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14 Economie 0123

Mardi 21 décembre 2010

En hausse En baisse Les cours du jour ( 20/12/10, 10h03 )


Euro 1 euro : 1,3260 dollar (achat)
Daimler Les billets philippins Or Once d’or : 1368,50 dollars
Le président du directoire du constructeur auto- Les nouveaux billets émis par la banque centrale Pétrole Light sweet crude : 88,64 dollars
mobile allemand, Dieter Zetsche, s’attend à un philippine comportent une carte du pays truffée
bon début d’année 2011, au point de ne pouvoir d’erreurs et un perroquet affublé de couleurs Taux d’intérêt France : 3,327 (à dix ans)
honorer toutes les commandes dans les temps. qui ne sont pas les siennes. Taux d’intérêt Etats-Unis : 3,246 (à dix ans)

Un an après son naufrage, Dubaï apprend la prudence


Si la croissance est de retour, les problèmes de déficit et d’immobilier assombrissent encore l’avenir économique

Reportage rer 750 sociétés, soit 10 000 per-


sonnes. D’ici 2014, elle espère en
Dubaï (Emirats arabes unis) faire venir cinq fois plus.
Envoyée spéciale Les années folles de la spécula-
tion immobilière et de l’endette-

L
ongtemps, ils se sont imagi- ment sans fin sont-elles désor-
nés que le ciel n’avait pas de mais terminées ? Les responsables
limites. Dubaï n’avait ni gaz de l’émirat assurent que c’est le
ni pétrole et pourtant, c’était l’en- cas. La prudence est désormais
droit de tous les possibles : les îles leurcredo. «Dubaï revient à sesfon-
artificielles pour milliardaires ; la damentaux : le commerce, le trans-
tour la plus haute du monde port, la logistique, le tourisme, les
(828mètres) ; le ski en salle fermée services, tout ce qu’il sait bien fai-
par 40 degrés à l’ombre ; le shop- re », déclare Sultan Sooud Al Qas-
ping dans les malls les plus grands semi, une figure des Emirats, car
de la planète… cet homme d’affaires brillant et
La retombée sur terre n’en a été très présent dans les médias, assu-
que plus rude. L’émirat se remet rait, jusqu’en novembre, la prési-
peu à peu de la crise financière et dence du réseau des Jeunes leaders
économique qui l’a frappé il y a un arabes (YAL).
peu plus d’un an, mais tout n’est
pas réglé. L’immobilier reste sinis- La dette et les joyaux
tré. La dette, astronomique – elle Même si la dette est « préoccu-
s’élève à 120 milliards de dollars pante à court terme », elle est géra-
(90 milliards d’euros) environ, soit ble dans le temps, estime-t-il,
120 % du produit intérieur brut d’autant plus que l’émirat possède
(PIB). Et, surtout, l’image de Dubaï de nombreux biens à l’étranger et
en a pris un coup. qu’il peut ouvrir le capital de cer-
C’est le 25 novembre 2009 que tains de ses joyaux comme Dubaï
le monde apprend la nouvelle avec Port et Emirates Airlines. « Nous ne
stupéfaction : Dubaï, 1,6 million devons pas regretter ce qui a été
d’habitants, le fleuron bling- fait à l’époque où le crédit était bas.
bling de la Fédération des Emirats Dans le monde entier, Burj El Arab
arabes unis (EAU), s’avoue incapa- [hôtel en forme de voile, construit
ble de rembourser sa dette dans les sur la mer] est désormais synony-
temps. L’émirat, qui a financé son me de Dubaï. Quant à l’immobilier,
développement sur des emprunts Front de mer de la cité-Etat de Dubaï. L’époque de l’extravagance immobilière est terminée. PHILIPPE CHANCEL/GALERIE PHILIPPE CHAUME il finira par trouver preneur au fil
à court terme, se retrouve exsan- des années », dit-il, résolument
gue en raison de ses ambitions me financier et bancaire, le touris- année, il a enregistré « une hausse Qu’ilssoient Européens, Moyen- su allier la mer, le ciel et la terre confiant.
démesurées.Ilréclame unmoratoi- me, ont redémarré… Les embau- de 6 % pour les importations et de Orientaux ou Asiatiques, les hom- pour irriguer l’ensemble du monde Dubaï a-t-il tiré la leçon de ses
re à ses créanciers. ches aussi. Beaucoup de gens ont 14 % pour les exportations », indi- mes d’affaires dont l’activité est arabe, l’Afrique et l’Asie. C’est un déboires ? « En partie, mais en par-
Dubaï en faillite ? C’est sans une idée fausse de Dubaï, car ils que Philippe Blasset, directeur centrée sur l’international sont, “hub” irremplaçable », souligne tie seulement », répondent plu-
compter sur le plus riche des sept n’envoient pas l’essentiel : le port de régional de CMA CGM, le groupe quant à eux, optimistes. L’émirat ainsi Philippe Aroyo, directeur sieurs observateurs en poste dans
membres de l’EAU : Abou Dhabi. Jebel Ali. C’est le 3e du monde pour le mondial de transport maritime. est « une exception à 5 000 kilomè- général de la BNP Paribas aux Emi- la région. « Ce n’est pas d’une leçon
Celui-ci vole au secours de Dubaï et ré-export aprèsHongkong et Singa- tres à la ronde », répètent-ils inva- rats arabes unis. dont il aurait eu besoin, mais d’une
lui signe un chèque de 20 milliards pour. Le commerce représente à lui Revenir aux fondamentaux riablement, en insistant sur la qua- Autres atouts de Dubaï : ses vision. Or je ne suis pas certain que
de dollars. Au passage, il sermonne seul 40 % du PIB de l’émirat », souli- Dubaï a-t-il perdu de sa capacité lité de sesinfrastructures, sonaéro- zones franches, attractives pour ses dirigeants en aient une, confie
son voisin pour ses extravagances gne Philippe Dauba-Pantanacce, d’attraction ? Personne ne le pen- port et sa compagnie aérienne, de nombreuses sociétés qui y ins- un universitaire arabe, sous cou-
et pour ses relations commerciales senior économiste à la Standard se, sauf les commerçants de la cité- Emirates Airlines, qui dessert les tallent leurs sièges régionaux. vert d’anonymat. Leur principal
avec l’Iran, en dépit des pressions Chartered. En 2009, le trafic par Etat, dont beaucoup ont vu cette cinq continents. L’une d’elles, la Cité financière souci, aujourd’hui encore, c’est
internationales. Dix mois plus conteneurs avait chuté de 15 %. Or, année leurs recettes chuter de « Dubaï est une plate-forme internationale, est en expansion d’éteindre le feu. » p
tard,unrééchelonnementdela det- pour les dix premiers mois de cette 30 % à 50 %. logistique unique au monde, qui a constante. Elle a déjà réussi à atti- Florence Beaugé
te dubaïote est conclu.
Les marchés sont-ils vraiment
rassurés ? Pas vraiment. D’ici dix-
huitmois,l’émiratdevra avoirrem-
Les travailleurs émigrés de l’émirat sont les premières victimes de la crise
boursé 30 milliards de dollars. Or
début décembre, l’une des filiales Dubaï Indiens et les Pakistanais surtout, nent, le nombre d’arrivées a pu tant. Pendant mon jour de congé deux, et je n’ai rien pu dire!» Chauf-
de Dubaï Holding, conglomérat Envoyée spéciale réussissent à décrocher des compenser celui des départs. hebdomadaire, je dors, afin de ne feur de taxi depuis cinq ans à
appartenant à la famille royale, emplois de cadres (directeurs Mais les embauches se font à pré- pas dépenser mon argent », dit une Dubaï, un Pakistanais d’une qua-
réclamaitunnouveaudélai depaie- Ils sont tombés comme des pier- financiers, trésoriers ou compta- sent plus dans le secteur des servi- Philippine, vendeuse dans un rantaine d’années se déclare
ment, pour la troisième fois… res, du haut du vingt-septième bles), l’immense majorité de ces ces que dans celui du bâtiment. magasin de vêtements. Elle n’a pas «dégoûté » : un mois sur deux, il
Si la plupart des observateurs étage du building qu’ils étaient en travailleurs émigrés travaille sur Si les Européens bénéficient revu sa fillette de 3 ans depuis ne touche que 50 % de son salaire.
doutent que Dubaï soit sorti de la train de construire. L’accident les chantiers, dans la restauration d’une excellente qualité de vie, il deux ans. C’est sa mère qui élève «Mon patron dit qu’il doit payer
crise, tous estiment que le plus dur s’est produit le 30 novembre, ou l’hôtellerie. n’en va pas de même des tra- l’enfant à Manille. des amendes pour des fautes que
est passé, sauf dans le secteur de dans le quartier de Burj Khalifa. Ils seraient 500 000 étrangers vailleurs originaires des pays asia- j’aurais commises: excès de vitesse,
l’immobilier. Grâce à la reprise du Les deux hommes avaient 27 et à avoir quitté Dubaï du fait de la tiques. La quasi-totalité est là sans Lassitude et amertume mauvais stationnement, etc. Com-
commerce international, l’émirat 24 ans. Ils étaient indiens. crise, ces deux dernières années. leur famille à qui ils envoient les «Je m’estime heureux par rap- ment prouver que c’est faux ? », dit-
devrait sortir de la récession où il a Dubaï, comme l’ensemble de la Chiffre invérifiable. « Dubaï s’est trois quarts de leur salaire. La nuit, port aux Indiens et aux Pakista- il avec lassitude, avant d’ajouter:
plongé en 2009 (– 3 % de PIB) et Fédération des Emirats arabes vidée. La preuve : il n’y a plus d’em- ils s’entassent à quatre, sept, voire nais. Eux ont si peur d’être ren- «ici, ils se font de l’argent sur le dos
enregistrer 1 point de croissance unis, est peuplé à 90 % d’étran- bouteillages », disent les expatriés dix, dans une pièce, dormant dans voyés dans leur pays qu’ils accep- des pauvres. » Un sentiment large-
en 2010 (contre 8 % entre 2000 et gers. Les Indiens sont les plus occidentaux. Une affirmation des lits gigognes. Pour la location tent tout. Moi, en tant qu’arabe, je ment partagé. « C’est nous qui
2007), avant d’espérer remonter à nombreux. Viennent ensuite les contestée car de nouveaux échan- de ces bedspaces, chacun paie quel- suis à peu près respecté, dit un construisons ce pays, mais nous
4 % en 2011. Pakistanais, puis les Iraniens, les geurs ont été construits, facilitant que 500 dirhams (103 euros) par Marocain, cuisinier dans un restau- n’avons aucun droit », confie,
« L’économie réelle va nette- Sri-Lankais, les Philippins et les la circulation. L’émirat étant le car- mois. «Je ne connais pas les rant de la marina. Mais depuis la amer, un artisan indien. p
ment mieux. Le commerce, le systè- Chinois. Si certains, parmi les refour d’un va-et-vient perma- immenses malls dont on parle crise, mon salaire a été divisé par Fl. B.

BTP: ACS est sur le point de prendre le contrôle de son concurrent Hochtief
L’intervention du fonds américain Southeastern pourrait permettre à l’espagnol de détenir près de 30% du numéro un allemand du secteur

L
a tentative de prise de contrô- pourrait détenir la clef de l’affaire. club de football Real Madrid, qui tif de prendre ensuite graduelle- 2009, d’un audacieux plan de catif de l’angoisse de firmes alle-
le du leader allemand du BTP, Déjà propriétaire de 4,73 % du capi- veut faire de son groupe un cham- ment le contrôle du groupe. relance de 42 milliards de dollars mandes en bonne santé de se voir
Hochtief, par son concurrent tal de Hochtief et de 6,5 % de celui pion du BTP, au premier rang euro- ACS, qui ne se développe plus australiens (20 milliards d’euros). rachetées par leurs rivales. Outre-
espagnol ACS, tourne à la guerre d’ACS, SAM a annoncé, jeudi, son péen et au troisième mondial. sur son marché domestique en for- Le jeu s’est tendu fin novembre, Rhin, le droit des OPA comporte
de tranchées. Face à la résistance intention d’apporter à l’espagnol te crise, veut renforcer ses activités quand l’autorité allemande des desfailles qui rendent aisée la prise
de sa proie, ACS a relevé, mercredi 2 millions de titres Hochtief, don- Jeu très tendu de concession et de partenariat pri- marchés boursiers, a avalisé l’offre de contrôle d’un groupe national
15 décembre, son offre, qui valori- nant ainsi le contrôle de fait à ACS Longtemps partenaires bien- vé-public et grandir à l’internatio- publique d’échange d’ACS. Pour par un actionnaire détenant
se la société allemande à 4,9 mil- avec près de 30 % du capital. veillants, les deux hommes ne se nal, ce que peut lui apporter Hochtief, l’affaire semblait mal moins de 30 % des titres. Pour
liards d’euros contre 3,8 milliards Derrière cette bataille, deux pro- parlent plus depuis mi-septembre Hochtief. ACS lorgne en particulier engagée. M. Lütkestratkötter a Hochtief, il y va de la conservation
dans sa première proposition. fils aux antipodes. D’un côté, que par intermédiaires interpo- sur Leighton, filiale australienne alors abattu son atout maître : l’en- d’un savoir-faire sur le territoire
Mais rien n’y fait : le conseil d’ad- Hochtief, dirigé depuis trois ans sés. M. Lütkestratkötter a mal pris trèsrentable d’Hochtief, qui a réali- trée du Qatar dans son capital, le allemand, au moment où la
ministration d’Hochtief a opposé par le Herbert Lütkestratkötter, l’annonce d’ACS, alors propriétai- sé un chiffre d’affaires de 13 mil- 6 décembre. Ce « chevalier blanc » demande d’infrastructures explo-
vendredi une fin de non-recevoir. connu pour son management pon- re de 29,98 % du capital de liards d’euros, en 2009, dans un a ainsi pris 9,01 %, faisant baisser se sur les marchés émergents. p
Mais c’est le fonds d’investisse- déré même au plus fort de la crise. Hochtief, d’augmenter sa partici- pays avide d’infrastructures, de mécaniquement la part d’ACS à Isabelle Rey-Lefebvre
ment américain Southeastern Del’autre, FiorentinoPerez,PDGde pation à 30 % via une offre publi- bâtiments, d’écoles et de loge- 27,25 %, et compliquant la prise de avec Cécile Boutelet
Asset Management (SAM), qui l’espagnol ACS, aussi président du que d’échange (OPE), dans l’objec- ments – l’Australie s’est dotée, en contrôle. Ce bras de fer, est signifi- (Berlin, correspondance)

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