Flammarion
Vesperini Pierre
Cheap » ne veut pas simplement dire « bon marché ». Rendre une chose « cheap » est
une façon de donner une valeur marchande à tout, même à ce qui n’a pas de prix. Ainsi
en va-t-il d’un simple nugget de poulet. On ne l’achète que 50 centimes, alors qu’une
organisation phénoménale a permis sa production : des animaux, des plantes pour les
nourrir, des financements, de l’énergie, des travailleurs mal payés…
Déjà, au XIVe siècle, la cité de Gênes, endettée auprès des banques, mettait en gage le
Saint Graal. Christophe Colomb, découvrant l’Amérique, calculait ce que valent l’eau,
les plantes, l’or… ou les Indiens. Au XIXe siècle, les colons britanniques interdisaient aux
femmes de travailler pour les cantonner aux tâches domestiques gratuites. Jusqu’à la
Grèce de 2015, qui remboursait ses dettes en soldant son système social et ses richesses
naturelles.
Le capitalisme a façonné notre monde : son histoire, d’or et de sang, est faite de
conquêtes, d’oppression et de résistances. En la retraçant sous l’angle inédit de la
« cheapisation », Raj Patel et Jason W. Moore offrent une autre lecture du monde. De
cette vision globale des crises et des luttes pourrait alors naître une ambition folle : celle
d’un monde plus juste.
La foudre et le tonnerre ont besoin de temps, la lumière des astres a besoin de temps,
les actes ont besoin de temps, même après qu’ils ont été accomplis, pour être vus et
entendus. Cet acte est encore plus éloigné d’eux que les plus éloignés des astres – et
pourtant ce sont eux qui l’ont accompli.
1
Friedrich Nietzsche, « Le dément », in Le Gai Savoir .
Une ère a pris fin. Celle, marquée par un climat exceptionnellement clément 2, qui a
permis la naissance de notre monde moderne : l’agriculture sédentaire, les villes, les
États-nations, la technologie de l’information, etc. Le niveau de la mer s’élève ; le climat
devient instable ; les températures moyennes augmentent. On appelle Holocène l’ère
géologique au cours de laquelle la civilisation est née, mais la période la plus récente est
parfois désignée sous le nom d’Anthropocène. De fait, l’avenir saura que nous avons
existé grâce aux merveilleux fossiles que nous aurons laissés partout : radiations
provenant des bombes atomiques, plastiques issus de l’industrie du pétrole, sans oublier
les os de poulets 3.
La suite est à la fois imprévisible et parfaitement prévisible. Quoi que les hommes
décident de faire, le XXIe siècle sera celui de changements « brutaux et irréversibles » dans
cet ensemble d’interdépendances que l’on appelle parfois « le tissu du vivant 4 ». Pour
désigner ce tournant fondamental dans la biosphère, les spécialistes du système terrestre
usent d’une expression relativement pudique : « changement d’état ».
Malheureusement, l’écosystème qui a produit ce bouleversement a également
produit des hommes incapables de saisir ce changement d’état. Pensez au fou de
Nietzsche, qui annonçait la mort de Dieu, et à l’accueil qu’on lui a fait : bien que l’Europe
industrielle ait réduit la religion à la fréquentation optionnelle de l’office du dimanche
e
matin, la société du XIX siècle ne pouvait pas imaginer un monde sans Dieu. De même,
pour la plupart de nos contemporains, il est plus facile d’imaginer la fin de la planète
que celle du capitalisme 5.
Ce tournant majeur que nous vivons nécessite donc également un « changement
d’état » intellectuel.
Avant le capitalisme
Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on déplore la triste façon dont les hommes traitent le
monde naturel. Platon l’a fait dans le Critias, où il parle d’un temps qui le précède de
neuf mille ans : des forêts couvraient alors l’Attique, et les hommes vénérables qui s’y
trouvaient ne connaissaient pas la propriété privée : tout était commun, et ils aimaient la
nature, plus que les contemporains de Platon. D’après lui, ces derniers ont déshonoré la
nature, en dépouillant les collines de leurs arbres 21 ; mais l’histoire de l’Attique racontée
par Platon est romancée – et presque certainement fausse 22. Notre analyse ne parlera pas
de déshonneur, mais de ce qui s’est passé lorsque, par hasard, à la marge occidentale de
la civilisation asiatique, a éclaté une crise climatique, sanitaire et sociale. Notre histoire
commence quelques siècles avant l’aube du capitalisme, dans une région d’où l’on
regarde avec envie les richesses et les civilisations d’Asie centrale et orientale 23. Nous
commençons dans l’Europe féodale.
L’optimum climatique médiéval est une anomalie qu’a connue la région de
l’Atlantique du Nord entre 950 et 1250 24. Pendant cet intervalle, les hivers sont doux et
les périodes de croissance des végétaux sont longues. Les cultures s’étendent vers le
nord comme vers le sud : on plante des vignes dans le sud de la Norvège et des céréales
dans les montagnes, des Alpes aux Highlands 25. Entre l’an 800 et le XIVe siècle, la
population européenne a presque triplé pour arriver à 70 millions d’êtres humains 26. La
population anglaise atteint vers 1300 un pic qu’elle ne devait retrouver qu’à la fin du
e 27
XVII siècle . Le surplus agricole, qui augmente encore plus vite, vient nourrir des villes
qui prolifèrent : en 1300, de moins en moins de monde travaille dans l’agriculture –
peut-être un cinquième de la population. Or une telle prospérité, aussi relative soit-elle,
alimente des désirs d’expansion. Un exemple : les Croisades, expéditions à la fois
militaires et commerciales, qui commencent en 1095 et visent les richesses de la
Méditerranée orientale. Elles s’accompagnent d’autres mouvements de conquête : deux
d’entre eux, en particulier, contribuent à la formation du monde moderne cinq siècles
plus tard. Le premier est la Reconquista chrétienne de l’Ibérie – l’Espagne et le Portugal
actuels –, lorsque, à l’occasion de la première vague de Croisades, Castillans et
Aragonais commencent à déloger le pouvoir islamique de la péninsule. La conquête,
grâce au tribut, est une activité lucrative pour les Croisés : caractéristique qui deviendra
celle du capitalisme colonial à venir. Le second mouvement est plus subtil, mais plus
puissant : l’agriculture. Le travail agricole est en effet l’aspect le plus important du
système féodal – et le plus grand des conquérants, car il a permis à l’Europe de s’étendre
sans qu’il soit besoin d’un pouvoir centralisé. Au XIVe siècle, un tiers du territoire
européen est cultivé, ce qui représente une augmentation drastique (six fois supérieure à
la surface cultivée cinq cents ans auparavant), réalisée en grande partie au détriment des
forêts 28.
Le point d’orgue de cet optimum climatique médiéval se situe vers 1250 : le temps
devient ensuite plus froid – et plus humide. Après des siècles de relative sécurité
alimentaire, la famine revient, et avec d’autant plus de force qu’elle frappe une
population habituée à un climat très doux. En mai 1315, des pluies massives s’abattent
sur l’Europe, peut-être suite à l’éruption du mont Tarawera en Nouvelle Zélande 29. Le
déluge se poursuit jusqu’au mois d’août, puis laisse place à une vague de froid. Les
récoltes ont été faibles les années précédentes, mais celles de 1315 sont un désastre –
ainsi que celles de l’année suivante. Dans les années qui suivent, la population diminue
de 20 % 30, et il faut attendre 1322 pour que le continent sorte de ce que les historiens
appellent la « Grande Famine 31 ».
Les contemporains ne le savaient pas, mais ils venaient d’entrer dans le Petit Âge
glaciaire, qui allait durer jusqu’au XIXe siècle. Ce Petit Âge glaciaire met à nu les
vulnérabilités du féodalisme. Son système alimentaire, par exemple, ne peut fonctionner
que si le climat reste clément. Il repose en effet sur un arrangement entre classes
sociales, dans lequel les seigneurs jouissent d’un contrôle formel sur les terres, tandis
que les paysans les cultivent. Ces derniers constituent une population toujours plus
importante, qui peut donc produire plus. Pourtant, on observe des rendements de moins
en moins bons car, au fil des siècles, l’activité humaine a fini par épuiser la fertilité des
sols – or ce déclin a été partiellement masqué par l’augmentation de la population
paysanne. Le brusque changement climatique a ainsi engendré une succession de
catastrophes qui, en se propageant en cascade à travers un système social basé sur
l’exploitation du sol, ont provoqué la mort de millions de personnes.
Une explication possible de cette crise civilisationnelle dérive en droite ligne des
théories de Malthus et de son Essai sur le principe de population : il y avait trop de gens
pour trop peu de nourriture. Pour le dire en langage plus moderne, le changement
climatique a affecté ce qu’on appelle la capacité porteuse de l’Europe (c’est-à-dire la
population maximale qu’un milieu peut tolérer, sans que la ressource végétale ou le sol
ne subissent de dégradation irrémédiable), entraînant la réduction du nombre de
personnes que pouvaient sustenter les sols dégradés par le féodalisme. Mais la capacité
porteuse, qu’elle augmente ou qu’elle baisse, dépend de celui qui gouverne. La vraie
question – alors comme aujourd’hui – est donc bien celle du pouvoir. C’est pourquoi Malthus
est sans doute moins utile que Marx pour comprendre cette histoire. Reprenons : les
seigneurs féodaux veulent de l’argent ou des céréales – car elles peuvent être facilement
entreposées et vendues –, et consomment les modestes surplus arrachés au sol, sans rien
laisser ou presque pour réinvestir dans l’agriculture 32. Sans les exigences des seigneurs,
les paysans auraient pu diversifier leurs cultures : par exemple, inclure des produits
maraîchers à côté des céréales aurait été une solution au manque de nourriture. Quant à
la question du nombre de bouches à nourrir, soulignons que l’augmentation de la
population n’est pas déterminée par une pulsion procréatrice intemporelle, mais par un
ensemble de conditions historiques liées à la culture, aux classes sociales, et aux terres
disponibles. Comme le fait remarquer Guy Bois dans son ouvrage classique sur le
féodalisme normand, si l’Europe médiévale était passée à d’autres formes de propriété
foncière, offrant aux paysans plus d’autonomie et plus de pouvoir de décision sur les
cultures, une telle transition aurait permis de nourrir jusqu’à trois fois plus
d’individus 33. Mais ce changement n’a pas lieu, et les petits arrangements féodaux
continuent leur chemin cahin-caha, jusqu’au coup de grâce de 1347 : la Peste noire 34.
À la sortie de l’optimum climatique médiéval, l’Europe est en piteux état.
Incapables de faire face au changement climatique, les structures qui, depuis l’an Mil,
produisent assez de nourriture pour entretenir villes et campagnes ont désormais
conduit une part croissante de la population à la malnutrition 35. (On a exhumé, dans les
cimetières anglais, des corps datant du XIe siècle attestant d’une bien meilleure santé que
ceux du XIIIe siècle 36.) La Peste noire, en s’abattant sur des corps affaiblis par la pénurie,
va faire de cette vulnérabilité une hécatombe. Entre le tiers et la moitié de la population
européenne est décimé, et ce, à la faveur de la mondialisation – de sa version médiévale,
du moins. En effet, portées par le développement de l’urbanisation et du commerce, de
plus en plus de personnes se sont installées dans les villes, et de plus en plus de villes
dans les réseaux commerciaux. De la Sicile à Shanghai, les artères commerciales qui
convoient capitaux et marchandises ont également fait de l’Asie et l’Europe un
gigantesque « bassin épidémique » à l’échelle continentale 37. L’arrivée de la Peste noire
en Europe – en Sicile en octobre 1347, à Gênes trois mois plus tard – sonne donc la fin du
féodalisme.
Que peut nous apprendre ce délitement sur la façon dont les grandes crises
surviennent ? Une chose importante : les dynamiques du climat et de la population se
mêlent à celles du pouvoir et de l’économie.
Ainsi le féodalisme, comme beaucoup de civilisations agraires, a tendance à ruiner
ses ressources agricoles et environnementales. À mesure que la population croît,
l’agriculture demande plus de travail, c’est-à-dire plus de personnes occupées à protéger
les récoltes des prédateurs et à apporter un soin constant aux cultures. Mais dès 1270, en
Angleterre, ce système montre des signes de faiblesse : le rendement des céréales chute,
et la consommation de céréales par tête – la base de l’alimentation paysanne – baisse de
14 % 38. Autrement dit, le régime paysan, déjà terriblement modeste, se détériore
brutalement ; or nous sommes encore un demi-siècle avant la Grande Famine.
Les civilisations ne s’effondrent pas simplement parce que les gens meurent de
faim. Le nombre de personnes mal nourries demeure supérieur à 800 millions depuis
1970, et l’on entend pourtant rarement parler de « fin de la civilisation 39 ». Non, les
grandes transitions historiques se produisent lorsque le « business as usual » ne
fonctionne plus. Les puissants s’arrangent toujours pour appliquer leurs vieilles
stratégies aussi longtemps que possible, même lorsque le changement se produit sous
leurs yeux. L’Europe féodale n’a pas dérogé à cette règle.
Le système féodal, on l’a dit, s’appuie sur une population croissante : pour produire
de la nourriture, certes, mais aussi pour assurer la pérennité du pouvoir seigneurial. Afin
de se maintenir en position de force, il vaut mieux beaucoup de paysans en concurrence
pour des terres que beaucoup de seigneurs en concurrence pour des paysans. Mais les
réseaux de commerce et d’échanges ne se sont pas contentés de transmettre le virus de
la peste, ils deviennent aussi des vecteurs d’insurrections de masse. Presque du jour au
lendemain, les révoltes paysannes cessent d’être des affaires locales : elles se
synchronisent pour devenir des menaces à grande échelle pour l’ordre féodal, des
réactions systémiques à une crise généralisée – en d’autres mots, une rupture
fondamentale dans la logique féodale du pouvoir, de la production et de la nature 40.
Avec la Peste noire, un système déjà parvenu à un point de rupture se retrouve
confronté à une tension qu’il ne pouvait plus soutenir. L’Europe d’après la peste est
traversée par la guerre de classes, des pays baltes à la péninsule Ibérique, en passant par
Londres et Florence 41. Partout, les paysans réclament des allègements fiscaux et la
restauration de droits coutumiers, revendications inacceptables pour les pouvoirs en
place. De leur côté, malgré tous leurs efforts, les couronnes, les banques et les
aristocraties européennes ne peuvent plus restaurer le statu quo ante. C’est dans cette
perspective qu’on peut voir dans les législations répressives de l’époque (contrôle des
salaires, et parfois même retour du servage…) une réaction des classes dominantes à la
Peste noire. Parmi les premières mesures, mentionnons l’Ordonnance des Travailleurs
(Ordinance of Labourers) et le Statut des Travailleurs (Statute of Labourers), adoptés en
Angleterre lors de la première vague de peste (1349-1351). Un équivalent aujourd’hui
consisterait à répondre à une épidémie d’Ebola en rendant la syndicalisation plus
difficile. Car le système veut continuer à fonctionner comme avant : c’est ce à quoi se
sont employés les aristocrates européens, qui ne sont que trop conscients des
conséquences du changement climatique. En vain : nulle part, en Europe centrale ou
occidentale, le servage n’est rétabli. En revanche, les revenus et le niveau de vie des
paysans et des classes urbaines s’accroissent de façon substantielle, suffisamment pour
compenser le déclin global de l’économie. La conjoncture a été une aubaine pour la
plupart des gens, tandis que les « 1 % » les plus riches ont vu leur part du surplus
économique se restreindre. L’ordre ancien est irréparablement rompu.
C’est de cette rupture qu’émerge le capitalisme, lorsque les classes dominantes
européennes ne se contentent plus de vouloir restaurer leur richesse mais veulent aussi
l’étendre. Il se trouve qu’une solution est apparue à la fin du XVe siècle à l’aristocratie
ibérique, et que cette solution a entièrement réinventé la relation des hommes au tissu
du vivant. Après des siècles de Reconquista, les sociétés et les royaumes espagnols et
portugais se sont profondément endettés auprès des banquiers italiens. C’est cette dette,
ajoutée à la soif des richesses promises par la conquête, qui déclenche – avec les îles
Canaries et Madère – les premières invasions européennes vers l’Atlantique. À la dette
de guerre, la solution a donc été de nouvelles guerres, et l’expansion coloniale vers de
nouvelles, d’immenses frontières 42.
À Madère, ceux qui travaillent dans les plantations sont des Indigènes des Canaries,
des esclaves d’Afrique, et – parfois – des Européens salariés. Les plantations sont
irriguées par des canaux creusés à l’aide d’arbres, de boue, de sueur et de sang : les
levadas. Aujourd’hui, il reste encore 2 100 kilomètres de levadas sur une île qui ne
dépasse pas 60 kilomètres de largeur. Des esclaves, parfois suspendus à des cordes,
creusent des canaux jusque dans la pierre 54. Nombreux sont ceux qui périssent dans des
éboulements de terrain ou des ruptures de digues. Mais l’efficacité des ingénieurs
hydrauliques fait qu’Afonso de Albuquerque, premier duc de Goa et second gouverneur
de l’Inde portugaise, demande à ce qu’on les envoie « changer le cours du Nil 55 ».
Financés par des capitalistes flamands et italiens, les Portugais se chargent de la
plantation, de l’irrigation et de la récolte des cannes à sucre, puis de leur transformation
en cristaux de sucre.
Transformer la canne en sucre exige d’énormes quantités de combustible : il faut au
moins 50 livres (23 kg) de bois pour obtenir une seule livre (0,45 kg) de sucre. Pour
transformer les cannes gorgées d’eau en mélasse ou en pains de sucre, des moulins sont
construits autour de Funchal, la capitale de Madère : il faut encore des esclaves pour y
acheminer les cannes. À son zénith, l’industrie de Madère consomme 500 hectares de
forêt chaque année pour approvisionner les cours européennes. Mais après
l’emballement, la production s’effondre bientôt. Dès les années 1530, l’île n’a plus
d’arbres, et l’activité des fourneaux commence à décliner. La production s’écroule, et les
plantations du Nouveau Monde offrent aux investisseurs de bien meilleurs retours 56. Le
sucre dévoré par les riches Européens a, à son tour, dévoré l’île de Madère.
Mais le capitalisme n’abandonne pas Madère – il se réinvente 57. Comme il n’y a plus
de combustible bon marché (les derniers arbres de l’île se trouvent dans l’intérieur, trop
inaccessibles pour que leur abattage soit rentable), de nouvelles stratégies apparaissent
pour arracher encore du profit à cette terre dévastée. Sur les cendres de l’industrie
sucrière, on fait pousser des vignes : elles demandent moins de travail, d’eau et de
combustible que les cannes à sucre. Mais le vin a besoin de tonneaux, donc de bois,
fourni à vil prix par les forêts du Nouveau Monde. Et puis Madère est aussi, jusqu’au
e 58
XVIII siècle, un nœud important sur le passage du commerce des esclaves . Plus
récemment, le capitalisme de Madère s’est encore réinventé : l’île utilise aujourd’hui
cette histoire sinistre comme source de revenus, à travers le tourisme 59.
La stratégie cheap
Cette esquisse d’une frontière coloniale nous fait entrevoir comment le capitalisme
va fonctionner au-delà de Madère. Arrêtons-nous un instant sur la notion de frontière.
L’image qu’on nous propose généralement pour visualiser la diffusion du capitalisme
est celle de l’impact d’un astéroïde, ou d’une maladie qui s’étend sur toute la planète.
C’est plus compliqué. Si le capitalisme est une maladie, alors c’est une maladie qui
mange votre chair, puis vend vos os comme engrais, avant d’investir ce profit pour
récolter des cannes à sucre et, enfin, vend cette récolte aux touristes qui paient pour
visiter votre tombe 61. Mais même cette description est inadéquate. La frontière est, par
définition, une connexion : elle siphonne la vie ailleurs pour régler ses
dysfonctionnements. La frontière est donc un lieu où les crises stimulent de nouvelles
stratégies pour faire du profit. Les frontières sont aussi des zones de contact entre le
capital et la nature – au sens large, car nous y incluons les humains. Or la question
essentielle est toujours celle de la réduction des coûts, qui fait que le capitalisme n’existe que
par des frontières : car pour réduire ses coûts, il se transfère d’un lieu à l’autre,
transformant les relations socio-écologiques, produisant toujours plus de biens et de
services, qui circulent à travers une série d’échanges en perpétuelle expansion. Mais,
plus important encore, les frontières sont enfin des lieux où s’exerce le pouvoir – et pas
seulement le pouvoir économique. Aux frontières, États et empires mettent en œuvre
violence, culture et connaissance, afin de mobiliser la nature au moindre coût.
C’est cette cheapisation qui rend les frontières si centrales dans l’histoire moderne,
et qui rend possible l’expansion des marchés capitalistes. Voilà qui nous donne un
précieux indice pour comprendre ce qu’on entend par productivité. On a beaucoup écrit
sur l’histoire sanglante et oppressive du capitalisme, mais on a souvent négligé un fait :
si le capitalisme a triomphé, ce n’est pas parce qu’il est violent et destructeur (il l’est),
mais par sa façon de produire 62. Le capitalisme triomphe, non pas parce qu’il détruit la
nature, mais parce qu’il met la nature au travail – au moindre coût.
Grâce aux frontières, le capitalisme exploite et contrôle un réseau bien plus étendu
que ce que laissent voir les chiffres des recettes et des pertes enregistrés par les
comptables. Il n’y a pas de mot en anglais ou en français pour désigner le processus
consistant à « faire de la vie », mais on trouve de tels mots dans d’autres langues. Les
Anishinaabe, qui occupaient à l’origine un vaste territoire au nord-est de l’Amérique du
Nord, ont le mot minobimaatisiiwin, qui veut dire « la vie bonne », mais aussi « la
renaissance continuelle » de relations réciproques et cycliques entre les humains et la vie
autre 63. Les langues des Bantou d’Afrique du Sud ont ubuntu, l’accomplissement humain
à travers l’être-ensemble, et la langue shona a également l’idée de ukama, qui désigne le
fait d’être « en relation avec le cosmos tout entier », ce qui comprend le monde
biophysique 64. On trouve des idées semblables dans le chinois shi-shi wu-ai, et dans le
maori mauri 65.
Tout ce que font les hommes est coproduit par le reste de la nature : nourriture,
vêtements, maisons et lieux de travail, routes, voies de chemin de fer, aéroports, de
même que les téléphones et les applications. Tout le monde sait qu’une activité comme
l’agriculture associe le travail des hommes et celui des sols, et associe aussi toutes sortes
de processus physiques avec la connaissance humaine. Mais quand les processus se
déploient sur des échelles plus larges, on a alors souvent tendance à penser que les
processus « sociaux » sont différents des processus « naturels ». Il est plus facile de saisir
la relation immédiate entre le sol et le travail à partir d’un marché de fermiers que du
marché financier mondial. Mais Wall Street est tout autant coproduit par la nature que le
marché agricole. Bien plus : les opérations de la finance mondiale qui se déroulent à Wall
Street impliquent un système de relations écologiques planétaires qui aurait été
inimaginable dans les civilisations précédentes.
L’Histoire ne naît donc pas d’une séparation des hommes avec la nature : elle se fait
dans l’évolution et la variation de leurs configurations. Il existe, par exemple, une variété
de moustiques (Culex pipiens) qui s’est installée dans le métro de Londres et s’est si bien
adaptée au monde du commuter britannique qu’elle ne peut plus se croiser avec son
homologue d’en haut – d’où l’apparition d’une nouvelle espèce, le Culex pipiens
molestus 66. Cette nouvelle espèce, créée par l’activité humaine, est un maigre
dédommagement karmique pour toutes les espèces détruites par le travail effectué à la
City de Londres (le Wall Street britannique) par ces voyageurs, dont le sang nourrit les
moustiques.
La relation entre le tissu du vivant et le capitalisme : telle est la matière de ce livre.
Les frontières du capitalisme se situent toujours à l’intérieur du vaste monde de la vie.
Mais pour le capitalisme, ce qui importe, c’est que les nombres figurant sur les registres
– la paie des travailleurs, l’approvisionnement en vivres à destination des travailleurs,
l’acquisition de l’énergie et des matières premières – soient le plus bas possible. Le
capitalisme ne respecte que ce qu’il peut compter, et il ne peut compter que des dollars.
Chaque capitaliste désire investir aussi peu que possible, et engranger des profits aussi
élevés que possible. Un système capitaliste fonctionne donc lorsque des États puissants
et des capitalistes sont en mesure de réorganiser la nature, d’investir le moins possible et
d’engranger le plus possible de nourriture, de travail, d’énergie et de matières
premières, avec le moins de perturbations possibles.
« Externalités », entendra-t-on peut-être grommeler des économistes, qui pourraient
s’étonner que nous n’ayons pas lu les spécialistes de l’externalité, Arthur Cecil Pigou ou
James Meade 67. Nous les avons lus, et c’est la raison pour laquelle nous écrivons ce livre.
En économie, une externalité est un coût ou un bénéfice, privé ou public, qui n’apparaît
pas dans le calcul de la production. Notre thèse est que le monde moderne est né à partir
de tentatives systématiques visant à réparer les crises de frontière, crises résultant du
fait que la vie, humaine et extrahumaine, s’insérait dans ce calcul. Le monde moderne
est né de la revanche des externalités 68.
Le capitalisme n’est pas un système où l’argent est omniprésent ; ce sont des îles où
l’on s’échange de l’argent, situées au milieu d’océans d’êtres naturels cheapisés – ou
voués à la cheapisation. Reproduire la vie à l’intérieur de ces flux d’argent coûte cher,
toujours plus cher. On peut geler les salaires des travailleurs, on peut même les baisser,
mais les inégalités finissent par déclencher des crises populistes du genre de celles
auxquelles nous assistons aujourd’hui, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Les
travailleurs veulent être respectés, et leur travail devient coûteux. Ou encore : les
processus de production brûlent toute une île, et l’énergie cesse d’être bon marché. Ou
encore : le climat change, et les récoltes ne sont plus aussi abondantes qu’autrefois.
L’importance des frontières vient de ce qu’elles offrent des espaces où l’on peut mettre
la main sur de nouvelles choses à vil prix – et où le travail bon marché des humains et
des autres êtres vivants peut être contraint.
Nous en arrivons, donc, à ce que nous appelons la cheapisation : un ensemble de
stratégies destinés à contrôler les relations entre le capitalisme et le tissu du vivant, en
trouvant des solutions, toujours provisoires, aux crises du capitalisme. La
cheapisation n’est pas la même chose que le low cost, bien qu’il en fasse partie. C’est une
stratégie, une pratique, une violence, qui mobilise tous les genres de travail – humain et
animal, végétal et géologique – avec une compensation minimale. Nous parlons de
cheapisation pour désigner les processus par lesquels le capitalisme transmute la vie
non monnayable en circuits de production et de consommation, dans lesquels ces
relations ont le prix le plus bas possible. Il s’agit toujours d’une stratégie à court terme.
Et la cheapisation a toujours été un champ de bataille.
En étudiant l’argent, le travail, le care, l’énergie, la nourriture, les vies, et avant tout
la nature, nous proposons une façon nouvelle de comprendre ce que nous appelons
l’écologie du capitalisme, ce mélange de relations qui explique comment fonctionne le
monde moderne. Examiner ces sept choses cheap permet de voir l’horizon de ce qui est
possible ; de saisir ce qui est en jeu dans les conflits sociaux aujourd’hui, et de quelles
réparations nous avons besoin pour que la solidarité ait un sens. Pourquoi ces sept
choses ? Nous ne pouvions pas faire moins, et s’il est vrai qu’il y en a peut-être d’autres,
chacune d’entre elles était présente à l’aube de cette écologie du capitalisme. Elles
constituent un bon point de départ pour un projet cherchant à la fois à interpréter et à
changer le monde * – et il est temps maintenant de montrer le rôle joué par chacune
d’entre elles à Madère.
Nature
Les colons amenèrent avec eux des espèces envahissantes. À Porto Santo, une des
petites îles de l’archipel (dont le gouverneur était le beau-père de Colomb), les lapins
dévorèrent la flore locale. D’autres invasions suivirent. Un serpent indigène de Madère,
Caseolus bowdichianus, disparut en un siècle de colonisation. Mais la majorité des
extinctions advint au cours des deux derniers siècles – non lors du premier assaut
colonial, mais plus tard, quand des vagues successives d’espèces animales et
d’exploitations des sols eurent anéanti des millions d’années d’évolution 69.
Les arbres, l’eau, les sols, la faune et la flore de Madère, la mer autour de l’île, furent
traités comme autant de dons, de bienfaits gratuits, et transformés en une série
d’apports ou d’obstacles à la production 70. Dans un article classique sur la surpêche,
« Les récifs depuis Colomb », Jeremy Jackson a montré comment les Européens avaient
détruit la vie à Madère 71. Les hommes, en régime capitaliste, maltraitent les écosystèmes
dont nous faisons partie – et dont nous dépendons. Les capitalistes, par exemple, ne font
aucune difficulté pour voir la mer à la fois comme un entrepôt pour le poisson qui nous
reste à pêcher et comme une poubelle pour les détritus que nous produisons. À tel point
que l’équilibre nourriture / déchets va bientôt basculer. D’ici 2050, il y aura dans la mer
plus de plastique que de poisson 72. Une explication paresseuse consisterait à dire que les
hommes amènent la destruction dans leur sillage. Mais la nature est autre chose qu’une
réserve de ressources ou une benne à ordures 73. Si nous commençons notre histoire à la
frontière de l’empire portugais, c’est parce que Madère démontre à la perfection ce qui
arrive lorsque le métabolisme humain, à l’intérieur du tissu du vivant, est gouverné par
la recherche du profit.
Pour que le profit en vienne à gouverner la vie, il fallait opérer une révolution
intellectuelle : séparer la Nature de la Société. Cette révolution conceptuelle est souvent
négligée. On préfère mettre l’accent sur la naissance du marché mondial, la conquête des
Amériques ou l’expropriation des paysans. Mais la façon dont certains hommes se sont
représenté la nature, et ont agi sur elle, est tout aussi importante. Il faut toujours insister
sur ce point : seuls certains hommes furent à l’origine de cela – ceux chargés de conquérir
et de commercialiser un monde qui ne compte que des dollars. S’il est vrai que, face au
changement climatique, nous sommes tous dans le même bateau, la plupart d’entre nous
vivent dans la cale. Insister sur le certains est donc important pour deux grandes raisons.
Premièrement, on peut ainsi signaler la responsabilité des classes qui profitent de cette
séparation. Deuxièmement, la « séparation d’avec la nature » s’est accompagnée d’une
exclusion massive. Le capitalisme ne nous a pas seulement transmis l’idée que la société
était relativement déconnectée de la nature, mais aussi que les femmes, les Peuples
Indigènes, les esclaves et les peuples colonisés, partout dans le monde, n’étaient pas
complètement humains, et donc pas des membres à part entière de la société. Ces gens
n’étaient pas – ou à peine – humains. Ils faisaient partie de la Nature, et étaient traités en
conséquence comme des parias, ce qui permit de les cheapiser.
Le clivage de la Nature et de la Société, du sauvage et du civilisé, a été la base de la
cheapisation d’autres choses, comme nous le montrerons au chapitre 1. La nature a été
recréée, réinventée et repensée à plusieurs reprises au cours des cinq siècles suivants.
Les pratiques capitalistes consistant à rendre la nature cheap ont défini quelles vies et
quel travail comptaient – ou pas. Ces idées dominantes, la Nature et la Société (avec des
majuscules, étant donné le pouvoir mythique et sanglant de ces mots) ont déterminé
quel travail était estimé et quel travail – le soin des jeunes et des vieux, des malades et
de ceux qui ont des besoins spécifiques, le travail agricole et le travail de la nature
extrahumaine (animaux, sols, forêts, sources d’énergie) – devrait être presque tout entier
relégué dans l’invisibilité. Tout cela s’obtint par la circulation de l’argent, dont la valeur
dépendait de la conquête du monde. Progressivement, on contrôla la nourriture pour
tenir les travailleurs, et l’énergie pour les rendre plus productifs. Les choses cheap ne
sont donc nullement des choses, mais plutôt des stratégies au moyen desquelles le
capitalisme gère et surmonte ses crises, des coups de bluff que la cheapisation de la
nature, ce péché originel, fait passer pour des phénomènes authentiques et
indépendants 74.
Argent
L’argent est le médium par lequel le capitalisme opère, une source de pouvoir pour
ceux qui le contrôlent. Mais ce contrôle n’est pas seulement une affaire d’individus et de
richesses. Ce qui est en jeu aussi, c’est la façon dont ce contrôle se combine avec la
nature. Voyez par exemple la solidité des liens qui unissent les dollars américains aux
barils de pétrole saoudiens, ou, à une époque plus ancienne, les rixdales d’argent
hollandaises et les lingots du Nouveau Monde. Si la modernité est une écologie du
pouvoir, c’est l’argent qui fait tenir ensemble l’écosystème, et c’est cet écosystème qui
donne sa forme à l’argent. Car l’argent, pour devenir capital, dépend de la culture et de
la force. Il divise et connecte tout à la fois, le travailleur et le capitaliste, les régions
riches et pauvres – les pays du Nord et les pays du Sud, pour employer le vocabulaire
actuel. C’est le moteur des États-nations et des empires ; il les discipline, et il en dépend
aussi. En regardant l’Histoire de cette façon, on cesse de voir dans le monde moderne
une collection d’États-nations, pour y voir plutôt un système-monde de capital, de
pouvoir et de nature. Et, de la sorte, on est obligé d’étudier des processus qui se
mesurent en siècles, non en décennies 75.
Dans les années 1970, Immanuel Wallerstein a montré comment le capitalisme avait
résulté d’une série de transformations politiques et économiques, conduisant à la mise
en place d’une division du travail nouvelle, et profondément inégalitaire. Deux de ses
idées ont été particulièrement importantes pour ce livre. Premièrement, les inégalités
mondiales sont rendues possible à la fois par les forces politiques et par celles du
marché. Deuxièmement, c’est une transformation radicale de la nature qui a permis la
production et l’accumulation de richesses 76. Si les chercheurs ont ensuite abandonné
l’idée, chère à Wallerstein, du capitalisme comme écologie, c’est pourtant sur la base de
son idée que nous voulons montrer comment le travail et le pouvoir se développent à
l’intérieur d’une nature planétaire – sous la forme d’immenses transformations qui
constituent une écologie. Et parce que nous nous intéressons aux forces qui
conditionnent les relations socio-écologiques, il faut bien comprendre pourquoi l’argent
est si important.
Quand on adopte un regard attentif à l’histoire mondiale, des détails historiques
banals deviennent vitaux. Un exemple : la relation entre les banques génoises, l’écologie
de Madère, et la crise planétaire actuelle. Les humains aiment le goût du sucre. Le sucre
demande de l’eau. L’irrigation de Madère demandait du travail, qui demandait des
fonds. Acheter, transporter et nourrir des esclaves n’était pas peu cher, et il fallait toute
une saison pour nourrir et récolter les cannes, les transformer en sucre et les vendre en
Europe, contre de l’argent qui servait ensuite à acheter des épices venues de l’Asie.
Chacune de ces étapes était rendue possible par le crédit, la dette, l’argent transformé en
marchandises. Et dans tous ces processus, la cité-État de Gênes jouait un rôle central.
L’argent n’est pas le capital. Le mot « capital » est un raccourci journalistique pour
l’argent ou, pire, un stock de quelque chose qui peut être transformé en quelque chose
d’autre. Si jamais vous avez entendu et utilisé les expressions de « capital naturel » et de
« capital social », vous avez participé à une grande illusion 77. Le capital n’est pas un
stock mort d’arbres non coupés ou de compétences non mises en œuvre. Pour Marx
comme pour nous, le capital n’advient que lorsque de l’argent est transformé en
marchandises et retour. De l’argent fourré sous le matelas est, pour le capitalisme, aussi
mort que le matelas lui-même. C’est à travers la circulation de cet argent, et dans les
relations qui l’entourent, que vit le capitalisme.
Ce sont les processus d’échange et de circulation qui transforment l’argent en
capital. Au cœur du Capital de Marx se trouve un modèle aussi simple que puissant :
dans la production comme dans l’échange, les capitalistes associent la force de travail,
les machines et les matières premières. Le résultat – les marchandises – est ensuite
vendu contre de l’argent. Si tout va bien, il y a du profit, qui demande ensuite à être
réinvesti dans encore plus de force de travail, encore plus de machines et de matières
premières. Ni les marchandises ni l’argent ne sont le capital. Ce circuit devient du capital
lorsque l’argent est investi dans la production de marchandises, en un cycle en
perpétuelle expansion. Le capital est un processus dans lequel le flux de l’argent
parcourt toute la nature. Le problème, c’est que le capital exige une expansion infinie,
tandis que le tissu du vivant est fini. Marx critique les économistes qui expliquent le
fonctionnement des marchés à partir de l’offre et de la demande, alors que c’est
justement cette offre et cette demande qui devraient être expliqués. Comprendre ces
forces nécessite d’examiner les marchés à travers le « tout organique » de la production
et de l’échange 78. Ce tout organique dérobe la vie au travailleur comme il épuise le sol
du fermier capitaliste 79.
Ce cycle argent-marchandises et retour n’est pas simplement une façon de rendre
compte du capital. C’est un télescope qui permet de repérer des rythmes longs, dans
l’ascension et la chute des empires et des superpuissances, dans le temps de la longue
durée * 80. Rappelez-vous : après avoir fabriqué et vendu une marchandise, les
capitalistes, idéalement, ont réalisé un profit. La logique selon laquelle il faut faire du
profit en permanence exige que ces profits génèrent à leur tour du profit. Et voilà le hic :
car le volume du capital tend à augmenter plus rapidement que les occasions de
l’investir avec profit. C’est l’origine des bulles financières – situations où d’immenses
flux de capitaux se dirigent vers un secteur économique en particulier, comme les prêts
hypothécaires avant la crise de 2008 – qui reviennent tout au long de l’histoire du
monde moderne. Les empires aident à résoudre ce problème. Sur le long terme, les
empires ouvrent de nouvelles frontières. Sur le court terme, quand la profitabilité
ralentit, ils vont à la guerre – et, dans ce but, empruntent. Les banquiers sont tout
contents de prêter, car les occasions de faire du profit sont relativement peu
nombreuses, et les États sont le type même du bon débiteur. Ils ont également des
armées prêtes à faire la guerre, aux frais de l’État, pour défendre le cours et la stabilité de
leur monnaie. Les relations entre les banquiers et les gouvernements conduisent, à court
terme, au réinvestissement ; à moyen terme, à la concentration de la richesse et des
bénéfices dans le secteur financier ; et à long terme, à l’ascension et à la chute d’un
pouvoir commercial, qu’il s’agisse d’une ville, d’un État ou d’un régime international 81.
Dans cet arc de temps, certains font d’énormes bénéfices, d’autres ne font que
survivre – ou pire. Les idées de Thomas Piketty sur la façon dont le rendement des
investissements a été supérieur à la croissance du PIB dans les pays du Nord ont soulevé
beaucoup d’intérêt récemment, mais elles relèvent d’une façon ancienne d’étudier les
relations de la finance au reste de l’écologie du capitalisme, à travers les régimes
étatiques successifs 82. Car le capitalisme n’est pas seulement la somme des transactions
« économiques » transformant l’argent en marchandises et retour ; il est inséparable de
l’État moderne, des gouvernements et de la transformation des êtres naturels, humains
ou non.
Les paroxysmes d’expansion et d’effondrement propres au capitalisme sont
essentiels pour comprendre comment le capitalisme s’est développé, comme nous le
verrons au chapitre 2. Suite à la progression des financiers, l’écologie du capitalisme
affecte maintenant chaque recoin de l’écologie de la planète 83. L’histoire du processus
par lequel l’argent en est venu à gouverner non seulement les hommes, mais aussi une
bonne partie de la vie planétaire, commence avec l’invasion du Nouveau Monde et de
ses richesses. L’alliance des empires européens, des conquistadores et des banques allait
transformer les êtres naturels du Nouveau Monde en marchandises et en capitaux. Or
l’écologie du capitalisme avait besoin de nouvelles façons de gérer les humains, leurs
corps et les ressources dont ils avaient besoin pour survivre. Car l’argent ne se
transforme pas en marchandise tout seul : il faut en passer par le travail.
Travail
Care
Ce qu’on ignore le plus, dans l’expérience de Madère, et qui pourtant en a été une
condition sine qua non, c’est le travail de ce que les sociologues appellent le « travail
reproductif 92 ». Le travail du care pour les jeunes et les vieux, les infirmes et les malades,
pour l’apprentissage et la convalescence : c’est tout cela qui rend le capitalisme possible.
D’où les humains viennent-ils, si ce n’est d’autres humains ? Comment sont-ils
socialisés, si ce n’est par des communautés ? Comment sont-ils soignés et nourris, si ce
n’est par des réseaux de soutien ? Le capitalisme, en exigeant que ce soin se fasse au
moindre coût, a contribué à remodeler les vieux patriarcats et a produit les catégories
modernes de différence sexuelle et de différence de genre.
Nous savons qu’à l’époque où l’industrie du sucre au Brésil pratiquait le commerce
des esclaves, les femmes coûtaient 20 % moins cher que les hommes 93. Aux XVIe et
e
XVII siècles, en Europe, une réduction salariale généralisée affecta tous les travailleurs,
mais spécialement les femmes, qui ne reçurent qu’un tiers du salaire déjà maigre versé
aux hommes 94. Et il fallait encore qu’elles s’acquittent des travaux domestiques, et de
fait, la sphère domestique fut une invention consciente du premier capitalisme 95. Des
montagnes de travail – travail du care, soutien à la communauté – s’abattirent sur les
épaules des femmes, qui en vinrent à être contrôlées au même titre que les travailleurs
des plantations 96. Brûler les sorcières était une façon de discipliner les femmes qui
refusaient d’être confinées dans la sphère domestique, comme nous le verrons au
chapitre 4. Le patriarcat n’est donc pas un effet secondaire de l’écologie du capitalisme – il
lui est essentiel. Le travail des femmes était si décisif pour la croissance du capitalisme
que, vers 1700, il avait été radicalement redéfini. Le travail des femmes devint du « non-
travail 97 » rendu largement invisible, ce qui était bien sûr excellent pour sa cheapisation.
En 1995, des chercheurs des Nations unies se risquèrent à estimer en dollars le
travail non payé des femmes. Résultat : s’il était rémunéré, tout ce travail non payé
serait évalué à 16 000 milliards de dollars 98. C’était un tiers du total de l’activité
économique mondiale – un chiffre qui aurait été encore plus élevé si la finance n’avait
pas pris une part de plus en plus large de l’économie mondiale. Au Royaume-Uni, des
études plus récentes ont montré que le travail reproductif créait plus de valeur que la
City 99. D’autres encore ont estimé que l’évaluation des Nations unies était trop basse, et
que « l’activité non marchande des ménages » représentait 80 % du produit mondial
brut : près de 60 000 milliards de dollars en 2015 100.
Les activités du care sont peu payées (quand elles sont payées). Par ailleurs, le
travail reproductif a besoin d’être nourri. Au fur et à mesure que les travailleurs de la
planète quittaient la campagne pour les villes, une question devint essentielle : la
capacité à assurer une alimentation quotidienne suffisante. Ce fut l’origine de la
cheapisation de l’alimentation.
Alimentation
À Madère, la denrée rendue cheap n’est pas le sucre – qui était encore un produit de
luxe dans l’Europe du XVe siècle. Ce qu’il fallait cheapiser, c’était la nourriture des
esclaves. Peu de sources nous renseignent sur le régime alimentaire des esclaves de
Madère. Alors comme aujourd’hui, les travailleurs devaient voler les tiges de canne à
sucre, car le jus sucré leur apportait quelques calories en plus. Nous savons qu’au Brésil,
il arrivait que les propriétaires d’esclaves donnent à leurs esclaves malades de la viande
et des œufs, afin que leurs biens se rétablissent et retournent au travail : la nourriture
était d’ailleurs enregistrée par les comptables comme une dépense, dans le registre des
pertes et des profits 101. Il est possible que les esclaves aient amené avec eux le riz, le
millet et le sorgho qu’ils avaient cultivés en Afrique, et que leurs descendants allaient
emmener avec eux dans leur violent passage vers le Nouveau Monde 102. Mais, comme
nous le verrons au chapitre 5, quel que soit le menu, une constante du capitalisme exige
que la nourriture destinée aux travailleurs soit disponible et peu coûteuse 103.
Les dominants ont depuis longtemps compris que le consensus des travailleurs et
des pauvres est à chercher dans leur estomac. Cicéron, philosophe et propriétaire terrien
romain, avait vu sa maison attaquée par une foule affamée, et un siècle plus tard, lors
d’une autre émeute de la faim, l’empereur Claude fut bombardé de croûtons de pain
rassis 104. La nourriture bon marché a été essentielle au maintien de l’ordre pendant des
millénaires. Dans l’écologie du capitalisme, cet ordre a été maintenu en limitant les
dépenses alimentaires des travailleurs et de leurs familles. Cela peut sembler sans
importance aujourd’hui, où les coûts de transport et de logement représentent une part
bien plus importante que la nourriture dans le budget des ménages. Mais cette non-
importance relative de la nourriture est une nouveauté historique : la nourriture est
cheap parce qu’elle a été cheapisée. Entre 1453 et 1913, le pourcentage de leurs salaires
que les ouvriers du bâtiment anglais ont consacré à la nourriture est passé de 80 % à
77,5 % 105. Beaucoup plus récemment, la consommation de nourriture britannique est
tombée à 8,6 % des dépenses des ménages (en 2014 ; aux États-Unis, elle était à 6,6 %, en
Italie à 14,2 %, en Chine à 25,5 % et au Nigéria à 56,6 %) 106. Ces chiffres sont maintenus à
ce bas niveau au moyen de stratégies qui, par exemple aux États-Unis, valorisent les
burgers à 1 dollar et les buckets de poulet cheap dont nous avons parlé en commençant.
Par une ironie de l’Histoire, le sucre de Madère est devenu une marchandise cheap,
justement en raison des expérimentations pionnières qui se déroulèrent sur l’île. La
consommation anglaise de sucre a commencé par être un luxe occasionnel, avant de
quadrupler au XVIIe siècle, de doubler au XVIIIe siècle, jusqu’à atteindre à la fin du siècle
13 livres par personne. Aujourd’hui, la consommation annuelle d’édulcorants aux États-
Unis est de 76 livres, dont 41 livres de sucre raffiné et de 25 livres de sirop de maïs riche
en fructose 107. Aux États-Unis toujours, entre 2005 et 2010, l’apport quotidien moyen en
sucres additionnels était de 355 calories pour les hommes et 239 pour les femmes : c’est
environ 13 % de l’apport calorique quotidien (des recherches récentes évaluent à 2-3 %
le seuil à partir duquel cette consommation a des effets négatifs sur la santé) 108. Le sucre,
cependant, n’est pas la seule source d’énergie pour les humains. L’autre marchandise
dont le prix a été maintenu bas afin que la classe ouvrière américaine puisse survivre a
été le deuxième plus gros poste de dépense pour les ouvriers du bâtiment anglais
pendant sept siècles : le combustible.
Énergie
Au début, les forêts de lauriers subtropicales de Madère, l’« île du bois », n’ont pas
servi de combustible, mais de bois de construction – pour la flotte portugaise, pour les
chantiers de Lisbonne 109. C’est ensuite que le bois servit de combustible, pour les
chaudières servant à faire le sucre 110. Ces arbres n’étaient pas naturellement du
combustible – ils devinrent tels sous certaines conditions spécifiques.
Presque toutes les autres civilisations humaines ont exploité le feu et cherché des
matériaux pour l’entretenir. Mais en régime capitaliste, la vitesse et l’échelle de la
consommation de combustible sont inhabituelles : à Madère, les arbres ont disparu en
soixante-dix ans. En régime capitaliste, le combustible a trois fonctions. C’est d’abord
une industrie en soi ; c’est ensuite, dans d’autres industries, une force qui augmente la
production ; mais c’est aussi, enfin, un substitut à la main-d’œuvre et un moyen de
garder cette force de travail à bas coût – et productive. Le combustible cheap est donc à la
fois l’adversaire des travailleurs, réduits au chômage car remplacés par des machines
fonctionnant au bois, au charbon, au pétrole et à d’autres sources d’énergie, et un
élément essentiel au travail du care, lui-même essentiel au maintien de l’ordre, comme
nous le verrons au chapitre 6.
Est-il besoin de le dire ? Nous vivons actuellement les conséquences d’une
économie construite sur la cheapisation de l’énergie. L’économie politique mondiale du
combustible cheap n’a pas seulement causé d’immenses souffrances humaines, mais elle
a aussi transformé l’écologie planétaire. Les effets du changement climatique,
cependant, n’ont pas été les mêmes partout. On peut calculer en quel endroit de la carte
sont enterrés les corps les plus affectés par le changement climatique, et où seront les
morts du futur. Pour visualiser cette carte, il nous faut d’abord comprendre une ultime
stratégie dans l’écologie du capitalisme : la cheapisation des vies.
Vies
Christophe Colomb est né à Gênes en 1451. Il a résidé un temps à Porto Santo, dans
l’archipel de Madère. Il est arrivé là en 1476. En 1478, on lui a confié une cargaison de
sucre à vendre à Gênes, pour le compte de Ludovico Centurione, jeune héritier du
capitalisme génois 111. Quand Colomb débarqua à Madère, il vit des esclaves, et apprit
comment la loi les traitait. Les esclaves étaient légalement différents des autres
hommes : dans les tribunaux, ils ne pouvaient jamais être témoins ou plaignants. Au
regard de la loi, ils étaient « incapables » de voir ou de subir des délits 112. Ils ne
pouvaient être qu’accusés. Cette jurisprudence fut décisive pour l’apprentissage colonial
de Colomb. Entre son départ de Madère en 1478, pour servir la couronne espagnole, et
son escale de six jours à Funchal en 1498, en tant que vice-roi des Indes, Colomb
inaugura dans les Caraïbes un véritable génocide 113.
Un siècle après la naissance de Colomb, l’extermination avait pris de telles
proportions que certains de ses exécutants, officiant sous la bannière de la famille royale
espagnole et de la Croix catholique, se donnèrent la peine de donner des fondements
intellectuels à l’asservissement et à la brutalisation des autres. C’est lors de la
« controverse de Valladolid » que fut tracée la frontière entre civilisé et sauvage.
Pendant plusieurs semaines, à Valladolid, deux camps débattirent autour de la question
du traitement réservé aux êtres humains vivant de l’autre côté de l’Atlantique. D’un côté
se tenait Bartolomé de Las Casas, le frère dominicain dont le traité de 1552, Brève relation
de la destruction des Indes, dénonçait la violence dont il avait été témoin dans le Nouveau
Monde. En face, Juan Ginés de Sepúlveda, défenseur du droit de conquête de l’Espagne.
La question était de savoir si les Indigènes étaient des gens ou des bêtes. Ce qui était en
jeu, c’était le système de l’encomienda, la technologie de la propriété coloniale qui
répartissait les Indigènes entre les propriétaires, qui les « tenaient en dépôt » pendant
deux générations – celle de l’Indigène « en dépôt » et celle de ses enfants. Les
propriétaires étaient d’accord pour dispenser à ces « dépôts » des cours d’espagnol et de
catéchisme, et pour payer à l’État une taxe leur accordant le droit de posséder cette
réserve de main-d’œuvre 114. À la fin du débat, Las Casas en appela aux valeurs
universelles de l’humanisme, et Sepúlveda, invoquant Aristote, défendit l’idée que les
Indiens « étaient esclaves par nature, non civilisés, barbares et inhumains 115 ». Les deux
camps revendiquèrent la victoire. Par la suite, s’il est vrai que les encomiendas furent un
peu plus strictement encadrées par la loi, la conquête continua et les vies des Indiens
continuèrent à n’avoir strictement aucune valeur. Sepúlveda avait gagné.
Alors pourquoi ce débat ? Le désaccord philosophique autour de l’humanité des
Indigènes concernait à la fois leur place dans un monde clivé entre Nature et Société, et
la façon dont on avait le droit de les gouverner. C’était, autrement dit, un débat autour
de la cheapisation des vies : nous entendons par là la façon dont la violence et l’idéologie
gouvernent le reste des choses cheapisées – en particulier le travail et le soin. C’est un
usage du mot « cheap » légèrement différent que dans les autres chapitres. Nous le
justifions au chapitre 7, en montrant que, sans le pouvoir de décider quelles vies
comptent, et quelles vies ne comptent pas, il aurait été impossible d’éradiquer les
Indigènes ou les membres de religions ou d’États rivaux pour s’approprier leurs
connaissances, leurs ressources et leur force de travail.
Les équivalents modernes abondent : qu’il suffise de penser aux débats actuels
autour de thèmes tels que la sécurité, le statut des immigrés et des réfugiés, les guerres
du pétrole et les « menaces existentielles » que représente le terrorisme 116. Là encore, ce
n’est pas d’aujourd’hui que les humains ont besoin de vivre en sécurité. Mais, dans la
mesure où le capitalisme grandit par ses frontières, le déploiement de la force – à
l’intérieur ou à l’international – pour s’emparer de l’argent, du travail, du soin, de la
nourriture et du combustible, s’accompagne aussi de toute une idéologie de la race, de
l’État et de la nation. C’est au travers de l’appareil étatique que les vies sont rendues
cheap. La puissance des récits mettant en scène les notions de communauté humaine et
d’exclusion est particulièrement frappante aujourd’hui, comme l’attestent l’Amérique de
Donald Trump, la Russie de Vladimir Poutine, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan et
l’Inde de Narendra Modi.
Introduction à l’écologie-monde
Nos idées sur le capitalisme, la vie et la cheapisation sont fondées sur ce que nous
appelons une écologie-monde 117. L’écologie du monde est apparue récemment comme
une façon de penser l’Histoire humaine à l’intérieur du tissu du vivant. Plutôt que de
commencer en séparant les humains du tissu du vivant, nous allons nous demander
comment les humains – et les dispositifs humains de pouvoir, de violence, de travail,
d’inégalités – s’insèrent à l’intérieur de la nature. Le capitalisme n’est pas seulement une
partie de l’écologie : il est une écologie – un ensemble de relations intégrant pouvoir,
capital et nature. Ainsi, quand nous parlons d’écologie-monde, en nous inscrivant dans
toute une tradition de « systèmes-mondes », nous voulons dire que le capitalisme crée
une écologie qui s’étend sur toute la planète, de frontière en frontière, propulsé par les
forces de l’accumulation permanente. Dès lors, parler d’écologie-monde, ce n’est pas
parler de l’écologie du monde, mais proposer une analyse montrant comment les
relations entre pouvoir, production et reproduction fonctionnent au sein du tissu du
vivant. L’idée d’écologie-monde nous fait voir que les relations de violence et
d’exploitation propres au monde moderne s’enracinent en fait dans cinq siècles de
capitalisme ; elle nous montre aussi que les dispositifs d’injustice – même ceux qui
semblent être là depuis toujours, ou inévitables aujourd’hui – sont contingents, et
affrontent aujourd’hui une crise sans précédent.
L’écologie-monde, dès lors, offre plus qu’une perspective différente sur le
capitalisme, la nature et les avenirs possibles. Elle nous offre une façon de voir comment
les hommes font les environnements, et comment les environnements font les hommes,
tout au long de l’histoire moderne. De la sorte, on comprend à quel point les grilles avec
lesquelles l’école nous a appris à penser le changement – écologique, économique, etc. –
sont elles-mêmes en crise aujourd’hui. Comprendre cela est crucial : c’est comprendre la
relation qui existe entre nommer les choses et agir sur le monde. Les mouvements pour
la justice sociale ont depuis longtemps insisté sur l’importance de « nommer le
système » : les relations entre la pensée, la langue et l’émancipation sont profondes, et
elles sont fondamentales pour le pouvoir. L’écologie-monde nous montre comment des
notions qui nous semblent aller de soi – comme la Nature et la Société – posent
problème, pas seulement parce qu’elles empêchent de voir clairement la vie réelle et
l’Histoire, mais aussi parce qu’elles sont issues de la violence du capitalisme colonial.
Les notions modernes de Nature et de Société, comme nous le verrons au chapitre 1, sont
nées en Europe au XVIe siècle. Ces notions-clés n’ont pas seulement accompagné
l’expropriation des paysans en Europe et dans les colonies, elles ont aussi servi elles-
mêmes l’expropriation et le génocide. Le clivage Nature / Société a été essentiel dans la
création d’une cosmologie moderne nouvelle, où l’espace était plat, le temps linéaire, et
la nature extérieure. Le fait que, généralement, nous ignorions cette histoire sanglante –
une histoire qui a exclu de l’humanité la plupart des femmes, des Peuples Indigènes et
des Africains – est un indice extraordinaire, qui nous montre combien la modernité est
capable de nous faire oublier.
C’est pourquoi l’écologie-monde ne se contente pas de repenser : elle se remémore.
Trop souvent, les ravages que le capitalisme produit dans la vie et l’environnement sont
attribués uniquement à la rapacité économique. Mais le capitalisme ne peut pas être
réduit à l’économie. Contrairement à ce que racontent les boniments néolibéraux, les
affaires et les marchés sont incapables à eux seuls de faire tourner le capitalisme. Ce sont
les cultures, les États et les savants qui conduisent les humains à obéir aux normes de
genre, de race et de classe. Les « nouvelles ressources » doivent être cartographiées et
saisies, les dettes remboursées, la monnaie défendue. L’écologie-monde permet de
repérer ces dispositifs, de remémorer – et voir autrement – les vies et les travaux des
humains et des autres êtres naturels dans le tissu du vivant.
L’avenir cheap ?
L’écologie-monde offre aussi de l’espoir. Reconnaître les tissus créateurs de vie dont
dépend le capitalisme, c’est aussi s’emparer de nouveaux outils pour affronter le
Capitalocène. Au moment où les mouvements pour la justice développent des stratégies
pour affronter la crise planétaire – ainsi que des alternatives à notre façon actuelle
d’organiser la nature –, nous devons penser à créer, diffuser et reproduire des formes de
vie démocratiques. Voilà pourquoi nous concluons cette introduction, et ce livre, avec
des idées qui peuvent nous aider à naviguer dans la tempête qui s’annonce.
Un environnementalisme pâlot, dont la principale théorie repose sur l’idée d’une
séparation immuable entre l’homme et la nature, n’apportera aucun changement.
Malheureusement, pour de nombreux responsables politiques aujourd’hui, la
transformation du monde en choses cheap va de soi. Rappelez-vous la dernière crise
financière, rendue possible par la suppression de la barrière entre banques de détail et
banques commerciales aux États-Unis. Le Glass-Steagall Act avait mis en place cette
barrière pendant la Grande Dépression, afin d’empêcher les opérations ayant démoli
l’économie mondiale dans les années 1930. Les socialistes et les communistes américains
avaient milité pour la nationalisation des banques, et le New Deal de Franklin Roosevelt
proposa cette mesure comme un compromis 118. Quand les protestataires de gauche ont
récemment réclamé le retour du Glass-Steagall Act, ils n’exigeaient déjà plus que le
retour d’un compromis, au lieu de demander ce qui avait été jeté en pâture à la finance :
le logement.
De même, quand les syndicats demandent que le travail aux États-Unis soit
rémunéré 15 dollars de l’heure – demande que nous avons soutenue –, ce qui manque,
c’est une vision d’ensemble de l’avenir du travail. Pourquoi les travailleurs du care et de
l’alimentation ne devraient-ils recevoir qu’une augmentation de salaire progressive,
permettant à peine de subsister ? Et pourquoi, vraiment, la notion de dignité humaine
devrait-elle être liée à la dureté du travail ? Ne pourrait-il pas y avoir la possibilité de
demander au travail, à la place d’une corvée, une chance de contribuer à rendre le
monde meilleur 119 ?
Bien que l’État-providence se soit étendu, devenant la part de revenu des ménages
en plus forte hausse aux États-Unis, représentant 20 % du revenu des ménages en
2000 120, il n’a pas mis fin au fardeau du travail domestique des femmes. De sorte que le
but ultime doit être d’obtenir que le travail ménager soit réduit, rémunéré et redistribué.
Il faut rêver un changement plus radical que celui proposé par la politique
contemporaine. Par exemple, l’énergie fossile bon marché est défendue par les think
tanks de droite, de l’Inde aux États-Unis. Quant aux militants de gauche qui proposent un
avenir photovoltaïque, ils oublient la souffrance impliquée par l’infrastructure minérale
dont dépend leur alternative. De la même façon, les mouvements pour la nourriture ont
accueilli des gens proposant tantôt d’augmenter le prix de la nourriture en faisant fi de la
pauvreté, tantôt d’élaborer des alternatives à la nourriture qui laisseront la pauvreté
persister, avec des vitamines en plus 121. Et, bien sûr, la persistance de la politique des
vies cheapisées apparaît dans le retour du racisme et du nationalisme, de la Russie à
l’Afrique du Sud en passant par les États-Unis et la Chine, au nom de la « protection de
la nation ». Et nous ne sommes pas optimistes pour l’avenir, quand on voit que, d’après
une enquête du National Opinion Research Center de l’université de Chicago, 35 % des
baby-boomers voient les Noirs comme plus paresseux que les Blancs, et que 31 % des
millenials * sont du même avis 122.
Tout en conservant un salubre pessimisme de l’intelligence, notre optimisme de la
volonté * se nourrit du travail réalisé par des organisations capables de voir plus de
mutabilité dans les relations sociales. Beaucoup de ces groupes affrontent dès
aujourd’hui la question de la cheapisation du monde. Les syndicats veulent des salaires
réévalués. Les militants du climat veulent réévaluer notre relation à l’énergie, et ceux
qui ont lu Naomi Klein reconnaîtront que beaucoup de changement reste encore à
faire 123. Les militants de la nourriture veulent que nous changions ce que nous
mangeons et ce que nous cultivons, de manière à ce que chacun puisse bien se nourrir.
Les syndicalistes du travail domestique veulent que la société réorganise le travail
accompli à la maison et dans les institutions de care. Le mouvement Occupy veut
l’annulation de la dette, et que ceux qui sont menacés d’expulsion soient autorisés à
rester chez eux. Les écologistes de gauche veulent changer nos façons de penser la vie
sur la terre. Le Movement for Black Lives, les groupes indigènes et les militants des droits
des immigrés veulent l’égalité et la réparation des injustices commises par le passé.
Chacun de ces mouvements pourrait provoquer une crise. Le capitalisme a toujours
été façonné par la résistance – des émeutes d’esclaves aux grèves de masse, des révoltes
anticoloniales à l’organisation des droits des femmes et des Peuples Indigènes en
passant par l’abolition de l’esclavage – et il a toujours réussi à survivre. Mais tous les
mouvements d’aujourd’hui sont connectés, et cette connexion offre un antidote au
pessimisme. L’écologie-monde peut aider à faire le lien.
Les solutions que nous proposons n’appartiennent pas au passé. Nous sommes
d’accord avec Alice Walker pour affirmer : « Le militantisme est le loyer que je paie pour
vivre sur la planète 124 », et que s’il doit y avoir une vie après le capitalisme, elle viendra
de la lutte des gens sur le terrain pour lequel ils combattent. Nous ne nions pas que, si
les politiques doivent changer, elles devront commencer par là où les gens se trouvent
actuellement. Mais nous ne pouvons aboutir aux abstractions produites par le
capitalisme : nature, société, économie. Nous devons trouver le langage et la politique
destinés à des civilisations nouvelles, trouver des façons de vivre dans la mutation
induite par l’écologie du capitalisme. C’est pourquoi, dans notre conclusion, nous
proposons une série d’idées qui nous aident à reconnaître et à orienter la place des
humains dans la nature, à travers le discours de la réparation. Tenir compte des
injustices commises par des siècles d’exploitation peut resacraliser les relations
humaines au tissu du vivant. Redistribuer le care, les terres et le travail, de façon à ce
que chacun ait une chance de contribuer à l’amélioration de sa vie et de l’écologie autour
de lui peut défaire la violence de l’abstraction que le capitalisme nous fait accomplir
chaque jour. Nous nommons cette vision « écologie de la réparation 125 » et proposons de
voir, à travers elle, aussi bien l’Histoire que le futur, de pratiquer et de défendre l’égalité,
de réimaginer les relations des humains avec le tissu du vivant.
Entre son crime et son exécution, un jour seulement s’écoula. Mais les documents
du tribunal ne donnent même pas son nom. Elle vivait à Tlaxcala, en Nouvelle-Espagne.
Le dimanche 18 juillet 1599, elle brisa des croix dans une église, incita les Indiens
Chichimèques à se rebeller contre les Espagnols et tua un Indien Tarasque en usant de
sorcellerie. Elle fut arrêtée le lendemain. Six témoins l’accablèrent. Au coucher du soleil,
on l’autorisa à prendre la parole pour se défendre. Elle raconta ce qu’elle avait fait et –
d’après le procès-verbal – raconta un rêve :
Des cerfs [lui apparurent] et lui dirent de ne pas fuir. Ils la cherchaient, et ils ne voulaient apparaître à personne
d’autre qu’à elle, parce qu’elle était malade et qu’ils voulaient la voir, et elle dit qu’elle était très âgée quand elle vit
ces figures, et maintenant elle est jeune, en bonne santé, et ils lui ont retiré des cataractes qu’elle avait, et ensuite ces
deux figures allèrent dans une caverne avec elle, et lui donnèrent un cheval, qu’elle a dans ledit pueblo de Tlaxcala,
et l’une des deux figures était un cerf qui montait un cheval, et l’autre cerf avait un cheval bridé, et à ce moment-là
elle était infirme, mais après avoir vu les deux figures, elle est bien 1.
Des crimes qu’elle avait commis, le rêve était le pire. Elle aurait pu déclencher une
insurrection, profaner une église, convoiter l’argent de la terre chichimèque – mais rien
n’était aussi dangereux que son rêve : car l’ordre naturel dont elle offrait la vision était
l’inverse de celui des colonisateurs. Le cheval n’était pas monté par des Espagnols, mais
par un cerf – le symbole des Chichimèques : non pas des hommes blancs au-dessus de la
nature, mais la vie indigène au-dessus de la vie des colonisateurs. Faire ce rêve, c’était
fomenter une insurrection plus que politique : cosmique. Ce rêve était séditieux. Elle fut
pendue dans l’après-midi.
Il n’est pas facile de parler de cette femme sans savoir son nom. « Sorcière » : ainsi
l’appelaient ses assassins. C’est un nom qu’elle aurait sans doute pu employer pour elle-
même, sans le venin colonial bien sûr. Raconter son histoire est un acte de mémoire. La
rêveuse de cette écologie radicalement différente, il fallait la mettre à mort, et vite. Lui
permettre de vivre, c’était approuver une alternative à l’écologie-monde du capitalisme.
Cette femme chichimèque a été assassinée par une société civilisée, parce que sa
sauvagerie naturelle brisait les règles de cette société. Cette transgression, ce crime, était
une réalité relativement nouvelle. En 1330, le mot anglais savage voulait encore dire
« intrépide, indomptable, vaillant 2 ». Ce sens positif a disparu vers la fin du XVe siècle,
pour être remplacé par son sens moderne : « à l’état de nature 3 ». Ce n’est pas un
hasard : l’exécution de la sorcière chichimèque a eu lieu au moment où s’élaborait le
clivage nature / société.
Vivre, c’est altérer son environnement. L’évolution des homininés s’est faite à
travers une série de transformations biologiques – dont la découverte du feu qui, en
réduisant l’énergie nécessaire à la digestion, permit aux hommes de bâtir des mondes.
Les humains sont donc une espèce capable d’agir sur l’environnement. Mais leurs
créations sont fragiles. Si les civilisations naissent et grandissent, c’est grâce à l’aide du
reste de la nature : lorsque cette aide disparaît, les civilisations s’effondrent. Rome a
prospéré pendant l’optimum climatique romain (300 av. J.-C. - 500 ap. J.-C.) 14.
L’optimum climatique médiéval (vers 950-1250) a contribué à l’émergence de nouveaux
États en Eurasie, de la France au Cambodge 15. C’est donc une anomalie climatique qui a
favorisé l’Europe féodale, de même que c’est un autre changement climatique qui a
coproduit sa crise, avec la transition vers le capitalisme qui devait s’ensuivre.
Le Petit Âge glaciaire a été en effet l’un des facteurs de ce délitement du féodalisme
européen. Mais le climat n’était pas seul en cause. L’Europe féodale était extrêmement
dynamique. S’il est vrai que les aléas météorologiques nuisaient aux rendements
céréaliers, le féodalisme disposait de technologies agricoles sophistiquées. Dès le IXe
siècle, la productivité agricole augmenta considérablement : les champs cultivés
gagnèrent du terrain sur les forêts, et les populations humaines et animales s’accrurent
rapidement. À l’aube du XIVe siècle, les densités de population européennes étaient déjà
relativement élevées. Mais la faiblesse systémique du féodalisme ne peut se réduire à
l’épuisement des sols. Si le féodalisme s’est effondré, c’est que les paysans n’ont pas pu
fournir aux seigneurs un surplus économique plus élevé. Si on les avait laissé faire, les
paysans seraient passés de la monoculture (de blé ou de seigle) à des mélanges de
culture, qui auraient inclus des produits maraîchers. La production de nourriture en
Europe occidentale aurait pu alors doubler, voire tripler 16. Mais cette transition fut
impossible, parce que les seigneurs voulaient des produits qu’on puisse vendre
rapidement afin d’obtenir des liquidités. Les seigneurs féodaux veillèrent donc
jalousement à la reproduction d’un système agricole qui privilégiait les gains à court
terme, au détriment d’ajustements vitaux, parce qu’ils avaient l’inconvénient d’écorner
leurs revenus. Le parallèle avec aujourd’hui ne laisse pas d’être troublant. C’est ici
qu’intervient la stratégie de cheapisation de la nature. Ici que les notions de Nature et de
Société commencèrent à prendre forme : dans les convulsions de la crise féodale et du
capitalisme naissant.
Les seigneurs, en refusant les ajustements nécessaires, précipitèrent une crise
épocale. Comme nous l’avons vu dans l’introduction, les problèmes agro-écologiques
engendrés par la domination seigneuriale, associés au changement climatique et à une
catastrophe démographique, semèrent la mort et déclenchèrent de terribles révoltes
paysannes. Les classes dirigeantes d’Europe occidentale essayèrent – en vain – de
ramener les paysans au servage. Mais ce que cette crise mettait en jeu, ce n’était pas
seulement l’organisation de la société en classes. C’est toute l’écologie féodale du
pouvoir, de la richesse et de la nature, qui cessa de fonctionner. Toute une époque
finissait : États, seigneurs, marchands, tout devait s’écrouler, pour que des solutions
nouvelles viennent restaurer leur richesse 17.
Au cœur de ces solutions nouvelles, la conquête du monde : pas seulement par les
armes à feu, mais aussi par la création de nouvelles frontières, à la fois culturelles et
géographiques. Entre les mains de l’argent et du marché, la vie et la terre devinrent des
moyens de résoudre les crises générées par l’écologie du capitalisme. Car au cœur de
cette relation à la nature, il y a le profit : Christophe Colomb en est une figure
exemplaire. Colomb surgira à chacun de nos chapitres, comme premier praticien de la
cheapisation du monde. Quand il débarque dans les Caraïbes, ce n’est pas seulement
avec le regard du conquérant, mais aussi avec l’œil de l’évaluateur – qu’il avait affûté
dans les aventures coloniales des Portugais au large de l’Afrique du Nord. Colomb
déclencha une colonisation pécuniaire de la nature. Les empires européens, à
commencer par les empires portugais et espagnols, avaient l’obsession des objets
naturels – y compris des corps de « sauvages » – toujours dans le but d’augmenter leur
richesse et leur pouvoir. Colomb catalogua la nature afin de l’évaluer (de lui mettre un
prix) : il avait compris ce qu’était devenue la Nature à l’ère du capitalisme de la première
modernité 18.
Cette stratégie de cheapisation de la nature, Colomb la mit en pratique dès son
arrivée dans le Nouveau Monde 19. Au huitième jour de son premier voyage dans les
Caraïbes, il trouva un cap qu’il nomma « Cabo Hermoso [Beau Cap], parce qu’il est
ainsi… Je ne peux jamais lasser mes yeux du spectacle d’une végétation si ravissante, si
différente de la nôtre. Elle contient, je crois, de nombreuses herbes et de nombreux
arbres qui auront beaucoup de valeur en Europe comme teintures et médicaments. Mais
je ne les connais pas, et cela me cause un grand chagrin 20 ». Il apparaît ainsi, dès le
départ, comme un évaluateur, frustré de ne pas repérer immédiatement, dans la nature
qu’il contemple, son prix en argent.
Cela étant dit, le profit ne venait pas seulement du commerce. Il fallait mettre la
nature au travail : de là la réinvention coloniale de l’encomienda, qui fut la première
application pratique de la division entre Nature et Société. Originellement, l’encomienda
était simplement un titre de propriété. Mais elle devint une stratégie permettant de faire
passer certains humains du côté de la Nature : ils pouvaient ainsi travailler la terre pour
moins cher. À l’époque où la couronne espagnole bataillait pour conquérir du territoire
dans la péninsule Ibérique, les encomiendas avaient été une façon de gérer le butin.
C’était des concessions de terres temporaires dont le roi récompensait les aristocrates,
afin qu’ils puissent exploiter les domaines auparavant occupés par les Maures 21. Dans
les Caraïbes, en revanche, les encomiendas, passant du Moyen Âge à la modernité,
cessèrent d’être des concessions de terres pour devenir des concessions de main-d’œuvre.
En plus des terres, les colons prenaient possession des Indigènes qui s’y trouvaient, et
qui devenaient esclaves de facto. Le propriétaire possédait aussi, en plus du territoire, la
flore et la faune. Et les Peuples Indigènes faisaient partie de la faune. C’est pourquoi, au
e 22
XVI siècle, les Espagnols désignaient les Indigènes des Andes comme les naturales .
Plus tard, le système de l’encomienda combina différents dispositifs de travail, où
l’esclavage voisinait avec le salariat 23. C’est-à-dire que le règne de la Nature comprenait
virtuellement tous les peuples de couleur, la plupart des femmes et la plupart des Blancs
venus de semi-colonies (comme l’Irlande ou la Pologne) 24.
Dès le départ, les hommes ont compris qu’ils étaient différents du reste de la
nature 25. Ce n’est pas le capitalisme qui a inventé cette distinction. Là où il a innové,
c’est en transformant cette distinction en séparation absolue et définitive – et en principe
d’ordonnancement. Des deux côtés de l’Atlantique, les penseurs ont contribué à cette
tâche. René Descartes (1596-1650) a appris les bases du raisonnement philosophique en
étudiant le philosophe mexicain Antonio Rubio (1548-1615). C’est aux Amériques,
comme le montre Enrique Dussel, que s’est développée au XVIe siècle une bonne partie
de la réflexion anticoloniale la plus sophistiquée 26. Les Anglais, au même moment,
appliquaient les idées de « sauvage » et de « civilisé » à l’Irlande – leur première
frontière coloniale. Ce n’est pas un hasard si la domination anglaise en Irlande s’est
intensifiée après 1541 – au moment précis où Nature et Société assumaient leurs sens
actuels. Les forces coloniales anglaises étaient concentrées sur une bande de littoral
autour de Dublin. Ce territoire des débuts de l’activité coloniale anglaise s’appelait le
Pale. Ceux qui vivaient en dehors étaient les « sauvages ». En 1641, Descartes formula ce
qu’on pourrait appeler les deux premières lois de l’écologie capitaliste. La première peut
paraître innocente à première vue : Descartes fait une distinction entre esprit et corps,
appelant l’un « chose pensante » (res cogitans) et l’autre « chose étendue » (res extensa).
Le réel est donc constitué de « choses pensantes » et de « choses étendues ». Les humains
(mais pas tous) sont des « choses pensantes », tandis que la « Nature » est remplie de
« choses étendues ». Or, à cette époque, les classes dominantes voyaient la plupart des
humains – femmes, peuples de couleur, Peuples Indigènes – comme des « choses
étendues », pas des « choses pensantes ». Les abstractions philosophiques de Descartes
devinrent donc de véritables instruments de domination. C’était des « abstractions
réelles », dotées comme telles d’une redoutable efficacité matérielle. Et cela nous amène
à la deuxième loi cartésienne de l’écologie capitaliste : la civilisation européenne (ou,
pour le dire avec Descartes, « nous ») doit devenir « maîtres et possesseurs de la
nature 27 ». La Société et la Nature n’étaient donc plus seulement existentiellement
séparées. La Nature devenait quelque chose que la Société devait contrôler et dominer.
Autrement dit, l’influence de Descartes ne s’exerçait pas seulement sur la pensée
moderne, mais aussi sur les logiques du pouvoir modernes.
Descartes, bien que français, doit être resitué dans un monde de pensée anglais et
hollandais. S’il est né et a été éduqué en France, presque toutes ses grandes œuvres ont
été écrites dans la république des Provinces-Unies, entre 1629 et 1649. La Hollande était
alors la plus grande superpuissance capitaliste. C’est au cours de ces mêmes décennies
que la révolution écologique planétaire commencée environ deux siècles plus tôt devait
connaître un crescendo irréversible : c’est alors qu’on vit dévaster les forêts du Brésil à la
Pologne en passant par les Moluques, détruire les zones humides de la Russie à
l’Angleterre et creuser des mines depuis les Andes jusqu’à la Suède 28. Ces
transformations environnementales, dont chacune fournissait un peu plus de nature
cheapisée, furent si énormes que, dès les années 1650, plus de cinq cents valeurs furent
cotées à la bourse d’Amsterdam (la première place financière moderne). Le matérialisme
révolutionnaire de Descartes était donc pleinement en phase avec son temps.
L’écologie de la finance
Depuis six siècles, l’argent est le moteur de la vie planétaire 11. Pas n’importe quel
type d’argent : l’argent comme capital, comme pouvoir de commander la vie, le travail et
les ressources. Ce capital circule pour deux raisons. La première, c’est le marché mondial
qui se constitue à l’âge moderne, à l’époque de Colomb. La seconde, c’est l’impérialisme
moderne qui naît au même moment. Ce n’est pas un hasard : ni le marché mondial ni le
pouvoir mondial n’auraient pu exister sans la finance. De même que celle-ci, sans eux, se
serait retrouvée impuissante.
L’argent permet d’agir à distance. C’est grâce au métal précieux que se développa la
monnaie, et à sa suite le commerce agricole, dans le Croissant fertile, et même qu’une
crise de la dette fut résolue, en 1788 avant notre ère 12. Voici les étapes à suivre pour
fabriquer une monnaie : d’abord, vous devez vous procurer une matière rare : en
général, du métal. Ensuite, vous portez ce métal à un hôtel de la Monnaie, qui garantit la
pureté du métal, et qui, littéralement, inscrit sur lui la marque de son autorité. Sous le
capitalisme, cet argent est ensuite échangé contre de la force de travail, des machines et
des matières premières qui deviennent des marchandises qu’on va échanger à leur tour
contre de l’argent.
Argent mondial, nature mondiale et pouvoir mondial – voilà la singulière trinité
qui, en faisant le capitalisme, transforma l’environnement, de la conquête des
Amériques à la catastrophe du réchauffement climatique. Dans le monde moderne,
l’argent est donc une relation écologique : une relation déterminant les conditions
d’existence non seulement des humains – mais de toute la vie.
Voilà pourquoi on peut dire que Wall Street est une façon d’organiser la nature. Nous
allons voir que l’écologie mondiale du capitalisme a besoin d’argent cheap : il lui faut
une valeur fiable, sur laquelle on puisse compter pour faciliter le commerce, donc une
valeur contrôlée, mais de façon à servir le groupe dominant. Pour que l’argent reste
cheap, deux conditions majeures sont nécessaires : il faut s’approprier les matières
premières de base (argent, or, pétrole) de l’argent, et les réguler de telle sorte que les
taux d’intérêt – c’est-à-dire le prix de l’argent – restent bas. Et il faut ensuite contrôler
l’économie monétaire, ce que seuls les États (cités, nations et empires) peuvent faire.
C’est ainsi que le capitalisme financier, comme l’a bien vu Fernand Braudel, « ne
triomphe que lorsqu’il s’identifie avec l’État, qu’il est l’État » – des mots
particulièrement pertinents pour notre temps, où l’on a vu Goldman Sachs traiter la
Maison Blanche comme une succursale 13.
Ce qu’ont donc découvert les colonisateurs européens au XVIe siècle, c’est que le
règne de l’argent métal pouvait s’étendre à l’échelle du monde entier. Grâce aux
interconnexions qui s’ensuivirent, les capitalistes obtinrent un résultat qui, malgré
quelques interruptions, continue jusqu’à aujourd’hui – une écologie capitaliste, fondée
sur l’argent cheap 14.
L’argent cheap, c’est, avant toute chose, des taux d’intérêt qui restent bas. Même
dans le monde d’aujourd’hui, avec ses porte-conteneurs naviguant à toute allure et ses
opérations boursières à haute fréquence, le crédit reste le poumon du capitalisme. Le
travail cheap, la nourriture cheap, l’énergie cheap et les matières premières cheap, sont
les conditions indispensables à la croissance. Mais ce qui les rend toutes possibles, c’est
le crédit cheap 15. Historiquement, il y a toujours eu un cercle vertueux entre l’argent
cheap et les nouvelles frontières : chaque fois que, dans certaines régions, les profits se
sont mis à diminuer, les capitalistes ont empoché leurs profits pour les investir dans la
finance. Voilà pourquoi, après chaque grande période d’expansion du capitalisme
mondial – pour les Hollandais vers 1650, pour les Anglais vers 1850 et pour l’âge d’or
américain de l’après-guerre – on a assisté à un processus de financiarisation, où les
capitalistes abandonnent des activités industrielles et commerciales, parce que devenues
moins lucratives, pour se jeter dans la finance. Au lieu d’embaucher des travailleurs
indociles, de construire des usines coûteuses, d’acheter des matières premières et de
fabriquer quelque chose, les capitalistes se tournent vers une activité plus simple et
(provisoirement) plus séduisante : prêter de l’argent et spéculer sur le futur. En ce sens,
la financiarisation consiste essentiellement à parier sur une future révolution
industrielle, encore plus lucrative que la précédente 16. C’est un tel moment que nous
sommes actuellement en train de vivre. Et cela n’a rien de rassurant : car l’Histoire
montre que ces cycles d’accumulation s’achèvent généralement par une guerre, ainsi
que par l’apparition de nouveaux pouvoirs financiers. Nous y reviendrons.
La Peste noire (1347-1353) déclencha une crise fiscale : car l’une de ses
conséquences fut la chute du nombre de personnes capables de travailler dans les mines,
ce qui entraîna une pénurie d’argent. Par ailleurs, l’aristocratie européenne voulait des
épices de Malacca, des soies persanes, de la porcelaine chinoise. De son côté, l’industrie
européenne avait besoin de matières premières : du coton égyptien, de l’alun syrien.
Toutes ces marchandises, les Européens les payaient en battant monnaie à partir des
métaux tirés des mines qu’ils contrôlaient. Et c’est ainsi qu’on vit le peu d’argent et d’or
disponible en Europe disparaître en un clin d’œil vers le Sud et vers l’Orient. Il est vrai
que la balance commerciale restait équilibrée, parce que les Européens vendaient de leur
côté des animaux et des produits manufacturés. Il n’en reste pas moins, comme le
montre John Day, que « l’argent disparut quasiment aussi vite que son extraction dans
les mines de Sardaigne ou de Bohème. Il en alla de même pour l’or hongrois et
soudanais, dès qu’il entra dans le circuit méditerranéen. Et même dans des régions aussi
excentrées que l’Angleterre et les Flandres, ce déficit aggrava – s’il ne les créa pas – des
problèmes chroniques de balance des paiements 19 ».
Le Petit Âge glaciaire était un problème mondial, surtout dans l’un des centres
commerciaux les plus florissants – la Chine 20. Car il se combina avec une grave crise de
la cour impériale. La dynastie Ming décida alors de cesser de battre monnaie. Une
pénurie mondiale d’argent s’ensuivit. L’État Ming se retira également de « son
implication sans précédent dans les relations internationales. Or, aucun autre État n’était
en mesure d’assumer le rôle moteur que la Chine avait joué dans la croissance
économique mondiale. De sorte qu’entre le début des années 1440 et le milieu des
années 1460, tout le continent eurasien fut frappé par de profondes crises politiques et
économiques 21 ».
En conséquence, les Chinois cessèrent de croire au papier-monnaie. Ce qui leur
inspirait confiance, c’était les pièces d’or et d’argent. Le peu qui existait était thésaurisé,
aussi disparurent-elles rapidement de la circulation 22. Le « mauvais » papier-monnaie
expulsa la « bonne » monnaie métallique. À Malacca, la monnaie devint si rare que les
commerçants se mirent à fabriquer des pièces avec de l’étain 23. En Europe, un des rares
moyens d’échange qui continuait à inspirer confiance, c’était les lettres de change
florentines ou génoises ; mais, en l’absence de coffres bourrés d’or et d’argent pour les
garantir, elles étaient impuissantes à résoudre le problème.
Pour les Européens du Moyen Âge, l’idée que l’argent pouvait prendre une autre
forme que des pièces de monnaie était presque impensable. « Parmi toutes les étranges
coutumes » rapportées par Marco Polo sur la Chine, « aucune ne semble l’avoir plus
étonné que le pouvoir, détenu par l’État, d’imposer [l’usage du papier-monnaie] […]
dans tout l’Empire 24 ». Mais il n’y avait pas en Europe d’Empires semblables à celui
qu’avait vu Marco Polo. Il y avait un petit nombre d’États moyens et des centaines de
petits États – tous subissaient de plein fouet la dépréciation de la monnaie.
La confiance mutuelle entre les usagers de la monnaie diminuait, car on ne pouvait
jamais être certain que les pièces reçues ne soient pas trafiquées. Pour conjurer cette
perte de confiance, l’argent et l’or – le lingot – s’avérèrent essentiels 25. Mais des
inondations frappèrent les mines d’argent européennes, et la monnaie en circulation
diminua des deux tiers, peut-être plus encore, dans le siècle qui suivit 1350 26. Si la
confiance mutuelle s’amenuisait, le précieux métal se raréfiait encore plus.
Or il était vital pour les marchands européens de disposer d’une monnaie fiable : il
ne s’agissait pas seulement d’extraire du métal, mais de tisser des réseaux par lesquels
ce métal pouvait devenir de l’argent, autorisé par un pouvoir qui garantissait sa
circulation jusqu’aux frontières alors en plein expansion.
Du sud de l’Allemagne arriva une première solution : à Augsbourg, la famille
Fugger inventa la monnaie moderne, en créant la première et la plus essentielle
industrie du capitalisme : la métallurgie 27. C’est en effet dans leurs mines de l’Erzgebirge
(monts Métallifères), riches en argent et en cuivre, que naquit l’argent moderne : le mot
dollar vient des pièces – thalers – que l’on battait à Joachimsthal, la plus grande ville-
champignon de cette époque.
Après 1450, la pénurie d’argent s’atténua. Cette année-là, aucune mine européenne
ne produisit plus de 2,5 tonnes d’argent. Mais dès 1458, huit mines produisirent plus de
12,5 tonnes par an 28. L’argent européen et, dans une moindre mesure, l’or africain 29,
purent alors fournir la base matérielle indispensable à l’extraordinaire croissance des
échanges marchands qui commença à la fin du siècle 30.
Cet essor de l’argent ne favorisa pas seulement le développement de la monnaie – il
produisit aussi l’une des premières classes ouvrières de l’âge moderne : dès 1525
environ, en Europe centrale, cent mille hommes travaillaient dans les mines et la
métallurgie – sans compter ceux qui, sans nombre, travaillaient dans des activités
commerciales complémentaires 31.
Les conséquences environnementales furent également rapides et effrayantes. En
témoigne Georgius Agricola, le premier géologue moderne : « Les bois et les forêts sont
rasés, car on a besoin d’une quantité infinie de bois pour les constructions, les machines
et la fusion des métaux. Or, quand il n’y a plus de bois ni de forêts, les bêtes et les
oiseaux meurent, et beaucoup d’entre eux fournissaient une nourriture agréable et
plaisante pour l’homme […]. Quant à l’eau qui lave les minerais, elle empoisonne les
sources et les ruisseaux, détruisant ou chassant les poissons 32. »
Parce qu’ils dévoraient les forêts, l’argent, le cuivre et le fer menaçaient la survie
des paysans. Comme nous l’avons vu au chapitre précédent, avant le XVIe siècle, les
terres boisées étaient généralement des biens communs. Ils constituaient, pour le dire
avec Jack Westoby, « le pardessus du pauvre 33 ». Or, de tous les métaux, c’était l’argent
qui nécessitait le plus de combustible pour être fondu. Tout au long du XVIe siècle, l’accès
aux forêts, dans presque tous les États allemands, fut donc strictement réglementé. Les
forêts furent rasées, et l’accès à ce qui en restait fut fortement limité. Dès les années
1520, la « bataille pour le bois » se heurta aux revendications de la classe laborieuse des
mines et des fonderies. C’est ainsi qu’éclata, vers 1525, la première grande révolte
ouvrière et paysanne de la modernité : la guerre des paysans allemands.
Face au péril qui menaçait les communs, les paysans exigèrent la restitution de
l’accès à la forêt 34. Le pasteur radical Thomas Münzer (dont le nom veut dire
« monnayeur »…) dénonça ces enclosures des forêts : « Chaque créature est devenue une
chose à posséder : les poissons des rivières, les oiseaux du ciel, les rejetons de la terre – la
création, elle aussi, doit être libérée 35. » La révolte ouvrière et paysanne, à laquelle il
sacrifia sa vie, interrompit la vie financière européenne. Elle aurait pu provoquer
d’autres révolutions… si les financiers d’une petite ville italienne n’avaient pas financé
une solution coloniale.
La banque génoise
Financer une guerre n’a jamais été facile. Les impôts arrivent au compte-gouttes, et
inégalement, en fonction des récoltes. Or faire la guerre exige vitesse et liquidités. Les
soldats doivent être armés, nourris, logés et – surtout – payés, relativement vite. Les
riches marchands de Carthage apprirent cette leçon au prix fort, lorsque leurs
mercenaires, en 241 av. J.-C., mirent la ville à sac 54. Il en alla de même pour Philippe II
d’Espagne, dont les mercenaires pillèrent Anvers.
Alors comme aujourd’hui, les guerres se font à crédit. Quand il s’agit de faire des
budgets équilibrés sur le dos des pauvres, c’est pour les États un jeu d’enfant. Mais
quand les travailleurs, devenus soldats, sont armés et organisés, le rapport de force n’est
plus le même. Vous devez vous endetter auprès des banques et payer rapidement les
soldats. Parce que les soldats sont armés.
À la fin du XVe siècle, la culture militaire européenne connut un immense
bouleversement : « la révolution militaire 55 ». La taille des armées grossit – de plus en
plus, et très vite. En 1470, l’Espagne comptait peut-être vingt mille soldats sous les
armes. Un siècle plus tard, c’était dix fois plus 56. L’Espagne fut rapidement suivie par le
reste de l’Europe, où les armées décuplèrent littéralement entre 1530 et 1710 57. Or le coût
de la guerre augmenta encore plus vite 58. Le coût de l’entretien des armées fut multiplié
par vingt 59. La production des nouveaux canons coûtait très cher, et leur mise en
pratique coûtait encore plus cher : au XVIIe siècle, un seul coup de canon « était à peu
après équivalent […] à la paie mensuelle d’un soldat d’infanterie 60 ». Et le moindre
affrontement un peu conséquent – par exemple lorsqu’en 1544 les Anglais assiégèrent
les Français dans Boulogne pendant 55 jours – pouvait représenter 150 000 canonnades.
De même, dans toute l’Europe, c’est à prix d’or qu’on modernisa les fortifications et les
défenses des villes. La reine Élisabeth, par exemple, dépensa pas moins de 130 000 livres
– la moitié des recettes fiscales annuelles de la Couronne – pour rénover la forteresse de
Berwick-upon-Tweed, à la frontière anglo-écossaise 61.
Dès lors, dans la mesure où la guerre moderne repose sur la capacité d’un État à
emprunter, la cote de solvabilité d’un empire détermine très largement ses chances de
victoire. La banqueroute fait disparaître les empires – comme lorsque l’URSS, après
avoir fait la course aux armements avec les États-Unis, se retrouva les caisses vides. Ce
n’est certes pas au XVIe siècle que les rois ont commencé à emprunter pour financer leurs
guerres. Mais le niveau de cette dette était inédit. Là encore, l’Espagne est importante.
Ce fut Charles Quint, petit-fils de Ferdinand et d’Isabelle, roi d’Espagne sous le nom de
Charles Ier à partir de 1516, qui montra le chemin. En 1519, une fois élu à la tête du Saint
Empire romain germanique, il était à la tête d’un royaume paneuropéen allant de la mer
du Nord aux Caraïbes. Les guerres occupèrent tout son règne. Pour les financer,
délaissant les Fugger et les Welser, il se tourna vers les Génois 62. Ces derniers firent
donc crédit à Charles Quint. Pour garantie, ils demandèrent d’avoir la priorité – pas
toujours honorée – sur l’argent extrait des mines d’Amérique. Cet accord, fondé sur le
génocide et la violence coloniale, établit une relation durable, et typique de la modernité,
par laquelle le crédit organise, à l’échelle du monde entier, la nature, le pouvoir et le
travail. Pendant presque deux siècles, les grandes familles de la banque génoise – les
Centurione, les Pallavicino, les Spinola, les Grimaldi – furent associés aux « plus
importantes décisions politiques et militaires des souverains espagnols », affectant
pratiquement « tous les aspects de la vie économique espagnole 63 ». C’est au point que
ce fut notre vieille connaissance, le Génois Francesco Pinelo, qui organisa et dirigea, en
1503, la Casa de Contratación – le ministère espagnol du Commerce extérieur 64. Rien
d’étonnant, donc, à ce qu’en 1617, l’Espagnol Cristóbal Suárez de Figueroa déplore que
l’Espagne soit devenue « les Indes des Génois 65 ».
Il y a une chose que Charles Quint n’a jamais vraiment comprise : c’est que, dans
une écologie capitaliste, la force militaire est impuissante à fonder un pouvoir mondial
stable. Quand Charles Quint avait besoin d’argent, il savait où en trouver, en exhibant
du sang et des dettes. Quand ses armées assiégèrent Metz, en 1552, il dépensa deux
millions et demi de ducats : l’équivalent d’une décennie de ses revenus en or et en argent
américains 66. Il emprunta des dizaines de millions de ducats. Lorsque son fils Philippe II
monta sur le trône, en 1556, il était massivement endetté. L’année suivante, il se déclara
en faillite, pour s’endetter de plus belle : la dette, estimée à trente millions de ducats en
1556, passa à soixante millions en 1575, et atteignit cent millions en 1598 67. Au début du
e
XVII siècle, les deux tiers du budget espagnol – et plus, parfois – allaient aux dépenses
militaires 68. Entre 1474 et 1504, à une époque où la croissance économique était
inférieure à 1 %, les recettes fiscales de l’Espagne, grâce à des légions de collecteurs
d’impôts, augmentèrent quasiment de 12 % par an, passant de neuf cent mille à vingt-six
millions de reales 69. Entre les années 1520 et les années 1550, Les recettes doublèrent
encore en chiffre absolu 70. « Dans ce monde », écrivit Benjamin Franklin, « rien n’est sûr,
à part la mort et les impôts » : l’argent cheap combine les deux 71.
La guerre moderne devint une façon de transformer l’or et le sang en capital. Les
États, voulant agrandir leur territoire et leur puissance, avaient besoin d’argent pour y
parvenir. Au fur et à mesure que les coûts de la guerre augmentaient, ils empruntaient
toujours plus, et imposaient les populations en conséquence. Dès lors, quelle qu’en soit
l’issue, la guerre profitait aux financiers.
L’argent, prêté aux États, devenait du capital. Il y avait des risques : certains
banquiers, parfois, faisaient faillite. Mais la tendance globale était claire. Dans un monde
comprenant un seul système financier et de nombreux États rivalisant pour l’hégémonie,
les États continueraient à faire la guerre, donc continueraient à s’endetter.
L’Espagne, massivement endettée, fut un court instant plus riche et militairement
plus puissante que ses rivaux. Entre la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle, elle tenta – en
vain – de soumettre la république des Provinces-Unies. Celle-ci ne possédait ni les
richesses du Nouveau Monde ni d’abondantes ressources naturelles ni une population
nombreuse. Mais elle avait deux choses que les Espagnols n’avaient pas : une économie
vigoureuse, fondée sur l’industrie et le commerce ; et les richesses qui venaient avec. Les
Espagnols avaient les lingots d’or et d’argent ; mais les Hollandais avaient le capital. En
utilisant le pouvoir financier pour faire la guerre par d’autres moyens 72, la république
des Provinces-Unies devint la superpuissance du XVIIe siècle, tandis que l’Espagne
entrait dans une longue période de stagnation, s’installant, mal à son aise, dans les rangs
des puissances moyennes de l’Europe.
En se faisant la guerre, les États modernes bâtissaient aussi des empires. Certes, le
monde avait connu d’immenses empires bien avant l’avènement du capitalisme : pensez
aux Romains ou aux Mongols. Mais jamais auparavant on n’avait vu des empires
traverser les océans et parcourir la planète toute entière à la recherche du profit.
Les États fabriquaient du capital, le capital fabriquait des États. Si les choses étaient
aussi simples, ce cycle se serait rapidement brisé. Car faire la guerre à de puissants
rivaux est une opération « perdant-perdant ». Voilà pourquoi les empires de la première
modernité ne faisaient pas seulement la guerre : ils s’appropriaient également
gratuitement le travail des humains et des autres ressources naturelles présentes sur
leurs territoires. Dans le cas du premier impérialisme espagnol, cette appropriation prit
plusieurs visages : le vol et le massacre, d’abord. Mais le pillage est nécessairement
limité. Les Espagnols durent donc trouver des façons de faire venir de leurs colonies un
afflux régulier de richesses – surtout sous forme de métal argent – et de transformer
ensuite ces richesses en liquidités, grâce aux banquiers, de Gênes et d’ailleurs.
On voit souvent la Renaissance comme une époque de marchands et de banquiers.
Mais on oublie que la multiplication par cinq de la production d’argent, de cuivre et de
fer était d’origine industrielle. La fortune des Fugger venait de leurs mines, exploitées
avec des techniques métallurgiques d’avant-garde – comme le Saigerprozess, permettant
d’extraire l’argent de minerais de qualité inférieure – et selon un dispositif rappelant les
firmes modernes.
Cependant, la guerre des paysans de 1525, et d’autres formes de soulèvements de
travailleurs, avait abouti à une augmentation du salaire des mineurs. En conséquence,
les profits des propriétaires de mines diminuèrent. La « découverte », en 1544, de
l’argent du Potosí (alors au Pérou, aujourd’hui en Bolivie) n’aurait pas pu tomber plus à
pic 73.
Pour les intérêts stratégiques de l’Espagne, l’argent américain était essentiel. En
1568, lorsque la production d’argent se mit à décliner, Philippe II envoya
immédiatement au Pérou l’aristocrate Francisco de Toledo, afin de la relancer. L’une des
premières mesures qu’il prit fut d’importer dans les mines un régime de travail
indigène : la mita. Chaque communauté des seize provinces entourant le Potosí devait
envoyer un homme sur sept travailler dans les mines. Ces hommes, les mitayos, devaient
travailler de l’aube au crépuscule 74. On s’arrêtait seulement le dimanche et les jours de
fêtes chrétiennes. Car le régime de travail mis en place par Toledo comprenait aussi le
soin des âmes et l’inculcation du christianisme. Certes, les Indigènes relevaient de la
Nature ; mais par le travail, ils pouvaient racheter leurs âmes.
Les mitayos, payés un salaire de misère, devaient encore se charger eux-mêmes de
leur voyage vers le Potosí, et acheter eux-mêmes leurs outils et leur nourriture. (Ce
système de travail était beaucoup moins coûteux que l’esclavage : rappelons que les
esclavagistes, après avoir acheté les esclaves, devaient encore pourvoir à l’entretien de
leurs « acquisitions ».) Pour assurer la survie des mitayos, les communautés indigènes
avaient donc besoin d’argent et de nourriture. Pour s’en procurer, elles furent obligées
de commercer avec les Espagnols. Ce système eut des effets apocalyptiques sur les
Indigènes, dont la population, selon certaines estimations, subit une chute de 85 %
entre 1560 et 1590 75.
Ce cataclysme humain se répercuta aussi sur la forêt. Au début, l’argent extrait de
Cerro Rico (la Montagne riche) était fondu dans des fournaises alimentées au bois. Le
soir, sur la montagne, on voyait s’allumer des milliers de petites fournaises exposées au
vent, les huayras : « la nuit devenait le jour », dit un témoin 76. Mais les petites fournaises
ne suffisaient pas. Toledo introduisit une nouvelle technologie d’extraction de l’argent,
moins coûteuse en combustible : l’amalgamation de mercure. Elle opérait à une échelle
inédite : dans des cuves contenant plus de deux tonnes de minerai broyé. Son succès,
comme le succès de l’industrie sucrière à Madère, était dû aux exploits de l’ingénierie
hydraulique : on construisit pas moins de trente barrages. Souvent, ils se rompaient,
tuant d’un coup des centaines de mitayos et polluant l’eau que boiraient les survivants.
Paradoxalement, l’amalgamation de mercure fit monter le taux de déforestation. Elle
nécessitait moins d’énergie, mais le simple volume de la production – une augmentation
de 600 % entre 1575 et 1590 – provoqua une augmentation spectaculaire de la
consommation de combustible 77. Dès 1590, il fallut s’approvisionner en bois à plus de
500 kilomètres. Et au tournant du siècle, personne n’aurait pu dire que les montagnes du
Potosí avaient jamais accueilli quelque arbre que ce soit – encore moins une civilisation
indigène vibrante de vie : presque toutes les traces avaient disparu 78.
Ici aussi, on voit comment fonctionne la cheapisation. Des vies cheapisées
deviennent des travailleurs cheapisés, dépendant de care cheapisé, de nourriture
cheapisée, ayant besoin d’énergie cheapisée pour obtenir et traiter de la nature cheapisée
afin de produire de l’argent cheapisé – et beaucoup d’argent. C’est des mines du Potosí
que venait la plus grande quantité de métal argent produit dans le Nouveau Monde, et
l’argent du Nouveau Monde constituait 74 % de la production d’argent du XVIe siècle 79.
Le commerce mondial est né dans les mines du Potosí. Car si l’argent extrait des
mines n’est pas propulsé dans des circuits d’échange, ce n’est que de la boue qui brille.
C’est la fusion du commerce et de la production de marchandises qui le transforme en
capital. C’est pourquoi certains commentateurs ont situé la date de naissance du
commerce mondial en 1571 : c’est cette année-là que fut fondée la ville de Manille 80. De
fait, l’argent venu du Nouveau Monde n’est pas resté en Europe ; il a été propulsé sur les
routes des épices, avant, plus tard, de traverser le Pacifique. Si les lingots d’argent
japonais se mirent à affluer en Chine, entre 1540 et 1620, ce fut grâce à un réseau
complexe de commerce et d’arbitrage 81. Sans cette connexion commerciale, par laquelle
on échangeait des lingots contre des marchandises, les capitaux n’auraient pas pu passer
du Nouveau Monde à l’Asie orientale. Or, comme les Portugais, puis les Hollandais,
contrôlaient les flux maritimes d’argent métal de l’Europe à l’Asie, les Espagnols les
court-circuitèrent, en envoyant chaque année, par le Pacifique, via Manille, autant
d’argent (cinquante tonnes), qu’ils en envoyaient par l’Atlantique, via Séville 82. Des
volumes similaires d’argent gagnèrent la Baltique. En Europe de l’Est, ces volumes
d’argent, combinés avec le crédit, des seigneurs quasi féodaux et le servage, procurèrent
à la république des Provinces-Unies du bois cheap, de la nourriture cheap et des
matières premières cheap.
L’histoire du capitalisme, bien que l’Europe y ait sa place, n’est pas une histoire
eurocentrée. Du Potosí à Manille, de Goa à Amsterdam, l’avènement du capitalisme
intégra dans un même système la vie et le pouvoir.
L’écologie du capitalisme, en se mondialisant, amenait avec elle des passagers
clandestins. Si jamais vous avez été un jour dérangé par les fourmis rouges, vous devez
vous en prendre au commerce international des lingots – car les fourmis rouges furent
les premiers passagers clandestins du commerce de l’argent. Du sud-ouest du Mexique à
Taiwan en passant par l’Europe, Acapulco ou Manille, l’espèce se déplaça en même
temps que les espèces 83. C’était le début d’une nouvelle écologie planétaire.
Pour financer leurs guerres, les États ont besoin des banquiers. Mais les banquiers
eux aussi ont besoin des États. L’argent est vulnérable face aux armes. Les marchands
prémodernes pouvaient subir – et subirent – des confiscations politiques. Même après
l’avènement du capitalisme, les banquiers restèrent vulnérables. Mais à la faveur des
guerres européennes, les banquiers, génois et autres, transformèrent cette faiblesse en
force. Car la demande de crédit augmenta plus vite que la capacité des États à intimider
ou à confisquer des fonds.
Mais par ailleurs, si les États dépendaient des capitalistes, ces derniers, de leur côté,
n’avaient pas le pouvoir d’accomplir une des opérations essentielles des États dans le
monde moderne, à savoir : identifier, cartographier et s’approprier des ressources
naturelles cheap. Ensuite, comme le fit remarquer Joseph Schumpeter, si les capitalistes
« ne disposent pas d’une force de protection face aux groupes non bourgeois », ils sont
« politiquement désarmés 84 ». Mais une fois les conditions de propriété établies, une fois
les populations soumises, une fois la flore et la faune cartographiées et les
infrastructures construites, alors les capitalistes s’en sortent plutôt bien. Tout cela,
cependant, il faut le rappeler, repose sur le crédit et les armées qu’il peut acheter. Et il
est important ici d’insister sur la différence qui sépare la banque des autres genres
d’activité capitaliste.
On décrit souvent en effet le crédit et la spéculation financière comme des processus
« économiques ». Mais on oublie toujours, ce faisant, que la circulation de l’argent
moderne est rendue possible par des institutions étatiques qui garantissent les échanges
et défendent les fondations de tout le système, à savoir la cheapisation de la nature, face
à tous les trouble-fêtes, humains ou non.
Aux souverains et aux cours de l’Europe, les financiers ne demandaient donc pas
seulement de les défendre : ils avaient aussi besoin que les États leur permettent
d’inventer de nouveaux moyens de paiement, en les garantissant. Aussi longtemps que
ces nouveaux moyens de paiement circulent et ne sont pas réclamés en liquide, ils
restent des sources potentielles de pur profit. Mais pour cela, que ces crédits soient des
compere génoises garanties par le Saint Graal ou des titres adossés à des créances
garantis par des prêts immobiliers douteux, il faut qu’un pouvoir politique les garantisse
et les stimule, ainsi que les profits qu’ils génèrent. De là le rôle d’un « prêteur en dernier
ressort » qui soit « crédible » – une banque d’État ou, plus récemment, le Fond monétaire
international (FMI) : d’une institution qui, en même temps qu’une monnaie forte et
qu’une armée puissante, puisse garantir un ordre hégémonique donné.
Ce système est toujours en mouvement dynamique. Comme on l’a vu au début de
ce chapitre, les rythmes de l’argent mondial et du pouvoir mondial sont intimement liés.
Après un premier emballement d’activité productive aux nouvelles frontières, note
Giovanni Arrighi, « les rendements commencent à décroître ; les pressions de la
concurrence s’accentuent ; tout est prêt pour le changement de décor : la croissance
matérielle se mue en croissance financière 85 ». On a donc d’abord un cycle
d’accumulation qui génère des profits et plus de capital liquide, et dure à peu près un
siècle. Puis survient une crise, qui fait pencher la balance en faveur des banquiers, au
détriment des capitalistes qui ont organisé l’accumulation. C’est ce qui s’est passé avec
les empires génois, hollandais et britannique, et c’est ce qui est en train de se dérouler
aux États-Unis. Nous vivons depuis les années 1980 dans une nouvelle ère de
financiarisation.
Mais il y a un élément entièrement nouveau. Dans les cas précédents de
financiarisation, l’impérialisme, en explorant de nouvelles frontières, à la recherche de
nouvelles ressources naturelles à cheapiser, a toujours offert à la finance de nouvelles
occasions de profit. Et du reste, on observe encore ce genre de phénomènes, avec par
exemple les récents épisodes d’« accaparement des terres », la spoliation et la
privatisation de terres publiques, paysannes et indigènes 86, l’accaparement des océans 87,
et même une nouvelle course à l’espace 88. Mais, malgré cette apparente domination du
capital financier, l’extraordinaire volatilité des marchés atteste aussi de sa faiblesse. Car
à un moment donné, les paris doivent payer. Et c’est précisément ce à quoi ont servi,
dans les siècles passés, les frontières du travail, de la nourriture, de l’énergie et des
matières premières. Mais aujourd’hui, ces frontières sont plus restreintes que jamais,
alors que le volume de capital en quête de nouveaux investissements n’a jamais été aussi élevé.
Cette situation sans précédent explique, au moins en partie, cette extraordinaire
combinaison, caractéristique de notre monde, entre, d’une part, une inégalité des
richesses radicale, et, d’autre part, une instabilité financière profonde. La guerre et la
violence transpirent par tous les pores de cette combinaison. Mais cette fois, pas de
destruction créative à l’horizon – uniquement la destruction.
De là l’omniprésence de Goldman Sachs. De la diaspora des financiers génois à
l’élite actuelle de la finance mondiale, en passant par les sociétés de banque hollandaises
qui récoltèrent les fruits du colonialisme des Pays-Bas, ou encore les banques
commerciales britanniques qui investirent dans l’exploitation en Angleterre et à
l’étranger, c’est la relation entre États, financiers et autres capitalistes, qui a déterminé
l’ascension et la chute des cycles d’accumulation.
Telle est donc l’histoire globale et écologique de l’argent cheap.
Trames contemporaines
La bénédiction du pape fut tout aussi cruciale pour amasser de la force de travail au
Nouveau Monde. Comme il était difficile de prétendre que les habitants des Amériques
nourrissaient une quelconque inimitié envers la Chrétienté, un nouveau critère apparut :
l’ignorance. Ce que les gens savaient, ou ne savaient pas, devint l’affaire de l’État 6. Les
Indigènes, qui ignoraient le Christ, avaient besoin qu’on le leur fasse connaître, ainsi que
son vicaire sur la terre. Si, recevant ces nouvelles, ils refusaient de se soumettre aux
monarques ibériques et au pape, les lois de la guerre qui avaient accompagné les
Croisades s’appliqueraient : on aurait le droit de les asservir. Le Requerimiento de 1513,
un document de neuf paragraphes dont on donna lecture publique en espagnol, informa
les Indigènes du choix qui se présentait à eux. Après une brève présentation du
christianisme et du peuple qui venait de débarquer au Nouveau Monde, il exige la
soumission des Indigènes à la souveraineté de l’Espagne et à la papauté. Sinon, voici ce
qui arrivera :
Je vous certifie qu’avec l’aide de Dieu, nous envahirons [votre territoire] et que nous vous ferons la guerre de
toutes les manières que nous pourrons. Nous vous soumettrons au joug et à l’obéissance de l’Église et de leurs
Majestés. Nous prendrons vos hommes, vos femmes et vos enfants, et nous les réduirons en esclavage, et nous en
disposerons comme leurs Majestés l’ordonneront. Et nous prendrons vos biens, et nous vous ferons tout le
dommage et le mal que nous pourrons, comme à des vassaux qui n’obéissent pas et refusent d’accueillir leur
maître, lui résistent et le contredisent. Et nous affirmons que les morts et les pertes qui s’ensuivront seront votre
faute, et non celle de leurs Majestés, ni de nous, ni des hommes qui viennent avec nous 7.
Entendre le son de ces mots, proféré par des étrangers couverts de métal dans la
chaleur tropicale, c’était entendre votre condamnation – mais dans une langue
incompréhensible. C’était un ordre : travailler jusqu’à la mort. Le document fut plus
qu’efficace : il fournit une main-d’œuvre abondante à souhait, et déclencha une
apocalypse parmi les Indigènes 8. Mais des inquiétudes s’élevèrent : était-ce bien
légitime ? Au printemps 1551, Charles Quint suspendit temporairement les activités
coloniales, afin qu’un panel de quatorze juges détermine si la guerre faite aux Indiens
était juste. Si les Indiens étaient sans péchés et ignorants, la propriété amassée par la
conquête espagnole, ainsi que le travail indigène qu’on y appliquait, étaient des
acquisitions illégitimes 9. Tels étaient les enjeux du débat de Valladolid, dont nous avons
parlé dans l’introduction. En débattant contre Sepúlveda devant les juges, Las Casas fit
une concession cruciale : il accorda qu’il y avait une hiérarchie de la vie, que certains
humains étaient supérieurs aux autres. Ce qui était en cause, dès lors, c’était la position
des Peuples Indigènes dans cette hiérarchie, et les devoirs des conquérants chrétiens à
leur égard. À la fin, on décréta que les Peuples Indigènes ne faisaient pas partie de la
société, mais qu’ils pourraient échapper à la place qui était la leur, au sein de la nature.
Comment ? En travaillant.
Notez le mélange toxique de cupidité et de piété 10. Pour que la colonisation se
poursuive, il fallait l’accord de Dieu. Car la raison ultime de celle-ci, c’était le devoir de
prendre soin des âmes indigènes. Voilà ce qui justifiait l’appropriation de leurs terres et
de leur travail. La controverse de Valladolid ne traça donc pas seulement une ligne de
séparation entre les humains européens et les sauvages « naturels » des autres parties du
monde. Elle institua également la légitimité de cette ligne, pour les besoins du travail.
Car c’est par le travail et la piété que les Indigènes pourraient, après deux générations, se
libérer de la servitude du Requerimiento. Il ne fallait pas moins de deux générations pour
les initier au christianisme, mais aussi à la division de l’humanité et de la nature à
travers le travail, pendant que les Espagnols faisaient main basse sur leurs gisements
d’argent et sur leurs vies.
En rangeant la plupart des humains dans la catégorie « Nature » plutôt que dans la
catégorie « Société », le capitalisme se livrait à l’un des plus sinistres traficotages
comptables de son histoire. Car les salaires des soldats, des administrateurs et des
marins étaient payés avec de l’argent qui circulait à l’intérieur d’un système monétaire.
Or le travail produit à travers ce système monétaire dépendait en réalité d’un volume de
travail bien supérieur, un flux qui se trouvait, lui, en dehors du système monétaire – et
pourtant à l’intérieur du pouvoir capitaliste. Dans le système capitaliste, l’appropriation
– disons-le, une sorte de vol continuel – du travail non payé « des femmes, des
ressources naturelles et des colonies », est la condition sine qua non de l’exploitation de la
main-d’œuvre. Vous ne pouvez pas avoir l’un sans l’autre 11. Et donc, parler
de cheapisation du travail, c’est montrer non seulement comment le capitalisme met en
mouvement le travail humain, l’agriculture et les ressources naturelles, mais aussi
comment ces différents éléments font système, et quels types de relations, de bout en
bout, connectent le travail humain et le travail extrahumain.
Pourquoi est-il essentiel, pour le capitalisme, de rendre effective cette séparation
entre ce qui est humain et ce qui ne l’est pas ? Tout simplement parce que payer des
travailleurs coûte cher, et toujours plus cher au fil du temps, pour toutes sortes de
raisons. Les travailleurs s’organisent, ils luttent. Inversement, au fur et à mesure que le
capitalisme se développe, il supprime les sources non capitalistes de revenus et de care.
Et si les travailleurs salariés, au sens large, supportent les coûts – un coût atroce parfois,
par exemple les plus d’un milliard de travailleurs informels que Mike Davis appelle
« l’humanité en surplus 12 » – il en va de même pour les capitalistes. Chaque fois que de
la plus-value est produite, cela veut dire qu’on s’est approprié des vies humaines et
extrahumaines situées en dehors du système monétaire. Cette logique a été appliquée
aux travailleurs, pas seulement au Nouveau Monde, mais aussi, de plus en plus, en
Europe.
Le développement de cette logique, ainsi que les stratégies et contre-stratégies du
travail cheap, font l’objet de ce chapitre.
Personne n’a jamais prétendu que le travail était une partie de plaisir. Pensez à
l’étymologie du français travail, de l’espagnol trabajo : leur racine latine est trepaliare,
« torturer, infliger tourments et souffrances 13 ». Ce qui a changé, en revanche, c’est la
façon dont le travail « travaille » – fonctionne –, et travaille la nature. Pendant des
millénaires, les humains ont survécu en entretenant des relations plus ou moins intimes
avec la terre et la mer. La survie humaine dépendait d’un savoir global, non fragmenté :
pêcheurs, nomades, paysans, guérisseurs, cuisiniers et tant d’autres, vivaient et
pratiquaient leur travail en étant directement connectés avec le tissu du vivant. Les
paysans, par exemple, devaient connaître les sols, les graines, les régularités
météorologiques – bref, tout, des semailles aux moissons. Cela ne veut pas dire, encore
une fois, qu’il faisait bon travailler. Les esclaves étaient souvent traités avec brutalité,
même si on n’atteignit jamais la folie génocidaire qui s’abattit sur les Amériques à partir
de 1492 14. Cela ne veut pas non plus dire que les relations de travail étaient équitables :
les maîtres de guildes exploitaient les compagnons, les seigneurs exploitaient les serfs,
les hommes exploitaient les femmes, les vieux exploitaient les jeunes. Mais le travail
était fondé sur une compréhension globale, holistique, de la production et sur une
connexion à l’ensemble de la vie et de la société 15.
Comme le travail, la nature faisait partie intégrante de la vie. Cela ne veut pas dire
qu’il n’y avait pas de distinction entre les humains et le reste de la nature. Les humains
avaient depuis longtemps reconnu une différence entre eux et le reste du monde 16.
Simplement, ces catégories étaient conçues et vécues à l’intérieur d’un tout. La
différence entre les humains et le reste du monde était une distinction, et non – comme
ce fut le cas après Colomb – un principe d’organisation.
Les hommes politiques de Chicago sont restés des réformateurs en peau de lapin, et
on attend encore que la ville passe au socialisme. Ce résultat est dû en partie au fait que,
si les travailleurs imaginaient un monde où leur travail ne serait pas cheapisé, leurs
patrons avaient des idées très différentes sur la question 54.
Ici encore, c’est dans l’agriculture que les capitalistes mirent au point et
développèrent leurs tactiques pour maintenir le travail cheap et faire échec aux solutions
radicales en vue desquelles les travailleurs s’étaient organisés. Dans l’industrie du
coton, par exemple, apparurent un certain nombre de stratégies distinctes. Des deux
côtés de l’Atlantique, les travailleurs du coton demandaient trop de concessions ; des
technologies réduisant le besoin de main-d’œuvre les éliminèrent systématiquement 55.
En outre, lorsque de nouvelles routes commerciales ouvrirent l’accès à des sources de
coton moins chères, les travailleurs, d’une partie du monde à l’autre, furent dressés les
uns contre les autres 56. On investit dans le développement de fibres alternatives : de
même que le coton avait remplacé la laine, de nouveaux textiles menacèrent le pouvoir
de négociation des travailleurs du coton. Enfin, le pouvoir des syndicats fut réprimé : par
le recours à des polices privées pour briser les grèves, et par des lois incitant les
travailleurs indociles à l’obéissance.
C’est dans l’industrie du coton, il faut toujours le rappeler, qu’eurent lieu les
premières grèves de travailleurs, des deux côtés de l’Atlantique. Dans Empire of Cotton,
Sven Beckert signale des manifestations de travailleurs en Angleterre dès 1792, et, en
1807, des pétitions de tisserands manuels réclamant un salaire minimum : elles
recueillirent 130 000 signatures 57. La première grève américaine eut lieu en 1824 : elle
était menée par les femmes d’une filature de coton de Rhode Island. Et ce n’est certes
pas un hasard si au même moment, à l’autre bout de la chaîne, dans les plantations d’où
le coton était extrait, les esclaves se soulevèrent 58. Là encore, il s’agissait d’un
phénomène global, concernant toutes les activités industrielles, dans les plantations de
coton et de canne à sucre, des États-Unis à Bahia – où une révolte d’esclaves musulmans
se produisit en 1835 59 – en passant par la Martinique. Autrement dit, au moment même
où le prolétariat industriel trouvait sa voix, les esclaves eux aussi trouvaient la leur : les
uns et les autres étaient liés par la même marchandise, mais aussi, parfois, par des liens
de solidarité directe entre peuples colonisés de l’Atlantique : esclaves, Irlandais, citoyens
de toutes sortes 60.
Les révoltes de travailleurs dans les usines et les rébellions d’esclaves ne sont pas
seulement des formes de résistance, mais aussi des formes de protestations contre
l’écologie du capitalisme. Chaque usine globale a besoin d’une ferme globale : pour
prospérer, les entreprises industrielles, technologiques, ou encore de services, ont besoin
d’exploiter travail cheap et nature cheap. Cette dépendance passe souvent inaperçue.
Les applications sur votre iPhone, conçues à Cupertino, en Californie, sont codées par
des ingénieurs informaticiens free-lance, qui s’auto-exploitent. Mais elles dépendent de
pièces montées en Chine dans des usines draconiennes, et fonctionnent grâce à des
minerais extraits au prix de conflits sanglants en République démocratique du Congo.
L’industrie moderne dépend donc de multiples façons, différentes et simultanées, de
faire travailler la nature. Et chaque fois que les travailleurs ont résisté, le capitalisme a
déplacé un peu plus loin les frontières du travail.
Dans les journaux de Colomb, on ne trouve rien qui concerne explicitement les
femmes. Mais on trouve beaucoup de renseignements sur le genre, sur l’importance
sociale de la différenciation des sexes, sur la gestion des travailleurs et sur
l’appropriation des femmes. Le langage sexuel apparaît lors du troisième voyage, quand
Colomb écrit aux monarques espagnols que le monde n’est pas une sphère, mais
ressemble plutôt à un sein, dont le téton serait le Paradis 7. Franchissant les océans,
soumettant la nature et les peuples de l’« autre monde », Colomb conquérait des terres
vierges pour son roi et sa reine. Rien n’obligeait à décrire en termes sexuels
l’appropriation des mines d’argent 8. Et pourtant, au fur et à mesure que certains
humains, parcourant la planète, la faisaient passer sous le règne de la propriété, ils
voyaient ce processus comme une conquête sexuelle. Dans le processus de cheapisation
de la nature et du travail, la question n’était pas seulement de savoir ce que les humains
pourraient posséder et comment, mais aussi qui parmi eux posséderait, qui travaillerait,
comment ils naîtraient et comment on prendrait soin d’eux.
Ce qui était normal dans la religion maya était resservi à la sauce coloniale : c’était
un scandale que les Espagnols devaient réprimer sans tarder. Les prêtres ont
probablement été sanctionnés en étant mutés ailleurs, mais ces témoignages de
résistance des Indigènes n’ont pas empêché le nouveau pouvoir colonial d’exercer
également son pouvoir sur leurs corps.
Dans ses recherches sur l’histoire coloniale, Ann Stoler étudie la longue tradition
des fantasmes coloniaux européens, et notamment des craintes que suscitaient les
sexualités indigènes : « Dans les colonies françaises, anglaises, hollandaises et
espagnoles, la question de savoir qui épousait qui et qui couchait avec qui n’a jamais été
laissée au hasard 14. » L’archéologie récente a montré combien ce gouvernement de la
sexualité et des corps avait été au cœur du projet impérial. Comme le note Barbara Voss,
la « répression violente de l’homosexualité et de la bispiritualité faisait partie d’un
programme plus général de contrôle sexuel. Avec le soutien de l’armée, les
missionnaires combattaient la contraception, la polygamie, ainsi que la sexualité en
dehors du mariage. Pas moins du quart du budget de la mission annuelle pour les
Californies était consacré à l’achat de vêtements pour couvrir l’indécence des
Indigènes 15 ».
Qu’est-ce que cela a à voir avec l’écologie du monde ? Tout 16. Chez les Indigènes, les
catégories de genre étaient beaucoup plus amples et inclusives que celles des Européens.
Mais elles étaient incompatibles avec l’écologie du capitalisme 17. Car pour rendre cheap
le travail des humains et celui du reste de la nature, il fallait mettre en place un autre
type de travail, qui ne soit pas payé – et qui soit avant tout consacré à la production et à
l’entretien des corps des travailleurs 18 : c’est ce qu’on appelle le travail du care,
consistant à prendre soin, à nourrir et à élever des communautés humaines. Ce travail
n’est presque jamais payé, parce que c’est lui qui rend possible tout le système du
travail salarié. Parce que sans ce travail non payé du care, le travail salarié serait trop
cher. Tout simplement.
La grande domestication
Il n’y a pas de façon préétablie, pour les humains, de prendre soin les uns des
autres 20. En témoigne l’extraordinaire diversité des formes de communautés et des
dynamiques de populations dans l’histoire humaine 21. Mais partout, les manifestations
du care et de la reproduction de la vie humaine sont connectées avec le reste de la
nature. Cette connexion existentielle n’affecte pas seulement notre être biologique et
matériel, mais aussi nos systèmes de croyance et nos façons de penser. Chaque rite de
passage, chaque rite de fertilité au printemps, des arbres de mai aux saignées rituelles,
montrent l’éventail des mille façons, pour la vie humaine et la vie extrahumaine, de
s’associer.
C’est ainsi que le travail de reproduction a été mis en place par le capitalisme à
travers une écologie, une conception du monde, qui est toujours actuelle 22 : certains
humains ont été enfermés dans une nouvelle unité politique, sociale et écologique – le
foyer – pour mieux se consacrer au travail du care nécessaire à l’écologie du capitalisme.
Appelez cela la Grande Domestication.
Prenez des phénomènes en apparence indépendants. Entre 2010 et 2014, le World
Values Survey a soumis aux opinions de différents pays du monde l’énoncé suivant :
« Quand le travail manque, les hommes devraient avoir plus droit à l’emploi que les
femmes. » En Islande, 3,6 % ont approuvé, contre 99,6 % en Égypte 23. Pourquoi cette
différence ? Les explications faciles sont la culture, la religion, la tradition, le niveau de
revenu. Mais une étude parue dans le prestigieux Quarterly Journal of Economics ne
désigne aucun de ces facteurs. En examinant les données des deux derniers siècles, et en
prenant en compte toutes les variables, de la religion à la guerre en passant par la
présence de pétrole, les auteurs ont découvert que, au bout du compte, d’un pays à
l’autre, le facteur clé de l’inégalité sexuelle était l’introduction d’une technique agricole
spécifique : la charrue 24. Des individus élevés dans une société « à charrue » ne sont pas
seulement plus susceptibles que les autres de perpétuer l’inégalité sexuelle chez eux :
même quand ils émigrent, elle les suit. En bons économistes, les auteurs de l’article n’ont
aucune idée de l’explication. Il est évident que les problèmes de genre, d’inégalité et de
discrimination, ne disparaîtraient pas si nous remplacions maintenant les charrues par
d’autres techniques agricoles. Le vrai défi, ce n’est pas seulement de comprendre
comment une certaine façon de labourer le sol en est venue à rendre « naturelles » les
divisions entre hommes et femmes, mais ce qu’on peut faire en faveur de l’égalité.
Donc : pourquoi un outil agricole remontant à la plus haute antiquité (il apparaît sur
des hiéroglyphes égyptiens remontant à 2600 av. J.-C.) serait-il responsable du
machisme actuel 25 ? Le chroniqueur inca Garcilaso de la Vega va peut-être nous aider à
résoudre l’énigme du sexisme de la charrue 26. D’après lui, les Indigènes trouvaient que
la domestication et le harnachement des bovins étaient des pratiques bizarres, venant
briser l’ordre naturel, et donnant des « domestiqueurs » une image peu reluisante. Car
les Indigènes avaient une explication à leur propos : ils estimaient que les Espagnols
étaient trop paresseux pour labourer la terre eux-mêmes. Voilà pourquoi ils devaient
dresser des animaux à le faire pour eux, tandis qu’ils restaient assis à se curer les dents.
Ils trouvaient aussi que les Espagnols avaient de drôles de façons de choisir et d’occuper
la terre à cultiver. Les colons préféraient installer leurs haciendas dans les plaines, tandis
que les Indigènes préféraient les technologies de terrassement dont témoignent encore
Cuzco et ses environs 27. Il est évidemment impossible de labourer à la charrue un flanc
de colline escarpée, et qui de surcroît appartient à tout le monde : la physique et les
conventions sociales s’y opposent. Il est bien plus facile en revanche de labourer à la
charrue des haciendas étendues, contiguës et privées.
Autrement dit, ce n’était pas seulement la charrue qui était bizarre, c’était la
constellation des transformations qui venaient avec elle : qu’elles affectent le travail, les
relations avec la vie extrahumaine, ou encore la propriété. Et ce qui était central dans ces
transformations, c’était les idées nouvelles entourant la domestication des animaux et
des humains.
Le foyer moderne a ses origines dans les changements écologiques produits par le
capitalisme européen. Dans The Working Lives of Women in the Seventeenth Century, Alice
Clark explique que la famille nucléaire, avec mari, femme et enfants, est née de
mutations dans la géographie économique du care et de la production, au moment de la
fin des commons 28. Vous vous souvenez que le travail dans les communs comprenait le
ramassage de bois et le glanage, qui permettait de subsister et fournissait même parfois
un surplus qu’on pouvait vendre : il s’agissait du travail des femmes. Si des problèmes
survenaient, la sécurité sociale était assurée par tout un réseau de soutiens – religieux,
personnels, sociaux – venus de la communauté. Or ces façons de faire étaient
incompatibles avec les innovations introduites par l’usage massif de la charrue : des
propriétés encloses, toujours plus grandes, des monocultures, des dispositifs de
propriété privée exclusive et la création d’une main-d’œuvre menacée de famine et de
prison.
Les enclosures empêchèrent les paysans de continuer à subsister sur leurs maigres
parcelles de terre. Ils devinrent alors des salariés, contraints de vendre leur force de
travail pour survivre. Hommes et femmes se retrouvèrent alors en concurrence sur le
marché du travail. À l’époque des commons, l’activité laitière avait permis aux femmes
de s’impliquer dans l’agriculture : elles contribuaient aux revenus du foyer en vendant
du lait et des produits laitiers. Mais sans les commons, il devenait impossible de faire
paître le bétail. Les débouchés de la production laitière se contractèrent – la laine de
mouton était beaucoup plus lucrative que le lait de vache, et la tonte était une activité
d’hommes. Les femmes n’étaient payées que pour le travail de la traite et du vêlage. Le
labour au printemps et les récoltes à l’automne, activités plus pénibles, étaient
également perçues comme des travaux masculins. Cette division du travail conduisit à
des différences de prix entre travail masculin et travail féminin. C’est donc à la
campagne que nous trouvons les origines de l’écart salarial entre hommes et femmes, un
phénomène mondial qui inclut, dès le départ, comme on le voit, une certaine relation
avec la nature.
L’économie fut donc une condition nécessaire de l’invention moderne du « foyer ».
Nécessaire, mais pas suffisante. Il fallait encore éduquer et discipliner les hommes et les
femmes. Leur enseigner les nouvelles responsabilités qui seraient les leurs au sein du
foyer. Pour les Européens de la première modernité, il allait de soi que l’archétype de
toutes les relations sociales était la relation entre Dieu et l’homme. Les rois incarnaient la
domination de Dieu sur ses sujets. Eh bien, dans les familles, les maris joueraient un rôle
analogue 29. Il n’est ainsi pas étonnant de constater qu’au moment précis où le pouvoir
papal déclinait, pendant la Réforme, l’Europe des XVe et XVIe siècles assista à une
explosion de traités sur le pouvoir de l’Église et la souveraineté des rois, mais aussi de
manuels enseignant à bien gérer son foyer. Ces guides s’adressaient à ceux que
désorientait le nouvel ordre social induit par l’urbanisation et l’industrialisation. L’un
des plus influents d’entre eux, le traité Of Domesticall Duties de William Gouge
commence par une citation de la lettre de saint Paul aux Éphésiens : « Soumettez-vous
l’un à l’autre dans la crainte de Dieu 30. » Gouge exhorte les femmes à se soumettre, en
combinant le Dieu de colère de l’Ancient Testament et le Dieu miséricordieux du
Nouveau. À la maison, les femmes devaient se soumettre aux hommes, comme les
serviteurs à leurs maîtres, et les hommes devaient suivre le modèle autoritaire transmis
par le Père céleste.
Mais l’hégémonie du foyer moderne ne s’imposa pas seulement par les manuels ;
elle s’imposa aussi par la force. Comme pour le travail cheap, la production du care
cheap passa par la discipline des corps. Transformer les corps des femmes en machines
dociles vouées à la reproduction exigea de recourir à la force, à la peur, ainsi qu’à des
politiques spécifiques 31. Les institutions mises en place par ces politiques comprenaient
la prison, l’école, l’hôpital, l’asile de fous et le contrôle du sexe et de la sexualité, en
public comme en privé, par la violence et l’humiliation 32. Les femmes hérétiques furent
accusées d’être des êtres surnaturels, s’érigeant au-dessus de la place qui leur était
assignée dans la nature. Les sorcières, qui défiaient le nouvel ordre, furent soumises à
des tortures publiques effroyables : c’était une pédagogie d’un genre nouveau, destinée
aux femmes du peuple, incapables de lire les manuels, et qui auraient pu être tentées de
rejoindre la résistance 33. Comme le montre Silvia Federici, les formes de violence qui
intéressaient Foucault – la discipline dressant les corps à travailler, à se reproduire et à
se conduire d’une certaine façon – ont d’abord été des stratégies nécessaires au premier
capitalisme 34. L’invention du couple humanité / nature fut donc moins anthropocentrée
que masculinocentrée – pour emprunter l’expression de Kate Raworth 35.
L’éducation enseignant à tenir sa place dans le foyer, en plus de la violence,
recourait également au droit, et en particulier au droit de la propriété. Bien qu’il vaille
mieux reporter cette discussion au chapitre 7, quand nous parlerons des vies cheap, on
peut d’ores et déjà commencer à citer le texte fondamental de la propriété capitaliste
moderne : le Second Traité sur le gouvernement de John Locke, publié en 1689. Locke y
définit ce qui peut être approprié, et qui peut s’approprier. Le traité enclot les territoires
du nouvel État capitaliste en définissant les différents types de hiérarchies humaines :
« Le pouvoir d’un magistrat sur un sujet peut être distingué de celui d’un père sur ses
enfants, d’un maître sur son serviteur, d’un mari sur sa femme, et d’un seigneur sur son
esclave 36. » La sphère publique, où les hommes peuvent agir en citoyens libres et égaux,
est donc distinguée d’une sphère privée, où peuvent prévaloir l’esclavage, le patriarcat
et la tutelle juridique du mari sur sa femme. En d’autres termes, le sujet libéral est né
homme.
Pour que prospère le nouvel ordre capitaliste, il fallait extirper l’ordre ancien. Les
réseaux de parenté qui avaient soutenu femmes, hommes et enfants au-delà du cercle de
la famille nucléaire furent détruits en même temps que les commons 56. La famille
étendue et les relations qui pouvaient sustenter les familles furent transformées et
professionnalisées. Au lieu de se livrer à l’éducation dans les écoles, les femmes furent
cantonnées aux nurseries. Les chirurgiens – toujours des hommes – remplacèrent les
sages-femmes 57. L’activité économique des femmes, dans la mesure où elle était
permise, était limitée à la sphère domestique, un domaine d’où la politique était bannie.
Les femmes résistèrent. La Révolution française commença avec des femmes réclamant
du pain, par exemple. Mais l’écologie du capitalisme exigeait que l’histoire des femmes,
de leurs engagements et de leurs résistances, soit minimisée et tue. Les hommes
faisaient la loi à la maison et les citoyens dans la sphère publique – or, pour être citoyen,
il fallait être un propriétaire blanc et mâle 58.
Pour faire marcher ce système, l’État s’employa à imposer les catégories
d’« homme » et de « femme ». Les humains dont les corps n’étaient pas clairement
conformes furent transformés par la chirurgie, afin d’entrer dans l’une ou l’autre
catégorie 59. Là où ces catégories n’existaient pas, il fallut les inventer. Prenons l’exemple
du Nigeria, où la colonisation britannique importa la sphère « domestique » ainsi que la
catégorie juridique de « femme ». Dans la société nigériane, comme dans beaucoup
d’autres, la consanguinité joue un rôle vital, et accorde parfois aux femmes une position
supérieure à celle qu’elles auraient eue dans une famille nucléaire. Mais dans le droit
libéral, le lien qui compte le plus est le lien conjugal 60. Comme le note Oyeronke
Oyewumi : « Jusqu’à récemment, il n’y avait pas de femmes dans la société Yoruba. Il y
avait, bien sûr, des obínrin. Les obínrin sont des anafemelles. Leur anatomie, tout comme
celle des okùnrin (anamâles), ne leur donnait pas un accès privilégié à telle ou telle
position sociale, pas plus du reste qu’elle ne compromettait cet accès 61. » La chercheuse
nigériane ajoute plus loin :
La création des « femmes », en tant que catégorie, est l’un des premiers gestes de l’État colonial. […] Il était
impensable, pour le gouvernement colonial, de reconnaître les leaders féminines parmi les peuples qu’ils
colonisaient, comme les Yoruba. […] La transformation du pouvoir étatique en pouvoir genré, masculin, se réalisa
par l’exclusion des femmes des structures étatiques. Cette opération était on ne peut plus éloignée de l’organisation
étatique des Yoruba, où le pouvoir n’était pas genré 62.
De même que les Espagnols avaient été scandalisés par les aventures sexuelles des
Mayas, les Britanniques exigèrent qu’on se soumette à leur version de l’ordre sexuel : de
là la création de la catégorie légale de femme et son confinement dans le foyer, ce lieu de
travail de la main-d’œuvre reproductive 63. Bien sûr, parler de « lieu de travail » ne
correspond pas à la façon dont était vu le travail domestique. Car il était considéré
comme sans rapport avec le travail salarié. C’était un service que les femmes rendaient
aux hommes, semblable aux dons gratuits que la nature offrait aux entreprises.
Comme l’ont montré Jennifer Morgan et d’autres, les fondements culturels de cette
représentation des femmes sont à chercher dans l’esclavage transatlantique des femmes
africaines 64. Les explorateurs comme les propriétaires d’esclaves suivaient la même
logique que De Cuneo 65 : les femmes étaient à la fois anormalement sexuelles et
extérieures à la Société proprement dite – elles relevaient de la « Nature ». On leur
prêtait une fécondité monstrueuse. Le médecin britannique John Atkins, pourtant
partisan de l’abolition, racontait que les Guinéennes avaient des conduites bestiales et
des seins si énormes que « certaines pouvaient allaiter par-dessus l’épaule 66 ». D’autres
colons racontaient que les femmes africaines accouchaient sans douleur. Cette
fascination allait de pair avec des impératifs nouveaux – produire plus d’esclaves,
notamment. Les femmes esclaves devinrent ainsi des instruments financiers, non
seulement pour régler des dettes, mais aussi pour générer des intérêts : à la Barbade,
autour des années 1650, certaines femmes étaient désignées comme des
« augmentatrices » : des corps par lesquels plus d’esclaves seraient produits,
compensant ainsi la charge financière que représentait leur entretien. En outre, cette
fertilité les prédisposait naturellement à élever les enfants des autres, et les marchands
ne manquaient pas de mettre en valeur cette compétence 67.
Résister était toujours possible. Dès le début de la colonisation de l’Amérique du
Nord, au Canada, des femmes indigènes se lancèrent dans le commerce de la fourrure,
travaillant comme intermédiaires, remplaçant par d’autres hommes les maris qui les
avaient achetées, contournant les tentatives de régulation 68. Leurs foyers ne se
conformaient pas au modèle binaire et patriarcal où les hommes tenaient les femmes et
les femmes tenaient la maison. De même, aux États-Unis, l’entrepreneuriat offrait aux
femmes des espaces d’autonomie – comme logeuses, par exemple – à condition que ce
soit pour le bien du foyer, et qu’il y ait toujours un homme quelque part pour
commander 69. En Hollande, des femmes de la campagne devenues domestiques à la ville
s’organisèrent en associations et formèrent des syndicats 70.
Il faut souligner que cette résistance survenait toujours dans le contexte d’autres
combats. Les premiers leaders des mouvements nationaux qui combattirent les empires
coloniaux, au XIXe et au XXe siècle, firent appliquer les normes de cette politique sexuelle
avec une vigueur croissante. Dans les pays du Sud, race, classe et genre furent produits
ensemble, affectant à la fois les hommes et les femmes 71.
Tout comme l’étude de la catégorie de « blanc », les recherches sur le « masculin » et
les catégories légales qui lui sont associées sont encore récentes, mais ne cessent de se
multiplier : il y a encore beaucoup à apprendre sur les transformations et les résistances
qui ont entouré les relations familiales sous la domination masculine 72.
Au-delà de la charrue
Que dire à ceux qui affirment que les charrues ne sont pas un destin ? Que les
sociétés peuvent guérir des effets produits par le tournant capitaliste, et qu’une certaine
égalité est en train de naître. Un rapport publié par le FMI en 2016 montre que le sort des
femmes s’améliore dans le monde entier, tant du point de vue de la santé que de
l’éducation ou de la participation à la politique et à l’économie 73. Mais le FMI, fidèle au
vieux préjugé selon lequel la richesse libère les femmes, associe la montée de l’égalité
sexuelle à la montée du revenu national.
L’histoire n’est cependant pas aussi simple. Regardez par exemple les États
pétroliers du Moyen-Orient : vous verrez que la montée du revenu national entrave les
droits des femmes 74. Regardez encore un pays comme l’Inde, où persistent des inégalités
énormes, bien que la croissance du revenu réel par tête augmente chaque année de
500 % depuis quarante ans. Il est certain que l’accès accru à l’eau potable et à la santé les
a aidées 75, mais les femmes et les filles continuent à travailler davantage que les
hommes, pour moins d’argent et pour moins de nourriture 76. Dans les campagnes,
l’apport journalier en calories des Indiennes a perdu 500 points depuis quarante ans,
avec depuis dix ans une augmentation du taux d’anémie chez les filles 77. Comment
l’expliquer ? Des enquêtes sur l’emploi du temps montrent qu’en Inde, les filles et les
femmes font beaucoup plus de travail domestique que ne le laissent apparaître les
chiffres officiels. Les femmes passent six fois plus d’heures que les hommes à chercher
du bois pour le chauffage et de la nourriture, ou encore à tenir la maison. S’il est vrai que
les hommes et les femmes à faibles revenus ont souvent plusieurs emplois, tous très mal
payés, les travailleurs les plus mal payés restent les femmes, qui dorment souvent
moins d’heures et ont moins de temps libre, surtout dans les campagnes 78. On ne peut
pas simplement dire : « S’ils étaient plus riches, cela irait mieux. » La nation est plus
riche, mais ses classes pauvres, ses classes laborieuses, sont plus affamées, et les femmes
y ont plus de chance d’être en surpoids ou en sous-poids que les hommes 79.
Nombre moyen d’heures consacrées par semaine aux tâches ménagères aux États-Unis, chez des individus âgés de 25 à 64 ans. Source : Bianchi et al. 2012.
Aux États-Unis, les chercheurs qui étudient le travail reproductif ont généralement
noté des tendances positives au siècle dernier, comme l’atteste le graphique ci-dessus.
Plus d’hommes se sont attelés aux tâches ménagères qu’auparavant – bien que leur
travail domestique plafonne à dix heures par semaine. Bien qu’on ait longtemps pensé
que l’électroménager (lave-vaisselles, lave-linges) réduirait le fardeau pesant sur les
femmes, les choses ne se sont pas passées ainsi. Les lave-linges n’ont pas réduit le temps
consacré par les femmes au linge. Ils ont simplement rendu les hommes plus exigeants
quant à la fréquence avec laquelle le linge devait être lavé – par les femmes 80. C’est le
mouvement des femmes, aux États-Unis, qui a changé les représentations concernant la
division des tâches ménagères. Et même alors, comme le montre Ruth Schwartz Cowan
dans More Work for Mother, le travail réalisé par les hommes fut précisément celui qui
était le plus mécanisé. Le travail des femmes, entre-temps, a continué à être celui qui
était le plus exigeant mentalement, le plus intense par la multiplication des tâches,
même sur un nombre d’heures hebdomadaires similaire à celui des hommes 81.
Au chapitre précédent, nous avons montré comme le travail cheap connectait les
économies rurales et urbaines, par le lien unissant les fermes globales aux usines
globales. Ici, nous complétons le tableau en montrant que si cette main-d’œuvre
prolétarienne a été rendue possible, c’est uniquement parce que le travail du care a été
transformé en travail non payé, disponible au même titre que les « dons gratuits » de la
Nature – qui, comme nous l’avons vu, ne sont en réalité ni donnés ni gratuits. Le
capitalisme continue de trouver normal que le travail du care ne soit pas rémunéré, mais
il veut aussi que les compétences acquises par ce travail puissent être mises en vente sur
le marché. C’est ainsi que les femmes sont recherchées – et cheapisées – pour leurs
doigts agiles, leur capacité à prendre soin des autres, leurs regards encourageants (par
exemple), par les patrons de maquiladoras, de centres d’appels, d’entreprises de soins
hospitaliers, ces travailleuses ayant été formées à certaines compétences parce qu’elles
sont des femmes 82.
Ces attentes genrées ne visent pas seulement les compétences venues du travail de
soin, mais aussi la flexibilité. Le précariat – l’ensemble des travailleurs privés de sécurité
de l’emploi, de retraites, et des organisations normalement associées au travail industriel
dans les pays du Nord – semble connaître une mutation actuellement 83. Mais la mobilité,
la flexibilité, la disponibilité permanente, sont depuis longtemps des caractéristiques du
travail du care. Le précariat plonge ses racines dans les progrès logistiques de
l’entreprise capitaliste, tout autant que dans le précédent du care gratuit. L’économie du
free-lance peut se lire comme une extension de la discipline du travail du care au monde
entier.
La croissance de l’économie du care – évaluée à 70 % aux États-Unis entre 2012
et 2022, avec des tendances similaires partout dans le monde 84 – maintient le travail du
care structurellement cheap. Mais l’économie américaine du care est rendue possible
uniquement par l’émigration aux États-Unis de travailleurs du care : on a affaire ici à une
écologie longue, globale et racisée, qui va de la vente des esclaves importés comme
nourrices aux migrations plus récentes, du sud au nord, de professionnels des soins de
santé 85. Dans certains cas, ce travail est reproductif au sens littéral. Les progrès dans la
technologie de la fertilité ont fait exploser la demande de mères porteuses. Le plus grand
marché mondial est l’Inde, où un service qui coûte entre 80 000 et 100 000 dollars dans
le Nord Global coûte entre 35 000 et 40 000 dollars. Les profits générés par cette
industrie, en Inde seulement, excèdent les 2 milliards de dollars 86. La frontière du care
cheap s’est aussi approfondie et s’est étendue à la faveur de vastes réseaux
internationaux de fournisseurs de care, qui envoient ensuite des fonds dans leurs pays
d’origine pour soutenir les dépenses ménagères chez eux. Le foyer global a donc depuis
toujours fait le travail qui rend possible l’usine globale et la ferme globale.
Une réponse radicale à cette dévaluation fondamentale du travail du care
consisterait à exiger que le travail ménager soit payé. Comme l’expliquait la campagne
Wages for Housework (« Des salaires pour le travail domestique ») : « Être asservi à une
chaîne de montage n’est pas être libéré de l’asservissement à l’évier de la cuisine. Dire le
contraire, c’est nier l’asservissement à la chaîne de montage : si vous ne savez pas
comment les femmes sont exploitées, vous ne saurez jamais comment les hommes sont
exploités 87. » Les États-Unis ne sont pas seuls dans ce cas : d’autres pays aussi
accueillent des travailleurs du care de différentes classes, castes et nations, et livrés à
l’exploitation 88. Et même si le salaire était une étape vers la reconnaissance, la route vers
la dignité est encore longue. Comme l’a dit la philosophe et militante Angela Davis, « la
libération psychologique ne peut en aucun cas être atteinte uniquement en versant un
salaire aux ménagères 89 ». Mais on ne saurait pour autant oublier l’avertissement de
Wages for Housework : demander au capitalisme de rémunérer le care, c’est demander la
fin du capitalisme.
Si l’introduction de l’argent dans cette relation écologique ne garantit pas le succès,
d’autres approches collectives pourraient peut-être s’avérer utiles. Depuis l’institution
d’un État-providence après 1945, le rôle des États dans la gestion du care s’est
considérablement accru 90. L’État-providence – surtout en Europe occidentale – a apporté
des gains importants aux classes laborieuses en matière de santé, d’éducation et de
retraites. Mais la gestion du travail du care par l’État n’est pas la même chose que la
libération de ce travail 91. Comme l’observait Gwendolyn Mink, chercheuse en sciences
politiques, les batailles pour les droits des femmes ont été livrées sur le terrain de la
maternité, de sorte que les « victoires obtenues ont nationalisé la maternité plutôt que la
citoyenneté 92 ». Karen Orren notait de son côté que le droit du travail en général et le
travail du care en particulier sont des domaines où règne un « féodalisme tardif 93 ». Aux
États-Unis, il a fallu attendre 2015, par exemple, pour que les travailleurs du care, après
s’être organisés en syndicats et coopératives, se voient reconnus le statut de travailleurs,
selon les normes établies par le Fair Labor Standards Act de 1938 94.
Dès 1700, la plupart des paysans anglais avaient été soit réduits au rang
d’agriculteurs salariés, soit chassés de leurs terres pour travailler à la ville : 61 % de la
population laborieuse britannique travaillait en dehors de l’agriculture. Le nombre de
citadins avait doublé par rapport au siècle précédent 10. Les enclosures des deux siècles
précédents avaient fait de l’agriculture une activité compétitive, et une série
d’innovations – de nouvelles charrues, la rotation des cultures et de nouveaux systèmes
de drainage – l’avaient rendue biologiquement productive. Les historiens discutent
encore de la date exacte de cette révolution agricole, mais il est clair que dès 1700,
l’Angleterre avait atteint les deux objectifs que doit viser toute puissance capitaliste :
augmenter le surplus agricole et expulser la main-d’œuvre de la ferme 11. La main-
d’œuvre pouvait être expulsée de la ferme parce que la productivité du travail
progressait rapidement, augmentant de presque 46 % entre 1500 et 1700 12.
L’agriculture anglaise était si solide, à l’aube du XVIIIe siècle, qu’elle fut en mesure de
sauver de la famine une Europe en voie de prolétarisation rapide. On pense souvent que
l’industrialisation génère de nouveaux travailleurs, mais il est plus juste de dire que
l’expulsion de la main-d’œuvre agricole favorise de nouvelles formes d’industrialisation.
Dans les deux siècles qui suivirent 1550, la population salariée d’Europe aurait augmenté
de soixante millions de travailleurs, qu’il fallait bien sûr nourrir à moindre coût. Toute
usine globale a besoin d’une ferme globale. Aux XVIe et XVIIe siècles, c’est la Pologne qui
avait été cette ferme globale : son blé et son seigle emplissaient les ventres des pêcheurs,
des tourbiers et des scieurs hollandais. Mais dès 1700, les exportations polonaises
s’étaient effondrées – en grande partie en raison de l’épuisement des sols. Dans le demi-
siècle qui suivit, c’est l’Angleterre qui fut le grenier de l’Europe : ses exportations
quintuplèrent. En conséquence, le cours des céréales demeura stable dans les villes
d’Europe occidentale. Mais pour le capitalisme, toujours affamé de croissance
économique, la stabilité n’est jamais suffisante 13. Les prix de l’alimentation en
Angleterre – et en Europe du Nord – s’effondrèrent 14.
Ce triomphe anglais fut de courte durée. Comme en Pologne, la révolution agricole
marqua le pas, car les propriétaires de fermes transformaient peu à peu toutes leurs
réserves biologiques en argent 15. Un seuil critique fut atteint dès 1750 : les exportations
de céréales s’arrêtèrent. La productivité ralentit, et les prix de l’alimentation
grimpèrent 16. En Angleterre, malgré des importations massives depuis l’Irlande, ils
augmentèrent deux fois plus vite que l’indice de prix des produits industriels : 66 % plus
vite que les prix du textile, et 48 % plus vite que les prix du charbon, entre 1770 et 1795 17.
Si ce phénomène s’était limité à l’Angleterre, il pourrait être sans importance pour
notre propos. Mais c’est dans l’ensemble du monde atlantique que l’on vit la
productivité ralentir, les inégalités s’aggraver, et le prix de la nourriture augmenter. En
Europe occidentale, dans le demi-siècle qui suivit 1750, la productivité du travail chuta
ou stagna 18. En France, avant la Révolution de 1789, le prix du pain augmenta trois fois
plus vite que les salaires 19. Au Mexique aussi, les rendements déclinèrent, et le prix du
maïs augmenta de 50 % à la fin du siècle 20. En Europe, entre 1730 et 1810, les prix des
« principales céréales panifiables » (le blé et le seigle avant tout) montèrent en flèche :
250 % en Angleterre, et plus de 200 % dans le nord de l’Italie, en Allemagne, au
Danemark, en Suède, en Autriche et aux Pays-Bas. En France, le taux d’inflation des
produits alimentaires fut inférieur – 163 % – mais c’était largement suffisant pour
déclencher de violents troubles sociaux 21.
En Angleterre, face à la multiplication des émeutes alimentaires et à la montée du
prix des céréales 22, l’échelle et le rythme des enclosures augmentèrent brusquement,
dans le but de ranimer la productivité en répétant les opérations à l’origine du boom
agricole. Entre 1760 et 1790, le Parlement vota six fois plus d’Enclosure Acts que dans les
trois décennies antérieures 23. Dans le siècle qui suivit 1750, un quart de la terre cultivée
en Angleterre, jadis bien commun (commons), fut privatisée 24.
Cette écologie était basée sur la cheapisation de la nature, du travail, mais aussi de
l’alimentation. L’alimentation cheap est « cheap » en un sens bien précis : il s’agit de
produire plus de calories avec moins de temps de travail. Certes, des systèmes agricoles
non capitalistes ont connu de très hauts niveaux de production alimentaire avec un
effort modeste. Au Brésil, au début du XIXe siècle, l’agriculture sur brûlis pouvait
rapporter entre 7 000 et 17 600 calories de manioc, de maïs et de patates douces, pour
une heure de travail. À titre de comparaison, c’était entre trois et cinq fois plus que ce
que réalisait la productivité du travail anglaise à la même époque 25. Mais nulle part,
avant l’avènement du capitalisme, on ne vit la productivité du travail ainsi maintenue
en croissance pour nourrir d’immenses concentrations de population.
Voici comment marchait le système de l’alimentation cheap. Les révolutions
agricoles capitalistes fournissaient de la nourriture cheap, qui faisait baisser en retour le
seuil du salaire minimum : les travailleurs pouvaient être payés moins cher, sans mourir
de faim pour autant. Les charges patronales en étaient allégées, tandis qu’augmentait la
prolétarisation, et avec elle le taux d’exploitation. Le capital accumulé pouvait donc
continuer à grossir, mais à condition que grossisse avec lui un surplus alimentaire
suffisant pour engager des travailleurs cheap 26. C’est un modèle simple.
Nous avons cité Braudel à propos du riz, du maïs et du blé – mais un élément
central de l’apport calorique britannique, au cours de la révolution industrielle, était le
sucre du Nouveau Monde. Comme le fait remarquer Kenneth Pomeranz : « Dans
l’Angleterre de 1801, remplacer la consommation de sucre caribéen par des calories
produites localement aurait exigé entre 850 000 et 1,2 million d’acres des meilleures
terres ; en 1831 – avant l’effondrement du cours du sucre et le quintuplement de la
consommation par habitant qui s’ensuivit – entre 1,2 et 1,6 million 27. » L’histoire du
capitalisme est une histoire globale, qui s’écrit à partir du ventre.
Tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, les gouvernements européens ont essayé, sans
toujours y réussir, de maîtriser le prix de l’alimentation dans les villes. Il y eut des
émeutes du pain, menées, nous l’avons vu plus haut, par des femmes le plus souvent :
en tant que travailleuses du care, elles dépendaient des marchés et se trouvaient en
conséquence aux premières lignes des batailles autour du prix de la nourriture 28. Ce sont
elles qui déclenchèrent la Révolution française. En 1789, tandis que s’aggravait la crise
des prix de l’alimentation, les femmes de Paris marchèrent sur Versailles pour chercher
« le boulanger, la boulangère et le petit mitron » (le roi et sa famille) 29. Deux ans plus
tard, une colonie sucrière se dressa contre ses colonisateurs français, aux mêmes cris de
liberté, d’égalité et de fraternité, qui résonnaient dans toute la métropole. Haïtiens et
Français n’étaient d’ailleurs pas seuls à se révolter : dans le monde entier, de la Russie
au Pérou en passant par l’Amérique du Nord, des émeutes agraires éclatèrent 30.
Pour nourrir leurs travailleurs, les empires avaient besoin de nourriture. Lénine
citait Cecil Rhodes, le colonisateur dont la statue vient d’être déboulonnée des marches
de l’université du Cap, qui disait en 1895 : « J’étais hier dans l’East End de Londres et j’ai
assisté à une assemblée de chômeurs. J’ai écouté leurs discours sauvages, qui se
réduisaient à des cris réclamant “du pain, du pain, du pain” ; et en revenant chez moi, je
méditai sur cette scène et me convainquis plus que jamais de l’importance de
l’impérialisme […]. L’Empire, comme je le dis toujours, est une question de pain et de
beurre. Si vous voulez éviter la guerre civile, faites-vous impérialistes 31. » Vingt ans plus
tard, en 1917, Lénine se trouvait au centre d’une révolution dont le slogan – « Paix, Terre
et Pain » – reposait sur des années d’émeutes alimentaires menées, comme en 1789, par
des femmes 32.
L’empire fournissait aux travailleurs industriels européens de la nourriture cheap,
bien qu’elle coûtât beaucoup aux travailleurs des autres régions du monde. L’Empire
européen créa des réseaux commerciaux qui, comme l’a montré Mike Davis, sont à
l’origine du tiers monde 33. En voici un exemple, qui montrera dans quel mépris les
empires européens tenaient les paysans. En Irlande, vieille colonie britannique, pendant
la famine de la pomme de terre de 1845-1848, la pauvreté et les forces du marché
enjoignirent aux Irlandais de gagner leur vie en travaillant, même s’il n’y avait ni emploi
disponible, ni nourriture abordable : au paroxysme de la famine, l’Irlande exportait
environ trois cent mille tonnes de céréales par an pour nourrir la métropole. Le fait que
la famine qui s’ensuivit ait détruit une grande partie de la population irlandaise était, à
la limite, un bonus. Charles Trevelyan, le sous-secrétaire au Trésor britannique, qui
contrôlait les fonds destinés à remédier à la famine, fut parfaitement clair : « Le vrai
mal » n’était « pas le mal physique de la famine, mais le mal moral […] du peuple
[irlandais] 34 ». Trevelyan fut anobli pour les services qu’il avait rendus au royaume, au
moment où l’Irlande mourait de faim, et écrivit que, pour limiter l’augmentation
effrénée de la population irlandaise, « la famine est un coup direct, porté par une
Providence aussi sage que miséricordieuse 35 ».
Il en allait de même dans d’autres colonies britanniques. Nourrir les pauvres faisait
partie des coutumes indiennes. Les fusils imposèrent à la place des relations
marchandes, de façon à ce que l’Inde exporte ses céréales 36. Comme nous l’avons vu au
chapitre 2, à propos de l’argent, la force militaire n’est jamais loin du pouvoir financier,
et parfois ce dernier peut servir à payer la première. Pendant la colonisation, l’Inde
finança, via les impôts, l’impérialisme mondial des Britanniques. « Les Indiens
ordinaires […] financèrent des aventures aussi lointaines que le sac de Pékin (1860),
l’invasion de l’Éthiopie (1868), l’occupation de l’Égypte (1882) et la conquête du Soudan
(1896-1898) 37 ». L’exploitation coloniale s’intensifia encore lorsque l’Allemagne et les
États-Unis – et bientôt le Japon et le reste de l’Europe –, imitant l’Angleterre, adoptèrent
l’étalon-or après 1871. La valeur des roupies indiennes, basées sur l’argent métal, baissa
de plus d’un tiers entre 1873 et 1894 – tandis que ses paiements à l’Angleterre étaient
basés sur l’or 38.
Le XXe siècle vit d’autres changements qui font paraître banales ces interventions
biotechnologiques. La diffusion des idées révolutionnaires communistes réalisait les
craintes de Rhodes et de ses congénères bourgeois. Pour tout capitaliste, la révolution
russe était un cauchemar devenu réalité. Les gouvernements cherchèrent donc des
façons de gérer et de contenter des travailleurs hostiles, de peur d’avoir à tomber sous
leurs marteaux et leurs faucilles. Une ancienne colonie espagnole, le Mexique, fut le lieu
d’un tel compromis entre les travailleurs, les capitalistes et l’État.
La révolution mexicaine de 1910 commença avec la classe moyenne, mais eut vite
fait de la dépasser, lorsque ouvriers et paysans se mirent à faire des revendications
militantes. En 1934, Lázaro Cárdenas fut élu président pour satisfaire ces
revendications : il institua une vaste réforme agraire, redistribuant 47 % de toute la terre
cultivable 48, et commença à nationaliser les actifs de l’industrie du pétrole, notamment
les raffineries de la Standard Oil Company. Contrôler l’énergie cheap était un élément
central du projet corporatiste mexicain.
Pour la famille fondatrice de la Standard Oil Company, les Rockefeller, ce fut un
scandale. C’était aussi un nouveau signe du grave danger représenté par l’augmentation
de la population et les limites de l’approvisionnement alimentaire. Les élites américaines
partageaient la crainte de voir se réaliser une prédiction de Malthus : un effondrement
de la société surviendrait lorsque la faim de la population urbaine dépasserait ses
possibilités d’approvisionnement en nourriture.
Les philanthropes se fixèrent la tâche de sauver la société. « Le problème
alimentaire mondial, l’agriculture et la fondation Rockefeller », un document stratégique
publié par la Fondation Rockefeller en 1951, presque une décennie après qu’elle eut
commencé à travailler au Mexique, cristallisait les thèmes de la révolte, de la population
et de l’alimentation :
Est-ce que des millions de gens supplémentaires […] deviendront communistes ? Cela dépendra en partie de la
capacité du monde communiste ou du monde libre à accomplir ses promesses. Les affamés sont séduits par les
promesses, mais ils peuvent être convaincus par des actes. Le communisme fait des promesses séduisantes aux
peuples sous-alimentés. La démocratie ne doit pas seulement promettre autant que le communisme, mais réaliser
davantage encore 49.
Si nous nous tournons vers l’Europe, c’est en raison de l’usage différent qui y fut
fait du combustible – l’une des ressources naturelles cheapisées – comme élément
intrinsèque de l’écologie du capitalisme. L’énergie cheap permet en effet d’amplifier – et
parfois de remplacer – la cheapisation du travail et du care. Si l’alimentation cheap est la
façon la plus efficace, pour le capitalisme, de réduire les coûts salariaux, l’énergie cheap
est le levier crucial pour obtenir des progrès en matière de productivité du travail. Les
deux peuvent d’ailleurs fonctionner ensemble, même si l’histoire réelle est plus
complexe. Premièrement, il faut expulser les paysans des communs. Devenus
travailleurs, ils doivent trouver un emploi salarié, sous une forme ou sous une autre.
Deuxièmement, les ateliers et les usines qui emploient ces travailleurs doivent être en
concurrence les uns avec les autres. Ce qui décide l’issue de cette compétition, c’est la
productivité du travail. On a souvent tendance à penser que la productivité du travail –
c’est-à-dire la production maximale de marchandises par heure de travail – est
déterminée par les machines. Mais si les machines capitalistes fonctionnent, c’est parce
qu’elles puisent dans le travail de ressources naturelles extrahumaines, qui doivent être
cheap, parce que le besoin qu’on en a est sans limites. C’est pourquoi l’enclosure des
e
communs a coïncidé avec l’enclosure du monde souterrain. Dans l’Angleterre du XVI
siècle, au moment précis où la vie paysanne fut bouleversée, les grandes mines du pays
extrayaient des milliers de tonnes de charbon. Ici apparaît une nouvelle strate dans le
processus de cheapisation du monde : l’usine globale du capitalisme n’a pas seulement
besoin d’une ferme globale et d’une famille globale, mais aussi d’une mine globale.
Dans ce chapitre, nous allons voir comment l’énergie est devenue l’une des choses
cheapisées par le capitalisme, à partir des révolutions de l’énergie advenues en Europe
et aux États-Unis, et ce que signifie la cheapisation de l’énergie dans l’écologie globale
du XXIe siècle. L’énergie est ici désignée comme une « chose » dans la mesure où, une fois
extraite du tissu de la vie, elle devient marchandise. Ce qui est à l’origine de la vie
fossilisée devient pure matière, pour faire du feu ou fournir du carburant dans un
moteur.
Le système capitaliste de l’énergie travaille sur plusieurs fronts : il fait baisser le
coût de l’énergie et de la production – le charbon cheap produit de l’acier cheap, la
tourbe cheap des briques cheap. Les affaires en deviennent plus lucratives 16. Ensuite, en
maîtrisant le poste le plus important du budget familial après la nourriture, l’énergie
cheap sert également à maintenir le coût du travail à des niveaux peu élevés. Les
enclosures firent monter le prix de l’énergie pour la plupart des paysans, privés d’accès
aux communs – où, dans de nombreuses parties du monde, la collecte des ressources
avait été assignée aux femmes –, mais elles propulsèrent aussi les travailleurs dans
l’économie de marché, où ils devaient payer pour leurs matériels de construction et leurs
combustibles 17.
L’énergie est certes depuis toujours un élément indispensable à la vie, mais pour
montrer comment elle est devenue un élément indispensable à l’écologie du capitalisme,
nous visiterons un pays assis sur des réserves d’énergie si prodigieuses qu’il s’est
comme construit à partir d’elles : nous voulons parler des Pays-Bas 18.
La maladie hollandaise
Commençons avec ces mots de Peter Voser, qui était en 2012 le P.-D.G. de la Royal
Dutch Shell :
Aux États-Unis, l’American Petroleum Institute estime que l’industrie produit, directement et indirectement, plus
de neuf millions d’emplois, c’est-à-dire plus de 5 % des emplois. En 2009, l’industrie de l’énergie apportait à
l’économie américaine une contribution d’un trillion de dollars, soit plus de 7,7 % du PIB américain.
Au-delà de ses contributions directes à l’économie, l’énergie est également profondément reliée aux autres secteurs,
sans qu’on s’en aperçoive toujours. Par exemple, chaque calorie de nourriture que nous consommons requiert un
apport moyen de cinq calories de combustible fossile, et pour des produits hauts de gamme comme le bœuf, on
arrive à une moyenne de 80 calories. Le secteur énergétique est également l’industrie la plus consommatrice d’eau
douce, responsable de 40 % de tous les prélèvements d’eau douce aux États-Unis. […]
Des acteurs puissants doivent faire connaître le rôle du secteur énergétique et les bénéfices de notre travail, en
démontrant que, pour travailler au-delà des frontières sectorielles afin d’affronter les défis qui nous attendent, on
peut nous faire confiance. En retour, la société nous accordera unanimement une licence d’exploitation qui fait trop
souvent défaut aujourd’hui 19.
Voser est l’homme qui fit triompher l’industrie du combustible fossile, malgré les
résistances, comme celle de Ken Saro-Wiwa, qui fut condamné à mort et exécuté en 1995,
après que sa vie eut été cheapisée par la Royal Dutch et le Nigéria 20. Si on en croit
l’histoire officielle de cette firme – qui fut fondée pour développer des champs de
pétrole en Indonésie –, « ce qui a rendu possible la réussite de la Royal Dutch, c’est la
victoire, dans le domaine de la politique coloniale, des principes selon lesquels les
intérêts des dominions asiatiques étaient mieux servis lorsqu’on laissait la libre
concurrence du capital occidental et du travail occidental développer les ressources de
ces régions tropicales 21 ». Comme le montre le processus par lequel, en soixante-dix ans,
Madère a connu la croissance, la déforestation et enfin la catastrophe, l’insatiabilité du
capitalisme pour le combustible fait partie de son écologie. Dans cette longue histoire de
l’énergie cheapisée, la Royal Dutch n’est que l’acteur le plus récent.
À l’origine de cette firme, il y a une crise du combustible dans les Pays-Bas du XVe
siècle, donc plusieurs siècles avant sa fondation. Le sol hollandais était jadis rempli d’or
noir : ce n’était pas du pétrole, mais de la tourbe, une source d’énergie encore utilisée
aujourd’hui pour le chauffage et pour produire de l’électricité 22. C’est le plus récent des
combustibles fossiles, et il représente au poids environ deux tiers de l’énergie du
charbon 23. La tourbe est le précurseur du charbon. Avec le temps et la pression requis, la
tourbe devient du charbon. La tourbe – donc le charbon aussi – était jadis la végétation
des terres humides. Quand cette végétation déclina, dans le nord et l’est de l’Europe, elle
forma des couches en coussin, sur un diamètre d’environ 1,6 kilomètres, dont
l’accumulation forma des tourbières hautes. Au début du Moyen Âge, ces tourbières
atteignaient 4,6 mètres au-dessus du niveau de la mer. Au début du XIe siècle, les
paysans commencèrent à collecter la tourbe pour se chauffer, pour leurs salaisons et
pour la vendre. L’exploitation de ces terres végétales fit baisser encore davantage le
niveau du sol des Pays-Bas, accroissant leur vulnérabilité au changement climatique. Et
de fait, lorsque le climat de l’Europe du Nord se refroidit et devint plus humide, le
nombre d’inondations augmenta dans toute l’Europe, particulièrement dans la région de
la mer du Nord, où les terrains s’effondraient. Des sols détrempés ne sont pas fertiles. En
témoignent les taxes sur la culture céréalière, qui baissèrent brusquement en 1400, au
paroxysme d’une crise agro-écologique 24. Autour de villes comme Amsterdam,
Rotterdam et Utrecht, les paysages ressemblaient à « du gruyère, avec des douzaines de
tourbières épuisées, gorgées d’eau, souvent séparées les unes des autres par d’étroites
bandes de terres, où l’on apercevait encore les structures dispersées de ce qui avait été
autrefois des fermes 25 ». Le changement climatique et la disparition des tourbières
produisirent une situation désastreuse : en 1500, la culture céréalière avait quasiment
disparu des régions littorales 26, et « la mer du Nord menaçait d’engloutir la société
hollandaise 27 ».
L’économie hollandaise fut transformée. En Angleterre, ce furent les enclosures qui
produisirent les travailleurs 28. En Hollande, ils furent produits par l’effondrement des
tourbières et par les besoins de l’industrie de bovins laitiers 29. La tourbe habitua aussi le
pays à avoir une énergie cheap. Au XVIIe siècle, chaque année, un million et demi de
tonnes de tourbe étaient extraites et expédiées dans les villes de la République. Rien
qu’en 1636, plus de huit mille cargaisons arrivèrent à Amsterdam 30. Et en 1650, la
consommation énergétique par habitant était plus élevée que celle de l’Inde en 2000 31.
Tandis que la paysannerie hollandaise subissait des conditions de vie toujours plus
dures, le capitalisme prospérait. Les paysans devenaient des travailleurs citadins 32. Ce
qui était central dans ce processus, c’était l’alimentation cheap. Alors qu’au début du
long XVIe siècle, les prix des céréales en Hollande étaient les plus élevés de toute
l’Europe, ils étaient, à la fin du siècle, les plus bas 33. Comme nous l’avons mentionné au
chapitre précédent, ces céréales venaient de Pologne, des rives fertiles de la Vistule, dont
les propriétaires étaient sur le point de tomber dans la « servitude pour dette
internationale 34 ». Au moyen d’arrangements financiers inventifs, Amsterdam et Anvers
envoyèrent rapidement en Pologne des lingots d’argent venus des Andes, en échange de
blé et de seigle. Le déficit commercial faisait partie d’une stratégie destinée à cheapiser
les denrées affluant dans les villes hollandaises. Comme à Madère, le boom du blé et du
seigle polonais dura entre cinquante et soixante-quinze ans. Dès les années 1660,
l’érosion du sol avait presque diminué de moitié les rendements, et l’écologie du
capitalisme s’était aggravée et diffusée au-delà des terres épuisées de la Pologne 35.
Les Hollandais devaient leur statut de superpuissance à la fois à la révolution
agricole et à la révolution énergétique. Ces révolutions ne consistaient pas seulement
dans l’extraction de la tourbe, mais aussi dans l’usage pionnier – et le développement
technologique – de l’énergie éolienne dans toutes sortes d’activités industrielles 36. À
partir du milieu du XVIe siècle, les moulins à vent constellèrent le paysage hollandais. Sur
les rives du Zaan, juste au nord d’Amsterdam, il y avait, dès les années 1730, six cents
moulins à vent industriels, un tous les cent mètres 37.
Mais après 1650, trois sérieuses contraintes firent obstacle à la course hollandaise au
capitalisme et à l’expansion. La première, c’est que le pays n’avait pour ainsi dire pas de
forêts. Cet obstacle fut surmonté grâce à l’argent liquide – une ressource dont il disposait
en abondance. Les marchands hollandais se rendirent dans la Baltique pour acquérir du
bois cheap ainsi que toute une série de produits forestiers, nécessaires pour construire
des bateaux et pour blanchir le textile. Un deuxième problème était moins facile à
résoudre. La tourbe était devenue chère. À Anvers, entre 1480 et 1530, son cours
augmenta de 50 % plus vite que l’indice des prix 38. Même après que des innovations
permirent, après 1530, d’extraire de la tourbe en dessous du niveau de la mer, les prix
continuèrent à grimper, jusqu’à tripler au nord de la Hollande après 1560 39. On faisait
venir du charbon de Liège, mais surtout de l’Angleterre, dans des quantités toujours
plus grandes : quelque soixante-cinq mille tonnes annuelles, dès les années 1650 40. Voilà
qui représentait beaucoup d’énergie, et les industries les plus gourmandes en énergie
passèrent, dès que possible, au charbon. Les raffineurs de sucre brûlaient tellement de
charbon qu’en 1614, le conseil de la ville d’Amsterdam interdit cette pratique. Mais
lorsque les raffineries de la ville se multiplièrent – il y en avait une centaine à la fin du
siècle – la demande d’énergie cheap crût tout autant. Et en dépit des interdictions qui
avaient déploré « l’insupportable tourment » qu’elle infligeait aux citoyens
d’Amsterdam, en 1674, la combustion de charbon tout au long de l’année finit par être
légalisée 41. La tourbe était plus propre, mais le charbon coûtait moins cher.
Ces mesures ne pouvaient pas résoudre le troisième problème des Pays-Bas : le coût
élevé du travail. La réussite hollandaise était fondée sur une crise agraire qui avait
produit « une offre élastique de main-d’œuvre constituée de proto-prolétaires 42 ». Mais
dès 1580, cette élasticité avait disparu, et les salaires hollandais restèrent les plus élevés
d’Europe jusqu’au milieu du XVIIIe siècle 43. En 1650 – et avant aussi probablement – les
capitalistes hollandais payaient la facture salariale la plus élevée d’Europe, qui devait
encore augmenter après 1680. Entre 1590 et 1730, les salaires hollandais étaient au
minimum supérieurs d’un tiers aux salaires anglais, s’ils n’en étaient le double 44. Mais,
en raison de leurs formes de colonialisme beaucoup plus axé sur l’expansion territoriale,
les Anglais allaient bientôt les rattraper.
C’est au même moment, dans les années 1530 et 1540, qu’apparurent l’extraction de
tourbe à grande échelle aux Pays-Bas et l’extraction de charbon en Angleterre 45. Le
« grand récit » de la révolution industrielle nous raconte que les combustibles fossiles
furent inventés au XVIIIe siècle – mais ils sont apparus, comme tant d’autres choses, au
cours du long XVIe siècle. C’est entre 1450 et 1550 environ qu’eut lieu la première grande
industrialisation, dans les plantations de cannes à sucre et dans les mines d’argent,
comme nous l’avons vu, mais aussi dans la construction navale, le brassage, la verrerie,
l’imprimerie, le textile, la fonte du fer et du cuivre 46. Toutes ces industries, chacune à
leur façon, consommaient des quantités prodigieuses d’énergie.
Il y avait longtemps qu’on extrayait et qu’on brûlait du charbon, en petites
quantités. Pour les Romains, c’était le « meilleur minerai que fournissait l’Angleterre 47 ».
Mais entre 1530 et 1630, la production de charbon en Angleterre augmenta de façon
spectaculaire : elle fut multipliée par huit 48. Rien qu’à Newcastle, où le charbon était roi,
la production fut presque multipliée par vingt, entre les années 1560 et les années 1660,
ce qui représentait peut-être un tiers de tout le charbon anglais 49. Or, si à Newcastle le
charbon était roi, dans la Hollande du XVIIe siècle, la production d’énergie thermique par
habitant égalait – et l’énergie mécanique dépassait – celle de l’Angleterre 50. Mais
l’énergie hollandaise n’était pas suffisamment cheap. L’Angleterre à cette époque n’était
pas une économie de bas salaires, et les salaires réels augmentaient rapidement, malgré
le succès des enclosures. Alors qu’ils avaient commencé à un niveau plus bas que les
salaires hollandais, les salaires anglais montèrent beaucoup plus vite, doublant
quasiment entre 1625 et 1725 51. Avec le charbon, l’Angleterre disposait d’un avantage
économique décisif : « La charge des salaires élevés en Angleterre fut compensée par
l’énergie bon marché 52. »
Les coûts élevés des travailleurs, et la disponibilité d’une abondance d’énergie
cheap, provoquèrent au XVIIIe siècle une série de progrès technologiques : l’usage d’un
dérivé du charbon, le coke, pour produire du fer, et de la machine à vapeur de
Newcomen pour drainer les mines de charbon, dont la profondeur croissante impliquait
des inondations constantes 53. On connaissait le coke depuis le XVIIe siècle, mais c’est
seulement après une longue série d’innovations, entre 1709 et 1755 – généralement
attribuées à Thomas Darby – que la production de fer devint lucrative 54. L’Angleterre fut
alors libérée du charbon de bois. La part du fer fondu au coke, qui représentait
seulement 7 % de la production de fer britannique en 1750, passa à 90 % en 1784 55. Le
coût de la production d’une tonne de fer s’effondra, chutant de 60 % au cours du XVIIIe
siècle. L’énergie cheap fabriquait du fer cheap, qui fabriquait des outils et des machines
cheap. Tant qu’une énergie abondante pouvait être extraite du sol, les coûts en main-
d’œuvre et en capital pouvaient être limités, et les matières premières devinrent moins
chères 56.
Nous ne présentons pas ce phénomène comme un pur miracle technologique.
Certains voudraient nous faire croire que, sans le charbon anglais, il n’y aurait pas de
véritable capitalisme. Et de fait, on a toujours tendance à exagérer l’importance du
charbon. Mais les innovations majeures de l’industrie textile, comme le métier à tisser
mécanique et la spinning jenny (machine à filer), précédèrent la diffusion de la machine à
vapeur, et, encore en 1868, 92 % de la flotte marchande britannique fonctionnait au vent,
pas au charbon 57. Nous en savons assez maintenant pour comprendre que ce qui
caractérise le capitalisme de frontière, c’est l’inventivité. On peut parfaitement concevoir
une histoire anglaise sans charbon, avec davantage d’importations ou de découvertes
d’énergie, et imaginer un XIXe siècle plus enclin à la révolte et à la révolution qu’il ne le
fut. Comme nous affirmons que ces troubles sociaux surviendront au XXIe siècle, il est
important de comprendre les intersections entre l’énergie cheap et l’alimentation, le
care, l’argent et le travail, afin de voir quel ordre social a été produit à travers eux. Nous
allons donc passer en revue trois moments cruciaux du XXe siècle, liés à des conflits
internationaux autour de l’énergie.
e
Manger au XX siècle
Pour garder une énergie cheap, l’intervention de l’État est nécessaire. Le soutien de
l’État est également nécessaire pour que le travail du care reste gratuit, et que le travail
payé reste cheap. Quand l’État fait défaut, on voit émerger des politiques de résistance,
avec des mouvements aussi divers que Occupy Nigeria, ou, en Angleterre, les
manifestations contre le prix du carburant 71. Ces manifestations modernes font écho à la
Révolte des Paysans de 1525. Rappelez-vous que les paysans revendiquaient, entre
autres, l’accès au bois comme combustible et matériau de construction. Les politiques de
résistance au XXe siècle sont également liées au logement et à l’énergie.
Les travailleurs ont besoin d’un toit au-dessus de leurs têtes – et les toits ne sont pas
gratuits. Dans le Colorado, à la fin du XIXe siècle, les maisons étaient faites en brique, le
bois étant trop cher, tandis que la brique pouvait être fabriquée avec l’argile et le
charbon qu’on trouvait sur place. L’énergie était donc vitale pour la construction de
logements. La technologie minière parvint à faire baisser le prix du charbon, mais la
main-d’œuvre représentait encore entre 60 et 80 % de ses coûts de production. On
trouva deux expédients pour faire baisser ses coûts : payer des salaires de misère à des
travailleurs immigrés, et les installer dans des villes minières, qui les obligeaient à
reverser leurs salaires afin d’avoir accès au logement ou à des services comme l’école,
des cours d’anglais et les installations de loisirs. Dépourvus de tout contrôle sur leur
existence, les travailleurs voyaient la ville minière comme un nouveau genre de
féodalisme. Lorsque la Fuel and Iron Company, possédée par les Rockefeller, comprima
leurs salaires, les mineurs de charbon s’organisèrent 72. Leur grève, qui dura du
printemps 1913 à l’hiver 1914, reste un moment fondamental de l’histoire du travail aux
États-Unis. Le 20 avril 1914, dans un campement de grévistes de Ludlow, dans le
Colorado, une vingtaine d’hommes, de femmes et d’enfants furent tués. Le scandale qui
s’ensuivit, en particulier contre le propriétaire de la mine, John D. Rockefeller Jr.,
conduisit à une enquête du Congrès, puis, grâce à d’autres mouvements sociaux, à des
restrictions sur le travail des enfants et à l’introduction de la journée de huit heures 73.
Timothy Mitchell montre que la politique de la main-d’œuvre, dans l’industrie du
charbon, eut un profond impact sur le XXe siècle. Oubliez un instant la discussion autour
de la question de savoir si un pays ayant recours à des énergies ou à des minerais
fossiles est un pays « maudit 74 ». Et observez plutôt comment l’extraction de ces
ressources a permis de construire une classe ouvrière capable de résister à son
exploitation, et dont les revendications d’égalité purent être entendues en raison même
de l’énergie que leur travail avait rendu lucrative 75. Tout d’un coup, les destinées
nationales pouvaient se rêver à plus vaste échelle – justement parce que ces rêves
nationaux étaient financés par l’énergie cheap.
Du pétrole au dollar
Nous voudrions finir ce chapitre en parlant de ce qui est cheap dans l’énergie cheap.
La crise de l’énergie n’est pas forcément liée à la pénurie ou à la surproduction. La fin
des énergies fossiles ne sonne pas la fin du régime de l’énergie cheap. Et même, le
changement climatique a offert à la finance une occasion de se présenter en sauveur :
c’est au moyen de crédits carbone, de compensations et de permis de polluer
l’atmosphère, que l’atmosphère sera sauvée – en tout cas, c’est ce qu’on nous raconte 91.
C’est ici l’ultime fin des biens communs : dans la totale externalisation financière de la
responsabilité collective, qui transforme ce qui devrait faire l’objet de décisions
collectives en un produit financier sur le marché mondial.
Nous ne pouvons cependant pas clore ce chapitre sans observer que l’Agence
internationale de l’énergie a déclaré, en 2016, que la capacité de l’énergie renouvelable
excède celle du charbon 92. Est-ce que cela rend oiseux un chapitre sur l’énergie cheap ?
Nullement. Regardez à l’intérieur des batteries de la révolution solaire, et vous y
trouverez les minerais sanglants de la République démocratique du Congo et de la
Bolivie 93. Le complexe d’extraction du lithium en Bolivie ressemble à un remake des
mines d’argent du Potosí 94. Endiguer les fleuves, pour lutter contre le changement
climatique, a eu des effets catastrophiques – et permis aussi de chasser les Peuples
Indigènes 95. Passer de l’énergie fossile aux barrages conduira, de façon entièrement
prévisible, à la disparition d’espèces animales, et pourrait bien finir par augmenter les
émissions de gaz à effet de serre, en raison de la décomposition des écosystèmes
présents dans ces réservoirs artificiels 96.
Mais surtout, la stratégie de l’énergie cheap ne dépend pas du charbon. Ce fut le cas
autrefois, mais plus maintenant. Les barrages hydroélectriques, par exemple, montrent
que la stratégie de l’énergie cheap dépend toujours des États. Elle a besoin de la violence,
infligée par les secteurs privés ou publics, autorisée par une écologie mondiale désireuse
de s’approprier des ressources naturelles cheap, et rendue possible par la croyance
collective selon laquelle l’énergie cheap fait partie du « trésor de guerre » national. C’est
ainsi qu’on s’approprie l’énergie dans l’écologie du capitalisme, qu’il s’agisse des
subventions à l’industrie du pétrole en Inde, des revenus du pétrole au Venezuela, ou du
faible niveau des prix du gaz naturel aux États-Unis, qui ont permis d’éviter d’avoir à
augmenter les salaires de la classe ouvrière. Pour que les pauvres supportent les coûts
des projets énergétiques, il est nécessaire que des institutions diffusent l’idéologie de la
« destinée collective ».
Pour comprendre ces idées de destinée collective et de violence, nous passons à
notre dernière « chose » cheapisée : les vies.
Trois jours après son arrivée dans le Nouveau Monde, Christophe Colomb fit au roi
et à la reine d’Espagne cette description d’une île susceptible d’être fortifiée, en ajoutant
ceci :
Mais je ne crois pas ce que ce soit nécessaire, car ces peuples sont très simples en ce qui concerne l’usage des
armes, comme vos Altesses le verront d’après les sept Indigènes que j’ai fait prendre pour être amenés chez nous,
apprendre notre langue et revenir ; à moins que vos Altesses n’ordonnent qu’ils soient emmenés en Castille, ou
qu’ils soient tenus prisonniers sur l’île. Car avec cinquante hommes, ils peuvent tous être soumis et employés à ce
qu’on voudra 1.
Colomb eut tôt fait d’apprendre que fonder une colonie est une chose, et la
gouverner en est une autre. Lors de la première expédition, la Santa Maria sombra, et il
n’y avait pas assez de place sur les autres navires pour ramener les équipages en
Espagne. Une quarantaine de marins de la Santa Maria fondèrent alors, sous la direction
de Colomb, La Navidad, sur l’île d’Hispaniola. On trouvait parmi eux Diego de Araña,
un cousin de la maîtresse de Colomb. Lorsque Colomb revint, lors du deuxième voyage,
ils étaient tous morts. Il apprit que ses hommes avaient été tués pour avoir maltraité des
femmes indigènes. Mais le second voyage était mieux pourvu que le premier pour faire
face aux révoltes indigènes. Il était muni d’un mandat colonial, de dix-sept navires, de
1 200 hommes et de bétail – avec les maladies qui les accompagnaient, et qui décimèrent
la population indigène.
Cependant, même si le meurtre et le sang faisaient partie de la routine du
colonialisme, celui-ci ne s’est jamais réduit à l’usage de la force brute. Colomb et ses
descendants avaient des armes, mais ils avaient aussi une organisation et un langage qui
légitimaient l’usage de la force. On a raison de dire que c’est avec des fusils, des microbes
et de l’acier que le capitalisme conquit le Nouveau Monde 2, mais ce qui a maintenu
l’ordre au Nouveau Monde, ce furent les idées de race, de police et de profits. C’est de
ces technologies d’ordre et d’hégémonie que nous allons parler dans ce chapitre.
Pour toutes les choses rendues cheap que nous avons passées en revue jusqu’à
maintenant, nous avons vu s’organiser des actes de résistance. Femmes, travailleurs
salariés, Peuples Indigènes, et même membres de la classe dirigeante dont le sort
déclinait – tous ont combattu, avec plus ou moins de succès, contre la domination qu’on
voulait leur imposer. En retour, le capitalisme a développé de nouvelles stratégies pour
ouvrir de nouvelles frontières et contrôler encore plus efficacement celles qui existaient
déjà. L’histoire de l’écologie du capitalisme a donc été un jeu du chat et de la souris entre
résistance, stratégie et contre-stratégie. Gouvernements, marchands et financiers, visant
toujours plus de profit, ont atteint de nouveaux sommets de créativité et de destruction.
Mais ce qui a consolidé et développé l’écologie du capitalisme, ce sont les prodigieuses
expérimentations qu’il fit dans le domaine de l’ordre social. Et parmi les technologies du
contrôle social les plus durables et adaptables, l’une est devenue si familière qu’il est
facile d’oublier qu’elle est récente et contingente : nous voulons parler de l’État-nation.
C’est l’écologie du capitalisme qui a forgé l’État-nation. Pour créer ou recréer de
l’ordre social au moyen de choses cheapisées, il a fallu toujours associer force et
persuasion, coercition et consensus. Pour maintenir son hégémonie, comme l’a observé
Gramsci, il faut recruter et entretenir des forces dans toute la société, et les réunir en un
bloc continuellement capable de vaincre ses rivaux 3. C’est ainsi que l’idée de « nation »
fut fixée sur celle d’État, avec des conséquences imprévisibles, et qui continuent à
transformer la planète.
Maintenir les choses cheap coûte cher. Les forces qui représentent le droit et l’ordre,
nationales et internationales, sont une partie très coûteuse de l’écologie du capitalisme.
Si nous avons intitulé ce chapitre « Vies Cheap » et non « La cherté de l’État », c’est parce
que nous ne voulons pas parler des institutions étatiques, mais de leurs pratiques et de
leurs conséquences. Techniquement, les vies ne sont pas cheap au sens où les autres
choses le sont. Si vous comprenez pourquoi le capitalisme, pour cheapiser la nature,
avait besoin de cheapiser les vies, vous comprendrez quelles forces sont requises pour
entretenir la cheapisation de l’argent, du travail, du care, de l’alimentation et de
l’énergie. Et vous comprendrez aussi que, en ce qui concerne le gouvernement des vies,
l’institution moderne la plus sophistiquée et la plus complexe, celle de l’État-nation,
plonge ses racines dans la Renaissance. Plus important encore : l’ère de la cheapisation
des vies approche de sa fin, car les États voient leur marge de manœuvre de plus en plus
limitée, tant pour gérer les vies dont ils ont la charge que pour instituer des
environnements favorables au capitalisme libéral. Et nous ne disons pas cela avec plaisir,
mais remplis d’inquiétude pour ce qui pourra s’ensuivre. Nous sommes suffisamment
historiens pour savoir que la prochaine étape pourrait être bien pire que l’État-nation
libéral.
Comme pour toutes les autres choses cheap, les composantes de l’État-nation
moderne et de ses vies cheapisées datent d’avant le capitalisme. Les médecins de
l’Antiquité ou ceux de la Renaissance (tels Agrippa de Nettesheim, Paracelse ou Vésale)
ont produit des typologies humaines, sortes de lexiques où l’on peut lire, derrière les
positions naturelles des corps, toute une hiérarchie sociale 4. Les humains qui
ressemblaient à ces auteurs siégeaient au sommet de la hiérarchie. À l’autre extrême, on
trouvait les « monstres ». Les caractéristiques physiologiques de ces « monstres »
pouvaient être interprétées comme les manifestations de différences innées, fournissant
ainsi la base à l’idée de différentes races 5. Comme le sauvage, dont il est parent, le
monstre inquiète en ce qu’il transgresse la frontière séparant les humains des animaux
non humains. C’est l’idée de « monstre » qui accrédita l’idée du « sang pur » : impossible
d’imaginer une race pure sans la hantise de voir son sang souillé par une « copulation
répugnante 6 ».
Il y a longtemps que circulent des théories sur la hiérarchie des corps. Il faut un
certain type d’institutions pour les armer. L’État-nation est un exemple typique de ce
genre d’institutions. Il est né d’un mélange de capitalisme et de hasard. Pour
comprendre comment, nous devons revenir à la Peste noire.
Dans l’Europe de la fin du Moyen Âge, les communautés juives, en négociant avec
les différentes villes et communautés où elles vivaient, avaient tant bien que mal
continué à pratiquer leur religion. Mais il s’agissait toujours de trêves précaires. Pendant
les Croisades, Innocent III (pape de 1198 à 1216) publia une Constitutio Judaeorum qui
enjoignait aux rois de respecter les juifs 7. En même temps, cependant, il exigeait des
juifs, s’ils voulaient être protégés, qu’ils puissent être distingués en portant un insigne
« fait de feutre rouge ou de tissu jaune safran » – pour leur propre sécurité, et pour
empêcher les mariages avec les chrétiens 8. Cette politique du sang allait jouer un rôle
essentiel quand les juifs se virent accusés de meurtres de masse.
Les analyses ADN pratiquées récemment sur les squelettes de régions frappées par
la peste montrent que l’épidémie de 1347 fut causée par la bactérie Yersinia pestis 9. Elle
fut amenée en Europe par deux routes différentes : l’une passant par le sud de la France,
l’autre par la Norvège et les Pays-Bas. Le taux de mortalité de l’épidémie fut plus élevé
que ce qu’il aurait pu être, en raison des bouleversements socio-écologiques provoqués
par la fin de l’optimum climatique médiéval dont nous avons parlé au début de ce livre.
Mais les Européens du Moyen Âge avaient leurs fake news. Bientôt se répandit le récit
conçu par Ludovicus Sanctus de Beringen en 1348, selon lequel l’agent pathogène
survint au cours d’une scène digne d’un film de zombies : des navires ayant subi, en
Inde, des pluies de scorpions, accostèrent à Gênes, d’où ils furent renvoyés sur
Marseille. Les habitants découvrirent alors que les hommes des équipages étaient morts
ou mourants, et ils renvoyèrent les bateaux à la mer, mais trop tard pour endiguer
l’épidémie 10. Ludovicus Sanctus affirma que la peste avait été envoyée par Dieu pour
punir la reine Jeanne de Naples, qui avait assassiné son mari, André de Hongrie 11.
Mais d’autres théories rencontraient plus d’écho que la crainte de la contagion
orientale ou le sensationnalisme d’une femme tuant son propriétaire légal : c’était celles
qui pointaient du doigt les juifs. Ces derniers furent contraints, sous la torture, de dire
qu’ils avaient empoisonné les puits. Bien que Clément VI (pape de 1342 à 1352) ait
interdit en 1348 les meurtres extrajudiciaires de juifs, des massacres eurent lieu dans
toute l’Europe, au fur et à mesure que la peste consumait la population. Entre autres
horreurs, apprenez que le 9 janvier 1349, tous les enfants juifs de Bâle furent séparés de
leurs parents, baptisés de force, tandis que les six cents juifs adultes de la ville furent
brûlés « sur un banc de sable du Rhin 12 ». Des milliers de juifs furent assassinés dans des
pogroms sponsorisés par les villes et les États. D’autres se suicidèrent pour ne pas être
torturés et assassinés par leurs voisins. Ces atrocités se produisirent malgré des ordres
venus à plusieurs reprises de Rome. Le pouvoir de l’Église catholique sur les grands
centres du commerce européen commençait à décliner. Et on savait dorénavant que
certains humains pouvaient être transformés en choses.
L’idée de pureté de sang, le pouvoir de plus en plus grand des États par rapport à
Rome, et toute une littérature savante accréditant l’idée que les humains étaient
naturellement divisés en ordres, étaient donc en place. Tout cela fut utilisé pour
informer et promouvoir de nouvelles formes de gouvernance, et, là encore, l’espace où
s’expérimentèrent de nouvelles pratiques de contrôle socio-scientifique, ce fut la
frontière coloniale.
À la Nouvelle-Espagne, le système de castes – ou sistema de castas – émergea comme
une façon de gérer les citoyens, les impôts, les besoins de main-d’œuvre, ainsi que les
rapports avec Dieu. Ce système classait les gens en fonction de leur « sang » : à partir des
esclaves africains, des Peuples Indigènes et des Espagnols, de savantes combinaisons
firent émerger des catégories telles que les españoles (Espagnols), les peninsulares
(Espagnols et autres Européens nés en Europe), criollos (Espagnols et autres Européens
nés aux Amériques), indios (Indiens d’Amérique), mestizos (d’origine à la fois
européenne et indigène), castizos (Européens à 75 % et Indigènes à 25 %), cholos
(d’origine à la fois indigène et métisse), pardos (d’origine à la fois européenne, africaine
et indigène), mulatos (d’origine africaine et européenne), zambos (d’origine indigène et
africaine) et negros (Africains). Mais les complexités du genre, du sexe et de l’Histoire
imposaient leur propre vocabulaire et leur propre arithmétique :
1. español + negra = mulato
2. mulato + española = testerón ou tercerón
3. testerón + española = quarterón
4. quarterón + española = quinterón
5. quinterón + española = blanco ou español común
6. negro + mulata = sambo
7. sambo + mulata = sambohigo
8. sambohigo + mulata = tente en el aire
9. tente en el aire + mulata = salta atrás
10. español + india = mestizo real
11. mestizo + india = cholo
12. cholo + india = tente en el aire
13. tente en el aire + india = salta atrás
14. india + negra = chino
15. chino + negra = rechino ou criollo
16. criollo + negra = torna atrás 13
1. L’Américain. Americanus
2. L’Européen. Europaeus
3. L’Asiatique. Asiaticus
Il est jaunâtre, mélancolique, a la fibre raide. Cheveux noirâtres ; yeux bruns. Il est sévère, fastueux, avare. Il se
couvre de vêtements larges. Il est gouverné par l’opinion.
4. L’Africain. Afer
Il est noir, flegmatique, a la fibre lâche. Cheveux très noirs, crépus ; peau veloutée ; nez plat ; lèvres grosses ;
mamelles longues aux femmes qui allaitent. Il est rusé, paresseux, négligent. Il se frotte le corps d’huile ou de
graisse. Il est gouverné par la volonté arbitraire de ses maîtres.
Les relations sociales, dans les colonies espagnoles, étaient dictées par les besoins de
l’État espagnol et de ses créanciers, notamment les besoins en main-d’œuvre et en
contrôle de la main-d’œuvre. Les capitalistes anglais s’intéressaient aussi à la main-
d’œuvre, mais davantage encore à la terre 18. Les enclosures et la conquête de l’Irlande
leur avaient déjà assuré des travailleurs cheap. La grande priorité, pour le colonialisme
anglais, était donc la terre cheap.
En 1542, Henri VIII se déclara roi d’Irlande. Ce moment est intéressant pour voir
comment la frontière anglaise – plus tard britannique – fonctionnait en Irlande à la fois
comme un lointain avant-poste de la politique nationale et comme une colonie locale 19.
Nous avons vu, au chapitre 1, que les Anglais avaient enclos un territoire autour de
Dublin, le Pale, au-delà duquel se trouvaient les Irlandais. À partir de ce territoire, les
Anglais se lancèrent dans des activités de « plantations », modèles destinés à
« éduquer » les Irlandais en leur montrant comment l’agriculture devait être pratiquée.
Ce même XVIe siècle vit se produire différentes expérimentations de fermes modèles, qui
montraient avec quels dispositifs mécaniques et politiques on pouvait contrôler la
nature 20. Ces pratiques agricoles impliquaient toujours d’immenses exploitations tenues
par un propriétaire, avec des métayers et des artisans domestiques 21. Dans ces
plantations, il y avait des bovins, des ovins, du blé, du bois et des cultures spécialisées –
comme la guède et la garance (sources respectives des teintures bleue et rouge), ainsi
que le chanvre 22.
Les premiers colons prirent la peine de suivre le droit international en matière
d’acquisition de propriété. Les premières plantations anglaises étaient fondées sur des
contrats de bail avec des seigneurs irlandais. Dans d’autres cas, les plantations
résultaient de la guerre et du pillage : elles étaient une part légitime du butin. Mais tout
n’était pas aussi simple. Le système anglais, fondé sur des cultures arables et
commerciales, se heurtait au système irlandais, fondé sur des cultures pastorales, à
petite échelle, et destinées à l’approvisionnement alimentaire, moins soumise au
contrôle aristocratique qu’aux liens familiaux, et où, à la place de la règle de
primogéniture qui prévalait en Angleterre, la propriété était divisée entre les héritiers 23.
Les Irlandais se révoltèrent. Ils firent passer leur bétail sur des terres encloses par les
Anglais, qui répondirent militairement 24. Les révoltes qui ponctuèrent tout le XVIe siècle
conduisirent les Anglais à élaborer une autre stratégie au siècle suivant : un système de
plantations davantage fondé sur la force et la violence. La « Plantation d’Ulster » était
contrôlée directement par Londres. Les révoltes étaient réprimées avec de plus en plus
de violence, celle-ci étant légitimée par une justification nouvelle de la colonisation.
Alors que les paramètres légaux de la présence anglaise en Irlande étaient débattus, alors
que le droit international était en train de naître, les raisons que les Anglais invoquaient
pour justifier leur présence en Irlande commencèrent à inclure des idées de ce genre :
« Sa Majesté, en conscience, est tenue d’employer tous les moyens légaux et justes pour
amener son peuple de la barbarie à la civilisation […] car la moitié de leur terre est
inculte, privant ainsi celle qui est habitée de la moitié de sa valeur ; mais lorsque les
entrepreneurs [les colons] auront installé leurs plantations au milieu d’eux […], quand
cette terre sera entièrement peuplée et cultivée, 500 acres de terre auront plus de valeur
que 5 000 aujourd’hui 25. » Cet argumentaire, envoyé par un juriste colonial au comte de
Salisbury, expliquait donc que laisser des actifs aussi productifs entre les mains de
peuples incapables de les exploiter, était un véritable crime social. La sauvagerie des
Irlandais confirmait leur gestion inefficace de la terre, qui à son tour confirmait leur
sauvagerie. La nature, la recherche permanente de nouvelles frontières, et de nouvelles
formes d’ordre et d’économie, tous ces facteurs ne cessaient de se façonner les uns les
autres. Ce processus passa de l’Irlande au Nouveau Monde, grâce aux faits d’armes d’un
des héros anglais les plus vénérés, Sir Francis Drake, et à la plume d’un des apôtres du
libéralisme, John Locke 26.
L’État et la nation
L’ordre national s’imposa partout – pas seulement sur les champs de bataille, mais
aussi dans les cuisines et les chambres à coucher. Les mythes nationaux sont concrets,
matériels, intimes. Les habitudes sexuelles (confessées d’autant plus fréquemment
qu’elles faisaient l’objet d’une production littéraire de masse) 41 furent revendiquées par
les nationalistes comme un objet de préoccupation légitime. En France, par exemple, les
jacobins persécutèrent les travailleuses du sexe en tant qu’ennemies de la Révolution 42.
Mais la dimension physique d’une nation apparaissait aussi dans son alimentation, qui
retint également l’intérêt des nationalistes. Des phrases du genre « aussi américain que
l’apple pie », « aussi anglais que le rosbif » ou encore « aussi indien qu’un plat sans
bœuf 43 » – sont le produit d’un long travail.
Par le nationalisme, les États étendirent leur capacité de contrôle sur les citoyens à
toute la société : du travail productif au travail reproductif, des actions en faveur de la
monnaie à celles en faveur de la pureté alimentaire, ou encore à la politique de la santé
mentale. Comme le montre l’exemple d’Haïti, cependant, ce ne sont pas seulement les
bourgeoisies européennes qui adoptèrent et diffusèrent les idées et les technologies du
nationalisme. Parfois, l’idée de destin commun fut tournée contre les colonisateurs.
Dans les pays du Sud, les combats pour la libération du joug colonial inventèrent
leurs propres destinées nationales. La rébellion indienne de 1857 – ce que les Anglais
appelèrent la révolte des cipayes – fut un choc de nationalismes. Révoltés contre les
taxes, l’exploitation et l’injustice, les soldats indiens refusèrent de coopérer avec les
Britanniques. Ce furent les munitions qui déclenchèrent le soulèvement – à savoir une
nouvelle cartouche mise au point par les Britanniques en 1853 pour le fusil Enfield. Ces
cartouches arrivaient enveloppées dans un papier préalablement enduit de graisse de
porc et de bœuf. Les soldats musulmans et hindous ne voulaient donc pas, en suivant le
mode d’emploi, qui demandait d’ôter en mordant le bout des cartouches avant de les
utiliser, risquer d’être damnés. Les officiers anglais insistèrent. Le soulèvement qui
suivit déclencha une série d’insurrections de l’Inde à la Jamaïque.
Les Britanniques interprétèrent ce soulèvement comme une conséquence non pas
de leur colonialisme, mais de leur échec à comprendre que les Indiens étaient une nation
fondamentalement différente. Dès lors, plutôt que de continuer à essayer de les civiliser
et de les christianiser, le colon Sir Henry Maine proposa une nouvelle stratégie 44. Elle
était subtile et puissante – c’est une technologie de la gouvernance qui existe encore
aujourd’hui : il s’agit de l’invention de la catégorie d’« indigène » (native). Grâce à elle, le
gouvernement institua juridiquement et gouverna différentes communautés religieuses,
et différentes sectes à l’intérieur de ces communautés, accroissant ainsi le contrôle de
l’État sur les vies de ses sujets. Cette stratégie naquit de la résistance au colonialisme –
car comme le dit Mahmood Mamdani, « en prétendant protéger l’authenticité contre la
menace du progrès, les colons définirent et étiquetèrent les natives 45». On pourrait ainsi
définir la stratégie de la cheapisation des vies par ces deux mots : « Définir et
gouverner 46. » De ce régime, on retrouve l’héritage dans tous les États postcoloniaux, de
l’Afrique du Sud à l’Inde, en passant par le Canada et le Pérou. Mais la technologie
politique du « nativisme » fut impuissante à préserver la domination de la Compagnie
des Indes britanniques sur l’Inde 47. Dans les Suds, au cours des XIXe et XXe siècles, la
bataille pour l’indépendance nationale finit par être gagnée. Mais ces États-nations
continuèrent à exister dans l’écologie du capitalisme, avec des conséquences qui se font
de plus en plus sentir au XXIe siècle.
Nationalismes alternatifs
Nos choses cheap ne se sont pas créées toutes seules, comme par magie. Elles sont
nées, à l’époque moderne, d’une violente alchimie d’idées, de conquête et de commerce.
Au cœur de ces choses cheap, on trouve une série de binômes étroitement liés entre eux,
dès le départ : Société et Nature, colonisateur et colonisé, homme et femme, l’Occident et
le Reste, les Blancs et les non-Blancs, les capitalistes et les travailleurs. Chacun de ces
dualismes a servi à décrire et à catégoriser le monde, mais aussi, très concrètement, à
dominer et à cheapiser les vies de presque tous les humains et du reste de la nature.
Comprendre le capitalisme comme une écologie mondiale du pouvoir, du capital et de la
nature nous fait voir comment chacune de ces moitiés est profondément imbriquée dans
l’autre, comment les puissants ont travaillé pour contrôler les fausses frontières qui les
séparaient, et avec quelle énergie ces frontières ont été contestées.
Dès le départ, esclaves, Peuples Indigènes, femmes, travailleurs – qui ne sont pas
des catégories exclusives les unes des autres, comme nous l’avons vu – ont résisté à ce
système de binômes. Même à l’aube du capitalisme, il y a eu des troubles aux frontières,
lorsqu’à Madère, par exemple, travailleurs libres et esclaves fraternisèrent et résistèrent.
Leurs vies étaient cheapisées, ils subissaient le mépris de leurs maîtres et de leurs
patrons : ils se révoltèrent. Ce refus, de la part de nombreux Peuples Indigènes et de
nombreux travailleurs, de se fondre dans le moule de l’écologie du capitalisme – dans le
passé comme aujourd’hui – est aussi ce qui a conduit les gouvernements et les
investisseurs à se mettre en quête de nouveaux terrains de production, de nouveaux
modèles d’ordre, de profit et d’extraction.
Face aux stratégies capitalistes, il n’y a pas de modes d’emploi menant
immanquablement au succès. Nous créons nos idées politiques à partir des idées de
notre temps. Nous sommes des créatures issues de l’écologie capitaliste et, de ce fait,
comme nous l’avons vu dans l’introduction, nous sommes mal préparés pour affronter
la phase de transition que cette écologie a engendrée.
Prenons par exemple les tentatives actuelles de traiter le problème de la nature
cheap. Si vous voulez voir un amalgame moderne entre cartésianisme et pensée
capitaliste, voici un exercice : allez sur Internet, trouvez un calculateur d’empreinte
écologique et répondez à ses questions. On vous expliquera combien de planètes il
faudrait si tout le monde vivait de la même façon que vous. (La moyenne de notre
empreinte à tous les deux est de quatre planètes : nous n’en sommes pas fiers.) Les
environnementalistes de gauche utilisent l’empreinte écologique pour mettre en
évidence le fait que les humains font exploser 1 le cadre de la capacité porteuse de la
planète. Depuis les années 1960 en effet, ils mesurent la surpopulation à travers « non pas
la densité de population, mais par le nombre de personnes présentes dans une surface
donnée, relativement à ses ressources et à la capacité environnementale de soutenir des
activités humaines 2 ». La surpopulation est, autrement dit, définie à partir d’un calcul de
la capacité porteuse. Croire que cette notion de capacité porteuse va de soi, c’est rejeter
la responsabilité des destructions environnementales à venir sur le dos des pauvres et
des travailleurs des pays du Nord comme du Sud, qui luttent pour un semblant de parité
avec ceux qui programment le calculateur d’empreinte. Cette pensée malthusianiste
rend le désespoir inévitable, et inévitablement raciste.
Les limites de la production, de la consommation et de la reproduction sont fixées
par le système dans lequel nous nous trouvons. Ces limites ne sont ni extérieures ni
intérieures, mais les deux à la fois, nouées ensemble par l’écologie du pouvoir, de la
production et de la nature, induite par le capitalisme. L’« empreinte individuelle » nous
conduit à penser que la consommation est déterminée non pas par des formes de
contrainte sociale, mais par des « choix de vie 3 ». Si la gentrification vous a chassé de
votre ancien quartier, de sorte que vous devez maintenant faire une heure de trajet pour
vous rendre sur votre lieu de travail, votre empreinte écologique n’est pas un choix de
vie. On pourrait seulement parler de « choix » au sens où les paysans anglais, une fois
chassés de leurs terres, étaient « libres » de trouver du travail salarié – ou bien de mourir
de faim. Pire encore, la logique de l’empreinte nous fait croire que les moteurs de la crise
planétaire sont à chercher dans des agrégats de « gens » et de « consommation », plutôt
que dans une dynamique systémique, capitaliste et impériale. Souvenez-vous : au XIIIe
siècle, à la veille de la famine, de la Peste noire et de la crise féodale, les paysans
normands auraient pu produire davantage si leurs seigneurs féodaux le leur avaient
permis. Les paysans d’aujourd’hui font des revendications similaires, et ils ont de
bonnes preuves pour affirmer que la culture agro-écologique peut avoir un meilleur
rendement, et capturer plus de carbone que l’agriculture industrielle 4. De nombreux
mouvements féministes se sont battus pour l’autonomie des femmes sur leur propre
corps (avec, entre autres conséquences, une baisse du taux de fertilité). Et pourtant, ni
l’autonomie paysanne ni le féminisme ne sont pris en compte comme facteurs
permettant d’influer sur le bilan carbone. La notion d’empreinte, comme tant d’autres
notions des environnementalistes d’aujourd’hui, rejoue la séparation Nature / Société
qui accompagne depuis le début la dynamique du capitalisme. Rappelez-vous ce que
nous avons dit de l’Anthropocène.
Pour défendre le calculateur d’empreinte, on pourrait poser la question suivante :
est-ce qu’il ne permet pas de reconnaître la réalité de notre temps, de la crise planétaire,
des changements climatiques sans précédent, de l’extinction de masse ? Certes. Mais ces
façons de penser expliquent le désastre actuel en sous-estimant systématiquement le fait
que le présent est le produit de la longue durée, de la longue et sanglante histoire du
pouvoir, du capital, de la société de classes – longue histoire qui s’est depuis des siècles
enchevêtrée dans le tissu du vivant. Ce qui est en jeu maintenant, c’est la façon dont nous
nous représentons la population, la nature et leurs limites. Écoutons Nathan Sayre,
géographe à Berkeley :
En disant que le concept de capacité porteuse a des limites, je ne prétends pas que les limites qu’il prétend spécifier
sont inexistantes ou sans importance – loin de là. Simplement, je veux souligner que ces limites sont rarement
statiques ou quantifiables, encore moins prévisibles et contrôlables. On peut comparer le monde à un navire, mais
cela ne fait pas du monde un navire. Concevoir les limites environnementales en faisant abstraction du temps et de
l’Histoire – comme des limites intrinsèques à une nature idéalisée –, c’est confondre un modèle de la réalité avec la
réalité elle-même […]. Le concept de capacité porteuse a-t-il un sens en dehors de l’idéalisme inhérent à son
histoire ? C’est loin d’être clair. Ce qui est clair, en revanche, c’est que c’est un bien médiocre outil théorique 5.
Il existe heureusement des mouvements qui ont des outils théoriques plus solides
pour comprendre comment on pourrait transformer nos relations à l’intérieur du tissu
du vivant, et ces mouvements sont en bonne position pour développer une contre-
hégémonie post-capitaliste 6.
Par exemple, le mouvement paysan international « La Via Campesina » sait
l’importance du changement climatique, et combien il est essentiel de respecter la nature
et la vie humaine 7. Nombreux, parmi ses membres, outre leur combat pour les pratiques
agro-écologiques et « la fin de toutes les formes de violences contre les femmes 8 »,
comprennent le besoin de stabilité – accès au crédit, au stockage du grain, à l’énergie, aux
services de vulgarisation, aux routes connectant les villes aux campagnes.
Dans cette ancienne colonie que sont les États-Unis, le Movement for Black Lives
publie des bulletins sur tous les sujets qui comptent politiquement : de l’énergie fossile
au financement communautaire en passant par la militarisation et – ce qui est crucial –
les réparations 9. Les mouvements défendant les droits des handicapés n’ont pas
seulement critiqué la façon dont étaient construits les espaces publics, mais aussi le rôle
qu’y jouaient la race, le genre et la classe 10. Aux Amériques, les femmes indigènes, dont
les corps ont été, depuis six siècles, en première ligne de l’écologie du capitalisme,
mettent en lumière aujourd’hui cette violence 11. Au Canada, les manifestations de Idle
No More, et celles qui se sont déroulées à Standing Rock dans le Dakota du Nord, sont
déterminées à affronter la colonialité du pouvoir. Le mouvement socialiste et féministe
argentin Pan y Rosas (« Du Pain et des Roses ») lutte contre le féminicide. Et des
propositions de stratégie pour résoudre la crise du changement climatique se sont avérés
des points d’organisation et de convergence, pour tout un ensemble de penseurs et de
militants, attelés à la tâche de réfléchir aux redistributions de ressources spectaculaires
que nécessitera un au-delà du capitalisme 12.
Reconnaissance
Réparation
Il n’est pas facile de calculer la souffrance ni le prix de sa compensation. Chercher
une méthode de calcul, c’est croire que le Livre des Morts est un sous-genre des livres de
comptabilité, avec double entrée : une pour les pertes, une autre pour les restitutions. La
réparation n’est jamais si simple, ni si définitive. Prenez l’exemple du Guatemala. Le
livre de Diane Nelson, intitulé Reckoning (« L’Estimation »), raconte le recensement et
l’évaluation des désastres de la longue guerre déclenchée par la United Fruit Company
pour sauver son monopole sur la production de bananes cheapisées, après qu’une
tentative de réforme agraire eut provoqué un coup d’État orchestré par la CIA. Nelson
suit pas à pas les longues revendications pour obtenir justice et réparations. Elles
aboutirent au paiement d’une dette pour crimes de guerre, qui servit en partie à planter
des arbres. À propos de l’un de ses informateurs, elle écrit ceci : « À Joyabaj, le mari de
doña Miguela a reçu de l’argent, mais il n’a rien planté. Elle est furieuse, parce qu’il a
dépensé l’argent avec une autre femme, au lieu d’aider leur fils à se rendre aux États-
Unis 16. » Sous une autre plume, ce pourrait être le signe de ce que les réparations sont
absurdes, et qu’il ne sert à rien de vouloir changer une chose quand il faudrait que tout
change. Mais Nelson donne cet exemple comme la démonstration de la victoire d’un
effort politique, que l’État a passé des décennies à tenter d’écraser. Le fait que la
réparation ait été dépensée d’une façon qui contredisait le sens de cette réparation est un
bien meilleur problème que celui de n’avoir reçu aucune réparation.
Il est également important de rappeler que les États ne sont pas les seules
institutions responsables de dommages. Les entreprises aussi ont des dettes. Prenez
Dow Chemical – aujourd’hui propriétaire de Union Carbide, à l’origine de la catastrophe
de Bhopal – ou encore les entreprises dont les coffres, pour le dire avec le Movement for
Black Lives, ont été remplis de « richesses extraites de nos communautés par le racisme
environnemental, l’esclavage, l’apartheid alimentaire, la discrimination au logement et
le capitalisme racialisé 17 ». Mais la balance des comptes ne sera jamais équilibrée. Non
pas parce qu’il est impossible de calculer le prix de la souffrance et de la vie, mais parce
que le processus de réparation implique une discussion historique. Il n’y a pas d’« année
zéro » à partir de laquelle on pourrait compter les victimes de l’esclavage, de la conquête
et de la guerre de classes. Enfin, comprendre la longue série de dommages causés par
l’écologie du capitalisme, sur qui et sur quoi ces dommages ont été infligés, tout cela va
nécessiter non seulement de l’argent, mais l’imagination d’une redistribution non
monétaire.
Nous reconnaissons que l’écologie de la réparation a un prix. Cela ne se fera pas
sans heurts. Proposer une alternative au capitalisme est aussi bienvenu aujourd’hui qu’il
y a quatre siècles, lorsque la sorcière anonyme de Tlaxcala fut mise à mort 18. Quand les
communistes américains le firent, dans les années 1950, ils furent persécutés. Quand les
environnementalistes le font aujourd’hui, ils deviennent eux aussi la cible des États 19.
Pratiquer la décolonisation est plus dangereux que faire preuve de solidarité, parce que
plus efficace 20. Les questions posées par cette pratique sont aujourd’hui : « Qu’est-ce que
tu as ? », « Comment te le procures-tu ? », et, de façon peut-être plus subversive,
« Qu’est-ce que tu veux ? ». Répondre à ces questions, c’est distribuer les ressources sur
la base de critères qui ont peu à voir avec le capitalisme de marché. Bien sûr, les marchés
attribuent des ressources, mais ce que nous avons en tête est une forme assez différente
de redistribution.
Redistribution
Il suffit de voir comment le genre a pesé sur les réparations versées au Guatemala
pour comprendre qu’une compensation en argent pour des crimes commis ne suffit pas,
en tant que telle, à faire advenir la justice. L’écologie de la réparation, en revanche, ne
demande pas : « Qui reçoit quoi ? », mais : « Qui a reçu quoi, et qui doit payer pour
cela ? ». Dans le cas du patriarcat, la redistribution du travail domestique est un élément
central de ce que doit impliquer, selon nous, l’écologie de la réparation. De même, nous
souhaitons que cette redistribution fournisse de l’énergie pour chauffer ou rafraîchir les
maisons, ainsi qu’une alimentation, qui soient coupées des impératifs du capitalisme,
étant l’une et l’autre administrées sur le régime des communs. Pour y parvenir, il faut
des terres et des lieux où les humains puissent être en lien avec la vie extrahumaine, des
zones d’engagement où les humains puissent, au quotidien, renouer avec le tissu du
vivant. Ceci réclame un effort permanent de réimagination.
Réimagination
Récréation
On assiste aujourd’hui à une floraison d’essais appelant à la fin du travail, basés sur
l’idée que les robots se chargeront des tâches pénibles, libérant ainsi les humains pour
une vie de loisir illimité 24. Bien que ces analyses risquent toujours d’oublier les relations
violentes et intimes qui lient le machinisme capitaliste et la cheapisation de la nature,
nous sommes heureux qu’ils diffusent l’espoir d’un monde où les humains pourront
trouver un sens à leur vie et une dignité, en dehors de l’éthique du travail protestante,
qui est elle-même un héritage colonial 25. Mais dire cela, ce n’est pas attaquer le travail.
C’est exiger que le travail ait un sens, qu’il soit source de plaisir – et une dissolution
libératrice de la relation entre travail, vie et jeu, grâce à la lutte des travailleurs. Sur ce
point, nous trouvons utile l’idée de justice contributive. La justice réparatrice a eu un
peu de succès dans le système de justice criminelle américain, comme une alternative à
l’incarcération 26. La logique de la justice réparatrice est de ramener la situation à un statu
quo. Mais si le statu quo n’est pas si heureux, voire carrément horrible ? À propos du
travail éreintant de l’agro-écologie, Cristian Timmermann et Georges Félix écrivent que
la mise en pratique de connaissances approfondies, l’indépendance, et la connexion au
tissu du vivant, offrent une chance, non seulement de gagner sa vie en travaillant, mais
aussi de faire avancer la cause de la justice, de s’améliorer soi-même, de rendre meilleurs
et la communauté où l’on vit, et le monde 27. Les joies à la fois du loisir 28 et du bon travail
sont ce que nous célébrons quand nous parlons d’« écologie de la réparation ».
Ces idées proposent une façon de penser au-delà du monde des choses cheapisées,
d’imaginer comment nous pourrions vivre en dehors du schéma fictif de la Nature et de
la Société et des stratégies de l’écologie du capitalisme. Si cela sonne révolutionnaire,
tant mieux.
NOTES
Introduction
3. Carrington 2016 ; Working Group on the “Anthropocene” 2016. Nous nous référons ici
à l’Anthropocène comme champ d’étude géologique : l’Anthropocène géologique. Il se
distingue de son sens courant, l’Anthropocène populaire, qui embrasse une discussion
plus large sur les origines de la crise écologique. Cf. Moore 2016, 2017a, 2017b.
8. On suppose que les humains en Afrique ont conduit la mégafaune à s’adapter – ce qui
expliquerait l’absence presque complète de toute forme d’extinction là-bas. Cf. par
exemple les simulations de Channell & Lomolino 2000.
19. McMichael 1998 ; Kaimowitz & Smith 2001 ; Gale, Lohmar & Tuan 2005.
20. Nous mettons des capitales parce que les mouvements des Peuples Indigènes en ont
décidé ainsi.
21. Jowett 1914, p. 383-385. Cf. aussi le parcours proposé par Glacken (1967), tout au long
de l’Histoire, des questions posées par les hommes à la nature : a-t-elle été faite pour les
humains ? Sa géographie physique a-t-elle changé les hommes ? Et les hommes ont-ils
changé son état originel ?
34. Ziegler 2013, p. 40. La bibliographie sur la Peste noire est immense. Cf. par exemple
McNeill 1976 ; Cantor 2002 ; Ruddiman 2005 ; DeWitte 2015.
38. Calculé par Broadberry, Campbell & van Leeuwen 2011. Cf. aussi Lappé et al. 2013 ;
sur le déclin de la productivité, Broadberry et al. 2010, p. 36.
39. Levine 2001, p. 325-400 ; Hilton 2003, en particulier p. 95-133 ; Cohn 2007b.
45. Les chats se distinguent par leur indifférence aux douceurs (Li et al. 2005), mais ils
ont toujours été bizarres.
56. Madère s’effondra dans les années 1520 et passa dans les années 1550 à Sao Tomé,
qui s’effondra et passa dans les années 1590 au Pernambouc, qui s’effondra et passa
dans les années 1630 à Bahia, qui s’effondra et passa dans les années 1680 à la Barbade,
qui s’effondra et passa à la Jamaïque et à Haïti dans les années 1720-1750.
60. Le travail pionnier sur la façon dont le sucre a transformé le monde est Mintz 1985.
65. Barnhill 2005 ; L. Williams 2012, p. 95. Proposons aussi le mot grec oikeios pour
désigner ce processus créatif et pluriel par lequel de la vie se fait, à travers lequel passe
toute l’activité humaine, et qui échappe constamment aux efforts des hommes pour le
contrôler. Cf. Levins & Lewontin 1985 ; Moore 2015.
77. Cf. par exemple Fine (2001), qui pourfend le non-sens de la théorie du « capital
social ».
82. Piketty 2014 ; recourant aux fiches de paie plutôt qu’aux archives fiscales,
Galbraith & Hale 2014 ; avec une différente technique mais des résultats apparentés,
Veblen (1899) 1973.
87. Au passage, c’est la raison pour laquelle le Manifeste du parti communiste de Marx et
Engels dit que toute l’Histoire est l’histoire de la lutte des classes – en raison de cet aller
et retour permanent, de cette dialectique, entre la résistance des travailleurs et la
domination bourgeoise.
92. Après les premiers voyages d’exploration, les capitaines des vaisseaux coloniaux
emmenaient leurs femmes, familles, et domestiques (Boxer 1975). Les archives ne disent
presque rien de ces femmes, si l’on met à part les testaments occasionnels où une femme
riche dispose de ses biens (esclaves, habits, meubles). Il est cependant évident que le
travail reproductif des femmes était contrôlé. Les esclaves qui couchaient avec des
femmes libres blanches étaient exécutés (Vieira 1996).
95. Pour une discussion sur le travail des femmes dans l’Europe de la première
modernité et dans l’Europe moderne, cf. Honeyman & Goodman 1991 ; Frader 2004 ;
Wiesner-Hanks 2008. Cf. aussi les excellentes discussions in Meade & Wiesner 2004 ;
Delle, Mrozowski & Paynter 2000.
96. Comme le note Silvia Federici dans son ouvrage du même nom (2004), Caliban et la
sorcière – qui représentent, respectivement, les peuples de couleur et les femmes
refusant leur place dans le nouvel ordre – sont des phénomènes capitalistes
contemporains. [Caliban est un personnage de La Tempête de Shakespeare. Ajoutons,
pour aller dans le sens des auteurs, qu’il est le fils d’une sorcière nommé Sycorax (NdT).]
104. Holt-Giménez & Patel 2009 ; Aldrete 2013. Cf. aussi, plus généralement,
De Ste. Croix 1981.
108. Ervin & Ogden 2013 ; Sheiham & James 2014. Cf. aussi, plus généralement, le travail
de la World Public Health Nutrition Association.
110. Ce bois est ainsi un exemple des premières « récoltes flexibles » (Borras et al. 2014).
117. Moore 2015. Cf. aussi Moore 2016 ; Moore et al. 2017 ; C. Campbell & Niblett 2016.
L’écologie-monde est un sujet sur lequel on publie de plus en plus de travaux. On peut
par exemple consulter : www.academia.edu/Documents/in/World-Ecology.
124. Garrett & Jackson 2015, p. 288, citant Walker in Alice Walker: Beauty in Truth (real.
Pratibha Parmar, 2013).
125. Nous nous inspirons ici, avec gratitude, de Watts 1983 ; Peet & Watts 2004.
1. La nature cheap
3. Un exemple plus tardif est donné par Simpson & Weiner (1989), qui citent l’Essai sur
l’entendement humain de John Locke (1690) : « La brutalité de certaines nations sauvages
et barbares. »
5. Foucault 2003.
7. Pomeranz 2000.
8. Gunaratne 2001.
9. Lo 1955.
12. Sohn-Rethel 1978 ; Jameson 1998 ; Toscano 2008 ; Schneider & McMichael 2010 ; La
Berge 2014 ; Toscano 2016.
18. Mumford 1934 ; Kicza 1992 ; Sued-Badillo 1992 ; Abulafia 2008 ; Bleichmar 2009.
19. Modest 2012, p. 86. Cela étant dit, il serait plus juste de dire que Colomb ne fut pas le
premier à voir le Nouveau Monde. Il avait ajouté un pourpoint de soie aux dix mille
maravédis annuels que le roi et la reine d’Espagne avaient promis pour le premier qui
verrait les Indes. Un marin nommé Rodrigo de Triana repéra l’étendue de terre à
2 heures du matin le 12 octobre 1492 (Colomb 2003). Mais Colomb garda la récompense,
qui lui fut versée jusqu’à sa mort, et financée par une taxe sur les bouchers de Séville.
22. Stavig 2000. Ce sens de l’espagnol natural, comme nature et society en anglais, se
transforma également pendant cette période, passant du sens « natif d’une ville
particulière » à « appartenant à la nature ».
28. De Vries & Van der Woude 1997 ; Moore 2010a, 2010b.
30. Bacon 1861, p. 296. Pour une critique venue du féminisme, cf. Merchant 1980 ;
Harding 1991. Les défenseurs de Bacon sont légion – voyez par exemple Soble 1995 ;
Vickers 2008 – mais l’acte d’accusation (cf., tout récemment encore, Merchant 2013) nous
convainc bien davantage.
32. Dussel 2014, p. 44. Cf. aussi Grosfoguel & Mielants 2006.
39. Presque toujours, la prolétarisation est partielle. Il serait plus juste de parler de semi-
prolétarisation. Cf. Wallerstein 1983.
50. Ainsi s’exprimait le comte de Northampton, conseiller d’Henri VIII (cité par Lustick
1985, 23). Cf. aussi Ohlmeyer 2016. Les Irlandais réagirent, entre autres, par
l’instauration du rundale, une forme de propriété agricole commune, et de gestion
collective des terres, qui offrait une alternative à la domination anglaise. Mais à la fin, les
groupes de travailleurs durent émigrer en Écosse pour trouver du travail. Cf. Yager
2002 ; Gannon 2015.
57. Bromwich 2016. Sur le long terme, il existe un lien étroit entre la fréquence et
l’intensité des inondations, et des changements climatiques même relativement faibles
(Knox 1993).
2. L’argent cheap
1. Harrisse 1888. Colomb fit aussi un riche mariage, mais dès 1484, son obsession de
franchir l’Atlantique l’avait couvert de dettes (Mohawk 1992, p. 26).
2. La famille Centurione avait aussi des intérêts dans les mines d’alun, un ingrédient
essentiel de la manufacture de la laine.
3. Catz 1993, p. 22-23.
5. Kicza 1992.
11. Neal (2015) résume bien la préhistoire de la monnaie dans son ch. 1.
14. Pour en savoir plus sur la guerre et les tendances à long terme des taux d’intérêt,
cf. Hills, Thomas & Dimsdale 2010.
30. Day 1978, p. 47 ; Ruggiero 2015. La forte augmentation de la rapidité des échanges
dans l’Europe du Nord-Ouest contribua de façon décisive à réorienter les flux de lingots
d’argent vers Anvers, au détriment de Venise et de Dantzig (aujourd’hui Gdansk).
Cf. Munro 2003, p. 11. Avec une offre de lingots en expansion, et une plus grande
rapidité des échanges, le prix de la monnaie déclina. Les taux d’intérêt à Anvers ont
peut-être baissé de 50 % entre 1480 et 1520. Les taux d’intérêt en Italie chutèrent
également, mais beaucoup moins, peut-être de 20 % (Homer & Sylla 1996, p. 142 ;
cf. aussi Koenigsberger & Mosse 1968, p. 50).
43. Pour faire le suivi des finances publiques, une double comptabilité était nécessaire.
Les premiers registres de la Casa, datant de 1340, sont de ce format. Bien que ce système
ait été développé également en Corée (O. Miller 2007) et se soit inspiré d’idées venues
du Moyen-Orient (Zaid 2004), il n’est pas indifférent de voir que cette technique figure
aussi dans la finance moderne. Ce n’est pas non plus un hasard si les comptables sont les
bourreaux du système financier (les économistes en étant les dramaturges surpayés).
44. Felloni & Laura 2014, p. 65.
65. Suárez de Figueroa (1617) 1914, p. 20, cité dans Elliott 1992, p. 96.
68. Palmer 1974, p. 561. Cela n’avait rien d’exceptionnel : à la veille de la Révolution, en
1788, les dettes de la France pour ses dépenses militaires atteignaient 75 % (Michael
Duffy 1980, p. 7). Cf. aussi P. Anderson 1975, p. 32-33.
70. P. Anderson 1975, p. 70. En valeur nominale, les revenus triplèrent – nous estimons à
la baisse en tenant compte de l’inflation des prix.
76. Studnicki-Gizbert & Schecter 2010, p. 96. Cf. aussi Moore 2010d.
82. Flynn & Giráldez 1995, p. 205. Cf. aussi Flynn 1984.
89. Hildyard 2016. Le succès de la « microfinance » a encore élargi la base d’où est extrait
le capital – notamment, dans les pays du Sud, aux femmes (Keating, Rasmussen & Rishi
2010 ; Roy 2010).
90. Varoufakis 2016.
95. EU 2017.
3. Le travail cheap
3. W. Phillips 2013.
4. Stevens-Arroyo 1993.
6. On peut voir là l’origine du savoir comme forme de contrôle, bien avant que le savoir
biopolitique apparaisse sur le radar de Foucault. Nous y revenons au chapitre 4.
8. Reséndez 2016.
18. C’est là, soit dit en passant, l’origine de la banque alimentaire moderne.
30. F. R. Godfrey, cité dans Select Committee of the Legislative Council on the Aborigines
1859, p. 71, dans Nanni 2011, p. 12.
33. Sahlins 1972, p. 24 ; Harris 1978. Cf. aussi Minge-Klevana et al. 1980 ; Fischer-
Kowalski et al. 2010. Les disciplines de la gestion du temps ne sont jamais totalement
effectives. Les salariés, en traînant les pieds, volent du temps et résistent à leurs
employeurs. Cf. J. C. Scott 1985.
44. La tragédie de cette antinomie est apparue encore récemment, en septembre 2016, à
propos du projet du Dakota Access Pipeline – un pipeline de presque 1 900 km destiné à
acheminer du pétrole brut du Dakota à l’Illinois. L’AFL-CIO, le principal syndicat de
travailleurs aux États-Unis, a fait appel au gouvernement pour achever le pipeline, alors
même que les Sioux de Standing Rock et leurs alliés parvenaient à construire une force
d’opposition à cette incursion du gouvernement fédéral sur leurs terres et à cette menace
sur leurs ressources en eau. Mais les Sioux trouvèrent également du soutien dans les
mouvements de travailleurs, comme le syndicat National Nurses United, qui déclara que
le projet était « une menace permanente contre la santé publique » (Registered Nurse
Response Network 2016). Cette convergence de forces syndicales, écologiques et
indigènes (First Nation) est un développement entrevu par James O’Connor il y a trente
ans (1988). Au fur et à mesure que le capitalisme annexe des domaines clés de la
reproduction socio-écologique, il ne menace pas seulement le bien-être des êtres
naturels, humains ou non, mais établit aussi de nouvelles formes de lutte anticapitaliste.
54. Cette lutte autour de visions d’un monde différent est une lutte internationale.
Cf. par exemple Silver (2003).
63. Fitzgerald 2003, p. 157-183. Kagarlitsky (2008) conteste avec efficacité la thèse selon
laquelle le projet soviétique se serait développé à l’intérieur du cadre idéologique et
géographique du « communisme », loin des circuits du capitalisme. L’industrialisation et
l’agro-industrialisation dépendait en réalité très fortement des imports – et du crédit –
des principaux États capitalistes.
64. Josephson 2013, p. 74. Josephson (et d’autres) a du mal à mettre en évidence quelles
différences exactement distinguaient les visions de la nature soviétique et capitaliste.
73. Mies 1986 ; Werlhof 1988 ; Federici 2004 ; Moore 2015 ; Habermann 2016.
4. Le care cheap
1. O’Connell 2004.
3. Malgré l’héritage de sa femme, Colomb n’avait pas la capacité de financer son voyage
transatlantique. Il lui fallait dépendre des Génois.
4. Barreto 1992, O’Connell 2004 et d’autres proposent un débat, qui n’est pas encore clos,
sur la relation entre Colomb et sa femme.
6. Michele de Cuneo, in Morison 1963, p. 212, cité par Keller 1994, p. 59.
7. Ibid.
9. Berna et al. 2012 ; Bowman et al. 2009. Voyez aussi Balée 2006. Nous avons l’intention
d’introduire la dimension du « genre » dans le domaine de l’écologie historique.
10. Zamora 1990. Pour une plus ample discussion, cf. Trexler 1995.
20. Nous empruntons le titre de cette section à Bayly 2004, p. 49, et prolongeons ici son
idée.
30. Gouge 1622, p. 1. Cf. saint Paul, Lettre aux Éphésiens, 5, 21.
31. Federici 2004 ; Mies 1986. Cf. aussi les travaux importants d’Ariel Salleh (par
exemple, Salleh 1997).
41. Belsey (2013) n’est pas d’accord, mais il est très probable qu’Andrews ait été un
propriétaire agricole astucieux et prospère.
47. McKeon 1995. Cf. aussi Snell 1987, dont les données, ainsi que le fait remarquer
McKeon, proviennent exclusivement du sud de l’Angleterre.
50. Ibid., p. 5.
58. Connell 1990, p. 511, montre comment cette conception d’un citoyen nominalement
asexué persiste dans les théories libérales.
63. Remarquez également que, après avoir créé la catégorie de « femme », les colons
blancs leur donnèrent le droit de vote parfois des décennies avant que les métropoles le
leur accordent (Connell 1990, p. 521).
66. Atkins (1735) 1970, p. 50, cité dans Morgan 1997, p. 188.
72. Connell 1995 propose une vue d’ensemble ; Strasser & Tinsman 2010 offrent une
excellente bibliographie en matière d’études latino-américaines.
80. Cowan 1983 ; Bittman, Rice & Wajcman 2004. Kenyon (2010) montre les limites des
enquêtes d’emploi du temps pour saisir cet accroissement des exigences pesant sur le
temps des femmes : encore un signe de l’impact de l’écologie du capitalisme sur la
grande domestication.
95. Rosen 2000 ; Fraser 2012 ; Goldberg 2014. Pour l’importance des syndicats, cf.
Schlozman, Burns & Verba 1999.
98. Segato 2014. Ces attaques peuvent prendre la forme systématique d’une intervention
culturelle, comme dans la persistance de chasses aux sorcières en Afrique. Federici 2008.
5. L’alimentation cheap
3. Ibid., p. 232-233.
4. Ratekin 1954.
8. Bien sûr, la gamme des systèmes alimentaires va bien au-delà des « plantes de
civilisation », et comprend aussi le pastoralisme, la culture sur brûlis, les communautés
de pêcheurs et le nomadisme.
9. Patel & McMichael 2009 ; Bruins & Bu 2006.
11. Pour d’excellentes études sur la révolution agricole anglaise, cf. par exemple Thirsk
1987 et Overton 1996.
12. Calculé à partir de Clark 2002. Ce n’est pas en Angleterre qu’est née la première
révolution agricole moderne, mais en Hollande, où les Anglais sont allés apprendre les
rudiments de l’agriculture capitaliste. Mais la démographie et la taille de l’Angleterre,
associées à une augmentation de l’exploitation du charbon, font de sa révolution agricole
un thème de discussion fort utile.
13. Ormrod 2003, p. 213-218 ; calculs basés sur Davis 1954, p. 302.
16. R. Davis 1954. Cf. aussi Moore 2010c ; Broadberry, Campbell & van Leeuwen 2011.
20. Lipsett-Rivera 1990 ; Arroyo Abad, Davies & van Zanden 2012.
23. Mantoux 1961, p. 141-142 ; Slicher van Bath & Ordish 1963, p. 319 ; R. Jackson 1985.
49. Advisory Committee for Agricultural Activities 1951, p. 4, cité dans Brinkmann 2009,
p. 5.
54. Calculé d’après Cochrane 1979, p. 128 ; EPI 2012, 2013, 2014.
55. Moore 2010c.
83. Fuglie, MacDonald & Ball 2007 ; Matuschke, Mishra & Qaim 2007.
86. Peng et al. 2004 ; Cerri et al. 2007 ; Kucharik & Serbin 2008 ; Lobell, Schlenker &
Costa-Roberts 2011 ; National Research Council 2011 ; Challinor et al. 2014 ; Shindell
2016.
6. L’énergie cheap
5. Teng 1927.
9. Parker 2014.
16. Ce fonctionnement a été montré depuis maintenant plus d’un siècle. Cf. par exemple
Luxemburg (1913) 2003 ; Wallerstein 1974 ; Bunker 1985.
17. Leach 1987, p. 64 ; Nathan & Kelkar 1997 ; Gylfason & Zoega 2002.
23. Smil 2010, p. 83 ; R. Allen 2013 ; Oram 2013. En ce qui concerne la densité
énergétique de la tourbe, Wrigley (1990, p. 59) est moins optimiste : d’après lui, elle ne
représente que la moitié de celle du charbon.
30. Zeeuw 1978 ; De Vries & van der Woude 1997, p. 182.
32. De Vries & van der Woude 1997 ; van Dam 2001.
42. Van Zanden 1993, p. 172, cité par Davids 2008, p. 18.
45. Nef 1934 ; De Vries & van der Woude 1997, p. 37-40.
46. Nef (1964) offre une description classique de la première industrialisation. Cf. aussi
Moore 2016, p. 78-115 ; 2017a.
47. Solin, Collectanea rerum memorabilium (Polyhistor), p. 22, cité par Freese 2003, p. 15.
79. La production mondiale de pétrole a augmenté de 7,79 % entre 1950 et 1973, alors que
le PIB augmentait de 4,9 % (d’après Maddison 2007, p. 380 ; EPI 2010, p. 2).
80. Tout cela est très efficacement expliqué par Prashad 2012.
86. Baffes et al. 2008, p. 60 ; FMI 2008, p. 95 ; Bina 1990 ; FTI Consulting 2016 ; Chapman
2014.
91. Sur ce sujet, les travaux de Larry Lohmann sont indispensables. On trouvera une
bonne introduction dans Lohmann 2008.
4. Hannaford 1996.
5. Grosfoguel & Mielants 2006.
9. Haensch et al. 2010. Cette découverte infirme donc les hypothèses de Cohn (2002) et
Cantor (2002), selon lesquels la Peste noire fut produite par un ensemble de différents
agents pathogènes, dont l’anthrax.
20. L’art des jardins comme expression de la victoire de la civilisation sur la sauvagerie
n’est pas un phénomène propre à l’Europe (Drayton 2000). Les Chinois utilisaient des
images semblables pour justifier la conquête des territoires ouïghours (W. Jones 1971).
Ce genre de « progrès » en vint à intégrer le discours « national » (Helgerson 1992).
25. Lettre de Sir John Davies au comte de Salisbury, 1610, cité dans E. Wood 2003, p. 81-
82.
26. L’idée de « frontière » permet de résoudre le débat autour de la question de savoir si
l’Irlande était une colonie ou un royaume, une partie de la Grande-Bretagne ou de
l’Atlantique. Voir dans l’Irlande une frontière, c’est la comprendre comme un lieu dans
un flux – non une transition, mais un flux – entre ces deux catégories.
27. Dans un article de 1993 intitulé « Colomb en Irlande », Milan Rai décrit les différentes
façons dont les forces d’occupation essayèrent de soumettre les rebelles irlandais : par
exemple, incendier les moissons. La tactique fut utilisée par le comte d’Essex contre les
O’Connors en 1599 – « de telle sorte que tout le comté se trouva d’un coup en flammes »,
comme l’écrivit un contemporain (cité par Falls 1950, p. 240). Ou encore : détruire les
commons forestiers, une manœuvre qui apparaîtra également, presque trois siècles plus
tard, aux États-Unis, au cours des guerres indiennes. Notez-le encore : l’usage de
l’incendie, pour empêcher la survie des hommes autrement que par leur force de travail,
est une idée qui émerge lors d’expériences situées aux frontières coloniales, avant d’être
ensuite exportée ailleurs. Le gouvernement anglais récompensait la pratique du scalp en
Irlande, offrant des sommes généreuses contre les têtes de chefs rebelles. De nombreux
vétérans des campagnes contre les Irlandais trouvèrent ensuite des sinécures aux
Amériques. Certains rapportèrent chez eux les leçons qu’ils y avaient appris. Si les
Irlandais adoptèrent un régime à base de pomme de terre (attestée pour la première fois
en Irlande en 1606), c’est parce que, sur les ordres de Cromwell, l’armée avait
délibérément détruit l’agriculture irlandaise. Or la pomme de terre est cachée sous la
terre. Voici ce qu’écrit par exemple, en mars 1652, le colonel George Cooke : « Nous
avons fouillé en tous sens les bois et les marais, et nous avons trouvé un grand stock de
blé, auquel nous avons mis le feu, ainsi que toutes les maisons et cabanes que nous
avons pu trouver. Toutes contenaient de grandes quantités de blé : nous avons continué
de brûler et de détruire pendant quatre jours. […] L’ennemi, dans cette région,
s’approvisionnait principalement dans cette zone. Je crois que nous avons détruit
l’équivalent de l’approvisionnement de plusieurs milliers d’entre eux jusqu’à la
prochaine moisson » (cité dans Ellis 1988, p. 37). Cooke avait émigré à la Nouvelle-
Angleterre et avait été président de l’Assemblée du Massachusetts en 1646. Le Nouveau
Monde d’où il était revenu était lui-même une frontière et, dans le processus de ces
voyages transatlantiques, les destinées des peuples colonisés d’Amérique et d’Europe se
définissaient l’un l’autre.
34. L’étude générale de Santiago-Valles (2005) sur les révoltes d’esclaves aux XVIIIe et XIXe
siècles est particulièrement pertinente ici.
37. Un tiers des drapeaux nationaux contient, sous des formes diverses, des éléments
venus de l’iconographie religieuse (Theodorou 2014).
1. Wackernagel & Rees 1996 ; Wackernagel & Silverstein 2000 ; Wackernagel et al. 2002.
4. De Schutter 2010.
6. Gramsci 1978.
7. Et pourtant, certains membres de La Via Campesina ont trahi ces principes, comme
par exemple la Bharatiya Kisan Union, avec ses actions antimusulmans, déjà dénoncées
par Brass (1995), et confirmées en 2013 par les émeutes à Muzaffarnagar.
11. Lucashenko 1996 ; Quijano 2000 ; Barker 2006 ; Grey & Patel 2014.
28. Pour de nouvelles conceptions possibles du temps, cf. par exemple Hörning,
Gerhard & Michailow 1995.
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Notariado 885: 247-55.
REMERCIEMENTS
Notre livre cherche à comprendre comment nous en sommes venus à être ce que nous
sommes. Il est donc naturel que nos remerciements commencent par nos familles, par
tous les réseaux de parenté, d’amour, de pensée et de réciprocité, qui ont pris soin de
nous tout au long de l’écriture du livre, nous ont permis de prendre soin de ce que nous
écrivions et de mieux comprendre ce que nous étions en train de faire. Nous avons
travaillé dans l’espoir que nos enfants pourront un jour vivre dans un autre tissu du
vivant.
Vastes sont les communautés qui ont rendu ce livre possible, depuis les collègues
amicaux que nous voyions (ou pas) dans nos institutions respectives, jusqu’à ceux dont
le travail a fabriqué la page (ou l’écran) sur lequel vous lisez ces mots. À University of
California Press, aucune réparation ne serait suffisamment élevée pour remercier Kate
Marshall, qui a défendu le livre, le comité de lecture qui a décidé de l’accepter, les
rapporteurs qui nous ont fait d’inestimables suggestions, sans parler du labeur de
Bradley Depew, Dore Brown et de l’équipe de design. Nous sommes particulièrement
reconnaissants envers Juliana Froggatt, dont les choix éditoriaux ont grandement
amélioré ce livre. Sans Caroline Eisenmann, Karolina Sutton et Kris Dahl (International
Creative Management), nous n’aurions jamais pu collaborer avec la presse. Et nous
n’aurions pas pu les contacter sans l’intervention de Mark Metzler qui, lors de son séjour
à l’université du Texas à Austin, a conduit Jason à la porte de Raj, ce qui nous a permis
de nous rencontrer, de tramer et finalement d’écrire ce livre.
Raj : Merci, une fois encore, à Mark Metzler, qui m’a fait le don de pouvoir rencontrer
Jason et d’apprendre à voir le monde autrement grâce à lui – et aussi pour ses
contributions si précieuses à notre séminaire du département d’Histoire de l’université
du Texas. Merci aussi à Eric Tang, Sharmila Rudrappa, Jason Cons, Bob Jensen, Billy
Chandler, Karen Engle, ainsi que leurs collègues en Black Studies, Asian American
studies, anthropologie, radio, télévision, cinéma, droit : tous furent de profondes sources
d’inspiration. À la Lyndon Baines Johnson School of Public Affairs, Erin Lentz et Jamie
Galbraith m’ont fait la gentillesse d’écouter d’étranges idées autour d’une chope de
bière, et Sydney Briggs a subi, avec grâce et acuité, une première version du livre. Mes
formidables étudiants ont entendu, au cours d’un semestre, les arguments présentés
dans ce livre, et c’est un plaisir de reconnaître tout ce que je dois à Bryce Block, Leo
Carter, Lucia Gamboa, Caitlin Goodrich, Jose Guzman, Ben Hirsch, Brian Jackson, Tim
Knoedler, Josh Meuth Alldredge, Alex Payson, Bobak Reihani, Scott Squires et Mary
Vo. J’ai une dette particulière envers l’extraordinaire équipe des bibliothèques de
l’université du Texas à Austin, en particulier la Benson Latin American Collection et la
Perry-Castañeda Library.
Le livre a grandement bénéficié de mes conversations avec Steven Tomlinson, Eugene
Sepulveda, Tom Philpott, Rebecca McInroy et David Alvarez, Tim et Karrie League,
Shawn Sides ainsi que Graham Reynolds. Malik Yakini, Kandace Vallejo, Bianca
Bockman, Yotam Marom, Deirdre Smith Shabaaz et l’équipe du Wildfire Project n’ont
cessé de poser les bonnes questions. De leur côté, les troupes de choc du département de
géographie à UC Berkeley, avec leurs brillants étudiants dirigés de main de maître par
Gill Hart, Nathan Sayre, Richard Walker, Michael Watts, le camarade Boal, ainsi que le
Retort collective, savaient où trouver les réponses.
Des versions de ce livre ont été partagées avec des collègues d’un certain nombre
d’institutions : Richard Pithouse, Vashna Jagarnath et Michael Neocosmos, du séminaire
de la Unit for Humanities de Rhodes University (UHURU) (à l’Université Actuellement
Connue sous le nom de Rhodes University) ; les deux colloques « Initiatives in Critical
Agrarian Studies », où Jun Borras nous a permis d’envisager de finir ce livre un jour. À la
International Studies Association, Andrej Grubačić a présidé une joyeuse table ronde, où
Christopher K. Chase-Dunn, Barry Keith Gills et Denis O’Hearn nous offrirent une
merveilleuse discussion.
Un nombre embarrassant de personnes ont lu ou entendu des parties de ce livre et nous
ont indiqué des façons de l’améliorer. Un grand merci, donc à Kolya Abramsky, Rachel
Bezner Kerr, Jun Borras, Zoe Brent, Chris Brooke, Harry Cleaver, Josephine Crawley-
Quinn, Silvia Federici, Harriet Friedmann, Leland Glenna, Sam Grey, Shalmali Guttal,
Friede Habermann, Naomi Klein, William Lacy, Phil McMichael, Daniel Moshenberg,
Joe Quirk, Jackie Roth, Olivier De Schutter, Daniel Bowman Simon, John Vandermeer et
Ken Wilson, pour leur temps et leur savoir.
Ensemble : nous proposons ce livre non pas comme une série de formulations closes, de
vérités révélées, qui seront condamnées ou célébrées, mais comme une contribution à un
débat en cours, sur le destin de notre planète, et sur la façon dont nous y vivrons – et
dont nous y mourrons. Nous avons un espoir : que les défis de ce débat, le malaise qu’il
suscitera et la déstabilisation de vérités sans âge qui l’accompagneront, seront dépassés
par la joie et l’amour d’un projet collectif cherchant à créer un monde juste et libérateur,
pour les humains et toutes les créatures qui l’habitent. Quelles que soient les
imperfections de ce livre, nous espérons que le lecteur évaluera ses mérites avec ceci en
tête : nous devons penser et agir comme si nos vies en dépendaient.
25 mai 2017
Introduction
Notes
Bibliographie
Remerciements
Notes
*. Ce terme n’est pas traduit car il relève de la philosophie du care, parfois traduite
comme « éthique de la sollicitude ». Il renvoie au soin, mais aussi, de façon plus large, à
toutes les dimensions de l’activité humaine qui prennent en charge les plus vulnérables
(NdT).
*. Les auteurs font allusion ici à la célèbre thèse de Marx sur Feuerbach : « Les
philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe,
c’est de le transformer » (NdT).
*. En français dans le texte.
*. Les générations postérieures à l’an 2000 (NdT).
*. Les auteurs font allusion à la célèbre opposition de Gramsci entre « pessimisme de
l’intelligence » et « optimisme de la volonté » (lettre de prison à son frère Carlo,
19 décembre 1929).
Notes
*. Le titre du livre fait écho au célèbre essai de Frantz Fanon, Peaux noires, masques blancs
(NdT).