Bulletin de l'Association française

pour l'étude du quaternaire

Etude d'un encroûtement calcaire des environs de Narbonne :

signification génétique et géomorphologique
J. L. Mercier, T. Vogt

Abstract
The study of this deposit suggests that there is no genetically linkage between the calcrete and the overlying fersiallitic soil. The
micromorphological analysis brings out the synsedimentary nature of the calcareous accumulation, which is of cryogenic and
algal origin.

Résumé
L'étude de ce dépôt a permis de conclure à l'indépendance génétique entre l'encroûtement calcaire et le sol fersiallitique sus-
jacent. La nature synsédimentaire, d'origine cryogénique et algaire, de l'accumulation calcaire, est mise en lumière par l'analyse
micromorphologique.

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Mercier J. L., Vogt T. Etude d'un encroûtement calcaire des environs de Narbonne : signification génétique et
géomorphologique. In: Bulletin de l'Association française pour l'étude du quaternaire, vol. 11, n°2, 1974. pp. 73-79 ;

doi : https://doi.org/10.3406/quate.1974.1242

https://www.persee.fr/doc/quate_0004-5500_1974_num_11_2_1242

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Bulletin de l'Association française 1974-2, page 73
pour l'Etude du Quaternaire

ÉTUDE D'UN ENCROUTEMENT CALCAIRE

DES ENVIRONS DE NARBONNE :

SIGNIFICATION GÉNÉTIQUE
ET GÉOMORPHOLOGIQUE *

■
par J. L. MERCIER et T. VOGT**

RESUME

L'étude de ce dépôt a permis de conclure à l'indépendance génétique entre l'encroûtement calcaire et le sol fersiallitique
sus-jacent. La nature synsédimen taire, d'origine cryogénique et algaire, de l'accumulation calcaire, est mise en lumière par l'analyse
micromorphologique.

ABSTRACT

The study of this deposit suggests that there is no genetically linkage between the calcrete and the overlying fersiallitic soil.
The micromorphological analysis brings out the synsedimentary nature of the calcareous accumulation, which is of cryogenic and
algal origin.

Les concentrations calcaires dans les formations partiellement dans cette région. Nous présentons ici,
superficielles (croûtes calcaires) sont un phénomène à titre d'exemple, l'étude d'un encroûtement cal-
très répandu, dont la genèse n'a pas encore été caire dans un dépôt quaternaire des environs de
expliquée de façon satisfaisante. Depuis un siècle les Narbonne.
hypothèses se sont succédé : dépôts per ascemum,
formations dues au ruissellement, superficiel ou
subsuperficiel, et à l'évaporation d'eaux carbonatées,
horizons illuviaux de sols : cette dernière semble
être à l'heure actuelle la plus généralement admise § I. - SITUATION DE L'ENCROUTEMENT
(Goudie 1971 et 1973, Millot 1971).
Des recherches menées sur les croûtes calcaires en
France méditerranéenne nous conduisent à penser Une couPe' de 50 m de longueur sur 8,60 m de
que l'hypothèse pédogénétique ne se confirme que haut' se trouve dans la carnère ^ui s'ouvre le lonë

(*) Article déposé le 10.5.1974

(**) UERde Géographie, Université Louis Pasteur, 43 rue Goethe 67 000 Strasbourg
Photo 1. — Ech. 100. Encroûtement dans un banc caillouteux. Liserés de calcite microcristalline et limonite à la marge inférieure
d'un gravier et, au centre, macrocristaux de calcite fibroradiée à liserés d'hydroxyde de fer ; cimentant les graviers, calcite
cryptocristalline contenant des trames organiques et des microvides circulaires ou ovales, x 20. LP.

Photo 2. — Ech. 28 b. Contact entre l'encroûtement et l'horizon B2t. Début de digestion de la calcite et mise en valeur des trames
organiques ; à gauche, restes de franges de calcite microcristalline et hydroxyde de fer à la marge d'un gravier ; dégagement de
filaments, x 20. LP.

Photo 3. - Ech. 28 a. Base de l'horizon B2t. "Nodule" constitué par un reste d'encroûtement à calcite cryptocristalline et matière
organique isolé dans la plasma argilo-ferrique. x 20. LP.
La séquence montre le passage d'une structure sédimentaire à organisation horizontale dominante à une structure pédologique à
organisation verticale.
de la route départementale 69 menant de la route
nationale 113 à Névian (environ 7 km à l'W de
Narbonne), au pied du Roc d'Agel (Béziers,
1:50 000, x = 646 ; y = 100 ; z = 60). L'on y
observe un dépôt quaternaire plaqué contre les
calcaires et dont nous ne discuterons ici ni les
modalités de mise en place ni la datation. Il est constitué
essentiellement par une série de bancs
alternativement grossiers (gélifracts calcaires centimétriques
non émoussés) et fins (sables) et son allure générale
est celle d'un dépôt de versant lité de période
froide. La série est affectée à mi-hauteur par des
concentrations calcaires sur une épaisseur de 125 cm
et par un sol fersiallitique fossile (120 cm
d'épaisseur) tronqué au niveau des horizons
d'accumulation.
Les concentrations calcaires cimentent le matériel
par petits bancs, discontinus et minces près du
versant, plus épais et continus dans la partie centrale
et aval de la coupe (40 cm d'épaisseur maximum),
de plus en plus cohérents vers le haut. Le banc
sommital est tuffeux et se termine par une crôute
feuilletée. Cet encroûtement peut donner
l'impression, par sa position sous un paléosol fersiallitique,
75
d'être d'origine pédologique (lessivage du calcaire
des horizons supérieurs). Cependant, il est possible
de prouver l'indépendance génétique et
chronologique des deux faits, et par là même de nuancer un
certain nombre d'interprétations trop exclusivement
pédologiques dans la genèse des croûtes calcaires.
§ II. - TYPES ET LOCALISATION
DANS LE SEDIMENT
De bas en haut, on rencontre successivement les
types macroscopiques suivants :
a) le type à limonite et calcite : il débute sous
forme embryonnaire (revêtements en pellicules sur
les grains) vers — 6,0 m et se développe à partir de
— 5,0 m formant des bancs minces et discontinus.
La teneur en calcaire et le degré de cimentation
augmentent vers le haut. Nous décrirons ici deux
bancs cimentés, de bas en haut :
76
— Consolidation poreuse, comportant des revêtements
calcaires visibles, sans perturbation de la structure sédimentaire.
Epaisseur 7 cm environ. Brun jaunâtre clair (10 YR 6/6
humide) à taches blanches dues à l'accumulation calcaire.
Revêtements calcaires localisés autour des éléments figurés et
dans les vides, souvent pelliculaires et cohérents, enrobant les
grains. Porosité importante, matériel moyennement cimenté.
— Consolidation compacte par du calcaire imprégnant la
masse sans perturbation de la structure sédimentaire.
Epaisseur 7 cm environ. Brun jaunâtre (10 YR 6/4 humide) à
taches blanches. Revêtements calcaires de même type mais
porosité faible et cimentation plus importante.
b) le type tuffeux : il couronne l'encroûtement
précédent et se termine par une croûte feuilletée qui
semblerait correspondre à l'encroûtement feuilleté
terminal décrit par différents Auteurs (voir p.ex.
Gile et al. 1966, Ruellan 1967). Ce type devient
plus épais vers l'aval pendage.
Il s'agit d'un encroûtement masquant la structure
sédimentaire. Epaisseur 7 cm. Gris brunâtre clair (7,5 YR 8/1
humide) à taches blanches. Sédiment graveleux à rares galets.
Calcaire blanc, tuffeux, imprégnant la masse et formant des
revêtements qui masquent les éléments figurés et les
cimentent fortement. Porosité faible, pores peu nombreux et fins,
vacuolaires à orientation horizontale.
c) le type à nodules : la base du sol fersiallitique
est riche en nodules (amas de calcaire de forme
variée, le plus souvent sphérique, d'un volume de
quelques cm3) qui sembleraient à première vue
d'origine pédologique. Mais il s'est avéré, grâce à
l'analyse microscopique, que ces nodules sont en
grande partie des reliques de l'encroûtement
précédent.
§ III. - ETUDE EN LAMES MINCES
Echantillons. Ils ont été prélevés dans différents
niveaux d'encroûtement : le type à limonite et
calcite (a) est représenté par les n° 100, 106, 107 ;
le type tuffeux (b) par le n° 108. Deux échantillons
du matériel de l'horizon B2t du paléosol ont été
étudiés, contenant des nodules (type c) : le 28 b au
contact entre l'horizon rubéfié et l'encroûtement et
le 28 a à la partie inférieure de l'horizon rubéfié.
Des lames minces ont été taillées après
consolidation.
Microstructure de l'encroûtement calcaire. L'étude
des lames minces a posé des problèmes quant à la
méthode de description. Le code classique de
R. Brewer (1964), logique et formalisé, pour l'étude
de la micromorphologie des sols, s'est révélé inapte
à décrire l'encroûtement calcaire. Il s'applique en
effet essentiellement à un objet physique soumis à
des contraintes physico-chimiques et de gravité et à
une évolution d'ensemble dans le sens vertical. Or,
nous nous sommes trouvés en présence d'une
formation à structure horizontale, ayant plutôt les
caractères d'un calcaire détritique et biogénique. Cette
ressemblance n'était cependant pas suffisante pour
que nous puissions utiliser le lexique de la
pétrographie sédimentaire des carbonates, qui s'applique à
des roches mises en place et évoluant dans un milieu
littoral, lacustre ou marin. La description a donc été
faite en utilisant le canevas de R. Brewer, mais de
façon non formelle, pour rendre compte des
particularités de ce type de formation, car les objets
observés ont à la fois les caractéristiques des crystal-
laria, des globules, des cutanés.
Macroscopiquement, les types à limonite et
calcite (a) et tuffeux (b) sont bien différenciés par
niveaux, le premier formant les bancs conglomérati-
ques, le deuxième la croûte sommitale feuilletée. A
l'échelle microscopique on distingue plusieurs
formes et la différenciation macroscopique apparaît
comme étant due à la fréquence relative de l'une ou
l'autre forme microscopique.
a) le squelette : il est le même dans tous les échantillons :
sables et graviers de quartz, calcaire, grès à ciment calcaire
ou ferrugineux, rares microclines, plagioclases, biotites ; les
grains de plus de 100 ju témoignent d'un transport.
b) la composition plasmique : calcite cryptocristalline,
brune en LN : ceci est probablement dû à la présence diffuse
de matière organique. La calcite liée aux accidents est
toujours limpide ; elle peut être microcristalline (30 n
maximum) (28 b, 100) ou macrocristalline (28 a). Les séparations
plasmiques sont rares et liées aux vides et aux grains du
squelette. La distribution par référence est le plus souvent
cutanique et subcutanique.
c) les accidents authigènes : l'encroûtement calcaire
cimentant les éléments figurés montre quatre zones
dif érentes :
1. les galets de grès à ciment calcaire présentent une auréole
de quelques dizaines de mm plus transparente
correspondant à une zone en voie de décarbonatation ; quelques
graviers de grès calcaire sont entièrement decarbonates. Le
calcaire ainsi libéré a cristallisé à la marge du galet (voir 2
ci-dessous). Adolphe (1972) a observé ce phénomène et l'a
interprété comme étant dû à la succion lors de l'engel des
solutions des vides capillaires à l'intérieur du galet.
Ceci incite à penser que dans la genèse de certains
encroûtements calcaires le déplacement latéral des
carbonates peut être extrêmement réduit et le
ciment peut provenir en partie du simple
réarrangement sur place du calcaire contenu dans le sédiment.
2. Une zone au contact du galet est formée de petits
cristaux de calcite dense'ment imbriqués liés au galet au
point qu'il est difficile de faire la séparation des deux
objets. La calcite, secondaire, est pure et transparente.
3. Sur la face inférieure des galets, on observe une zone à
concrétionnement fibro-radié formée de faisceaux de
macrocristaux de calcite perpendiculaires aux parois du

galet ; la croissance des cristaux s'est faite dans les vides
dont la taille peut atteindre plusieurs millimètres. Ces
macrocristaux contiennent de fines inclusions (air ou
liquide) de 50 à 100/u de long allongées parallèlement
aux faces. Recoupant l'ensemble fibroradié, des zones
sombres, de quelques (x d'épaisseur, concentriques,
parallèles à la surface de croissance sont formées d'impuretés
(oxydes ou hydroxydes).
4. Entre les galets, on voit une zone arborescente, à la
surface mamelonnée, à l'aspect en chou-fleur, où
l'encroûtement hypertrophié à partir des podes laisse entrevoir la
surface du galet. La calcite est cryptocristalline ou en
cristaux de très petite taille : leur arrangement simule un
dépôt en voile. Parfois c'est une véritable draperie qui se
développe dans la matrice fine. Cette masse calcitique
englobe des vides de section ronde ou ovale (80 — 120/i
de 0) tapissés parfois de microcristaux de calcite
secondaire.
En LN et après lavage du CaCO3 une trame organique
(disparaissant au traitement à l'H2O2 à froid) subsiste et
se présente sous forme d'une masse très poreuse qui conserve
la forme, le volume, la structure de l'édifice calcaire primitif.
On observe en outre un foisonnement de bâtonnets, de
filaments, parfois de formes sphériques : il faut aussi noter
l'absence de résidus minéraux (sables ou limons). Ces
structures ne laissent aucun doute quant à leur origine biologique,
mais dans l'état actuel des techniques les restes organiques ne
sont pas déterminables.
Les objets décrits en 3 et 4 alternent, aboutissant
à une microzonation. Leur fréquence relative dans
les différents types d'encroûtement rend compte des
disparités macroscopiques. Ainsi, à mi-hauteur, là où
macroscopiquement le type à limonite et calcite est
dominant, microscopiquement la fréquence de la
calcite fibroradiée est plus grande. Vers le sommet,
là où macroscopiquement le type tuffeux est
dominant, microscopiquement la calcite fibroradiée est
rare et l'encroûtement est formé essentiellement par
les trames biologiques.
Interprétation
La genèse des encroûtements calcaires dans les
formations superficielles peut être précisée de deux
façons :
— en comparant les résultats décrits à ceux
obtenus expérimentalement ;
— en replaçant l'encroûtement dans son milieu.
a) Les accidents décrits aux points 1 et 3
peuvent être comparés aux résultats des expériences
menées par Adolphe (1972) sur la cristallisation de
la calcite par congélation. La structure fibroradiée
des cristaux, leur sens de croissance, l'existence
d'inclusions parallèles aux faces, les lisérés d'hydro-
xydes de fer, la décalcification en auréole des galets,
ont été obtenues par cet Auteur au cours d'une
série de cycles de gel intense (—25°). Ce qui a
confirmé les hypothèses de Krivan (1958), Cailleux
(1964 et 1965), Ek et Pissart (1964) sur la
77
tation de la calcite dans des poches sursaturées en
bicarbonates au cours de la congélation d'un
sédiment. Cette interprétation est parfaitment plausible
dans le cas de notre dépôt, où la masse des géli-
fracts témoigne d'une mise en place sous climat
froid.
b) Des trames organiques associées à la calcite
cryptocristalline sont connues dans la pétrographie
sédimentaire des calcaires littoraux, où elles ont été
interprétées comme étant d'origine algaire (Wolf
1965). Etant donné le milieu riche en eau où notre
encroûtement s'est mis en place, cette interprétation
nous paraît extrapolable. D'autant plus que
l'encroûtement s'épaissit vers le pied du versant où l'eau
était plus abondante. L'alternance de calcite
cryogénique et de calcite biogénique nous fait penser à des
alternances climatiques périodiques. L'encroûtement
algaire s'épaissit vers le sommet où il donne une
croûte feuilletée.
c) La présence de calcite secondaire
microcristal ine autour des galets (2) peut être attribuée à une
recristallisation sur place de la calcite cryogénique
ou biologique. Par contre, le remplissage ultérieur
des vides dans les trames biologiques implique une
arrivée de carbonates probablement d'origine
pédologique, provenant du développement du sol sus-
jacent.
// apparaît donc évident que nous sommes en
présence d'une croûte calcaire qui, malgré un
ensemble de caractères macroscopiques donnant
l'impression d'un encroûtement pédologique, est en réalité
d'origine essentiellement synsédimentaire,
cryogénique et biogénique.
Destruction ultérieure des encroûtements. — Les
encroûtements calcaires ont été partiellement
détruits par la migration verticale du sol fossile. En
lame mince (éch. 28 a et 28 b) le contact entre
encroûtement et sol est fugitif ; on note :
— des peds (agglomérats de particules
élémentaires) non calcaires en tous points comparables à
ceux des horizons du sol ;
— des peds calcaires ;
— des peds mixtes.
Seuls les peds mixtes nous intéressent ici, parce
qu'ils représentent la plus récente des
paléodynamiques.
Description des microstructures des peds mixtes : le squelette
est inchangé : c'est un support passif. Le fond matriciel
calcitique est le même que celui précédemment décrit. Le
front de décarbonatation se manifeste par les accidents
authigènes.
1. Accidents subcutaniques : très nombreux néofernargilanes
d'illuvation. Limite diffuse, contraste entre la calcite et
l'argile net par la couleur, faible par la forme, faible
adhésivité. Rares néoferranes de vides, opaques à fort
contraste, à limite diffuse.
78
Fig. 1 . —biologique
origine Fréquence; 3relative
: originedespédologique.
accumulations calcaires. I: intensité du processus; T: temps; 1 : origine cryogénique ; 2
La zone carbonatée est d'abord imprégnée dans
ses vides les plus fins par de l'argile "fersiallitisée"
provenant du plasma susjacent.
2. Accidents cutaniques : nombreux fernargilanes de vides à
orientation peu nette, limite nette et contraste fort avec
le fond matriciel ; leur densité est fonction de la porosité
du matériel.
3. Lithoreliques : la calcite est parfois isolée dans la plasma
argiloferrique ; elle est en voie de digestion.
Ces caractères sont plus nets dans la lame 28 a, la
plus élevée dans le profil.
La digestion des encroûtements calcaires se
produit par l'arrivée d'argile dans les vides les plus fins,
puis dans les macrovides, avant de diffuser dans le
plasma ; de rares amas de calcite sont isolés à la
base de l'horizon B2t. L'encroûtement calcaire se
comporte ici comme une roche-mère : il se
décalcifie, les carbonates mis ainsi en solution précipitent
dans les vides sous-jacents sous forme de calcitans.
§ IV. - LA MISE EN PLACE DE
L'ENCROUTEMENT CALCAIRE
Une observation et une description non formelles
nous ont permis de différencier quatre formes
microscopiques de précipitation du calcaire,
génétiquement distinctes : une calcite "cryogénique", une
calcite "algaire", une calcite "diagénétique", une
calcite "pédologique". Ces formes se succèdent dans
le temps, tout en s'interpénétrant, et engendrent
trois types macroscopiques d'encroûtement calcaire,
caractérisés par la fréquence relative des formes de
précipitation. La succession dans l'espace est plus
difficile à saisir, car l'altération et la calcite
"pédologique" recoupent une roche-mère composite, formée
de sables, graviers, galets et d'une accumulation
calcaire syngénétique du dépôt.
Regardée à la lumière des hypothèses dominant
actuellement, la coupe du Roc d'Agel aurait pu
facilement rentrer dans le schéma suivant, devenu
classique :
A la fin d'une phase périglaciaire, un climat plus
doux permet le développement d'une pédogenèse de
type fersiallitique. Les carbonates sont lessivés,
entraînés verticalement et/ou latéralement, et
précipitent dans un horizon Bca , constituant
l'encroûtement. Le blocage des solutions par
imperméabil sation de l'horizon d'illuviation fait que cet
encroûtement est plus compact à sa partie supérieure, où il
évolue en croûte feuilletée. Ce schéma est
certainement vérifié dans de nombreux cas. L'importance de
notre étude est de montrer qu'il n'est pas généralisa-
ble à tout encroûtement calcaire sous-jacent à un sol
fersiallitique.
Dans ce cas précis, le froid intervient dans la
précipitation des carbonates dont la source est, au
moins en partie, dans le sédiment lui-même ; des
périodes à climat moins froid et/ ou plus humide
permettent à des colonies d'algues de se développer,
surtout vers le bas du versant et au sommet du
niveau, construisant l'encroûtement et cimentant les
alluvions. La végétation et la pédogenèse
interviennent ensuite, d'abord pour achever de cimenter le
dépôt (décarbonatation des horizons du sol et
précipitation au niveau de l'encroûtement) ; puis le
déplacement vertical du sol par epaississement du B21
vient s'attaquer à l'encroûtement calcaire "cryoalgo-
pédologique", dont la dissolution engendre de
minces revêtements calcaires dans le sédiment sous-
jacent.
L'hypothèse d'encroûtements calcaires synsédi-
mentaires, d'origine physico-chimique et/ou
biologique et servant de roche-mère au sol fersiallitique
sus-jacent, dont la coupe du Roc d'Agel est un
exemple, est généralisable à bon nombre de croûtes
calcaires en France méditerranéenne et jusqu'aux
poudingues calcaires de la Hardt (Haute Alsace)
(Vogt et Marocke 1974).
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