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Collection U • Géographie
Avant-propos
Introduction
4. Les méandres
2. La hiérarchisation du réseau
4. La pénéplaine
5. Les lacs
5. Les facteurs de complexité dans les reliefs volcaniques : érosion, destruction violente, emboîtements
2. L'équilibre isostatique
8. Un type d'accident commun aux chaînes, aux socles et aux bassins sédimentaires : la cassure
4. Le quaternaire : Le postglaciaire
5. Conclusion
3. Le modelé
4. Conclusion
2. Répartition zonale
3. Tentatives d'explication
4. Conclusion
Orientation bibliographique
© Armand Colin/Masson, Paris, 1969, 1996
© Armand Colin/HER, Paris, 2001
© Armand Colin, Paris, 2007, 2010
978-2-200-27134-3
Collection U • Géographie
Illustration de couverture : Dunes de sable, Death Valley, Californie, États-
Unis © Rudy Sulgan / Corbis
siècle et a progressé sans cesse depuis. On sait de mieux en mieux utiliser les
corps radioactifs : ainsi le béryllium de masse atomique 10 à côté du carbone
14 ; les traces des fissions spontanées des noyaux d'uranium 238 et leur raré‐
faction progressive au-dessus de 60 degrés Celsius, utilisées dans un cristal
comme l'apatite permettent de connaître les températures passées subies par
les roches au cours de leur histoire géologique, donc, en raison de la gradation
géothermique, l'étage crustal où elles se sont trouvées.
En ce qui concerne les méthodes de pensée, une des plus prisées depuis la
fin du XX siècle est la modélisation. Elle commence par l'établissement d'un
e
siècle, et on est peut-être passé d'un extrême à l'autre. C'est alors qu'on a
donné la prééminence à la géomorphologie climatique (troisième partie), et on
a passé beaucoup de temps à la granulométrie des sables et à la morphoscopie
des galets. Dans les dernières années du XX siècle, on a minimisé l'importance
e
1. Talwegs et interfluves
wegs t t' et t t' sont drainés par un cours d'eau principal, coulant
1 1 9 9
dans le sens de la flèche, les talwegs t t' , t t' , t t' , t t' par un
3 3 4 4 6 6 8 8
cours d'eau secondaire affluent d'un cours d'eau principal. Les tal‐
wegs t t' , t t' , t t' n'ont pas de cours d'eau : ce sont des fonds de
2 2 5 5 7 7
Le profil du talweg en long est régulier ou non. On dit qu'il est régulier si la
variation de la pente est progressive ou si la pente est constante sur des sec‐
tions entières, même si les roches traversées sont différentes. C'est donc que le
travail de l'érosion a eu raison des différences de résistance (figure 5B).
Figure 5 Profils en long réguliers et profils en
long irréguliers de talwegs
Si le profil en long du talweg est irrégulier, c'est qu'il présente des ruptures
de pente, c'est-à-dire que la pente diminue ou augmente brusquement. Les
ruptures de pente peuvent coïncider avec le passage d'une roche à l'autre
(figure 5C), mais elles peuvent aussi être indépendantes de la nature des
roches (figure 5D). Autrement dit, certaines ruptures de pente sont d'origine
lithologique, mais d'autres ont une origine différente. Par exemple, une rup‐
ture de pente peut correspondre à un point où se fait sentir une reprise d'éro‐
sion, peut-être parce qu'un mouvement du sol, plus en aval, a augmenté la
pente de la rivière.
Le versant peut être régulier et cela, soit dans des roches différentes entre le
haut et le bas, soit dans des roches semblables. Il peut aussi être irrégulier et
les irrégularités peuvent correspondre ou non à des inégalités de résistance des
roches.
L'exemple de versants réguliers est offert par beaucoup de paysages de nos
pays, par exemple par les versants crayeux de la Champagne. Les versants
irréguliers ne sont pas moins rares ; le cas se présente quand un replat coupe la
pente : ce replat peut être un ancien lit fluvial mis en relief par le recreusement
récent du talweg (figure 6) ; il peut être dû à l'affleurement d'un pan de roche
dure : grès, calcaire, basalte. Dans les deux cas profil de versant ou profil de
talweg la lithologie peut donc s'exprimer dans le relief, mais elle peut aussi ne
pas avoir de rôle ; inversement, en l'absence de différences lithologiques, des
inégalités de relief peuvent apparaître. On saisit par là les principes de l'ana‐
lyse géomorphologique. Il s'agit de déceler dans les reliefs le rôle des couches
géologiques (lithologie) et leur disposition : ces couches peuvent être inclinées
ou horizontales ; elles peuvent aussi être ondulées. Mais l'analyse doit égale‐
ment mettre évidence le rôle des agents indépendants de toute structure. L'éro‐
sion a-t-elle beaucoup travaillé ? Est-elle arrivée à effacer les influences litho‐
logiques ?
Supposons une portion de roches affleurant à l'air libre sur un versant. Elle
n'est pas inaltérable et subit l'action des intempéries. Il s'agit donc de l'altéra‐
tion sur place par opposition à l'érosion qui transporte. Cette altération sur
place n'est pas désignée en France par un mot commode. On peut imiter les
langues étrangères qui la désignent, comme c'est le cas du portugais, par le
terme de météorisation.
L'altération sur place peut se présenter de trois façons : elle peut être méca‐
nique ; elle peut se faire par dissolution dans l'eau ; elle peut enfin être une
altération chimique.
1.2. La dissolution
La dissolution est très inégale suivant les matériaux. On peut classer les
substances chimiques, suivant leurs aptitudes à être dissoutes, des plus
solubles aux moins solubles : le chlorure de sodium, le calcium, la plupart des
bases, la silice, l'alumine. Pour que la dissolution puisse agir, il faut que l'eau
puisse être en contact avec les parcelles de roches : il faut donc que les roches
soient poreuses. Il faut aussi, dans certains cas, que l'eau soit chargée de gaz
carbonique, condition nécessaire pour l'attaque des calcaires.
L'eau se charge parfois de molécules isolées et forme ainsi des solutions
vraies ; mais, plus souvent, les corps solides forment dans l'eau de petits agré‐
gats constitués de plusieurs molécules. Dans ce cas, on dit qu'on a affaire à
une solution colloïdale, c'est-à-dire capable de former colle.
L'eau qui s'infiltre dans la roche et qui s'est chargée de molécules, isolées
ou groupées, constitue ce qu'on appelle le complexe d'altération. Ce complexe
tend à s'infiltrer par pesanteur mais, il reste soumis à des actions qui peuvent
le faire remonter à la surface, l'évaporation par exemple. On appelle lessivage
l'entraînement vers le bas des particules prises en charge dans le complexe
d'altération ; ces particules sont généralement enlevées à la surface et des‐
cendent à quelques décimètres de profondeur ; elles peuvent aussi descendre
plus profondément et gagner, à travers la roche, la nappe d'eau que l'on
appelle nappe phréatique du grec phrear (φρέαρ), puits, car il s'agit de la
nappe qui affleure au fond des puits. Cette nappe alimente aussi les sources.
On appelle lessivage oblique l'évacuation des matériaux dissous empruntés à
la roche et enlevés au versant par l'intermédiaire des sources.
L'altération chimique se fait très rarement à sec, mais en général par l'inter‐
médiaire de l'eau.
Elle s'effectue soit directement sur les parois rocheuses soit, plus souvent,
sur des fragments de roche désagrégée. Suivant le processus de l'attaque par
les ions de l'eau, les molécules de la roche sont transformées. Il se constitue
ainsi principalement des oxydes et des argiles. Exemple d'un oxyde : la limo‐
nite qui colore en jaune beaucoup de nos sols et qui n'est autre que la rouille.
C'est un oxyde de fer très hydraté. Les argiles sont des molécules de forme
aplatie qui glissent les unes sur les autres et qui peuvent s'imbiber d'eau
puisque, entre leurs feuillets, il existe des espaces libres. Cette mobilité des
feuillets séparés par l'eau explique la plasticité des argiles (on peut les mode‐
ler).
Une roche qui a subi une fragmentation mécanique mais surtout une attaque
par l'eau sous la forme de la dissolution et de l'altération, devient en général
plus meuble. Elle se recouvre d'un manteau de débris. Si ce manteau contient
assez d'éléments fins pour nourrir des végétaux, par l'intermédiaire des racines
qui s'y enfoncent, il devient un sol, au moins à sa partie superficielle.
Il importe donc de distinguer le sol et la roche. Le sol est le résultat de l'al‐
tération des roches au contact de l'atmosphère et c'est aussi le support de la
végétation qui le transforme à son tour, notamment par le lent pourrissement
des débris végétaux morts. La roche, au contraire, est une formation géolo‐
gique intacte, non encore attaquée. La roche peut être dure, comme le calcaire,
ou tendre, comme l'argile. Toute roche n'est donc pas un roc. Il existe même
des roches liquides, comme le pétrole.
La science des roches est la géologie, la science des sols, la pédologie.
Sur les versants, on a, dans quelques cas, affaire à des roches intactes, mais
plus souvent à des roches fragmentées, altérées, allant jusqu'à former de véri‐
tables sols ; ce sont les débris de la roche, résultat d'une simple fragmentation
mécanique ou d'une altération chimique poussée, que nous allons voir en mou‐
vement.
L'action mécanique qui s'exerce sur une pente forte conduit au détachement
immédiat de blocs et à leur chute sur la pente. Les blocs dévalent jusqu'à ce
qu'ils trouvent une pente faible située au pied de l'abrupt rocheux.
En s'accumulant les uns après les autres, ils forment un chaos qui peut se
disposer de la façon suivante :
• si les éboulis, en tombant, suivent un couloir, ils s'accumulent à son
extrémité aval, en formant un cône dont la pointe est située vers
l'amont ;
si les couloirs que suivent les éboulis sont proches les uns des autres ou
si la chute des blocs se fait sur toute une pente sans passer par des
couloirs d'érosion, il se forme un talus d'éboulis continu.
La pente des cônes d'éboulis et des talus dépend de la taille des matériaux,
de leur densité et de leur forme. Elle varie entre 27 et 37 degrés. On l'appelle
la pente du talus d'équilibre (figure 7).
Figure 7 Talus d'éboulis
2.2. L'éboulement
Au lieu de blocs détachés coup par coup, l'éboulement entraîne, par gravité,
à sec, en une seule fois, toute une masse, délimitée par une surface de rupture
dans la roche.
Dans les pays montagneux fortement enneigés, la neige peut descendre bru‐
talement sur les pentes, accompagnée d'un « souffle » destructeur, en ava‐
lanche. L'avalanche suit des couloirs, qu'elle contribue d'ailleurs à façonner.
Une fois la neige fondue, les matériaux qu'elle a arrachés et transportés avec
elle constituent, à l'arrivée dans la vallée, des tas informes, formés à la fois de
pierres et de débris fins.
Sur un versant, la pluie ruisselle en filets qui ne peuvent creuser les roches
non altérées mais qui transportent les éléments fins du sol.
Ce ruissellement ne se transforme pas habituellement en ravinement : il ne
le fait que si la roche est particulièrement affouillable et imperméable, comme
l'argile, et si le sol n'est pas recouvert par un manteau végétal. Il ne produit
donc pas couramment des talwegs mais il s'agit bien d'un processus de ver‐
sant : les filets contournent les moindres obstacles, s'anastomosent, finissent
par transporter peu à peu les débris du sommet vers la base.
Nous savons déjà que certains versants ont un profil irrégulier et d'autres un
profil régulier. Sont irréguliers des versants sur lesquels affleurent plusieurs
couches rocheuses qui n'ont pas été encore ensevelies sous une couverture
d'éboulis ; sont irréguliers aussi des versants modelés en loupes de glissement.
Mais beaucoup de pentes sont au contraire lisses. En général, c'est qu'elles
sont recouvertes par un manteau de débris.
Ce manteau de débris peut être, à la partie aval, un chaos d'éboulis que la
végétation commence à fixer et, à la partie amont, une couverture mince due à
la fragmentation de la roche et à un début d'altération. On a alors des versants
lisses mais à pente forte comme c'est souvent le cas en montagne. Un tel ver‐
sant a une pente encore proche de celle du talus d'équilibre. On l'appelle ver‐
sant de Richter.
Toutefois la plupart des modelés nous montrent des versants recouverts d'un
sol et pourvus d'une pente beaucoup plus faible que celle du talus d'équilibre.
Ces versants doux révèlent que l'érosion a eu le temps de les modeler beau‐
coup plus que les versants de Richter. Ils sont convexes à leur partie supé‐
rieure, concaves à leur partie inférieure, de sorte qu'ils se raccordent progres‐
sivement avec le fond de la vallée ou avec le talweg. Entre le sommet convexe
et la base concave se place souvent un secteur en pente constante qui raccorde
la section amont et la section aval (figure 9).
Il est très difficile d'expliquer de tels profils. Bornons-nous à signaler qu'ils
sont dus à des déplacements lents de débris comme ceux que produisent le
ruissellement diffus, le creeping, le lessivage oblique. Suivant les roches, ils
varient quelque peu. Quand les débris produits par la roche sont perméables,
la convexité du sommet est très développée ; c'est le cas de la craie et du
sable. Au contraire, quand les débris produits sont imperméables comme sur
les versants argileux, la concavité basale l'emporte et le secteur rectiligne
médian tend assez souvent à se modeler en loupes de glissement qui altèrent
un peu la régularité. Le profil des versants varie aussi suivant les climats.
Nous verrons (chapitre 20) que des bases de versants très allongées, presque
planes, mais en pente longitudinale sensible, caractérisent les pays arides et
tropicaux. On appelle glacis ces plans inclinés de bas de versants.
On a dit que les versants convexes au sommet, concaves à la base, sont en
profil d'équilibre. On entend par là, non que leurs formes sont définitives,
mais qu'il ne se produit aucune déformation violente comme le serait un ébou‐
lement. Il y a équilibre entre la vitesse de formation des débris par fragmenta‐
tion de la roche sous le sol et la vitesse d'évacuation de ces débris. En effet, si
l'évacuation était plus rapide que la formation des débris, le versant se dénude‐
rait de son manteau, la roche apparaîtrait à vif et on n'au rait plus le tapis régu‐
lier. Au contraire, si l'évacuation était incapable de soutenir le rythme de pro‐
duction des débris, ceux-ci s'accumuleraient et noieraient le versant sous leur
masse. Le terme de profil d'équilibre signifie qu'il y a équilibre entre l'attaque
de la roche et sa protection par le sol qui la recouvre.
Chapitre 2
français.
Il y a des régions sans aucun écoulement, comme les grandes étendues de
dunes du Sahara. On dit qu'elles sont aréiques. D'autres ont bien un ou des
cours d'eau mais leur émissaire n'arrive pas à la mer : il disparaît dans un lac
temporaire ou permanent, ainsi le Chari dans le lac Tchad. On dit que ces
régions sont endoréiques. D'autres régions, enfin, ont des bassins fluviaux qui
débouchent dans la mer comme c'est le cas de presque toute l'Europe ; ces
régions sont dites exoréiques.
Ces dernières différences proviennent en partie du relief, en partie du cli‐
mat. L'endoréisme est favorisé par des reliefs de cuvette. Mais il s'explique
tout autant par l'aridité du climat. En effet, supposons que, dans la région du
lac Tchad, les quantités d'eau tombées s'accroissent considéra blement et que
l'évaporation diminue en raison d'un rafraîchissement du climat. Le niveau du
lac Tchad va monter progressivement jusqu'à ce qu'il s'élève jusqu'au niveau
du point le plus bas du rebord de la cuvette : le lac se déversera alors vers un
cours d'eau permanent (un affluent du Niger) et la région sera conquise à
l'exoréisme. Ce cas est réalisé dans la région du lac Baïkal en Sibérie où la
tectonique a formé un grand effondrement mais sous un climat assez frais
pour que le niveau du lac maintienne un émissaire, l'Angara. Bien entendu, les
régions aréiques correspondent, quant à elles, à des déserts où il ne tombe que
très peu de précipitations et où l'évaporation est considérable.
Les cours d'eau diffèrent par leur taille et par leur aspect. Prenons quelques
exemples : l'Amazone, qui a 6 000 km de longueur et roule en moyenne plus
de 150 000 m d'eau à la seconde, a 3 km de largeur en moyenne pour son lit
3
principal. Mais il faut encore ajouter des chenaux parallèles, des marécages
inondés pendant la moitié la plus humide de l'année. On a affaire non seule‐
ment à un grand cours d'eau mais à tout une zone amphibie qu'on appelle la
varzea.
La Seine est un fleuve plus modeste, long d'un peu plus de 700 km, large en
moyenne de moins de 100 mètres, et elle se divise parfois en deux bras enser‐
rant une île (comme à la Cité). Son débit moyen est 300 fois plus faible que
celui de l'Amazone.
La Durance, dans son cours inférieur, présente un lit composé de courants
anastomosés enserrant des bancs de graviers sur une largeur de plusieurs cen‐
taines de mètres (figure 11). Son débit est comparable à celui de la Seine.
Figure 11 Deux types de cours d'eau
2.1. Le torrent
3.1. Définitions
Le lit est l'espace qui peut être occupé par les eaux d'un cours d'eau. Mais
cette définition nécessairement vague appelle des précisions, parce qu'un
fleuve a plusieurs lits.
Le lit majeur, ou lit d'inondation, ou encore plaine d'inondation, est toute la
zone que le fleuve inonde et qu'il peut recouvrir des « alluvions modernes »
des cartes géologiques. Il est beaucoup plus large que le lit ordinaire.
Le lit ordinaire, ou, mieux, le lit apparent, est l'alvéole bien déterminé entre
des berges, occupé par des matériaux roulés par les eaux et peu masqués, à
l'inverse du lit majeur, par la végétation ou l'occupation humaine ; mais, en
temps ordinaire, tout ce lit « ordinaire » n'est pas toujours empli d'eau, puisque
des bancs de sable ou de gravier y apparaissent.
Le chenal d'étiage (on appelle étiage les basses eaux les plus marquées)
n'occupe souvent qu'une petite partie du lit apparent, surtout dans le cas de
rivières de régime irrégulier, comme la Loire ou les cours d'eau méditerra‐
néens. Ce chenal d'étiage n'est pas limité par des berges nettes. Même dans un
lit apparent rectiligne, il sinue à l'intérieur de ce lit apparent et va d'une berge
à l'autre. Il peut aussi se subdiviser en bras plus ou moins nombreux, comme
dans le cas de la Durance (figure 11).
N. B. : nous n'employons pas le terme de lit mineur, parce qu'il prête à
confusion, désignant tantôt le lit apparent, tantôt le chenal d'étiage.
La largeur la plus définissable est celle du lit apparent, encore qu'il faille
prendre garde aux divisions de ce lit en deux, là où est enserrée une île.
Les matériaux des lits peuvent être soit des roches en place, soit des maté‐
riaux transportés par le cours d'eau, c'est-à-dire des alluvions. Un cours d'eau
peut couler sur un lit alluvial sans que cela signifie qu'il exhausse son lit. Il est
normal, en effet, que les matériaux du fond du lit soient mobiles, déposés par
une crue, enlevés par une autre.
Les matériaux du lit apparent ou du lit majeur ont été usés par le transport.
Ils sont plus ou moins émoussés et, s'il s'agit de cailloux, ces cailloux sont
roulés ; ce sont des galets. Une analyse granulométrique permet de connaître
la taille de ces alluvions. Dans un même lit, voisinent des limons, des sables,
des galets ; ces derniers sont d'autant plus gros que le courant qui les a trans‐
portés était plus rapide.
Les parties les plus profondes de ce chenal sont situées dans ses courbes, au
pied des berges, tandis que les parties rectilignes qui traversent obliquement le
cours d'eau en allant d'une courbe à l'autre du chenal sont moins profondes.
Les parties profondes sont les mouilles ; les parties moins profondes, recti‐
lignes, obliques par rapport à l'axe du lit apparent, sont les seuils (figure 13).
4. Les méandres
Le chenal d'étiage d'une rivière décrit des sinuosités à l'intérieur du lit appa‐
rent, en particulier quand celui-ci est rectiligne. Mais le lit apparent peut aussi
présenter des sinuosités ; on n'appelle pas méandre toutes ces sinuosités, mais
on réserve le terme à un tracé qui s'écarte sans raison apparente de la direc‐
tion de l'écoulement pour y revenir après avoir décrit une courbe prononcée.
Le méandre est un trait fréquent des tracés fluviaux ; on en trouve sur des
rivières calmes comme la Seine, mais aussi sur des rivières rapides comme la
Meuse dans l'Ardenne.
On peut distinguer deux types de méandres :
• les méandres de vallée, appelés aussi méandres encaissés, cas réalisé
quand la vallée méandre comme la rivière, à la même échelle ;
les méandres de plaines alluviales, appelés aussi, mais à tort, méandres
libres ou méandres divagants, cas réalisé quand les sinuosités mar‐
quées de la rivière sont indépendantes du tracé de la vallée et à plus
petite échelle.
Les méandres de vallée sont aussi fréquents que ceux de la plaine alluviale.
Ceux de la Meuse ardennaise sont peut-être les plus classiques, tandis que
ceux du Mississipi ou du Danube hongrois sont de typiques méandres de
plaine alluviale.
Un méandre et même une sinuosité ont tendance à s'exagérer. En effet, le
courant principal est déporté du côté extérieur du méandre, c'est-à-dire qu'il
passe tout près de la rive concave (les termes de concave, convexe s'entendent
toujours comme si la rive était regardée du chenal d'écoulement). Dans une
série de méandres, le courant vient donc lécher successivement la rive droite
et la rive gauche, en décrivant des sinuosités plus grandes que l'axe du lit
apparent et en tendant à exagérer ces sinuosités puisque le lieu des plus
grandes vitesses est celui de l'érosion maxima (figure 14) ; la rive concave se
creuse donc de plus en plus, tandis que, sur la rive convexe, le courant, trop
lent pour sa charge, abandonne une partie de celle-ci et construit une grève. La
courbure s'accentue ainsi. Par ce processus, la rive concave devient abrupte,
tandis que la rive convexe, construite, est basse.
À force de s'accentuer, deux méandres voisins peuvent se recouper ; ce
recoupement peut se faire de deux façons différentes :
par débordement, quand, pendant une crue, toute la plaine est mondée et
que le courant garde après la crue le trajet rectiligne plus court plutôt
que de décrire le méandre (ce processus est évidemment impossible
dans le cas de méandres encaissés) ;
par tangence (on dit aussi par contact), quand l'exagération de la cour‐
bure réduit à néant le pédoncule (figures 15.4).
Figure 14 Exagération d'un méandre par creusement (figuré en
hachures) des rives concaves et alluvionnement (figuré en pointillé)
sur les rives convexes
Quand le cours d'eau ne creuse ni ne dépose, on dit qu'il est en état d'équi‐
libre ou qu'il coule sur une pente d'équilibre car il a la pente qui lui procure la
vitesse juste suffisante pour lui donner une puissance capable d'assurer trans‐
port et frottements internes.
Si le cours d'eau creuse en amont, comme il n'y a aucune raison pour qu'il
creuse aussi plus en aval, sa pente diminue entre l'endroit où il creuse et celui
dont l'altitude ne change pas, plus en aval. En diminuant sa pente, ce cours
d'eau diminue sa vitesse, donc sa puissance et il tend à cesser de creuser, à
trouver une pente d'équilibre. On peut faire le raisonnement correspondant
pour un cours d'eau qui dépose. En déposant dans son lit en un point, comme
il n'y a aucune raison qu'il dépose en aval, il tend à augmenter sa pente, donc
sa vitesse, et à devenir assez puissant au point considéré pour être capable de
transporter sa charge. Dans ce cas aussi, il retrouve une pente d'équilibre.
On voit que la pente d'équilibre n'est pas celle qui permet juste au cours
d'eau de couler mais bien celle qui permet au cours d'eau de couler et de trans‐
porter. La pente qui permettrait juste de couler serait vraiment infime : envi‐
ron 2 centimètres pour 1 000 kilomètres dans le cas d'un cours d'eau comme le
Rhin, ce qui lui donnerait une altitude de 2 centimètres à Bâle au lieu de 240
mètres ! Dans la nature, tous les cours d'eau ont une charge à véhiculer.
Bien entendu, la puissance et la charge varient à tout moment et surtout
entre les crues et les étiages. Quand on dit qu'un cours d'eau a, en un point,
une pente d'équilibre, on veut dire que c'est là son état moyen, et que la résul‐
tante de multiples actions de creusement et de remblaiement échelonnées au
cours de l'année est à peu près nulle. En fait, les cours d'eau travaillent surtout
en période de crue ; le travail des basses eaux et même des eaux moyennes est
bien peu de chose à côté de celui qui se produit lors des grands cataclysmes.
Nous avons déjà des exemples de cours d'eau creusant (le torrent dans son
bassin de réception) et de cours d'eau remblayant (le torrent sur son cône de
déjection) mais tous les cours d'eau, à des échelles diverses, creusent en tel
endroit, remblaient en tel autre, et régularisent leur cours. En effet, un cours
d'eau n'est pas libre de modifier son débit qui lui est donné par son bassin-ver‐
sant, lequel reçoit les pluies ; il n'est pas libre non plus de modifier instantané‐
ment sa charge mais il peut en revanche modifier sa pente en creusant ou
déposant, donc modifier sa vitesse pour retrouver l'équilibre dont nous avons
parlé.
Chaque section où s'effectue le creusement tend à remonter vers l'amont,
pour des raisons difficiles à expliquer ici. On dit que l'érosion est régressive.
On en a la preuve, par exemple dans le recul des grandes cascades, telles que
la chute du Niagara. Les ravinements qui se créent dans les champs lors d'un
orage et qui sont comme de petits cours d'eau expérimentaux tendent à se pro‐
pager vers le haut à l'orage suivant. Au changement d'échelle près, il en est de
même sur les fleuves et les rivières (figure 16).
1. Capture et déversement
Soit deux cours d'eau proches 1 et 2 coulant à des niveaux différents (figure
18), 2 se trouvant perché au-dessus du cours de 1. Sur le territoire qui sépare
les deux cours, les affluents de 1, de pente plus forte que ceux de 2, vont recu‐
ler leur tête par érosion régressive. Un affluent de 1, que nous nommerons 3,
va ainsi reculer sa source jusqu'à atteindre le cours de la rivière 2 en un
point C. La pente de 3 étant forte, le cours de 2 va s'engouffrer dans celui de 3
et se jeter dans 1. Il va creuser le cours et consolider sa capture.
On appelle 1 cours d'eau bénéficiaire, 3 cours d'eau conquérant (ou de sou‐
tirage), 2 cours d'eau tronçonné, le cours de 2 en amont de C cours capturé. Le
coude du nouveau cours d'eau en C est le coude de capture. Sur l'ancien cours
de 2, immédiatement en aval de C, la vallée est sans rivière : on l'appelle val‐
lée morte.
Soit des cours d'eau 1 et 2 de même disposition que dans le cas précédent
(figure 19). Si le cours d'eau 2 est au-dessous de son profil d'équilibre (bien
qu'il soit au-dessus du cours d'eau 1), par exemple dans le cas où une charge
anormalement forte lui vient de l'amont, il exhausse son lit et peut remblayer
sa vallée jusqu'à un niveau supérieur à celui des cols les plus bas séparant son
bassin de celui du cours d'eau 1. Oscillant sur sa plaine de remblaiement,
comme un torrent sur son cône de déjection, il pourra ainsi obliquer vers le
bassin du cours d'eau 1 ou, comme on dit, s'y déverser, sans que le travail des
cours d'eau du bassin du cours 1 y soit pour rien. Une fois le déversement
effectué, la dénivellation augmentant, le cours d'eau qui vient de se constituer
creuse et consolide son nouveau tracé.
Figure 19 Déversement
La figure représente la situation à la veille du déversement. En
trait interrompu, le futur tracé de déversement. En pointillé, rem‐
blaiement.
Le cas le plus célèbre de détournement par capture ou déversement est celui
de la Haute-Moselle capturée à Toul par un affluent de la Meurthe-Moselle en
aval de Frouard : la Haute-Moselle s'écoulait dans la Meuse, qui a été ainsi
privée, par la capture, d'un de ses affluents (figure 20).
2. La hiérarchisation du réseau
Les captures et les déversements tendent à une hiérarchisation du réseau. En
effet, soit une pente uniforme : le réseau originel suit la pente en cours paral‐
lèles, comme on le voit sur un talus argileux après un orage. La disposition
hydrographique de l'Armagnac, déjà mentionnée, en donne un exemple appro‐
ché.
Mais les conditions ne sont pas strictement uniformes sur tous ces cours
d'eau équidistants ; un avantage peut naître pour l'un d'entre eux d'une alimen‐
tation légèrement plus abondante, ou d'une lithologie moins résistante. Dès
lors, le cours d'eau avantagé va tendre à devenir conquérant, car il creuse plus
que ses voisins et les menace de capture. Chaque capture augmente son débit
et accroît son avantage ; ainsi les avantages du cours d'eau font boule de
neige, et le réseau du conquérant s'étend de proche en proche.
Toutefois, le réseau conquérant ne va pas s'étendre indéfiniment. Il se heur‐
tera à des barrières de roches dures, à des mouvements orogéniques qui ten‐
dront à créer sur les faîtes tectoniques de nouvelles lignes de partage.
En même temps que le réseau s'élargit et que se constituent les grands bas‐
sins fluviaux, les continents s'usent. En effet, ils perdent constamment des
matériaux. Même si l'alluvionnement exhausse momentanément une petite
zone comme le cône de déjection dans la vallée alpine, la résultante des
actions fluviatiles est à sens unique : les matériaux vont finalement de l'amont
à l'aval pour se déposer au fond des mers ; les altitudes d'ensemble diminuent ;
on tend vers un aplanissement.
Le travail d'usure régulière peut être perturbé par des mouvements tecto‐
niques et même par des changements de climat. La marche vers l'aplanisse‐
ment exige une grande stabilité du terrain pendant une longue période ; elle
peut tout au plus tolérer des mouvements tectoniques lents, de vitesse infé‐
rieure à celle du creusement fluvial. Mais des mouvements rapides (soulève‐
ments, déformations accompagnées parfois de failles et de plis) perturbent ou
brisent le profil d'équilibre, et l'érosion n'arrive pas à rétablir une évolution
conforme à ce qui vient d'être indiqué, des creusements et des remblaiements
locaux s'exerçant de façon en apparence brouillonne au gré des changements
de pente. Même problématique en ce qui concerne des évolutions de climat,
modifiant les débits et les charges fluviatiles.
Il y a des types divers de comportements régionaux. Un espace assez stable
comme le Bassin parisien s'oppose au monde méditerranéen, domaine de tec‐
tonique active avec des soulèvements, des affaissements, des failles
cisaillantes, l'œuvre fluviale d'aplanissement ne s'étant exercée que dans des
secteurs limités. Quand les mouvements datent du Quaternaire, on parle de
néotectonique.
Au cours de l'histoire géomorphologique, une région peut traverser des
périodes calmes et des périodes de mouvements tectoniques. Que se passe-t-il
si les périodes calmes sont longues et les périodes de mouvements brèves ?
C'est ce qu'a considéré comme le cas général, vers la fin du XIX siècle, le géo‐
e
4. La pénéplaine
Après un temps très long (plusieurs millions d'années vraisemblablement,
pour des roches de résistance moyenne), si aucun accident n'est venu contra‐
rier l'évolution du cycle, le relief est réduit à une surface sans grandes dénivel‐
lations. C'est la pénéplaine.
Une pénéplaine est un ensemble de talwegs et d'interfluves. Ceux-ci, du
moins sous un climat tempéré, doivent présenter des pentes encore sensibles :
les pentes limites pour que les agents du modelé des versants soient encore
actifs (creep, ruissellement diffus). Les talwegs peuvent en revanche présenter
une topographie aussi plane que possible puisqu'un manteau d'al luvions les
occupe ; mais leurs pentes longitudinales ne sont pas nulles : il reste encore,
en effet, une charge à évacuer.
L'érosion ne saurait aboutir à un aplanissement parfait, du moins sous cli‐
mat tempéré ; on ne peut admettre la réalisation d'une véritable plaine d'éro‐
sion que sous un climat tropical à longue saison sèche et les topographies
d'érosion parfaitement aplanies qui peuvent être conservées sous climat tem‐
péré sont les restes d'une époque où régnait un climat tropical.
Les pénéplaines présentent même parfois des reliefs sensibles, résiduels. Du
nom de l'un d'eux, un sommet de la Nouvelle-Angleterre, aux États-Unis, on
les appelle des monadnocks (figure 22C). Il s'agit de buttes surbaissées se rac‐
cordant progressivement, à la base, avec la surface générale de la pénéplaine.
Ils sont dus soit à la dureté particulière de la roche qui les constitue (monad‐
nocks dits de résistance), soit à leur éloignement par rapport aux vallées prin‐
cipales, à leur situation sur des lignes de partage des eaux (monadnocks dits
de position). Une plaine d'érosion tropicale présente aussi, on le verra, des
reliefs, aux versants particulièrement vigoureux et ne se raccordant pas à la
surface de la pénéplaine, mais s'enlevant brusquement au-dessus d'elle : ce
sont les inselbergs (chapitre 20.1.3). Beaucoup de monadnocks actuels sont
vraisemblablement d'anciens inselbergs, vestiges d'une époque où le relief des
pays aujourd'hui tempérés était modelé sous un climat tropical à longue saison
sèche, mais des inselbergs dont les versants se sont adoucis, depuis lors, sous
climat plus frais.
Il n'existe pas de pénéplaine en rapport avec le niveau de base actuel ; c'est
que le niveau de base actuel s'est fixé à une époque très récente alors que le
développement d'une pénéplaine nécessite un temps très long. Les pénéplaines
que l'on observe dans les massifs anciens de l'Europe occidentale datent du
Primaire, du Secondaire ou du début du Tertiaire. Elles ont été soulevées par
les mouvements tectoniques de la fin du Tertiaire, mouvements qui leur ont
valu d'être reprises par l'érosion, réentaillées par des vallées encaissées qui
tendent à détruire le relief de pénéplaine. Ainsi s'expliquent les surfaces du
Massif Central français, du Massif Schisteux rhénan, qui dominent de 100,
200, 500 mètres et plus les gorges qui les entaillent.
Il ne faut pas considérer leurs quelques centaines de mètres d'altitude
comme un résidu des quelques milliers de mètres de la chaîne hercynienne,
mais leur évolution les a fait passer par un stade d'aplanissement presque total
(altitude : quelques mètres ou quelques dizaines de mètres), puis par une
phase d'exhaussement massif, qui leur a donné leur altitude actuelle (rajeunis‐
sement).
Puisque les portions de pénéplaines qui subsistent sont des surfaces
anciennes, comment dater leur élaboration ? C'est ici que le géomorphologue
doit se faire détective et chercher des pièces à conviction ! Une pénéplaine qui
tranche des couches plissées par les mouvements hercyniens de la fin du Pri‐
maire et qui est recouverte par des couches de grès déposé au début du Secon‐
daire, est évidemment postérieure aux mouvements de la fin du Primaire et
antérieure aux dépôts des grès qui l'ont fossilisée au début du Secondaire
(figure 23). Elle date donc de la limite entre le Primaire et le Secondaire. C'est
une pénéplaine posthercynienne et prétriasique (le Trias est le début du Secon‐
daire).
Il y a bien d'autres moyens de dater une pénéplaine, mais il s'agit là d'une
recherche difficile que l'on ne peut aborder ici.
Figure 23 Datation d'une pénéplaine
5. Les lacs
Considérons une région qui a été aplanie au point d'être devenue une péné‐
plaine. Les cours d'eau y coulent lentement, creusent à peine, déposent à
peine. Supposons que des mouvements tectoniques soulèvent l'ensemble de la
région. L'érosion va s'activer, à la fois régressivement et globalement ; on pas‐
sera par les stades de maturité et de vieillesse. Une nouvelle pénéplaine se
substituera finalement à l'ancienne (figure 22, p. 45).
Mais, tant que le travail de la nouvelle vague d'érosion régressive n'a pas
atteint un degré d'évolution avancé, il subsiste dans la région de larges por‐
tions de l'ancienne pénéplaine. La forme récente, en voie d'élaboration à partir
de l'aval, est littéralement emboîtée dans ce qui subsiste de l'ancienne péné‐
plaine. Sur le profil en long des fleuves, et peut-être de leurs affluents, on dis‐
tingue une rupture de pente correspondant à l'endroit où est parvenue, dans sa
remontée, la nouvelle vague d'érosion régressive.
Géographie structurale
Chapitre 6
Introduction
LA GÉOGRAPHIE STRUCTURALE, on l'a vu, comprend l'étude de la nature des
matériaux (la lithologie) et aussi l'étude de leur disposition. Il importe de
connaître les caractères originaux des roches et d'abord de les classer d'un
point de vue morphologique. Mais il convient de faire précéder cette étude de
quelques définitions.
On ne peut définir le terme roche que par rapport à deux autres termes :
minéral, sol.
1.1. Minéral
Une roche est une portion quelconque de l'écorce, portion qui présente
seulement une homogénéité relative. Elle comprend plusieurs minéraux juxta‐
posés, sous la forme cristalline ou amorphe, chaque minéral se présentant sous
sa forme originelle ou fragmenté en débris. Exemples : le calcaire, le granit.
Ainsi, le granit est formé de quartz, de feldspath (deux types de feldspath le
plus souvent) et de mica noir. Il peut aussi contenir d'autres minéraux. Dans
un même granit, l'association des minéraux varie entre certaines limites
étroites, qui donnent au granit en question son homogénéité. Mais elle n'est
pas absolument fixe, tandis que chaque minéral a sa composition fixe quelle
que soit l'association.
Les roches se débitent suivant des joints, appelés diaclases (figure 29), qu'il
ne faut confondre ni avec des cassures tectoniques (fractures ou failles suivant
que la cassure dénivelle ou non la roche), ni avec les plans de stratification
séparant certaines couches. Les diaclases semblent dues tantôt aux conditions
de refroidissement des masses éruptives, tantôt aux relâchements de pression
pendant les efforts tectoniques, tantôt aux conditions de consolidation des
sédiments après leur dépôt.
1. Quelques définitions
Lorsque les grains ne sont pas cimentés, on classe les roches selon la gros‐
seur de ces grains, selon un critérium qui se trouve donc être purement phy‐
sique.
Il existe plusieurs classifications d'après la dimension des grains. Voici la
plus simple :
• Grains de plus de 200 mm de longueur : blocs
Grains compris entre 20 mm et 200 mm : galets ou cailloux
Grains compris entre 2 mm et 20 mm : gravier
Grains compris entre 0,2 mm et 2 mm : sable grossier
Grains compris entre 20 µm et 200 µm : sable fin (micron se dit aussi
micromètre)
Grains compris entre 2 µm et 20 µm : limon
Grains plus petits que 2 µm : argile, qui, par les dimensions de ses
grains, est susceptible de former des solutions colloïdales.
Les grains plus petits que 50 µm représentent, dans les arènes, la frac‐
tion fine, qu'il est intéressant d'évaluer.
Il va sans dire que, dans la nature, toutes les formations ne sont pas cali‐
brées, et que, souvent on se trouve en présence d'une roche dont les consti‐
tuants sont de dimensions variables. L'étude de la dimension des grains s'ap‐
pelle la granulométrie. On représente la composition granulométrique d'une
formation géologique par un graphique. Le plus souvent on met en abscisse la
taille des grains suivant une progression logarithmique ; en ordonnées, on
figure les pourcentages cumulés de chaque taille suivant une échelle arithmé‐
tique. La figure 31 montre une formation bien classée car il existe très peu de
grains de moins de 1 millimètre et très peu de grains supérieurs à 1,5 milli‐
mètre, parce que toute la formation est constituée d'éléments dont le calibre
est compris entre ces deux valeurs. Au contraire, le graphique suivant (figure
32) représente une formation constituée de grains de tailles différentes (on dit
qu'elle est hétérométrique, alors que la première était homométrique). On peut
donc avoir affaire à une formation de cailloux emballés dans des limons ou à
une formation mélangeant des sables et des argiles.
Figure 31 Courbe granulométrique d'une formation bien calibrée, «
homométrique »
Figure 32 Courbe granulométrique d'une formation mal calibrée («
hétérométrique »)
Toutes ces méthodes peuvent s'appliquer aussi bien à des roches sédimen‐
taires proprement dites qu'à des dépôts superficiels ; on peut même (et on le
fait couramment) étudier la granulométrie d'un sol. On remarquera d'ailleurs
que les termes géologiques qui désignent les roches à grains s'emploient aussi
pour les débris provenant d'une altération : s'il y a en effet des argiles et des
sables qui sont des roches sédimentaires proprement dites déposées en séries
de strates, d'autres sont, au contraire, le résultat d'altérations chimiques sur
place (argile surtout) ou de désagrégation mécanique (sable surtout). Mais
nous n'allons étudier ici que les argiles ou les sables constituant des roches
sédimentaires proprement dites.
Les sables sont formés, en général, de grains de quartz parce que le quartz
est résistant, pratiquement inaltérable, et que l'altération a enlevé les autres
éléments. Le quartz est extrêmement résistant parce qu'il est dur, mais le sable
ne peut pas être considéré comme une roche résistante parce que chaque grain
peut être entraîné par rapport au suivant : le sable est meuble, surtout quand il
est sec, sauf quand il est emballé dans une manière argileuse liante ou quand il
est gelé. Un sable compacté est une arénite.
Les versants sableux sont très convexes car ils sont surtout modelés par le
creeping ; cependant, en climat sec ou sur les littoraux dépourvus de végéta‐
tion, le sable se modèle en dunes, comme on l'étudiera en géomorphologie cli‐
matique.
Le sable est perméable puisque l'eau s'infiltre entre les grains. Cependant,
comme les interstices entre les grains sont réduits, il est vite saturé en cas de
pluies abondantes et l'eau dans les talwegs constitue alors des ruisseaux tem‐
poraires.
Sous certains climats, des actions chimiques peuvent contribuer aussi à
l'imperméabilité du sable malgré la perméabilité originelle. Ainsi, sous climat
frais, il se forme un sol compact, le podzol, qui accentue l'imperméabilité. Le
sol des Landes de Gascogne, pays marécageux, est un typique podzol.
Les argiles sont, à l'inverse des sables, très imperméables parce que les
espaces entre leurs grains sont encore plus faibles et surtout parce que l'eau et
l'argile forment pâte, l'eau s'immisçant entre les feuillets microscopiques qui
constituent les molécules d'argile. Il y a donc, dans les régions argileuses, tout
un chevelu hydrographique.
Puisqu'elle forme pâte avec l'eau, l'argile peut solifluer ; mais il faut, pour
cela, que la pénétration de l'eau soit profonde ce qui est rare en raison de l'im‐
perméabilité. L'argile ne soliflue vraiment que si elle inclut des bancs plus
grossiers qui forment niveau d'eau.
En général, l'eau qui ruisselle sur l'argile l'entaille facilement. Elle ravine
les régions argileuses ; dans les régions aux pluies rares et violentes, pauvres
en végétation, des ravins ramifiés, très étroits et très rapprochés, profonds de
quelques mètres, séparés par des crêtes relativement aiguës, forment un pay‐
sage où l'on circule mal et que l'on nomme bad-land (du nom des Bad-Lands
du Dakota, aux États-Unis). Sur les pentes très fortes, l'argile donne des
loupes, bosselant tout le versant. En effet, le creeping proprement dit se fait
mal puisque les grains sont liés les uns aux autres.
Sur les terrains absolument plats, le ravinement a peu de prise et le glisse‐
ment est inconnu. C'est le cas d'anciens fonds de mers argileux comme celui
de la mer Champlain au Canada. La mer Champlain, qui a recouvert les par‐
ties basses du pays peu après la dernière glaciation, a aujourd'hui disparu,
mais ses argiles forment de grandes plaines unies. Analogues aux argiles
Champlain et de même époque, les argiles à Yoldia (fossile caractéristique)
constituent de grandes plaines sur le pourtour de la mer Baltique.
Quand l'argile se dessèche, elle se fend et se craquelle. Mais que survienne
l'orage et l'eau pourra l'imbiber jusqu'à une bonne profondeur, facilitant glisse‐
ment ou ravinement.
Les marnes sont des argiles qui contiennent une certaine proportion de cal‐
caire ; quand elles ne sont pas trop calcaires, elles évoluent à peu près comme
des argiles.
1. Composition et propriétés
Les calcaires sont des carbonates de chaux (CaCO ) plus ou moins impurs.
3
Les calcaires karstiques ceux dont le relief est caractérisé par le processus
de dissolution sont des calcaires relativement purs ou des dolomies, carbo‐
nates doubles de calcium et magnésium.
La dolomie a un relief original : « ruiniforme » à allure de tourelles, comme
à Montpellier-le-Vieux dans les Causses. Ces formes fantastiques ne sont pas
dues comme on le croyait, à la progression inégale de la dissolution selon la
proportion de carbonate de calcium soluble et de carbonate de magnésium
pratiquement insoluble, mais au fait qu'à la différence des autres roches cal‐
caires, la dolomie donne des débris de la taille des sables et des graviers :
l'émiettement arrondit les formes.
Moins soluble en théorie que le calcaire pur puisqu'elle contient du carbo‐
nate de magnésium, la dolomie est cependant très exposée aux attaques de
l'eau parce qu'elle est très poreuse.
Le nom de karst vient d'une vieille racine linguistique qui signifie pierre. Il
a été donné à une région située aux limites de la Slovénie, de la Croatie et de
l'Italie et étendu ensuite par les géographes. Les régions karstiques sont parti‐
culièrement pierreuses car le calcaire ne donne pas de petits fragments ; sur
ses versants, se débitent soit des argiles, soit des blocs ; les versants ne sont
donc pas soumis au creeping comme s'ils étaient formés de grains sableux,
d'où des profils anguleux avec des escarpements verticaux séparés par des
pentes douces ou par des talus d'éboulis. Les plateaux sont nus, peu ou point
coupés de vallées, mais présentant des dépressions fermées de formes et de
dimensions variables. Ce relief, où l'on ne reconnaît pas la marque de l'érosion
fluviatile, s'explique par l'absence à peu près totale de tout écoulement super‐
ficiel, bien que le climat soit assez humide pour que s'établisse un réseau
hydrographique permanent. Ici, les eaux pénètrent le calcaire et circulent en
profondeur en dissolvant intérieurement la roche. Tout se passe comme si la
région se vidait mystérieusement de sa substance en fondant pour ainsi dire
sur elle-même.
Le canyon
Une forme fréquente dans les régions karstiques, et qui représente cepen‐
dant un écoulement subaérien, est le canyon. C'est une vallée à flancs raides,
un véritable trait de scie entre des plateaux calcaires (figure 35A). Le canyon
du Petit Colorado (celui du Grand Colorado n'est pas un vrai canyon car le
fond s'élargit dans le socle), celui du Tarn, dans les Causses, celui du Verdon,
dans les Alpes du Sud, en représentent des exemples saisissants. La dureté et
la perméabilité des versants expliquent que l'essentiel de l'érosion se fasse sur
le fond du lit, tandis que les flancs évoluent lentement. Ils se présentent
comme une succession de parois abruptes, de surplombs, de talus en pente
moins raide, le tout disposé selon l'alternance des bancs calcaires. Les rivières
qui traversent les régions karstiques en canyon sont des rivières allogènes,
c'est-à-dire qui ont leur source ailleurs, dans des régions imperméables, et qui,
sur leur fond alluvial qui atténue les pertes à la traversée de la région calcaire,
arrivent à conserver une partie de leurs eaux. Tel est le Tarn, né au pied de la
montagne cristalline de la Lozère.
Les canyons ne sont que rarement d'anciennes rivières souterraines dont la
voûte se serait effondrée, mais le plus souvent leurs rivières se sont encaissées
sur place.
Les canyons n'existent que si le calcaire dans lequel ils se creusent est assez
épais pour affleurer aussi bien sur le fond du talweg que sur les flancs. Si, au
contraire, un cours d'eau atteint une couche imperméable sous-jacente (marne
par exemple), l'évolution est toute différente. La vallée s'élargit par le fond,
puisque l'évolution des versants par ruissellement se fait rapidement sur la
roche imperméable. D'où un profil en U, les formes amples du fond étant
dominées par des escarpements verticaux. Vers l'amont, la vallée aboutit à une
source vauclusienne, au contact de la couche imperméable et des calcaires
sus-jacents. Mais au-dessus de la source vauclusienne, un abrupt calcaire
ferme la vallée. On a donc une vallée en cul-de-sac (exemple de la vallée
d'Autoire, sur le rebord nord du Quercy), une reculée, comme on dit sur le
rebord du Jura au-dessus de la plaine de la Saône, un « bout-du-monde »
(figure 35B).
Formes structurales
Si le calcaire a été plissé, comme c'est le cas dans les Préalpes, il est attaqué
par l'érosion comme on l'étudiera à propos de l'évolution du relief plissé. Il
peut alors constituer des buttes à sommet incliné ou gondolé dont la surface a
l'aspect pierreux caractéristique et dans la masse desquelles l'eau s'infiltre en
un réseau profond exerçant la dissolution. La perméabilité et la résistance de
la roche permettent à ces reliefs calcaires bordés de grandes parois abruptes,
de défier longtemps la destruction : les plateaux ondulés du Vercors, les hauts
sommets isolés de la Grande-Chartreuse, sont un exemple caractéristique
(formes structurales dérivées, p. 125).
Lapiez
Ce sont des ciselures à la surface des roches calcaires. Elles peuvent être
recouvertes d'une terre ou paraître à l'air libre. Dans le premier cas (lapiez vir‐
tuel), l'attaque de la roche s'effectue grâce à l'humidité et aux acides humiques
du sol. Dans le second, c'est l'eau de ruissellement qui est responsable de l'at‐
taque. Les formes sont alors étranges : champs de pierres, chenaux profonds,
etc. Les dimensions des creux et des reliefs du lapiez sont de l'ordre du mètre.
Aven
Doline
Ouvala
Poljé
Le mot poljé, dans les langues slaves, signifie tout simplement plaine, mais
les géomorphologues réservent le nom à une plaine karstique fermée, large de
quelques centaines de mètres à quelques kilomètres, longue de quelques kilo‐
mètres à quelques dizaines de kilomètres, qui contraste par sa platitude et sou‐
vent par sa mise en culture avec les plateaux karstiques pierreux qui la bordent
(figure 38).
Figure 38 Un poljé
Vallons secs
La circulation intérieure des eaux dans une région calcaire (figure 39) se
fait entre des points d'absorption, innombrables fissures, avens, ponors, où
disparaissent des rivières subaériennes, et des résurgences (les puristes disent
exsurgence quand l'origine de l'eau est diffuse et réservent résurgence pour la
réapparition d'un cours d'eau précis) : certains tracés souterrains ont pu être
prouvés par des expériences de coloration des eaux. Mais certaines eaux dis‐
paraissent sans qu'on ait jamais réussi à mettre en évidence leur point de résur‐
gence, comme si elles allaient se perdre dans une nappe profonde ou dans le
fond de la mer.
Entre le point d'absorption et le point de sortie, le tracé est indépendant de
celui des rivières superficielles anciennes ou actuelles ; ainsi, il n'existe pas de
rivière souterraine sous les canyons.
Le trajet souterrain s'effectue par des puits et des galeries. Dans ces gale‐
ries, les eaux circulent soit en écoulement libre, par gravité, soit sous pression.
Puits et galeries suivent les points faibles de la masse rocheuse : plans de stra‐
tification, diaclases, etc. Leur tracé est toujours compliqué.
Il n'y a pas de communication, en général, entre deux galeries voisines :
l'une peut être sèche et l'autre occupée par l'eau. Il n'y a donc pas, dans les
karsts, une nappe phréatique continue. À la rigueur on peut parler de nappe
continue dans les alluvions qui tapissent le fond de certains poljés et dans cer‐
tains calcaires poreux et peu fissurés mais, en général, on ne peut pas considé‐
rer qu'il existe un niveau de base intérieur en fonction duquel se fait l'attrac‐
tion des eaux superficielles.
Figure 39 Exemple de circulation karstique
On devine que les karsts, puisqu'ils se modèlent par dissolution, sont érodés
beaucoup plus sûrement sous un climat humide que sous un climat sec. Quant
à l'action de la température, elle est très discutée, parce que l'eau froide,
contrairement à ce qu'on pourrait croire, dissout plus de gaz carbonique que
l'eau chaude, mais l'eau chaude dissout mieux le calcium que l'eau froide, de
sorte que ceci compense cela et que les avis sur l'efficacité de la température
sont partagés.
Cependant, il semble bien que les karsts les plus typiques soient ceux des
régions intertropicales (figure 40). Là, les pentes raides sont encore plus verti‐
gineuses que dans les pays tempérés, et les hums qui dominent le fond des
poljés ressemblent à des tourelles (on parle de karsts à tourelles ou de karsts à
pitons : Cuba, Nord Viêt-nam, etc.) ; là sont aussi les plus beaux poljés. Du
relief karstique, le plus caractéristique, mais non le seul des reliefs calcaires,
on retiendra en tout cas les grands contrastes entre les plateaux pierreux, les
versants qui les limitent versants de canyons, rebords de poljé et les fonds où
se rassemble la terre (fond de dolines ou de poljés) ; les formes y sont donc
particulièrement originales ; on a même parlé d'une morphologie poussée jus‐
qu'à l'absurde.
Figure 40 Karst à tourelles tropical, Chine du Sud
On appelle cristallophylliennes, les roches qui, quelle qu'ait été leur nature
originelle, ont subi une transformation appelée métamorphisme (figure 41).
Cette transformation est le résultat de la chaleur et de la pression ; elle
consiste en une recristallisation effectuée selon une certaine direction, si bien
que les cristaux de roches métamorphiques sont orientés.
On distingue trois types de métamorphisme :
• Le métamorphisme de contact, au voisinage d'une masse éruptive
intrusive. Les roches qu'il engendre sont appelées cornéennes. D'une
façon générale, ce métamorphisme n'intéresse qu'une zone étroite,
quelques centaines de mètres en général. Ainsi, l'intrusion du granit
de Margeride dans les micaschistes a donné près du confluent du Lot
et de la Truyère (Massif Central français) une auréole métamorphique
qui ne dépasse pas 3 kilomètres de largeur.
Figure 41 Schéma montrant les rapports de différentes « zones » cris‐
tallophylliennes et de roches plutoniques
Toutes les roches cristallines sont imperméables, mais certains des sols qui
en dérivent laissent s'infiltrer l'eau. C'est le cas des arènes granitiques. Cette
perméabilité des sols explique que quelques têtes de vallées n'ont pas de cours
d'eau mais, vers l'aval, le ruisseau ne tarde pas à sourdre ; en effet, les sources
sont nombreuses, insignifiantes le plus souvent, à l'opposé des résurgences
caractéristiques des pays calcaires. Il en résulte que les vallées sont rappro‐
chées, déterminant entre elles des croupes, des échines plus ou moins élevées
selon l'enfoncement des talwegs. Cette topographie est caractéristique des
régions cristallines et domine toute la répartition des sols arables et de l'instal‐
lation humaine.
Les croupes sont en général convexes, parce que les débris cristallins sont
sujets au creep, qui l'emporte sur le ruissellement concentré. Mais, dans le
détail, des formes originales accidentent souvent ces versants.
Au sommet, peuvent se trouver des crêtes dentelées, en général dues à des
roches aplitiques (qui sont souvent des filons mis en relief par l'érosion) ou
des tors, volumes rocheux de taille décamétrique, diaclasés mais bien en
place, qui émergent du manteau d'arène. D'autres sommets ont des formes de
dômes lisses, rocheux, fréquents surtout dans les pays intertropicaux et qui
représentent souvent des affleurements de roches plus dures que leurs voi‐
sines. Ce sont les pains de sucre, dont le plus célèbre domine la baie de Rio de
Janeiro (chapitre 19, p. 180). La rotondité est parfois structurale, correspon‐
dant à des diaclasés courbes accompagnant un toit de batholite, mais comme
elle affecte parfois aussi des roches sédimentaires ou des coulées de lave, il
faut bien admettre qu'elle peut être due à des phénomènes de décompression,
de décharge, après l'ablation de tranches sus-jacentes du relief.
Ailleurs, on voit apparaître des boules, surtout dans les granits à grain
moyen. Ces boules peuvent former de véritables chaos ou des amoncelle‐
ments, avec des roches en équilibre les unes sur les autres (comme dans le
Sidobre du Massif Central français ou le Huelgoat, en Bretagne). Les boules
se forment : soit à l'air libre, à partir de blocs parallélépipédiques, déterminés
par le réseau de diaclasés, les angles étant progressivement arrondis ; soit par
une préformation interne : des boules de granit dur sont, en profondeur, entou‐
rées d'une série d'écailles de granit altérable. Cette disposition a une origine
mal connue. En tout cas, on comprend que l'érosion dégage facilement les
écailles de granit altéré et mette à jour les noyaux résistants.
Sous certains climats, secs toute l'année (Sahara, Antarctique) ou une
grande partie de l'année (Corse, Sardaigne) les boules sont excavées de cavités
sphériques d'origine mal connue, dont les dimensions sont de l'ordre du mètre.
Ce sont les taffoni.
La tectonique récente du cristallin est dominée par la rigidité. Le cristallin
ne se plisse que sous des conditions de température et de pression qui ne sont
jamais réalisées quand il affleure en surface ou qu'il reste enfoui sous couver‐
ture peu épaisse. Il y a, certes, des degrés dans cette rigidité, qui est plus faible
dans les roches cristallophylliennes (en raison des possibilités de glissement
des plans de cristaux les uns sur les autres) que dans les roches cristallines
plutoniques. Mais, d'une façon générale, le cristallin ne se plisse pas, ou ne se
plisse qu'à grand rayon de courbure. Il peut, en revanche, se débiter en une
multitude de blocs basculés de toute taille ou pupitres, dénivelés les uns par
rapport aux autres par des failles.
Les fractures sont donc un des traits majeurs des régions cristallines ; elles
se traduisent par des escarpements plus ou moins émoussés, parfois aussi par
des vallées de ligne de fracture, ou de ligne de broyage, les cours d'eau se
fixant sur ces zones de faible résistance. On en connaît de très beaux exemples
au Portugal ; il en existe peut-être aussi dans la Forêt-Noire (vallée de l'Elz) :
leur dessin rectiligne, comme s'il était indépendant de la pente et de toute
influence lithologique, ressemble à un coup de hache dans la montagne. Ces
vallées de ligne de fracture sont surtout caractéristiques des roches pluto‐
niques, mais ne sont pas absentes dans les roches cristallophylliennes.
Le type hawaïen est caractérisé par des épanchements de laves très fluides,
toutes les autres manifestations (explosions, projections, formation d'un cône
de scories) restant fort rares. L'éruption est continue, en ce sens que le cratère
est un lac dont la lave bouillonne des années entières et s'en épanche de temps
à autre par débordement ou par une fissure. Les types les plus parfaits et les
mieux étudiés sont représentés par les volcans des îles Hawaï, comme le
Mauna-Loa, qui dépasse 4 100 mètres, ou le Kilauea (1 235 m) leurs cratères
se sont cependant vidés. Le Nyamlagira et le Nira-Gongo, au Kivu (Afrique
Centrale), l'Erta Alé, dans la corne de l'Afrique, la Fournaise, à la Réunion,
appartiennent au même type.
Le mode d'activité strombolien (du nom du volcan Stromboli, une des îles
Lipari, situé au nord de la Sicile) est également continu ; le cratère contient de
la lave fluide, mais, de temps à autre, le volcan projette une colonne de gaz et
de pierres. Habituellement, ces explosions ne présentent aucun danger, les
matériaux retombant dans le cratère même, mais sont très fréquentes (plu‐
sieurs par heure) ; elles sont particulièrement spectaculaires la nuit. En dehors
du cratère, les matériaux vont glisser sur une pente d'éboulis, comme la Sciara
del fuoco du Stromboli. Aux périodes de paroxysme, la lave peut s'épancher
par effusion. Par extension, on appelle éruption strombolienne celle qui émet,
en volume à peu près égal, des scories et des laves, même si l'activité (ce qui
est le cas général) n'est pas continue. Les matériaux rejetés par une éruption
strombolienne sont donc des laves ou des scories.
Le type vulcanien tire son nom du volcan Vulcano, situé dans la plus méri‐
dionale des îles Lipari. La lave, nettement moins fluide que dans les types pré‐
cédents, se solidifie très rapidement ; aussi la cheminée se bouche-t-elle entre
chaque éruption et l'activité se réduit-elle alors à quelques émissions latérales
de vapeurs soufrées. Le paroxysme éruptif est au contraire très violent : la lave
est alors pulvérisée en cendres ou projetée sous la forme de ponces (laves très
bulleuses), avec peu de matériaux grossiers. Ces émissions peuvent s'effectuer
de deux façons : ou par projection d'un panache en parasol d'où retombent les
matériaux fins, ou par écoulements en aérosols à ras de terre. Ces écoulements
se figent en amoncellements de cendres et de ponces plus ou moins soudés
appelés ignimbrites. Les coulées vulcaniennes de lave sont rares et peu éten‐
dues : elles se solidifient très vite, même sur des pentes rapides ; elles sont for‐
mées de laves peu fluides, telles que les rhyolites.
Les reliefs élémentaires construits par les volcans sont les suivants :
Les champs de scories se présentent comme des reliefs plus indécis que les
cônes : simples saupoudrages sur des reliefs préexistants. Les plus étendus
sont composés de cendres pliniennes fines, que le vent peut transporter fort
loin. Des cendres peuvent se sédimenter dans des lacs ; elles deviennent com‐
pactes et forment ce que l'on nomme des cinérites.
La coulée est formée d'une lave liquide qui, à partir d'un point d'émission,
descend sur les pentes par gravité. Elle se refroidit au cours de cette descente,
ralentit son allure et finit par s'immobiliser. Au voisinage du point d'émission,
elle est rapide et étroite ; mais en descendant, sa vitesse se réduit à quelques
mètres à l'heure et sa largeur augmente : elle est de l'ordre de la centaine de
mètres. La surface des coulées peut se présenter sous deux formes différentes,
le pahoehoe, l'aa. Ces termes viennent du langage indigène des îles Hawaii ;
le premier désigne un aspect dû à la solidification d'une croûte très mince sous
laquelle la lave continue à s'écouler en ridant cet épiderme encore élastique.
L'ensemble donne l'impression de la peau rugueuse d'un vieil éléphant à chair
flasque. La lave du pahoehoe peut se lover comme un écheveau de corde, en
se refroidissant (lave cordée) ; elle peut aussi former des excroissances, larges
de 30 à 60 centimètres. Le pahoehoe n'existe que dans le type hawaïen, tandis
que l'aa se rencontre aussi dans les autres types.
L'aa est un chaos de lave scoriacée, semblable à un champ de mâchefer ;
ses irrégularités peuvent atteindre quelques décimètres, mais souvent aussi
quelques mètres de hauteur. En Auvergne, on nomme cheire (c'est-à-dire pays
pierreux) une telle accumulation.
Les coulées diffèrent entre elles non seulement par leur aspect superficiel,
mais aussi par leur forme d'ensemble et par leurs dimensions ; sans parler des
coulées qui s'associent à des formes plus complexes (bavures sur un cône de
scories, coulées se recouvrant les unes les autres), elles diffèrent beaucoup
selon la quantité de lave émise (il y a ainsi des coulées longues de quelques
mètres et des coulées longues de plusieurs kilomètres et même de plusieurs
dizaines de kilomètres) ; elles diffèrent aussi suivant la forme topographique
sur laquelle elles se sont épanchées (pente longitudinale forte ou faible,
variable ou uniforme, profil transversal en pente plus ou moins forte). Cer‐
taines coulées, épanchées dans des vallées étroites et encaissées, s'étirent en
longueur avec un profil transversal convexe, à la manière d'une langue (cou‐
lées filiformes), d'autres, épanchées dans des plaines ou sur des plans inclinés,
s'étalent en largeur. La forme topographique des coulées est donc, dès l'émis‐
sion, extrêmement variable, selon la topographie préexistant à l'épanchement,
selon la quantité de lave émise et aussi selon sa fluidité.
Une lave fluide peut aussi combler le cratère qui l'a émise ou une dépres‐
sion préexistante et y constituer un lac, qui se fige.
Certains volcans explosifs donnent, comme on l'a vu, des dômes de lave
(type le Puy-de-Dôme) ; il se forme aussi, sur les pentes, des conglomérats de
types divers, dont nous n'allons retenir qu'un exemple. Si, sur les pentes d'un
volcan, d'abondantes pluies, ou la brusque vidange d'un lac secoué par un
tremblement de terre, imbibe des cendres fines, il se forme une coulée non de
laves, mais d'eau fangeuse, ou de boue, qui descend par gravité. Un tel phéno‐
mène est dit lahar (mot javanais).
Une fois les reliefs volcaniques construits, l'érosion travaille à les détruire.
Elle profite des inégalités de résistance entre les laves, qui sont dures, les sco‐
ries qui sont relativement peu résistantes, et les roches non volcaniques qui
enrobent ou supportent la lave. L'érosion différentielle joue donc à la fois
d'une roche volcanique à l'autre et des roches volcaniques aux autres maté‐
riaux.
Les cendres volcaniques sont très sensibles à l'érosion ; comme elles sont
fines, elles se saturent rapidement d'eau de pluie, se comportent comme des
roches imperméables, et sont emportées par le ruissellement. Les scories gros‐
sières résistent un peu mieux ; mais elles sont meubles, sujettes au creeping,
de sorte que les pentes des cônes de scories s'émoussent très vite. Au bout de
quelques dizaines de milliers d'années, les cratères ne sont plus apparents, les
cônes, dont les pentes étaient voisines de 35 degrés à l'origine, n'ont plus que
des déclivités de l'ordre de 25 degrés. Les deux millions d'années environ qu'a
duré le Quaternaire, suffisent à les détruire presque entièrement.
La lave des coulées est la roche volcanique la plus résistante. Elle s'érode
quelque peu sur ses bords car sa structure est très diaclasée et présente un
débit prismatique qui permet à l'érosion de la découper en tuyaux d'orgues
(dont l'origine est discutée). En surface, la coulée voit d'abord ses irrégularités
se détruire par éclatement, amenuisement et formation d'un sol (assez rapide‐
ment en pays tropical humide). La coulée la plus rugueuse devient toujours, en
vieillissant, une coulée unie, et, si le climat le permet, cultivable. Une coulée
récente, toujours fissurée, est perméable ; mais à la longue, les débris
comblent les fissures et la coulée devient assez imperméable.
Cependant, malgré le dégagement des prismes sur les bords, et l'établisse‐
ment d'un sol d'altération sur la surface, les coulées résistent bien dans leur
ensemble. Leur érosion aboutit à l'inversion du relief volcanique (figure 43).
À l'origine, une coulée suit la ligne de plus grande pente puisqu'elle est liquide
et qu'elle obéit à la gravité. Elle tend donc à occuper les fonds de vallées où
elle peut d'ailleurs perturber le réseau hydrographique, barrant les vallées
affluentes de celle dans laquelle elle s'épanche et formant ainsi des lacs de
barrage volcanique (exemple : le lac d'Aydat en Auvergne). Mais elle ne tar‐
dera pas à être mise en relief parce que le terrain sur lequel elle s'établit est
pour ainsi dire cuirassé par elle, et que l'érosion travaille plus aisément dans
les roches non volcaniques de part et d'autre. Ainsi, la coulée, qui occupait les
points bas, devient une partie haute de la région. Tout au plus est-elle frag‐
mentée en buttes isolées à sommets plats, qu'on appelle mesas, mot espagnol
qui signifie tables.
Figure 43 L'inversion du relief volcanique
1 : lave ; 2 : marnes
Le sill est le moulage d'un plan stratigraphique séparant deux couches sédi‐
mentaires (figure 45A).
Le laccolite est le boursouflement de lave qui a soulevé en dôme des roches
sédimentaires (figure 45B).
Les destructions violentes sont une autre source de complications. Deux cas
peuvent se présenter : l'explosion et l'effondrement volcaniques. L'explosion,
ou plutôt les successions d'explosions qui font sauter tout une partie de volcan,
donnent des cavités circulaires qui sont souvent à l'origine d'un lac, comme le
lac Pavin en Auvergne. On remarquera qu'il n'existe pas de lac dans les cra‐
tères des cônes de scories grossières car ces dernières sont perméables. Mais
quand les explosions pénètrent jusqu'au socle imperméable du volcan, on
atteint une zone imperméable et l'eau peut séjourner.
Les cratères d'explosion ont un diamètre qui dépasse rarement 1,5 kilo‐
mètre. On distinguera ces lacs de cratères d'explosion, appelés maars, des lacs
de barrage volcaniques.
Sous un cratère d'explosion, la cheminée, de grand calibre, est remplie de
brèches et de masses de lave. On l'appelle un diatrème (étymologiquement :
trou traversant). Seule l'érosion la dégage, quelques millions d'années après
l'éruption. Les cheminées diamantifères de l'Afrique du Sud sont des dia‐
trèmes.
Figure 45 Sill (A) et laccolite (B)
Les effondrements sont fréquents dans les volcans. En effet, sous un volcan,
il existe un réservoir de matières volcaniques qui s'est peu à peu vidé au cours
de l'éruption. Le volcan n'est donc plus supporté par son tréfonds et peut s'ef‐
fondrer en partie. Il en résulte encore une cavité circulaire, en général beau‐
coup plus grande que celle d'un cratère d'explosion. Les grands cratères des
îles Hawaï sont de ce type ; ils s'ouvrent dans les empilements de laves ; il
existe aussi des cratères d'effondrement dans les volcans de lave acide
(exemple : celui du lac Toya au Japon, car ces cratères d'effondrement s'em‐
plissent d'eau eux aussi). Cratères d'effondrement et cratères d'explosion sont
appelés calderas, quand ils sont de grande taille (plus d'1,5 km de diamètre).
Un cône est rarement isolé. Même le petit volcan classique présente non
seulement un cône à cratère mais aussi une coulée, qui s'épanche en général
par la base, entre le substratum et la masse des scories.
Les formes se compliquent parce que, le plus souvent, le cône lui-même est
en fait un emboîtement de cônes. Un premier cône est tranché, à son sommet,
par un vaste cratère (souvent cratère d'explosion ou d'effondrement). Une nou‐
velle éruption fait naître à l'intérieur de ce petit cratère, dans une position par‐
fois excentrée, un nouveau cône de scories. Entre ce petit cône et la paroi du
grand cratère préexistant s'allonge une dépression circulaire. Telle est la struc‐
ture du Vésuve.
On appelle Somma le sommet de l'amphithéâtre extérieur, Atrio del Cavallo
la dépression semi-circulaire entre cet amphithéâtre et le cône central, lequel
porte le nom de Vésuve proprement dit.
Le grand volcan composé classique n'est pas seulement un grand cône com‐
plexe. Il est formé essentiellement par de grandes coulées alternant avec des
masses de scories. Ces édifications peuvent avoir enseveli des cratères d'ef‐
fondrement dont il ne reste plus de trace superficielle. La surface supérieure
est un système de pentes rayonnantes dont les coulées forment la charpente et
que des vallées peuvent disséquer. Un fragment de coulée inversée entre des
vallées qui s'encaissent devient une sorte de plateau doucement incliné, la pla‐
nèze. En plan, celle-ci présente une forme triangulaire, le sommet dirigé vers
l'amont, c'est-à-dire vers le centre de l'édifice volcanique (figure 46).
LES CHAPITRES PRÉCÉDENTS ont étudié les matériaux des montagnes et des
plaines mais ne se sont guère interrogés sur leur origine et sur les mouvements
tectoniques générateurs du relief : ces problèmes vont être abordés mainte‐
nant.
2. L'équilibre isostatique
L'écorce est moins dense dans les masses montagneuses que sous les
plaines, et sous les plaines que sous les océans. Tout se passe comme si les
blocs d'écorce émergeaient d'autant plus qu'ils sont moins denses, comme des
flotteurs de bois, placés sur une cuve d'eau, s'enfoncent d'autant moins qu'ils
sont faits de bois moins dense. Ainsi, est née la notion d'équilibre hydrosta‐
tique ou, comme on dit, isostatique, des portions d'écorce. L'équilibre isosta‐
tique peut être rompu, par exemple :
• lors de la formation d'une chaîne de montagnes ;
si une intense érosion allège un bloc montagneux, par ablation de maté‐
riaux qui vont s'accumuler sur un autre bloc, sous-océanique celui-là,
par apport et sédimentation ;
si un réchauffement climatique fait fondre une épaisse calotte de glace
recouvrant un bloc.
L'équilibre tend alors à se rétablir par des mouvements verticaux ; le bloc
allégé tend à se soulever, le bloc surchargé à s'enfoncer, et il doit en résulter
des mouvements infracorticaux de matières fluides (figure 49).
Un cas particulier est celui des bourrelets liminaires des continents. Beau‐
coup de continents sont limités par des socles bordiers plus élevés que les
étendues de l'intérieur : montagne Scandinave plus haute que le socle suédois
et finlandais, Labrador, rebords atlantiques du Brésil et de l'Afrique tropicale,
Australie de l'Est. L'explication est complexe, mais un transfert infra cortical
de matière, sans doute en rapport avec l'ouverture des océans (voir ci-dessous
la théorie des plaques) est probablement intervenu.
Le cas d'un allègement par fonte des glaces (mouvements glacio-isosta‐
tiques mentionnés chapitre 15, p. 159) a pu être étudié de près en Scandinavie,
où il s'est produit depuis la disparition de la calotte glaciaire quaternaire, soit
depuis environ dix mille ans. Le mouvement se continue encore de nos jours,
à raison d'environ 1 mètre par siècle, à tel point que la profondeur des ports du
golfe de Botnie diminue notablement et que la navigation s'en trouve gênée.
L'amplitude maxima du mouvement dépasse 250 mètres ; ses conséquences
morphologiques ont été considérables : la forme de la Baltique s'est plusieurs
fois modifiée au cours du soulèvement. Le Canada a subi un mouvement ana‐
logue.
La stabilité des blocs isostatiques est très variable. On appelle craton un
bloc relativement stable, formé de sial. On dit aussi que c'est un bloc conti‐
nental, même s'il est recouvert par la mer, parce que la mer est alors peu pro‐
fonde et que son fond ne tend pas à s'enfoncer rapidement. Ainsi, la mer du
Nord et la Manche font partie d'un craton. Au contraire, pour les géophysi‐
ciens, les véritables aires océaniques sont basaltiques.
Figure 49 Schéma d'un mouvement de compensation isostatique
Un rift est l'accident dans lequel l'océan prend naissance ou, s'il est déjà
constitué, s'accroît. L'Atlantique a ainsi commencé par un rift continental qui
s'est formé au début de l'ère secondaire. L'enfilade des rifts de l'Afrique orien‐
tale qui ont pris naissance à partir du début du Tertiaire, commence à être une
mer (dans la région de la Mer Rouge).
L'accroissement des océans par écartement de plaques a une contrepartie. Il
y a en effet des rencontres de plaques avec diverses formes de télescopage.
1er cas : deux plaques continentales s'affrontent, comme la plaque Inde-
Australie et la plaque Eurasie, la première représentée par le Dekkan, la
seconde par le Tibet. Le Dekkan, sans plonger, est passé sous le Tibet, d'où la
forte altitude de l'Himalaya, chaîne qui résulte de la rencontre.
2e cas (figure 52) : le plus fréquent, la subduction qui se produit surtout si
le rebord d'une plaque est constitué de croûte océanique tandis que celui de
l'autre plaque est de la croûte continentale. La croûte océanique, probablement
parce qu'elle est plus dense, tend à passer sous la croûte continentale plus
légère ; elle descend dans l'asthénosphère suivant un plan oblique qui est un
plan de glissement entre les deux plaques : on l'appelle plan de Benioff. Ce
glissement, jusqu'à 700 kilomètres de profondeur, est un lieu de séismes ; une
chaîne de montagnes du côté continental, avec un volcanisme surtout andési‐
tique, et une fosse marine longitudinale, bien entendu du côté océanique,
accompagnent le phénomène. L'exemple typique est celui du contact de la
plaque Amérique avec les plaques du Pacifique de l'Est, contact suivi par les
chaînes de l'Ouest de l'Amérique du Nord et par les Andes. On dit qu'il s'agit
d'une marge continentale active, tandis que lorsque le passage du continent à
l'océan se fait à l'intérieur d'une même plaque (comme entre l'Atlantique et
l'Amérique ou l'Atlantique et l'Europe), on est en présence d'une marge pas‐
sive souvent découpée en blocs faillés. De l'autre côté du Pacifique, où se dis‐
posent les « guirlandes insulaires » (Philippines, Japon), il se constitue une
fosse océanique profonde du côté où arrive la plaque Pacifique qui s'enfonce
sous la plaque Asie, puis, parallèlement, en arrière, un arc insulaire volca‐
nique, puis encore en arrière, une mer peu profonde (Mer du Japon) (figure
53). De la croûte océanique s'épanche, comme une lave sous-marine, dans le
fond des fosses : c'est l'origine des « roches vertes » ou ophiolites, de chi‐
misme basique, comme celles du Mont Viso dans les Alpes du Sud.
3e cas : plus rare, l'obduction : la croûte océanique passe sur la croûte conti‐
nentale.
4e cas : des alternances de distension et de compression, comme dans l'es‐
pace méditerranéen et périméditerranéen, chaîne Alpine comprise. La plaque
Afrique et la plaque Eurasie se sont tantôt écartées, tantôt rapprochées, créant
alors des chaînes de montagne, non sans complications telles que détachement
de petites plaques intermédiaires (la Sardaigne et ses abords), coulissements
(peut-être celui des Pyrénées et des Monts Cantabriques le long de l'Aquitaine
et du Golfe de Gascogne), pivotements.
Des plaques se bombent, créant des plateaux immergés ; sur des sources
thermales, des nodules polymétalliques se constituent.
La théorie des plaques explique à la fois la localisation des volcans et celle
des chaînes de montagne. Les volcans se situent :
• Sur les rifts et sur les cassures qui leur sont associées. Ces rifts peuvent
être océaniques, et les volcans sont alors sous-marins ou insulaires,
comme sur le rift médian de l'Atlantique ; ils peuvent être aussi conti‐
nentaux, comme les fossés de l'Est africain. Alimentés le plus souvent
par une croûte océanique, ces volcans accusent en général un chi‐
misme basique.
Sur les zones de convergence de plaques (monde méditerranéen jusqu'à
l'Indonésie, « ceinture de feu » du Pacifique). Ce volcanisme est en
général de chimisme acide et explosif.
Il existe aussi un volcanisme éloigné des contacts de plaques : un volca‐
nisme « intra-plaques », comme celui des îles Hawaï. On l'explique
par le passage de la plaque sur un réchauffement local du manteau et
de la croûte, un « point chaud ».
Quant aux chaînes de montagne, elles s'expliquent par des compressions
entre deux plaques, qu'il s'agisse de collision (Himalaya), de subduction
(Andes), avec ou sans formation d'arcs insulaires, ou de compressions avec
des distensions momentanées (monde méditerranéen). Les chaînes récentes,
postérieures au début du Tertiaire, se situent sur des rencontres de plaques
encore en mouvement de nos jours, mais les anciennes chaînes sont en rapport
avec la géographie de paléoplaques et peuvent avoir été tronquées par une
ouverture d'océan.
Dans une chaîne de couverture comme le Jura, et aussi dans certaines par‐
ties des chaînes complexes comme les Alpes, se présentent des éléments dont
il convient d'étudier la structure (figure 59).
présente que des pics aigus et que tout massif d'ancienne consolidation n'offre
que des formes lourdes. En effet, les formes de pics aigus sont dues, on le
verra, non à la structure, mais à un type d'érosion dans lequel l'action du gel
est prédominante. Aussi, un massif ancien peut-il présenter des crêtes, comme
c'est le cas au pays de Galles ou dans le Cumberland anglais. En revanche, une
des montagnes les plus jeunes de France, le puy de Dôme, volcan quaternaire,
est une des plus arrondies. L'altitude n'est pas davantage un critérium permet‐
tant d'opposer chaînes alpines et massifs anciens : le Tian-Chan, qui dépasse 7
000 mètres, est un fragment de socle soulevé ; le pic Saint-Loup, près de
Montpellier, qui dépasse à peine 650 mètres, est de par sa structure plissée un
fragment de chaîne alpine.
Un socle peut être déprimé, nous l'avons vu, par des mouvements posté‐
rieurs à son arasement et recouvert par la mer. Si l'accumulation des sédiments
indique une légère tendance à l'enfoncement, à la subsidence, comme on dit,
de sorte que le socle s'enfonce sous des dépôts épais, on est en présence d'un
bassin sédimentaire.
Il existe donc toutes les formes de transition entre un socle recouvert d'une
couverture peu épaisse, un bassin sédimentaire, et presque un géosynclinal.
Ainsi, les Causses du Massif Central français, les plateaux de Castille peuvent
être considérés, selon le point de vue auquel on se place, comme des bassins
ou comme des couvertures de socle.
Dans les bassins où les sédiments ont une épaisseur moyenne (un millier de
mètres) et une plasticité moyenne, des plissements peuvent se produire, mais
ils ne sont jamais d'amplitude considérable ; le pays de Bray est un exemple
de ce genre de plis.
Les cassures peuvent se rencontrer dans tous les matériaux, qu'ils soient ou
non sédimentaires. Lorsque, pendant un effort tectonique, la limite de plasti‐
cité est dépassée, les roches se cassent.
Une cassure tectonique doit être distinguée : 1 d'une diaclase ; 2 d'une cas‐
o o
Plan de faille : C'est le plan le long duquel s'est fait le glissement des deux
blocs dénivelés. Il est rarement vertical, le plus souvent oblique. Il peut pré‐
senter une certaine épaisseur correspondant à la zone de broyage ; il n'est alors
plus un véritable plan au sens géométrique, mais, en raisonnant à une grande
échelle, on peut l'assimiler à un plan. De même, le « plan » peut être une sur‐
face légèrement gauche.
Une partie du plan de faille dégagée et polie par le glissement est parfois
appelée miroir de faille.
L'aspect d'une région cassée peut être très différent selon le style tecto‐
nique ; les blocs séparés par des failles peuvent être restés horizontaux ou
avoir été inclinés ; le Morvan dans son ensemble est ainsi un bloc basculé,
surélevé par faille au Sud, plongeant doucement sous les sédiments du Bassin
Parisien au Nord. Dans le détail, un tel relief se décompose lui-même en plu‐
sieurs blocs dont la résultante est une allure générale en pente. On peut en dire
autant du Massif Central, des Vosges, inclinés dans leur ensemble du Sud-Est
au Nord-Ouest, coupés dans le détail de nombreuses dénivellations tecto‐
niques. Une région est constituée d'une succession de blocs monoclinaux si le
basculement des blocs est partout de même sens (figure 63). Le Mâconnais a
une telle structure.
Si la différence de résistance des deux couches est très grande, la cuesta est
bien marquée dans le relief. Elle présente une corniche nette (cas du calcaire
des Côtes de Moselle et du calcaire des Côtes de Meuse). Si, au contraire, la
différence de dureté entre la couche dure et la couche tendre est peu accen‐
tuée, aucune corniche ne se dessine ; la cuesta présente un profil convexe en
haut, concave en bas, et se marque peu dans le paysage. Tel est le cas de la
côte de Champagne (côte de la craie) aux environs de Troyes.
Si une couche dure mince repose sur une couche tendre épaisse, le déman‐
tèlement est facile, la mince cuirasse recule rapidement : le tracé est particuliè‐
rement sinueux (cas de la côte du grès infraliasique près de Contrexéville). Si,
au contraire, une épaisse couche dure repose sur une couche tendre mince,
l'érosion a beaucoup de mal à faire reculer la cuesta, d'où un aspect massif, un
tracé rectiligne, comme celui de la cuesta de l'Argonne entre Varennes et
Grandpré.
Figure 68 Allure d'une cuesta quand la couche résistante est mince (A)
et quand la couche résistante est épaisse (B)
Plus le pendage est faible, plus le recul est rapide et plus le tracé est
sinueux. En effet, supposons une cuesta déterminée par des couches de faible
pendage : toute butte-témoin, tout éperon a une altitude à peine supérieure à
l'altitude moyenne du sommet du front ; il peut donc subsister longtemps, et
les festonnements se conservent (exemple de la cuesta du calcaire grossier
dans la région de Laon). Au contraire, quand le pendage est fort, les buttes-
témoins ou les éperons éventuels se trouvent à une altitude tellement supé‐
rieure à l'altitude moyenne du sommet du front qu'ils sont très exposés à l'éro‐
sion et tendent à disparaître : on a alors une cuesta de tracé peu sinueux, et les
buttes sont rares ou inexistantes (cas de la Côte de Meuse à l'ouest de la
Woëvre).
Figure 69 Allure d'une cuesta quand les couches sont peu inclinées
(A) et quand elles sont fortement inclinées (B)
Comme, sur une même cuesta, le pendage est loin d'être uniforme, la cuesta
peut présenter des avancées là où la couche dure a été moins soulevée et des
reculs plus prononcés là où la couche a été plus relevée.
Bien entendu les différents systèmes d'érosion ne traitent pas les cuestas de
la même façon. Par exemple, dans les déserts, les corniches sont plus appa‐
rentes puisqu'il y a moins de sol que dans les régions humides et par consé‐
quent moins de descente de débris capables d'émousser les formes.
Le stade d'évolution
La cuesta jeune est peu dégagée par l'érosion ; la cuesta mûre est au
contraire celle qui est bien dégagée : les grandes cuestas du Bassin parisien,
celles de Souabe-Franconie sont dans ce cas. Au contraire, en fin d'évolution,
quand les talwegs ne s'enfoncent presque plus, la cuesta s'estompe peu à peu.
Tel est le cas de la côte de Champagne entre l'Aube et la Seine. On peut donc
opposer des régions sédimentaires sans cuesta nette, comme le Sud-Ouest du
Bassin parisien, et des régions à belles cuestas, comme la Lorraine. Dans le
premier cas, aucun soulèvement important au-dessus du niveau de base n'a eu
lieu depuis le milieu du Tertiaire : les formes vieilles n'ont pu être rajeunies.
Au contraire, les conditions pour le dégagement de grandes cuestas sont réali‐
sées en Lorraine. Le soulèvement a atteint 300 à 400 mètres depuis le Mio‐
cène et l'érosion a pu travailler. Elle a d'autant mieux mis en relief les fronts
qu'elle avait affaire à d'épaisses couches dures et à d'épaisses couches tendres.
Reliefs plissés dans les bassins sédimentaires : Nous avons vu que, dans les
bassins sédimentaires, les couches inclinées évoluent en cuestas. Mais si l'in‐
clinaison, au lieu de se faire toujours dans le même sens, fait place à une dis‐
position ondulée, le relief tend à se disposer suivant des formes qui rappellent,
à l'échelle près, le relief jurassien. Une déformation anticlinale, toute atténuée
qu'elle soit, tend à être érodée en une espèce de vaste combe que l'on appelle
boutonnière (figure 73) : la boutonnière est limitée par deux cuestas qui se
font face et qui ont une position analogue à celle d'un crêt limitant une combe
anticlinale, mais ici les pendages sont faibles, les hauteurs modérées, la lar‐
geur très ample. Exemple : le pays de Bray.
Nous avons vu (p. 116) comment les cassures tectoniques sont responsables
de dénivellations de blocs de l'écorce et de complications de structures. L'éro‐
sion, et sa contrepartie l'accumulation, réagissent à la formation de ces déni‐
vellations tectoniques et il faut maintenant observer leur œuvre.
Si un bloc se soulève le long d'une faille, l'érosion tend à l'attaquer, tandis
que l'accumulation met en place sur le bloc abaissé des dépôts appelés dépôts
corrélatifs de la faille. Ces dépôts ne sont épais que si, sur le bloc déprimé,
aucun écoulement fluvial continu vers l'extérieur ne s'est maintenu : en effet,
un écoulement continu entraîne les matériaux et les exporte. Les dépôts corré‐
latifs ne se constituent donc que sous régime endoréique, et ils tendent alors à
masquer le relief de faille qui se crée : le plan de faille est fossilisé au fur et à
mesure de sa naissance et n'apparaît pas dans le relief (il pourra être ultérieu‐
rement dégagé, révélé).
Mais une faille qui n'est pas masquée par des dépôts corrélatifs au fur et à
mesure de sa formation se traduit aussitôt dans la topographie. Les cours d'eau
se disposent alors, en général, perpendiculairement à l'escarpement créé. Cet
escarpement est l'escarpement de faille. Vu de face, il présente un alignement
de facettes trapézoïdales (figure 74). Chaque facette est formée par une sec‐
tion de la base de l'escarpement (grande base du trapèze), une section du som‐
met de l'escarpement (petite base du trapèze) et deux flancs de gorges décou‐
pantes (côtés du trapèze). Ces facettes sont particulièrement nettes sous climat
aride parce que l'abrupt ne s'émousse pas, et c'est dans les déserts de l'Ouest
des États-Unis qu'elles ont été d'abord remarquées. Sous un climat tempéré
humide, elles s'émoussent très vite, et les plus belles facettes que l'on
remarque dans nos régions (par exemple celles de l'escarpement occidental
bordant la Limagne) sont en fait des portions de plans de faille fossilisés par
des dépôts et redécoupés en facettes très récemment.
Figure 74 Facettes trapézoïdales (f1, f2, f3)
1. Structures discordantes
Si l'on suppose qu'une série a été, après son dépôt, basculée, érodée jusqu'à
donner une pénéplaine, recouverte par la mer et par de nouveaux sédiments
puis soulevée à nouveau et basculée, chacune des deux séries donne un relief
de cuesta.
Ce cas est représenté dans les régions du Bassin parisien qui bordent le
Massif armoricain et dans le Sud-Ouest de la Plaine anglaise. En effet, dans
ces régions, la craie crétacée repose en discordance sur une surface tranchant
toutes les couches antérieures. La série précrétacée a été attaquée par l'érosion
récente qui y a dégagé des cuestas. Mais le crétacé s'avance vers l'Ouest sans
aucun rapport avec les directions des cuestas formées par les couches sous-
jacentes et sa propre cuesta est située au voisinage du massif ancien du Devon
et du Massif armoricain. Une butte-témoin crétacée s'élève même à l'ouest
d'Exeter, en pleine dépression périphérique (figure 77), comme si une butte-
témoin de la cuesta de Champagne dominait la région d'Épinal. On a là un
type compliqué de structure discordante dans un bassin sédimentaire (voir le
schéma de la page 18 dans Documents et méthodes pour le commentaire de
cartes, par M. Archambault, R. Lhénaff et J.-R. Vanney).
Figure 77 Rôle de la transgression crétacée discordante dans le Sud-
Ouest de la Plaine anglaise (coupe simplifiée)
On se souvient que les cours d'eau peuvent être adaptés ou inadaptés aux
reliefs des cuestas. Il en est de même dans le cas d'un relief plissé : une rivière
qui franchit un anticlinal en cluse est inadaptée, un ruz qui descend le flanc
d'un anticlinal ou un cours d'eau logé dans un val synclinal sont adaptés à la
structure.
Si l'on comprend facilement qu'un cours d'eau se loge dans une dépression
de type val, il est plus difficile de comprendre le franchissement des anticli‐
naux par les cluses. Plusieurs explications se présentent :
• le cours d'eau a pu profiter d'une cassure perpendiculaire à la direction
de l'axe du pli ;
la cluse peut résulter d'une capture ;
le cours d'eau a pu s'établir sur une surface d'érosion qui a tranché tout
le relief, puis l'encaissement a créé des formes nouvelles dérivées
(interprétation possible pour les reliefs appalachiens seulement) ;
le cours d'eau s'est établi sur une couverture discordante, comme si, sur
la figure 78, il s'était établi sur la molasse. Puis l'érosion a pu faire
disparaître cette couverture. Ainsi s'explique que le Rhône traverse le
pli de Donzère entre la plaine de Montélimar et celle du Tricastin
(figure 79). On dit qu'un tel cours d'eau, établi sur un manteau de
dépôts masquant le relief sous-jacent, s'est surimposé ;
la rivière étant établie dans une direction quelconque avant le plisse‐
ment, elle maintient son cours pendant que le pli se forme, à la façon
d'une scie qui continuerait à scier une planche qu'on soulèverait au fur
et à mesure de l'entaille (figure 80). C'est l'antécédence.
Figure 79 Surimposition
Figure 80 Antécédence
Nous savons qu'un socle est une montagne formée de vieux matériel conso‐
lidé depuis longtemps, tranché par une surface d'érosion qui se comporte
comme une surface de discordance et peut porter une couverture.
Quelle que soit la simplicité de cette définition, un socle peut être très
divers. Il peut être compris dans une chaîne alpine (c'est le cas du Massif du
Mont-Blanc). Mais nous étudierons ici surtout les socles qui se disposent en
dehors des chaînes alpines proprement dites.
Les uns n'ont pas été plissés depuis l'époque précambrienne : ce sont les
boucliers, tels le Bouclier canadien, le Bouclier fenno-scandien. Ces boucliers
ne comprennent guère de sédiments plissés, mais ils ont pu être faillés, bascu‐
lés, portés à des altitudes élevées (plus de 1 000 mètres dans la presqu'île de
Kola). Cependant, leur morphologie est généralement plus simple que celle
des socles qui ont été plissés plus tard et qu'on appelle les massifs. Selon l'âge
de leur plissement, les massifs sont dits calédoniens, hercyniens, etc., étant
entendu qu'un massif peut avoir subi plusieurs phases de plissement. En tout
cas, les massifs n'ont pas été plissés tout au plus ont-ils été gauchis par les
plissements d'âge alpin.
Les socles peuvent être formés de matériel cristallin (plutonique et cristallo‐
phyllien) ou de matériel sédimentaire ancien plissé et consolidé (figure 81) :
les formes sont alors tout à fait différentes. Par exemple, un socle cristallin
offre souvent un modelé de granits (boules, etc.) ; au contraire, un socle formé
de roches sédimentaires présente, en général, un relief appalachien. Le Limou‐
sin, dans le Massif Central français, formé presque entièrement de roches cris‐
tallines, est un exemple du premier type. L'Ardenne franco-belge est un
exemple du second type. Le Massif armoricain, qui associe roches cristallines
et roches sédimentaires primaires plissées, appartient à un type intermédiaire.
Le rôle de la tectonique d'âge récent permet aussi d'établir un principe de
classement : certains massifs ont été peu basculés, comme la partie limousine
du Massif Central ; d'autres, au contraire, comme la partie médiane du Massif
Central (Auvergne, Velay) ont été très disloqués, coupés de fossés et de horsts
et même le volcanisme y a surgi.
La présence ou l'absence d'une couverture sédimentaire discordante (pré‐
sente dans le Mâconnais, absente dans le Limousin) introduit un autre élément
de variété dans la géographie structurale des massifs anciens.
Les formes du contact des massifs anciens avec leur bordure dépendent non
seulement de la structure mais aussi du système d'érosion climatique. En effet,
la plupart des roches qui constituent les massifs anciens sont résistantes sous
les climats tempérés et peu résistantes sous les climats chauds, de sorte que
sous ces derniers, les massifs anciens sont parfois excavés par l'érosion alors
qu'ils restent en relief dans les régions de climat tempéré. Nous allons partir
d'un type de structure simple et montrer qu'il donne des reliefs différents sui‐
vant le climat. Nous passerons ensuite en revue des types plus compliqués.
4.1. Massifs anciens basculés sur lesquels repose une couverture discordante
de grès ou de calcaire résistants
Soit un massif ancien basculé qui plonge régulièrement sous une couverture
sédimentaire dont la couche la plus ancienne est une épaisse assise résis tante.
Cette assise forme cuesta ; mais, si le climat ne permet pas l'évidement du
massif, il n'existe pas de dépression subséquente taillée en roche tendre (figure
82, 1 a). Si, au contraire, le climat, chaud, se traduit par un évidement du mas‐
sif, alors que la couche sédimentaire résiste, c'est tout le massif qui constitue
une espèce de dépression (figure 82, 1 b).
Figure 81 Schéma montrant une structure de chaîne et trois types
lithologiques de massif ancien pouvant en dériver
Le type classique est un peu plus compliqué que le précédent parce qu'il
suppose l'existence d'une alternance couche dure et couche tendre dans la série
sédimentaire. L'exemple le plus net est la bordure nord du Morvan (figure
82, 2). On constate :
• un basculement net du massif, dont la surface de discordance (ici, la
pénéplaine posthercynienne) plonge régulièrement sous la couverture
sédimentaire également inclinée ;
l'existence d'une masse de couches tendres (la base du lias) reposant
directement en discordance sur le massif. L'érosion a pu en venir à
bout facilement et développer une véritable plaine de déblaiement
récent, la dépression périphérique (appelée ici la Terre Plaine) ;
une couche dure inclinée surmontant la masse de couches tendres. La
couche dure est tranchée en une cuesta dont le front domine la dépres‐
sion périphérique.
Figure 82 Divers types de contact d'un massif ancien avec sa bordure
sédimentaire
Les formes sont tout à fait différentes sur le pourtour du Limousin. En effet,
une surface d'érosion d'âge tertiaire a arasé à la fois le cristallin et la bordure
sédimentaire (figure 82, 4). Elle a été, par endroits, recouverte de sédiments
peu épais, les sables sidérolithiques. Depuis la pénéplénation et le dépôt de ces
sables, le soulèvement du Limousin, à la fin du Tertiaire, a été très modéré de
sorte que l'érosion n'a pas eu de force pour attaquer sérieusement le relief ; les
vallées n'ont pas eu le temps de s'élargir : elles restent de simples couloirs
étroits entre lesquels la pénéplaine subsiste parfaitement. On passe donc du
sédimentaire au cristallin sur cette pénéplaine légèrement inclinée à la manière
d'un glacis, sans se rendre compte du contraste lithologique.
4.5. Contact par faille marquée dans la topographie
Les contacts par failles entre un massif cristallin et une bordure sédimen‐
taire (figure 82, 5) sont très fréquents. Dans beaucoup de cas, les failles ont
été nivelées, non exhumées, et l'on est ramené au type précédent mais la faille
bordière peut aussi se marquer dans la topographie :
• On peut être en présence d'une vallée de ligne de faille (figure 82, 5a)
(exemple, bordure ouest du Morvan au nord du mont Vigne) entre le
cristallin et le calcaire bordier, l'un et l'autre pénéplanés au même
niveau ;
Si l'érosion différentielle a pu s'exercer davantage, le contact se fait par
un bel escarpement de ligne de faille (figure 82, 5b), comme c'est le
cas sur plusieurs bordures du Massif Central ;
On peut avoir de grandes complications si le contact est haché de failles
(figure 82, 5c).
Photographie 5 Vue aérienne de la faille de Limagne
1. Introduction
Cette étude nous intéresse à un double titre. Elle nous permet d'abord de
comprendre les originalités de la morphologie de chaque zone ; mais aussi,
comme chaque zone a connu, dans le passé, des successions de climats divers,
les systèmes climatiques révolus n'ont pu manquer d'y laisser leurs traces.
Le climat actuel ne règne sur l'Europe occidentale et sur l'Amérique du
Nord que depuis une période très courte du point de vue géologique dix mille
ans environ pendant laquelle les formes n'ont pu se remodeler complètement.
Bien mieux, les conditions actuelles de l'Europe occidentale depuis l'époque
néolithique, temps où l'agriculture a remplacé dans le système économique la
chasse, la pêche et la cueillette, sont dominées par le grand rôle de l'érosion
sur sol labouré là où s'étendait autrefois un manteau forestier. Le système
d'érosion qui se développe sous nos yeux est donc un système dû à l'homme le
système anthropique , artificiel au premier chef, et qui ne s'est exercé que pen‐
dant une durée très courte. Il importe de le réduire à son rôle véritable et de
chercher dans les climats du passé les responsables de la morphologie
actuelle.
À chaque climat correspond une couverture végétale qui influe sur les pro‐
cessus de modelé ; ainsi la forêt freine considérablement l'érosion, car le
feuillage ralentit l'effet de la pluie, en ne laissant tomber sur le sol qu'un
nombre restreint de gouttes, et avec un certain retard ; le manteau de feuilles
mortes au sol, le lacis des racines diminuent considérablement l'érosion ; les
quelques procédés qui l'accélèrent (arrachage de la terre par les racines d'un
arbre tombé) n'interviennent que rarement.
La steppe et plus encore le désert laissent apparaître le sol à nu. Ces forma‐
tions végétales se rencontrent sous des climats chauds et arides, comme sous
des climats froids ; certains agents, comme le vent, s'exercent donc sous des
climats aussi différents que ceux du Sahara et de l'Islande, mais en combinai‐
son avec des processus d'érosion thermique différents dans les deux milieux.
Une notion importante en géomorphologie est celle de crise climatique.
Lors d'un changement de climat, bien des plantes ne peuvent s'adapter aux
nouvelles conditions et le tapis végétal est détruit en attendant que, par l'ap‐
port de graines exotiques, une nouvelle couverture végétale s'établisse. On se
trouve momentanément en présence d'une plus grande érosion : les sols, pré‐
parés par l'altération lors de la période précédente, peuvent être brutalement
enlevés. Dans la reconstitution de l'histoire géomorphologique, il faut donc
tenir compte non seulement des climats passés mais de ces crises qui pro‐
voquent une surexcitation momentanée de l'érosion (ce que nous avons appelé
p. 65-66, la rhexistasie, par opposition à la biostasie).
La communauté scientifique n'a pas toujours donné la même importance à
la géomorphologie climatique. De 1950 à 1980, son rôle a peut-être été exa‐
géré. On réagit aujourd'hui. On a ainsi remarqué que sous climat arctique,
malgré le rôle du gel, celui du ruissellement a la même importance que sous
climat tempéré…
Les climats anciens (ou paléoclimats) qui ont joué un grand rôle dans l'his‐
toire morphologique des formes actuelles sont les suivants :
• climat tropical des régions actuellement tempérées, pendant la pre‐
mière partie du Tertiaire ;
dans la seconde partie du Tertiaire, le climat de l'Europe occidentale est
de type chaud mais non tropical avec quelques crises froides au Plio‐
cène. Les climats du Quaternaire méritent une étude particulière, du
fait du caractère récent de l'ère et son importance dans le modelé
actuel, et parce que les changements climatiques ont été rapides.
Nous connaissons ces climats grâce à divers indices :
les renseignements fournis par la préhistoire, qui montre des outillages
emballés dans des sols de climats disparus ;
l'accumulation des tourbes dans les marécages nous indique toute une
succession, de la base au sommet. Chaque lit de tourbe a reçu en effet
les pollens des espèces végétales voisines du marécage. L'analyse
pollinique, dite aussi palynologique, renseigne donc sur la végétation
et sur le climat de chaque époque ;
la proportion des deux isotopes O et O de l'oxygène varie avec la tem‐
18 16
4. Le quaternaire : Le postglaciaire
plus qu'aujourd'hui. C'est donc un ensemble grand comme plus de deux fois
l'Europe que les glaciers ont dégagé et sur lequel règne la morphologie gla‐
ciaire (figure 83).
Figure 83 Extension maxima des grands glaciers quaternaires de part
et d'autre de l'Atlantique
Les glaciers actuels sont de toute taille. Certains se réduisent à des plaques
de neige persistantes. Ce sont les névés. À l'opposé, les inlandsis sont d'im‐
menses étendues de glaces continentales. Tous résultent d'un même phéno‐
mène : l'accumulation de la neige d'une année sur l'autre.
Un glacier ne peut prendre naissance qu'au-dessus de la limite inférieure
des neiges permanentes. Mais il peut se terminer au-dessous de cette altitude
car la glace s'écoule vers le bas et ne fond pas immédiatement. Dans le Massif
du Mont-Blanc, le glacier des Bossons se termine à moins de 1 300 mètres,
alors que l'altitude des neiges persistantes est de 2 800 mètres.
Au-dessus de l'altitude limite des neiges persistantes, tous les espaces ne
sont pas englacés. Certains pics ne portent pas de glace (à l'exception d'une
pellicule de verglas) parce qu'ils sont trop escarpés pour que la neige y
séjourne ; on les désigne d'un nom esquimau : nunatak.
On peut distinguer, d'après leur disposition, cinq types de glaciers.
1.1. Les inlandsis
Leur épaisseur moyenne est au moins de 2 000 mètres. Cette énorme accumu‐
lation de glace s'explique plus par la lenteur de la fusion sous ces climats
froids que par l'abondance de l'alimentation en neige, car le climat dans ces
régions est assez sec. La vitesse de la glace est très lente.
Sur la glace de l'inlandsis, l'eau de fonte forme chaque été des courants qui
creusent des canyons encaissés de quelques mètres, les bédières, avant de dis‐
paraître dans des puits ou moulins, termes du langage alpestre, mais qui
conviennent tout particulièrement à ces phénomènes d'inlandsis.
Certaines langues de l'inlandsis atteignent la mer, où la houle et les marées
les fragmentent en icebergs.
De bien plus petites dimensions que les inlandsis, des calottes revêtent des
montagnes et peuvent émettre des langues divergentes à leur périphérie. Tel
est le cas du système glaciaire du mont Rainier, dans l'Ouest des États-Unis,
réplique actuelle de ce qu'a dû être aux périodes froides le massif du Cantal
(Massif Central français).
Dans les montagnes dont les sommets dépassent de peu la ligne des neiges
persistantes, des glaciers se logent souvent dans des cirques (parties les plus
basses des montagnes arctiques ou subarctiques, montagnes tempérées et tro‐
picales). Le glacier (figure 84) est de dimensions réduites et dominé par des
parois rocheuses presque verticales, d'où descendent les avalanches qui l'ali‐
mentent.
Figure 84 Glacier de cirque (coupe), sa rimaye, sa moraine
Si plusieurs glaciers de vallée sont assez bien alimentés pour arriver jus‐
qu'au dehors de la montagne, ils édifient des lobes de piedmont qui peuvent
entrer en coalescence (figure 85). Tel était le cas des glaciers alpins pendant
les époques froides. Actuellement, on en trouve des exemples dans l'Alaska
(glacier Malaspina). De tels glaciers arrivent dans une zone qui peut être assez
constamment tiède, d'où l'extrême importance prise par les phénomènes de
fusion, si bien qu'ils ne donnent pas de moraines proprement dites, mais des
accumulations d'alluvions en nappes.
3.1. Le cirque
Comme le glacier de cirque est un des plus réduits des glaciers, le cirque est
une des plus simples des formes glaciaires. C'est une dépression en demi-
cercle dominée par des parois abruptes. Il existe des cirques de toutes dimen‐
sions : petites niches de quelques dizaines de mètres de largeur, vastes amphi‐
théâtres terminant à l'amont les vallées glaciaires. Il y a lieu de distinguer :
• les cirques en forme de niche accrochés au flanc de la montagne. Les plus
grands de ces cirques élémentaires ont un fond plat ou faiblement ondulé abri‐
tant parfois un petit lac (figure 86). Vers l'aval, ce cirque peut être fermé par
une contre-pente qui le barre ;
• les cirques complexes, en escaliers, découpant toute une tête de vallée gla‐
ciaire. Tel est le cas du cirque de Gavarnie.
Les montagnes sculptées par les cirques présentent des crêtes disséquées en
dents de scie, modelées non par l'érosion glaciaire car elles ont toujours été
libres de glace (nunataks) mais par le gel s'exerçant sur des parois nues. Il peut
se faire qu'aux points d'intersection des crêtes, se dresse une pyramide, ou
horn (figure 86), dominant de beaucoup le niveau général des dents de scie
(exemples : le Cervin dans les Alpes suisses).
Le profil en long
Une des irrégularités les plus nettes est due aux discontinuités des placages
morainiques et surtout au vallum plus ou moins bosselé de la moraine fron‐
tale.
Mais l'essentiel du modelé du profil en long est dû non à l'accumulation,
mais à l'érosion. C'est elle qui est responsable du surcreusement, c'est-à-dire
du creusement se terminant à l'aval par une contre-pente.
En effet, la vallée glaciaire est une succession d'élargissements, les ombi‐
lics, qui sont aussi des zones d'approfondissement, et d'étroits, les verrous, qui
sont des reliefs barrant la vallée (figure 87 et 88). Un lac a souvent occupé les
ombilics que l'action de la glace a surcreusés. Ainsi les lacs subalpins de
Suisse ou d'Italie, certains lacs écossais, comme le Morar, ont des profon
deurs de plusieurs centaines de mètres, et leur fond est parfois au-dessous du
niveau de la mer (lac de Garde : 295 mètres). Le Grésivaudan a été, lui aussi,
creusé jusqu'au-dessous du niveau de la mer, et c'est le remblaiement du lac de
surcreusement qui a masqué l'ancienne dépression.
Le profil en travers
Le profil en travers est tout aussi irrégulier. Quand il est simple, il varie
entre des formes de « poêle à frire », de « coupe d'œuf » et de « V ». Les irré‐
gularités sont dues non seulement à des moraines éventuelles (dépôt de
moraines de fond, crêtes allongées des moraines latérales), mais aussi à des
replats ou épaulements (figure 86), qui dominent de quelques centaines de
mètres le fond de la vallée et sur lesquels se fixent souvent les villages. Les
épaulements peuvent être simples ou multiples, superposés, comme si plu‐
sieurs auges étaient emboîtées l'une dans l'autre. Certains peuvent être structu‐
raux ; dans ce cas, on peut les expliquer comme des irrégularités dues à des
roches dures et que l'érosion glaciaire n'a pas pu supprimer (tithonique du
Grésivaudan). Mais il existe aussi des replats sur des flancs dont la lithologie
est parfaitement homogène. Le problème de l'origine des épaulements est très
compliqué et on ne l'abordera pas ici.
Les confluences de vallées glaciaires ne se font pas toujours de plain-pied,
comme celles des vallées fluviales ; une vallée est souvent suspendue au-des‐
sus de l'autre (figure 86) : elle débouche parfois à plusieurs centaines de
mètres au-dessus. Ainsi, la vallée de Cauterets est suspendue au-dessus de
celle du gave de Pau. Il peut même arriver que ce soit la vallée aujourd'hui
principale qui débouche au-dessus de celle qui est devenue secondaire ; ainsi
la vallée de la haute Romanche débouche au-dessus de la vallée du Vénéon,
probablement parce que celle-ci, mieux alimentée en glaces par la haute cein‐
ture de l'Oisans, était capable de creuser davantage ; au contraire, la vallée de
la haute Romanche perdait une partie de la glace d'apport par le col du Lauta‐
ret. Il semble bien que ces gradins de confluence soient dus, en effet, à l'inégal
creusement des deux glaciers, le raccord de la surface de la glace se faisant de
plain-pied, mais le niveau du fond étant d'autant plus profond que le courant
de glace était plus épais.
Si un glacier dans sa vallée trouve un col de flanc dont le niveau est infé‐
rieur au niveau de la surface de la glace, il émet une digitation qui peut passer
le col et le modeler en berceau. Ainsi se sont formés les larges cols de trans‐
fluence, ou de diffluence (figure 85), qui sont nombreux dans les Alpes
(presque tous les cols carrossables), plus rares dans les Pyrénées, ou la haute
crête formait obstacle au franchissement par les glaces (cependant, le col de
Puymorens est un remarquable exemple). La glace peut même avoir modelé
une véritable vallée de transfluence, ce qui est le cas pour les cluses d'Annecy
et de Chambéry. Ainsi les montagnes fortement englacées pendant les
périodes froides du Quaternaire se présentent aujourd'hui comme un lacis de
larges vallées à ombilics et verrous avec transfluences (montagnes scandi‐
naves, Écosse, Alpes) facilitant la circulation, et contrastant avec les hautes
crêtes découpées entre les cirques ou les hautes surfaces modelées par les gla‐
ciers de plateau.
3.3. Plaines et plateaux glaciaires
5. Conclusion
Le relief glaciaire aboutit à des formes très diverses dans les montagnes et
dans les régions d'anciens inlandsis ou de piedmont. Dans l'ensemble, toutes
les formes dues au glacier lui-même sont chaotiques (roches moutonnées, pro‐
fils d'auge, moraines). Mais la collaboration de la mer ou des eaux de fonte se
traduit par des surfaces planes (plaines d'argile à Yoldia, alluvions comblant
les lacs proglaciaires, sandurs, terrasses fluvio-glaciaires).
Les formes dues au système glaciaire et fluvio-glaciaire sont assez rapide‐
ment oblitérées au cours des périodes interglaciaires et postglaciaire. En effet,
elles sont soumises aux dégradations que leur fait subir le système dit périgla‐
ciaire. L'érosion fluviatile travaille aussi à les détruire, en comblant les ombi‐
lics et en entaillant les pentes fortes (gorges de raccordement entre deux sec‐
tions d'une même vallée, entre une vallée suspendue et la vallée principale,
ravinements torrentiels des flancs d'auge). Si les formes de la dernière glacia‐
tion ont encore gardé leur fraîcheur, c'est qu'elles sont très récentes.
Chapitre 16
1. Introduction
glace se relâche.
Si un froid très vif ne semble pas agir de façon particulièrement marquée
dans les sols par gonflement, en revanche, il peut produire dans ces sols des
fentes verticales dues à la contraction rapide ; une période de gel plus modéré
et humide peut ensuite exploiter ces fissures en y insérant des « coins » de
glace qui s'agrandissent vers le bas et élargissent la crevasse comme le ferait
un « coin » de carrier à fendre la pierre. Les plus beaux coins de glace se
forment dans le permafrost. Il se forme ainsi un réseau régulier de fentes
appelé, à tort, réseau de polygones de toundra (voir ci-dessous).
Les mécanismes qui jouent un rôle subordonné dans les systèmes périgla‐
ciaires sont ceux de la fonte des neiges, du ruissellement, du vent.
La fonte des neiges imbibe le sol et facilite la solifluxion, mais nous savons
que le mécanisme du dégel suffit à ramollir les sols et à leur faire perdre leur
structure ; on a donc beaucoup exagéré le rôle de la fonte des neiges dans l'hu‐
midification des sols périglaciaires au printemps.
Le ruissellement n'est pas négligeable ; il se produit par grande pluie ou par
fonte des neiges, d'autant plus facilement que le sous-sol est gelé et par consé‐
quent que l'infiltration s'effectue mal.
Les grandes rivières, prises en glace pendant l'hiver, entrent en débâcle au
printemps. Elles charrient alors des radeaux de glace, qui, d'une part, raclent
les berges, d'autre part transportent de gros blocs de rocher : c'est le transport
glaciel
Quant au vent, il n'agit pas sur les sols couverts de neige mais, dès que la
terre est déneigée, il peut soulever les particules sableuses, vanner les couches
superficielles et n'y laisser que les cailloux, déposer plus loin de véritables
dunes. Armé de sable, il peut aussi s'attaquer aux blocs et aux rochers pour les
modeler en carènes. Il existe ainsi de nombreux blocs éolisés sur les sandurs
d'Islande.
3. Le modelé
Le modelé est très différent suivant qu'il s'agit d'espaces plats ou de pentes,
de rochers ou de formations fines, de surfaces nues ou de zones couvertes
d'herbe. Nous opposerons surtout les espaces plats et les pentes, mais, à l'inté‐
rieur de ces domaines, il est bien évident que la couverture végétale et la litho‐
logie jouent un rôle considérable.
3.1. Le modelé des espaces plats
Les affleurements rocheux, sur les espaces plats, donnent par débitage de
blocs des déserts de gélivation, très pierreux, formés de cailloux ou de blocs
suivant la structure mésogélive ou macrogélive de la roche. Toute fracture
peut s'agrandir par gélivation des deux lèvres : il se forme ainsi un vallon de
gélivation, large et profond de quelques mètres, long de quelques dizaines de
mètres.
Les fonds de vallée abritent de nombreux lacs et, quand le milieu n'est pas
trop froid, des tourbières qui présentent souvent de curieux bourrelets réguliè‐
rement espacés et de tracé sinueux (tourbières cordées).
Les sols ou les formations fines sont modelés en diverses formes, dont les
principales sont :
• quand il n'y a pas de végétation, les sols polygonaux ;
quand il existe une couverture d'herbe, les buttes gazonnées ou thufurs.
Les sols polygonaux constituent un des aspects les plus typiques des pays
arctiques ; on en connaît aussi dans les montagnes de la zone tempérée et de la
zone intertropicale. Ils se présentent comme une succession de polygones
(pentagones plus ou moins réguliers). Les dimensions varient de plusieurs
centimètres à plusieurs mètres (plus de 20 mètres pour des formes géantes).
Tantôt le centre des polygones est limoneux et les côtés formés de pierres
(type cercles de pierres), tantôt, au contraire, le matériel des côtés est fin et le
centre du polygone est formé d'un gros bloc auquel s'accolent des cailloux,
plus petits (type roses de pierres). Il existe aussi des polygones de matériel
homogène, sans triage, et assez fin (polygones dits de terre) ; quand ils sont
géants, comme dans les plaines de la Sibérie arctique et de l'Alaska, ils sont
appelés des polygones de toundra, terme à éviter car on les trouve justement
dans les régions de terres nues alors que le mot toundra désigne une formation
végétale.
L'accord est loin d'être fait sur l'origine des polygones. On a notamment
évoqué pour les expliquer des courants de convection. Le maximum de den‐
sité de l'eau se plaçant à 4 , pendant le dégel, l'eau située près de la surface a
o
souvent une densité plus grande, surtout si elle est au voisinage de 4 , que l'eau o
Les buttes gazonnées sont des monticules dont les dimensions sont celles de
taupinières. On ne les trouve évidemment pas dans les régions les plus froides,
sans végétation ; en revanche, leur aire s'étend assez loin vers le sud ; dans le
Massif Central français, il peut s'en former à 1 200 mètres d'altitude, alors que
les sols polygonaux ne sont qu'embryonnaires à 1 750 mètres. En Islande,
elles caractérisent les zones basses, à l'exclusion du plateau central dénudé.
Elles peuvent se juxtaposer avec une grande régularité, formant de véritables
champs de buttes.
Il semble que le processus de formation soit assez semblable, mais en
milieu différent, de celui des sols polygonaux. C'est un bourgeonnement dû au
gel qui commence à élever certaines mottes, mais ici on n'a pas de déplace‐
ment massif de pierres parce que la végétation retient les particules du sol.
Les affleurements rocheux des versants sont débités par éclatement et four‐
nissent des accumulations de pierres, tandis que les formations fines pro‐
duisent des accumulations de boues qui descendent par solifluxion et dans les‐
quelles les pierres se trouvent parfois emballées. Enfin, les avalanches zèbrent
les pentes fortes de couloirs par lesquels descendent la neige en hiver, l'eau de
fonte au dégel.
Le résultat de la gélivation sur les escarpements rocheux est la formation de
crêtes alpines et d'abrupts coupés d'abri-sous-roche. Les crêtes alpines sont
modelées en dents de scie et pinacles, le rocher étant découpé en micro-arêtes
et micro-faces qui offrent aux alpinistes les « prises » qui permettent l'ascen‐
sion. Des vallons de gélivation s'indentent dans les abrupts. Quant aux abris-
sous-roche, ils se forment au contact d'une couche très gélive et d'une couche
peu gélive la surmontant : la couche très gélive s'excave rapidement et la
couche peu gélive surplombe l'évidement (figure 92).
Figure 92 Formation d'un abri-sous-roche
4. Conclusion
1. Introduction
Toutes ces régions sont caractérisées par une couverture végétale à peu
près nulle (zone aride) ou clairsemée (steppes de la bordure désertique, forêts
claires de chênes-verts des régions méditerranéennes) ; le sol est mal retenu.
La plus grande partie de la zone aride est aréique, c'est-à-dire qu'elle n'a pas
d'écoulement permanent ; les steppes de la bordure sont aréiques ou endo‐
réiques, la zone méditerranéenne endoréique ou exoréique. De toute façon, les
cours d'eau, exception faite de rares régions calcaires où les réserves de
nappes aquifères sont considérables, ont un régime d'écoulement spasmo‐
dique. Tels sont les oueds du désert, lits de rivières le plus souvent à sec ou les
fiumaras d'Italie méditerranéenne. On a dit des cours d'eau méditerranéens
qu'ils sont « le séchoir favori des ménagères ».
Toutes ces zones ont des températures contrastées, surtout dans les déserts
chauds ; les sables peuvent atteindre 70 au soleil. Cependant, les écarts quoti‐
o
Les sols adaptés à ces régimes climatiques sont en général peu épais ou
inexistants. Dans les déserts, on ne trouve pas cet ensemble de grains rendu
cohérent par l'humidité telles que se présentent les terres des pays frais. Tout
au plus rencontre-t-on des sols constitués à une époque plus humide que la
nôtre et dont le vent enlève aujourd'hui les éléments fins. Ou encore, sur les
roches dénudées, les actions chimiques peuvent avoir établi des vernis, enduits
superficiels d'un noir brillant riches en manganèse, épais de quelques dizaines
de millimètres et d'origine obscure.
Dans les pays semi-arides (de 150 à 500 millimètres de précipitations
par an), il se forme en surface ou à faible profondeur, des croûtes calcaires ;
l'origine de ces croûtes est discutée ; il semble, en tous cas, qu'elles sont dues
au fait que les précipitations sont trop rares pour que d'autres matières que les
sels et les calcaires soient dissoutes ; les sels et les calcaires sont, tout de suite
après les pluies, fixés par capillarité ou par des organismes végétaux en sur‐
face ou à l'intérieur du sol superficiel. Il en existe plusieurs sortes : pulvéru‐
lentes, lamellaires, massives. Dans ce dernier cas, elles se comportent comme
des couches dures, formant des surplombs, tel celui qui constitue le « toit »
des grottes de Bethléem, aménagées en crèches par les bergers.
Dans les fonds des pays trop secs pour que même le calcaire soit dissous,
seuls les sels (chlorure de sodium, sels de potasse) sont mis en mouvement par
l'eau d'infiltration actuelle et remontent à la surface, donnant des efflores‐
cences ou des tapis de sels comme les sebkras sahariennes.
L'érosion éolienne
La déflation est le balayage par le vent des débris meubles et fins, tels que
les sols formés lors de périodes humides prédésertiques, ou les débris prove‐
nant de la décomposition actuelle de la roche.
Le résultat de la déflation est un tri de matériaux, seuls les plus grossiers
restant en place. Ce vannage aboutit à un véritable pavage de cailloux, proté‐
geant les éléments fins qu'il recouvre. Ce paysage est le reg.
Si la roche est peu cohérente, elle peut même être creusée.
La corrasion est l'attaque de la roche, même dure, par le vent armé des
matériaux qu'il transporte, et notamment de grains de quartz. Aussi son action
est-elle comparable à celle des jets de sable utilisés comme décapants dans
l'industrie. Elle est surtout sensible au voisinage du sol, car la charge du vent
diminue au-dessus d'une certaine hauteur, de l'ordre de 1 à 2 mètres. Cepen‐
dant on n'est plus persuadé que cette action rasante soit entièrement respon‐
sable des formes de champignons constatées dans les déserts : le rôle des écla‐
tements de roche, plus forts près du sol, où les variations thermiques sont plus
accusées, et le processus de formation des taffonis (chapitre 9, p. 85) se
joignent certainement au vent pour engendrer des surplombs.
La corrasion :
• ronge les argiles, qu'elle découpe en sillons et crêtes instables appelées
au Turkestan yardangs. Les racines des arbustes jouant un rôle fixa‐
teur, il arrive que les crêtes de yardangs soient liées à la localisation
des buissons (figure 93) ;
dégage les plans de schistosité des roches par érosion différentielle des
parois ; ainsi le sphinx de Gizeh révèle la stratification des couches
dans lesquelles il a été taillé ;
Figure 93 Yardangs
Le vent dépose une partie des matériaux qu'il a balayés ou arrachés ; mais
on sait aujourd'hui que les grandes accumulations de sables éoliens se trouvent
sur l'emplacement de nappes alluviales déposées pendant les époques plu‐
viaires du Quaternaire ou de formation plus ancienne. Le vent n'a pas déposé
tous les sables sahariens ; il a seulement transporté à faible distance et remo‐
delé des alluvions fines. Ces grandes accumulations de sables ont longtemps
été considérées comme formant la majeure partie des déserts parce que les
caravanes suivaient de préférence les couloirs entre les dunes, mais elles ne
représentent guère que 20 % de la surface totale. Ailleurs les accumulations de
sable sont limitées à des angles morts, à des cavités comme les sillons entre
les yardangs, ou réduites à des langues peu épaisses, à des dunes élémentaires.
Pour que le sable s'accumule, il est évident qu'il faut d'abord qu'il ait été
pris en charge ; le vent ne peut prendre en charge que des sables fins ; il laisse
au sol les grains grossiers ; les grains fins qu'il transporte retombent quand le
vent faiblit et notamment dans les zones protégées où sa vitesse se ralentit. En
général, il traîne les sables qu'il transporte au voisinage du sol ; il les élève de
quelques centimètres à peine et si le grain retombe, il rebondit et continue
ainsi sa route. En touchant le sol, les grains transportés peuvent bombarder des
grains plus grossiers que le vent n'a pas pu soulever. Il est fréquent, au Sahara,
de voir transiter très rapidement les grains fins de la dimension du quart de
millimètre environ et de voir avancer lentement par à-coups les grains de 2
millimètres environ, sous le bombardement des grains fins.
De toute façon, le transport par le vent est sélectif. Un dépôt éolien est rela‐
tivement homométrique.
En abandonnant les grains qu'il transporte, le vent constitue des accumula‐
tions de sables très variés. Nous n'en retiendrons que deux types : des dunes
élémentaires, dont les principales sont les barkhanes, et les grandes étendues
de dunes longitudinales parallèles qui constituent les ergs du Sahara.
On appelle barkhanes en Asie Centrale des dunes en croissant ; il en existe
aussi beaucoup au Sahara. Les deux branches du croissant s'allongent dans la
direction vers laquelle souffle le vent car elles avancent plus vite que le centre
de la dune. (Au contraire, les dunes des pays tempérés, qui sont rapidement
fixées par la végétation, n'avancent pas plus aux extrémités qu'au centre, mais
la partie centrale, la plus haute, offrant plus de prise, est parfois érodée par le
vent qui y creuse en tourbillonnant une cavité appelée en Gascogne caou‐
deyre, c'est-à-dire chaudron. Les bras de la dune se disposent alors dans la
direction d'où vient le vent).
La barkhane est une dune jeune formée par un régime de vents dominants.
Elle a un profil en trois sections (figure 94) : une section au vent, par où se fait
l'accumulation et qui est en pente douce ; cette section se termine brusquement
comme un tranchant, d'où le nom de sif (sabre) donné dans le Sahara à la crête
(figure 94B). La seconde section, en pente très raide, est le talus de retombée
des sables, sous le vent ; mais une troisième partie, en pente moyenne, est due
au placage, par le tourbillon de retour (par le « rouleau ») contre la pente de
retombée, du sable qui justement retombe du haut du sif.
Figure 94 Barkhane (A) et sif (B)
Les petites dunes se déplacent avec des vitesses de l'ordre de 10 mètres par
an, mais les grandes chaînes des ergs sont stables ; les caravanes qui suivent
les gassi ont de tout temps emprunté les mêmes passages entre les dunes,
preuve de cette fixité d'ensemble.
Bien entendu, il existe des combinaisons de formes entre les champs de bar‐
khanes et les ergs ; il existe, par exemple, des champs de barkhanes occupant
des gassi entre les dunes longitudinales des ergs.
Une autre complication est due au fait que le climat des déserts a changé.
Si, comme nous l'avons vu, une croûte affleure dans les gassi des ergs, c'est
que, avant le dépôt des sables, le désert a connu un climat semi-aride donnant
des sols croûteux. De semblables croûtes se sont formées à plusieurs époques
au Sahara et, notamment, il existe ce qu'on appelle hamada ou carapace
hamadienne, c'est-à-dire un encroûtement ancien indurant le sommet d'une
série sédimentaire tertiaire de formation continentale ; le calcaire de cette for‐
mation se termine par une croûte qui se comporte comme une roche dure et
donne, sur sa bordure, des festonnements avec des buttes témoins. De grandes
parties du Sahara sont donc formées d'un plateau encroûté au pied duquel se
sont établis les grands ergs, au cours d'une succession d'épisodes elle-même
compliquée (figure 96).
La bordure sud des déserts a d'autre part connu, à une époque rapprochée de
nous, un climat plus sec que le climat actuel. En effet, la végétation occupe
aujourd'hui des dunes mortes, vestiges d'une période où le climat était plus sec
que de nos jours et où aucune végétation ne revêtait le sol. Ainsi, chaque sys‐
tème bio-climatique prend place dans une succession marquée par des change‐
ments de climats.
N.B. : Il existe dans les déserts de grandes plaines dites pédiplaines et des
plans inclinés, les glacis. Des hauteurs isolées, les inselbergs, dominent les
unes et les autres.
Mais, comme ces formes ne sont pas représentées dans les seuls déserts,
elles seront étudiées dans un chapitre séparé qui prolongera à la fois l'étude du
désert et celle des pays tropicaux (chapitre 20).
dômes cristallins intacts qui constituent les pains de sucre, résidus de roches
dures relativement immunisés puisque non recouverts du manteau humidi‐
fiant.
Les pains de sucre sont donc des reliefs d'érosion différentielle. Reste à
savoir pourquoi ils ont la forme régulière en parabole : c'est là une question
discutée qu'on n'abordera pas ici.
Sur les flancs des croupes, l'érosion fait parfois foirer le sol rouge épais et il
se constitue des ravins à flancs escarpés qu'on appelle, dans les régions
humides de Madagascar, des lavaka.
Dans les régions de relief vigoureux, par exemple celles qui ont subi un
relèvement tectonique, avec les incisions qui s'en suivent, les « demi-oranges
» sont remplacées par des versants pyramidaux, à facettes multiples : ce sont
les « reliefs multifaces forestiers » (Michel Petit), comme ceux du rebord est
de Madagascar.
Quant aux cuirasses qu'on peut trouver dans la forêt dense, comme dans
celle de la Côte-d'Ivoire ou de l'Amazonie, il semble qu'on doive les interpré‐
ter comme des relictes d'un climat ancien, tropical avec une saison sèche.
Le trait le plus original des cours d'eau est l'alternance de biefs calmes et de
rapides, ce qu'explique l'érosion différentielle ; cette irrégularité est l'homo‐
logue du contraste entre les pains de sucre et les croupes d'argile : là où la
roche est profondément altérée, le fleuve a pu modeler rapidement un bief
calme, mais il creuse difficilement la roche en place. L'irrégularité est le résul‐
tat d'un rapide décapage du manteau irrégulier de décomposition, en réponse
au soulèvement tertiaire des régions tropicales (socle brésilien, socle africain).
Elle n'existe pas dans les plaines de matériaux meubles comme la zone sédi‐
mentaire de l'Amazonie. On ne croit pas, en tout cas, que les chutes africaines
sont le résultat de captures récentes, car on a des preuves géologiques de la
permanence des tracés. Il ne faut pas croire non plus que l'existence de chutes
prouve l'impuissance des cours d'eau : ils sont parfaitement capables d'éroder.
1. Les formes
1.1. Le glacis
Le glacis n'est pas une forme de remblaiement ; il peut, vers l'amont, se rac‐
corder à des cônes de déjection issus de la montagne, comme c'est le cas dans
le piedmont de Téhéran, mais ces apports s'amincissent vite vers l'aval. Nor‐
malement, on ne trouve que de minces placages alluviaux (glacis « couvert »),
preuve d'un équilibre entre l'érosion et l'accumulation.
La limite amont du glacis peut être une montagne, une zone de versants peu
élevés, un crêt structural isolé, ou un mont isolé, c'est-à-dire un inselberg.
Mais nous verrons que la réciproque de ce dernier terme n'est pas exacte : tous
les inselbergs ne sont pas des points de départ de glacis rayonnants. Quand
une pente abrupte domine le glacis, elle se raccorde à lui par une très courte
section concave, talus où se fragmentent des blocs ; il peut même arriver que
le contact soit une brisure nette : c'est ce contact brutal que les géographes
allemands ont appelé knick (figure 101).
Du côté de l'aval, le glacis peut déboucher soit sur un oued, soit sur une
pédiplaine, à laquelle il se raccorde insensiblement, soit sur une zone d'accu‐
mulation, le champ d'épandage. Sur ce champ d'épandage appelé parfois
playa, ou bahada (transcription phonétique américaine de l'espagnol bajada,
plaine), se trouve souvent une lagune temporaire, la sebkra, réduite en saison
sèche à une croûte de sel. La sédimentation y est limoneuse ou, plus rarement,
argileuse.
Selon les conditions locales, il convient de distinguer les glacis proprement
dits et les pédiments. Les glacis proprement dits sont développés en roche
tendre au pied de reliefs structuraux (front ou revers de crêt, cuesta, etc.). Au
contraire, le pédiment est un glacis modelé dans une roche uniformément dure
(cristalline) qui s'arénise. Le terme, qu'on a parfois étendu abusivement à tous
les glacis, signifie fronton parce que l'inselberg entre deux pédiments est
comme la statue qui surmonte le fronton d'un temple. L'abrupt qui limite le
pédiment vers l'amont n'est pas d'origine structurale, mais une morsure d'éro‐
sion dans la masse.
1.2. La pédiplaine
La pédiplaine est une étendue beaucoup moins déclive. La pente est presque
nulle en tous sens. Elle peut se raccorder à des glacis, mais aussi venir buter
contre des inselbergs sans l'intermédiaire de plans inclinés. Beaucoup de ses
caractères sont communs avec les glacis : la couverture de débris est d'épais‐
seur faible. Des cours d'eau temporaires peuvent la parcourir ; en tout cas, ils
ne s'encaissent pas. Les dénivellations sont minimes, de l'ordre du mètre.
L'horizon s'étend à perte de vue et l'œil n'est arrêté que par les inselbergs qui
dominent la platitude de la pédiplaine.
Dans la zone tropicale, la pédiplaine peut, comme le glacis, porter une cui‐
rasse ferrugineuse, mais ce n'est pas une règle générale.
1.3. L'inselberg
La répartition zonale des trois formes glacis, pédiplaine, inselberg n'est pas
identique. L'aire des pédiplaines récentes et fraîches est plus restreinte et plus
méridionale que celle des glacis. Les glacis, en effet, du moins les glacis
d'érosion en roche tendre, sont une forme vivante jusqu'à la zone méditerra‐
néenne presque entièrement comprise. Les pédiplaines ne remontent pas au-
delà du Sahara nord-occidental où elles sont, sinon actuelles, du moins
récentes et de formes fraîches. Dans les zones désertiques, elles sont peut-être
dues à un ancien climat tropical moins sec que le climat actuel. Dans la zone
tropicale à longue saison sèche, les glacis, les pédiments et les pédiplaines
sont très développés, mais de moins en moins à mesure qu'on s'approche des
régions équatoriales où règne la mer de collines rouges. Les inselbergs carac‐
téristiques existent dans les zones tropicale et désertique ; ils ne semblent pas
actuels dans la zone équatoriale, ni dans la zone méditerranéenne.
3. Tentatives d'explication
Les problèmes posés par les glacis, les pédiplaines et les inselbergs sont
extrêmement compliqués.
On conçoit que les inselbergs ne se forment pas dans les régions tempérées
humides parce que les pentes raides y sont attaquées tandis que, dans les zones
arides et tropicales, les pentes rocheuses qui sèchent rapidement sont immuni‐
sées : alors que sous un manteau de décomposition progresse l'altération chi‐
mique, la roche mise à nu est destinée à rester presque intacte. Mais d'où vient
la mise à nu originelle de la roche lisse ?
La pédiplaine s'explique aussi par le contraste entre les pentes raides qui
sont immunisées et les zones humides soumises à l'altération. Comme la pédi‐
plaine a une pente très faible dans tous les sens, on comprend que l'altération y
soit liée au séjour de l'humidité. Cependant, la zone tropicale n'étant pas aussi
humide que la zone équatoriale, l'altération ne pénètre pas vraiment en profon‐
deur. Les cours d'eau sont incapables de s'encaisser rapidement dès qu'ils
atteignent la roche en place, et par conséquent aucune incision ne vient rajeu‐
nir le relief. Quant aux pédiplaines qui se trouvent aujourd'hui sous climat
désertique, leurs matériaux sont remaniés en surface par le rare ruissellement
et par le vent. Elles se transforment en regs mais leur destruction est impos‐
sible.
Les glacis, bien que toutes les formes de transition avec les pédiplaines
puissent se rencontrer, suggèrent des processus de modelé en partie communs
avec les pédiplaines, en partie différents. Comme elles, ils sont caractérisés
par la faiblesse de l'érosion linéaire. Mais il faut expliquer la pente longitudi‐
nale sensible, et c'est un problème trop difficile pour qu'on puisse l'aborder ici.
Notons seulement que la désagrégation mécanique et chimique collabore avec
un ruissellement en rigoles et en vastes nappes (en sheet-flood), incapable de
creuser et qui peut seulement dégager les débris. En effet, les eaux sont très
chargées et ne peuvent donc inciser les grands plans inclinés, sur lesquels elles
conservent une pente forte.
4. Conclusion
Le système anthropique
L'EMPRISE DE L'HUMANITÉ sur la planète engendre des formes artificielles
d'autant plus importantes que les hommes sont plus nombreux et que leurs
techniques sont plus puissantes. Longtemps on a pu considérer que son action
s'exerçait surtout par la mise en culture ou en pâture, mais on se rend compte
aujourd'hui qu'elle peut aussi bouleverser la nature par des effets induits et des
constructions. Toutes ces modifications sont rapides et on a pu parler d'une
action accélérée, par comparaison avec l'échelle de temps géologique, beau‐
coup plus lente.
On peut distinguer deux formes principales de l'action humaine : l'érosion
du sol, qui, se plaçant à la rencontre de la mainmise humaine et des processus
d'érosion naturels, accroît la fragilité des terres culturales et pastorales ; les
implantations directes de voies de circulation, d'exploitations et de construc‐
tions industrielles ainsi que leurs effets induits.
1. L'érosion du sol
celle des grands défrichements en pays « neuf », comme l'Ouest des États-
Unis. On peut même incriminer les défrichements néolithiques. Il a existé de
véritables temps forts de l'érosion du sol. Pour les périodes anciennes (Anti‐
quité, protohistoire), il est difficile de départager les responsabilités de
l'homme et celles des péjorations du climat : il y a peut-être convergence des
deux types de facteurs. Retenons qu'en Italie du Sud, l'archéologie montre que
l'âge d'or de l'Antiquité gréco-romaine s'est traduit par une aggravation de
l'érosion des sols, de même que la mise en culture du Néolithique et surtout de
l'âge du bronze. Mais il faut être très prudent dans l'établissement des corréla‐
tions, pour lequel abondent les contre-exemples. Défions-nous des schémas de
causalité trop simples.
L'érosion accélérée peut-être, selon les milieux, le fait de l'eau de ruisselle‐
ment (sur les pentes, même courtes), ou du vent (sur les espaces vastes), les
deux processus ne s'excluant pas l'un l'autre. Elle est particulièrement violente
sous les climats semi-arides où les sols perdent leur cohérence au cours de
longues sécheresses sauf là où il se forme une croûte calcaire, mais alors la
culture est difficile sinon impossible et où sévissent des averses fortes et espa‐
cées ainsi que des vents violents. Elle peut être particulièrement grave si le
système de culture laisse le sol à nu (jachère-culture de plantes couvrant mal
le sol) ; elle est au contraire atténuée par des cultures couvrantes telles que la
luzerne.
La déflation emporte les éléments les plus fins des sols, déposant les sables
au pied des obstacles, formant avec les particules limoneuses et argileuses des
tempêtes de poussière. Les éléments laissés en place sont évidemment de
dimensions trop grandes pour être utilisés par les plantes, et le sol est ainsi
ruiné par cet effet sélectif de l'érosion éolienne.
L'érosion par ruissellement peut rester superficielle ou creuser des rigoles
et même des ravins, qui s'étendent vers l'amont par érosion régressive. Sa gra‐
vité ne dépend pas tellement du total des précipitations, mais de leur intensité
momentanée, c'est-à-dire de la tranche d'eau tombée par unité de temps.
L'unité la plus couramment usitée est le millimètre à la demi-heure.
L'homme peut lutter contre l'érosion du sol en labourant suivant les courbes
de niveau (contour tillage), de manière à éviter que le ruissellement ne naisse
dans des sillons établis le long de la pente et en aménageant le sol des collines
en banquettes horizontales ou même à contre-pente, séparées par des gradins.
Mais le procédé devient désastreux si une pluie intense fait déborder un sillon,
engendrant ainsi un ravin. Il convient aussi d'éviter la jachère pour limiter la
déflation, de labourer perpendiculairement aux vents dominants, de disposer
les cultures en bandes successives (strips) disposées elles aussi perpendiculai‐
rement aux vents les plus violents. Les végétaux coupant le vent, comme les
haies de cyprès en Provence, sont aussi utilisés.
Le ruissellement sur les sols transporte, tout comme le vent, les éléments les
plus fins, par conséquent les cours d'eau des régions cultivées sont alimentés
essentiellement en débris fins, à l'exclusion des éléments capables de donner
des blocs et des galets. Aussi, les crues actuelles, en dehors des régions de
montagne, ne déposent-elles que des alluvions fines (ce qui constitue dans une
certaine mesure une contrepartie utile de l'érosion du sol : la crue dans les
plaines fertilise par ses dépôts).
creusé son chenal de plusieurs mètres, dégageant des seuils rocheux tels que la
barre d'Istein. Inversement, nous dit encore Neboit, « l'endiguement des
affluents du Pô descendus de l'Apennin a entraîné l'exhaussement des lits,
favorisé, il est vrai, par l'intense érosion qui sévit dans leur bassin supérieur ».
Beaucoup de cours d'eau, canalisés dans leur lit avec barrages et écluses, sont
devenus de véritables canaux, à commencer par la Seine dans la région pari‐
sienne et les cours d'eau de la France du Nord. Le résultat sur la charge flu‐
viale de l'extraction de graviers dans le lit même des rivières ne peut être mis
en doute, mais ses modalités sont discutées : il semble que, dans les sections
supérieures, l'action s'annule parce que les matériaux venus d'amont comblent
les gravières au fur et à mesure mais que, dans les sections moyennes et infé‐
rieures, l'interception des alluvions dans les gravières du cours supérieur se
traduise par une diminution de charge engendrant un creusement (par exemple
sur la Loire moyenne, où le fleuve, qui autrefois tendait à remblayer, se met à
creuser au point qu'en 1978, affouillant une pile, il a causé à Tours l'effondre‐
ment du pont Wilson).
Ce sont surtout les barrages qui diminuent, sans toutefois la supprimer com‐
plètement, la charge des cours d'eau en aval de chaque ouvrage (exemple : le
barrage d'Assouan sur le Nil). D'où, moins de limon de crue fertilisant, moins
de charge en matières solides dans le cours, moins de sédimentation à l'arrivée
à la mer, moins de transport littoral de sable, introduction d'un déséquilibre
érosion/accumulation sur les plages au profit de l'érosion. Beaucoup de fronts
de deltas reculent ; beaucoup de plages « démaigrissent », au grand dam du
tourisme.
Les touristes, de leur côté, piétinent impénitemment les sentiers fragiles où
ils se pressent, comme entre la station supérieure du téléphérique et le sommet
du puy de Sancy, dans le Massif Central français : le sol a été ainsi enlevé sur
près d'un mètre au pied de la table d'orientation. Même piétinement au voisi‐
nage des arrivées et des départs des remontées mécaniques fréquentées en été.
La déformation de la planète se marque dans l'ouverture des carrières, dans
l'édification des terrils miniers. Une gestion raisonnable consiste dans leur «
reverdissement », avec parfois transformation des plaies d'extraction en plans
d'eau, comme on l'a réalisé sur les fosses d'exploitation du lignite à l'ouest de
Cologne. Encore faut-il préserver les affleurements géologiques dignes d'inté‐
rêt, comme les volcanologues en congrès l'ont demandé dans l'Eifel rhénan !
Les routes, les remblais de voies ferrées, sont aussi des reliefs créés par
l'homme, tout comme les terrils, mais, bien entendu, avec des tracés linéaires
et non ponctuels.
Un cas particulier du système anthropique est l'action planétaire (les Anglo-
Saxons disent « globale ») de l'exercice inconsidéré de certaines techniques,
comme celles des « bombes » à composés fluorés sur la couche d'ozone qui
nous protège de l'excès de rayons ultraviolets. Quant aux rejets dans l'atmo‐
sphère de gaz carboniques issus principalement de nos moteurs, ils augmente‐
raient anormalement, par effet de serre, la température de l'air qui entoure
notre globe. Ils accéléreraient donc la fusion des glaciers et élèveraient ainsi le
plan d'eau des océans, qui tendraient alors à submerger les régions côtières
basses, telles que le Bangladesh. Mais l'ordre de grandeur de ces effets est très
discuté. Les jugements portés par ce qu'on a appelé, non sans dérive séman‐
tique, l'écologie sont trop passionnels pour qu'on les accepte sans critique.
De toute façon, l'homme modifie les combinaisons naturelles des processus
et introduit une dynamique nouvelle. La biosphère où nous vivons, que nous
transformons en bien ou en mal, que nous nous efforçons de repenser et
d'améliorer, tend à devenir en partie une noosphère (du grec noos νοος ,
esprit) et n'est plus uniquement le domaine d'une nature soumise au détermi‐
nisme. La géographie humaine s'introduit dans la géographie physique.
Photographie 7 Érosion du sol, Ouest des États-Unis
Géomorphologie littorale
Chapitre 22
L'érosion littorale
LE CONTACT DE LA TERRE ET DE LA MER s'exerce surtout sur l'estran, espace
compris entre le niveau des plus hautes mers et celui des plus basses mers. La
différence de niveau entre marée haute et marée basse (cette différence est
appelée marnage) atteint au maximum 20 mètres, mais plus couramment 2 ou
3 mètres et même moins. Mais l'érosion littorale intéresse aussi une portion de
terre supérieure à la laisse de haute mer : falaises, espaces atteints par les
embruns ; de plus, des zones toujours immergées appartiennent aussi au
domaine littoral en raison du travail sous-marin de la vague qui se brise.
Les côtes n'ont pas toujours été localisées à leur emplacement actuel
puisque, en raison des mouvements du terrain et de ceux du plan d'eau des
océans, transgressions et régressions se sont succédé au cours de l'histoire
géologique. La côte est donc une position momentanée de la ligne de rivage,
qui peut avoir laissé vers la mer ou vers la terre des traces d'une position plus
ancienne.
La rapidité avec laquelle les formes littorales se modifient et l'intérêt de
connaître les transports de troubles par l'eau de mer côtière rendent indispen‐
sable l'utilisation des méthodes de télédétection (photographies aériennes,
d'avion ou de satellite ; photographies en « fausses couleurs » décalant les lon‐
gueurs d'onde des couleurs pour rendre visible l'infra-rouge ; thermographie,
c'est-à-dire mesure à distance des températures de l'eau, etc.).
Les principaux agents de l'érosion littorale sont les vagues et les courants.
On n'oubliera pas cependant que d'autres actions s'exercent, en particulier la
dissolution par les embruns et par le séjour des flaques sur l'estran, notamment
quand la roche est calcaire.
1.1. Les vagues
Les courants sont de types très nombreux. Ceux qui intéressent le plus la
morphologie littorale sont les courants de débris et les courants de marée.
• Les courants de débris se produisent quand les vagues ne frappent pas
perpendiculairement le rivage (malgré la réfraction, c'est le cas géné‐
ral, car la réfraction atténue l'obliquité sans la faire disparaître com‐
plètement). Le retrait se faisant avec un angle de réflexion sensible‐
ment égal à l'angle d'incidence, les débris sont « réfléchis » à chaque
vague et suivent une trajectoire en zigzag dont la résultante est un
transport parallèle à la côte (figure 103).
Selon que le résultat du travail de la vague et des courants est surtout une
érosion ou surtout une accumulation, la forme correspondante est une falaise
ou une plage. Les deux formes se rencontrent sur une même côte, où une
plage peut se construire dans un secteur abrité et une falaise se former par éro‐
sion sur un point exposé.
2.1. La falaise
2.2. La plage
Une plage est « une accumulation, sur le bord de la mer, de matériaux plus
grossiers que les constituants principaux de la vase », encore que certaines
plages passent à des vasières dans la zone de basse mer. On réserve le nom de
grève à une plage formée de galets.
Les matériaux des plages comprennent des blocs, des galets, des graviers,
des sables, et même des éléments plus fins. Les matériaux fins ne proviennent
guère d'un amenuisement, par action de la mer, des matériaux grossiers, mais
la mer les reçoit tels quels : les sables sont issus soit de dépôts fluviatiles soit
de roches préalablement arénisées, comme les granits. Mais, si la mer n'ame‐
nuise pas, du moins elle façonne : elle émousse les sables et aplatit les galets
plus rapidement que ne font les cours d'eau.
La plage a une partie immergée et une partie émergée, qui se termine sou‐
vent par une crête. Les matériaux sont en général de plus en plus grossiers de
bas en haut. Sur la partie émergée, naissent des dunes. La plupart de ces dunes
sont hautes de quelques mètres à peine, mais il en existe aussi de grandes,
comme celle du Pyla, en Gascogne, qui atteint une centaine de mètres. La for‐
mation des dunes s'explique par la présence de grands vents venant du large.
L'absence de végétation sur la plage, l'aptitude du vent à sécher des sables
humides favorisent leur développement. La végétation prend possession de la
dune et tend à la fixer jusqu'à ce qu'une tempête particulièrement violente
vienne ouvrir une brèche en forme de chaudron, la caoudeyre.
Le tracé et la position des plages : Les plages sont tantôt liées à des inden‐
tations du rivage, tantôt plus ou moins indépendantes de son tracé. Dans ce
dernier cas, la partie émergée de la plage est appelée cordon littoral ou crête
d'avant-côte émergée.
Parmi les plages liées à une indentation du rivage, on peut distinguer (figure
105) :
• les plages de fond de baie, qui offrent un tracé en arc de cercle, suivant
le dessin même que tendent à prendre par réfraction les vagues défer‐
lantes ;
les plages tendant à barrer une baie à mi-chemin entre la tête de la baie
et son entrée (celles-ci sont assez rares) ;
les flèches tendant à barrer l'entrée de la baie (cas très fréquent) et aux‐
quelles on peut appliquer le nom picard de poulier.
Figure 105 Localisation de divers types de plage
Le tracé en plan de tous les types de plage est en général simple, et les côtes
qu'ils constituent se caractérisent par de grandes sections rectilignes ou en arcs
à grand rayon de courbure (de concavité tournée vers la mer). Cependant, les
pouliers prennent parfois une forme de crochet à leur extrémité. D'autre part,
certaines plages complexes dessinent une avancée formée de cordons succes‐
sifs ; c'est le cas du Darss, sur la côte balte, de Dungeness, sur la côte britan‐
nique du Pas de Calais.
Signalons enfin le recul général des plages depuis que les barrages fluviaux
réduisent les apports d'alluvions à la mer (chapitre 21.2 p. 193).
Il est classique d'affirmer qu'un rivage jeune est un rivage dentelé ou fes‐
tonné et qu'il évolue vers la vieillesse en se régularisant par sapement des caps
et barrage des baies par des flèches derrière lesquelles les lagunes se comblent
rapidement. Cette théorie est exacte dans ses grandes lignes (figure 107).
Toutefois, il convient d'apporter quelques précisions :
• Après un rajeunissement (une submersion par exemple) la mer peut
commencer par accentuer l'irrégularité de la ligne de rivage. En effet,
le relief continental ennoyé est souvent empâté par des alluvionne‐
ments de fond de vallée, des épaississements de sols masquant les
ruptures de pente. La mer va d'abord dégager ces dépôts tendres et
elle accentuera ainsi les irrégularités du tracé côtier. Johnson a
nommé « stade crénelé » (figure 107, II) celui qui résulte de ce travail
de lavage des dépôts tendres et de la première irrégularisation du
tracé.
L'érosion marine différentielle ne s'applique pas qu'aux dépôts meubles.
Nous avons vu combien le recul des falaises était inégal selon les
roches. Il en résulte que la ligne de rivage peut présenter des rentrants
et des saillants résultant de ce travail. Cependant, la mer ne peut pas
creuser profondément dans les terres, les vagues ne tardant pas à se
freiner dans le rentrant.
Malgré les réserves qui ont été faites, la régularisation est bien la tendance
générale de l'évolution de la ligne de rivage ; elle se fait de telle sorte que la
côte tend à prendre une direction perpendiculaire à la houle dominante (figure
107, VI).
Les côtes d'origine glaciaire peuvent se diviser en trois sous-types bien tran‐
chés : les côtes à fjords, les côtes à skjär, les côtes des plaines d'accumulation
glaciaire.
On appelle fjord une auge glaciaire occupée par la mer après la fonte du
glacier.
La répartition des fjords à la surface du monde se calque sur celle des
rivages que la glaciation a occupés longtemps et sur lesquels les courants de
glace ont été assez canalisés pour déterminer des auges. Les fjords sont donc
localisés sur des côtes abruptes, où un relief vigoureux a pu être entaillé en
auge. À l'intérieur du domaine de la glaciation, il se trouve que ces conditions
ont permis le développement des côtes à fjords sur les bords ouest des conti‐
nents plus que sur les bords est. Les plus beaux fjords se rencontrent sur la
côte Pacifique Nord de l'Amérique du Nord (Canada, Alaska), sur la côte sud
du Chili, sur les côtes ouest de la Norvège, à laquelle le terme a été emprunté,
et de l'Écosse, où on les appelle lochs, comme les lacs de surcreusement gla‐
ciaire, enfin dans le Sud de la Nouvelle-Zélande.
On reconnaît dans les fjords tous les caractères des vallées glaciaires. Le
profil en long présente des seuils et des ombilics, beaucoup plus apparents que
les mouilles des vallées fluviales ou des estuaires et taillés dans la roche en
place (profondeur de 1 200 mètres dans des cas extrêmes). Le profil en travers
montre des replats. Tantôt les vallées affluentes sont suspendues et se
déversent dans le fjord par des cascades, tantôt elles sont ennoyées : ce sont
alors des seuils de transfluence transformés en détroits, tels les sounds de la
Colombie canadienne. Le réseau des fjords et des sounds peut être dû à des
influences lithologiques ou tectoniques ; il n'en a pas moins été élaboré par les
langues glaciaires.
3.2. Les côtes à skjär
Les côtes à skjâr, c'est-à-dire à écueils, sont dues à des roches moutonnées
ennoyées ; elles sont bordées d'archipels, d'îlots minuscules. La plus grande
partie des côtes finlandaises et des côtes suédoises (Scanie exceptée) appar‐
tiennent à ce type. Il correspond à l'occupation par la mer d'une côte de plaine
d'érosion glaciaire, et bien évidemment on rencontre des types de transition
avec les côtes d'accumulation glaciaire.
Elles sont extrêmement variées, les ôs, les drumlins y formant des promon‐
toires ou des îlots, les vallées de cours d'eau sous-glaciaires constituant les
golfes. Ce sont les vallées ennoyées d'anciens cours d'eau sous-glaciaires qui
donnent son originalité à la côte est du Jutland. Elles forment de longs che‐
naux ou golfes sinueux, aux rives vertes et basses, avec de brusques élargisse‐
ments et des contrepentes. L'érosion marine, facile dans les matériaux morai‐
niques, l'accumulation, rapide dans ces eaux peu profondes, régularisent assez
vite ce type de côte.
2000, 366 p.
Derruau M., et allii, Composantes et concepts de la géographie physique,
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