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Q 11 FOCUS

RR
Cette question a fait l’objet
d’une mise à jour sur
revue praticien
Ce FOCUS attire votre attention
PRINCIPES
sur des points importants
D’UNE DÉMARCHE
D’ASSURANCE QUALITÉ
et évaluation des pratiques professionnelles
Dr Christophe Segouin, Dr Stéphane David, Dr Adrien Dozol
Service de santé publique et économie de la santé, groupe hospitalier Lariboisière-Fernand-Widal, 75010 Paris, France
christophe.segouin@lrb.aphp.fr

évaluation de la qualité des soins prodigués en établissement solidairement. Les dépenses croissant plus vite que les recettes,
L’ de santé comme en ville est une démarche essentielle qui
contribue à améliorer l’état de santé d’une population.
il est attendu que les moyens employés le soient de façon opti-
male et efficiente. On attend également que les professionnels
En effet, la qualité et la sécurité des soins ne sont plus présu- rendent des comptes non seulement sur ce qu’ils font mais
mées par la seule acquisition du diplôme qui autorise l’exercice aussi sur la légitimité ou la capacité qu’ils ont à le faire. Ceci se
des professionnels de santé, notamment parce que les connais- situe dans un contexte sociétal où chacun est chargé de rendre
sances médicales évoluent rapidement et que les prises en des comptes sur ce qu’il fait au regard des résultats que l’on
charge des patients se complexifient et nécessitent souvent une attend de lui.
coordination entre plusieurs professionnels de santé.
De plus, de nombreuses études mettent en évidence des La nécessité de mettre en œuvre des démarches
variabilités interprofessionnels et/ou interétablissements dans les qualité et d’évaluer ses pratiques
pratiques et l’incidence d’événements indésirables touchant les
patients pris en charge pour des soins. La complexité de la prise en charge des patients, dans un éta-
S’interroger sur la qualité et la sécurité des soins, c’est d’une blissement de santé mais aussi en ambulatoire, ne fait plus
part s’assurer que les soins sont prodigués de façon conforme reposer la qualité des résultats sur la seule compétence de
aux recommandations des experts ou aux connaissances scien- chaque professionnel concerné. C’est en effet l’articulation entre
tifiques et d’autre part chercher à maîtriser les risques de surve- les différents intervenants qui permet d’arriver au résultat
nue d’événements indésirables. escompté. Ceci impose de penser l’organisation de la prise en
charge de façon plus globale et donc, en particulier, de formaliser
La nécessité de parler qualité la place de chacun des professionnels dans un processus de
soins.
Devant ces constats, les professionnels de santé ne peuvent Au-delà de ce constat de bon sens, la difficulté d’appliquer ce
pas se contenter d’afficher leur diplôme et leur volonté de bien précepte est double, car il existe un obstacle lié à la culture des
faire. En effet, trois dimensions prennent une importance crois- professionnels et un autre lié au temps dont ils disposent. Bien
sante : que travaillant pour le même but, les professionnels de soins ont
– le coût de la santé ; des cultures propres à leur métier, transmises par la formation et
– la nécessité de rendre des comptes de ce que l’on fait ; le compagnonnage. Cette culture détermine les valeurs profes-
– une exigence croissante des patients en termes de demande sionnelles et la vision que chacun a de son rôle. Ces valeurs et
d’information et de participation aux décisions médicales. En ces visions présentent des différences entre les différentes filières
effet, la santé est financée en grande partie collectivement et professionnelles.

LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 60


20 juin 2010 837
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RR FOCUS Q 11 PRINCIPES D’UNE DÉMARCHE D’ASSURANCE QUALITÉ ET ÉVALUATION…

Par ailleurs, les évolutions scientifiques rapides nécessitent professionnels. La Haute Autorité de santé (HAS) coordonne au
que les professionnels mettent à jour leurs connaissances et niveau national leur mise en œuvre.
qu’ils confrontent régulièrement leurs pratiques aux données de La certification des établissements de santé est une évaluation
la science. Les possibilités dans ces deux domaines, tant en ter- externe et périodique, qui porte sur leur organisation et leurs pra-
mes de moyens que de disponibilité en temps, ne sont pas les tiques. Depuis peu, des indicateurs nationaux, produits annuelle-
mêmes selon le type d’exercice. Dans les établissements de ment, viennent donner un éclairage sur des points qui sont définis
santé, les rythmes de travail et la capacité à libérer des plages comme essentiels au niveau national (indicateurs portant sur
horaires diffèrent selon les catégories professionnelles et les spé- l’hygiène - ICALIN -, sur la tenue de dossier, sur la traçabilité de la
cialités. De ce fait, il est difficile d’avoir des temps de réflexion prise en charge de la douleur, sur la prise en charge des infarctus
communs sur l’organisation des soins. En ville, un médecin du myocarde...). Le niveau d’exigence s’élève, et les modalités
généraliste qui travaille en partie sans rendez-vous et qui doit être d’évaluation s’affinent. En particulier, les indicateurs nationaux
disponible pour sa clientèle a moins la maîtrise de ses temps de permettent de comparer les établissements entre eux et d’infor-
formation et d’évaluation qu’un médecin travaillant dans une mer les patients. Ils sont également une forme de réponse aux
équipe hospitalière. classements proposés par la presse, dont la méthodologie est
Or, comme l’a réaffirmé la loi HPST (loi votée le 21 juillet 2009 critiquable.
portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux Pour les médecins, pharmaciens et odontologistes, la loi du
territoires), tous les médecins en exercice ont l’obligation de met- 13 août 2004 relative à l’assurance maladie a créé une nouvelle
tre en place ou de participer à des démarches d’évaluation de obligation : l’évaluation des pratiques professionnelles dont les
leurs pratiques, formalisées, méthodiques, dont l’objectif est d’a- modalités de mise en œuvre et de validation devraient être défi-
méliorer la qualité et la sécurité des soins prodigués aux patients. nies en 2010. Cette obligation devrait être étendue aux autres
Attention, ces démarches ont bien pour but de prendre en charge professionnels de santé prochainement.
le patient de façon optimale au regard des connaissances scien-
tifiques du moment. Elles ne doivent pas être confondues avec Qu’entend-on par évaluation des pratiques ?
une activité de recherche qui, elle, a pour but de découvrir de
nouveaux diagnostics ou de nouveaux traitements. Évaluer ses pratiques professionnelles consiste à confronter sa
pratique avec ce qui est attendu au regard des connaissances
Sur quels principes repose une démarche qualité ? scientifiques et/ou des recommandations professionnelles exis-
tantes et actualisées. Pour que cette démarche soit porteuse
L’objectif d’une démarche qualité est d’améliorer les soins déli- d’amélioration, elle doit être méthodique. Il ne suffit pas de passer
vrés aux patients. Pour ce faire, il est nécessaire d’appliquer une en revue in petto ses actions de la journée écoulée. Il faut choisir
méthode qui garantisse le résultat et qui pérennise l’amélioration une thématique pertinente au regard de son activité, mettre en
visée. Le modèle le plus couramment utilisé est celui qui a été place une évaluation systématique, pérenne, c’est-à-dire continue,
formalisé par Deming, en vue d’aider le Japon à se reconstruire et qui soit intégrée le plus possible dans sa pratique profession-
après la Seconde Guerre mondiale. Il est représenté sous la nelle. Pour assurer le succès de cette obligation, la HAS a mis en
forme d’une roue pour indiquer que la démarche est en boucle, place un dispositif de soutien méthodologique aux médecins
et il distingue 4 étapes essentielles une fois que la cible de l’amé- désirant se faire aider dans leur démarche.
lioration a été choisie :
– la détermination de ce qui doit être mis en œuvre (objectifs En conclusion
à atteindre et actions à entreprendre) ;
– la mise en place du programme d’amélioration ; Les professionnels de santé, en particulier les médecins, jouis-
– l’évaluation des résultats (il est donc nécessaire d’avoir défini sent toujours d’une grande autonomie dans leurs pratiques,
des indicateurs permettant d’évaluer l’atteinte des objectifs) ; mais ils doivent maintenant intégrer le fait qu’ils doivent rendre
– la mise en place d’actions correctives. des comptes sur ce qu’ils font et, en particulier, apporter la
preuve qu’ils se donnent les moyens de prodiguer à leurs patients
Comment apporter la preuve que sa pratique s’inscrit les soins optimaux au regard des connaissances scientifiques du
dans une démarche de recherche de qualité ? moment. Pour cela, outre actualiser leurs connaissances, ils
doivent s’évaluer et participer à des évaluations qui impliquent
Le problème existe pour les praticiens en exercice mais aussi d’autres professionnels qu’eux-mêmes.•
pour ceux qui sont encore en formation. Avec l’évolution de la
certification des établissements de santé d’une part, et l’obli-
gation d’évaluation des pratiques professionnelles d’autre part, Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données
publiées dans cet article.
on entre dans une nouvelle ère pour les établissements et les

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