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2005;132:1S9-18
Texte court
Prise en charge de la dermatite atopique
de l’enfant
Texte des recommandations
PROMOTEUR
L’organisation de cette conférence de consensus a été rendue possible grâce à l’aide apportée par les laboratoires : 3M
Santé, Fujisawa, Galderma International, GlaxoSmithKline, LEO Pharma, Novartis Pharma, Pierre Fabre Dermatologie,
Schering-Plough, UCB Pharma.
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Conférence de consensus. Texte court 2005;132:1S9-18
a dermatite atopique (DA) ou né explicitement dans le texte doivent convexités du visage et des membres.
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Prise en charge de la dermatite atopique de l’enfant 2005;132:1S9-18
surinfection est difficile à apprécier globale de la maladie ni le profil évolu- élucidés, mais ils comportent trois
en particulier dans les formes exsu- tif du patient. aspects.
datives. La présence de lésions pus-
Les échelles de qualité de vie Des facteurs génétiques
tuleuses et croûteuses inhabituelles
doit faire évoquer cette complica- La qualité de vie (QDV) dépend de Cinquante p. 100 à 70 p. 100 des
tion. l’adaptation du patient à sa maladie. patients atteints de DA ont un parent
– L’herpès peut être responsable de Son appréciation a l’intérêt d’intégrer au premier degré atteint d’une DA,
surinfection grave par diffusion du dans l’évaluation de la maladie une d’un asthme ou d’une rhinite aller-
virus sur les zones d’eczéma. Une vision qualitative provenant du patient gique. Le mode de transmission de
modification rapide de l’aspect des lui-même. La QDV n’est pas systéma- l’atopie est inconnu. Elle est probable-
lésions et/ou la présence de vésicu- tiquement corrélée à la sévérité cli- ment polygénique.
lo-pustules ombiliquées, sont des nique. Il existe des échelles de QDV
signes d’alarmes en faveur de cette spécifiques de la DA pour le nourris- Des facteurs immunologiques
infection. L’association avec de la son et l’enfant, mais aussi pour son Plusieurs découvertes récentes ont
fièvre, une altération de l’état géné- entourage. Ces échelles développées amélioré la connaissance de la physio-
ral évoquent un tableau de pustulose en Angleterre ont été traduites en pathologie de l’eczéma atopique :
disséminée de Kaposi-Juliusberg qui français, mais n’ont pas fait l’objet – la découverte de la fixation de molé-
nécessite un traitement d’urgence. d’une validation transculturelle. Ces cules d’IgE à la surface des cellules
– L’eczéma de contact : sa prévalence scores de qualité de vie, utiles pour les présentatrices d’antigènes dans la
est plus élevée chez les enfants ayant études prospectives sont en pratique peau ;
une DA. Il faut l’évoquer devant une de soins peu utilisés. – la caractérisation de lymphocytes T
localisation inhabituelle et/ou une per-
spécifiques d’allergènes dans la peau
sistance, voire une aggravation malgré ÉPIDÉMIOLOGIE DE LA DA
de patients porteurs de DA ;
un traitement bien conduit.
– Un retard de croissance peut être Peu d’études épidémiologiques ont été – l’observation d’eczéma au site de
associé à une DA sévère. Ces retards réalisées en France. Dans l’étude contact des tests épicutanés aux aller-
de croissance se corrigent quand la ISAAC réalisée en 1999 par question- gènes de l’environnement.
DA est traitée efficacement. naire, la prévalence de la DA en Ainsi, l’eczéma au cours de la DA
France était de 8,8 p. 100 chez les représente une forme de réaction
COMMENT ÉVALUER LA GRAVITÉ enfants de 6-7 ans et 10,0 p. 100 chez d’hypersensibilité retardée qui met en
D’UNE DA ? les enfants de 13-14 ans. Dans des jeu des lymphocytes et des cellules
études réalisées en Europe, effectuées présentatrices d’antigènes. Le dévelop-
Les scores de gravité sur questionnaire, la prévalence varie pement d’une réponse immunitaire
Plusieurs scores cliniques évaluent la de 7 p. 100 à 28 p. 100 ; dans les inflammatoire de type TH2, spécifique
gravité de la DA. Ces scores ont l’avan- études avec examen médical elle varie d’antigènes protéiques, est à l’origine
tage de permettre la comparaison de 6 p. 100 à 16 p. 100. Les auteurs des lésions d’eczéma de la DA.
d’une consultation à l’autre. Le soulignent l’augmentation de la préva- Une hétérogénéité immunologique
SCORAD (Scoring of Atopic lence de la maladie depuis 20 ans et existe parmi les patients porteurs de
Dermatitis) est l’un de ceux les plus sa répartition variable selon le niveau DA. On individualise aujourd’hui
utilisés dans le cadre des travaux d’in- de vie des populations. 2 profils immunologiques principaux :
vestigation clinique. Il prend en L’augmentation de la prévalence de la l’un comporte une hyper IgE sangui-
compte l’intensité des signes clini- DA dans les populations à niveau de ne et des IgE spécifiques élevées.
ques, l’extension de la dermatose et la vie élevé a été reliée à la diminution
Ces DA sont volontiers associées à
sévérité de signes fonctionnels : prurit de l’exposition aux agents infectieux.
d’autres manifestations atopiques
et perte du sommeil. Cette observation est à l’origine de la
Le SCORAD peut être utilisé en pra- (asthme, rhinite et conjonctivite) :
théorie hygiéniste qui suppose que la
tique clinique à chaque consultation on parle de DA extrinsèque ou aller-
diminution des infections est respon-
dans la prise en charge des DA sable de modifications de la régulation gique. Un second groupe n’a pas
sévères. Il chiffre l’état cutané du du système immunitaire inné. d’hyperIgE et a un risque moindre
patient à un moment donné, permet d’asthme : on parle de DA intrin-
de définir un objectif de traitement PHYSIOPATHOLOGIE sèque ou non allergique.
précis et offre une comparaison pos-
Des anomalies constitutives ou induites
sible d’une consultation à l’autre, en La DA correspond au développement
de la barrière épidermique
restant reproductible d’un médecin à d’une réponse immunitaire inflamma-
l’autre (accord professionnel). toire survenant sur un terrain géné- L’augmentation des pertes insensibles
Toutefois, le SCORAD, comme les tique prédisposant qui s’accompagne en eau, les anomalies des lipides cuta-
autres scores, est une évaluation d’un d’anomalies de la barrière cutanée. nés de surface observées chez les
état clinique à un moment donné et Les mécanismes physiopathologiques patients porteurs de DA caractérisent
ne prend pas en compte la sévérité à l’origine de la DA ne sont pas tous les anomalies de la barrière cutanée.
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Question 2 : Quelle est l’utilité farine de blé, œuf) ne sont pas stan- du fait des biais de recrutement et du
des examens complémentaires dardisés et encore en cours d’évalua- faible niveau de preuve des études
pour le diagnostic et la prise en tion. L’intérêt des atopy patch tests rapportées. Elles ne permettent pas un
charge de la dermatite atopique prêts à l’emploi reste à évaluer. consensus.
4 -Le régime d’éviction alimentaire à a) La présence de manifestations
de l’enfant ? visée diagnostique ne doit pas être ini- digestives banales (reflux gastro-oeso-
Le diagnostic de la DA est clinique. Il tié sans la réalisation d’un bilan aller- phagien, pleurs et coliques résistant
n’est pas nécessaire de faire des exa- gologique préalable, particulièrement au traitement habituel), symptômes
pour les protéines du lait de vache trop prévalents pour avoir une valeur
mens complémentaires pour prendre
chez le nourrisson. d’orientation chez le nourrisson.
en charge un patient porteur d’une
Ce régime d’éviction doit être strict b) Les antécédents familiaux d’atopie
DA (accord professionnel).
basé sur les données du bilan. En sévère.
En revanche, le rôle possible d’aller-
l’absence d’amélioration de la DA c) La précocité des symptômes cutanés
gènes comme facteurs pérennisants
dans un délai d’un mois le régime ne avant l’âge de 3 mois (le jury émet des
de certaines DA de l’enfant peut
doit pas être poursuivi. réserves sur la possibilité d’affirmer
conduire dans certains cas à des explo-
5 -Le test de provocation orale (TPO) a une DA avant 3 mois).
rations allergologiques (accord profes-
pour objectif de prouver la responsabi- En l’absence de preuves suffisantes, et
sionnel).
lité d’un allergène alimentaire. Le du fait de la divergence d’avis, le jury
TPO en double aveugle contre placebo recommande la réalisation d’études
QUELS TESTS ALLERGOLOGIQUES ? est la méthode de référence réalisable prospectives visant à étayer ces indica-
Un test d’allergie positif indique seule- seulement dans quelques centres en tions.
ment que l’enfant est sensibilisé à un France. Le TPO en ouvert est en pra-
allergène, sans preuve que l’exposition tique plus largement utilisé dans des POURQUOI TESTER ?
allergénique déclenche ou entretient structures aptes à prendre en charge
une réaction anaphylactique. L’objectif théorique des explorations
les symptômes. Quels que soient les
complémentaires dans la DA est
résultats des investigations allergolo-
QUELS ENFANTS TESTER ? d’abord d’obtenir à court terme un
giques, ils doivent toujours être
impact bénéfique sur la dermatose,
confrontés à l’histoire clinique. 1) Trois situations sont validées mais aussi tenter de déterminer des
Les tests utilisés comportent : (accord professionnel) : facteurs pronostiques pour recom-
1 - Les prick-tests cutanés. Ils n’ont pas de a) La DA grave définie comme un mander la mise en place de mesures
seuil de positivité clairement défini. Les échec au traitement adapté bien de prévention à long terme.
allergènes testés sont orientés en fonction conduit, même chez les nourrissons
de l’âge, de l’histoire clinique (précisée sous allaitement maternel exclusif (le Peut-on améliorer la DA ?
par l’interrogatoire des parents), de l’envi- lait maternel qui contient la plupart Lorsqu’une allergie est confirmée,
ronnement et du régime de l’enfant. Ils des protéines alimentaires ingérées l’éviction du ou des allergènes est
sont le plus souvent suffisants pour affir- par la mère peut être un vecteur de bien sûr recommandée, cependant
mer la sensibilisation à un allergène. sensibilisation par procuration). l’impact de cette éviction sur la DA
2 - Le dosage des IgE sériques spéci- b) L’enfant ayant une DA et une stag- n’apparaît pas toujours évident et
fiques, les tests de dépistage sans nation ou cassure de la courbe staturo- varie considérablement en fonction
identification de l’allergène (Phadiatop pondérale. du contexte clinique et du type d’aller-
et Trophatop), le dosage des IgE c) L’enfant ayant une DA avec mani- gène.
sériques totales ne permettent pas festations associées : – Allergie de contact : il est admis que
d’assurer avec certitude la présence – signes évocateurs d’une allergie ali- l’éviction de l’allergène responsable
d’une allergie. Cependant un dosage mentaire après ingestion ou contact améliore un eczéma de contact (accord
sanguin, pour certains allergènes, peut avec un aliment : syndrome oral, professionnel).
sur la base des valeurs chiffrées des manifestations cutanées (urticaire, – Allergie alimentaire : l’impact de
IgE sériques spécifiques éviter la réali- angiœdème), respiratoires (asthme, l’éviction des allergènes alimentaires
sation d’un test de provocation orale. rhinite) ou digestives (vomissements, sur l’évolution de la DA est encore dis-
3 - Les test épicutanés (patch-tests). La diarrhée), voire choc anaphylactique ; cuté (grade B). Le jury recommande la
batterie standard européenne permet – signes évocateurs d’une allergie res- réalisation d’autres études éthique-
d’explorer les principaux allergènes de piratoire : asthme, rhinite ou rhino- ment et méthodologiquement accep-
contact. Elle n’a d’intérêt chez l’enfant conjonctivite ; tables.
atopique qu’en cas de suspicion d’une – signes évocateurs d’une allergie de – Sensibilisation aux pneumaller-
allergie de contact surajoutée. contact : eczéma localisé dans des gènes : des études contradictoires de
Les atopy patch-tests initialement zones inhabituelles (siège, paumes et niveau 2 ne permettent pas de conclure
développés pour les pneumallergènes, plantes) ; DA qui ne répond pas au à l’intérêt de mesures d’éviction dans
et plus récemment pour quelques traitement habituel ou s’aggrave. l’environnement, en particulier l’utili-
allergènes alimentaires (lait de vache, 2) D’autres situations restent discutées sation de housses anti-acariens.
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Peut-on déterminer des marqueurs pro- de la classification internationale des souvent cités, sont en pratique rare-
nostiques d’évolution ? dermocorticoïdes : activité très forte ment observés.
– Des études de valeur inégale ont (classe ou niveau IV), forte (classe ou La crainte théorique de ces effets
montré une relation entre sensibilisa- niveau III), modérée (classe ou secondaires ne doit pas limiter la pres-
tion à l’œuf et sévérité de l’eczéma. niveau II), et faible (classe ou niveau I). cription des dermocorticoïdes (accord
La réalisation de tests allergologiques Elle est adoptée dans le texte suivant. professionnel).
pour établir un pronostic individuel Sur les paupières, leur utilisation doit
Quel dermocorticoïde choisir ?
n’est cependant pas pertinente être prudente (dermocorticoïde de
Le choix est fait en fonction de l’âge, classe I ou II et traitement court)
(grade C).
de la sévérité de la DA, du site et de (accord professionnel).
– En dehors de la gravité clinique de
l’étendue à traiter. – Les effets secondaires systémiques
la DA chez le nourrisson, il n’existe
Ainsi, les dermocorticoïdes d’activité Les effets systémiques potentiels théo-
pas d’éléments pronostiques permet-
très forte (classe IV) sont contre indi- riques sont liés à une freination de
tant d’évaluer le risque de survenue
d’un asthme dans l’enfance. qués chez le nourrisson et le jeune l’axe hypothalamo-hypophyso-surréna-
– Le dosage des IgE totales n’a pas enfant, sur le visage, les plis, et le lien : elle ne justifie pas la réalisation
d’intérêt pour la détection précoce des siège. Les dermocorticoïdes forts systématique d’explorations endocri-
nourrissons à risque de développer (classe III) sont à réserver en cures niennes (accord professionnel).
une DA persistante ou sévère. courtes aux formes très inflamma- Exceptionnels, ces effets peuvent se
toires ou très lichénifiées des extrémi- traduire cliniquement par un retard de
tés. Les dermocorticoïdes modérés croissance, parfois lié en fait à la sévé-
Question 3 : Quel est le (classe II) sont utilisés sur le visage, rité intrinsèque de l’eczéma. Dans le
traitement des poussées de les plis et les zones génitales et chez cadre d’une affection chronique de
dermatite atopique de l’enfant ? le nourrisson. Les dermocorticoïdes l’enfant, la surveillance de la croissan-
faibles ont peu de place en thérapeu- ce est indispensable.
Le traitement de la DA est symptoma- tique. Toutes ces habitudes profes-
Comment utiliser les DC ?
tique. Les objectifs sont de traiter les sionnelles ne sont pas étayées par
poussées et de prévenir les récur- des études de niveau de preuve de – Quelle forme galénique privilégier ?
rences par une prise en charge au niveau 1. Les crèmes sont préférées sur les
long cours. lésions suintantes et les plis ; les pom-
Les dermocorticoïdes sont-ils efficaces ? mades sur les lésions sèches, lichéni-
L’enquête nationale de pratique
montre une grande diversité dans les – En phase aiguë : les comparaisons fiées. Les préparations visant à diluer
modalités thérapeutiques en fonction entre dermocorticoïdes (essais limités, les dermocorticoïdes n’ont pas de place.
des praticiens, en particulier pour le petits effectifs, imperfections métho- – Faut-il appliquer les dermocorti-
traitement local. dologiques) font apparaître que ceux coïdes une ou deux fois par jour ?
de forte puissance sont plus rapide- Une seule application par jour est
ment efficaces, mais que ceux de clas- aussi efficace, a le mérite d’en faciliter
LES DERMOCORTICOÏDES
se inférieure sont aussi efficaces en l’emploi, d’assurer une meilleure com-
Les dermocorticoïdes ont longtemps quelques semaines. pliance, et de réduire le risque d’effets
représenté le seul traitement efficace – En prévention des rechutes : une secondaires et le coût (accord profes-
dans cette indication. Ils restent la seule étude de niveau I démontre l’in- sionnel).
référence pour tous les nouveaux pro- térêt d’un traitement d’entretien pour – Quelle est la quantité maximale de
duits testés. Ils ont une triple action la prévention des récurrences. Elle ne dermocorticoïdes à utiliser ?
anti-inflammatoire, immunosuppres- justifie pas pour l’instant de modifier Aucune donnée de la littérature ne
sive et antimitotique. Leurs méca- les habitudes d’utilisation des dermo- permet de donner la quantité de der-
nismes d’action ne sont pas parfaite- corticoïdes. mocorticoïdes à ne pas dépasser selon
ment connus. le poids de l’enfant. L’appréciation de
Les DC exposent-ils à des effets l’efficacité clinique est plus importan-
Quelles sont les molécules disponibles ? secondaires ? te que la définition d’une dose théo-
Plusieurs sont commercialisées, sous Les effets secondaires sont directe- rique.
diverses formes : crèmes, pommades, ment liés à la puissance de la molé- – Quel schéma thérapeutique préconi-
lotions et gel. Les corticostéroïdes cule, à la durée du traitement, à ser ?
topiques sont répertoriés en classe l’occlusion, à la surface traitée, à l’inté- Il existe une grande diversité d’habi-
d’activité selon leur puissance grité cutanée et à l’âge de l’enfant. tudes professionnelles tant pour ini-
d’action. – Les effets secondaires locaux sont tier le traitement que pour l’arrêter.
À l’inverse de la classification interna- rares. Cette variabilité des protocoles entre-
tionale, la classification française suit Peu d’études évaluent de manière tient l’inquiétude des patients, favorise
un ordre d’activité anti-inflammatoire objective et détaillée les effets secon- une certaine méfiance, voire une corti-
décroissante. Dans un souci de cohé- daires locaux des dermocorticoïdes cophobie, et participe au nomadisme
rence le jury recommande l’adoption chez l’enfant. Les effets indésirables, médical.
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Actuellement, la plupart des experts semaine de traitement, les signes et n’y aura pas un recul d’utilisation de
utilise préférentiellement la méthode symptômes de la DA modérée à sévère ces produits au très long cours.
suivante : (niveau I).
Comment utiliser les IC chez l’enfant ?
• utilisation de dermocorticoïdes puis- Le pimecrolimus est également rapi-
sants sur de courtes durées suivie par dement actif dans la DA légère à – Selon l’AMM actuelle : seul le tacro-
une période d’interruption avec usage modérée où il améliore tous les para- limus à 0,03 % est indiqué dans la DA
d’émollients jusqu’à la récurrence sui- mètres cliniques de manière significa- modérée à sévère de l’enfant de plus
vante ; tivement supérieure à l’excipient. de deux ans à raison de 2 applications
• poursuite d’applications quoti- Dans une étude de niveau 1, il est par jour sur toute la surface à traiter,
diennes sur les lésions persistantes d’efficacité inférieure au valérate de jusqu’à disparition des lésions. Il peut
jusqu’à disparition de celles ci. bêtaméthasone (activité forte). être utilisé en cure courte ou en traite-
En absence d’étude clinique évaluant – Pour la prévention des récidives ment au long cours intermittent. La
les conditions optimales d’utilisation L’efficacité du tacrolimus se maintient prescription se fait sur ordonnance
des dermocorticoïdes, il apparaît pendant l’année du traitement si le pour médicaments d’exception et est
nécessaire d’harmoniser nos pra- traitement est poursuivi. Des études réservée aux dermatologues et aux
tiques, sur la base d’essais comparatifs au plus long cours ne sont pas dispo- pédiatres.
qui restent à développer. nibles actuellement. – L’AMM actuelle n’est pas satisfai-
– Quel suivi réaliser ? Pour le pimecrolimus, une étude de sante compte tenu du fait qu’elle n’est
Dans les formes légères à modérées niveau I a montré que le pimecroli- pas en accord avec les critères d’inclu-
de DA, l’efficacité d’un traitement der- mus 1 % appliqué deux fois par jour, sion des patients dans les études
mocorticoïde bien conduit est specta- dès l’apparition des premières lésions, publiées, qu’elle limite l’emploi du
culaire avec disparition du prurit en était plus efficace que l’excipient. produit de par son statut de médica-
quelques jours et amélioration des ment d’exception et sa prescription
Les IC exposent-ils à des effets
lésions en une semaine. Une consulta- restreinte à certains groupes de prati-
secondaires ?
tion systématique de suivi est néces- ciens. Dans le cadre d’une révision, il
– Effets secondaires locaux faudrait de plus intégrer les données
saire pour s’assurer de cette évolution
Pour le tacrolimus et le pimecrolimus, des travaux en cours concernant les
favorable, de l’adhésion du patient au
les effets secondaires locaux les plus études d’efficacité à long terme et ceux
traitement en évaluant la quantité de
fréquents sont une sensation de évaluant la prévention des poussées.
dermocorticoïdes utilisée, et pour
brûlure et de prurit au site d’applica- – La mise à disposition du pimecroli-
réadapter au besoin le traitement.
tion, le plus souvent modérée et tran- mus est également souhaitable.
sitoire (quelques jours). Il n’y a pas de
LES INHIBITEURS DE LA CALCINEURINE Quelles précautions pour un bon usage
risque d’atrophie. Le risque d’infection
bactérienne n’est pas augmenté. Il en des IC ?
Le développement récent des inhibi-
teurs de la calcineurine (IC) topiques est de même des infections virales – En cas d’infection cutanée un traite-
dans le traitement de la DA de l’enfant hormis l’herpès où des précautions ment antibiotique est nécessaire avant
est une innovation importante. Ces (information des risques de transmis- l’instauration du traitement.
molécules de la famille des macrolides sion, surveillance clinique et suspen- – Du fait du potentiel de risque photo-
ont une action immunosuppressive sion du traitement en cas d’infection carcinogène l’association à une photo-
par inhibition de la calcineurine, herpétique) sont nécessaires. thérapie ou à des expositions solaires
molécule nécessaire à l’activation des – Effets secondaires systémiques est déconseillée.
lymphocytes TH2. À court terme – La présence d’une infection herpé-
– Dans la plupart des études à court tique évolutive est une contre-indica-
Les molécules disponibles terme, aucune anomalie biologique tion transitoire aux IC. Des précau-
Deux molécules ont été étudiées n’a été constatée. tions doivent être prises en cas
depuis plusieurs années : le tacroli- – Les taux plasmatiques de tacrolimus, d’antécédents personnels d’herpès
mus et le pimecrolimus (ce dernier un mois après le début du traitement, récurrent.
n’est pas encore disponible en sont inférieurs aux taux d’immuno- – Les vaccins ne sont pas contre-indi-
France). suppression thérapeutique. qués lors de traitements par IC.
À long terme
Quelle est l’efficacité des IC ? Il s’agit de produits aux propriétés ÉMOLLIENTS
– Pour le traitement des poussées immunosuppressives qui pourraient
L’efficacité clinique du tacrolimus a donc être à l’origine d’une éventuelle (Ce sujet est développé dans la ques-
été démontrée à court terme dans des carcinogénèse. In vitro, il n’y a pas de tion 4).
études avec comparaison contre place- carcinogénicité dans la majorité des Les émollients peuvent être utilisés à
bo ou contre dermocorticoïdes de tests sauf un chez la souris albinos. la phase aiguë et sont destinés aux
niveau faible à modéré. Elles montrent Le risque de carcinogenèse cutanée zones de xérose. En peau lésée des
que le tacrolimus topique réduit effica- chez l’homme reste hypothétique, réactions d’intolérance locale sont pos-
cement et rapidement, dès la première mais ne pourra pas être levé tant qu’il sibles.
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cures existent. Les eaux thermales curatif de la DA. Elles ne plaident excès. La prescription systématique
sont très différentes tant dans leurs pas pour l’utilisation des probio- d’un régime alimentaire d’éviction
propriétés chimiques ou physiques. Il tiques dans le traitement curatif de peut être dans certains cas une source
n’y a pas d’argument scientifique pour la DA. de carence nutritionnelle.
les recommander en l’absence d’étude La prévention de la DA peut se discu-
démonstrative.
• Les herbes chinoises ter à plusieurs niveaux :
Les effets secondaires rapportés vont – prévention primaire : éviction du
• Médecines d’exercice particulier des simples nausées aux complica- facteur de risque avant l’apparition de
De nombreux parents ont recours à tions les plus graves (hépatites aiguës la maladie ;
des médecines d’exercice particulier néphropathie sévère, syndrome de – révention secondaire : éviction du
parce qu’ils considèrent que les traite- Stevens-Johnson, cardiomyopathie facteur de risque en cas de maladie
ments conventionnels sont insuffi- dilatée...). Ces données incitent à avérée ;
samment efficaces, ou qu’ils redoutent déconseiller l’utilisation de ces pro- – prévention tertiaire : éviction du fac-
leurs effets secondaires. duits. teur de risque pour éviter les rechutes
Les rares études d’efficacité de l’homéo-
pathie dans la DA sont contradictoires.
• Les acides gras essentiels (AGE) et complications.
Aucune preuve scientifique ne permet Différentes huiles riches en AGE Prévention primaire chez la femme
de recommander cette pratique. omega 6 (huile de bourrache, huile enceinte
Aucune preuve scientifique ne permet d’onagre...) ou AGE omega 3 (huile Les régimes d’éviction alimentaire
de valider la phytothérapie. de poisson) ont été utilisées dans la chez la femme enceinte dans le but de
Le jury déconseille la pratique de DA. prévenir la DA chez l’enfant sont diffi-
l’acupuncture chez l’enfant en raison L’étude de la littérature permet de ciles à suivre et leurs résultats ne sont
de l’absence de preuve scientifique, de conclure à l’inefficacité d’un traite- pas prouvés.
son caractère douloureux et de ses ment par acide gras essentiel quelle Il n’y a pas d’indication à un régime
complications potentielles (accord pro- que soit son origine (et la dose) dans particulier chez la femme enceinte
fessionnel). la DA de l’enfant (grade A). pour prévenir la survenue d’une DA.
• Probiotiques Pratiques discutées : les mesures Prévention primaire chez le nouveau-né
Les probiotiques sont proposés dans la d’éviction à risque de DA
prévention et le traitement de la DA • Vaccinations de l’enfant atopique La définition de « nouveau-né à
de l’enfant sur la base de la « théorie La notion de poussée de DA est une risque » n’est pas univoque et la
hygiéniste » qui se fonde sur une rela- observation clinique régulièrement notion d’antécédents familiaux directs
tion inverse entre l’intensité de l’expo- rapportée chez le nourrisson. Il n’y a ne représente pas un argument suffi-
sition microbienne et le risque de pas de preuve scientifique dans la lit- sant. L’allaitement maternel exclusif
développement de pathologie aller- térature confirmant le rôle des vaccins pendant au moins 3 mois diminue le
gique. dans le déclenchement ou l’exacerba- risque d’apparition d’une DA chez les
– L’administration de probiotiques tion d’une DA. enfants à risque (niveau 1).
permet-elle de prévenir l’apparition de En cas d’allergie à l’œuf associée, L’allaitement maternel, sans régime
DA chez des enfants à risque ? seules les vaccinations contre la grip- particulier pour la mère, est ici recom-
Une seule étude monocentrique pe et la fièvre jaune, réalisées sur des mandé (grade A).
(niveau 1) suggère qu’il y a un intérêt milieux de culture sur œufs Si l’allaitement n’est pas exclusif (allai-
à donner du Lactobacillus rhamnosus embryonnés, nécessitent un avis spé- tement mixte) le risque de DA n’est
un mois avant l’accouchement chez la cialisé. pas modifié.
mère et 3 ou 6 mois après la naissan- Le calendrier vaccinal doit être le Les laits au soja n’ont aucun intérêt en
ce chez la mère ou les enfants à risque même chez les enfants ayant une DA prévention primaire (grade B).
d’atopie pour prévenir la survenue de que chez les enfants non atopiques. Il
DA. Prévention secondaire chez le nourrisson
est prudent de retarder transitoire-
En l’absence de confirmation par ayant une DA
ment les vaccinations au cours de
d’autres études, il est prématuré de fortes poussées de DA (accord profes- En dehors des indications classiques
recommander l’administration de pro- sionnel). d’éviction dans les populations à
biotiques à titre préventif chez la risque (cf. chapitre 2), il n’y a actuelle-
femme enceinte ou chez le nourrisson DA ET ALLERGIE ALIMENTAIRE : ment pas d’étude valable ou de méta-
à risque atopique. PEUT-ON AMÉLIORER UNE DA AVEC analyse démonstrative concernant
– L’administration de probiotiques UN RÉGIME D’ÉVICTION ALIMENTAIRE l’impact des changements systéma-
permet-elle de traiter les poussées de OU UN CHANGEMENT DE LAIT ? tiques de lait sur la DA.
DA de l’enfant ? En absence d’études au niveau de
Deux études, méthodologiquement La responsabilité de l’allergie alimen- preuve suffisant et en raison de la
discutables, ont évalué l’intérêt des taire dans la DA reste controversée. variabilité des usages, il n’existe pas
probiotiques dans le traitement Elle est trop souvent évoquée par d’accord professionnel.
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Prise en charge de la dermatite atopique de l’enfant 2005;132:1S9-18
Prévention secondaire et tertiaire après vité des poussées), mais aussi subjec- sur le territoire, et leur éloignement
l’allaitement tifs (retentissement psychologique, sur du domicile.
Les aliments les plus impliqués dans la qualité de vie de l’enfant et de sa
Les antileucotriènes
les allergies alimentaires du nourris- famille). Il n’existe pas de score validé
prenant en compte tous ces éléments Les antileucotriènes ne sont pas un
son sont le lait, l’œuf, l’arachide le
et permettant de donner une valeur traitement des DA sévères. Leur place
soja, le poisson, les légumineuses et le
blé. Des études de niveau 3 indiquent seuil pour le diagnostic de DA sévère. éventuelle comme traitement
qu’un syndrome d’allergie multiple Avant de considérer qu’il s’agit effecti- d’appoint des DA modérées reste à
(responsabilité d’au moins 2 aller- vement d’une DA sévère, il est essen- préciser.
gènes) peut être corrélé avec la notion tiel de s’assurer que la prise en charge
La corticothérapie générale
d’une DA sévère. de la maladie est optimale : les traite-
ments prescrits ont été compris et cor- La corticothérapie générale, par voie
L’éviction d’un allergène n’est justifiée orale ou injectable, doit être évitée
que si son rôle dans une réaction aller- rectement appliqués, une enquête
allergologique a été faite et les (accord professionnel).
gique est prouvé.
mesures d’éviction éventuelles ont La ciclosporine
DA ET ALLERGÈNES ENVIRONNEMENTAUX bien été prises.
Si la prise en charge ne paraît pas La ciclosporine dispose de l’AMM
adaptée, un apprentissage des soins, dans cette indication chez l’adulte. Sa
Si une sensibilisation aux acariens
réalisé par le médecin lui-même ou prescription initiale est réservée au
est souvent retrouvée au cours de la
une infirmière, une éducation théra- milieu hospitalier par un médecin
DA, il est difficile de définir avec
peutique ou un soutien psychologique habitué à l’utilisation de cette
certitude le rôle des allergènes inha-
doivent être proposés. Une hospitalisa- molécule.
lés dans la genèse de la DA ou dans
tion dans une structure adaptée à la La ciclosporine n’a pas l’AMM dans la
le déclenchement de ses poussées.
De plus les mesures d’éviction ne dermato-pédiatrie peut être utile. DA de l’enfant. Trois études chez l’en-
montrent pas d’effet clinique pro- Si la prise en charge est correcte, soit fant (niveau 3 et 5) montrent de bons
bant. d’emblée, soit après échec de toutes résultats avec un temps de traitement
Le faible niveau de preuves et les ces mesures, il s’agit alors réellement court (6 à 12 semaines), des rechutes
résultats discordants des études à d’une DA sévère. Il faut dans tous les précoces fréquentes et peu de rémis-
notre disposition ne permettent pas de cas un avis spécialisé pour décider de sions prolongées après 6 mois.
conclure sur la responsabilité de la mesures thérapeutiques difficiles, sou- La ciclosporine per os, à la posologie
présence d’un animal à domicile dans vent hors AMM, justifiées par la gravi- initiale de 5 mg/kg/j, permet de pas-
la survenue de la DA chez l’enfant. té de ces cas rares d’échec des soins ser un cap difficile, mais sa durée est
En cas de DA, le jury suggère d’éviter locaux. limitée à 6 mois, au maximum 1 an
l’acquisition d’animaux domestiques du fait des risques rénaux et d’hyper-
(chat en particulier). LES DIFFÉRENTES THÉRAPEUTIQUES tension artérielle (grade C).
Les travaux publiés ne permettent pas À ENVISAGER DEVANT UNE DA SÉVÈRE Le jury propose qu’une réunion
d’affirmer que la prévention primaire d’experts décide de l’intérêt du dosage
Les photothérapies systématique de la ciclosporinémie en
de la DA est possible. L’influence de
l’éviction des pneumallergènes sur les Les études concernant l’utilisation de raison d’avis différents des prescrip-
poussées de DA n’est pas claire ren- la photothérapie dans la DA de l’en- teurs dans cette indication.
dant les mesures de prévention secon- fant sont peu nombreuses et de faible
niveau de preuve scientifique Les pho- L’azathioprine
daire et tertiaire superflues.
tothérapies recommandées sont les L’aziathioprine a été peu utilisée dans
UVA-UVB, les UVB spectre étroit la DA de l’adulte du fait d’un risque
Question 5 : Quelle prise (appelés UVB TL01) et les UVA1. Elles de myélosuppression. Une seule étude
en charge pour les dermatites sont efficaces et bien tolérées à court rétrospective évalue l’intérêt de l’aza-
atopiques sévères de l’enfant ? terme ; le risque au long cours n’est thioprine chez les enfants ayant une
pas encore connu. DA sévère. Ces données sont insuffi-
Les réponses apportées à cette ques- Les photothérapies UVA-UVB et UVB santes pour préconiser son utilisation
tion sont davantage basées sur un spectre étroit peuvent être utilisées chez l’enfant en l’absence d’études
accord professionnel que sur des dans le traitement de la DA sévère de complémentaires (grade C).
études de niveau de preuve élevé, ceci l’enfant à partir de l’âge de 8-10 ans
(accord professionnel). Les autres immunosuppresseurs
du fait du petit nombre de malades
concernés. En pratique, les limites de ce traite- Le mycophénolate mofétil a été effi-
ment sont liées à la nécessité de 2 ou cace dans quelques cas de DA de
DÉFINITION D’UNE DA SÉVÈRE 3 séances par semaine auquel s’ajoute l’adulte.
la faible densité en France des cabines Le methotrexate et le cyclophospha-
La sévérité dépend d’un ensemble de équipées en lampes UVB ou UVB mide n’ont pas fait l’objet d’études
paramètres : objectifs (nombre et gra- spectre étroit, leur répartition inégale publiées dans la DA de l’enfant.
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Ann Dermatol Venereol
Conférence de consensus. Texte court 2005;132:1S9-18
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