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I-1 Q7
RR
Cette question a fait l’objet d’une actualisation complète.
ÉTHIQUE ET DÉONTOLOGIE
MÉDICALE
Droit du malade ; problèmes liés au diagnostic,
au respect de la personne et à la mort
Dr Anne-Marie Duguet, Dr Pierre-André Delpla
Médecine légale et droit de la santé. Faculté de médecine Toulouse-III, 31000 Toulouse, France
aduguet@club-internet.fr
et sur quels critères ? L’éthique médicale suscite donc à la fois la morale ; elle correspond, selon lui, à l’immixtion du premier,
une délibération au sein du groupe social et un discernement l’ordre juridico-politique, dans le second, celui précisément de
personnel. La réflexion éthique est donc nécessairement pluri- l’éthique.
disciplinaire, elle doit aboutir à un consensus sur une hiérarchie Élaboré par les médecins eux-mêmes – représentés en l’oc-
commune de valeurs. currence par l’Ordre national des médecins (Cnom) – sous le
Elle s’appuie sur des textes devenus des références internatio- contrôle étroit du Conseil d’État et du gouvernement, chargés
nalement reconnues : de vérifier sa conformité avec les lois, le code de déontologie
– le serment d’Hippocrate, qui s’attache notamment à respecter médicale (CDM), promulgué sous forme de décret en Conseil
le patient, sa famille et son intimité, par le caractère absolu et d’État, est inséré dans le code de la santé publique. Il précise
intangible du secret médical (devenu à la fois une obligation ainsi les dispositions réglementaires concernant l’exercice pro-
déontologique et légale) ; fessionnel.
– le code de Nuremberg (1947), issu des procès du même nom – La déontologie est donc constituée par l’ensemble des règles
incluant celui des médecins nazis par un tribunal militaire inter- et des devoirs d’une profession. Le code de déontologie énu-
national – qui édicte pour la première fois dans l’histoire des mère les devoirs généraux des médecins, les devoirs du méde-
règles applicables à tous pour les expérimentations sur cin envers les patients, les rapports que doivent entretenir les
l’homme, qui seront reprises dans tous les textes postérieurs ; médecins entre eux et avec les autres professions de santé,
– des textes élaborés par l’Association médicale mondiale ainsi que les dispositions particulières réglant l’exercice de la
comme la déclaration d’Helsinski en 1964 (amendée à plu- profession.
sieurs reprises jusqu’en 20082) ou la Déclaration sur les droits Au-delà de l’exigence Hippocratique de confidentialité et de
des patients (Lisbonne 1981), ou la Convention pour la protec- probité4 (art. 3 et 4 du code de déontologie médicale), les obliga-
tion des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à tions d’information – loyale, claire et appropriée – et de recueil
l’égard des applications de la biologie et de la médecine, dite d’un consentement – libre et éclairé – aux soins (art. 37 et 38 du
Convention d’Oviedo3. code de déontologie médicale), désormais considérées comme
Dans tous ces textes, on retrouve les principes essentiels qui des droits fondamentaux des malades (cf. loi Kouchner du 4
sont le respect de la dignité de la personne et l’autonomie. Cela mars 2002), sont désormais au centre de la relation médecin-
implique que tout acte médical soit pratiqué avec le consente- patient, dans un souci de plus en plus prégnant de respect de
ment libre et éclairé de la personne. C’est le consentement qui l’autonomie de la personne, venant primer en quelque sorte le
donne son sens à l’acte médical : on ne pratique pas un soin traditionnel principe de bienfaisance ou de non-malfaisance (pri-
parce que c’est possible mais parce que c’est souhaitable et que mum non nocere) longtemps privilégié par une médecine pater-
le patient y consent. Aucun acte médical (de traitement ou d’ex- naliste aujourd’hui révolue.
ploration) ne peut donc être entrepris sans le consentement du Parallèlement, l’exercice médical est devenu de plus en plus
patient. Le patient donne son consentement après avoir reçu technique et repose désormais sur un savoir exponentiel auquel
une information claire, adaptée et loyale. le praticien doit pourtant se référer – d’où l’importance de la for-
Le consentement est oral, sauf pour les cas d’assistance médi- mation médicale continue et de l’évaluation des pratiques profes-
cale à la procréation, de transplantation d’organes, d’interruption sionnelles – s’il veut continuer à délivrer des « soins consciencieux,
de grossesse, pour les recherches génétiques et pour la recherche dévoués et fondés sur les données acquises de la science... »
biomédicale (loi Huriet-Sérusclat de 1988). (article 32 du code de déontologie médicale).
L’acte thérapeutique relève donc d’abord des sciences biolo-
De l’éthique à la déontologie giques et médicales – les savoirs – avant d’être guidé par le
Ainsi d’abord constituée au niveau interpersonnel de ce que savoir-faire du praticien et de trouver toute sa force symbolique
l’on peut appeler « pacte de soins », l’éthique médicale se et sa portée relationnelle dans le savoir-être de ce dernier, don-
place, finalement, sous des normes qui l’élèvent au rang d’une nant à l’art médical ses réelles lettres de noblesse.
déontologie. En se référant, dans la tradition spinozienne, à la
distinction des ordres, le philosophe contemporain André Des enjeux individuels et collectifs
Comte-Sponville situe la déontologie à l’interface du droit et de Mais si les avancées récentes de l’art sont dues au progrès
scientifique – dont le mobile premier n’est pas la compassion
ou la sollicitude (alléger la souffrance) mais la curiosité et la maî-
2. 59e Assemblée de l’Association médicale mondiale, Séoul, octobre 2009. trise (connaître mieux l’organisme humain) –, le péril est alors
3. 4 avril 1997, STE n° 164 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/164.htm que le centre de gravité de la logique médicale se déplace du
4. « Admis dans l’intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s’y passe,
savoir-faire et du savoir-être vers le savoir, du soin de la per-
ma langue taira les secrets qui me seront confiés et mon état ne servira pas à cor-
rompre les mœurs ni à favoriser le crime… » (serment d’Hippocrate, dit de Montpellier, sonne – en empathie avec elle – vers la gestion plus ou moins
adopté par le Cnom le 25 juin 1976). raisonnée de l’objet de laboratoire, en quelque sorte déshuma-
Le titre II de la loi du 4 mars 2002 concerne la démocratie sani- prévisibles qu’ils comportent ainsi que les autres solutions
taire et le chapitre II porte sur les droits et les responsabilités des possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.
usagers. Le législateur a voulu impliquer le malade dans les choix L’information est délivrée lors d’un entretien individuel. La
le concernant, c’est pourquoi le terme de responsabilité est men- volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diag-
tionné. Cependant, la lecture attentive des dispositions n’évoque nostic ou d’un pronostic grave doit être respectée sauf lorsque
que faiblement ces obligations. des tiers sont exposés à un risque de contamination.
L’information du patient sur son état de santé est élargie, elle
Principaux droits consacrés par la loi du 4 mars 2002 porte également sur le coût des soins afin de faciliter sa partici-
1. Le droit à l’information pation à la décision. Un délai de réflexion, et la consultation
Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé d’un tiers sont possibles avant que le patient puisse prendre sa
(art. L. 1111-2 du code de santé publique). Cette information décision.
porte sur les investigations, traitements ou actions de prévention Le malade est impliqué dans la prise de décision, c’est unique-
qui lui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs ment dans cette disposition que l’on trouve un devoir pour les
conséquences, les risques fréquents ou graves normalement malades. « La personne prend avec le professionnel de santé,
Pour le refus de soins, la loi du 4 mars 2002 va plus loin, le préalable soit mise en œuvre lorsque le patient est hors d’état
patient a désormais le droit de refuser des soins quelles que d’exprimer sa volonté. Le médecin peut limiter ou arrêter les trai-
soient les circonstances. Ce refus doit être éclairé, c’est-à-dire tements dispensés après concertation avec l’équipe de soins et
que le patient est informé des conséquences de son choix. La sur l’avis motivé d’au moins un médecin appelé en qualité de
décision du malade est inscrite dans le dossier médical23. consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique
Une limite persiste : c’est la mise en danger de la vie du patient, entre le médecin en charge du patient et le consultant. Un avis
certains médecins se refusant à laisser mourir leur patient. La loi motivé d’un autre consultant peut être demandé si l’un des deux
de 2005 dite Leonetti sur les soins en fin de vie24 permet de res- médecins l’estime utile. La décision prend en compte les direc-
pecter le souhait du malade de s’opposer à toute réanimation. Le tives anticipées du patient, si elles existent, l’avis de la personne
patient peut même faire valoir ses choix par l’expression de direc- de confiance si elle a été désignée, ainsi que celui de la famille ou
tives anticipées25 pour le cas où il serait un jour hors d’état d’expri- à défaut de l’un de ses proches. La décision est motivée et ins-
mer sa volonté. Ces directives indiquent les souhaits de la per- crite dans le dossier du patient. •
sonne relatifs à sa fin de vie. Elles sont révocables à tout moment.
A.-M. Duguet et P.-A. Delpla déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.
Si elles sont antérieures à trois ans, le médecin doit les respecter26.
Le respect du principe d’autonomie permet au patient lucide
et conscient de refuser tout traitement et toute réanimation, et
d’organiser ainsi la fin de sa vie. 23. Art. L. 1111-10.
24. Loi 2005-370 du 22 avril 2005.
2. Arrêt du traitement d’un patient est hors d’état d’exprimer sa volonté
25. Art. L. 1111-11.
Depuis 2006, l’article 37 du code de déontologie (R. 4127 du 26. Art. L. 1110-9.
code de santé publique27) prévoit qu’une procédure collégiale 27. Décret 2006-120, 6 février 2006, art. 1.