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Chapitre 5

Toxicologie
Claude Viau, Robert Tardif

La référence bibliographique de ce document se lit


comme suit:

Viau C, Tardif R (2003)


Toxicologie.
In : Environnement et santé publique - Fondements et
pratiques, pp. 119-143.
Gérin M, Gosselin P, Cordier S, Viau C, Quénel P,
Dewailly É, rédacteurs.
Edisem / Tec & Doc, Acton Vale / Paris

Note : Ce manuel a été publié en 2003. Les connaissances


ont pu évoluer de façon importante depuis sa publication.
Chapitre 5

Toxicologie
Claude Viau, Robert Tardif

1. Historique de la toxicologie
2. Définitions
3. Principes de base
3.1 Intoxication aiguë et intoxication chronique
3.2 Toxicité locale et toxicité systémique
3.3 Relation dose-effet et relation dose-réponse
3.4 Toxicocinétique
3.5 Toxicodynamie
4. Facteurs modifiant la toxicité
4.1 Métabolisme
4.2 Âge, sexe et habitudes de vie
4.3 Bagage génétique
4.4 Hypersusceptibilité
4.5 Interactions
5. Sources d'information et prédiction de la toxicité
chez l'humain
5.1 Enquêtes épidémiologiques
5.2 Essais chez les volontaires
5.3 Essais de toxicité chez l'animal
5.4 Extrapolations inter-espèces et doses fortes/doses faibles
5.5 Modèles toxicocinétiques/pharmacocinétiques
6. Bio-indicateurs
6.1 Surveillance biologique de l'exposition
6.2 Dépistage précoce des effets toxiques
6.3 Évaluation de la susceptibilité
120 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE

1. HISTORIQUE DE LA ne serait que des prédictions, aussi éclairées


TOXICOLOGIE fussent-elles.
Ce chapitre présente les éléments de base de
(Lauwerys, 1999; Gallo et Doull, 1991) la toxicologie nécessaires au praticien de la santé
On s'accorde généralement pour donner au mot publique oeuvrant dans le champ de la santé
toxicologie une origine grecque, «toxicon», dési- environnementale. Le lecteur y trouvera les
gnant un arc et surtout les flèches empoisonnées principales définitions, les éléments de la rela-
dont certaines peuplades faisaient usage pour tuer tion dose-réponse, les bases de la toxicociné-
efficacement leurs ennemis. D'autres croient que tique des substances toxiques, les principaux
le nom proviendrait de «taxus», l'arbre qui servait facteurs susceptibles de modifier la réponse toxi-
à la fois à la confection des flèches et dont on cologique et, enfin, les outils de la toxicologie
extrayait des baies toxiques un poison servant à utiles en santé environnementale. Ça et là, le
enduire le bout de ces flèches. D'une certaine texte est ponctué d'exemples spécifiques qui ser-
façon, on peut dire qu'il s'agissait donc, à l'ori- vent d'illustration au propos et ne sauraient pré-
gine, de l'art de confectionner des poisons. tendre être exhaustifs.
Progressivement, certains développèrent égale-
ment l'art de se prémunir contre les effets to- 2. DÉFINITIONS
xiques de ces poisons. On raconte ainsi que le roi (Anonyme, 1998; Viala, 1998)
Mithridate consommait régulièrement des décoc-
tions contenant plusieurs dizaines de poisons afin • Absorption: peut, avec « dose absorbée»,
de se protéger d'un attentat de ses ennemis. Il désigner la dose d'un toxique qui a subi une
aurait si bien réussi que, fait prisonnier, il échoua absorption systémique dans le sens anglo-
dans sa tentative de se suicider à l'aide de poisons. saxon de «uptake».
Le mot «mithridatisation» désigne aujourd'hui • Bio-indicateur: paramètre toxicologique
l'accoutumance ou «l'immunité» acquise à l'égard pouvant servir à montrer ou à prédire un
des poisons par exposition à des doses croissantes événement toxique chez un individu ou chez
de ces derniers. On connaît aussi le père de la to- un animal et qui peut servir de paramètre
xicologie, Paracelse, et sa phrase célèbre: «C'est la commun de toxicité entre espèces. On dis-
dose qui détermine si une chose est un poison». tingue les bio-indicateurs d'exposition, les
Un autre aspect du développement de la toxi- bio-indicateurs d'effets et les bio-indicateurs
cologie mérite un détour. Le célèbre physiologiste de susceptibilité.
Claude Bernard avait en effet observé que, en • Dose: s'appliquant aux toxiques, désigne la
plus de leur utilisation pour détruire la vie ou quantité absolue de ces derniers à laquelle un
pour guérir, les poisons constituent un outil pré- organisme est exposé (3,4 mg ou 7,5 mmol,
cieux dans les mains des physiologistes. En per- par exemple). Selon le contexte, ce mot
mettant l'étude des phénomènes causant la mort, désigne aussi en français la quantité absolue
ceux-ci permettaient en même temps de com- d'un toxique auquel un organisme est exposé
prendre les mécanismes physiologiques de la vie. par unité de masse corporelle et par unité de
Ce bref voyage dans l'Histoire nous a donc temps (0,49 pmol - 1 . k g . j o u r - 1 , par exemple).
menés de l'art à la science de la toxicologie.
Aujourd'hui, ces deux facettes, la science et l'art, • Effet: modification biochimique, cellulaire
sont encore présentes dans la définition de la ou physiologique découlant de l'exposition à
toxicologie. La science de la toxicologie est très une substance chimique.
largement empirique et s'appuie sur des obser- • Électrophile: se dit d'une substance chimique
vations factuelles. Elle étudie la toxicocinétique, qui réagit avec des molécules de l'organisme
la toxicodynamie et les mécanismes d'action. pourvues de sites riches en électrons
L'art de la toxicologie, dont en particulier le disponibles pour des liaisons. Plusieurs bio-
domaine de l'évaluation du risque, nous amène transformations de type «activation» pro-
à prédire la toxicité des substances dans des cir- duisent de tels intermédiaires toxiques. Les
constances données. Le toxicologue doit sou- époxydes, qui peuvent notamment réagir
vent recourir à l'une et l'autre de ces facettes, avec l ' A D N , en constituent un bon exemple.
mais éviter de considérer comme des faits ce qui
TOXICOLOGIE 121

• Exposition: peut, avec l'expression «dose 3. PRINCIPES DE BASE


d'exposition», désigner la dose d'un toxique
dans le sens anglo-saxon de «intake». Les 3.1 Intoxication aiguë
mots «consommation» et «prise» peuvent et intoxication chronique
aussi être utilisés, surtout dans le contexte
des toxiques entrant dans l'organisme par Les mots «aigu» et «chronique» peuvent être
voie digestive (la prise de 30 p m o l de accolés à exposition, intoxication, toxicité et
biphényles polychlorés par consommation effets. Classiquement, on considère qu'il y a
alimentaire de poisson, par exemple). intoxication aiguë lorsque des effets biologiques
surviennent après une période d'exposition à un
• Paramètre d'évaluation de la toxicité: cette
contaminant ne dépassant pas 24 heures. En
expression que l'on pourra abréger en
pratique, en raison de l'imprécision associée à
«paramètre de toxicité» ou «mesure de toxi-
l'utilisation de ces mots conjointement avec
cité» correspond au «endpoint» des anglo-
exposition ou avec intoxication, certains auteurs
saxons.
recommandent d'en réserver l'usage pour
• Réponse: nombre d'individus ou proportion décrire la nature des effets résultant d'une
d'une population présentant un effet donné à intoxication (Winder et coll., 1997; Lipniak-
la suite d'une exposition à une substance Gawlik, 1998). Dans le contexte de santé
chimique. publique, il est toutefois utile de bien décrire le
• Toxicité: caractère des substances chimiques scénario d'exposition à une ou plusieurs sub-
qui, au contact ou après pénétration dans un stances toxiques. On peut ainsi observer des
organisme, ont la propriété de causer un dys- effets chroniques, une atteinte permanente de la
fonctionnement à l'échelle moléculaire, cel- fonction nerveuse par exemple, découlant d'une
lulaire ou organique. exposition aiguë à un agent chimique, un neu-
• Toxicocinétique: étude du devenir des toxi- rotoxique dans cet exemple.
ques dans l'organisme. En toxicologie expérimentale animale, l ' i n -
• Toxicodynamie: étude du mécanisme d'in- toxication aiguë concerne une seule dose d'une
teraction entre un toxique et une cible ou de plusieurs substances administrées sur une
moléculaire ou cellulaire à l'origine de la période n'excédant pas 24 heures. L'intoxication
toxicité de cette substance. chronique concernera une exposition réitérée de
l'animal pendant une période de six mois ou
• Toxique: utilisé substantivement, ce mot
plus. L'exposition de durée intermédiaire,
désigne une substance chimique toxique.
généralement 13 semaines, déterminera l'intoxi-
• Xénobiotique: substance chimique étrangère cation subchronique. Il semble approprié d'u-
à l'organisme; cette brève définition pourrait tiliser les mêmes intervalles de temps pour
donner lieu à un long débat. En effet, doit- définir le type d'intoxication subi par une po-
on par exemple considérer une substance pulation, même si la durée de vie moyenne des
comme le méthanol, produit «naturelle- humains est de loin supérieure à celle des ani-
ment» par certaines voies métaboliques,
maux de laboratoire.
comme un xénobiotique? Si l'on répond
affirmativement, cela voudrait dire qu'on D'emblée, le type d'intoxication déterminera
devrait aussi considérer le chlorure de so- également la facilité ou la difficulté d'établir une
dium et l'eau, substances qui, en doses suf- relation causale entre une exposition et l'obser-
fisantes, peuvent causer respectivement des vation d'effets toxiques. Il va de soi que, pour les
hypernatrémies et des hyponatrémies fatales, intoxications aiguës à des doses élevées de toxi-
comme des xénobiotiques! Pour les fins de ce ques provoquant des effets aisément mesurables,
livre, nous convenons qu'un xénobiotique est la relation sera beaucoup plus facile à établir que
une substance chimique étrangère à l'orga- pour une intoxication chronique à de faibles
nisme ou qu'on n'y trouve naturellement doses. Ainsi, l'intoxication aiguë à des vapeurs
qu'à l'état de traces. de chlore provenant du système défectueux de
chloration d'une piscine et provoquant de
graves irritations respiratoires sera aisée à retra-
cer, alors que l'étude de l'association possible
122 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE

entre le cancer de la vessie et l'absorption de protéines spécifiques de l'organe atteint et la


traces de sous-produits de la chloration dans courbe D, à la mesure morphométrique du vo-
l'eau potable pose un défi de taille. lume de cellules nécrosées de l'organe. On cons-
tate qu'il y a gradation dans la gravité de ces
3.2 Toxicité locale effets, mais aussi un certain chevauchement
entre ceux-ci. Par ailleurs, la pente de ces droites
et toxicité systémique varie.
Un toxique peut provoquer une réaction immé- La figure 5.2 montre les relations dose-
diate au point de contact avec l'organisme. On réponse qui pourraient être obtenues pour les
parle alors de toxicité locale. Il en est ainsi de mêmes mesures de toxicité. Dans ce cas, toute-
l'exposition aux irritants respiratoires comme fois, il est nécessaire d'établir a priori l'impor-
l'anhydride sulfureux et du contact cutané avec tance de l'effet considéré comme significatif
des substances provoquant des brûlures c h i m i - pour les fins de l'étude. On pourrait ainsi con-
ques comme les bases et les acides forts. Par sidérer qu'une augmentation de 20 % de la per-
opposition, un toxique systémique doit passer oxydation des lipides, une réduction de 35 % de
par la circulation sanguine et être acheminé à un l'activité de l'enzyme, une augmentation de
organe cible pour exercer son effet délétère, 50 % de la concentration sanguine des protéines
comme l'effet néphrotoxique du cadmium tissulaires et l'observation de 3 % et plus de cel-
provenant de l'ingestion de nourriture conta- lules nécrosées constituent des effets «significa-
minée ou de l'inhalation de particules qui con- tifs». On réalise par la même occasion que toute
tiennent ce métal. modification de la définition d'effets significa-
tifs modifie la position et peut-être l'allure
générale de la courbe dose-réponse. Ce seuil
3.3 Relation dose-effet
d'effet significatif est souvent défini comme le
et relation dose-réponse 9 5 e centile des mesures obtenues dans un
De façon générale, l'importance de l'effet causé groupe de référence n'étant pas exposé au toxi-
par un toxique augmente avec la dose de ce que à l'étude ou à d'autres substances suscepti-
dernier, déterminant ainsi la relation dose-effet bles de causer les effets considérés. On constate
comme illustré à la figure 5.1. On constate que par ailleurs que l'étalement de ces courbes varie
plusieurs relations dose-effet peuvent être des- de l'une à l'autre. Ainsi, la plage de doses entre
sinées pour des doses croissantes d'un toxique le début d'une réponse et la réponse maximale
donné. Dans cet exemple schématique, la droite est égale pour les courbes A et B alors qu'elle
A pourrait correspondre à la production d'es- augmente pour les courbes C et D.
pèces réactives de l'oxygène à l'origine d'une Ce sont des courbes semblables qui sont
peroxydation lipidique dans un organe donné, tracées lorsqu'on souhaite classifier la toxicité
la courbe B, à une diminution de l'activité d'une létale relative de plusieurs composés. On admi-
enzyme de cet organe, la courbe C, à l'augmen- nistre des doses croissantes du toxique à des
tation de la concentration sanguine de certaines groupes d'animaux et on détermine, par inter-

Figure 5.1 Exemples de relations dose-effe1 Figure 5.2 Exemples de relations dose-réponse
TOXICOLOGIE 123

polation, la dose qui correspond à une réponse tion et excrétion) qui gouvernent son chemine-
létale de 50 %, appelée «dose létale 50» que l'on ment dans les divers compartiments du corps
abrège en D L 5 0 . Plus la D L 5 0 est faible, plus le humain. Par conséquent, le métabolisme joue
produit est jugé toxique. On retient habituelle- un rôle clé dans la détermination de la concen-
ment la classification suivante (Viala, 1998): tration et de la toxicité des espèces toxiques aux
• Extrêmement toxique - D L 5 0 < 5 mg/kg endroits cibles.
La toxicocinétique peut être définie comme
• Très toxique - 5 mg/kg < D L 5 0 < 50 mg/kg l'étude des mouvements dynamiques des xéno-
• Toxique - 50 mg/kg < D L 5 0 < 500 mg/kg biotiques durant leur passage dans le corps
• Peu toxique - 0,5 g/kg < D L 5 0 < 5 g/kg humain. En d'autres mots, la toxicocinétique
renseigne sur la façon avec laquelle l'organisme
• Très peu toxique ou non toxique - D L 5 0 > 5
agit sur une substance par l'intermédiaire des
g/kg processus d'absorption, de distribution, de bio-
Pour les composés absorbés par voie respira- transformation et d'excrétion.
toire, on peut déterminer de la même façon la
«concentration létale 50» ou CL50. Selon le Passage transmembranaire
contexte, il peut parfois être utile de définir une Ces processus d'absorption, de distribution, de
D L 5 , une D L 7 5 , une CL90 et ainsi de suite. biotransformation et d'excrétion impliquent le
Supposons maintenant que les courbes A et passage de substances à travers des membranes
B de la figure 2 désignent les relations obtenues biologiques. Ce passage fait appel à divers méca-
pour deux substances différentes, en examinant nismes que nous décrirons sommairement. La
diffusion passive est le mécanisme par lequel les
cette fois le même effet. On dira alors que l'effi-
molécules lipophiles et neutres (non chargées)
cacité de A est plus grande que celle de B, car
traversent la membrane cellulaire. Le transfert se
elle entraîne une réaction plus grande pour une
fait en fonction du gradient de concentration,
même dose. Si on élève suffisamment les doses
c'est-à-dire du milieu le plus concentré vers le
de l'une et de l'autre, les deux peuvent cepen-
moins concentré et n'implique pas de dépense
dant causer une réponse de tous les individus ou d'énergie. Les principaux facteurs pouvant i n -
organismes concernés. fluencer la diffusion passive des molécules
sont: 1) leur caractère liposoluble, 2) leur degré
3.4 Toxicocinétique d'ionisation et 3) leur taille moléculaire. La diffu-
sion facilitée ressemble à la diffusion passive à
(Rozman et Klaassen, 1996; Bend et Sinal,
l'exception qu'elle implique la participation de
1998; Brodeur et Tardif, 1998a, b, c) transporteurs de nature protéique incrustés dans
L'intensité des effets toxiques exercés par des la membrane cellulaire et qui font en sorte que le
xénobiotiques est liée à la concentration de taux de transfert est plus rapide que dans la dif-
l'espèce toxique dans le tissu ou l'organe cible. fusion simple. Vu le nombre limité de trans-
Dans bien des cas, la durée au cours de laquelle porteurs, ce mécanisme est sujet à saturation et
ces effets se manifestent dépend de la période au phénomène de compétition entre les sub-
pendant laquelle l'espèce toxique est en contact stances. La filtration est le mécanisme utilisé par
avec ce tissu ou cet organe. des molécules petites, hydrosolubles et chargées
électriquement (ionisées). Le transfert se fait à
Par ailleurs, de nombreux exemples montrent travers des pores ou des canaux aqueux situés
que l'administration d'une dose identique de dans la membrane cellulaire; il est sous l'influence
deux substances ayant le même potentiel toxi- du gradient de pression osmotique et hydrosta-
que ne se traduit pas nécessairement par des tique. Le transport actif est un mécanisme
concentrations équivalentes de chacune d'elles requérant la participation de transporteurs spé-
au point d'action. Or, ce phénomène est sou- cialisés (protéines) et une dépense d'énergie; il
vent dû au métabolisme respectif des deux sub- permet un transfert contre un gradient de con-
stances qui peut être différent. centration. Il est donc saturable et assujetti au
C'est le métabolisme qui détermine le phénomène de compétition. L'endocytose
devenir d'une substance dans l'organisme, parce (phagocytose pour les solides, pinocytose pour les
qu'il est le résultat des processus d'absorption, liquides) est une forme spécialisée de transport
de distribution et d'élimination (biotransforma-
124 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE

limitée aux grosses molécules ou particules inso- fonction de leur forme, taille et diamètre, ces
lubles. Ce mécanisme implique un processus facteurs jouant un rôle prépondérant sur la
d'invagination de la membrane cellulaire et la localisation de leur dépôt dans l'appareil respira-
formation de vésicules. Plusieurs cellules partici- toire. Les grosses particules se déposent prin-
pant aux défenses de l'organisme (macrophages, cipalement dans la région du naso-pharynx d'où
leucocytes) l'utilisent. elles seront éventuellement éliminées par la
toux, l'éternuement ou le mouchage. Les parti-
Absorption
cules insolubles de taille moyenne (entre 1 et
La plupart des xénobiotiques exercent leur 5 µm) se déposent dans la région trachéo-
toxicité après avoir pénétré l'organisme. bronchique et peuvent être vidangées par l'ac-
L'absorption est le processus par lequel les xéno- tion de l'appareil muco-ciliaire. Celles qui sont
biotiques atteignent la circulation sanguine captées par le mucus peuvent être repoussées par
après avoir traversé des membranes ou barrières l'action des cils vibratiles vers le pharynx et dé-
biologiques. Les principales voies de pénétration gluties. Les petites particules (entre 0,1 et 1 µm)
des xénobiotiques présents dans l'environ- se retrouvent dans la région alvéolaire où elles
nement sont le poumon, la peau et le tractus pourront être phagocytées par des macrophages
gastro-intestinal. ou transportées dans le système lymphatique
Poumon pulmonaire après diffusion à travers la paroi
alvéolaire.
L'appareil respiratoire est la porte d'entrée privi-
légiée des xénobiotiques qui existent sous forme Peau
de gaz, de vapeurs ou de fines particules solides La peau est une barrière efficace, relativement
ou liquides. Trois facteurs contribuent à favoriser imperméable aux contaminants de l'environ-
l'absorption des substances par le poumon: l ' i m -
nement. Elle est formée de deux éléments prin-
portant volume d'air auquel un adulte est exposé
cipaux: l'épiderme et le derme. Le premier
quotidiennement (≈10 000 à 20 000 L), la très
comprend plusieurs couches de cellules dont
grande surface de la région alvéolaire (≈80 m 2 ) et
une couche externe, formée de cellules mortes
l'extrême minceur de la paroi alvéolaire (≈1 µm).
kératinisées, et la couche cornée ou stratum
La solubilité d'un xénobiotique détermine le
point d'absorption et la quantité absorbée dans corneum (≈10 µm) dont l'épaisseur varie consi-
l'appareil respiratoire. Certains contaminants dérablement d'une région anatomique à l'autre.
hydrosolubles (SO 2 , acétone) peuvent se dis- Certaines substances peuvent traverser l'épi-
soudre dans la phase aqueuse du mucus tapis- derme par diffusion passive. Le derme, plus
sant la muqueuse nasale - où ils pourront être facilement franchissable, est formé principale-
absorbés par diffusion passive - avant même ment de tissu conjonctif et de tissu adipeux; il
d'atteindre la région alvéolaire. D'autres, renferme des capillaires, des terminaisons
comme le formaldéhyde, réagissent avec des nerveuses, des glandes sébacées, des glandes
composants du mucus pour former des com- sudoripares et des follicules pileux. Les conta-
plexes. Les contaminants liposolubles (solvants) minants liposolubles (insecticides organophos-
traversent la paroi alvéolaire par diffusion pas- phorés, solvants) traversent bien la peau. Le pas-
sive et se dissolvent dans le sang. La ventilation sage est facilité par la vasodilatation cutanée, le
alvéolaire (fréquence respiratoire, volume de degré d'hydratation de la peau, la présence de
l'inspiration) joue un rôle important dans les lésions mécaniques ou l'irritation de l'épiderme.
quantités absorbées de substances très solubles
dans le sang (styrène, xylène). L'absorption pul- Tractus gastro-intestinal
monaire des substances peu solubles ( 1 , 1 , Le système digestif est une porte d'entrée
1-trichloroéthane, cyclohexane), tout en étant importante pour certains xénobiotiques. Deux
peu sensible aux modifications de la ventilation caractéristiques anatomiques contribuent à
alvéolaire, peut être significativement accrue à la favoriser le passage à ce niveau: une surface de
suite d'une augmentation de la perfusion san- contact très grande (≈200 fois la surface cor-
guine des poumons résultant d'une activité porelle) et la minceur de la muqueuse.
musculaire intense. L'absorption des particules L'absorption peut se faire tout le long du tractus
liquides ou solides, sous forme d'aérosols, est (estomac → intestin), principalement par diffu-
sion passive, et dépend surtout du degré d'ioni-
TOXICOLOGIE 125

sation des molécules, lequel est fonction du pKa d'où les substances peuvent cependant être
des substances et du pH du contenu des dif- libérées pour éventuellement exercer leur toxi-
férentes régions. Les molécules non ionisées cité. Ainsi, les graisses accumulent les substances
(neutres) ayant un caractère acide faible sont liposolubles comme les pesticides organochlorés
absorbées dans l'estomac ( p H : 1-3) alors que les ( D D T ) , les biphényles polychlorés (BPC), les
bases faibles sont plutôt absorbées par le petit dioxines, une foule de solvants organiques
intestin ( p H : 5-8). Cependant, le petit intestin, (toluène, benzène, styrène) et des anesthésiques
en raison de sa très grande surface, est une volatils (halothane). Les os emmagasinent le
région dans laquelle l'absorption d'acides faibles plomb, le fluor (fluorose osseuse), le strontium
est parfois importante. Certains xénobiotiques (cancers osseux). Certaines protéines présentes
font appel à des mécanismes spécialisés pour tra- dans le foie et le rein appelées métallothionéines
verser la muqueuse gastro-intestinale: transport possèdent une affinité particulière pour fixer
actif (plomb, manganèse), pinocytose (colo- certains métaux comme le cadmium et le zinc et
rants, endotoxines bactériennes). Après avoir constituent en quelque sorte une protection,
traversé la muqueuse gastro-intestinale, les bien que limitée, contre les effets toxiques de ces
xénobiotiques passent par le foie avant d'attein- métaux.
dre la grande circulation sanguine. Ce passage
peut donner lieu à un phénomène appelé effet de Biotransformation (métabolisme)
premier passage hépatique au cours duquel une Au cours de l'évolution, les organismes vivants
fraction plus ou moins grande du xénobio- ont perfectionné des outils visant à favoriser
tique est biotransformée en un métabolite l'élimination des xénobiotiques, ce qui cons-
(métabolisée). titue, en quelque sorte, un moyen de défense
contre l'action néfaste de certains d'entre eux.
Distribution Le processus de biotransformation est l'un de
Une fois absorbés, les xénobiotiques sont, par ces outils. La biotransformation désigne
l'ensemble des réactions qui résultent en des
l'entremise de la circulation sanguine, distribués
modifications, par l'intermédiaire d'enzymes, de
dans les divers tissus et organes, où ils exercent
la structure chimique d'un xénobiotique. Ces
leur toxicité, sont stockés ou sont éliminés.
réactions ont pour effet de rendre les xénobio-
Deux facteurs ont un impact important sur la
tiques, qui sont plutôt liposolubles au départ,
distribution des xénobiotiques dans l'orga-
plus polaires (ionisables), les rendant plus solu-
nisme: la perfusion sanguine des organes et bles dans l'eau et ainsi plus facilement excréta-
l'affinité des xénobiotiques pour les tissus et les bles dans l'urine. Le foie est le principal organe
protéines plasmatiques. impliqué dans la biotransformation des xéno-
Certains tissus sont très vascularisés (cerveau, biotiques, bien que la peau, le rein, la muqueuse
viscères) alors que d'autres le sont beaucoup intestinale et le poumon, pour ne nommer que
moins (peau, os). Une perfusion sanguine ceux-là, puissent également biotransformer
importante favorise l'arrivée rapide des xénobio- (métaboliser) certaines substances. En règle
tiques. L'affinité des xénobiotiques pour un tissu générale, les réactions de biotransformation ont
est influencée principalement par leurs carac- pour effet de diminuer, voire d'annuler com-
téristiques physico-chimiques et la composition plètement, la toxicité d'un xénobiotique
des tissus de l'organisme. Le transfert du sang (détoxication). Cependant, il existe de plus en
vers les tissus dépend de l'efficacité des mem- plus d'exemples montrant que la biotransforma-
branes biologiques à agir comme barrière. Les tion rend, au contraire, certaines substances plus
albumines, présentes en grande quantité dans le toxiques ou leur confère, dans certains cas, une
plasma, représentent un site de stockage qui toxicité nouvelle comparativement à celle qui
peut être important pour certains contaminants, est associée à la substance mère (bioactivation).
bien que ce phénomène soit davantage connu Deux classes de réactions enzymatiques peuvent
pour les médicaments. La liaison aux protéines intervenir pour transformer un produit en un
plasmatiques, bien que réversible, limite la dis- métabolite (produit de biotransformation): les
tribution des substances en dehors du compar- réactions de phase I et les réactions de phase II
timent vasculaire vers d'autres tissus. Certains
tissus agissent comme un réservoir de stockage
126 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE

Réaction de phase I métabolite) et un produit endogène, déjà


Trois types de réaction sont possibles: oxyda- présent dans l'organisme. Les réactions de phase
tion, réduction et hydrolyse. Les réactions II sont la glucuronoconjugaison (glucuronyl-
d'oxydation, les plus importantes, font inter- transférase), la sulfoconjugaison (sulfotrans-
venir principalement un groupe d'enzymes férase), la conjugaison avec le gluthathion
appelées «monooxygénases à fonction mixte» (gluthathion transférase), la conjugaison avec
(incluant le cytochrome P-450 et la N A D P H - des acides aminés (acyltranférase), l'acétylation
cytochrome-P-450 réductase) situées dans le (N-acétyltransférase) et la méthylation (N ou
réticulum endoplasmique lequel, lorsque isolé O-méthyltranférase).
en laboratoire, est désigné sous l'appellation de
microsomes. On parle alors d'oxydations micro- Induction et inhibition enzymatiques
somiques. Il existe plusieurs formes de Deux phénomènes peuvent contribuer à modi-
cytochromes P-450 (isoformes C Y P 2 E 1 , fier de façon importante la biotransformation
CYP1A2). Chacune de ces isoformes possède des xénobiotiques et affecter (augmenter ou
une affinité pour des substrats ou des familles de diminuer) leur toxicité: l'induction et l'inhibi-
substrats particuliers. D'autres enzymes, égale- tion enzymatiques. L'induction enzymatique
ment impliquées dans des réactions d'oxyda- consiste en une augmentation de la quantité des
tion, sont présentes dans les mitochondries ou enzymes capables de biotransformer un ou
dans le cytosol. Les principales enzymes plusieurs xénobiotiques, augmentation consécu-
impliquées dans les réaction d'oxydation de tive à un accroissement du taux de synthèse
phase I sont, en plus des monooxygénases à enzymatique ou à une diminution du processus
fonction mixte, les monooxygénases (indépen- de dégradation. Elle résulte souvent d'une expo-
dantes du P-450) faisant intervenir la flavine, les sition répétée ou continue à un produit et peut
monoamine-oxydases, les déshydrogénases des conduire à un phénomène de tolérance carac-
alcools et des aldéhydes, et les peroxydases. Les térisé par une diminution graduelle des effets
réactions de réduction, moins fréquentes, associés à une dose donnée d'un xénobiotique.
présentent moins d'intérêts que les précédentes Plusieurs substances, dont l'éthanol, certains
sur le plan toxicologique. Finalement, certains médicaments (barbituriques, anti-inflamma-
xénobiotiques (esters, amides) subissent des toires) de même que plusieurs contaminants
réactions d'hydrolyse qui ont pour résultat d'in- (insecticides organochlorés, hydrocarbures poly-
troduire des groupes fonctionnels polaires cycliques aromatiques, solvants) sont capables
( - O H , - S H , - C O O H ) augmentant ainsi la de stimuler leur propre métabolisme ainsi que
polarité globale des molécules. Les enzymes celui de substances biotransformées par les
(microsomiques ou cytosoliques) qui assurent mêmes enzymes.
ces réactions d'hydrolyse sont de deux types: 1)
les hydrolases des époxydes lesquelles, par exem- À l'inverse, la biotransformation d'un xéno-
ple, transforment le benzo(a)pyrène 7-8 biotique peut être inhibée par l'action d'une
époxyde en benzo(a)pyrène trans- 7-8-dihydro- deuxième substance biotransformée par les
diol, et 2) les carboxylestérases et les amidases, mêmes enzymes ou celle-ci les inactive tout sim-
qui jouent un rôle plus important dans le plement. Ce phénomène suppose donc que les
métabolisme de certains médicaments. substances soient présentes simultanément.
L'éthanol, certains médicaments (l'isoniazide,
par exemple) et une foule de contaminants
Réaction de phase II (butoxyde de pipéronyle) sont capables d'in-
Les réactions de phase II confèrent également hiber le métabolisme de nombreux produits.
un caractère hydrosoluble aux molécules et
facilitent d'autant leur excrétion, sauf pour les Excrétion
réactions d'acétylation et de méthylation. Les Le processus d'excrétion conduit à une élimina-
réactions de phase II ont souvent comme sub- tion définitive d'une substance hors de l'organis-
strat un produit de biotransformation de la me. Les substances mères et leurs métabolites
phase I. Cependant, certains produits peuvent sont alors principalement éliminées par le rein
être directement impliqués dans une réaction de dans l'urine, par la bile (fèces), par les poumons
phase II. Ces réactions produisent des conjugués dans l'air exhalé, par le lait, la salive et parfois
suite au couplage entre un xénobiotique (ou un même les phanères (cheveux, ongles). Les méca-
TOXICOLOGIE 127

nismes de transfert trans-membranaires impliqués 3.5 Toxicodynamie


dans l'excrétion des xénobiotiques et de leur(s)
métabolite(s) sont ceux décrits plus haut: diffu- Tous les effets toxiques découlent de l'inter-
sion passive, filtration et transport actif. action entre un xénobiotique (produit d'origine
ou métabolite) et un constituant de l'organisme
La voie urinaire est sans contredit la plus
(membrane biologique, enzyme, A D N ) .
importante des voies d'excrétion. Deux proces-
L'analyse toxicodynamique s'intéresse spéci-
sus contribuent, de façon plus ou moins mar-
fiquement à décrire et à comprendre la relation
quée, à la formation de l'urine et à l'excrétion
qui existe entre la dose d'un xénobiotique et la
urinaire des substances: la filtration gloméru- réponse toxique. Elle vise également à expliquer
laire et les mouvements tubulaires (réabsorption les mécanismes d'action impliqués dans la pro-
et sécrétion). Chacun est sous le contrôle de duction des effets toxiques qui se manifestent
plusieurs facteurs, comme la pression hydrosta- dans diverses cibles biologiques (récepteur, cel-
tique (filtration glomérulaire), le pH de l'urine lule, organisme, population).
et l'ionisation des molécules (réabsorption), et la
En termes simples, l'analyse toxicody-
présence de transporteurs spécifiques pour les
namique concerne les phénomènes à l'origine de
acides et les bases (transport actif).
la production des effets (toxicité) exercés par les
Par ailleurs, certains xénobiotiques sont xénobiotiques sur l'organisme alors que
éliminés de façon importante dans les fèces. l'analyse toxicocinétique que nous aborderons
C'est notamment le cas pour une substance qui plus loin (section 5.5) concerne plutôt les mo-
est peu ou pas absorbée au niveau du tractus difications (absorption, distribution, biotrans-
gastro-intestinal ou pour une substance qui se formation, excrétion) exercées par l'organisme
retrouve dans l'intestin, après avoir été excrétée exposé sur les xénobiotiques eux-mêmes.
dans un premier temps dans la bile sous forme
d'un conjugué de l'acide glucuronique ou du
gluthathion. L'expression «cycle entéro-hépa- 4. FACTEURS MODIFIANT
tique» désigne le phénomène par lequel un LA TOXICITÉ
xénobiotique, déjà conjugué, est hydrolysé dans
De nombreux facteurs sont susceptibles de
l'intestin puis réabsorbé dans la circulation
modifier la toxicité des xénobiotiques auxquels
hépato-portale pour finalement effectuer un
l'humain est exposé. Il est utile de considérer
nouveau passage au foie et éventuellement dans
chaque fois que cette modification de la toxicité
la grande circulation.
est attribuable à une modification de la toxico-
Les substances volatiles dont la concentra- cinétique des composés ou à une altération de la
tion sanguine est en équilibre avec les concen- réponse toxicodynamique.
trations tissulaires peuvent être excrétées dans
l'air exhalé par les poumons. On exploite parfois
cette voie d'excrétion pour évaluer l'exposition 4.1 Métabolisme
de travailleurs à certains solvants (styrène, Les biotransformations des xénobiotiques
toluène) ou pour estimer le taux d'alcoolémie jouent souvent un rôle clé dans la détermination
chez les individus ayant consommé de l'alcool. du type et de la gravité des effets obtenus. Très
Finalement, le lait maternel peut contenir souvent, ces biotransformations, en éliminant la
des quantités appréciables de produits liposolu- substance mère à laquelle un organisme est
bles ( D D T , mercure méthylé) en raison de son exposé, vont contribuer à annuler ou à faire dis-
contenu élevé en lipides. D'autres xénobiotiques paraître l'effet, dans la mesure où c'est la sub-
comme le plomb sont excrétés dans le lait, en stance initiale qui est effectivement à l'origine
empruntant le système de transport du calcium. de la toxicité. Comme nous l'avons vu plus tôt,
Certains métaux, comme le mercure, se la biotransformation des substances organiques
déposent dans les cheveux dont la croissance est résulte souvent dans la production de métabo-
d'environ 1 cm par mois. À partir de sections de lites hydrophiles susceptibles d'être excrétés
cheveux, il est possible de mesurer l'exposition à dans la bile ou l'urine. Ainsi en est-il, par exem-
ce métal en fonction du temps. Il est également ple, de l'exposition au toluène. Ce solvant
possible d'estimer l'exposition au plomb par la volatil atteint le système nerveux central et
mesure de sa concentration dans la salive. cause, selon la dose, une panoplie d'effets allant
128 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE

des céphalées légères à l'ébriété et au coma. La tent elles-mêmes de signes de neurotoxicité. On


biotransformation de ce solvant en acide hip- sait par ailleurs que le foie du nouveau-né est
purique hydrosoluble permet l'élimination du immature, comme en atteste l'observation de sa
toluène du sang et du système nerveux, et son sensibilité à la jaunisse néonatale due en partie à
excrétion urinaire sous forme de métabolite. l'incapacité du foie d'éliminer de l'organisme la
Par contre, il arrive qu'au cours de ce proces- bilirubine, produit du catabolisme de l'hémoglo-
sus de biotransformation des intermédiaires par- bine. L'exposition aux nitrates peut être la cause
ticulièrement réactifs puissent être produits de méthémoglobinémie chez le très jeune enfant.
(bioactivation) et se lier à des cibles moléculaires En effet, d'une part, la plus faible acidité gas-
critiques dans la cellule. De façon plus spéci- trique chez ce dernier favorise la réduction du
fique, les biotransformations oxydantes i m p l i - nitrate en nitrite et, d'autre part, la plus faible
quant les enzymes dépendantes du cytochrome activité de la cytochrome b5 réductase dans les
P-450 produisent fréquemment des intermé- hématies de l'enfant contribue à l'oxydation de
diaires électrophiles susceptibles de se lier à des l'hémoglobine en méthémoglobine. Parmi les
protéines ou à l ' A D N . Ces événements peuvent autres éléments déterminant une sensibilité par-
résulter, par exemple, en une inhibition de l'ac- ticulière des jeunes enfants, signalons que l'al-
tivité de certaines enzymes ou en une transfor- laitement maternel permet le passage de la mère
mation du message génétique encodé dans à l'enfant des toxiques lipophiles accumulés dans
l ' A D N et susceptible d'entraîner, dans la pire l'organisme de cette dernière. De plus, par unité
situation, une transformation maligne de la cel- de poids corporel, l'enfant a une ventilation pul-
lule. C'est le mécanisme invoqué pour expliquer monaire plus élevée et une consommation
la cancérogénicité du benzo(a)pyrène, un mem- supérieure d'aliments (et des toxiques qui peu-
bre de la famille des hydrocarbures aromatiques vent s'y trouver) que l'adulte.
polycycliques. Le benzo(a)pyrène est très À l'autre extrémité de la vie, la réduction des
lipophile et on ne connaît pas vraiment de toxi- fonctions et des réserves fonctionnelles de
cité associée à cette molécule. Toutefois, dans plusieurs organes comme le cœur, les poumons,
l'organisme, cette substance est éventuellement les reins et le système immunitaire explique
biotransformée en un diol époxyde, métabolite aussi une plus grande sensibilité des personnes
très électrophile qui se lie à l ' A D N . Lorsque le âgées à l'action des substances toxiques (Tarcher
métabolite produit est très réactif, on comprend et Calabrese, 1992). Les altérations de la couche
que celui-ci réagira vraisemblablement avec une cornée de la peau peuvent favoriser la pénétra-
cible moléculaire très proche de son site de pro- t i o n cutanée de certains xénobiotiques. La
duction, c'est-à-dire dans la cellule même où le diminution de l'activité des cils bronchiques et
métabolite est produit. Il en résulte que, pour les de la sécrétion de mucus peuvent aussi réduire la
substances dont la toxicité dépend de la produc- clairance respiratoire des particules aéroportées.
tion d'un métabolite très réactif, il est probable Certains auteurs ont suggéré que les voies de
que seules les cellules pourvues des enzymes de biotransformations oxydantes (phase I) puissent
biotransformations adéquates seront touchées. également être altérées chez les personnes âgées
alors que les fonctions de conjugaison (phase II)
seraient préservées. On a également démontré
4.2 Âge, sexe et habitudes de vie
une réduction avec le vieillissement de l ' i m m u -
Un des éléments convaincants de la différence de nité cellulaire impliquant les lymphocytes T. La
susceptibilité en fonction de l'âge concerne l'em- perte progressive des fonctions physiologiques
bryotoxicité et la fœtotoxicité dans lesquelles on peut également avoir une influence sur la
observe une toxicité sur le développement de réponse aux agressions de l'environnement.
l'embryon et du foetus, en l'absence de signes de Ainsi, on sait que le débit sanguin cardiaque
toxicité chez la mère (Kurzel, 1992; Beckman et diminue avec l'âge, entraînant en partie une
coll., 1997). Un cas tristement célèbre de ce type réduction de la perfusion hépatique, site de
d'effet est l'atteinte neurotoxique grave observée détoxication de plusieurs xénobiotiques, pou-
dans la baie de Minamata chez les enfants nés de vant atteindre 50 % des valeurs observées chez
mères ayant été exposées au méthylmercure pen- de jeunes adultes. La filtration glomérulaire
dant leur grossesse, sans que celles-ci ne présen- diminue également d'environ 0,5 % par année à
TOXICOLOGIE 129

partir de l'âge de 20 ans. Enfin, la modification découlant d'un régime hypercalorique favorise
de la composition des tissus influence également la rétention des substances lipophiles dans l'or-
la distribution des xénobiotiques dans l'orga- ganisme. À ce sujet, il faut ici envisager les con-
nisme. En effet, la personne âgée a une plus séquences possibles d'un régime amaigrissant
grande proportion de tissu adipeux et une entraînant une perte trop rapide de lipides sur la
moindre concentration d'albumine sérique. En remise en circulation de toxiques stockés dans
conséquence, le volume de distribution des sub- les graisses de l'organisme. Les biotransforma-
stances lipophiles est augmenté alors que d i m i - tions peuvent aussi être affectées par l'alimenta-
nue le nombre de sites de liaison des substances tion. Ainsi, une carence protéinique réduira l'ac-
susceptibles de se lier à des protéines telles que tivité des mono-oxygénases, tout comme un
l'albumine. excès de consommation d'hydrates de carbone.
Chez l'animal, on connaît de nombreux Enfin, on connaît les effets positifs de la con-
exemples de différences radicales entre les sexes sommation de crucifères, contenant des
dans les effets toxiques engendrés par l'exposi- flavones, isothiocyanates aromatiques et autres,
tion à certains xénobiotiques. Un des exemples sur la réduction expérimentale du cancer induit
spectaculaires dans ce domaine est la par des carcinogènes chimiques comme les
néphrotoxicité et la cancérogénicité des hydro- hydrocarbures aromatiques polycycliques.
carbures aliphatiques ramifiés comme le 2,2,4-
triméthylpentane, composés abondants, entre
4.3 Bagage génétique
autres, dans l'essence automobile. Les rats mâles
sont très sensibles à cet effet (pratiquement Grâce aux développements fulgurants des
absent chez le rat femelle) en raison de la dernières années dans le domaine de l'étude des
présence d'une protéine appelée α 2 u -globuline polymorphismes génétiques, on commence à
dont la production est sous la dépendance de la comprendre la nature de certaines susceptibilités
testostérone (Lock et coll., 1987). Chez l'hu- particulières à l'exposition aux toxiques
main, on reconnaît certaines différences liées au (Klaassen et Eaton, 1991; Eaton et coll., 1998).
sexe dans la capacité de biotransformation des Un des grands classiques de ce domaine est la
xénobiotiques et dans la susceptibilité à certains sensibilité à la primaquine, un antimalarien
polluants de l'air, notamment ceux qui sont liés pouvant causer une anémie hémolytique chez
à la fumée de cigarette (Tarcher et Calabrese, les personnes déficientes en glucose-6-phos-
1992). La période du cycle menstruel a aussi phate déshydrogénase. Dans cette déficience, les
une influence sur la capacité de biotransforma- globules rouges n'arrivent pas à maintenir la
tion. Il semble toutefois que, de façon générale, concentration de N A D P H requise pour
les différences entre hommes et femmes en défendre la cellule contre les oxydants. On sait
matière de susceptibilité aux toxiques ne soient aussi qu'une déficience en α1- antitrypsine, une
pas très importantes (Sipes et Gandolfi, 1991). enzyme protégeant notamment le poumon des
En ce qui concerne les habitudes de vie, seuls protéases libérées par les leucocytes, augmente le
les facteurs alimentaires seront ici brièvement risque de maladie pulmonaire chez les fumeurs.
considérés (Tarcher et Calabrese, 1992; Raiten, La fumée de cigarette a par ailleurs elle-même
1997). L'absorption des xénobiotiques ingérés un effet réducteur sur les réserves de cette
ou déglutis suite au processus de clairance enzyme. Dans ces deux exemples, les enzymes
bronchique peut être modifiée par le type d'ali- concernées ne sont pas directement impliquées
ments consommés. Ainsi, la présence de fibres dans la biotransformation des toxiques, mais
dans les aliments peut contribuer à réduire l'ab- sont au cœur du mécanisme de défense de l'or-
sorption de certains xénobiotiques par suite de ganisme contre les résultats de l'agression.
l'accélération du transit intestinal ou par Il existe aussi des exemples dans lesquels le
absorption des toxiques. Par contre, une alimen- polymorphisme enzymatique a une influence
tation riche en matières grasses peut favoriser directe sur la biotransformation des xénobio-
l'absorption de substances lipophiles. Une tiques. On connaît ainsi un phénotype «acétyla-
carence en fer et en calcium favorise l'absorption teur lent» que l'on rencontre chez environ 60 %
intestinale de cadmium. Du côté de la distribu- des Caucasiens et des Noirs, mais chez seule-
tion des toxiques dans l'organisme, l'obésité ment 10 à 20 % des Asiatiques. Certaines don-
130 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE

nées expérimentales animales et les résultats des particules organiques comme le pollen de
d'enquêtes épidémiologiques suggèrent très l'ambroisie ou de plus petites molécules capa-
fortement que les acétylateurs lents présentent bles de se lier de manière covalente à une macro-
un risque accru de cancer de la vessie, après l'ex- molécule comme une protéine. La macro-
position à des amines aromatiques (Sipes et molécule modifiée devient ainsi l'allergène et on
Gandolfi, 1991; Tarcher et Calabrese, 1992). qualifie d'«haptène» la substance de faible masse
Dans ce cas, il s'agit d'une diminution de la moléculaire qui, ainsi liée, cause le phénomène
capacité à éliminer les intermédiaires can- allergique. Outre les pollens et les moisissures
cérogènes (N-hydroxylamines) produits par une susceptibles de déclencher des phénomènes d'al-
première biotransformation de type oxydation. lergie chez les individus sensibles, les molécules
Finalement, environ 1 % de la population souffre impliquées dans de telles actions toxiques com-
aussi d'une déficience en méthémoglobine réduc- prennent les isocyanates, les sels de nickel et le
tase, ce qui la rend particulièrement sensible aux chrome.
effets des agents méthémoglobinémiants comme Le second type d'hypersusceptibilité con-
les nitrites et l'aniline. cerne l'idiosyncrasie illustrée de façon éloquente
Il va de soi que les progrès de la biologie par un syndrome dont on ne connaît ni l'origi-
moléculaire et la facilité de plus en plus grande ne ni les mécanismes exacts, désigné sous le
de déceler divers polymorphismes enzymatiques vocable de «sensibilité chimique multiple»
devraient contribuer à mettre en évidence un (SCM). Les personnes atteintes de ce syndrome
nombre croissant de ces exemples d'interactions souffrent d'isolement, de frustration et de mar-
gène-environnement. Par ailleurs, à mesure que ginalisation. Les hypothèses soulevées quant aux
les concentrations de très nombreux toxiques mécanismes impliqués dans la S C M incluent les
diminuent dans les milieux de travail et dans atteintes psychiques, les mécanismes i m m u -
l'environnement général, il est également possi- nologiques et les mécanismes toxicologiques
ble que la composante génétique explique une (Tarcher et Calabrese, 1992). En dépit de l ' i m -
proportion croissante du risque résiduel. Dans possibilité actuelle d'en découvrir les origines
ce domaine spécifique, toutefois, les considéra- étiologiques et les mécanismes biologiques,
tions éthiques doivent être omniprésentes chez nombre de cliniciens reconnaissent la souffrance
les chercheurs et chez les praticiens du domaine réelle des personnes qui en sont atteintes. On
de la santé. peut habituellement relever les caractéristiques
diagnostiques suivantes (Ducatman, 1998):
4.4 Hypersusceptibilité
- histoire documentée d'exposition passée à
Nous avons préféré hypersusceptibilité pour des substances chimiques;
décrire l'augmentation de l'effet et de la réponse - symptomatologie polysystémique;
toxique observée chez certains individus d'une
population, à hypersensibilité qui renvoie - symptomatologie pouvant être déclenchée ou
habituellement à des mécanismes i m m u - apaisée par des stimuli précis;
nologiques. L'hypersusceptibilité englobe ainsi - symptomatologie déclenchée par un ensem-
les phénomènes d'hypersensibilité. On peut ble de composés chimiques de structures
donc distinguer deux grands types d'hypersus- diverses et ayant des mécanismes d'action
ceptibilité découlant de l'exposition à des agents différents;
environnementaux. D'abord, il y a les réactions - symptomatologie déclenchée par des exposi-
allergiques (Lauwerys, 1999) dans lesquelles on tions réelles, quoique faibles;
distingue l'hypersensibilité immédiate (type I),
l'hypersensibilité cytolytique (type I I ) , l'hyper- - très faibles doses d'exposition responsables
sensibilité à complexes immuns (type I I I ) et du déclenchement des symptômes (souvent
l'hypersensibilité retardée (type I V ) . Le lecteur très nettement inférieures aux doses réputées
intéressé par ce sujet devrait consulter un toxiques chez la majorité des individus);
manuel d'immunologie. Les allergènes qui - absence de test fonctionnel connu des sys-
déclenchent ces réactions sont habituellement tèmes biologiques touchés pouvant expliquer
des substances de masse moléculaire élevée ou la symptomatologie.
TOXICOLOGIE 131

4.5 Interactions l'humain occupent a priori un rang très élevé.


Parmi les écueils possibles de ce type d'études, on
Le terme d'interaction en toxicologie désigne compte la difficulté de déterminer les doses d'ex-
l'influence d'une substance sur la toxicité d'une position des populations, la pluralité des causes
autre substance (Kiaassen et Eaton, 1991 ; Beck et possibles des effets utilisés comme paramètres
coll., 1994). Il y a additivité lorsque l'effet d'une d'évaluation de la toxicité et le délai possible
combinaison de substances correspond précisé- entre l'exposition et la survenue d'effets délétères,
ment à la somme des effets des substances indi- surtout lorsqu'il s'agit de cancers. Par ailleurs, et
viduelles. On parlera de supra-additivité là où notamment à cause de ce qui précède, il ne faut
une exposition résulte en un effet supérieur à la pas confondre association statistique et relation
somme des effets attendus de la part de chaque causale. La plausibilité biologique d'une associa-
substance prise individuellement. Enfin, le terme tion statistique observée doit être démontrée
d'infra-additivité indique que l'interaction résulte (Hennekens et coll., 1998). Le lecteur est invité à
en un effet inférieur à la somme des effets indi- lire un exposé plus complet dans ce domaine dans
viduels. Dans le cas de la supra-additivité, on dis- les chapitres sur l'épidémiologie (chapitre 4) et
tingue parfois la potentialisation lorsqu'une sub- sur l'analyse des risques (chapitre 8).
stance accroît la toxicité d'une autre substance
sans produire elle-même l'effet toxique considéré.
Ces interactions peuvent être de nature toxi- 5.2 Essais chez les volontaires
cocinétique ou toxicodynamique. On observe
une interaction toxicocinétique lorsque la sub- Une foule de données très utiles peuvent égale-
stance A modifie la distribution ou la biotrans- ment être obtenues par l'entremise d'études
formation de la substance B. C'est le cas par faisant appel à des sujets humains en bonne
exemple de deux substances empruntant les santé qui acceptent de participer volontaire-
mêmes voies enzymatiques de biotransformation ment, moyennant rémunération ou non, et en
comme dans l'exposition simultanée à des con- toute connaissance de cause, à des protocoles
centrations élevées de toluène et de xylène (Tardif dont l'objectif est d'étudier le comportement
et coll., 1999). Dans le cas de l'interaction toxi- des substances toxiques dans l'organisme ou,
codynamique, deux substances entrent en com- encore, de mettre en évidence certains effets qui
pétition pour le même site de liaison moléculaire y sont associés. De telles études impliquant des
responsable de l'effet observé comme dans les volontaires sont courantes dans le domaine
interactions entre certains BPC et la 2,3,7,8- pharmaceutique. On y a recours notamment
tétrachloro-dibenzodioxine ( T C D D ) (Carrier, pour déterminer la bioéquivalence et la
1991). Il se peut aussi que l'une de ces deux sub- biodisponibilité des médicaments. Évidem-
stances modifie la liaison de la seconde sur le ment, les protocoles de telles études doivent
récepteur. Dans ce dernier exemple, une sub- préalablement être évalués et jugés acceptables
stance pourrait avoir un effet allostérique sur la du point de vue éthique et, entre autres,
molécule réceptrice, c'est-à-dire en modifier la respecter la Déclaration d'Helsinki (1964) con-
structure tridimensionnelle, de façon à faciliter cernant les règles s'appliquant à l'utilisation de
ou à empêcher la fixation de la seconde molécule sujets humains. Ainsi, les volontaires doivent
sur son propre site de liaison. être tout à fait libres de participer ou non,
doivent être en mesure de comprendre la nature
de l'étude de même que les risques potentiels et
peuvent refuser de participer sans que cela ne
5. SOURCES D'INFORMATION leur cause préjudice. En outre, toute rétribution
ET PRÉDICTION DE LA TOXICITÉ en argent pouvant être versée aux volontaires ne
CHEZ L'HUMAIN doit pas constituer une incitation trop forte à
participer (Smith, 1997).
5.1 Enquêtes épidémiologiques
Il existe deux principaux types d'études
Dans la hiérarchie de valeur des données de impliquant des volontaires. Celles où, par exem-
diverses sources visant à permettre de prédire le ple, des sujets, placés dans une chambre d'in-
type de toxicité et à définir la relation dose- halation, sont exposés à une substance dans des
réponse pour un toxique ou un groupe de toxi- conditions rigoureusement contrôlées (Tardif et
ques, il va de soi que les données obtenues chez coll., 1991; Wilson 1997), notamment en ce
132 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE

qui regarde la dose d'exposition. D'autres, qui reçoivent plusieurs doses d'un même xénobio-
s'apparentent en partie à certaines études tique, selon des conditions d'exposition et des
épidémiologiques, font appel à des travailleurs durées qui peuvent être très variables. Ces études
(milieu de travail) (Truchon et coll., 1999) ou, ont pour objectif de renseigner sur la nature des
encore, à des individus exposés dans leur milieu effets toxiques résultant de ces expositions et sur
de vie (résidence personnelle, lieu de loisir) la relation quantitative entre les niveaux d'expo-
(Lévesque et coll., 1994). Le choix de l'une ou sition et les effets mesurés (physiologiques,
l'autre de ces deux approches, qui s'avèrent sou- biochimiques, morphologiques). En principe,
vent complémentaires, dépend de l'information ces évaluations doivent être conduites chez les
recherchée et des objectifs poursuivis. Il peut espèces les plus sensibles et faire appel aux tech-
s'agir, par exemple, de caractériser le comporte- niques de mesures d'effets les plus performantes.
ment toxicocinétique d'un contaminant dans Ces évaluations permettent de récolter une foule
l'organisme, de développer et de valider un test de données, et ce, dans des circonstances d'expo-
basé sur l'utilisation d'un indicateur d'exposi- sition où les doses et les conditions d'expositions
tion, de valider un modèle toxicocinétique, de sont rigoureusement contrôlées.
mesurer des effets toxiques (neurocomporte- L'évaluation de la toxicité repose sur l'utilisa-
mentaux ou neuromoteurs) ou, encore, d'éva- tion de paramètres ou d'indicateurs de toxicité
luer le potentiel irritant d'un xénobiotique qui peuvent être plus ou moins spécifiques et
(Basketter et Reynolds, 1997). Ces études sont qui sont associés à des lésions organiques affec-
extrêmement utiles puisqu'elles fournissent des tant certains tissus et organes (peau, foie, rein,
données et des informations qui sont obtenues cerveau) ou systèmes particuliers (immunitaire,
directement auprès de sujets humains et donc reproducteur). Plusieurs facteurs sont suscepti-
particulièrement pertinentes pour l'évaluation bles d'affecter la toxicité d'un xénobiotique. Mis
des risques pour la santé humaine pouvant être à part la dose qui, évidemment, exerce un rôle
associés à l'exposition à un contaminant. En majeur, on peut citer, à titre d'exemples, la
revanche, le nombre de ces études est relative- nature du produit, le véhicule utilisé pour l'ad-
ment faible et l'information qui en découle, ministration, la voie d'administration, l'espèce
limitée. Conséquemment, l'essentiel de l'infor- animale testée, la diète et également la durée
mation toxicologique disponible aujourd'hui d'exposition plus ou moins longue. Il existe trois
provient, pour la plupart des substances, d'essais catégories d'essais de toxicité qui diffèrent en
de toxicité réalisées sur des animaux de labora- fonction de la durée d'exposition: les essais de
toire. toxicité aiguë, les essais de toxicité sub-
chronique et les essais de toxicité chronique.
5.3 Essais de toxicité chez l'animal
Essais de toxicité aiguë
(Ecobichon, 1997, 1998a, b, c) Ces tests visent à reconnaître les effets néfastes
Pendant longtemps, l'évaluation toxicologique (physiologique, biochimique, morphologique)
visait essentiellement à reconnaître et à décrire survenant après un délai déterminé, suivant
les effets néfastes pouvant découler d'exposi- l'administration de doses généralement élevées
tions aux xénobiotiques. Plus tard, la disponi- de xénobiotiques; ces tests permettent parfois de
bilité toujours grandissante de techniques et déceler les principaux organes cibles. Les voies
d'instrument de mesure a permis, par le biais d'administration peuvent être variées (cutanée,
d'études mécanistes, de mieux comprendre orale, inhalation). En règle générale, les effets
comment les xénobiotiques exercent leur action mesurés sont proportionnels aux doses admi-
toxique. Aujourd'hui, la dimension prédictive nistrées. En outre, ces épreuves sont en principe
de la toxicologie s'impose de plus en plus et vise conduites chez des animaux des deux sexes. Les
entre autres à établir l'innocuité des substances valeurs de D L 5 0 ou de CL50 représentent des
et à définir des niveaux d'exposition sécuritaires indicateurs de toxicité aiguë (voir section 3.3).
et acceptables pour la population. Les principales manifestations toxiques étudiées
Une part importante des connaissances sur la par ces tests sont la létalité, le pouvoir irritant, la
toxicité des xénobiotiques provient des études au sensibilisation et, parfois, des réactions photo-
cours desquelles des animaux d'espèces variées allergiques ou phototoxiques.
TOXICOLOGIE 133

Essais de toxicité sub-chronique et chronique néfastes ( N O E L , N O A E L ) (voir chapitre 8),


La toxicité de nombreux xénobiotiques apparaît pour les toxiques systémiques et le risque can-
souvent à la suite d'administrations ou à d'ex- cérogène associé à certains produits; ces valeurs
positions répétées durant une période de 90 représentent des données essentielles à la fixa-
jours ou moins. C'est le cas de plusieurs exposi- tion des normes d'exposition à long terme pour
tions environnementales dans lesquelles les les humains.
doses ou les niveaux d'exposition ne se Il existe également des tests permettant de
traduisent pas nécessairement par des effets détecter certaines formes particulières de toxici-
observables au cours des jours qui suivent le té comme par exemple le potentiel tératogène
début des expositions. Cette évaluation est réali- ou mutagène et la reprotoxicité. Ces essais exi-
sée chez deux espèces animales incluant des gent l'application de protocoles précis et, tout
rongeurs (rats, souris) et des non-rongeurs comme les précédents, impliquent une régle-
(chien, singe). mentation relativement exigeante. Pour plus de
Les principaux objectifs de ces essais de to- détails, le lecteur est invité à consulter les nom-
xicité sont les suivants: 1) déceler la nature des breux ouvrages publiés sur le sujet, dont
effets produits suite à l'administration répétée plusieurs sont cités en référence.
de doses moyennes d'un xénobiotique, afin de
fournir les premiers éléments nécessaires à la 5.4 Extrapolations inter-espèces
compréhension du mécanisme de l'action toxi-
que; 2) examiner la possibilité que l'exposition et doses fortes/doses faibles
répétée se traduise par des effets cumulatifs ou Il existe deux principales contraintes à l'utilisa-
par l'accumulation du xénobiotique (ou d'un tion d'animaux dans l'évaluation de la toxicité
métabolite toxique); 3) trouver les doses ou les des xénobiotiques. La première repose sur les
concentrations qui produisent des effets toxi- différences qualitatives et quantitatives - princi-
ques en tenant compte du facteur temps; 4) palement au niveau toxicocinétique - entre les
reconnaître les effets néfastes associés aux expo- espèces animales entre elles ou entre ces
sitions répétées au cours de longues périodes dernières et l'être humain. Conséquemment,
et 5) prédire l'éventualité que des effets néfastes une attention particulière doit être portée à la
apparaissent chez l'humain, en se basant sur une façon dont les données toxicologiques animales
extrapolation des données de toxicité à long sont extrapolées à l'humain. L'utilisation de
terme chez l'animal. l'espèce la plus sensible - qui n'est peut-être pas
Les études sub-chroniques, bien que très la plus représentative de l'espèce humaine -
utiles, ne permettent pas de prédire avec un n'est pas sans poser quelques difficultés d'inter-
degré suffisant de certitude les conséquences prétation.
d'une exposition à long terme, c'est-à-dire pen- La deuxième contrainte est liée à l'utilisation
dant une partie importante de la vie d'un i n d i - de doses relativement élevées lors des études ani-
vidu. Il est bien connu que les modifications males. L'emploi de doses fortes vise à s'assurer
physiologiques et biochimiques qui accompa- que tous les effets toxiques pouvant être associés
gnent le processus de vieillissement, chez un à un xénobiotique seront effectivement détectés.
animal ou un être humain, ont une influence De plus, l'emploi de doses fortes - en augmen-
importante sur la nature et l'intensité des effets tant la probabilité que la toxicité se manifeste -
toxiques pouvant découler d'une exposition qui permet de limiter le nombre d'animaux utilisés,
s'étend sur une longue durée. compte tenu de la variation biologique et de
Ces études chroniques sont réalisées surtout l'incidence attendue si des humains étaient
chez des groupes de rats (mâles et femelles) aux- exposés à cette même substance. Ainsi, il serait
quels les xénobiotiques sont administrés à des impensable de vérifier le potentiel toxique de
doses croissantes pendant des périodes variant plusieurs xénobiotiques en exposant des ani-
de 6 à 24 mois. Dans certains cas, le chien et le maux aux concentrations susceptibles d'être ren-
singe doivent être utilisés, ce qui a pour effet contrées dans l'environnement. Cependant, il
d'allonger considérablement la durée des études. est bien connu que l'administration de doses
Ces essais sont privilégiés pour déterminer, fortes entraîne la saturation d'une foule de
entre autres, les niveaux d'exposition sans effets phénomènes impliqués dans les processus d'ab-
134 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE

sorption, de distribution, de biotransformation taux (classiques) et les modèles toxicocinétiques à


et d'excrétion décrits plus haut. Il est donc per- base physiologique (TCBP).
mis de poser la question suivante: comment
doit-on s'y prendre pour extrapoler adéquate- Modèles compartimentaux
ment les données toxicologiques obtenues chez Ces modèles sont essentiellement utilisés pour
des animaux ayant reçu des doses massives de décrire l'évolution temporelle des concentra-
toxiques à des situations humaines dans tions d'une substance dans des «compartiments»
lesquelles les exposition sont à des niveaux beau- comme le sang, le plasma ou l'urine. Dans cette
coup plus faibles? Aucune réponse définitive à approche, le corps est représenté par un ou
cette question n'a encore été proposée, sans plusieurs compartiments hypothétiques n'ayant
doute parce qu'elle n'existe pas à ce jour. pas nécessairement de correspondance physio-
Cependant, de nombreux projets de logique ou anatomique.
recherche sont actuellement en cours pour met- La modélisation compartimentale consiste à
tre au point des outils permettant de raffiner ces trouver l'équation mathématique appropriée qui
extrapolations inter-espèces et doses fortes/doses permet de décrire le mieux possible le com-
faibles. La modélisation toxicocinétique évo- portement cinétique d'un xénobiotique dans un
quée ci-après en est un exemple. compartiment, comme le sang, en faisant appel
à une technique dite de «lissage». Dans le plus
5.5 Modèles toxicocinétiques/ simple des cas, le corps est représenté par un
seul compartiment (modèle à un comparti-
pharmacocinétiques ment). Cependant, pour certaines substances, il
(Renwick, 1994; Krishnan et Andersen, 1994; est parfois nécessaire d'ajouter des comparti-
Tardif et Brodeur, 1998) ments supplémentaires pour être en mesure de
fournir une description adéquate de leur com-
Étymologiquement, le terme «pharmacociné- portement cinétique (modèles à deux ou trois
tique» concerne l'étude du devenir des médica- compartiments).
ments dans le corps humain; les principes et
Lorsqu'on utilise ces modèles, on suppose
méthodes utilisés aujourd'hui dans l'étude des
mouvements des xénobiotiques dans le corps que le métabolisme des substances dépend de
sont pour la plupart issus des études ayant porté processus (absorption, distribution, biotransfor-
sur des médicaments. mation et excrétion) de premier ordre. Cela si-
gnifie, par exemple, que le taux d'élimination
Le terme «toxicocinétique» possède une si-
d'une substance est proportionnel à la quantité
gnification plus large, en ce sens que l'analyse
toxicocinétique consiste à appliquer les principes de substance présente dans le corps, et ce, à tout
pharmacocinétiques dans le but de prédire l'éven- moment. En d'autres mots, la quantité de sub-
tualité que des effets toxiques puissent apparaître stance éliminée est élevée lorsque la quantité
et la gravité de ces effets (liés à l'intensité et à la présente dans le corps est importante (immé-
durée d'une exposition) pour des xénobiotiques diatement après une exposition), alors que la
(médicaments, additifs alimentaires, contami- quantité éliminée est faible lorsque la quantité
nants industriels, contaminants environnemen- présente dans le corps est minime (plusieurs
taux, etc.). L'intérêt de cette approche vient de ce heures après une exposition). La plupart des
que la production d'effets toxiques est liée à la xénobiotiques se caractérisent par des cinétiques
concentration des xénobiotiques dans les organes de premier ordre, pour autant que les différents
cibles. La compréhension des divers phénomènes processus impliqués dans leur élimination ne
impliqués dans le devenir des xénobiotiques est soient pas saturés. Nous limiterons notre propos
facilitée par le recours à des représentations sim- à la description du modèle de représentation du
plifiées du corps humain sous forme de compar- corps humain le plus simple, soit le modèle
timents, lesquels correspondent à divers tissus, ouvert à un compartiment. En effet, le corps y est
organes ou liquides biologiques. Ce type de représenté par un seul compartiment homogène
représentation fonctionnelle est appelé modélisa- avec une entrée et une sortie (figure 5.3a). Ceci
tion pharmacocinétique ou toxicocinétique. suppose que les changements qui se produisent
Deux types de modèles sont principalement uti- au niveau des concentrations sanguines reflètent
lisés en toxicologie: les modèles comparu men- des changements similaires au niveau tissulaire,
TOXICOLOGIE 135

Cette description mathématique est très utile


et permet de calculer une série de paramètres
cinétiques qui servent à caractériser le profil
toxicocinétique d'une substance. Ces
paramètres toxicocinétiques sont le volume de
distribution, la constante d'élimination, la
demi-vie, la clairance, l'aire sous la courbe et la
biodisponibilité.
Volume de distribution (VD)
Le volume de distribution est défini comme le
volume apparent (litre, millitre) dans lequel une
substance semble avoir été dissoute, après
absorption dans l'organisme, pour donner une
concentration initiale égale à C 0 :

Dans plusieurs cas, la valeur du volume de


distribution ne correspond pas à un volume
biologique réel et peut être plus élevée que le
volume correspondant à un homme moyen. En
effet, puisque la valeur du volume de distribu-
tion est inversement proportionnelle à la con-
centration sanguine, les substances possédant
une affinité particulièrement élevée pour les tis-
Figure 5.3 Représentation schématique du modèle sus adipeux (insecticides de la famille du DDT,
ouvert à un compartiment (a). Illustration d'une ciné- plusieurs solvants industriels, certains médica-
tique sanguine après administration intraveineuse [(b) ments) ont tendance à quitter la circulation san-
coordonnées cartésiennes; (c) coordonnées semi-log- guine et possèdent des volumes de distribution
arithmiques] dont les valeurs peuvent être très élevées
(> 200 L). À l'inverse, une substance qui pos-
par le fait qu'il s'établit un équilibre rapide entre sède une forte affinité pour les constituants san-
les concentrations tissulaires et sanguines. guins, comme les protéines et les globules
La figure 5.3b illustre l'évolution des con- rouges (warfarine), demeurera en grande partie
centrations sanguines d'une substance après dans la circulation sanguine, et la valeur de son
administration intraveineuse (bolus). On remar- volume de distribution sera voisine de la valeur
que que la concentration diminue rapidement du volume sanguin ( ˜ 5 L).
au début, puis plus lentement par la suite. Ce
Constante d'élimination (k)
profil cinétique est typique d'un processus
La constante d'élimination (constante de pre-
d'élimination de premier ordre. La courbe peut mier ordre) est un paramètre très utile qui
être décrite par l'équation suivante: représente la fraction d'une substance qui est
C = C0 • e - k • t éliminée du corps au cours d'une période de
dans laquelle C représente la concentration san- temps donnée. Par exemple, si la valeur de «k»
guine (ou plasmatique) à un temps donné «t», est égale à 0,25 par heure (0,25 h - 1 ), cela signi-
C 0 représente la concentration initiale, fie que 25 % de la quantité de substance
extrapolée à t = 0, et k, la constante d'élimina- présente dans le corps est éliminée à chaque
tion de premier ordre. Pour des considérations heure. La valeur de cette constante est calculée à
pratiques, cette équation est modifiée par une partir de la pente de la droite qui décrit l'évolu-
tion de la concentration sanguine en fonction
transformation logarithmique (figure 5.3c):
du temps (figure 5.3c). Sa valeur reflète l'in-
fluence conjuguée des nombreux processus (dis-
tribution, biotransformation, excrétion) qui
136 E N V I R O N N E M E N T ET SANTÉ PUBLIQUE

contribuent à l'élimination de la substance de la dans certains cas, négligeable selon la voie d'en-
circulation sanguine (ou de l'organisme). trée de la substance (orale, cutanée, pul-
monaire). Ceci dépend de la facilité avec laquel-
Demi-vie d'élimination (t 1/2)
le une substance traverse les diverses membranes
Ce paramètre décrit le temps (minute, heure,
biologiques (poumons, peau, estomac, intestin)
jour, etc.) requis pour que la concentration san-
ou encore de la capacité de certains tissus
guine diminue de 50 % de sa valeur de départ
(poumon, peau, foie, intestin) à biotransformer
par l'effet des processus de distribution, de bio-
une substance avant qu'elle n'atteigne la circula-
transformation et d'excrétion. La valeur de la
tion systémique (effet de premier passage). La
demi-vie est directement liée à la valeur de «k»
biodisponibilité peut varier considérablement
selon l'équation suivante:
d'une substance à l'autre. Par exemple, on véri-
fie régulièrement la biodisponibilité d'une foule
de médicaments afin de s'assurer que la fraction
Les substances qui possèdent des valeurs de absorbée d'une forme pharmaceutique donnée
demi-vies faibles sont éliminées rapidement du demeure dans des limites qui assurent des
corps, pendant que celles dont les valeurs sont niveaux sanguins thérapeutiques.
élevées sont éliminées plus lentement et sont, Aire sous la courbe (AUC)
par conséquent, plus susceptibles de s'accumuler L'aire ou la surface sous la courbe des concen-
dans l'organisme. Les insecticides de la famille trations sanguines d'une substance reflète la
du D D T et certains métaux lourds (plomb, quantité de substance ayant atteint la circula-
cadmium, mercure) possèdent des demi-vies tion systémique. Sa valeur est directement in-
longues, alors que l'aspirine est un médicament fluencée par la biodisponibilité d'une substance
dont la demi-vie est courte. et par la vitesse d'élimination de celle-ci. La sur-
Clairance (CL) face sous la courbe est un bon indicateur de l'ex-
La clairance représente le volume virtuel de sang position interne, dans la mesure où ce paramètre
(millilitre, litre) qui est totalement épuré d'une tient compte à la fois de la concentration san-
substance au cours d'une période de temps don- guine et également du temps pendant lequel
née, habituellement une minute ou une heure une substance est présente dans le comparti-
(mL/min, L/h). La clairance est donc une ment sanguin.
mesure quantitative du taux d'élimination d'une Les paramètres toxicocinétiques que nous
substance. Toutes les voies d'élimination (bio- venons de décrire aident à mieux comprendre le
transformation, excrétion urinaire, biliaire, pul- comportement d'une substance, une fois celle-ci
monaire, etc.) contribuent à la valeur de la présente dans le corps. Ils renseignent notam-
clairance, chacune exerçant sa contribution pro- ment sur l'étendue de la distribution, les quan-
pre (clairance spécifique). Une valeur de tités disponibles pouvant exercer des effets ou
clairance élevée suggère que la substance est les quantités éventuellement éliminées, la con-
éliminée rapidement de l'organisme, alors tribution de différents organes à l'élimination et
qu'une valeur peu élevée suggère un taux le taux d'élimination. Ces informations peuvent
d'élimination plus lent. La clairance est calculée s'avérer utiles pour prédire l'intensité et la durée
en multipliant la constante d'élimination (k) par d'une contamination de l'organisme.
le volume de distribution (V D ):
Modèles à base physiologique
Contrairement aux modèles compartimentaux
qui sont des représentations mathématiques
Biodisponibilité (F) «abstraites» du corps humain, les modèles TCBP
La biodisponibilité représente le pourcentage permettent de décrire le devenir des substances
(ou la fraction «F») d'une dose administrée en faisant intervenir des considérations liées à
d'une substance qui atteint la circulation sys- l'anatomie, à la physiologie et à certains proces-
témique sous forme inchangée. La biodisponi- sus biochimiques du corps humain. Ces mo-
bilité est pratiquement de 100 % (F = 1) après dèles sont considérés comme plus réalistes,
administration intraveineuse. La biodisponibi- puisqu'ils tiennent compte des relations entre
lité peut cependant être plus faible (F < 1) et, divers déterminants de nature biologique ou
TOXICOLOGIE 137

physicochimique: débit sanguin tissulaire, ven-


tilation alvéolaire, constantes métaboliques (Km
et Vmax), solubilité des substances dans les tis-
sus et capacité des substances à se lier à des pro-
téines (albumine, glycoprotéines) ou à d'autres
macromolécules (ADN, hémoglobine). Les
modèles TCBP possèdent cette particularité de
permettre une description simultanée de l'évo-
lution des concentrations d'une substance dans
les divers organes et tissus qui sont représentés
dans le modèle. En outre, ils offrent la possibi-
lité de vérifier l'influence résultant de change-
ments anatomiques (augmentation de la masse
adipeuse), physiologiques (augmentation de la
ventilation alvéolaire) ou biochimiques (inhibi-
tion ou induction enzymatique) sur la cinétique
d'une substance.
Un modèle TCBP comprend une série de
Figure 5.4 Représentation schématique d'un modèle
compartiments, définis anatomiquement, repré-
toxicocinétique à base physiologique (TCBP) permet-
sentant les tissus et organes dans lesquels les tant de décrire la cinétique d'un contaminant
substances se distribuent ou exercent leur toxi- absorbé par la voie pulmonaire; TFP: tissus faiblement
cité (figure 5.4). À chacun des compartiments perfusés (ex, peau, os); TRP: tissus richement per-
correspond une équation différentielle qui fusés (ex, cerveau, reins); TGI: tractus gastrointestinal;
représente le taux de changement de la quantité Vmax et Km: constantes métaboliques
d'une substance dans le compartiment à mesure
que la substance pénètre dans le compartiment, Les équations décrites plus haut sont carac-
s'y distribue puis finalement en ressort: téristiques des modèles «débit-dépendants»: on
suppose alors que le passage d'une substance à
travers la membrane cellulaire se fait par diffu-
sion passive et donne lieu à un équilibre instan-
dans laquelle Qi représente le volume de sang tané entre le sang et les compartiments tissu-
qui perfuse le tissu «i» par unité de temps, C a , la laires. Cette hypothèse est valable pour un grand
concentration artérielle de la substance et C vi , la nombre de substances. Cependant, la cinétique
concentration de substance présente dans le de certaines autres substances ne peut être
sang veineux à la sortie du tissu. En ce qui con- décrite convenablement à l'aide de ces modèles
cerne particulièrement les tissus et organes (foie) «débit-dépendants». Ceci est souvent dû au fait
impliqués dans la biotransformation d'une sub- que ces substances traversent difficilement les
stance, un terme additionnel décrivant ce membranes cellulaires, ce qui oblige à ajuster les
processus est ajouté à l'équation décrite plus équations mathématiques pour prendre en
haut. Ce terme doit, idéalement, permettre de compte cette réalité.
tenir compte de la capacité parfois limitée des Une étape essentielle dans le développement
tissus à biotransformer une substance, notam- d'un modèle TCBP est la validation du modèle.
ment lorsque les quantités sont très élevées Celle-ci se fait en comparant les données
(saturation métabolique): prédites par un modèle avec des données expéri-
mentales (réelles) observées chez l'humain ou
l'animal. Une fois validés, les modèles TCBP
peuvent être utilisés à diverses fins. Par exemple,
Les termes K m et V m a x décrivent respective- ces modèles permettent
ment l'affinité d'une substance pour les enzymes - de décrire le profil temporel de distribution
métaboliques et la vitesse maximale d'une réac- d'une substance (ou de ses métabolites) dans
tion de biotransformation. les différents compartiments du corps, in-
cluant les tissus ou organes cibles;
138 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE

- de procéder à des extrapola-


tions diverses (d'une espèce à
une autre, d'une dose forte à
une dose faible, d'une voie
d'administration à une autre);
- de déterminer et d'ajuster des
limites d'exposition moyen-
nant divers scénarios d'exposi-
tion; Figure 5.5 Le continuum exposition-modèle
- de prédire l'impact, sur la ciné-
tique d'une substance, de modifications entre l'occurrence de l'exposition et le
physiologiques ou de certaines conditions développement de la maladie. Ce continuum
pathologiques; définit en même temps les divers types de bio-
- de faire varier les paramètres d'exposition indicateurs auxquels le toxicologue ou
selon des scénarios plus ou moins complexes. l'épidémiologiste peuvent avoir recours.
Les modèles T C B P sont de plus en plus u t i l i -
sés, particulièrement en analyse de risque, étant 6.1 Surveillance biologique
donné qu'ils facilitent grandement l'estimation
de la dose interne, contribuant ainsi à réduire
de l'exposition
l'incertitude lorsque l'on doit extrapoler à des La surveillance biologique de l'exposition est
humains (doses faibles) les résultats provenant une approche préventive primaire visant l'ap-
des études faites chez des animaux (doses préciation du risque pour la santé des personnes
fortes). exposées, en comparant une mesure du toxique
ou d'un de ses métabolites, dans un ou plusieurs
milieux biologiques, avec une valeur de
6. BIO-INDICATEURS référence appropriée (Lauwerys et Hoet, 1993;
Tel que défini au début de ce chapitre, un bio- Lauwerys, 1999). Le recours à un bio-indicateur
indicateur est un paramètre toxicologique pou- d'exposition requiert une bonne connaissance
vant servir à montrer ou à prédire un événement de la toxicocinétique du composé parent et, le
toxique chez un individu ou chez un animal et cas échéant, du métabolite mesuré, afin de per-
qui peut servir de paramètre commun de toxi- mettre une interprétation adéquate de la
cité entre espèces. La sensibilité et la spécificité mesure, en termes d'exposition contemporaine
d'un bio-indicateur, de même que la période ou passée. Cette approche n'est utile que pour
d'exposition prise en compte par sa mesure, sont les composés à action systémique, c'est-
d'importants paramètres devant en guider le à-dire ceux dont l'effet exige une absorption par
choix dans un contexte donné (Hennekens et l'organisme. De ce fait, on dit des bio-indica-
coll., 1998; Zhitkovich et Costa, 1998). De teurs d'exposition qu'ils mesurent la «dose
façon générale, un bio-indicateur d'exposition interne», par opposition par exemple à une
possède une plus grande spécificité qu'un bio- mesure atmosphérique d'un contaminant qui
indicateur d'effet. Un effet a toujours plus de évalue la «dose externe».
chances d'avoir des causes multiples, indépen- La détermination de la valeur de référence
dantes de l'exposition à un contaminant spéci- utilisée pour juger si une exposition présente un
fique, et ces chances augmentent avec le temps risque inacceptable pour un individu ou pour
qui s'écoule entre l'exposition et la mesure du un groupe d'individus repose sur deux
bio-indicateur. Bien que plusieurs milieux approches principales (Lauwerys et Hoet,
biologiques se prêtent, en principe, à la déter- 1993). Dans la première, on détermine la valeur
mination de bio-indicateurs variés, l'urine et le du bio-indicateur qui correspond à l'exposition
sang demeurent de loin les milieux les plus à une concentration environnementale du toxi-
fréquemment utilisés, avec une place particu- que jugée comme la valeur d'exposition à ne pas
lière aux cheveux dans le cas de l'exposition à dépasser. L'exemple classique de cette approche
certains métaux comme le méthylmercure. La est celle qui est utilisée pour les milieux de tra-
figure 5.5 montre le continuum d'événements vail par l'American Conference of Govern-
TOXICOLOGIE 139

mental Industrial Hygienists pour établir les d'un paramètre précoce d'évaluation de la
«Biological Exposure Indices». La valeur de toxicité causée par l'exposition à la substance
référence est déterminée par la concentration du étudiée. On trouve des exemples d'effets préco-
bio-indicateur qui correspond à une exposition ces possibles dans la détermination de l'activité
atmosphérique du contaminant égale à la valeur des cholinestérases sanguines ou encore de la
d'exposition limite dans l'atmosphère méthémoglobinémie infraclinique. Cette ap-
(«Threshold Limit Value»). C'est ce qu'illustre la proche présente l'avantage de se situer au cœur
figure 5.6a dans laquelle VRA (valeur de même des fondements toxicologiques touchant
référence atmosphérique) est la valeur limite les relations dose-effet et dose-réponse. On en
d'exposition établie pour la concentration atmo- trouve une illustration à la figure 5.6b. Cette
sphérique du toxique et VRB (valeur de fois, la VRB peut être établie comme étant la
référence biologique) est la valeur correspon- valeur du bio-indicateur observée lorsque la
dante du bio-indicateur. Cette approche a le mesure de l'effet commence tout juste à s'écarter
mérite de la simplicité, mais souffre de plusieurs de la valeur moyenne observée dans un groupe
inconvénients. D'abord, une mauvaise corréla- non exposé ou peu exposé (VRBl). On peut
tion peut découler de l'existence de voies d'ab- aussi choisir une valeur critique autre de la
sorption autres que la voie pulmonaire, de mesure de l'effet qui déterminera alors la valeur
même que de l'exposition à des sources du con- de référence VRB2. Il faut toutefois sélectionner
taminant extérieures au milieu de travail. De le paramètre de toxicité avec soin, puisqu'un
plus, les différences interindividuelles de la paramètre trop peu spécifique ou trop peu sen-
mesure du bio-indicateur à une dose d'exposi- sible pourrait mener à l'établissement d'une
tion externe donnée peuvent refléter des dif- valeur de référence inadéquate. Une discussion
férences dans le métabolisme du toxique, que ce plus complète sur la surveillance biologique de
soit au niveau de son absorption ou de sa ciné- l'exposition est proposée au chapitre 7.
tique subséquente dans l'organisme. Alors que
la conclusion tirée d'une mauvaise corrélation
6.2 Dépistage précoce
entre les mesures atmosphériques et la mesure
du bio-indicateur en ce cas peut être que le bio- des effets toxiques
indicateur est inadéquat, il se peut fort bien que Un test de dépistage précoce des effets se situe le
la conclusion correcte soit que la mesure envi- long du continuum exposition-maladie, en
ronnementale n'assure pas une protection amont des altérations fonctionnelles (figure
adéquate des sujets! 5.5). L'événement biologique mesuré appartient
La deuxième approche permettant d'établir donc à la cascade d'événements qui peut mener
la valeur de référence d'un bio-indicateur d'ex- le sujet surexposé à la maladie et constitue un
position repose sur la connaissance de la relation élément du mécanisme d'action du toxique.
entre la mesure du bio-indicateur et la mesure C'est ainsi par exemple qu'un des premiers

Figure 5.6a Détermination d'une valeur de référence Figure 5.6b Détermination d'une valeur de référence
biologique à partir de la relation dose interne-dose biologique à partir de la relation dose effet-dose
externe interne
140 E N V I R O N N E M E N T ET SANTÉ PUBLIQUE

événements biologiques mesurables chez le sujet On le voit, l'utilisateur doit clairement


suffisamment exposé au cadmium, métal définir l'objectif de l'étude dans laquelle il utilise
néphrotoxique, est une protéinurie tubulaire un test de dépistage précoce. Pour reprendre les
(Lauwerys et coll., 1984). Dans ce type de pro- exemples cités ci-haut, on peut vouloir dépister
téinurie, il y a augmentation importante de l'ex- tout signe précoce de néphrotoxicité dans un
crétion urinaire de protéines de faible masse groupe de personnes fortement exposées au cad-
moléculaire comme la protéine transporteuse du mium en milieu industriel afin de prévenir la
rétinol ou la ß 2 -microglobuline, sans qu'il y ait dégradation de la fonction rénale chez ces sujets.
nécessairement élévation de la protéinurie totale Par ailleurs, on peut aussi souhaiter vérifier si la
ou de l'albuminurie décelable au bâtonnet uri- consommation d'eau potable chlorée provenant
naire et, surtout, avant qu'il y ait chute de la fil- d'une usine de filtration donnée entraîne une
tration glomérulaire. Par ailleurs, les mutations augmentation des aberrations chromosomiques
génétiques et les aberrations chromosomiques, dans les lymphocytes circulants au sein d'une
mesurées notamment dans les lymphocytes cir- population. Dans ce dernier cas, il faut cepen-
culants, ont été utilisées comme bio-indicateurs dant prendre garde de ne pas interpréter les don-
de cancérogénicité (Zhitkovich et Costa, 1998). nées positives comme des mesures, à l'échelle
Il est toutefois évident, dans ce cas, qu'il existe individuelle, d'un risque quantifiable de sur-
de très nombreux cancérogènes dans l'environ- venue d'un cancer. Lorsqu'une relation causale
nement, de sorte que la relation de causalité entre l'exposition à un toxique faisant l'objet
peut être difficile à établir entre une exposition d'une étude et le développement d'une maladie
particulière et ces événements génotoxiques. est clairement défini, il convient donc de se
Par définition, une démarche préventive qui demander si une mesure d'imprégnation par le
incite au recours à un dépistage précoce des biais d'un bio-indicateur d'exposition remplit les
effets possibles découlant d'une situation envi- objectifs de l'étude ou s'il est nécessaire d'ajouter
ronnementale donnée requiert l'utilisation de la mesure d'un bio-indicateur d'effet précoce
tests sensibles. Devant une telle situation, le ayant d'inhérentes limites d'interprétation dans
praticien de santé publique ne doit pas perdre plusieurs cas.
de vue que la valeur prédictive positive d'un test
dépend fortement de la spécificité du test et de
la prévalence de l'anomalie que l'on cherche à Tableau 5.1 Valeur prédictive positive d'un test de
dépister. Rappelons que la valeur prédictive dépistage selon la prévalence de l'anomalie
positive d'un test est la probabilité qu'un sujet recherchée et en fonction de certaines caractéristiques
testé positif présente réellement une anomalie. de ce test
On peut calculer cette valeur prédictive positive Prévalence Sensibilité Spécificité Valeur
(VPP) au moyen de la formule suivante: (%) (%) (%) prédictive
positive (%)

1 90 90 8,3

Le tableau 5.1 présente quelques données 10 90 90 50,0


concernant la valeur prédictive positive d'un test 1 90 95 15,4
donné en fonction des caractéristiques de ce
test. Il importe donc aussi de savoir si l'on parle 10 90 95 66,7
de prévalence d'une véritable maladie déclarée 1 95 90 8,8
ou de prévalence d'une anomalie infraclinique
10 95 90 51,4
révélée par le test.
TOXICOLOGIE 141

6.3 Évaluation de la susceptibilité Les développements de la biologie moléculaire


permettent aussi maintenant de déterminer avec
Il est des cas où l'établissement d'une suscepti- une assez grande facilité divers polymorphismes
bilité accrue est particulièrement aisé. Ainsi, on génétiques spécifiques associés, ou que l'on sup-
devrait chercher à éviter ou à limiter l'exposition pose être associés, à un risque plus ou moins
à un agent néphrotoxique chez une personne grand de cancer à la suite d'une exposition à une
qui souffre d'insuffisance rénale. On sait aussi substance génotoxique. Plus particulièrement, la
qu'une personne souffrant de troubles cutanés technique d'amplification en chaîne par
altérant l'intégrité de la couche cornée sera sus- polymérase (ACP ou «Polymerase Chain Reaction»,
ceptible d'absorber de plus grandes quantités de PCR des Anglo-Saxons) permet aujourd'hui de
toxiques par contact cutané. Dans ces cas, l'his- déterminer des polymorphismes associés à la glu-
toire médicale suffit souvent à déceler les sus- tathion-S-transférase ( G S T M 1 , GSTM2), à la
ceptibilités particulières, mais il se peut aussi N-acéryle-transférase ( N A T l , NAT2), aux divers
qu'une insuffisance rénale ou une insuffisance cytochromes P-450 (CYP1A1 Msp) et autres. Il
cardiaque partielles soient silencieuses ou incon- s'agit ici le plus souvent d'une mesure de la capa-
nues du sujet. cité de détoxication de l'organisme ou, à l'inverse,
À un second niveau, on peut mesurer l'acti- de la capacité de production de métabolites réac-
vité de certaines enzymes dans un prélèvement tifs. Une importante proportion de ces mesures
sanguin pour dépister par exemple les personnes est associée au traitement que l'organisme réserve
déficientes en glucose-6-phosphate déshydrogé- aux cancérogènes. Un outil en plein développe-
nase ou en méthémoglobine réductase, afin de ment pourrait nous permettre de mieux com-
réduire le contact de ces personnes avec des sub- prendre les mécanismes de la cancérogenèse
stances oxydantes qui peuvent traverser les glo- chimique; il convient cependant de rappeler les
bules rouges. On évite ainsi à ces personnes de dangers de son utilisation discriminatoire,
s'exposer à un risque sanitaire plus important comme ce pourrait être le cas lorsqu'il est utilisé
pour elles que pour la majorité des personnes. à des fins de sélection des individus les plus résis-
tants au sein d'une population.
142 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE

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