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Madame Marlène SCHIAPPA

Secrétariat d’État à l’Égalité


entre les femmes et les hommes
et de la Lutte contre les discriminations
55, rue Saint-Dominique – 75007 PARIS

Paris, le 20 avril 2020

Objet : Protection des jeunes LGBT+ victimes de violences intrafamiliales

Madame la ministre,

Lors de l’examen en séance de la loi de finances rectificative pour 2020, deux


amendements, l’un porté par le groupe La République En Marche et l’autre par le Parti
Socialiste, ont été déposés dans l’objectif de renforcer la prise en charge et l’hébergement
d’urgence des jeunes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT+) dans le cadre de la
crise sanitaire actuelle. Le Gouvernement a donné un avis défavorable et Laurent SAINT-
MARTIN, rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale a demandé le retrait de ces
amendements. Nous tenons à vous exprimer notre profonde incompréhension face à une telle
décision.

Depuis plusieurs années, nous avons relayé nombre de situations dramatiques qui illustrent
la situation d’exclusion des jeunes LGBT+. Ces réalités ont été largement documentées à
travers différentes études qui montrent l’extrême vulnérabilité des jeunes LGBT+, qui sont
surexposés aux violences, aux situations de rejet familial et au risque de suicide. Comme vous
le savez, la honte, la peur de représailles ou d’un accueil défaillant par les autorités, peuvent
pousser des personnes à garder le silence lorsqu’elles sont victimes de violences sexistes,
conjugales ou intrafamiliales.

Nous regrettons vivement que ces amendements aient été rejetés de manière expéditive par
le rapporteur général et le Gouvernement témoignant d’un manque d’humanité vis-à-vis des
jeunes LGBT+ victimes de violences intrafamiliales. Lors de cet examen, l’absence d’arguments
constitue une forme de violence symbolique vis-à-vis de la situation préoccupante des jeunes
LGBT+ victimes de rejet intrafamilial, réduits ainsi au silence. Nous craignons que cette fin de
non-recevoir exacerbe le sentiment de peur des jeunes LGBT+ victimes de violences
intrafamiliales.

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Le Gouvernement français ne semble pas avoir pris la mesure des violences intrafamiliales
dont trop de jeunes LGBT+ sont victimes, alors que le Haut-Commissariat des Nations Unies
aux droits de l’homme a publié une note d’orientation pour les États et les autres parties
prenantes sur le Covid-19 et les droits humains des personnes LGBTI apportant le même
constat que nos associations et de nombreux député·e·s sur les dangers liés à ces violences et
la nécessité d’y répondre.

Témoins depuis de nombreuses années des souffrances que peuvent vivre les jeunes LGBT+,
nous faisons face aujourd’hui à une crise sanitaire qui exige des politiques publiques
concrètes, efficaces et rapides. C’est pourquoi, l’InterLGBT, forte de ses soixantes associations
membres, la Fondation « Le Refuge », Urgence homophobie, Amnesty International France,
le Caélif étudiant·e·s LGBT+ et Acceptess-T rejoignent aujourd’hui SOS homophobie et le MAG
Jeunes LGBT afin de soutenir les propositions que vous ont adressées Sonia KRIMI, députée
de la Manche et une cinquantaine de député·e·s, pour répondre à la détresse et aux besoins
des jeunes LGBT+ majeur·e·s victimes de violences intrafamiliales.

Comme vous l’avez-vous-même rappelé à plusieurs reprises, le confinement à domicile lié à


l’état d’urgence sanitaire crée un terreau propice aux violences conjugales et intrafamiliales.
Par conséquent, il est indispensable de répondre aux besoins de toutes les victimes de
violences.

Nous rejoignons le constat et les propositions que SOS homophobie et le MAG Jeunes LGBT
vous ont adressés dans un précédent courrier. En effet, vous avez mis en place rapidement
une plateforme en ligne qui permet de faciliter le signalement et l’accompagnement des
femmes victimes de violences domestiques. Vous avez également donné la possibilité pour
ces femmes de se signaler discrètement en pharmacie ou grâce à des points
d’accompagnement éphémères dans des centres commerciaux. De la même manière, il est
crucial de répondre à la détresse des jeunes LGBT+ victimes de violences dans le contexte que
nous traversons aujourd’hui. La solution la plus simple et la plus efficace serait de généraliser
ce dispositif aux jeunes LGBT+ afin que les violences soient signalées rapidement et qu’une
procédure d’accompagnement claire et efficace leur soit proposée. Pour être effective, cette
généralisation devrait s’accompagner d’une large communication, de la part de l’État, pour
que les jeunes LGBT+ victimes de violences soient informé·e·s de ces dispositifs.

Nous soutenons également la proposition des député·e·s de flécher une partie des vingt mille
nuits d’hôtel destinées aux victimes de violences conjugales ou conjoints violents vers des
jeunes LGBT+. Cette démarche complémentaire à la généralisation de la plateforme et des
dispositifs de signalement permettrait d’assurer la prise en charge dans l’urgence des jeunes
LGBT+ victimes de violences intrafamiliales.

Nous tenons à vous rappeler que ces deux propositions rejoignent la proposition 4 « Les abris,
les services de soutien et d'autres dispositifs pour lutter contre les violences sexistes pendant
la pandémie de Covid-19 devraient prendre des mesures pour inclure la population LGBTI »
de la note d’orientation « Covid-19 et les droits de l’homme des personnes LGBTI » du Haut-
Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

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La France ne peut prétendre défendre et promouvoir les droits des personnes LGBT+ à
l’échelle mondiale quand nos politiques publiques exclues les problématiques auxquelles font
face les plus vulnérables.

En cette période de crise sanitaire, nous devons répondre à l’urgence à laquelle font face de
nombreux et nombreuses jeunes LGBT+. Nous devons libérer l’écoute des institutions afin que
la voix de ces jeunes soit entendue. Nous sommes certain·e·s de pouvoir compter sur votre
vigilance afin que le secrétariat d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte
contre les discriminations élabore des politiques publiques efficaces permettant d’améliorer
les conditions de vie des jeunes LGBT+.

Sachant compter sur votre mobilisation, nous vous prions de croire, Madame la ministre, en
l’expression de notre haute considération.

Omar DIDI Jérémy FALÉDAM Véronique GODET


Président Coprésident Coprésidente
MAG Jeunes LGBT SOS homophobie SOS homophobie

Nicolas NOGUIER Aurore FOURSY Mathias NEVIERE


Président Coprésidente Coprésident
Fondation « Le Refuge » Inter-LGBT Inter-LGBT

Guillaume MÉLANIE Marine GINER-DUFOUR Cécile COUDRIOU


Coprésident Coprésidente Présidente
Urgence homophobie Urgence homophobie Amnesty International
France

Ophélie ADOLLE Sarun CHUICHAI


Présidente Présidente
Caélif Étudiant·e·s LGBT+ Acceptess-T

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