Résumé. Le botulisme est une maladie à déclaration obligatoire. C’est une affection grave mais qui reste exception-
nelle en France. Une antitoxine botulique est disponible auprès de l’EPRUS, après accord d’une ATU délivrée par
l’ANSM. L’administration doit être la plus précoce possible après apparition des symptômes. Matériel et méthode :
Ce travail relate la prise en charge d’une TIAC (toxi-infection alimentaire collective) de botulisme à Clostridium
baratii de type F, identifié dans les selles de 3 patients ayant pris un repas dans un lieu identique en août 2015.
Résultats : Un patient A de 36 ans, un patient B de 49 ans et un patient C de 17 ans présentent douleurs abdomi-
nales, vomissements, troubles de la déglutition, de l’élocution, dyspnée, xérostomie et asthénie à J1. L’évolution
rapide en tétraparésie et l’EMG caractéristique permettent de poser le diagnostic de botulisme et l’administration
d’antitoxine à J5 pour A et B. Le patient C, diagnostiqué à J11 ne permet pas l’administration d’antitoxine. Un
traitement par amifampridine est instauré chez les 3 patients jusqu’à disparition des symptômes (20 à 27 jours de
traitement). La durée d’hospitalisation est de 14, 26 et 37 jours, et la durée de ventilation mécanique de 8, 12 et
25 jours respectivement pour les patients A, B et C. Discussion/conclusion : L’administration d’antitoxine chez les
deux patients (A et B) dont le diagnostic s’est fait plus rapidement que pour le patient C permettent un rétablisse-
ment, une reprise de ventilation, et une sortie d’hospitalisation plus rapides. Ces résultats sont compatibles avec les
données de la littérature concernant l’utilisation de l’antitoxine botulique. Une fois le diagnostic posé et l’analyse
clinique du réanimateur complétée par la recherche bibliographique du pharmacien hospitalier, la constitution
rapide du dossier d’ATU ainsi que l’organisation optimisée de l’approvisionnement en antitoxine sont des éléments
déterminants dans le délai de prise en charge de cette pathologie.
Mots clés : botulisme, antitoxine botulique, toxi-infection alimentaire collective (TIAC), Clostridium botulinum
type F
Abstract. Botulism is a disease that must be reported to Health Authorities. These cases are serious, but exceptional
in France. A botulinum antitoxin is available from the EPRUS after approval of ATU (temporary authorization for
use) issued by ANSM. The administration should be earlier as possible after symptoms. Materiel and method: This
work describes the management of TIAC (collective foodborne infection) by Clostridium baratii of type F botulism,
identified in the stools of 3 patients having a meal in the same place in August 2015. Results: A 36 years-old patient
“A”, a 49 years-old patient “B” and a 17 years-old patient “C” have abdominal pain, vomiting, difficulty swallowing
and speaking, dyspnea, asthenia and xerostomia at day 1. Rapid alteration in tetraparesis and characteristic EMG
allows the diagnosis of botulism and administration of antitoxin to day 5 for A and B. Patient C, diagnosed at day
11 does not allow the antitoxin administration. Amifampridine treatment is initiated for 3 patients until symptoms’
end (20-27 days of treatment). The hospital stay is 14, 26 and 37 days, and mechanical ventilation during 8, 12
and 25 days respectively for patients A, B and C. Discussion/conclusion: The administration of antitoxin in both
patients (A and B) whose diagnosis was made quickly than patient C have allowed a faster recovery and retrieval
ventilation, with a potential reduction in the length of the hospital stay. Results are consistent with published data
on the use of botulinum antitoxin. After diagnosis, clinical and bibliographical analysis, pharmaceutical validation
and rapid supplying of antitoxin by the Hospital Pharmacist are key elements in the management of this disease.
Key words: botulism, botulinum antitoxin, food poisoning, Clostridium botulinum type F
Tirés à part : L. Caparros
Pour citer cet article : Caparros L, Bourget S, Hida H. Trois cas de botulisme alimentaire en France. J Pharm Clin 2016 ; 35(3) : 164-8
164 doi:10.1684/jpc.2016.0335
Trois cas de botulisme alimentaire en France
Amifampridine J6-J26 (20 jours) J6-J29 (23 jours) J12-J39 (27 jours)
Ventilation mécanique J4-J12 (8 jours) J3-J15 (12 jours) J2-J27 (25 jours)
Soins intensifs/réanimation J4-J15 (11 jours) J3-J19 (16 jours) J2-J28 (26 jours)
Hospitalisation J4-J18 (14 jours) J3-J29 (26 jours) J2-J39 (37 jours)
en intraveineux à J6 et J7. À J11, le CHU est informé de sifs, de la durée de ventilation mécanique, de la durée de
la suspicion de 2 cas de botulisme en provenance de la nutrition artificielle (entérale ou parentérale). L’utilisation
même commune ; des prélèvements sanguins sont réali- de cette thérapeutique est associée à une diminution du
sés, ainsi qu’un prélèvement de selles. Un second EMG est coût de prise en charge hospitalière par patient [14].
alors réalisé, retrouvant également un tracé caractéristique Deux cas de botulisme de type E ont été traités
de botulisme. Devant le diagnostic tardif et le début d’une avec succès par la sérothérapie au CHU de Strasbourg ;
récupération clinique, la sérothérapie par antitoxines n’est l’administration précoce de l’immunosérum (moins de
pas indiquée. Un traitement par amifampridine est néan- 24 heures après l’admission des patients) a pu conduire
moins instauré à partir de J12 à son arrivée au CHV. La au rétablissement rapide des patients [15].
récupération est lente, avec restauration d’une force mus- Cette immunothérapie reste néanmoins coûteuse et
culaire à partir de J18 puis transfert en neurologie à J28 son efficacité est parfois discutée. Aucune étude compa-
(tableau 1). Une sortie en centre de soins de suite et rative ne démontre la supériorité de la sérothérapie par
réadaptation (SSR) est organisée pour un réentraînement rapport à un traitement symptomatique seul [4], qui reste
à l’effort progressif. la thérapeutique principale recommandée.
Ces trois cas ont été déclarés dès suspicion de dia- Ainsi, sans pouvoir affirmer de son efficacité certaine,
gnostic auprès des autorités de santé. les cas rapportés étayent l’hypothèse d’une contribu-
Les examens sériques (test de neutralisation par sérum tion majeure de l’antitoxine botulique dans un contexte
antibotulique) des patients n’ont pas permis d’identifier le d’infection grave à Clostridium.
type de toxine impliquée. Seuls les prélèvements de selles D’autre part, le toxinotype du Clostridium est connu
ont permis d’identifier la présence de Clostridium baratii tardivement et l’administration de l’immunosérum doit se
de type F. faire sans délai, sans attendre ces résultats biologiques.
Dans les cas rapportés ici, seule la toxine F a été retrouvée
Discussion et conclusion (dans les selles), alors que l’antitoxine utilisée neutralise
spécifiquement les toxines de type A, B et E. Néanmoins,
Les TIAC à botulisme de type F sont exceptionnelles la constitution proche de ces chaînes protéiques, les
en France et de gravité importante d’après les don- échanges de séquences entre différentes souches bacté-
nées de la littérature [11, 12]. Nos trois cas cliniques riennes et la possible production de différents toxinotypes
confirment l’efficacité du traitement par l’antitoxine botu- par Clostridium [7, 16], ainsi que l’amélioration clinique
lique, lorsque des délais d’administration courts sont de nos patients, suggèrent que le sérum trivalent n’est
respectés. En effet, l’administration d’antitoxines chez les pas dénué d’intérêt, même en présence prouvée seule-
deux patients (A et B), dont le diagnostic s’est fait assez ment de toxine F. Un cas similaire à toxinotype F a été
rapidement, a permis un rétablissement, une reprise de décrit [17]. Par ailleurs, aucune réaction allergique ou effet
ventilation, et une sortie d’hospitalisation plus rapides indésirable (réaction cutanée et chute tensionnelle) n’est
comparativement au patient C qui n’a pas pu bénéficier de observé après l’administration de l’antitoxine chez les 2
cette thérapeutique. Cette même stratégie thérapeutique patients A et B.
a été mise en place dans la prise en charge d’une TIAC à L’administration concomitante d’amifampridine a par-
toxine A en Corse [13]. ticipé au rétablissement des patients. En effet, une
La nécessité d’un délai court d’administration de augmentation progressive des doses est indiquée devant
l’antitoxine (idéalement 24 heures, intérêt optimal dans les l’efficacité dose-dépendante retrouvée chez les patients
3 jours, non démontré au-delà de 7 [8]) n’a pas été remis [18]. Une meilleure réponse clinique et biologique au trai-
en question par l’approvisionnement optimisé par une tement par diaminopyridine est associée à une extubation
bonne collaboration réanimateur-pharmacien et EPRUS, plus précoce des patients [18]. Cependant, les publications
mais plutôt par la difficulté de diagnostic. En l’absence restent contradictoires quant à l’efficacité de ce traite-
de symptômes d’emblée caractéristiques ou de présen- ment sur l’intoxication au botulisme, avec des cas de
tation groupée de plusieurs cas, le diagnostic en moins botulisme de type B [19] résolutifs sous amifampridine et
de 24 heures est souvent compromis et le recours aux d’autres cas de botulisme, de type A [13, 20] et C [21], non
antitoxines en moins de 24 heures est alors exclu. améliorés par cette thérapeutique. En l’absence de recom-
On retrouve des observations similaires pour des mandations claires par nos sociétés savantes, le traitement
patients atteints de botulisme infantile traités par des s’avère souvent empirique.
immunoglobulines botuliques intraveineuses humaines L’analyse pharmaceutique, la revue de littérature et
aux États-Unis (non traités par les antitoxines équines l’organisation d’un approvisionnement rapide en anti-
à cause des risques de réactions allergiques). Pour toxines par le pharmacien hospitalier dès la suspicion du
ces patients, il est décrit : réduction de la durée diagnostic de botulisme restent des éléments clés dans la
d’hospitalisation, de la durée de séjour en soins inten- stratégie thérapeutique. La rapidité d’obtention de l’ATU
et la livraison en urgence de l’antitoxine ont permis une 9. Chalk CH, Benstead TJ, Keezer M. Medical treatment for botulism
administration aux patients moins de 24 heures après le (review). The Cochrane Library 2014 ; 2.
diagnostic clinique. La collaboration entre médecins et 10. Firdapse - Amifampridine. European Medicines Agency.
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