, reste du même ordre de grandeur
(KC 0,1-1 MPa.m1/2 ) pour la quasi totalité des céramiques et des métaux.
14 CHAPITRE 2. LA RUPTURE BRUTALE
Taille de défaut c 1 µm 1 cm 1m
Coefficient de concentration de contrainte k 200 20000 200000
Une fissure de 1cm devrait réduire la résistance théorique d’un facteur 20000, auquel cas les vitrages,
qui ont souvent des fissures de cette taille, pourraient difficilement survivre. Sur des structures de très
grande taille comme des bateaux, on rencontre parfois des fissures de plus d’un mètre de long, qui
produiraient une concentration de contraintes d’un facteur 200000, impliquant que la structure en
question ne supporterait même pas son propre poids ! De plus, après des années d’usage, il apparaı̂t
souvent, dans une grande structure (un navire, un pont ou une automobile), des fissures, des rayures,
des points de rouille, ·. Le calcul du facteur de concentration des contraintes, à la manière d’Inglis, pour
le plus important de ces défauts, conduit à des résultats effarants. Or ces structures continueront à
assurer leur fonction avec une fiabilité satisfaisante pendant des dizaines, voire des centaines d’années.
cette zone, l’énergie supplémentaire à fournir pour créer cet endommagement dans le volume balayé
P 2 K2
RdS est de l’ordre de W (RE ) RdS = EC dS = GC dS à comparer à 2γdS.
– Pour les matériaux fragiles comme le verre, γ ∼0,5 J.m−2 , E ∼70 GPa, RP ∼170 MPa et
KC ∼0,5 MPa.m1/2 soit W S ∼3 J.m−2 et R ∼3 µm.
– Pour les matériaux tenaces comme l’acier doux, γ ∼2 J.m−2 , E ∼210 GPa, RP ∼400 MPa et
KC ∼100 MPa.m1/2 soit W S ∼5.105 J.m−2 et R ∼20 cm.
Les matériaux peu tenaces (fragiles) ont une énergie de séparation GC qui reste de l’ordre de
l’énergie superficielle γ et la théorie du clivage donne bien le bon ordre de grandeur KCth KC , la zone
d’endommagement en pointe de fissure restant très limitée.
Les matériaux tenaces (ductiles ou rendus tenace par d’autres mécanismes comme les fibrilles des
polymères) ont une énergie de séparation GC très supérieure à l’énergie superficielle γ. KC >> KCth
et la théorie du clivage n’est pas adaptée. L’énergie nécessaire à la rupture est quasi entièrement
consommée dans la zone d’endommagement de grande taille dont la croissance accompagne celle de
la fissure.
Fig. 2.16 – Sillage plastique bordant une fissure de fatigue dans un acier inoxydable. Photo ETCA-
CREA
d’air. Enfin si le ballon percé est gonflé rapidement, il finit par atteindre une pression qui le fait
brutalement éclater. En d’autres termes le ballon a atteint une pression critique à laquelle le défaut
créé par l’épingle devient instable.
U = U EXT + U EL + U S = U M EC + U S = Cte
dU dU M EC dU S
= + =0
dc dc dc
S M EC
Si la fissure s’allonge de dc > 0, sa surface croı̂t de dS = edc ⇒ dU
dc > 0 et
dU
dc < 0. Accroı̂tre
la longueur de fissure consomme de l’énergie et l’accroissement d’énergie de séparation est prélevé sur
l’énergie mécanique disponible U M EC .
Physiquement la fissure ne peut croı̂tre que par libération des tensions qui la tiennent fermée. Pour
allonger réellement la fissure encore faut-il que l’énergie mécanique U M EC du système soit suffisante
M EC S
pour que sa variation − dU dc puisse compenser l’accroissement dU dc nécessaire à la séparation.
est appelée logiquement taux de restitution d’énergie. Le critère de rupture ou condition d’amorçage
équivalent au critère K = KC s’écrit donc :
GC − G = 0 soit G = GC (2.7)
G < GC G = GC G > GC
Fermeture Équilibre (v = 0) Propagation (v > 0)
dG dG
dS ≤ 0 Stable dv ≤ 0 Contrôlée
dG dG
dS > 0 Instable dv > 0 Catastrophique
G < GC Énergie mécanique mobilisable insuffisante pour accroı̂tre la longueur de fissure, celle-ci se
referme (ou se cicatrice dans le cas de certains matériaux comme les adhésifs).
G = GC La fissure en équilibre (v=0 mais fissure ouverte) sous l’action du chargement.
– Si dG
dS ≤ 0 équilibre stable : toute fluctuation entraı̂nant un accroissement de la longueur de
fissure provoque une diminution du taux de restitution d’énergie et la fissure tend à reprendre
sa longueur d’équilibre en régressant.
– Si dG
dS > 0 équilibre instable : toute fluctuation entraı̂nant un accroissement de la longueur
de fissure provoque une augmentation du taux de restitution d’énergie et la fissure se met à
croı̂tre (v 6= 0 fissure se propageant plus ou moins rapidement).
G > GC Énergie mobilisable excédentaire pour accroı̂tre la longueur de la fissure, celle ci est donc en
régime de propagation. Il faut alors s’intéresser à la cinétique de propagation qui sera contrôlée
par l’évolution du taux de restitution d’énergie en fonction de la vitesse de fissure.
– Si dGdv < 0 la propagation est dite contrôlée, la fissure progresse à vitesse décroissante vers un
nouvel état d’équilibre (fissure plus grande)
– Si dGdv < 0 la fissure progresse à vitesse constante.
– Si dGdv > 0 la propagation est dite catastrophique, la fissure progresse à vitesse croissante et
provoque la rupture de la pièce.
Si l’énergie en excès n’est pas dissipée par d’autres mécanismes, cas des matériaux fragiles,
la vitesse de clivage augmente rapidement jusqu’à atteindre une vitesse proche de la vitesse
des ondes de surface de Rayleigh. L’énergie excédentaire est dissipée dans la propagation des
ondes associées, d’où le bruit caractéristique accompagnant ce type de rupture.
Par contre, au delà de l’amorçage, le type de chargement influe sur le comportement en propagation.
Il est donc intéressant de définir l’origine de l’énergie mécanique motrice de la fissuration pour les deux
types de chargement extrêmes : chargement à force ou à déplacement imposé.
Équilibre à déplacement imposé Le déplacement q0 étant imposé brutalement à l’instant initial,
le défaut va croı̂tre jusqu’à la longueur d’équilibre 2c, la force résultante Q, déterminée à tout
instant par la réponse du matériau q = λ(c)Q à dq = 0 entraı̂nant dQ = − dλ λ Q , ne travaille
pas et la variation du potentiel des efforts externes dU EXT = Qdq = 0. La variation d’énergie
élastique dU EL = 21 Qdq = 12 qdQ en élasticité linéaire est dU EL = 12 q0 Q < 0 et dU M EC =
2.7. LA LONGUEUR DE GRIFFITH 19
conduisant à la rupture.
d’une grande quantité d’énergie stockée se trouve bloquée par une barrière énergétique couplée avec
un effet dimensionnel (ou effet d’échelle).
Dans le cas d’un matériau sous contrainte, cette dimension critique est la longueur de Griffith. Pour les
niveaux de contrainte que l’on rencontre dans les structures ordinaires, la quantité d’énergie stockée
par unité de masse est très inférieure à l’énergie chimique des explosifs. C’est pourquoi, lors des essais
de traction, la rupture d’une éprouvette ne s’accompagne que d’un bruit modéré. Maintenant que
l’on parvient, en laboratoire, à approcher la résistance théorique de nombreux solides, on constate
qu’au voisinage de la limite de rupture la quantité d’énergie de déformation stockée par le matériau
s’approche de l’énergie totale des liaisons chimiques. La rupture de ces échantillons hyperrésistants
libère une énergie par unité de masse de matière peu différente d’un explosif comme la dynamite. Lors
de la rupture de trichites on observe une véritable explosion et l’émission d’un petit nuage de poussière
ou de fumée. En outre, il ne reste pratiquement rien de l’échantillon qui est totalement désintégré.
→ −
− → → ∂− →
∂
U EL = 12 C+F { T ∂∂cu + − T }dl, l’intégration portant sur le contour total :
R
travaux virtuels ∂c u ∂c
→
− →
−
contour extérieur C et contour de fissure F . La fissure étant libre de charge T = 0 et ∂∂c T =0
sur F et le contour d’intégration se réduit au contour extérieur C. Soit en séparant C en C T sur
→
− →
−
T = 0 et C u sur lequel ∂ −
lequel ∂∂c
→u = 0, ∂ U EL = 1 R T − → ∂−
T
→u dl + 1 R u −
→
u ∂T
∂c ∂c 2 C ∂c 2 C ∂c dl.
→ ∂−
− → 1R −→ − →
∂d
– La variation du travail des forces extérieures ∂dc W EXT = 2 C T T ∂c = 2 C T ∂∂cu car l’effort
1R u
externe ne travaille pas sur C u où les déplacements sont imposés.
Finalement, le taux de restitution d’énergie :
→
− →
−
∂ ∂ 1 − ∂−
→ →
u − ∂T 1 − ∂−
→ →
u 1 ∂T
Z Z Z
G = − (U EXT +U EL ) = (W EXT −U EL ) = {T →
−u }dl = T dl− →
−
u dl
∂c ∂c 2 C ∂c ∂c 2 CT ∂c 2 Cu ∂c
Cette expression permet de calculer G connaissant les valeurs des champs sur le contour extérieur C
de la structure ou de le mesurer. Elles permettent également de déterminer G expérimentalement les
champs mécaniques considérés forces imposées et déplacements résultants étant expérimentalement
accessibles.
→∗ →∗
−
c et ( T , −u ) les champs de contrainte et de déplacement associés à son prolongement dc, c’est à dire
→
− →
−
les gradients ∂∂cT et ∂ −
→u des champs de la fissure c, l’intégrale 1 R {−→ ∂−
→u −− → ∂T
∂c 2 C T ∂c u ∂c }dl indépendante
du contour C 0 entourant la discontinuité n’est plus nulle.
En choisissant C 0 = C l’intégrale s’identifie au taux de restitution d’énergie. G est un invariant
intégral indépendant du contour entourant la fissure c + dc.
Étape initiale La fissure AA0 ouverte va s’agrandir virtuellement de dc. Le long de ses futures lèvres
→1
−
règne un champ de force T effet du champ de contrainte local induit par la fissure AA0 ouverte
en équilibre.
Étape intermédiaire Pour provoquer la rupture virtuelle des liaisons sur dc, il faut dépenser l’énergie
de fissuration dU S = Gdc. Pour maintenir fermé le prolongement virtuel dc alors que les liaisons
ont été rompues appliquons sur ses futures lèvres les efforts −T 1 .
Étape finale La relaxation progressive des efforts −T 1 provoque l’ouverture du prolongement dc
M EC 1R
libérant l’énergie dU = − 2 dc T 1 [u2 ]dc, [u2 ] étant le déplacement d’ouverture du prolon-
gement dc pour obtenir d’une fissure de longueur c +Rdc en équilibre d’ouverture. L’égalité
M EC
dU S = dU M EC conduit à l’expression G = − dU dc = 21 dc T 1 [u2 ]dc justifiant l’appellation taux
de restitution d’énergie.
Pour parcourir le chemin inverse il faut fournir l’énergie dU M EC = 12 dc T 1 [u2 ]dc pour refermer sans le
R
cicatriser (donc sans rétablir les liaisons rompues) le prolongement dc, justifiant l’autre dénomination
de G : taux d’énergie de fermeture.
Fig. 2.24 – Mouton de Charpy, Transition fragile ductile, Pelage des adhésifs
Pelage des adhésifs La même grandeur GC mesure la force des adhésifs. En suspendant un poids
mg à un petit morceau déroulé de ruban adhésif d’épaisseur e et de largeur b, le ruban ne se
déroule pas sur le bord du rouleau, comme dans le cas d’une pelote de ficelle, mais le long du
plan de symétrie vertical. Le pelage du ruban à π2 est assimilable à la propagation d’une fissure
entre la partie déroulante et la partie collée sur le rouleau. La charge critique produisant le
déroulement rapide du ruban (rupture brutale) est liée à l’énergie de rupture GC de l’adhésif de
manière particulièrement simple. Lors du décollement d’une longueur dx de ruban qui consomme
l’énergie de séparation dW S = GC bdx la charge externe mg effectue un travail dW = mgdx.
L’énergie élastique associée à l’allongement de la partie décollée dx étant négligeable du fait de la
raideur élevée du ruban, l’égalité dW = dW S conduit à la relation GC = mg b . Typiquement, b=2
cm, m=1 kg, et g=l0 m.s−2 , ce qui donne GC =500 J.m−2 valeur raisonnable pour les adhésifs.
Cette équation représente dans le plan KI , KII un ellipse paramétrée par les trois quantités
(σI − σII )2 , r et θ qui sont accessibles expérimentalement. En faisant varier r et θ (donc le point
de mesure) et en mesurant la valeur de la différence σI − σII correspondante, on peut tracer
un faisceau d’ellipses qui passent nécessairement par deux points symétriques dont seul le point
d’abscisse KI positive doit être retenu. Cette méthode donne de bons résultats lorsque le rayon
laser est positionné à une distance de la pointe de fissure égale à 3 ou 4 fois son diamètre.
Méthode de l’analogie électrique La fissure est matérialisée par une coupure dans un papier
résistif et la variation de G se détermine par la variation de la puissance électrique fournie
lorsque la longueur de la coupure varie. Cette méthode est intéressante lorsqu’il n’existe aucune
solution analytique : présence de plusieurs fissures, cavités ou inclusions rigides simulées par
un milieu parfaitement conducteur. Cette méthode simple est d’autant plus intéressante qu’il
n’existe pas de solution au problème étudié, en particulier lorsqu’on veut étudier l’interaction
des fissures. Il suffit de faire croı̂tre une coupure particulière les autres restant inchangées.
Méthode des caustiques La déviation angulaire d’un rayon lumineux réfléchi tombant dans la zone
de singularité des contraintes au voisinage de la pointe de fissure est proportionnelle à la variation
d’épaisseur du modèle, elle même proportionnelle à la contrainte moyenne σ11 + σ22 . La lumière
réfléchie dessine sur un écran distant une caustique, épicycloı̈de dont l’analyse permet d’obtenir
indirectement le facteur KI .
Méthodes numériques Il s’agit de diverses variantes de la méthode des éléments finis.
Extrapolation des champs de contrainte et de déplacement Cette technique s’appuyant
sur la connaissance à priori des champs de contrainte et de déplacement au voisinage de
la fissure permet d’approcher la valeur du facteur d’intensité de contrainte K par excès
avec des éléments utilisant une approximation du champ de déplacement et par défaut avec
des éléments utilisant une approximation du champ de contrainte. Les forts gradients en
pointe de fissure sont bien représentés à l’aide d’éléments de maillage spéciaux respectant
la singularité en √1r .
Méthode de la souplesse Cette version numérique de la méthode nécessite deux maillages de
finesses comparables, un pour la fissure c l’autre pour la fissure c + dc. La connaissance de
G ne permet pas en mode mixte (I +II ) de déterminer séparément les facteurs d’intensité
de contrainte KI et KII .
2.9. LA RUPTURE DUCTILE 25
2.9.2 Intégrale J
Cette intégrale de contour appelée intégrale J a trois propriétés intéressantes :
J indépendante du contour J est indépendante du contour choisi. Comme pour l’invariant intégral
G, un contour situé très près de la pointe de la fissure ne fera intervenir que la singularité alors
qu’un contour très éloigné fera intervenir les conditions aux limites du problème, moyen commode
pour relier ce qui se passe à la pointe de la fissure à ce qui se passe au loin.
J taux de libération d’énergie J représente, en élasticité non linéaire, le taux de libération d’énergie
correspondant à une avancée infinitésimale de la fissure. Comme G auquel elle s’identifie lorsque
M EC
le comportement est linéaire J = − dUdS , U M EC étant l’énergie potentielle totale qui n’est
plus égale à −U EL comme en élasticité linéaire. J reste donc accessible par la méthode des
souplesses, mais la courbe de chargement étant maintenant non linéaire il faut déterminer la
surface (à déplacement ou à charge imposée) comprise entre les courbes correspondant à une
fissure de longueur c et une fissure de longueur c + dc.
26 CHAPITRE 2. LA RUPTURE BRUTALE
– Dans le domaine strict de l’élasticité linéaire, tous les développements sont issus, à l’origine,
de solutions de problèmes de fissure en élasticité plane. L’application principale concerne le
mode I pour lequel le seul paramètre KI décrit l’ensemble des grandeurs importantes, le taux
de libération d’énergie G compris ce qui conduit naturellement à définir la ténacité KC . Dès
qu’on s’écarte des hypothèses de la théorie de Griffith de la rupture fragile on aborde des do-
maines moins bien établis, comme les problèmes d’anisotropie, les modes mixtes et les problèmes
tridimensionnels.
– En plasticité confinée, pourvu que l’étendue de la zone déformée plastiquement en pointe de
fissure soit suffisamment faible, il est encore possible d’appliquer les concepts de la mécanique
de la rupture en élasticité linéaire. Si le paramètre K n’a plus la signification énergétique aussi
claire qu’en élasticité stricte il continue à décrire les champ de contrainte et de déformation
et, par voie de conséquence, le chargement critique conduisant à la rupture. On est alors en-
core parfaitement en droit de parler de ténacité. Les modèles d’Irwin et de Dugdale-Barenblatt
permettent d’évaluer l’étendue de la zone déformée plastiquement en pointe de fissure. Suite
à de nombreuses expériences et de nombreux calculs on donne habituellement comme limite
K1 2
b > 2, 5( R P ) où b est la dimension du ligament, distance restante entre la pointe de fissure et
le bord de la pièce.
– En plasticité étendue la régularité des contraintes est fortement modifiée. Si en élasticité linéaire,
cette singularité est en r−1/2 elle est plus faible en rn/(n+1) en plasticité, l’exposant d’écrouissage
étant compris entre 0 et 0,2. Cette singularité plastique est bien décrite par l’intégrale J dans un
certain nombre de cas mais sa signification énergétique en tant que taux de libération d’énergie
est limitée par le fait qu’elle repose sur la schématisation du comportement réel élastoplastique
avec écrouissage par un comportement élastique non linéaire.
Cependant les solutions asymptotiques donnant la distribution des contraintes et des déformations
exprimées à l’aide de J sont très utiles quand elles sont raccordées avec une solution plus réaliste
décrivant l’émoussement en pointe de fissure. De plus, les méthodes approchées d’évaluation de
J à partir de considérations sur le chargement limite, permettent de calculer assez aisément ce
paramètre.
Ces raisons font que les développements récents de la mécanique de la rupture en comportement non
linéaire font largement appel à J même si des emplois, imparfaitement et insuffisamment justifiés en
sont faits.
2.10. LA PROPAGATION DES FISSURES 27
la surface externe de la pièce, Q les efforts externes appliqués et q les déplacement correspondants,
relation qui n’est autre que la surface sous la courbe de charge, dans ce cas particulier OADO. La
rupture étant parfaitement contrôlée, G = GC en tout point de A à D, cette surface représente
également l’énergie dU S qu’il a fallu pour agrandir la fissure. L’aire du triangle curviligne OADO
représente donc l’énergie de fissuration à fournir pour faire progresser la fissure de sa longueur initiale
c(A) à sa longueur finale c(D).
En rupture à force imposée Lorsque le point d’amorçage A est atteint la force Q = QA est main-
tenue constante. Une fois dans le domaine instable, U CIN augmente rapidement et toujours plus
vite que U S . Les courbes de chargement et d’équilibre ne peuvent se recouper conduisant à la
rupture brutale catastrophique.
En rupture à déplacement imposé Lorsque le point d’amorçage A ou B est atteint le déplacement
constant q = qA ou q = qB est maintenu constant.
– Si la taille initiale de la fissure est petite, amorçage sur la partie supérieure de la courbe
d’équilibre au point A, il y aura début de propagation instable, l’arrêt de la fissure dépendra
de l’importance de l’énergie cinétique acquise au moment ou la courbe de charge recoupe à
déplacement fixé la courbe d’équilibre. Le dessin correspond à un arrêt de fissure au point
A0 lorsque tout l’énergie cinétique en excès a été consommée pour agrandir la fissure. Plus
30 CHAPITRE 2. LA RUPTURE BRUTALE
la fissure initiale est petite (plus haut sur la courbe se trouve le point d’amorçage) et plus le
risque de rupture catastrophique est important.
– Si la taille initiale de la fissure est grande, amorçage sur la partie inférieure de la courbe
d’équilibre au point B, il n’y aura pas de propagation, la fissure va s’ouvrir diminuant la partie
élastique du déplacement de la structure donc la force appliquée et l’on rentre immédiatement
dans le domaine de stabilité.
A déplacement imposé, une grande fissure est moins dangereuse qu’une petite. La stabilité de la
propagation dépend essentiellement du mode de chargement. Le mode à force imposée est toujours
instable, le mode à déplacement imposé est habituellement stable (en pratique on se trouve presque
toujours sur la partie inférieure de la courbe d’amorçage) mais il peut devenir instable dans certains
cas particuliers.
élastique et les liaisons interatomiques sont littéralement rompues, la fissure se propage par clivage,
séparation des plans atomiques, et conduit à des surfaces de rupture plates à l’échelle atomique.
L’énergie nécessaire à la rupture des liaisons dans un matériau dur est plus faible que celle que
nécessaire au déchirement ductile d’où leur fragilité.
A basse température, les métaux de structure hexagonale ou cubique centrée deviennent fragiles et
rompent par clivage comme le verre. L’abaissement de la température diminuant l’agitation thermique
des atomes réduit la mobilité des dislocations par augmentation de la résistance intrinsèque du réseau
augmente induisant une augmentation de la limite élastique et une diminution de la taille de la
zone plastifiée en tête de fissure jusqu’à ce qu’elle soit devenue si petite que le mode de rupture de
déchirement ductile devienne un clivage. Pour certaines compositions d’aciers cette transition ductile-
fragile survient à des températures proches de 0°C et les constructions en acier sont plus fragiles en
hiver qu’en été.
Des phénomènes semblables apparaissent dans les polymères à la transition vitreuse. En dessous de
la Tg les polymères sont beaucoup plus fragiles. De nombreux polymères comme les résines époxydiques
sont toujours fragiles (faible GC ) simplement parce qu’à toute température les chaı̂nes sont fortement
réticulées par des liaisons covalentes et les fissures ne sont pas émoussées par plastification en tête de
fissure.
Essai de traction
L’essai le plus simple est l’essai de traction. Il mesure la contrainte RtM nécessaire pour provoquer
la propagation instable de la plus longue fissure que contient l’échantillon. Dans un échantillon donné,
32 CHAPITRE 2. LA RUPTURE BRUTALE
si la plus longue microfissure la mieux orientée a une longueur 2cM ax alors c’est cette fissure qui
déterminera la résistance à la traction. En effet, cette fissure représente le maillon le plus faible,
elle deviendra instable lorsque la contrainte moyenne de traction vérifiera la condition d’amorçage
σ 2 πcM ax = KC2 et provoquera la rupture catastrophique de l’échantillon. La résistance à la traction
RtM de l’échantillon est donc égale à la contrainte d’amorçage du maillon le plus faible, soit :
KC
RtM ∼ √
πcM ax
Il y a donc deux manières d’améliorer la résistance mécanique des céramiques : diminuer cM ax en
contrôlant soigneusement la fabrication ou augmenter KC par alliage ou par constitution d’un com-
posite à partir de cette céramique.
Essai de flexion
Les essais de traction sur les céramiques sont délicats car elles tendent à se rompre dans les
mors de la machine d’essai. Il est beaucoup plus facile de mesurer la force nécessaire pour casser un
barreau dans un essai de flexion. La contrainte de traction maximale σr en surface du barreau au
moment de sa rupture est appelée module de rupture. On pourrait penser que σr doit être égal à
la résistance à la traction RtM . En fait, il est légèrement plus élevé (typiquement 1,7 fois plus) car
la répartition des contraintes dans l’éprouvette n’est pas homogène. La demi éprouvette supérieure
travaille en compression tandis que la demi éprouvette inférieure travaille en traction, cette traction
étant d’autant plus forte que l’on se rapproche de la face inférieure et du centre de l’éprouvette, ce
qui explique que la rupture se produise à partir de cette face à l’aplomb de l’appui exerçant la force
F . Statistiquement le plus grand défaut à plus de chance de se situer au centre de l’éprouvette, donc
dans une zone sous faible contrainte, de sorte que la rupture se déclenchera sur un défaut de taille
inférieure dans la zone de forte traction, conduisant donc à une contrainte de rupture sr supérieure à
RtM .
Essai de compression
Le troisième type d’essai est l’essai de compression. Pour les métaux (ou n’importe quel autre solide
plastique) la résistance RcM mesurée en compression a la même signification que celle RtM mesurée en
traction. Mais il n’en est pas de même pour les solides fragiles dont la résistance à la compression est
environ 15 fois plus élevée, soit : RcM = 15RtM . En compression, les fissures se propagent de manière
stable et dévient de leur orientation initiale pour se propager parallèlement à l’axe de compression.
La rupture n’est pas provoquée par la progression rapide et instable d’une fissure unique comme en
traction, mais par la lente progression de nombreuses fissures qui forment une zone d’écrasement.
Ce n’est donc pas la longueur cM ax de la plus grande fissure qui intervient, mais plutôt la longueur
moyenne cM oy . La résistance à la compression est, comme en traction, du type :
KC
RtM ∼ √
πcM oy
Pour expliquer ce phénomène, il faut revenir au modèle de la fissure elliptique aplatie d’Inglis.
En traction, lorsque la fissure est orientée perpendiculairement à la contrainte, les pointes de l’ellipse
sont soumises à une forte traction provoquant la propagation instable de la fissure. En compression,
au contraire, les pointes sont soumises à une forte compression et la fissure stable tend à se fermer.
2.12. LA RUPTURE FRAGILE 33
Mais elle est soumise à une contrainte de traction aux extrémités du petit axe et, si on impose à
l’infini une contrainte suffisamment grande (beaucoup plus grande qu’en traction traduisant la grande
résistance à la compression), deux branchement vont apparaı̂tre dans la direction de la compression.
Lorsque la fissure s’incline, ces points de branchement se déplacent rapidement vers le les pointes
avec l’augmentation de l’angle d’inclinaison. Les branchements se produisent perpendiculairement à
la direction de la contrainte de traction, donc dans la direction de la compression.
Si un risque acceptable (la probabilité de rupture) peut être affecté à la fonction remplie par la
pièce, il est alors effectivement possible de la concevoir de sorte que le risque n’excède pas ce maximum
acceptable.
Essai de traction
La craie est une céramique poreuse de faible ténacité KC =0,9 MPa.m1/2 mal consolidée, pleine de
fissures et de pores. Sa résistance moyenne à la traction RtM est de l’ordre de 15 MPa correspondant à
une taille de défaut de l’ordre du 1 mm. Mais la craie contient une distribution de défauts de différentes
longueurs. Deux morceaux de craie A et B géométriquement identiques peuvent avoir des résistances
notablement différentes, d’un facteur 3 ou plus. Ceci provient du fait que l’un (morceau B) a été
découpé de telle sorte que, par hasard, il ne contienne que des fissures courtes, tandis que l’autre
(morceau A) a été taillé de sorte qu’il contienne l’une des plus longues fissures de la distribution.
Si de petits échantillons géométriquement identiques sont découpés dans un gros bloc de céramique
fragile, ils présenteront une dispersion de résistance mécanique due à la dispersion de la taille des
défauts. En moyenne un gros échantillon ayant plus de chances de contenir l’un des plus longs défauts
cassera pour une contrainte plus faible qu’un échantillon plus petit. Il y a dépendance de la résistance
par rapport au volume.
Les ruptures par clivage prennent naissance à partir d’éléments microstructuraux, grains, inden-
tations, qui présentent une distribution statistique et c’est en général le grain le plus gros et le plus
favorablement orienté pour cliver, élément le moins résistant, qui déclenche la rupture. La théorie sta-
tistique du maillon le plus faible s’applique à ces ruptures fragiles. Elle repose sur quelques l’hypothèse
fondamentale à vérifier soigneusement en pratique :
– Le solide est considéré comme la juxtaposition de N éléments parfaitement indépendants et la
rupture de l’élément le plus faible entraı̂ne la rupture du solide entier.
– A chaque élément correspond une probabilité de rupture P0 (σ) sous une contrainte σ donnée.
La probabilité de survie de l’élément étant 1-P0 (σ), celle des N éléments vaut selon l’hypothèse
d’indépendance [1 − P0 (σ)]N et la probabilité de rupture PR (σ) = 1 − [1 − P0 (σ)]N s’écrit aussi sous
la forme
1 1
PR (σ) = 1 − exp(−N ln[ ]) = 1 − exp−N f (σ) avec f (σ) = ln[ ]
1 − P0 (σ) 1 − P0 (σ)
Effet de volume
Le volume total V ayant été subdivisé en N éléments de volume V0 , la probabilité de rupture du solide
de volume V s’écrit : PR (σ, V ) = 1 − exp− VV0 f (σ) fonction croissante de V .
Effet de contrainte inhomogène
Lorsque la pièce est soumise à une contrainte hétérogène, on la divise en un grand nombre de volumes
élémentaires ∆V , chacun soumis à une contrainte σ supposée homogène sur ∆V mais fonction de la
position du volume ∆V considéré dans la structure. Pour chacun de ces volumes ∆V la probabilité
de rupture PR (σ, ∆V ) est donnée par l’expression précédente avec V = ∆V . La probabilité de survie
de la pièce est le produit des probabilités de survie de chacun de ses éléments (tous doivent survivre
pour que la pièce survive) et vaut :
Y X ∆V Z
dV
1 − PR (σ, V ) = [1 − PR (σ, ∆V )] = 1 − exp( − f (σ)) PR (σ, V ) = 1 − exp− f (σ)
V0 V V0
en passant à la limite continue sachant que le volume V0 reste petit devant le volume dV sur lequel on
admet que la contrainte σ est constante. La probabilité de rupture est fonction de la répartition des
contraintes dans la pièce. Mais quelle valeur faut-il attribuer à σ ? En général on utilise la plus grande
des contraintes principales lorsqu’elle est positive. Ainsi une éprouvette en flexion a une probabilité de
rupture plus faible que celle de la même éprouvette en traction sous une contrainte égale à celle qui
agit sur la fibre la plus tendue en flexion. En traction, tout le volume est soumis à la contrainte alors
qu’en flexion seule une mince couche proche de la surface tendue supporte la contrainte de traction
maximale. Le contrainte de rupture en flexion est plus grande que la résistance à la traction.
Si la dépendance en volume est une conséquence directe de l’hypothèse de la théorie du maillon le
plus faible, reste à préciser la fonction f (σ).
Théorie de Weibull
Weibull a proposé la forme empirique suivante :
σ − σs m σ m
f (σ) = ( ) f (σ) = ( ) (2.10)
σu σu
qui rend bien compte de la dispersion expérimentale des contraintes de rupture des matériaux fragiles
en traction. Dans cette expression, σs représente un seuil de contrainte en dessous duquel la probabilité
de rupture est nulle. Dans la plupart des cas on suppose que σs = 0, ce que nous ferons par la suite.
Le module de Weibull m est un indicateur de la dispersion. Plus il est faible, plus cette dispersion est
importante :
– Pour les faibles module de Weibull, (m ¡ 20), la distribution des défauts est trés variable d’un
échantillon à l’autre, d’où la dispersion des contraintes de rupture.
– Pour les forts module de Weibull, la distribution des défauts est trés peu variable d’un échantillon
à l’autre, d’où faible dispersion des contraintes de rupture , la contrainte de rupture σR est une
grandeur quasi déterministe.
En mesurant la probabilité de survie PS (σ, V0 ) = 1 − PR (σ, V 0) comme le nombre d’échantillons
de même volume V0 n’ayant pas cassé sous la contrainte σ, la loi de Weibull
σ m
PS (σ, V0 ) = 1 − PR (σ, V 0) = exp[−( ) ]
σu
1
est vérifiée si les points s’alignent dans le plan ln(ln[ 1−P R
]), ln σ sur une droite dont la pente est égale
au module de Weibull m. A contrainte nulle, PS = 1, tous les échantillons survivent. Lorsque σ aug-
mente PS diminue tendant vers 0 pour les fortes contraintes et tous les échantillons cassent. σu est la
contrainte telle que PS (σu , V0 ) = 1e ≈ 0,37 laissant survivre 37% des échantillons.
σ dV σw 1 σw Vef f m1
Z Z
1
PS (σ, V ) = exp( − ( )m ) = exp{−( )m } avec σw = [ σ m dV ] m et =( )
V σu V0 σu V0 V σM ax V0
L’essai d’épreuve ou comment tricher avec la statistique.
Dans un lot de pièces avec une certaine distribution de résistances, on élimine les plus faibles en les
chargeant toutes sous une contrainte d’épreuve donnée. Celles qui contiennent des fissures de grande
longueur cassent et il ne reste que la fraction résistante à la contrainte d’épreuve. Statistiquement
parlant, les essais d’épreuve constituent une sélection qui rejette la queue de la distribution du côté
des faibles résistances. C’est une méthode largement utilisée pour réduire la probabilité de rupture des
pièces critiques dont l’efficacité est remise en cause par la transformation lente au cours du temps des
petits défauts inoffensifs en fissures dangereuses de grande dimension. Il faut donc éprouver la pièce à
intervalles réguliers tout au long de son utilisation. Ce type de procédure est également imposé par la
réglementation pour les pièces critiques en matériau ductile comme les réservoirs d’acier sous pression
(chaudières, bouteille de gaz,. . .) pour détecter la croissance des fissures de fatigue.
LA RUPTURE DE FATIGUE
Toute pièce ou structure soumise à des contraintes cycliques de façon répétée peut se rompre sous
des contraintes bien inférieures à la contrainte de résistance à la traction ou même souvent
inférieures à la limite d’élasticité du matériau.
Les pièces non fissurées sont pour la plupart des pièces de petite taille : tourillons, dents d’engre-
nage, chemins de roulement à bille, vilebrequins, arbres moteur, . . .
Les pièces fissurées sont pour la plupart des pièces de dimensions importantes, en particulier contenant
des cordons de soudure : ponts, bateaux, reservoirs sous pression, . . .
La fatigue oligocyclique concerne les pièces de cœur de réacteur nucléaire, de turbines, et toutes
les pièces soumises à surcharge occasionnelle.
La fatigue à grand nombre de cycles concerne toutes pièces soumises à rotations, vibrations : roues,
essieux, pièces de moteurs.
37
38 CHAPITRE 3. LA RUPTURE DE FATIGUE
Comme la plupart des essais consistent à soumettre une éprouvette à un cyclage alterné en traction-
compression, torsion ou flexion, on est parfois conduit à distinguer la composante alternative sigmaa =
1 1
2 (σM ax − σM in ) de la composante statique sigmam = 2 (σM ax + σM in )
Selon les valeurs relatives de ces deux composantes, on distingue les essais sous sollicitation :
alternée symétrique σm = 0 R = −1
alternée dissymétrique 0 < σm < σm −1 < R < 0
répétée σm = σa R=0
ondulée σm > σa 0<R<1
une zone de fatigue (ou d’endurance limitée) où la rupture est atteinte après un grand nombre
de cycles, nombre qui croı̂t quand la contrainte décroı̂t
une zone d’endurance illimitée ou zone de sécurité, sous faible contrainte, pour laquelle la rupture
ne se produit pas avant un nombre donné de cycles, 107 , 108 voire même 109 , supérieur à la durée
de vie envisagée pour la pièce.
Très souvent elle possède une branche asymptotique horizontale correspondant à la limite d’endu-
rance ou limite de fatigue σD . Ce n’est pas toujours vrai, en particulier lorsqu’il y a simultanément
fatigue et corrosion.
La dispersion des résultats des essais de fatigue est un fait d’expérience. Elle provient de nom-
breuses causes liées à l’hétérogénéité des matériaux, aux tolérances d’usinage, aux défauts superficiels,
à la présence de contraintes résiduelles, aux tolérances de montage sur la machine, aux variations de
température et de milieu au cours de l’essai, . . .. On peut la réduire en précisant tous les paramètres
et en les maintenant dans des limites étroites, mais on ne peut pas l’éliminer par suite du caractère
aléatoire des ruptures par fatigue. C’est pourquoi, sur la courbe de Wöhler, la durée de vie pour une
contrainte donnée ne peut pas être représentée par un point mais par une distribution du nombre
de cycles N . La représentation mathématique de la courbe de Wöhler fait appel à des méthodes
statistiques.
– La plus ancienne représentation est celle de Wöhler : ln N = a − bσ. Si elle ne rend pas
compte de la branche asymptotique horizontale de la courbe complète, elle en donne une bonne
représentation dans sa partie moyenne entre le domaine de fatigue oligocyclique (N <5.102 ) et
celui des endurances supérieures à 106 cycles.
– L’ensemble de la courbe est bien représenté par l’équation N + N B = a exp{−b(σ−σ σ−σE
E)
} mais la
détermination des paramètres NB , a, b, σE 6= σD est en général délicate du fait de la grande
dispersion.
– La loi de Basquin σN α =Cte, où α est un exposant de l’ordre de 1/15 à 1/8 pour la plupart
des matériaux, prend en compte la courbure progressive raccordant la branche descendante à la
branche horizontale mais ne représente ni la limite d’endurance ni le comportement en fatigue
oligocyclique. Elle est d’usage courant pour caractériser la fatigue alternée (à contrainte moyenne
σm = 0) à grand nombre de cycles
Limite d’endurance
Pour les contraintes maximales appliquées < sigmaD les conditions de germination des microfis-
sures sont rarement réunies ou leur dimension n’atteint pas la taille critique et la durée de vie peut
être considérée comme supérieure à celle envisagée pour la structure.
Pour certains matériaux (Al), le passage du domaine de fatigue au domaine de sécurité est très
progressif. La courbe σ, N présente un coude très arrondi et ne devient horizontale qu’au-delà de 108
cycles. Parfois, il n’apparaı̂t pas de limite d’endurance asymptotique.
40 CHAPITRE 3. LA RUPTURE DE FATIGUE
Par contre, pour d’autres matériaux comme les aciers ferritiques, la courbe σ, N présente un coude
très accentué, situé entre 106 et 107 cycles, et la limite d’endurance est bien définie. Cependant, la rup-
ture gardant un caractère aléatoire, la limite d’endurance ne peut être déterminée que statistiquement
à partir de la distribution des ruptures et non-ruptures, par exemple par la contrainte correspondant
à la probabilité d’apparition de 50% de rupture.
– La limite d’endurance théorique est la limite supérieure de la contrainte périodique qui peut être
appliquée indéfiniment sans amener la rupture. Elle n’existe pas toujours.
– La limite conventionnelle est la valeur maximale de la contrainte qui n’entraı̂ne pas la rupture
avant un nombre de cycles donné. Celle-ci peut toujours être déterminée.
oligocyclique à très faibles nombres de cycles la phase de propagation occupe la majeure partie
de la durée de vie, le nombre de sites d’amorçage augmentant avec le niveau de contrainte
appliqué.
– Une concentration de contrainte, entaille par exemple, réduit le rapport N Nr .
a
– Les microfissures apparaissent en général plus rapidement dans les matériaux ductiles.
3.1. RUPTURE EN FATIGUE 41
Fig. 3.5 – Représentation schématique : de la courbe de Wöhler globale ∆σ(Nr ) avec séparation des
phases d’amorçage Na et de propagation Np de l’évolution du rapport N Nr avec la contrainte alternée
a
– Pour les matériaux présentant un amorçage dans les bandes de glissement, le rapport N Nr aug-
a
n2
niveau σ2 est N 2
= 1 − n mais elle ne fait pas de distinction entre σ2 > σ1 et σ2 < σ1 . En réalité,
si les différents niveaux de contrainte, tous supérieurs à la limite d’endurance, sont successivement
décroissants, le dommage cumulé D est inférieur à 1, tandis qu’il est supérieur à 1 si, dans les mêmes
conditions, les contraintes sont successivement croissantes. La règle de Miner peu précise mais simple
est largement utilisée pour la conception des pièces résistantes à la rupture par fatigue. Pour les pièces
critiques, il est nécessaire de la vérifier par des essais simulant les conditions d’usage.
Accomodation et endommagement
Selon la valeur de la contrainte maximale et la fréquence des cycles, la courbe d’hystérésis mécanique
σ, ε entre charge et décharge peut présenter au cours de chaque cycle une aire nulle (déformation
cyclique élastique), elliptique (déformation cyclique viscoélastique), à points anguleux (déformation
cyclique élastoviscoplastique) qui tend après un certain nombre de cycles vers un cycle limite (acco-
modation) ou évolue continûment jusqu’à rupture (endommagement par effet dit de rochet).
Rm étant la résistance ultime à la traction du matériau. Cette règle n’est bien vérifiée qu’en première
approximation et son application reste sujette aux mêmes précaution que celles applicables à la règle
de Miner.
La réponse contrainte - déformation forme des boucles qui évoluent (accommodation) et se stabi-
lisent (cycle limite) lorsque le régime stable existe. La variation de déformation totale ∆ε se décompose
en une partie plastique ∆εP et une partie élastique ∆εE . Le début de la charge et de la décharge est
linéaire de pente égale au module d’Young E. Très souvent la taille de la zone linéaire est petite,
manifestation de l’effet Bauschinger, la limite d’élasticité en compression après un cycle de traction
(ou l’inverse) étant sensiblement réduite,.
L’existence d’un cycle limite d’accommodation obtenu après quelques cycles permet de définir une
courbe de consolidation (écrouissage ou déconsolidation cyclique), relation entre σ et ∆ε que l’on
peut comparer à la réponse plastique du matériau sous chargement plastique de traction monotone.
La consolidation cyclique est parfois très intense, les contraintes atteintes dépassant souvent largement
la résistance à la traction du métal.
La courbe de consolidation cyclique est bien représentée par une loi de type Hollomon :
σ = σ0 (∆εP )χ
Les lois de puissance de Manson-Coffin ∆εP N a =Cte et ∆εE N b =Cte relient la déformation plas-
tique ∆εP et la déformation élastique ∆εE au nombre de cycle à rupture. L’exposant matériel b est en
général voisin de 0,12 et l’exposant matériel a est voisin de 0,5 de sorte que la loi de Coffin est connue
sous la forme : √
∆εP N = Cte (3.3)
– Tant que la déformation cyclique reste élastique, fatigue à grand nombre de cylces, la phase
d’amorçage de la fissuration s’effectue à l’échelle microscopique et représente une part importante
de la durée de vie.
– Dans le domaine de la fatigue oligocyclique à petit nombre de cycles en déformation plastique
où σM ax ou |σM in | dépassent la limite élastique σe , le nombre de cycles à rupture diminue
rapidement avec l’augmentation de l’amplitude du cycle, la phase d’amorçage est réduite et la
3.1. RUPTURE EN FATIGUE 45
durée de vie est contrôlée par la propagation des fissures à l’échelle macroscopique. La loi de
Basquin ne s’applique plus mais si l’on porte en échelle logarithmique l’amplitude de déformation
plastique ∆εP en fonction du nombre de cycles à rupture Nr , on obtient à nouveau une droite
caractéristique de la loi de Manson-Coffin.
Loi de propagation
Pour des raisons pratiques, afin de prévoir la rupture des pièces mécaniques sollicitées en fatigue,
ont été établis divers modèles phénoménologiques tentant de décrire par une approche empirique, la
plus simple possible, les variations constatées expérimentalement. Généralement, il s’agit de dégager
et de transcrire en équation l’effet des divers paramètres sur la vitesse de propagation. En 1963, Paris
et Erdogan proposaient une loi qui allait être la plus utilisée en pratique. Elle utilise la notion de
facteur d’intensité de contrainte K développée par Irwin bien que le calcul de K ne soit valable, en
toute rigueur, que pour les matériaux fragiles et en principe inapplicable à un matériau plastique.
Mais, comme déjà dit, tant que la plasticité reste faible, le calcul de K reste acceptable et la loi est
de la forme :
dc
= C(∆K)m (3.5)
dN
C et m étant des constantes matérielles fonctions des divers paramètres. Pour la plupart des métaux,
l’exposant m varie dans la gamme 2-10. Si cette relation permet de présenter simplement les résultats,
elle ne précise pas l’influence des paramètres intrinsèques ou extrinsèques sur la propagation, par
contre elle permet une estimation simple de la durée de vie en fatigue en supposant cette loi valide
sur l’ensemble des trois domaines. Le nombre de cycles à rupture Nr se calcule alors simplement par
la relation :
Z Nr Z cr
dc
Nr = dN = m
(3.6)
0 c0 C(∆K)
Domaine de l’endurance
L’application de contraintes cycliques voisines de la limite d’endurance produit, après un certain
nombre de cycles, dans quelques grains, des bandes de glissement qui sont facilement observables sur
des surfaces polies. Ces bandes ont été observées dans beaucoup de métaux et d’alliages comportant une
phase principale, tels que Al, F e, Cu, Zn, N i, le laiton , les aciers au carbone, les aciers austénitiques
et certains alliages d’Al.
Dans certains métaux, les bandes de glissement conduisent à l’apparition de microfissures par le
mécanisme des intrusions-extrusions. En effet, l’atmosphère réagit avec les surfaces fraı̂ches des plans
de glissements qui dépassent la surface (extrusion), et empêche la réversibilité de leur mouvement de
va-et-vient, d’où un endommagement du métal. La formation des microfissures à la surface est alors
une simple conséquence géométrique des mouvements de va-et-vient dans les bandes de glissement
larges.
Les bandes de glissement ne sont pas les seuls sites d’amorçage des fissures. Dans certains alliages
à précipitation structurale, des bandes de glissement étroites et intenses apparaissent en même temps
que l’on observe une destruction ou un regroupement des précipités. Par ailleurs, même lorsqu’il y
a formation de bandes de glissement, il arrive que des fissures s’amorcent concurremment dans des
joints de grains après que ceux-ci aient été déchaussés.
Les inclusions sont également des sites d’amorçage des fissures du fait des concentrations de
contraintes qu’elles entraı̂nent ou des clivages qui s’y développent. Dans les alliages légers, ce sont
48 CHAPITRE 3. LA RUPTURE DE FATIGUE
souvent les particules chargées de F e ou de Si qui se clivent. L’amorçage des fissures dépend de la
quantité, de la taille, de la nature et de la répartition des inclusions, de la cohérence de l’interface
matrice-inclusion ainsi que de leur forme par rapport à la direction des efforts.
fissure s’étend au plus à travers quelques grains sous la surface et la vitesse de croissance correspon-
dante est relativement faible, quelques Å par cycle, alors qu’elle peut atteindre 1 mm par cycle dans
le stade II.
Dans le stade I, la fissure progresse le long d’un plan cristallographique. Par contre, dans le stade II,
la fissure se propage en première approximation selon une section droite (pour une sollicitation axiale)
et c’est sur la partie correspondante de la surface de rupture que l’on observe les stries caractéristiques
de la fatigue. Seul, un très petit nombre de fissures atteint ce stade II de propagation car dès qu’une
fissure dépasse suffisamment ses voisines elle empêche leur progression par suite de l’effet de décharge
(diminution de la concentration de contrainte) qu’elle provoque derrière elle.
La fissuration en stade II est généralement transcristalline les joints de grains ayant peu d’influence
sur sa progression. Si la fissure conserve une direction générale constante, elle présente localement de
nombreux changements brusques de direction ainsi que des ramifications (qui ne progressent pas
par suite de la relaxation entraı̂née par la proximité de la fissure principale). Toute la déformation
accompagnant chaque cycle se localise à l’extrémité de la fissure existante par suite de l’effet de
concentration locale de contrainte qu’elle provoque. Il en résulte que la fissure progresse à travers
cette zone déformée qui la précède. L’existence d’une déformation plastique précédant la fissure de
fatigue a pu être mise en évidence dans le cas des aciers doux, par des mesures de microdureté qui
indiquent un fort durcissement dont l’intensité diminue en s’éloignant de la surface de la fissure. La
déformation plastique précède la fissure et n’est pas une conséquence de la déchirure.
Propagation en stade I
L’amorçage de la microfissure étant provoqué par un des mécanismes précédemment cités, il est
suivi, en général, d’une propagation transgranulaire dans une direction cristallographique définie,
même lorsque l’amorçage est intergranulaire. Cette propagation est caractériséé par son faciès fracto-
graphique d’aspect fragile dépourvu de stries et par l’orientation de la fissure typique d’un processus
de cisaillement. Si l’apparition des bandes de glissement est généralement précoce, la formation des
microfissures dans les bandes de glissement est particulièrement lente.
Le stade I a été observé dans les alliages d’Al, de Cu, de F e, de N i et de T i. Il est sensible à la
taille du grain, en particulier dans les alliages où les glissements déviés sont difficiles. Une réduction de
la taille du grain entraı̂ne une augmentation de la durée du stade I dans les alliages de Cu (laiton), les
aciers inoxydables austénitiques, le Zi, le T i, les réfractaires, mais aussi dans les aciers à bas taux de
carbone. Le stade I est limité à la région proche de la surface de la pièce. Bien que la surface fissurée
en stade I soit très restreinte par rapport à la surface totale de rupture ce stade représente une durée
de vie importante, parce que l’accroissement de la fissure à chaque cycle est de l’ordre de quelques
dizaines d’angstrœms seulement. Rappelons que le stade de formation des microfissures et le stade I
50 CHAPITRE 3. LA RUPTURE DE FATIGUE
occupent 40 à 99% de la durée de vie des éprouvettes couramment utilisées pour déterminer la courbe
de Wöhler.
Propagation en stade II
Le stade I n’existe pas toujours. La fissure peut s’amorcer directement en stade II en présence de
grosses inclusions clivées ou dans le cas d’usinages grossiers conduisant à des stries aiguës. Lorsque
le stade I existe, la transition entre stade I et stade II est attribuée à la diminution de la contrainte
de cisaillement avec la croissance de la fissure et à l’augmentation concomitante de la contrainte
normale. En stade II la fissure se propage en première approximation de façon perpendiculaire à
l’effort principal, en mode d’ouverture prédominant
Fig. 3.17 – Les zones caractéristiques d’un faciès de rupture macroscopique (à gauche) microscopique
(au milieu) et mécanisme de striation (à droite)
Aspect microscopique
A très fort grossissement (microfractographie électronique), on observe dans la zone de propagation
un faciès caractéristique formé de stries parallèles, mais cette fois aussi bien sur les pièces rompues en
service que sur les éprouvettes d’essai. Ces stries peuvent être très sinueuses comme dans le cas du
fer et des aciers doux (connus pour présenter des glissements sinueux), où elles sont festonnées par la
présence d’alignements d’inclusions ou de carbures. Elles peuvent également être très rectilignes, par
exemple dans les métaux CFC.
A chaque cycle correspond une strie. De façon générale, plus l’amplitude de la contrainte maximale
est grande plus les stries sont écartées. On distingue deux types de striations : les stries ductiles et
les stries fragiles. Les premières sont observées dans les matériaux doux où une forte déformation
plastique en tête de fissure s’accompagne de glissements cristallographiques. Les secondes, plus difficiles
à observer, ont été vues dans des matériaux plus durs ou en présence d’une atmosphère corrosive lorsque
3.2. LES MÉCANISMES DE LA RUPTURE EN FATIGUE 51
la déformation en tête de fissure se fait par clivage. De façon plus générale la formation d’une strie par
cycle résulte de la succession de périodes fragiles puis ductiles au cours de la progression de la fissure.
1. Ténacité
2. Energie de rupture
3. Les métaux
4. Les céramiques
5. Les polymères
6. Les composites
53
54 ANNEXE A. PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES DES MATÉRIAUX
A la température ambiante ou au-dessus, alors que presque tous les métaux purs courants sont
résistants à la rupture, l’ajout d’éléments d’alliages (métaux ou autres éléments, par exemple le car-
bone dans les aciers) peut réduire cette résistance. L’ajout d’éléments d’alliage diminue la facilité
de mouvement des dislocations augmentant la limite élastique mais réduisant du même coup la zone
plastifiée. Une baisse plus importante encore de la résistance à rupture peut survenir si les éléments
d’alliage sont en quantité suffisante pour conduire à une précipitation de composés chimiques formés
par le métal et ses impuretés. Ces composés sont en général très fragiles et s’ils sont présents sous
forme de plaquettes (par exemple la phase a dans l’acier inoxydable, le graphite dans la fonte) des
fissures peuvent se propager le long des plaquettes entraı̂nant une rupture fragile. Enfin le traitement
thermique d’alliages comme les aciers peut faire apparaı̂tre différentes structures cristallines de du-
reté élevée (mais aussi par conséquent de grande fragilité, puisque les fissures ne peuvent s’émousser).
Ainsi les aciers à forte teneur en carbone trempés à l’eau après avoir été portés au rouge deviennent
fragile comme le verre. Un traitement thermique approprié est essentiel pour obtenir les propriétés
mécaniques souhaitées, c’est tout l’art du métallurgiste.
A.4. LES CÉRAMIQUES 57
plus.
Une céramique, comme un métal, possède une structure à l’échelle atomique : sa structure cris-
talline (si elle est cristallisée) ou sa structure amorphe (si elle est vitreuse). Elle possède également
une structure à plus grande échelle : la forme et l’organisation des grains ou des phases, la taille et
la fraction volumique des pores qu’elle contient (la plupart des céramiques sont poreuses). Les struc-
tures des céramiques diffèrent de celles des métaux. Leurs détails les plus complexes (et ils peuvent
être réellement complexes) sont le domaine des céramistes professionnels ; mais il faut une connais-
sance pratique de leurs caractéristiques de base pour comprendre la mise en œuvre et l’utilisation
des céramiques pour des pièces de structure et pour apprécier les qualités des céramiques techniques
récemment développées.
ou des fibres de verre dans les composites ; leur présence élève considérablement la raideur spécifique
du composite.
Les céramiques sont les plus durs des solides. Le corindon Al2 O3 , le carbure de silicium SiC et,
bien sûr, le diamant C, sont utilisés comme abrasifs : ils peuvent couper, meuler ou polir à peu près
tout, y compris le verre qui est lui-même un solide très dur. On peut quantifier la dureté relative d’une
classe de matériau par le rapport H −3
E , H étant la dureté (H ≈ 3σe ). Ce rapport vaut en moyenne 10
−2 −2
pour les métaux, 10 pour les alliages métalliques et 8.10 pour les céramiques. Les métaux purs
ont de faibles duretés et limites d’élasticité. Leur accroissement est le principal intérêt des alliages.
Mais les céramiques, même non alliées, ont une dureté qui excède largement celle des meilleurs alliages
métalliques. La raison en est simple. Lorsqu’un matériau se plastifie au cours d’un essai de traction ou
quand on lui applique un pénétrateur de dureté, des dislocations se déplacent dans les cristaux qui le
constituent, Chaque essai mécanique, à sa manière, mesure la difficulté à déplacer les dislocations dans
le matériau. La plupart des céramiques sont donc intrinsèquement dures et fragiles, les liaisons ioniques
ou covalentes opposant une énorme force de friction de réseau au déplacement d’une dislocation.
– Dans les céramiques covalentes la liaison est localisée et ses électrons sont concentrés dans la
région située entre les deux atomes qu’elle relie ; ils se comportent comme des barres élastiques
reliant les atomes. Quand une dislocation se déplace dans une telle structure, elle doit casser et
reconstituer ces liaisons au cours de son mouvement.
– Quant aux céramiques ioniques, la plupart d’entre elles sont dures, bien que pour une raison
légèrement différente. La liaison ionique, comme la liaison métallique, est de nature électrostatique :
2
la force d’attraction entre un cation C + et un anion A− est simplement proportionnelle à qr où
q est la charge d’un électron et r la distance des deux ions. Si le cristal est cisaillé selon les plans
à 45° les ions de même signe demeurent séparés : par exemple, les cations C + ne passent pas
à proximité immédiate d’autres cations C + . Ce type de cisaillement est relativement aisé, et la
résistance que lui oppose le réseau est faible. Mais envisageons l’autre cas, celui du cisaillement
horizontal : celui-ci fait effectivement se rapprocher les cations C + et la répulsion électrostatique
entre ions de même signe s’y oppose violemment. La résistance du réseau est alors très élevée.
Pour déformer le polycristal de nombreux systèmes de glissement sont nécessaires et certains
d’entre eux sont des systèmes durs. Ainsi, la dureté d’une céramique ionique polycristalline est
généralement élevée (bien qu’un peu moins que celle d’une céramique covalente), bien qu’un mo-
nocristal du même matériau puisse présenter une limite d’élasticité assez basse si on le sollicite
dans la bonne direction.
A température ambiante, les céramiques présentent d’une manière générale une friction de réseau
importante. La contrainte nécessaire pour y déplacer des dislocations est une fraction importante du
E E
module d’Young : typiquement 30 comparée à 1000 ou moins pour des métaux mous comme le cuivre
ou le plomb. Ceci confère aux céramiques des limites d’élasticité qui sont de l’ordre de 5 GPa, si élevées
que le seul moyen de les mesurer consiste à indenter la céramique avec un pénétrateur en diamant
et à mesurer la dureté. Cette dureté exceptionnelle est exploitée dans les meules qui sont faites de
petites particules de céramique technique à hautes performances liées par un adhésif ou un ciment.
Dans la conception d’une pièce en céramique, il n’est jamais nécessaire d’envisager la défaillance par
plastification de la pièce : la rupture brutale intervient toujours la première.
60 ANNEXE A. PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES DES MATÉRIAUX
RtM n
t = tE ( ) (A.1)
σ
t=tE dans laquelle n est l’exposant de croissance lente caractéristique du matériau et tE désigne
la durée de l’essai qui a conduit à la rupture sous la contrainte RtM . Pour les oxydes, la valeur de
l’exposant n se situe entre 10 et 20 à la température ambiante. Pour n=10, un facteur 10 sur le temps
cause une réduction de 20% de la résistance à la traction. Pour les carbures et les nitrures, n peut
atteindre des valeurs de l’ordre de 100 : un facteur 10 sur le temps ne réduit alors la résistance que de
2%.
62 ANNEXE A. PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES DES MATÉRIAUX
A environ 500C au-dessous de Tg , les thermoplastiques deviennent plastiques (d’où leur nom).
La courbe contrainte-déformation typique du polyéthylène ou du nylon présente trois régions. Aux
A.5. LES POLYMÈRES 63
petites déformations, le polymère a un comportement élastique linéaire. Pour une déformation de 0,1
environ, la déformation plastique survient et le polymère s’étire. Les macromolécules se déplient (si elles
étaient repliées au départ) ou s’extirpent de l’enchevêtrement amorphe (si l’état initial était vitreux),
s’allongent et s’alignent. Le phénomène commence à un point faible ou à un site de concentration de
contraintes ; une certaine longueur de l’éprouvette subit une réduction de section, comme la striction
d’une éprouvette métallique, jusqu’à ce que le coefficient d’étirage ll0 soit assez grand pour forcer les
molécules à s’aligner (comme les fibres du coton hydrophile lorsqu’on l’étire). Le coefficient d’étirage
nécessaire à l’alignement est compris entre 2 et 4 (déformations conventionnelles de 100 à 300%). La
striction se propage le long de l’éprouvette jusqu’à ce que tout le polymère soit étiré. Le matériau
étiré est plus rigide dans la direction d’étirage qu’auparavant ; c’est pourquoi la striction se propage
au lieu de mener à la rupture. Lorsque l’étirage est achevé, la courbe contrainte-déformation monte
brusquement jusqu’à rupture. Ce durcissement par étirage est largement mis à profit pour produire des
fibres et des films minces très résistant. Un bon exemple est le nylon fabriqué par filage en phase liquide :
le polymère fondu est comprimé à travers une filière étroite, puis étiré (coefficient d’étirage ≈ 4), ce qui
aligne les molécules parallèlement à l’axe de la fibre ; après refroidissement à la température ambiante,
les molécules sont figées dans leur position étirée. La fibre étirée a un module et une résistance près
de 8 fois supérieurs à ceux du polymère non orienté.
subit une déformation de cisaillement non négligeable. Plus il y a de bandes, plus la déformation glo-
bale devient importante.
Bien sûr on peut améliorer par d’autres moyens la résistance des polymères. L’addition aux po-
lymères de petites particules de nature diverse (on charge le polymère) peut modifier considérablement
leurs propriétés. Par exemple les polymères durcis par des gommes (comme l’ABS) tirent leur résistance
des petites particules de gomme qu’ils contiennent. Une fissure qui rencontre ces dernières les déchire.
Les particules agissent comme des petits ressorts rapprochant et refermant les lèvres de la fissure et
augmentant ainsi la charge nécessaire pour la faire se propager.
Une autre technique couramment utilisée consiste à fabriquer des composites qui sont plus résistants
que les polymères ordinaires. Bien que le composite soit l’association d’une matrice polymère fragile
et d’un autre matériau au moins aussi fragile (comme le carbone ou le verre), la faible résistance de
matériaux comme les résines époxy ou les résines polyester peut être considérablement accrue en les
renforçant avec des fibres de verre ou de carbone agissant comme des points d’arrêt pour les fissures.
A.6. LES COMPOSITES 65
la fibre et s’émousse dans le polymère ductile avant de pouvoir se propager à la section entière. Les
cermets en sont un autre exemple : des particules de carbure de tungstène très dures sont liées par du
cobalt métallique, un peu comme les graviers sont enrobés de goudron pour obtenir un revêtement de
chaussée résistant à l’usure (autre exemple de composite à base de céramique). L’os est un composite
naturel incluant une céramique : des particules d’hydroxyapatite (la céramique) sont liées par du
collagène (un polymère). Des composites artificiels céramique-céramique (tels le ciment renforcé par
fibres de verre, ou bien des fibres de carbure de silicium dans une matrice de carbure de silicium)
sont actuellement en cours de développement en vue d’applications importantes dans le domaine des
températures élevées.
La stratification des fibres est une tâche lente et coûteuse en travail. On peut l’éviter en utilisant
des thermoplastiques mélangés à des fibres coupées, dont le moulage par injection est possible. Les
fragments de fibres, orientés au hasard, n’ont pas un effet aussi grand que des fibres continues soi-
gneusement disposées, qu’on peut orienter pour bénéficier le plus possible de leur contribution à la
résistance. Mais la géométrie de l’écoulement pendant le moulage par injection aide à aligner les fibres,
de sorte qu’un moule intelligemment conçu peut fabriquer un objet rigide et résistant à la rupture.
Cette technique est de plus en plus utilisée pour les articles de sport (les raquettes de tennis par
exemple) et le matériel léger de randonnée (comme les armatures de sac à dos).
Dans les composites à matrice et fibre fragiles, quand une fissure se propageant dans la matrice
fragile atteint la fibre, son champ de contrainte en tête de fissure produit sur une petite région une
décohésion de la fibre et de la matrice et ainsi l’émoussement de la fissure dans cette zone arrête sa
propagation.
Bien sûr ce mécanisme n’opère que si la fissure se propage perpendiculairement aux fibres : le bois
est très résistant perpendiculairement aux fibres mais on peut le rompre facilement (i.e. GC est faible)
le long des fibres. Une des raisons qui rendent les composites à fibres si utiles -en sus de leur grande
rigidité - est leur grande résistance à la rupture résultant de ces mécanismes.
Le tableau ci-dessous dresse une liste des propriétés importantes de trois composites courants, et
les compare à un acier de haute résistance et à un alliage d’aluminium de haute résistance, de qualité
aéronautique.
A.6. LES COMPOSITES 67
Les modules E// et E⊥ d’un composite à 50% de fibres (par exemple) sont très différents : un
composite uniaxial (où toutes les fibres sont parallèles) est excessivement anisotrope. En tissant des
fibres à angle droit, on rend égaux les modules dans les directions 0 et 90°, mais les modules à 45°
restent très faibles. L’isotropie est grosso modo rétablie en empilant des couches tournées de 45° pour
obtenir un composite stratifié, analogue à du contreplaqué.
Résistance à la traction
Leur courbe contrainte-déformation ressemble alors à celle en trait gras de la figure et se comprend
quasiment d’elle-même. La courbe contrainte-déformation est linéaire, de pente E jusqu’au début de la
déformation plastique dans la matrice. Par la suite, l’essentiel de la charge supplémentaire est supporté
par les fibres, qui continuent leur déformation élastique jusqu’à ce qu’elles cassent. Lorsque cela se
produit, la contrainte diminue jusqu’à la limite d’élasticité de la matrice (mais pas de façon aussi
abrupte que sur la figure, puisque toutes les fibres ne cèdent pas en même temps). Lorsque la matrice
casse, le polymère se rompt complètement. Notons le caractère élastique fragile à rupture des fibres et
celui plastique écrouissant de la matrice. • La contrainte au premier pic (rupture des fibres) s’obtient
par la loi des mélanges entre la limite d’élasticité de la matrice Rem et la résistance à rupture des fibres
Rrf :
σm = Vf Rrf + (1 − Vf )Rem
• Une fois les fibres rompues, la contrainte au second pic (rupture matrice) s’obtient par la seule
résistance à la rupture Rrm de la matrice :
σm = (1 − Vf )Rrm
Le tracé de ces deux courbes sur un même diagramme fait apparaı̂tre qu’en dessous d’une fraction
volumique critique, les fibres cassent trop rapidement, bien avant que le pic ne soit atteint, de sorte
que la matrice poreuse (les fibres cassées n’ont plus aucune action mécanique et sont assimilables à des
vides dans la matrice) supporte seule la charge. La résistance est alors inférieure à celle de la matrice
sans fibre. Une trop faible fraction volumique de fibre fait plus de mal que de bien.
matériaux est que les composites à fibres coupées (utilisables en moulage) ont une résistance quasiment
égale à celle des composites à fibres continues, à condition que la longueur de fibre dépasse une valeur
critique.
1
σm = Vf Rrf + (1 − Vf )Rem
2
Cela représente plus de la moitié de la résistance du matériau à fibres continues lorsque toutes les
fibres sont parallèles à la direction de sollicitation. Naturellement, un composite à fibres courtes ne
remplit pas cette condition. Dans un panneau de carrosserie automobile, par exemple, les fibres sont
orientées au hasard dans le plan de la plaque. Dans ce cas, seule une fraction d’entre elles, 14 environ,
sont alignées de façon à transmettre la plupart de la contrainte de traction, et la contribution des
fibres à la rigidité et à la résistance est diminuée d’autant.
La résistance à la compression des composites est inférieure à sa valeur en traction. C’est dû au fait
que les fibres se déforment ; plus précisément, elles flambent de façon collective. Ainsi, de même que
les céramiques fragiles donnent leurs meilleurs résultats en compression, les composites sont meilleurs
en traction.
70 ANNEXE A. PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES DES MATÉRIAUX
G = Vf Gf + (1 − Vf )Gm
Ainsi, avec Gf = 0,1 kJ.m−2, Gm = 5 kJ.m−2 et une fraction volumique de fibre V f =0,138 l’énergie
de rupture du composite serait GC= 4,3 kJ.m−2. Mais ce n’est pas le cas si la longueur l des fibres est
inférieure à 2xC . Puisqu’elles ne cassent pas, elles doivent s’arracher de la matrice lorsque la fissure se
propage et le travail de déchaussement est la contribution importante à l’énergie de rupture.
l/2 l/2 ξ2 2 1 l2
Z Z
< W >= W (ξ)p(ξ)dξ = πφRem dξ = πφRem
0 0 4 l 3 16
A.6. LES COMPOSITES 71
La fraction volumique de fibres Vf étant égale à la densité surfacique de fibres sur un plan perpendi-
culaire aux fibres, donc ici sur le plan de fissure, l’énergie de rupture du composite est :
4Vf 1 2 2
ml 1 ml
GC = N < W >= πφR e = V f R e
πφ2 3 16 12 φ