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Acta Botanica Gallica

ISSN: 1253-8078 (Print) 2166-3408 (Online) Journal homepage: https://www.tandfonline.com/loi/tabg20

Analyse lexico-sèmantique de la phytonymie


populaire hispano-amèricaine

Sandra Hochard-Bihannic

To cite this article: Sandra Hochard-Bihannic (2008) Analyse lexico-sèmantique de la


phytonymie populaire hispano-amèricaine, Acta Botanica Gallica, 155:2, 317-320, DOI:
10.1080/12538078.2008.10516112

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Published online: 26 Apr 2013.

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Acta Bot. Gallica, 2008, 155 (2), 317-320.

Résumé de thèse d'État

Analyse lexico-sémantique de la phytonymie populaire hispano-


américaine

par Sandra Hochard-Bihannic

55 rue Y.F. Bodenez, F-29480 Le Relecq-Kerhuon ; bbihannic@free.fr

Mots-clés : phytonymie - Amérique hispanique - métaphore - lexique - nom ver-


naculaire - sémantique - plante.

Key-words : Hispanic America - metaphore - phytonymy - lexicon - vernacular


name - semantic - plant.

La présente thèse, de 989 pages, a été soutenue le 2 décembre 2006 à l’université de


Bretagne occidentale, faculté des Lettres et Sciences sociales Victor Segalen, département
des Langues romanes, sous la direction du professeur Philippe Cahuzac, devant le jury sui-
vant : Bernard Darbord (Paris X), José Carlos Herreras (Paris VII), Manuel Montoya (uni-
versité de Bretagne occidentale) et Jean-Pierre Nicolas (faculté de Pharmacie, Lille).

La découverte de l’Amérique éveilla, dès les premières années, l’intérêt de mission-


naires, de chroniqueurs et d’historiens qui s’attachèrent à livrer à l’Ancien Monde d’abon-
dantes descriptions de ce nouvel univers si riche de promesses. Bartolomé de Las Casas,
Gonzalo Fernández de Oviedo, Bernal Diaz del Castillo et bien d’autres encore, poussés
par des motifs d’ordre anthropologique, religieux, géographique, politique ou encore his-
torique, sont à l’origine des récits coloniaux où la flore se pose naturellement en une réa-
lité d’exception. Fascinés par leurs écrits, d’autres comme Alfred de Jussieu ou Alexander
Von Humboldt prendront à leur tour la route des Amériques et confèreront au naturalisme
ses lettres de noblesse. Mais, en dehors de leur indéniable intérêt culturel et botanique, ces
récits sont avant tout les témoignages des usages linguistiques des populations amérin-
diennes et constituent la preuve des premiers apports lexicaux autochtones à l’espagnol
péninsulaire, car, bien que la motivation première de ces descriptions n’ait pas été linguis-
tique à proprement parler, elles sont une source de connaissance incontournable du lexique
indigène. Celui-ci, envisagé depuis une perspective historique, apparaît comme un postu-
lat incontestable de la réalité linguistique du continent.
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Les langues indigènes, consécutivement aux contacts avec de nouvelles communautés


de locuteurs, n’ont, au cours des siècles, cessé d’évoluer, ce d’ailleurs à l’instar de l’espa-
gnol ou d’autres langues qui, parce que vivantes, ne restent pas confinées dans une norme
statique. Ces contacts ont donc logiquement favorisé une communication entre des cultures
qui se sont mutuellement influencées et, malgré le puissant ascendant péninsulaire, les
phytonymes indigènes, en tant que manifestation culturelle, se sont massivement mainte-
nus dans le lexique et se sont étendus pour certains au monde entier. Leur persistance dans
l’espagnol d’Amérique apparaît par conséquent comme le reflet des rapports qu’ont entre-
tenus les colonisateurs et les colonisés, et atteste de leur intérêt sociolinguistique.
De plus, s’il est clair que nomination et colonisation sont étroitement liées parce
qu’elles sont synonymes de prise de possession, la langue, en tant qu’entité vivante, ne
peut se limiter à un rôle d’instrument de communication à sens unique. Aussi, les noms de
plantes, en dehors de leur caractère utilitaire, vont-ils se doubler d’une dimension tour à
tour colonisatrice ou identitaire et acquérir un poids nouveau, une saveur particulière, per-
ceptible par le truchement de jeux métaphoriques, phoniques ou sémantiques. C’est à l’étu-
de de ces manifestations linguistiques que nous avons consacré notre recherche afin de
mesurer la vitalité du champ lexical des plantes et d’en comprendre l’expressivité. Les
phytonymes en effet, en tant que mots à la fois écrits et parlés, sont actifs et participent de
manière privilégiée à l'organisation du système linguistique hispano-américain contempo-
rain. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons comprendre d'une part comment, pour-
quoi et dans quelles conditions ils sont attribués à des végétaux et montrer d'autre part
qu'au-delà d'une simple nomenclature ils constituent un vocabulaire véritablement structu-
ré. Notre problématique se nourrit de ces structures car les Amériques, qui constituent le
point de rencontre de l’ancien et du nouveau, du classique et de l’exotique, se muent dès
le début de la conquête en une véritable croisée d’influences lexicales encore sensibles de
nos jours et dont nous souhaitons évaluer l'ampleur.

S’agissant de l’intrusion d’éléments étrangers au continent américain, il est nécessaire


de distinguer l’aspect linguistique de l’aspect chorologique1 car, du point de vue de la
langue, nous nous trouvons en présence de deux types d'influences : celle de l’envahisseur
et celle d’une ample zone amérindienne, où les aires lexicales vernaculaires – aux fron-
tières fluctuantes puisque tributaires des isoglosses – se sont en quelque sorte connectées
à l’espagnol général. Le manteau végétal s’est ainsi inscrit dans un corpus populaire aussi
vaste que complexe, riche de nuances et de connotations propres à l’évolution de la civili-
sation.

La langue espagnole, confrontée à un réel qui lui était totalement étranger, a dû s’y
adapter et s’est progressivement teintée d’indigénismes pour devenir l’espagnol
d’Amérique, longtemps décrié du reste par les puristes espagnols. Notre propos, en nous
intéressant à la phytonymie populaire hispano-américaine, est avant tout d'observer par
quels mécanismes cette langue venue d’ailleurs s’est implantée et acclimatée au continent
pour ensuite s’y vernaculariser. Nous désirons saisir la manière dont le lexique espagnol
est parvenu à s’adapter à une flore tropicale si différente de celle d’Europe et aujourd’hui

1. Nous empruntons ce terme qui désigne l'aire géographique à Bruno de Foucault, Les plantes et leurs noms, Berlin, J. Cramer,
1993, p. 10.
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si essentielle à notre quotidien2. Pour ce faire, nous tenterons de répondre à la question sui-
vante : quels sont les facteurs qui, en dépit de la mutabilité du signifié, justifient le main-
tien d'un signifiant – espagnol ou amérindien – dans le lexique et son utilisation dans la
création lexicale ?
En étudiant la structure des phytonymes, nous avons pour objectif de rendre compte des
proportions dans lesquelles le connu a servi à nommer l’inconnu, comment l’analogie s’est
établie entre un ancien signifiant et son nouveau signifié, ou l’inverse. L’observation de la
mutabilité sémantique du champ lexical des plantes nous semble en outre être un instru-
ment de l’organisation des nomenclatures populaires, dans la mesure où ces dernières sont
caractéristiques de l’appréhension humaine du monde.
Au cours de ce travail nous montrons comment la démarche nominatrice – selon la for-
mulation de Tzvétan Todorov – mêle le réel et l’imaginaire et cherchons à en pénétrer les
motivations car, contrairement à l’opinion de quelques linguistes, il nous paraît impossible
que l’attribution d’un phytonyme plutôt qu’un autre soit le fruit du hasard3. Pour le démon-
trer, notre étude est organisée en trois parties élaborées selon le cheminement suivi par les
phytonymes dans ce qui nous semble être une véritable conquête lexicale, c’est-à-dire de
l’Espagne vers l’Amérique.
Dans la première partie, nous nous intéressons au caractère métaphorique des hispa-
nismes et des américanismes tout en nous interrogeant sur les notions que sous-tendent ces
deux termes ainsi que sur les procédés d’enrichissement lexical spécifiques au corpus4.
Cette observation, menée d'après les caractéristiques sémantiques puis structurales des
phytonymes, fait ressortir les représentations majeures du mode de perception du règne
végétal et met en évidence le problème de l'hermétisme de certaines dénominations.
Nous étudions dans la seconde partie le symbolisme de l'univers des plantes à travers
plusieurs textes de la littérature hispano-américaine, puis revenons sur le rôle joué par les
végétaux dans les traditions précolombiennes et contemporaines. Le choix d’aborder en
premier lieu les phytonymes sous un jour littéraire est motivé par le fait que les lexies les
plus fréquemment citées dans les textes sont globalement celles étudiées au cours de la pre-
mière partie et représentent l’aspect hispanique de notre travail. L’aspect traditionnel, que
nous évoquons ensuite à travers les mythes, les légendes et le culte rendu aux végétaux,
établit pour sa part le lien avec la troisième partie que nous consacrons à l’étude des lexies
d’origine amérindienne.
Après avoir retracé l’histoire des phytonymes les plus représentatifs des langues amé-
rindiennes, nous rendons compte des problèmes que pose ce vocabulaire que nous présen-

2. Sur les quinze plantes considérées comme nourrissant le monde, six sont originaires d’Amérique. Il s’agit de l’arachide, du
haricot commun, du maïs, du manioc, de la patate douce et de la pomme de terre, auxquelles s’ajoutent celles d’intérêt commer-
cial, comme le tabac, ou pharmaceutique, comme la coca et le quinquina (qui fournit la quinine).
3. Nous pensons notamment au point de vue de Jean Séguy sur lequel nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement (Jean
SEGUY, Les noms populaires des plantes dans les Pyrénées centrales, Barcelona, Inst. Est. Pirenaico, 1953). Nous lui opposons
brièvement et à titre d’exemple l’attitude de Christophe Colomb qui, utilisant le lexique espagnol à des fins nominatives, montre
que le signifiant peut aussi exprimer ce que le locuteur veut voir dans le signifié ou encore le message qu’il souhaite transmettre
: comme Adam au milieu de l’Eden, Colon se passionne pour le choix des noms du monde vierge qu’il a sous les yeux ; et, comme
pour lui-même, ces noms doivent être motivés… Il veut renommer les lieux en fonction de la place qu’ils occupent dans sa décou-
verte, leur donner des noms justes ; la nomination, de plus, équivaut à une prise de possession… Les choses doivent avoir les
noms qui leur conviennent. Certains jours, cette obligation plonge Colomb dans un véritable état de rage nominatrice. (Tzvétan
Todorov, La conquête de l’Amérique, Paris, Seuil, 1991, 39-40).
4. Notre corpus se compose de 2357 lexies.
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tons in situ, c’est-à-dire dans des expressions populaires espagnoles. Notre volonté, en
associant civilisation et linguistique, est de mettre en évidence les traits distinctifs des indi-
génismes qui, s'ils les marginalisent parfois, contribuent largement à leur maintien dans le
lexique.

Ces trois parties complémentaires apportent un regard nouveau sur les noms vernacu-
laires hispano-américains car ils sont envisagés dans leur globalité. Elles nous permettent
de plus de prendre toute la mesure du poids de l'usage phytonymique.
Témoins d’un ailleurs aujourd’hui encore riche d’enseignement et de mystère, nous
nous intéressons ici à leur histoire tant botanique que linguistique, afin d’observer les pro-
cédés ayant favorisé leur transmission au monde entier.

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