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L’ingérence humanitaire

INTRODUCTION

L’idée d’ingérence humanitaire a été ranimée au cours de la guerre du Biafra ( 1967-1970 )


qui avait entrainé une terrible famine mais qui a été ignoré par les autres Etats au nom de la
neutralité et de la non-ingérence et faisant de nombreuses violations des droits de l’homme.
C’est sur cette idée que se sont créées plusieurs ONG, dont Médecins sans frontières, qui
défendent l’idée qu’une violation massive des droits de la personne doit conduire à la remise
en cause de la souveraineté des Etats et permettre l’intervention d’acteurs extérieurs.
C’est cependant à la fin des années 1970, début des années 1980, que l’idée d’ingérence est
conceptualisée par quelques personnalités : Jean-François Revel qui, en 1979, évoque la
notion de «devoir d’ingérence» face aux dictatures de Bokassa (République Centrafricaine)
et d’Idi Amin Dada (Ouganda) ; Bernard Henri Lévy qui, reprenant l’expression en 1980 lors
de la guerre du Cambodge, la reformule en 1988 en « droit d’ingérence » avec Mario Bettati
et Bernard Kouchner. 
Il est à noter qu’il n’existe pas de définition universellement reconnue de l’« intervention
humanitaire » Le concept d’ingérence humanitaire peut être défini comme étant une
doctrine qui prône la possibilité d’envoyer des secours humanitaires ou des forces armées
internationales afin de venir en aide à des populations victimes de catastrophes naturelles
ou de violations des droits de l’Homme. Toutefois, l’idée « d’ingérence humanitaire »
n’existe pas juridiquement et n’est pas un droit reconnu. Cela reste une idée et une
revendication politique même si l’expression est souvent employée, par abus de langage
ou facilité, pour désigner notamment le droit d’assistance ou de secours consacrée par la
résolution 43/131de l’ONU du 8 décembre 1988 autorisant le libre accès des ONG « aux
victimes de catastrophe naturelles et situations d’urgence du même ordre ».

L’ingérence humanitaire oppose d’un côté les défenseurs du principe de la souveraineté qui
considèrent qu’il ne faut pas s’immiscer dans les affaires des Etats puisque ça touche à leur
souveraineté, ils ont également soulevé le manque de neutralité et d’impartialité des
ingérences humanitaires, ils l’a considèrent comme une notion totalement contraire aux
fondements du droit international qui dispose qu’un État n’est lié par une règle de droit que
s’il l’a acceptée en ratifiant un traité ou en adhérant à une règle préexistante. Ainsi, pour eux
c’est assez délicat de distinguer les interventions humanitaires des interventions politiques,
en effet les ingérences humanitaires effectuées au Timor et au Yougoslavie ont révélé les
logiques stratégiques et politiques des Etats intervenants. Ce débat sur les motifs de
l’ingérence humanitaire s’est réouvert suite à l’intervention américaine en Irak en 2003 . Ils
vont encore plus loin pour dire qu’il y a toujours un risque que l’humanitaire ne serve que de
prétexte à une volonté d’impérialisme.

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Et de l’autre côté les humanistes, qui considèrent que l’ingérence humanitaire demeure une
nécessité pour les populations en situation de détresse ou des violations massives des droits
des hommes.

Toutefois, le Conseil de sécurité de l’ONU motive et fonde, depuis 1990 en droit ses
résolutions sur la base de ses devoirs et responsabilités au titre du Chapitre VII de la Charte
relatif aux « Actions en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte
d’agression ». Ceci dit, l'Assemblée générale et le Conseil de Sécurité ont conjointement
adopté des résolutions sur le droit d'ingérence humanitaire, notamment la résolution 688 du
5 avril 1991 qui a permis à l’ONU de secourir les Kurdes d’Irak après la guerre du Golfe et où
le Conseil de sécurité rappelle que l'État irakien doit permettre l'accès à l'aide humanitaire
pour ceux qui en ont besoin ; ou encore la résolution 733 du 23 janvier 1992 où le conseil de
sécurité a estimé que la persistance de la famine en Somalie est une menace de la paix et à
la sécurité internationales.

Avec ces résolutions l’assistance humanitaire devient un des éléments constitutifs de la paix
et de la sécurité internationale qui peuvent donc être menacées par un conflit armé non
international et par le refus d’une ou plusieurs parties de collaborer à ce devoir d’assistance
humanitaire.

Il est donc difficile de soutenir que le droit d'ingérence humanitaire trouve un quelconque
fondement dans la Charte. Ce droit n'a pas de base conventionnelle, au moins en l'état
actuel du doit international, tel qu'il ressort de l'interprétation et de l'application de la
Charte. Il apparait donc clairement que la question de l’ingérence reste problématique dans
sa mise en application.

Le plan suivant guidera notre démarche :

I- Les fondements de l’ingérence humanitaire :


A- Les principes de l’ingérence humanitaire :
B- La responsabilité de protéger :

II- La mise en application de l’ingérence humanitaire :


A- L’acheminement de l’aide humanitaire:
B- Les limites :

I- Les fondements de l’ingérence humanitaire :


A- Les principes de l’ingérence humanitaire  :
L’aide humanitaire doit être, en effet, strictement humanitaire dans son but ainsi que dans
son objet, lesquels doivent répondre au principe de l’humanité consacré par la doctrine du
mouvement de la Croix-rouge. Ainsi, elle doit être prodiguée conformément aux principes de

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la Croix-rouge en l’occurrence celui de la neutralité qui contient en son sein celui de
l’impartialité.
 Principe de l’humanité :
L’aide humanitaire doit être faite dans un seul but ; celui qui répond aux fins de la Croix-
Rouge, à savoir prévenir et alléger les souffrances des hommes et protéger la vie et la santé
ainsi que faire respecter la personne humaine. Ce qui correspond au principe de l’humanité.
L’aide ne peut être que limitée à la fourniture d’aliments, de vêtements et de médicaments
et tout autre aide humanitaire, elle exclut la fourniture d’armes, de munitions, ou tout
matériels susceptibles d’infliger des blessures graves ou causer la mort des personnes. Cette
aide humanitaire a le libre passage sur le territoire des Etats même de la puissance ennemie
qui doit aussi garantir le non détournement de ces biens.
L’objectif de l’action humanitaire est de protéger la vie et la santé et de garantir le respect
des êtres humains.
 Principe de neutralité :
La neutralité constitue le principe d’action fondamental du mouvement de la Croix-Rouge.
En effet, l’aide humanitaire doit être assurée sans aucune discrimination à toutes les
personnes dans le besoin. On parle ici de la neutralité comme une caractéristique de l’aide
prodiguée donc il ne s’agit nullement de la neutralité comme statut d’un Etat.
En effet, l’aide humanitaire, quel que soit l’organe qui la prodigue doit être neutre, la
neutralité de cette aide repose sur deux principes fondamentaux à savoir l’abstention d’une
part et l’impartialité d’autre part.
L’abstention implique que l’aide doit être apportée dans un cadre de désintéressement,
surtout quand il s’agit d’une aide apportée par les Etats, elle doit se faire en parfait
désintéressement économique ( qui permet par ex aux Etats d’ouvrir les portes a de
nouveaux marchés commerciaux au niveau international) et militaire( comme moyen par
les Etats pour masquer la démission politique et militaire de leurs gouvernement par rapport
à certaines situations conflictuelle…). En effet, les offres de secours ne doivent en aucun cas
revêtir les apparences d’une menace d’intervention armée ou toute autre mesure
d’intimidation.
Le second volet de la neutralité est celui de l’impartialité, le droit international humanitaire
insiste sur l’impartialité et la non discrimination de l’assistance humanitaire. Il s’agit ici de ne
faire aucune distinction de nationalité, de race, de condition sociale et d’appartenance
politique. Il s’applique seulement à secourir les individus à la mesure de leur souffrance et à
subvenir par priorité aux détresses les plus urgentes. Le principe d’impartialité contient deux
règles d’action précises : la non discrimination dans l’attribution de l’aide et que le
Mouvement apporte ( aussi bien en temps de paix que lors des conflits), ainsi que
l’adéquation des secours aux besoins ce qui implique des prestations accrues en faveur des
plus démunis.

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Pour conclure les actions d’assistance humanitaire sont considérées comme licites,
lorsqu’elles se déroulent dans une parfaite impartialité avec l’accord de l’État sur le territoire
duquel l’action se déroule. D’ailleurs ce principe est inscrit dans les Conventions de Genève,
et il a été confirmé en 1986 par la Cour internationale de justice dans son arrêt du 27 juin sur
les activités militaires et paramilitaires des États-Unis au Nicaragua : une aide humanitaire ne
saurait être considérée comme une intervention illicite si elle se limite aux fins reconnues
par la pratique de la Croix-Rouge et, surtout, si elle est prodiguée sans discrimination. Ainsi
l’offre d’assistance, lorsqu’elle est admise par l’État concerné, ne peut être à l’origine d’une
nouvelle règle de droit consacrant l’ingérence.

B- La responsabilité de protéger :

La responsabilité internationale est un ensemble de conséquences liées à la violation des


obligations internationales, soit le lien juridique par lequel un sujet de droit international est
tenu, envers un ou plusieurs autres sujets, d’adopter un comportement déterminé ou de
s’en abstenir. S’il y a un comportement illicite, la Communauté internationale peut
intervenir, c’est ce que l’on dénomme souvent « droit d’ingérence ». Ce dernier a évolué
récemment vers une nouvelle terminologie introduite dans le rapport de la CIISE : «
responsabilité de protéger ». Ce concept peut être définie comme étant l'obligation qui
incombe à chaque Etat dans l'exercice de sa souveraineté de protéger sa population contre
les catastrophes qu'il est possible de prévenir (meurtres à grande échelle, viols
systématiques, famine). S'il n'est pas disposé à le faire ou n'en est pas capable, cette
obligation incombe à l'ensemble de la communauté des Etats .

De cette définition on peut dégager deux débiteurs d'une même obligation, à savoir l'Etat
d'abord dans le plein exercice de sa souveraineté, et en deuxième lieu la communauté
internationale qui est comme le garant de la responsabilité de protéger. Mais à côté de ces
débiteurs, la commission a plus mis l'accent sur les bénéficiaires de cette protection qui sont
en fait les titulaires d'un droit reflexe, correspondant à la responsabilité qui incombe aux
Etats, ce sont les populations.

Face au problème du fondement juridique des interventions, et dans le cadre des discussions
récentes sur la réforme de l’ONU, la Communauté internationale a réussi, de façon habile, à
contourner la notion de « droit d’ingérence », en inventant la formule de la « responsabilité
de protéger », qui peut jouer aussi bien dans le cas des catastrophes humanitaires que dans
celui des conflits armés.

En 2000, le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, traumatisé par la tragédie rwandaise
(1994)34 , avec l’intervention unilatérale de l’OTAN dans la province du Kosovo (1999), lance
en ouverture du Sommet du Millénaire, aux Nations Unies, l’interrogation selon laquelle :

« Si l’intervention humanitaire est une atteinte inacceptable à la souveraineté, alors,


comment devrions-nous répondre à un drame comme le Rwanda ou à celui de Srebrenica, à
des violations systématiques des droits de l’homme qui offensent tous les préceptes de

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notre humanité commune ? ». La nouvelle idée était de faire admettre par tous, que si un
Etat n’était pas en mesure de protéger les civils contre des exactions de masse, la
Communauté internationale devait impérativement s’en mêler.

En 2005, la « responsabilité de protéger » a été approuvée, lors du Sommet, par un vote


unanime de l’Assemblée générale à New York, au siège de l’ONU. Ce document formalise
une obligation de chaque gouvernement de protéger son propre peuple. Depuis,
l’engagement de protéger la population a été renforcée par la résolution 1674 du Conseil de
Sécurité relative à « la protection des civils en période de conflits armés », puis la résolution
1706 en faveur d’une intervention de l’ONU au Darfour.

A partir de son adoption et son entrée dans le champ juridique international, la


responsabilité de protéger a reçu une application concrète, en particulier dans le cas du
Darfour en 2006, du Kenya en 2008 et de la Libye en 2011.

II- La mise en application  de l’ingérence humanitaire :

A- L’acheminement de l’aide humanitaire :


L’acheminement de l’aide humanitaire repose sur plusieurs principes.

Le premier principe est celui du consentement de l’Etat concerné par l’aide, en effet le droit
international exige explicitement l’obtention de ce consentement en cas de conflit armé
international comme en cas de conflit armé non international. L’aide humanitaire devrait
être fournie avec le consentement du pays touché et en principe sur la base d’un appel du
pays touché.
Le consentement requis pour entreprendre l’action humanitaire ne donne pas à l’Etat
concerné un pouvoir discrétionnaire d’appréciation. Les autorités territorialement
compétentes sont tenues de ne pas refuser l’assistance humanitaire d’une manière
arbitraire. Un refus arbitraire de l’Etat bénéficiaire permettra à l’Etat qui propose l’aide
humanitaire d’adopter une contremesure légitime qui pourra consister en l’envoi d’une
mission strictement humanitaire.
Il est à noter que les entraves à l’acheminement des secours humanitaires constituent une
violation grave du droit international humanitaire
L’acheminement de l’aide humanitaire obéit ensuite au principe de la subsidiarité de
l’action de l’Etat fournisseur de l’aide. Ce principe fait que le rôle premier dans l’initiative,
l’organisation, la coordination et la mise en œuvre de l’aide humanitaire revient à l’Etat
concerné. Les secours internationaux ne seront permis que si l’Etat ne peut assumer tout
seul l’assistance exigée et s’il donne son accord.
Le principe de subsidiarité est consacré en droit humanitaire dans les Conventions de
Genève et les deux Protocoles additionnels en ce sens qu’au cas où l’Etat territorial dispose

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des moyens de faire face à la situation d’urgence, aucun autre Etat ne peut se substituer à
lui.
C’est donc à chaque Etat qu’il incombe au premier chef de prendre soin des victimes des
catastrophes naturelles et autres situations d’urgence se produisant sur son territoire.

B- Les limites de l’ingérence humanitaire  :

Si l’ingérence humanitaire est utile et permet de sauver et de protéger de nombreuses


personnes, elle est malgré tout très contestée. Le fait qu'un pays puisse s'insérer dans les
affaires d'un état sans que celui-ci ne puisse s'y opposer de quelques manières que ce soit
gêne. Il peut donc susciter débat sur le vrai fondé de son intervention.

Par définition, l’aide humanitaire se doit d’être apolitique et neutre. Elle vise la prévention
et l'allégement de la souffrance humaine sans discrimination de race, de religion, de sexe,
d’âge, de nationalité ou d’appartenance politique et non la résolution des conflits, la
modification des conditions sociales ou la poursuite de criminels de guerre.

Ainsi, les acteurs humanitaires ne sont parfois que de simples outils dans les stratégies de
gestion de conflits ou la création d’une nation, ils permettent de justifier la présence
militaire et sont utilisés comme piliers pour la communication sur le plan local et
international. Il est d'ailleurs peu vraisemblable qu'un État quel qu'il soit puisse s'engager
sans contrepartie économique ni objectif politique dans une intervention coûteuse et
éventuellement risquée, même si cette intervention semble justifiée par ailleurs.

De telles démarches modifient la scène politique, la souveraineté des pays et la


responsabilité de la communauté internationale.

On remarque ainsi, que l’ingérence humanitaire peut être inefficace, prenons par exemple,
le cas des génocides du Rwanda dans les années 90 qui nécessitait l'aval de l'ONU pour
organiser une action :

 7 avril 1994 : début du génocide (800 000 Tutsis et Hutus modérés sont tués par
des extrémistes Hutus au Rwanda)

 30 avril 1994 : pendant 8 heures continues, le Conseil de sécurité des Nations unies
discute de la crise rwandaise. L’ONU n’a pas l’obligation d'intervenir car la résolution
qui condamne les massacres omet d’utiliser le terme génocide.

 22 juin 1994 : avec l'autorisation de l'ONU, la France lance l'opération Turquoise.


Des soldats français arrivent dans le sud-ouest du Rwanda pour établir une zone
humanitaire sécuritaire pour les réfugiés. Malgré cela, les massacres de Tutsis
continuent à l’intérieur de la «zone de sécurité ».

Le droit d’ingérence a également montré ses limites lors de la Première Guerre du Golfe,
(opposant les alliés et l’ONU à l’Irak pour défendre le Koweït, victime de l’invasion

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irakienne). En effet, les intérêts pétroliers primèrent sur ceux des populations kurdes, qui, la
guerre terminée, migrèrent par milliers vers la Turquie à cause des persécutions irakiennes à
leur égard. L’ONU ne leur vint aucunement en aide.

Ainsi l’ingérence humanitaire présente aussi des risques, l’argument du « deux poids, deux
mesures » est souvent invoqué pour dénoncer la nouvelle forme d’impérialisme vers
laquelle une application sélective du droit d’ingérence pourrait basculer. En effet, le principe
de non-intervention a pour avantage de protéger les États les plus faibles contre les
interventions d’États plus puissants. Il a été gagné au prix d’une longue lutte menée par les
États les moins puissants et visaient à mettre un terme au colonialisme et à l’impérialisme
occidental qui, eux aussi, avaient pris prétexte de l’humanité civilisatrice pour mener leurs
conquêtes territoriales.

En Occident également, ses détracteurs émettent des réserves sur les domaines
d’application du droit d’ingérence qui au-delà des ingérences humanitaires pourraient
couvrir des ingérences démocratiques, écologiques ou judiciaires par exemple.

CONCLUSION
Il apparait donc clairement que la question de l’ingérence reste problématique dans sa mise
en application. Elle est tantôt perçue comme une forme d’impérialisme par certains mais
pour d’autres elle demeure une nécessité pour les populations en situation de détresse ou
des violations massives des droits des hommes. Elle a donc raison d’être soutenue au point
où elle a des fondements juridiques.
Mais pour un meilleur fonctionnement il faut mettre en place des textes clairs qui
définissent son fonctionnement en vue de lever l’équivoque entre les formes
d’impérialismes et l’action humanitaire sous tendu par la solidarité internationale.

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