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VII,
Coeur en peine / Joséphin
Péladan ; commémoration du
chevalier Adrien Péladan et
son portrait [...]
Second Septénaire
VIII. L'ANDROGYNE. XII. LE DERNIER BOURDON.
IX. LA GYNANDRE. XIII. LA LAMENTATION D'ILOV.
X. LE PANTHÉE. XIV. LA VERTU SUPRÊME.
XI. TYPHONIA.
Théâtre.
LE PRINCE DE BYZANCE (refusé à l'Odéon le 7 mars 1890).
LE SAR MERODACK BELADAN (pour être refusé à la comédie-Fran-
caiseen janvier 1891).
NOTE POUR L'HISTOIRE LITTÉRAIRE
LE PRINCE DE BYZANCE
Monsieur,
La situation de Cavalcanti, qui croit le prince Tonio
un homme et qui l'aime « mystiquement» ; celle de Tonio
se disant androgyne ou ange ; l'accusation de sodomie
lancée par la marquise sur vos deux héros : tout cela
ferait votre drame effroyablement dangereux à la re-
présentation. De plus, si étrange, si curieux qu'il soit,
il est d'une longueur formidable. Enfin, et ce qui est
plus grave, je crains bien que le public ne puisse
comprendre les sentiments et le langage de vos per-
sonnages. Il y a dans votre oeuvre du mysticisme, du
néo-platonisme, de la philosophie quelque peu téné-
breuse, des abstractions... ; de très belles choses qui,
à mon avis, effrayeraient la grande masse des specta-
teurs, à qui je dois songer malheureusement en mon-
tant une pièce qui coûterait fort cher.
Pour ces raisons. Monsieur, j'ai le regret de ne
pouvoir accepter votre drame le Prince de Byzance.
POREL.
IL A ÉTÉ TIRÉ DE Coeur en peine
PASILALIE
PREMIER SEPTENAIRE.
SECOND SEPTENAIRE.
COEUR EN PEINE
PRELUDE
LE BAIN DU SOIR
DOULOIR !
— Madame, rien.
Ses petites mains fossetées à tous les
doigts pèlent un fruit; son regard fixe le
vide en face d'elle; ce regard qui regrette
ou qui souhaite quelqu'un devant soi, à
cette table, dit tout l'état de son âme. Pour-
quoi ainsi esseulée ? jeune, belle, et certai-
nement riche, malgré l'installation sans
luxe, toutes les choses coûteuses sont du
plus grand goût ; un tortil les timbre.
Pourquoi ainsi incomprise? La promesse
10 UN COEUR EN PEINE
LA DETTE DU R + C.
un piano d'Érard.
— Si mon seigneur Merlin m'écoute,
vous serez satisfait », dit-elle, et le lendemain
elle recevait pour remerciement cet étrange
billet, qu'elle jugea un peu fol jusqu'au jour
où la mort de son mari et celle de sa belle-
mère la firent libre. Alors la souhaiteuse de
liberté, étonnée d'être exaucée, fléchit sous le
vertige de l'indépendance, elle s'immobilisa.
Semblable à une donzelle en possession
d'un merveilleux brocart et qui n'ose y dé-
couper une vêture, Bêlit délivrée de tutelle,
chancela ; l'habitude de passivité, le pli de
servitude de toute sa vie avaient rouillé en
elle les' ressorts de l'activité positive ; et
sitôt qu'elle eut réglé ces questions judi-
ciaires qui déshonorent la mort dans l'état
social, l'hésitante se souvint de la lettre de
Dagon. Elle avait lu Nergal, et confusément
voyait dans le Sar de Rose-Croix, un maître
de l'âme, qui mieux qu'un prêtre lirait en
en. elle, et, comme un vieil augure des
22 UN COEUR EN PEINE
DE LA VIE MORTE
ANDANTINO
RÉMINISCENCE
LAGNOSO
cela !
« Cependant tu savais préférer un dan-
TOCCATINA
STIRACCHIATO
ENFANCE
LENTANDO
ADOLESCENCE
COPERTO
MARIAGE
ANDANTINO (11)
DU DESIR ESPEREUR
ALLEGRETTO
ARIOSO
ROSE
CHOISIR
PSYCHIE
ROSE
ILOU
MOTIF DU GRAAL
SOLILOQUE
PROJETS
LENTANDO
O constellations,
vous voyez que je souffre ;
Flambeaux de l'éther vaste, ayez pitié de moi.
XIII
ART D'AIMER
GRAAL
DU VAIN EFFORT
LE PRINCE DE BYZANCE.
Acte II, sc. VIII.
I
BESTIAIRE RÊVÉE
DONA JUANA
LE COUVENT
WAGNÉRISME
GRAAL
CRESCENDO
TEMPÊTE
LAMENTO
APAISEMENT
ACCALMIE
l'imprévu
elle tressaille, et dans son anxiété
grandit le prestige romanesque : soudain
la voix prélude, distincte maintenant; c'est
une voix de femme savante et froide, et la
chanson est froide et subtile ainsi que la
voix.
II
LUI
Démente ! tu invoques ton propre prin-
cipe volatif et mauvais, et tu conçois se-
lon l'anémie de ton âme. Car il importe peu
que tu veuilles tel rythme de caresse ; il
importe beaucoup que tu aimes selon la
Norme Auguste. Préfère mes lèvres en leur
féminité, mais ne cherche pas à vicier l'a-
mour même.
ELLE
Prêcheur, vous m'avez dit l'amour une
essence, et l'essence incorruptible
!
LUI
Prends le charbon d'un brasier, isole-le
au vent, il s'éteindra cependant que le bra-
UN COEUR EN PEINE 201
ELLE
Vous portez des rubans verts et je ne
suis pas Célimène, Alceste.
LUI
Vous êtes pis : vous êtes la femme sans
grandeur ; vous jouissez d'amour, vous n'ai-
mez pas ; le meilleur de vous, c'est la droi-
ture dans la dépravation, je vous voudrais
purifiée, haussée...
ELLE
Aimez la femme que je suis, et non pas le
fantôme faux de votre imagination.
LUI
Je n'ai jamais aimé la femme que vous
êtes; j'aime à travers vers vous un idéal
splendide, et je fais mon effort pour l'incar-
ner dans votre beau corps.
202 UN COEUR EN PEINE
ELLE
Je vous aime, moi, pour votre absurdité;
ce perpétuel mécontentement de moi, de
vous, de tout, me plaît et m'incite ; quand
vous tomberez dans mes bras tout à l'heure,
une dernière amertume de critique aux lè-
vres, ce que vous nommez ma perversité, se
pâmera. Ma grâce lutte tout le jour contre
votre pensée, et tous les soirs elle a la vic-
toire. Point de monotonie en vous; l'aube
vous éveille navré de moi, résolu à me fuir,
et vous restez : personne ne me juge plus
hardiment que vous-même, et personne ne
me donna tant de joie.
Eh combat perpétuel avec un des plus
hauts esprits qui soient, je demeure victo-
rieuse : allez, vos reproches fomentent mes
plaisirs.
LUI
Un jour la pensée déchirera votre pres-
tige ; un jour la matière délicieuse que vous
UN COEUR EN PEINE 203
ELLE
Jamais : malsain est mon coeur égoïste et
traître le vôtre ; je me plais à l'emporter sur
vos rêves et à mettre vos idées en déroute;
mais vous-même vous me prenez pour ma-
tière d'un but spécial et inavoué que je pres-
sens et que vous cachez.
LUI
A personne je n'ai dit si profondément
que j'aimais, à personne je n'ai offert aussi
complètement mon être que je vous l'offre ;
cependant, je ne suis ni aveuglé par vous, ni
assez détaché de vos charmes. J'attends de
vous adorer ou de partir pour une mission
sublime.
ELLE
Fourbe généreux et artiste dévoyé, si moi,
dernière de vos expériences, je ne vous donne
point la plénitude cherchée, vous deviendrez
204 UN COEUR EN PEINE
LUI
Je pense même alors à l'imperfection de
notre étreinte; d'abord, nous parlons pour
nous entendre, alors que nous devrions
nous écouter penser.
ELLE
On s'écoute vibrer et vivre; à deux on se
UN COEUR EN PEINE 205
ELLE
Oui, j'ai pour rivales les idées, que dis-je,
pour reines despotiques; je devrais à l'ordre
de votre rêverie changer ma nature. Pyg-
malion ne demanda à Vénus que d'animer
Galathée ; vous exigez la métamorphose, et
sur le diffus énoncé d'une songerie mystique.
12
206 UN COEUR EN PEINE
LUI
Si vous aimiez, vous serviriez ces idées
qui me dominent aussi, et ma rêverie ne
vous ordonnerait rien; vous vous identifie-
riez avec allégresse à mon idéal, parce que
vous sentiriez que je ne vous donnerai de
joie complète que lorsque, au lieu d'être
Lady... devenue Chimère, vous renferme-
riez tout et seriez vraiment l'universalité
pour moi.
ELLE
LUI
ELLE
LUI
ELLE
LUI
ELLE
LUI
ELLE
ELLE
LUI
ELLE
LUI
Les gynandres !
ELLE
Pas ce mot; il sonne la dépréciation et
224 UN COEUR EN PEINE
LUI
LUI
Pour jouer Polyeucte, le chef-d'oeuvre de
l'art français, notre Parsifal, comme pour
les ignominies d'un Palais-Royal, il faut
d'abord un théâtre. Ainsi de l'amour; il ne
peut pas être mal mis, mal logé, mal nourri;
la main qu'on baise, laver la vaisselle, est-ce
admissible ? Vous n'ignorez pas qu'il faut
avoir des rentes pour habiter une chau-
mière. Certes, on peut toujours faire de la
13.
226 UN COEUR EN PEINE
ELLE
Qu'on essaye de donner votre programme
aux populations?
LUI
ELLE
LUI
ELLE
C'est un de vos leitmotivs, la haine de la
province ; elle n'a pas compris vos fameux
abstraits, et vous lui gardez rancune : Sa-
mas (1) m'a déjà fait entendre cette ran-
coeur.
LUI
La province, c'est la concrétion infâme ;
l'abstrait ne fut jamais représenté que par
la personnalité excessive, et la province dé-
personnalise : là le notaire, l'officier, le juge,
le propriétaire, existent, importants ; là
Tammuz est un fou et lady Sommerset une
drôlesse.
ELLE
ELLE
Vous vous engagez trop pour moi, ami ;
j'ignore ce que je serais devenue, placée en
un milieu différent. Croyez seulement que
rien ne se touche d'aussi près que la lady
et l'hétaïre. Née dans la suppression de tout
besoin, j'ai pu me livrer à l'Abstrait fan-
taisiste; même là, je vous désillusionnerais
si je parlais. Tammuz est mon premier
poème, non pas mon premier roman, ni
mon premier baiser, ni mon dernier.
Tammuz a résisté, Tammuz règne autant
qu'on peut régner sur la lunatique que je
suis; que Tammuz soit vaincu et je dé-
230 UN COEUR EN PEINE
LUI
Je découvrierai ma parèdre !
232 UN COEUR EN PEINE
ELLE
Peut-être, mais trop tard : l'abstrait t'aura
ordiné, ô abstracteur. Tammuz, amant de
l'amour, je te salue, homme sans femme,
mari sans épouse, amant sans maîtresse ;
étrange missionnaire, pécheur et bienfai-
sant, charnel et idéal, je te pressens. Au-
mônier de l'exception, confesseur des im-
pénitentes, directeur des insensées, évêque
de la Pentapole, cardinal du péché, je te
pressens et je te dévoile à toi-même plus
que tu ne veux. Mon lucide orgueil t'étudie
depuis le jour où tu m'es apparu ; il t'a
percé, et comme je ne peux pas te garder,
je t'avertis que nulle ne te gardera, nulle,
entends-tu?
LUI
Je ferai mentir ton voeu, je le jure.
ELLE
La vie aussi a juré, et avant toi, que jamais
l'homme idéal ne se réunirait à la femme
UN COEUR EN PEINE 233
LUI
ELLE
LUI
ELLE
LUI
ELLE
LUI
ELLE
14
XI
LUI
LUI
ELLE
LU
ELLE
LUI
ELLE
L'horrible manie d'évoquer le mieux et
de m'appeler pire. Eh! que ne me laissez-
vous?
LUI
Je vous laisserais si je ne devais pas vous
regretter; je veux vous quitter sans souffrir.
J'y parviendrai.
ELLE
Et cet être n'a pas vingt-cinq ans! Quel
fils produirait-il pour la damnation de la
femme future, juste Dieu?
LUI
Un Euphorion qui saurait la science
d'aimer.
ELLE
Qu'avez-vous donc vécu avant moi pour
ainsi me traiter en dernière étape passion-
nelle?
UN COEUR EN PEINE 245
LUI
ELLE
Vous me suscitez une idée : je ne vous
donnerai pas d'autre successeur qu'un ché-
rubin mystique.
LUI
Le ton ironise ; et cependant ce ferme
propos vous le faites en réalité; je serai
cause un jour qu'un adolescent souffrira.
ELLE
Vous serez cause que tous ceux qui me
chanteront leur romance souffriront. Lors-
qu'on succède à un méchant amant, à cer-
taines heures, la femme venge sur l'innocent
les offenses de jadis et les torts de l'autre.
UN COEUR EN PEINE 249
LUI
ELLE
LUI
ELLE
LUI
«
C'est elle, » et devant la beauté et devant
la douleur; mes lèvres ont devancé mon
coeur troublé; je ne t'ai pas trahi pourtant,
je te cherchais à travers elles.
Mon coeur est un aimant qui attire et ne
garde pas; certes, ce sont tes soeurs par les
yeux ou les larmes, celles que j'ai aimées,
mais soeurs imparfaites, morceaux de toi,
et je te veux totale et complète sans tare sur
ta beauté, sans faiblesse en son âme, idéal
souverain de mon triple appétit.
ELLE
LUI
LUI
LUI
ELLE
LUI
ELLE
J'ai peur, Tammuz.
LUI
LUI
C'était une voix de femme.
ELLE
Eh ! la maîtresse de l'un d'eux.
LUI
Le mage n'a pas de maîtresse.
UN COEUR EN PEINE 257
ELLE
Le mage est un esprit, un pur esprit !
Vous semblez respecter, au ton de votre
dire, et ce lieu et ces gens ; qu'est-ce donc
que leur fantasmagorie ?
LUI
Vous êtes femme, et j'ai prêté serment.
ELLE
Vraiment, la femme leur paraît indigne
d'être associée à leur veille ? Intriguée, j'in-
siste; dites-moi où tendent leurs efforts, je
suis curieuse de mystère, étonnez-moi,
voyons.
LUI
J'ai prêté serment et vous êtes femme.
ELLE
Mage n'eut jamais de féminin alors.
LUI
Jamais ! Vous porteriez mon nom, vous
auriez tout mon coeur, je resterais muet.
258 UN COEUR EN PEINE
ELLE
LUI
ELLE
ELLE
Demain, à l'aube, vous serez seul avec
votre abstrait, car la vie de l'esprit exige un
solitaire. Vivez donc désormais en ce do-
maine si sublime, vivez donc sans baiser.
LUI
La voix qui a parlé deviendra une bouche.
ELLE
Quelle femme acceptera l'insultante pré-
tention de n'être prise qu'en compagnonne
260 UN COEUR EN PEINE
LUI
ELLE
LUI
Du dépit, c'est beaucoup pour un coeur
aussi peu amoureux ; et donner raison à
mes précédentes paroles, c'est plus encore.
Je vous le disais bien que l'insouci de Tam-
muz intellectuel compromettrait Tammuz
sentimental. Que me donnez-vous ? des im-
pressions ? Quel lien entre nous autres que
les vibrations nerveuses ? Je reste dans cet
ordre d'où vous n'avez pas voulu sortir. Je
demeure fixé par le seul lien que vous re-
connaissez ; à vous de le faire assez puis-
sant, ce misérable lien nerveux, pour que
deux mots tombés dans la nuit ne m'insen-
sibilisent pas en vos bras.
15
XII
LUI
ELLE
ELLE
Non, Tammuz... je t'aime.
LUI
Tant que nous sommes à portée de la
voix, ô lunatique.
XIV
— Ce minuit.
— Il n'est donc pas minuit?
—
Pas encore !
— Comment m'avez-vous cherchée?
— Le Sar m'a dit : Va à la Chaise-au-
Diable, tu y trouveras une femme évanouie;
c'est une soeur, conduis-la.
— Dagon n'a pas menti, soupire Bêlit.
— Dagon est un de nos frères, et un grand
musicien.
Elle regarde l'étrange mandataire : son
énonciation indicative d'une culture notable
jure avec le costume de gars breton.
Sa courte veste enserre, un torse athlé-
tique. Sa voix, grosse et cuivrée, sonne cette
bonté spéciale aux sanguins émotionnels.
Bêlit pressent que c'est un bras de la
Rose-Croix et non pas une tête; celui-là ne
UN COEUR EN PEINE 279
LE CHATEAU EN RUINES
L'ARCHIMAGE
nez-vous pas ?
L'Archimage sourit :
— Si vous me demandiez votre devoir,
je vous le rendrais sensible; mais votre dé-
sir, à vous de l'exprimer. Pourquoi vous
ferais-je la description intérieure de vous-
même ? c'est là un exercice de salon. Vous
n'êtes pas ici pour un diagnostic sur votre
tempérament; vous venez chercher des
réponses : faites les questions.
— Pouvez-vous connaître ce qu'est deve-
ROSE DE FAVENTINE
LE DESTIN DE TAMMUZ
L' APPARITION