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Finance Contrôle Stratégie

20-3 | 2017
Varia

L’audit environnemental : un dispositif de gestion


à l’épreuve de logiques institutionnelles
hétérogènes
A Micro-Analysis of Heterogeneous Institutional Logics in the Environmental
Audit

Angèle Renaud

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/fcs/1995
DOI : 10.4000/fcs.1995
ISSN : 2261-5512

Éditeur
Association FCS

Référence électronique
Angèle Renaud, « L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques
institutionnelles hétérogènes », Finance Contrôle Stratégie [En ligne], 20-3 | 2017, mis en ligne le 08
novembre 2017, consulté le 03 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/fcs/1995 ; DOI :
10.4000/fcs.1995

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L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 1

L’audit environnemental : un
dispositif de gestion à l’épreuve de
logiques institutionnelles
hétérogènes
A Micro-Analysis of Heterogeneous Institutional Logics in the Environmental
Audit

Angèle Renaud

Introduction
1 L’audit environnemental fait figure de parent pauvre dans la littérature académique. À
l’exception de quelques auteurs (cités infra), les chercheurs travaillant sur la
responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) ou sur la régulation de l’audit accordent peu
d’attention à ce sujet. Or, depuis son apparition aux Etats-Unis au début des années 1970,
ce dispositif de gestion tend à se généraliser à l’échelle de la planète et en particulier dans
les secteurs polluants avec le renforcement des réglementations environnementales et la
pression des parties prenantes. Ce phénomène prend aussi de l’ampleur sous l’impulsion
des normes internationales ISO 14000 et du règlement européen EMAS (système
communautaire de management environnemental et d’audit). Pourtant, nous ne savons
que peu de choses sur ce dispositif de gestion. Les rares études portant sur l’audit
environnemental s’interrogent sur les objectifs et l’objet des vérifications effectuées
(Watson et Emery 2004 ; Gendron 2004 ; Dohou-Renaud 2009), les méthodologies utilisées
(Andrews et al. 2001 ; Gendron 2004 ; Boiral 2006) ou encore la compétence et
l’indépendance des auditeurs (de Moor et de Beelde, 2005 ; Antheaume, 2003 ; Dogui et
Boiral, 2013). Toutefois, ces études sont fragmentées et ne permettent pas de saisir à la
fois les versants sociaux et matériels de ce dispositif de gestion.

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2 À notre connaissance, aucune étude empirique n’explore le rôle de l’audit


environnemental dans un environnement institutionnel complexe alors même que ce
dispositif est considéré comme l’une des réponses de l’industrie polluante face aux
nouvelles obligations et responsabilités environnementales (Giroux, 1997 ; Halley, 1999).
Pour comprendre ce dispositif, il semble nécessaire d’étudier les logiques
institutionnelles qui le façonnent. On entend par logiques « des identités et des ordres de
valeurs qui structurent la décision et les pratiques des acteurs » (Thornton et Ocasio, 1999,
p. 805). Selon la perspective néo-institutionnelle, les dispositifs de gestion (et les artefacts
en général) jouent un rôle clé dans l’institutionnalisation des logiques institutionnelles
(Hasselbladh et Kalinikoss, 2000 ; Scott, 2003, Leca et al., 2009 ; Jones et al., 2013 ;
Friedland, 2013). Plus que de simples véhicules institutionnels, les artefacts peuvent
favoriser la coexistence, voire l’hybridation de logiques conflictuelles (Pratt et Foreman,
2000 ; Dambrin et al., 2007 ; Kraatz et Block, 2008 ; Reay et Hinings, 2009 ; Greenwood et al
., 2011 ; Château Terrisse, 2012 ; Gilbert et al., 2012 ; Colon, 2014 ; Amans et al., 2014). Si le
rôle des artefacts est désormais intégré dans l’analyse institutionnelle, il reste encore peu
documenté. Pour certains auteurs (Thornton et al., 2012 ; Jones et al., 2013 ; Friedland,
2013), la dimension matérielle des logiques institutionnelles mérite d’être davantage
étudiée par les chercheurs.
3 S’inscrivant dans cette perspective, cet article vise à contribuer au courant des micro-
fondations du néo-institutionnalisme (Zucker, 1991 ; Powell et Colyvas, 2008 ; Thornton et
al., 2012) en répondant à la question de recherche suivante : comment l’audit
environnemental concilie-t-il des logiques institutionnelles hétérogènes ? Pour traiter
cette question, le cadre théorique de la recherche est construit en croisant la littérature
sur les logiques institutionnelles et les travaux sur les dispositifs de gestion (Hatchuel et
Weil, 1992 ; Moisdon, 1997 ; 2008 ; de Vaujany, 2006). En outre, la recherche repose sur
une étude de cas menée auprès d’une entreprise française de pneumatique, qui est
confrontée à quatre logiques hétérogènes (logique environnementale, logique financière,
logique de marché et logique de légitimité) inhérentes à son champ organisationnel (la
filière plastique et caoutchouc). Les résultats mettent en lumière le rôle actif de l’audit
environnemental face à la complexité institutionnelle. Ce dispositif réagit en hybridant
les logiques de façon duale et en changeant de forme en fonction des logiques en
présence. Une taxonomie des formes d’audit est alors proposée et le processus par lequel
le dispositif de gestion se transforme est qualifié de « polymorphisme organisationnel ».
4 Cet article est organisé en quatre parties. La première présente le cadre conceptuel de la
recherche. La deuxième expose la démarche méthodologique en justifiant la stratégie de
recherche et le choix du cas étudié. Les résultats de l’étude de cas sont présentés dans la
troisième partie. Enfin, la dernière partie discute des apports de la recherche, puis
conclut sur les limites et perspectives de la recherche.

1. Le cadre conceptuel de la recherche : logiques


institutionnelles et dispositifs de gestion
5 Le cadre conceptuel de la recherche est bâti en croisant les littératures sur les logiques
institutionnelles et les dispositifs de gestion. Après une présentation de l’ancrage
théorique de la recherche (1.1), l’audit environnemental est envisagé comme un dispositif

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de gestion vecteur de logiques institutionnelles (1.2) et une grille d’analyse est proposée
pour explorer les caractéristiques de ce dispositif (1.3).

1.1. Les logiques institutionnelles comme ancrage théorique de la


recherche

6 La théorie néo-institutionnelle (NIS) repose sur une représentation de l’organisation


encastrée dans un champ organisationnel, c’est-à-dire « une communauté d’organisations
qui partagent un même système de sens et dont les participants interagissent plus régulièrement et
inévitablement entre eux qu’avec des acteurs en dehors du champ » (Scott, 1995, p. 56). Selon
l’approche des logiques institutionnelles, ce champ est façonné par des logiques portées
par les différents acteurs le constituant. La famille, l’Etat, la religion, la démocratie et le
capitalisme sont des exemples de logiques institutionnelles qui structurent les
représentations et les comportements des organisations et des individus dans les sociétés
occidentales modernes (Friedland et Alford, 1991). Plus précisément, le concept de
logiques institutionnelles désigne « un ensemble de pratiques matérielles, d’hypothèses, de
valeurs, de croyances et de règles socialement et historiquement construites permettant aux
individus d’organiser l’action sociale dans le temps et dans l’espace et de donner du sens à la réalité
sociale » (Thornton et Ocasio, 1999, p. 804). En établissant un lien entre les institutions et
l’action, ce concept permet d’articuler les différents niveaux de l’analyse institutionnelle :
macro (société), méso (champ organisationnel) et micro (organisations).
7 Depuis les travaux précurseurs de Friedland et Alford (1991), l’approche des logiques
institutionnelles suscite un intérêt croissant chez les chercheurs. Elle est mobilisée dans
de nombreuses études (Scott et al., 2000 ; Seo et Creed, 2002 ; Lounsbury, 2008 ; Reay et
Hinings, 2009 ; Battilana et Dorado, 2010 ; Gilbert et al., 2012 ; Thornton et al., 2012 ;
Colon, 2014) pour analyser la coexistence ou la confrontation de logiques hétérogènes
dans un champ organisationnel et leurs impacts sur les acteurs qui le composent. Face à
la « complexité institutionnelle » (Greenwood et al., 2011), certaines études montrent que
les organisations utilisent leur capacité d’action ou agency (Oliver, 1991) pour répondre
aux multiples logiques, parfois contradictoires, auxquelles elles sont soumises. En outre,
leurs réponses stratégiques peuvent varier au sein d’un même champ organisationnel. On
parle alors d’hétéromorphisme (Kondra et Hinings, 1998 ; Lounsbury, 2001 ; Rao et al.,
2003 ; Washington et Ventresca, 2004, Szostak-Tapon, 2006) par opposition à
l’isomorphisme qui contraint les organisations à adopter des comportements similaires
face aux pressions coercitives, normatives et mimétiques (DiMaggio et Powell, 1983). Les
organisations hétéromorphiques réagissent de plusieurs manières : elles peuvent
supprimer une logique afin d’éliminer le pluralisme institutionnel, compartimenter les
logiques en répondant séparément aux attentes via la création d’unités
organisationnelles spécifiques, les hybrider par une recherche de compromis et la mise
en place d’une coopération entre les différents acteurs, ou encore les intégrer de manière
à faire émerger une nouvelle logique distincte en transcendant les logiques concurrentes
(Pratt et Foreman, 2000 ; Kraatz et Block, 2008). Mais ces stratégies ne sont pas toujours
exclusives. Comme le montrent Reay et Hinings (2009) dans le secteur de la santé, il est
possible de combiner la compartimentation à l’hybridation des logiques (logique
médicale, logique de gestion) en spécifiant les rôles des acteurs et en favorisant leur
coopération autour de projets cibles.

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8 Si la littérature tend à se développersur ces questions, peu d’auteurs en revanche


s’interrogent sur la confrontation des logiques institutionnelles au niveau intra-
organisationnel (Thornton et al., 2012). En effet, le champ organisationnel reste la
principale unité d’analyse dans les travaux néo-institutionnalistes, ce faisant les
mécanismes par lesquels les acteurs organisationnels gèrent des logiques hétérogènes au
niveau micro, et a fortiori dans les dispositifs de gestion, sont encore peu documentés.
Selon DiMaggio et Powell (1997, p. 132), peu d’efforts ont été fournis pour expliciter les
micro-fondations du néo-institutionnalisme. Ils invitent alors les chercheurs à étudier les
micro-fondations du processus d’institutionnalisation : « s’il est vrai que la dimension macro
du néo-institutionnalisme est centrale, il n’en reste pas moins que toute macrosociologie repose,
même de façon tacite, sur une microsociologie. Une grande partie de ce qui fait l’originalité du néo-
institutionnalisme résulte de ses représentations implicites des motivations des acteurs, de leurs
orientations face à l’action et des contextes dans lesquels ils agissent (…). Pour comprendre le néo-
institutionnalisme, il est donc nécessaire de mettre au jour ses présupposés. ». Pour ce faire,
Powell et Colyvas (2008) suggèrent d’analyser les logiques institutionnelles, représentées
et portées par des individus, à travers leurs actions, outils et technologies. Notre
recherche s’inscrit dans le courant des micro-fondations du néo-institutionnalisme et
tente de mieux cerner le lien entre logiques institutionnelles et dispositifs de gestion.
Pour cela, nous allons mobiliser les travaux sur la matérialité et l’hybridation des logiques
institutionnelles.
9 Longtemps absente des débats académiques et managériaux, la question de la matérialité
fait actuellement l’objet d’un regain d’intérêt dans l’étude des organisations (de Vaujany,
2011). Toutefois, il semble que cette question soit encore peu explorée dans la littérature
néo-institutionnelle (Jones et al., 2013). Pourtant Friedland et Alford (1991) soulignaient
dans leur définition la dualité des dimensions matérielles et symboliques des logiques
institutionnelles. On ne saurait dissocier ces dimensions, car elles représentent les deux
faces d’une même réalité. Les sociomatérialistes (Hasselbladh et Kallinikos, 2000 ; Pinch,
2008 ; Leca et al., 2009 ; Jones et al., 2013 ; Orlikowski et Scott, 2015) invitent donc les
chercheurs à réintroduire le matériel dans la réflexion sociologique et en particulier
organisationnelle (de Vaujany, 2011). Autrement dit, il convient d’explorer la dimension
matérielle des logiques institutionnelles. Cette matérialité renvoie aux structures et
pratiques (Thornton et al., 2012) qui véhiculent les idées, valeurs et symboles à travers le
temps et l’espace (Jones et al., 2013). Pour mieux saisir cette matérialité, l’une des pistes
théoriques est de reconsidérer le rôle des artefacts dans l’analyse institutionnelle (Scott,
2003 ; Friedland, 2013). Pour reprendre la définition de Suchman (2003, p. 98), « un artefact
est un objet matériel discret, produit et transformé consciemment par l’activité humaine sous
l’influence d’un environnement physique et/ou culturel ». Ainsi, comme le suggèrent
Hasselbladh et Kallinikos (2000), l’institutionnalisation des logiques requiert qu’elles
soient représentées physiquement par des artefacts solides et durables. Les logiques ne
doivent pas être désincarnées mais « objectivées » au travers de dispositifs concrets et
« subjectivées » via l’appropriation de ces logiques par les acteurs. Dans cette perspective,
certaines études montrent que les dispositifs de gestion sont des transporteurs de
logiques institutionnelles dans les organisations (Lawrence et Suddaby, 2006 ; Moquet et
Pezet, 2006 ; Leca et al., 2009). Par exemple, Dambrin et al. (2007) mettent en évidence le
rôle des dispositifs de contrôle de gestion dans l’institutionnalisation d’une nouvelle
logique institutionnelle (logique grande consommation) dans une entreprise
pharmaceutique. De récents travaux, encore peu nombreux, suggèrent un rôle plus actif

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des dispositifs de gestion notamment dans l’hybridation de logiques contradictoires afin


de favoriser la cohérence organisationnelle (Leca et al., 2009 ; Charue-Duboc et Raulet-
Croset, 2014 ; Amans et al., 2014 ; Colon, 2014). Ainsi, comme l’indique Château Terrisse
(2012), les dispositifs de gestion auraient deux rôles : un rôle passif consistant à véhiculer
les logiques institutionnelles et un rôle actif permettant d’hybrider ces logiques et de
réguler les conflits entre les acteurs en autorisant leur intégration. Cependant, il reste à
savoir comment cette hybridation s’opère concrètement dans les organisations.
10 Selon la littérature récente, mais encore marginale sur ce sujet, l’hybridation des logiques
hétérogènes dépend du degré d’incompatibilité et du degré de spécificité de ces logiques.
Pache et Santos (2010 ; 2013) identifient deux types d’incompatibilité : l’incompatibilité de
buts et l’incompatibilité de moyens. Pour ces auteurs, le degré d’incompatibilité est plus
élevé et difficilement surmontable lorsque les logiques en présence reposent sur des
objectifs contradictoires. A contrario, les logiques peuvent être combinées lorsqu’elles ne
s’opposent que sur les moyens et actions qu’elles prescrivent. De même, le degré de
spécificité (Goodrick et Salancik, 1996) ou de perméabilité d’une logique (Kent et Dacin,
2013) influence la latitude dont disposent les acteurs pour définir leurs pratiques
organisationnelles. Ainsi, il est possible de concilier des logiques moins spécifiques (c’est-
à-dire caractérisées par des buts et pratiques ambigus) alors qu’un fort degré de
spécificité des logiques les rend incompatibles (Greenwood et al., 2011). En outre, la
coexistence durable et la multiplicité des acteurs porteurs d’une, de deux ou de plusieurs
logiques peuvent favoriser une certaine ambiguïté et donc un degré de latitude plus élevé
pour les acteurs du champ organisationnel (Gilbert et al., 2012). La combinaison de
logiques en compétition peut aussi aboutir à la transformation des organisations en des
organisations dites « hydrides » (Battilana et Dorado, 2010). La finance solidaire est un
exemple d’organisation hybride conciliant deux logiques antinomiques, la logique
financière et la logique solidaire, sources de tensions et de conflits dans l’organisation
(Château Terrisse, 2012). Dans le domaine de la santé, Charue-Duboc et Raulet-Croset
(2014) montrent que les organisations de téléassistance arrivent à surmonter les tensions
liées à la coexistence de deux logiques concurrentes (la logique du soin médical et la
logique du soin social) en faisant évoluer leurs routines organisationnelles.
11 En résumé, les travaux sur la matérialité et l’hybridation des logiques institutionnelles
constituent les fondements théoriques de notre recherche. Ils apportent les premiers
éléments nécessaires pour structurer notre réflexion sur l’audit environnemental.
Toutefois, comme nous l’avons vu supra, très peu d’études examinent le rôle actif des
dispositifs de gestion dans l’analyse institutionnelle. La littérature empirique étant
encore embryonnaire, de nouvelles études semblent alors indispensables pour améliorer
la connaissance sur ce sujet. C’est dans cette perspective que nous proposons d’explorer
le rôle de l’audit environnemental face à la complexité institutionnelle et plus
précisément d’étudier la manière dont ce dispositif de gestion concilie les logiques
institutionnelles hétérogènes. Une telle étude permettrait de contribuer à une meilleure
compréhension du rôle des dispositifs de gestion dans la matérialisation et l’hybridation
des logiques institutionnelles. Pour cela, il convient au préalable d’introduire le concept
d’audit environnemental.

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1.2. L’audit environnemental, un dispositif de gestion vecteur de


logiques institutionnelles

12 L’audit environnemental (ou vérification environnementale) est un concept difficile à


définir tant il recouvre des réalités diverses. S’il existe différentes acceptions dans la
littérature1, la définition proposée par la Commission européenne mérite d’être retenue
dans cette recherche. L’audit environnemental est décrit comme un dispositif de gestion
consistant en « l’évaluation systématique, documentée, périodique et objective des performances
environnementales d’une organisation, du système de management et des procédés destinés à
assurer la protection de l’environnement » (Règlement CE n° 1221/2009, p. 4). On entend par
performances environnementales, « les résultats mesurables de la gestion par une organisation
de ses aspects environnementaux, c’est-à-dire les éléments des activités, produits ou services qui
ont ou sont susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement » (Ibid.). Nous mobilisons
cette définition de l’audit environnemental, car elle découle d’un consensus international
et permet d’apprécier la diversité de structures et pratiques regroupées sous ce concept.
En outre, elle montre que l’audit environnemental est un dispositif formalisé permettant
de réguler l’action collective. Plus précisément, un tel dispositif acquiert le statut de
dispositif de gestion puisqu’il répond à l’une des finalités décrites par Hatchuel et
Moisdon (1993, p. 21) : déléguer, coordonner ou évaluer les activités d’une organisation
selon des standards.
13 Dans la perspective néo-institutionnelle, nous pouvons envisager l’audit environnemental
comme un artefact véhiculant des logiques institutionnelles. Ce dispositif de gestion est
souvent, en effet, utilisé par les organisations pour répondre aux pressions
institutionnelles en matière de protection de l’environnement naturel (Giroux, 1997 ;
Halley, 1999 ; Darnall et al., 2000 ; Andrews et al., 2001 ; Gendron, 2004 ; Watson et Emery,
2004 ; de Moor et de Beelde, 2005 ; Dohou-Renaud, 2009 ; Dogui et Boiral, 2013). En outre,
les dispositifs de gestion sont généralement considérés comme des artefacts qui mettent
en forme le réel (David, 1996), qui possèdent à la fois un versant matériel et un versant
social. Ils tiennent aux expériences et aux représentations des acteurs, pétris de normes
et de valeurs, de logiques propres (Amans et al., 2014). Comme tout dispositif de gestion,
l’audit environnemental est composé de règles, d’objets, d’outils et d’acteurs (Moisdon,
1997 ; 2008) qu’il convient d’étudier pour opérationnaliser ce concept. A l’instar de
nombreux auteurs (David, 1998 ; de Vaujany, 2006 ; Corbett-Etchevers et Mounoud , 2011 ;
Oiry, 2011 ; Château Terrisse, 2012 ; Amans et al., 2014), nous mobilisons le tripode élaboré
par Hatchuel et Weil (1992) pour analyser sa structure. D’après ce tripode, tout dispositif
de gestion est le fruit de trois éléments en interaction. D’abord, le substrat technique
désigne le volet matériel du dispositif de gestion, il regroupe les éléments concrets qui lui
permettent de fonctionner. Ensuite, la philosophie gestionnaire traduit l’esprit dans
lequel l’utilisation du dispositif de gestion est envisagée. Elle exprime le système de
concepts qui désigne les objets et les objectifs formant la cible de la rationalisation. Enfin,
la vision simplifiée des relations organisationnelles fait référence aux rôles des acteurs
autour du dispositif et à la nature de leurs relations.
14 Par ailleurs, on trouve les logiques institutionnelles dans chacun des trois éléments du
dispositif de gestion (Amans et al., 2014). Par exemple, dans le secteur de la finance
solidaire, Château Terrisse (2012) montre que le substrat technique du dispositif étudié (le
comité d’engagement qui valide ou non les décisions d’investissement) permet de

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formaliser, synthétiser et verbaliser les logiques solidaire et financière en les traduisant


en des critères sociaux et financiers, quantitatifs et qualitatifs. La philosophie
gestionnaire renferme les suppositions, croyances et valeurs des différents groupes
d’acteurs en compétition et défendant chacun une logique particulière. La vision
simplifiée des relations organisationnelles met en évidence les débats et tensions entre
les logiques et les rôles de chaque coalition d’acteurs dans la recherche d’un compromis.

1.3. Proposition d’une grille d’analyse de l’audit environnemental

15 Les précédents développements théoriques nous conduisent à formuler la question de


recherche suivante : comment l’audit environnemental concilie-t-il des logiques
institutionnelles hétérogènes ? Pour répondre à cette question, nous proposons
d’explorer l’audit environnemental à travers une grille d’analyse inspirée de la littérature
sur les logiques institutionnelles et des travaux sur les dispositifs de gestion. Dans cette
grille (cf. figure 1), l’audit environnemental est caractérisé par les logiques qu’il véhicule
et les éléments qui le composent : le substrat technique, la philosophie gestionnaire et la
vision simplifiée des relations organisationnelles.

Figure 1. La grille d’analyse de l’audit environnemental dans un contexte de logiques hétérogènes

2. L’étude de cas comme stratégie de recherche


16 Pour traiter la question de recherche, une étude de cas est menée auprès d’un
plasturgiste français dénommé ci-après FrenchTyre. Après avoir justifié cette stratégie de
recherche (2.1), nous présentons l’entreprise étudiée (2.2) ainsi que les méthodes de
collecte et d’analyse de données utilisées dans cette recherche (2.3).

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2.1. Justification de la stratégie de recherche

17 Contrairement à la plupart des études néo-institutionnalistes, le champ organisationnel


ne constitue pas l’unité d’analyse de notre recherche même si nous y faisons référence.
Rappelons d’abord que le « champ organisationnel » est un collectif d’organisations
constituant un domaine reconnu de vie institutionnelle (DiMaggio et Powell, 1983). Notre
étude n’est pas construite dans une visée comparative, elle s’intéresse plutôt à l’examen
en profondeur d’un cas individuel. En effet, l’étude se situe à l’échelle intra-
organisationnelle, car il est question ici de procéder à une micro-analyse des logiques
institutionnelles au niveau d’un dispositif de gestion utilisé par les acteurs d’une
organisation. Ce niveau d’analyse reste encore peu mobilisé dans la littérature néo-
institutionnelle. En retenant cette dimension micro, nous nous inscrivons dans
l’approche des micro-fondations des logiques institutionnelles (Zucker, 1991 ; Powell et
Colyvas, 2008) et nous répondons à l’appel de Thornton et al. (2012), qui incitent les
chercheurs à explorer les interactions sociales complexes à l’intérieur des organisations
pour obtenir une meilleure compréhension de l’appropriation des logiques
institutionnelles par les acteurs et expliquer la variation des identités et pratiques
organisationnelles.
18 Compte tenu de l’objectif de la recherche, le recours à l’étude de cas (Yin, 2003) semble
pertinent pour observer et analyser les microprocessus qui soutiennent les logiques
institutionnelles et les éléments qui composent l’audit environnemental, le dispositif de
gestion étudié dans cette recherche. En effet, cette méthode « met l’accent sur la
compréhension des dynamiques présentes au sein d’un environnement unique, elle se limite à un
domaine d’investigation bien spécifique et permet la collecte de données très diverses. Elle se
justifie par la complexité du problème à étudier » (Hlady Rispal, 2002, p. 48). En outre, l’unicité
du cas ne constitue pas une limite dans les recherches qualitatives dans la mesure où «
tout phénomène observé dans une seule organisation a potentiellement une portée générale. Les
organisations peuvent apprendre considérablement d’un seul évènement, c’est notamment le cas
des compagnies aériennes ou des centrales nucléaires qui, d’un seul accident, cherchent à tirer des
lois de portée générale relatives à la sécurité » (March et al., 1991, cités par Hlady Rispal ,2002,
p. 80). Ainsi, comme l’affirme David (2004), l’étude de cas n’est pas réservée aux phases
exploratoires mais elle permet aussi la généralisation des résultats.

2.2. Présentation du cas FrenchTyre

19 L’étude de cas porte sur l’entreprise FrenchTyre, un plasturgiste français spécialisé dans la
fabrication et la commercialisation de pneumatiques. Cette entreprise réalise un chiffre
d’affaires d’environ 16 milliards d’euros et possède une soixantaine de sites industriels à
travers le monde. En France, elle emploie 30000 salariés sur une quinzaine
d’établissements certifiés ISO 14001. Elle appartient au champ organisationnel plastique
et caoutchouc qui regroupe notamment les producteurs de matière plastique, les
fabricants de machines de production et de moules et les recycleurs de déchets
plastiques. Cette entreprise constitue un terrain adéquat pour traiter notre question de
recherche puisqu’elle utilise l’audit environnemental pour répondre aux diverses
contraintes de son environnement institutionnel.

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20 Les pouvoirs publics exercent des pressions sur l’entreprise, car ses activités engendrent
de la pollution et présentent des risques industriels majeurs. En effet, ses activités sont
encadrées par des législations et réglementations coercitives, telle que la législation sur
les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) de 1976, transposée
des directives européennes SEVESO dans le droit français2. D’ailleurs, deux sites
industriels de l’entreprise sont classés « seuil haut » et huit sites « seuil bas » à cause de la
quantité des substances dangereuses stockées sur ces sites. Le risque incendie constitue le
principal risque industriel auquel elle est exposée : par exemple, les départs de feu
peuvent survenir lors de l’utilisation d’hydrocarbures (des substances très inflammables)
dans la production de caoutchouc de synthèse ou lors de la production de mélanges de
gommes (constitués de nombreux matériaux dont les élastomères, les charges
renforçantes, les huiles, les résines, le souffre…) nécessaires à la fabrication des
pneumatiques. En outre, l’entreprise est particulièrement visée par la législation de 2002
sur l’interdiction de la mise en décharge des pneumatiques usagés. Dès lors, elle sous-
traite ses déchets à l’organisation Aliapur3 afin de maîtriser les risques
environnementaux et les coûts de recyclage de ses pneus.
21 L’entreprise est également soumise à des contraintes de marché. Elle doit gérer les
risques de rupture d’approvisionnements et les risques liés à la concurrence
internationale. Pour fidéliser sa clientèle et conquérir de nouveaux marchés, sa stratégie
concurrentielle repose sur l’innovation des produits et services, le renforcement de sa
présence sur les marchés à forte croissance et l’amélioration de sa compétitivité. En
matière d’innovation, elle investit dans des programmes d’éco-conception afin de
proposer à ses clients actuels et futurs des pneumatiques dits « écologiques » (c’est-à-dire
à faible résistance au roulement4), qui consomment moins de carburant et rejettent moins
de gaz à effet de serre (GES). L’entreprise investit en moyenne 3 % de son chiffre d’affaires
annuel en recherche et développement (R&D).
22 La stratégie de l’entreprise répond aussi à des contraintes financières. Elle cherche à
maîtriser les risques financiers de ses investissements environnementaux. Cette stratégie
consiste aussi à réduire les coûts cachés des sites industriels en optimisant leur
consommation de ressources (énergie et eau) et en diminuant leur production de déchets
mis en décharge. Enfin, l’entreprise cherche à préserver son image et à rassurer ses
parties prenantes sur sa politique de développement durable. Pour cela, elle fait certifier
ses sites industriels selon la norme ISO 14001, publie des rapports sur sa gestion
environnementale et sociale (conformément à la loi de 2001 sur les Nouvelles Régulations
Économiques – NRE) et organise des journées portes ouvertes et des visites de ses sites
industriels.
23 Pour répondre aux différentes contraintes, l’entreprise réalise régulièrement des
vérifications environnementales. Pour cela, elle s’est dotée d’une démarche d’audit qui
s’appuie sur trois acteurs essentiels : le manager opérationnel qui est responsable de
l’identification et de la maîtrise des risques de son entité dans le respect des standards,
les services spécialisés (ex. service environnement et prévention, service financier,
service juridique…) qui analysent les risques de leur domaine, définissent les standards,
animent et contrôlent leur mise en œuvre, et les auditeurs internes qui vérifient
l’efficacité des mesures de maîtrise des risques lors des missions d’audit. L’ensemble de la
démarche est pilotée et coordonnée par un responsable, le risk manager. Ces différents
acteurs font l’objet de notre étude empirique.

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 10

2.3. Explicitation du protocole de collecte et d’analyse des données

24 L’étude de cas s’appuie sur une triangulation des données. Nous avons recueilli plusieurs
types d’informations (données qualitatives et quantitatives, enregistrements audio et
vidéo) à partir de différentes sources de données (acteurs de l’entreprise, sites internet,
médias d’information) et en utilisant deux modes de collecte (entretiens semi-directifs et
analyse documentaire) durant la période de l’étude (2007 à 2010). Cette triangulation a
permis de recouper et de vérifier les informations recueillies afin de limiter les biais
méthodologiques et de renforcer la validité interne de la recherche (Miles et Huberman
2003, Ayerbe et Missonnier, 2007). Le tableau 1 présente une synthèse des données
empiriques collectées.
25 Nous avons interviewé les acteurs clés de la démarche d’audit environnemental. Trois
entretiens approfondis ont été menés avec le risk manager (qui est le responsable de la
démarche d’audit et qui veille à la maîtrise des risques de l’entreprise), le directeur
environnement et hygiène (qui pilote une équipe de 70 auditeurs internes chargés de
garantir l’efficacité et la pérennité du système de management environnemental (SME)
dans le groupe) et le directeur d’une usine de production de caoutchouc synthétique (l’un
des composants essentiels à la fabrication des pneumatiques). Certifiée ISO 14001, cette
usine de 400 salariés est considérée comme l’une des plus polluantes du groupe : « Cette
certification résulte d’une décision du groupe qui, à la fin des années 90, a décidé de faire certifier
ISO 14001 toutes ses usines d’un point de vue environnemental. L’un des sites qui avait de gros
impacts sur l’environnement, c’était notre usine. Donc c’est pour ça que nous avons été les premiers
à nous mettre en action. » (Directeur d’usine, entretien).
26 D’une durée moyenne de 1h30, ces interviews portaient sur les différents éléments de la
gestion environnementale de l’entreprise : la politique environnementale, les raisons de
l’adoption du SME, la mise en place et le fonctionnement du SME, le contexte de sa
certification, les différentes pratiques d’audit environnemental, la réalisation du rapport
environnement, l’implication des parties prenantes… Pour compléter ces données
primaires, nous avons collecté de nombreux documents écrits, audio et vidéo relatifs aux
pratiques environnementales de l’entreprise : rapports annuels, rapports développement
durable, rapports d’audits, documents de références, procédures, politique
environnementale, données relatives au reporting environnemental… Les documents
écrits représentent près de 1200 pages de texte. D’une durée variant entre 3 et 21
minutes, les huit enregistrements audio et vidéo ont été retranscrits intégralement pour
faciliter le traitement des données.
27 Àl’issue de la collecte des données, le corpus obtenu fut traité selon la technique de
l’analyse de contenu thématique (Hlady Rispal, 2002 ; Miles et Huberman, 2003 ; Bardin
2007). Le corpus a été codé à partir de la grille d’analyse (présentée supra) issue de la
littérature sur les logiques institutionnelles et les dispositifs de gestion. Nous avons
procédé à un découpage par thèmes correspondant aux concepts mobilisés dans cette
grille : logiques institutionnelles, substrat technique, philosophie gestionnaire, vision
simplifiée des relations organisationnelles. Par exemple pour traiter l’item « rôles des
auditeurs », rattaché au concept « vision simplifiée des relations organisationnelles »,
nous avons isolé dans deux codes distincts les extraits du corpus décrivant les missions
des auditeurs internes (les membres du service environnement et prévention) et des
auditeurs externes (l’entreprise fait appel au cabinet PricewaterhouseCoopers – PwC en

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 11

tant que tiers indépendant pour évaluer ses rapports). Chaque document ou entretien fut
traité séparément (analyse verticale) puis de façon transversale pour faire apparaitre les
thèmes récurrents à l’intérieur du corpus, c’est-à-dire apparaissant d’un document à
l’autre (analyse horizontale). Cette double analyse a servi à mettre en exergue les
similitudes et les différences entre les vérifications réalisées dans l’entreprise et de
générer une taxonomie des formes d’audit environnemental. Notre analyse fut facilitée
par l’utilisation du logiciel NVivo7, qui a permis de manipuler rapidement une masse
importante de données, de procéder à un codage systématique du corpus, d’amalgamer
des codes ou encore de retrouver immédiatement les extraits codés. Les résultats de
l’analyse sont présentés infra.

Tableau 1. Les données empiriques de l’étude de cas FrenchTyre

Modes de recueil Données collectées Données collectées


des données sur le terrain sur internet

3 entretiens semi-directifs 4 interviews vidéo et audio réalisés par


menés par le chercheur : des médias d’information :

Risk manager Président directeur général


Entretiens
Directeur environnement et Risk manager
hygiène Directeur marketing-innovation
Directeur d’usine Auditeur interne

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 12

Documents établis par l’entreprise :

Politique environnementale
Charte de responsabilité sociale et
environnementale
Documents de références
3 rapports annuels
3 rapports environnement ou
développement durable
3 extraits des rapports des commissaires
Documents consultés dans
aux comptes sur les informations sociales
l’entreprise :
et environnementales
Grille d’évaluation des aspects Pages web consacrées à la stratégie de
Collecte de et impacts environnementaux développement durable et à la gestion
documents écrits, significatifs environnementale de l’entreprise
audio et vidéo Référentiel règlementaire 1 vidéo sur la stratégie développement
Fichier d’indicateurs durable de l’entreprise
environnementaux Documents réalisés par les médias
Rapport et procédure d’audit d’information et la presse spécialisée :
5 articles de presse écrite
2 vidéos sur la fabrication et le cycle de vie
du pneumatique
1 vidéo sur la valorisation des
pneumatiques usagés
Rapports publiés sur la filière plastique et
caoutchouc par la Fédération de la
Plasturgie et des Composites (FPC) et
l’INSEE

3. L’audit environnemental, un dispositif de gestion


caméléon face à l’hétérogénéité des logiques
institutionnelles
28 Cette partie expose de manière factuelle les résultats de l’étude de cas. Elle va montrer
que l’audit environnemental est un dispositif de gestion caméléon, c’est-à-dire qui se
présente sous plusieurs formes afin de concilier les différentes logiques institutionnelles.
Après avoir identifié les logiques de la filière plastique-caoutchouc qui pèsent sur
l’entreprise FrenchTyre (3.1), nous mettons en exergue les différentes formes d’audit
environnemental observées dans cette entreprise (3.2). Ces résultats font l’objet d’une
discussion dans une partie distincte de l’article.

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 13

3.1. L’identification des logiques institutionnelles de la filière


plastique-caoutchouc

29 L’entreprise FrenchTyre est encastrée dans la filière plastique et caoutchouc. Ce champ


organisationnel est fortement institutionnalisé en France. L’étude de cas permet
d’identifier quatre logiques hétérogènes structurant ce champ, que nous qualifions de
logique environnementale, logique financière, logique de marché et logique de légitimité.
Chacune d’elle peut être associée à un ou plusieurs acteurs du champ en fonction de leurs
croyances, valeurs, règles et moyens d’action (cf. tableau 2).
30 La logique environnementale consiste à assurer la protection de l’environnement naturel.
Elle est soutenue par les pouvoirs publics (Etat, collectivités locales, institutions
européennes) et les ONG. Les premiers acteurs exercent des pressions croissantes sur la
filière à travers les législations et règlementations coercitives. Les seconds acteurs
dénoncent les infractions commises par les plasturgistes, organisent le boycott de leurs
produits ou font du lobbying auprès de l’Etat et/ou des organisations internationales (ex.
OCDE) pour contraindre les entreprises à respecter les lois et directives en faveur de
l’environnement. Par ailleurs, cette logique environnementale semble intrinsèque à
l’audit environnemental. En effet, ce dispositif de gestion est apparu aux Etats-Unis au
début des années 1970 dans un contexte législatif contraignant afin de limiter la pollution
générée par les activités de l’industrie américaine. À l’époque, et encore aujourd’hui, ce
dispositif est promu par l’Environmental Protection Agency (EPA), l’institution américaine en
charge de l’application des législations environnementales. En Europe, la Commission
européenne a joué un rôle important dans la diffusion de ce dispositif à travers le
règlement EMAS (système communautaire de management environnemental et d’audit)
dont l’application reste néanmoins à la discrétion des entreprises européennes. L’audit
environnemental sert alors à vérifier la conformité de l’organisation aux différentes
réglementations.
31 Portée par les investisseurs, la logique financière veille à la stabilité financière de
l’organisation tout en assurant une rentabilité suffisante des investissements réalisés, y
compris dans le domaine environnemental. Il semble que les plasturgistes français – à
égalité avec les allemands – investissent le plus en recherche et développement en
Europe, notamment dans les équipements anti-pollution.5 Selon Halley (1999), cette
logique constitue l’une des principales raisons justifiant l’adoption de l’audit
environnemental par les entreprises industrielles. En effet, loin des impératifs
écologiques, les entreprises polluantes ont surtout eu recours à ce dispositif pour se
prémunir contre les conséquences financières liées aux sanctions pénales, à
l’indemnisation des victimes et à la réparation des dommages ainsi qu’à la dépollution des
sites contaminés. Des exemples emblématiques, telles que l’indemnisation des victimes de
la catastrophe de Bhopal (500 millions de dollars) ou la remise en état des ressources
naturelles après la marée noire provoquée par l’Exxon-Valdez (5 milliards de dollars), ont
eu un effet dissuasif sur les comportements déviants des entreprises et les ont conduit à
adopter l’audit pour maitriser leurs risques environnementaux. D’autres raisons
financières expliquent l’adoption de ce dispositif comme la réduction des coûts par une
baisse des consommations de matières premières et d’énergie et par une diminution de la
production de déchets.

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 14

32 La logique de marché consiste à obtenir un avantage concurrentiel en proposant des


produits innovants ou en ciblant de nouveaux marchés. Cette logique est impulsée par les
clients et fournisseurs des plasturgistes. En amont de la filière plastique, les fournisseurs
exercent une forte pression en matière d’approvisionnement. Les activités des
plasturgistes sont touchées par l’instabilité des prix des matières plastiques. Depuis 2012,
les prix oscillent avec une amplitude de 20 % générant une fluctuation des coûts totaux de
plus ou moins 5 % pour les industriels. En aval de la filière, les plasturgistes subissent
également les pressions de leurs principaux clients : les industries de l’automobile,
l’aéronautique, l’agroalimentaire, l’électrique et électronique, la santé et le BTP. Pour
répondre aux attentes de ces donneurs d’ordre, la filière doit sans cesse innover pour
permettre aux matériaux plastiques d’acquérir des qualités très précises demandées par
les clients. En outre, l’innovation verte6 est l’un des atouts de la filière face à la
concurrence européenne (Allemagne et Italie) et internationale (Chine, Japon et Etats-
Unis) et à la raréfaction des ressources fossiles. Selon la Fédération de la Plasturgie et des
Composites, les investissements dans des programmes d’éco-conception se sont
multipliés ces dernières années. Le recyclage et la valorisation énergétique des déchets
plastiques sont des opportunités d’avenir pour la filière, car ils permettront de découpler
la consommation des ressources de la croissance du PIB tout en assurant la réduction des
impacts sur l’environnement. Dans ce cadre, l’audit environnemental est utilisé pour
évaluer et améliorer les performances des produits ou développer de nouveaux produits
plus favorables à l’environnement tout en étant rentables économiquement.
33 Enfin, la logique de légitimité consiste à améliorer la réputation de la filière et à renforcer
sa légitimité auprès des parties prenantes. L’audit environnemental contribue à cet
objectif notamment lorsqu’il est mené dans le cadre d’une certification ISO 14001 ou
d’une démarche EMAS par un vérificateur environnemental agréé.7 L’obtention de labels
écologiques (ex. NF environnement, Écolabel européen) contribue aussi à promouvoir
l’image des entreprises. En effet, en fournissant une reconnaissance externe, ces
standards apportent de la crédibilité à la gestion environnementale des entreprises. Les
associations professionnelles, comme l’Association Profession Plastique ou la Fédération
de la Plasturgie et des Composites), soutiennent cette logique en incitant leurs membres à
se faire certifier et en organisant des formations pour les aider à mettre en place des
démarches de management environnemental. De même, en présentant l’audit
environnemental comme une bonne pratique et les entreprises certifiées comme des
modèles à suivre, les organismes gouvernementaux tels que l’ADEME (Agence de
l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) confèrent à ces entreprises un avantage de
légitimité par rapport à leurs concurrents. Comme l’indique la littérature (Suchman,
1995 ; Déjean, 2006 ; Philippe et Durand, 2011), cette quête de légitimité, qui pousse les
organisations à s’adapter aux demandes des parties prenantes et aux valeurs dominantes
de la société, est nécessaire pour la survie des organisations encastrées dans un
environnement institutionnalisé.
34 Si les quatre logiques de la filière plastique et caoutchouc diffèrent sur le plan des
objectifs et des moyens, sont-elles pour autant incompatibles ? Peut-on concilier ces
logiques hétérogènes au sein d’un même dispositif de gestion, à savoir l’audit
environnemental ? Selon la littérature, l’hybridation des logiques est rendue possible
lorsque le degré d’ambiguïté est élevé (Goodrick et Salancik, 1996 ; Greenwood et al.,
2011). Dans le cas étudié, la logique environnementale paraît moins spécifique que les
trois autres logiques institutionnelles, car il existe une certaine ambiguïté sur les objectifs

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 15

et les moyens utilisés pour réduire la pollution et protéger l’environnement naturel. En


effet, cette logique admet une diversité de solutions et les organisations disposent alors
d’une forte latitude dans leur choix. Pour reprendre Drepet et Hamdouch (2009, p. 131), «
les solutions peuvent être tout autant de nature technologique, organisationnelle, managériale ou
encore institutionnelle. Ces solutions concernent l’ensemble des atteintes à l’environnement
touchant l’eau, l’air ou les sols, ainsi que les problèmes en rapport avec les déchets, le bruit et les
écosystèmes. Elles peuvent permettre non seulement de respecter des obligations réglementaires
relevant du droit de l’environnement, mais également d’améliorer l’efficacité des process
industriels et/ou la performance des produits ou services qui en résultent. ».
35 Compte tenu de l’ambiguïté de la logique environnementale, il apparaît donc possible de
combiner les principes des différentes logiques : par exemple, la protection de
l’environnement (logique environnementale) ne semble pas incompatible avec la
réduction des coûts liés aux gaspillages des ressources naturelles (logique financière), ou
l’obtention d’un avantage compétitif reposant sur des produits plus respectueux de
l’environnement (logique de marché) ou encore l’amélioration de l’image de l’entreprise
par la certification ISO 14001 (logique de légitimité). La combinaison des logiques est
d’autant plus plausible lorsqu’on sait que la mise en œuvre d’un audit environnemental
est laissée à la discrétion des organisations. À l’heure actuelle, ce dispositif de gestion
n’est ni réglementé par l’Etat ni encadré par la « profession » récente d’auditeurs
environnementaux, qui ne dispose pas encore de normes professionnelles clairement
établies et unanimement reconnues contrairement à son homologue financier
(regroupant les auditeurs financiers et commissaires aux comptes). Cela nous amène à
préciser que, indépendamment du standard utilisé, les objectifs et le périmètre de l’audit
environnemental sont définis par l’organisation auditée (ou parfois par ses clients). Le
commanditaire de l’audit a donc la possibilité de fixer le degré de conformité attendu ou
de sélectionner les domaines à améliorer dans sa gestion environnementale (Gendron
2004). Ces différents éléments laissent donc présager une forte latitude dans l’utilisation
de ce dispositif de gestion au sein des organisations.
36 Les logiques étant identifiées, nous allons voir dans la section suivante comment l’audit
environnemental hybride les logiques hétérogènes pour permettre à l’entreprise de
survivre dans un environnement fortement institutionnalisé.

Tableau 2. Les logiques institutionnelles de la filière plastique et caoutchouc

Logiques Logique Logique Logique de


Logique de marché
institutionnelles environnementale financière légitimité

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 16

-Associations
-Clients professionnelles
(automobile, (ex. Association
-L’Etat et aéronautique, Profession
collectivités agroalimentaire, Plastique,
locales BTP….) Fédération de la
Acteurs -Investisseurs
-Commission -Fournisseurs de Plasturgie et des
européenne matières Composites -
FPC,)
- ONG -Concurrents
européens et -Organisations
internationaux internationales
(ex. ISO)

-Eviter les
sanctions
financières en se
conformant aux
-Protéger la
obligations
réputation de la
légales et
filière
règlementaires -Obtenir un
-Protéger -Promouvoir la
Buts et l’environnement - Maximiser le avantage compétitif
filière
croyances profit et réduire -Innover en
-Lutter contre la -Renforcer la
les coûts en proposant des
pollution légitimité de la
consommant produits « verts »
filière auprès de
moins de
ses parties
ressources
prenantes
naturelles et en
produisant
moins de
déchets

-Rentabilité -Compétitivité
-Développement -Maîtrise des -Innovation -Réputation
durable coûts et des -Maîtrise des -Légitimité sociale
Valeurs clés -Maîtrise des risques risques liés
la à
financiers -Maîtrise des
risques concurrence et à la
risques d’image
environnementaux -Economie de rupture des
ressources approvisionnements

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L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 17

-Certification ISO
-Adoption de lois
14001,
et de règlements
enregistrement
(ex. ICPE, NRE,
EMAS
REACH, EMAS…)
-Labels
- Mise en œuvre de -Plans
écologiques (ex.
Moyens et sanctions pour d’investissement -Programmes d’éco-
NF
règles non-respect des et de conception
environnement,
textes juridiques financement
Écolabel
- Moyens d’action européen)
des ONG
-Formations sur la
(manifestations,
gestion
lobbying…)
environnementale

3.2. Les formes d’audit environnemental comme réponse à la


complexité institutionnelle

37 Face à la complexité institutionnelle, l’audit environnemental prend différentes formes


pour permettre à l’entreprise de répondre aux attentes des divers acteurs du champ
organisationnel (pouvoirs publics, investisseurs, clients, associations professionnelles…).
Dans cette section, nous présentons les différentes formes d’audit observées chez
FrenchTyre : les audits de SME (3.2.1) regroupant l’analyse environnementale, l’audit
interne et l’audit externe/audit de certification ISO 14001 ; l’audit de conformité
réglementaire (3.2.2) ; l’analyse de cycle de vie (3.2.3) et l’audit du rapport environnement
(3.2.4). Nous verrons que chaque forme d’audit hybride deux logiques parmi les quatre
logiques hétérogènes identifiées (logique environnementale, logique financière, logique
de marché, logique de légitimité) et que les éléments qui le composent (substrat
technique, philosophie gestionnaire, vision simplifiée des relations organisationnelles)
varient en fonction des logiques en présence (cf. tableau 3).

Tableau 3. La taxonomie des formes d’audit environnemental au sein de l’entreprise FrenchTyre

Logiques Eléments du dispositif de gestion


institutionnelles
Formes d’audit
hybridées par le Vision simplifiée
environnemental Philosophie
dispositif de Substrat technique des relations
gestionnaire
gestion organisationnelles

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 18

Sous la
responsabilité des
managers des sites
industriels, les
responsables
Fixer les priorités environnement et
du SME en les correspondants
effectuant un environnementaux
diagnostic (opérationnels des
Grille
Analyse préalable des usines) identifient
Hybridation des d’identification des
environnementale activités, produits les risques et
logiques aspects et impacts
(audit et services pour mesurent les
environnementale environnementaux
préliminaire au réduire leurs impacts qui font
et de légitimité basée sur la norme
SME) impacts l’objet de
ISO 14001
environnementaux discussion en
et obtenir le comité de
certificat ISO direction entre les
14001 dirigeants afin de
définir les objectifs
de performance
environnementale
des sites
industriels.

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 19

-Référentiel d’audit
interne basé sur la
norme ISO 14001 et
les standards
internes de
performance
environnementale
propres à
l’entreprise, Les vérifications
sont effectuées par
-Indicateur
les auditeurs
composite de
internes groupe
performance
(service
environnementale
environnement et
mesurant six
prévention) et les
Hybridation
des impacts significatifs : Evaluer l’efficacité
auditeurs internes
Audit interne de logiques consommation de du SME et réduire
locaux
SME environnementale ressources en eau et les coûts
(correspondants
et financière énergie, émissions environnementaux
environnementaux
de dioxyde de
des usines). Les
carbone (CO2) et de
résultats sont
composés
débattus avec les
organiques volatils
managers locaux
(COV), génération et
et remontés à la
mise en décharge de
direction générale.
déchets,
-Indicateurs
financiers : dépenses
environnementales
et investissements
pour la prévention
de l’air, de l’eau et
des sols

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 20

Les vérifications
sont effectuées par
le service juridique
Evaluer le niveau
et les responsables
de conformité aux
environnement
obligations légales
(rattachés aux
Référentiel et réglementaires,
sites industriels).
réglementaire : faire de la veille
Hybridation des Les résultats sont
Audit de inventaire des textes juridique,
logiques communiqués aux
conformité législatifs et respecter les
environnementale managers des sites
réglementaire réglementaires textes et corriger
et financière pour qu’ils
applicables à les non-
puissent corriger
l’entreprise conformités afin
les non-
d’éviter les
conformités, puis
sanctions
remontés aux
financières
dirigeants et
investisseurs de
l’entreprise.

L’ACV est réalisée


Méthode des Améliorer la par le service de
écopoints pour performance du recherche et
Hybridation des
l’évaluation des produit, innover, développement.
Analyse de cycle logiques
impacts se différencier des Les résultats
de vie (ACV) environnementale
environnementaux concurrents et servent
et de marché
durant le cycle de obtenir des parts d’argumentaire au
vie du produit de marchés service marketing-
innovation.

Crédibiliser la
gestion
environnementale Les vérifications
de l’entreprise en sont effectuées par
Audit de Hybridation des Référentiel UTAC obtenant une les auditeurs
certification ISO logiques pour la certification reconnaissance externes (UTAC)
14001 et audit environnementale ISO 14001 et les externe (certificat pour répondre à la
externe de SME et de légitimité audits de suivis ISO 14001) et demande des
renforcer la clients
légitimité vis-à-vis automobiles.
des clients
automobiles

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 21

Les vérifications
Communiquer sur sont effectuées par
la gestion les auditeurs
Hybridation des Référentiel construit environnementale externes (PwC).
Audit du rapport logiques à partir des lignes de l’entreprise et L’avis des
environnemental environnementale directrices de la GRI renforcer la auditeurs ainsi que
et de légitimité et de la loi NRE légitimité vis-à-vis les rapports
de l’ensemble des vérifiés sont
parties prenantes diffusés aux
parties prenantes.

3.2.1. Les audits de SME

38 Conformément à la norme ISO 14001, l’entreprise FrenchTyre évalue son SME en mettant
en place un programme d’audit sur ses sites industriels. D’après les dirigeants, le SME est
un outil qui permet de d’identifier et de maîtriser les impacts de leurs activités : « Nous
avons la volonté de le perfectionner constamment et d’en faire un standard Groupe, nous
permettant de satisfaire totalement les réglementations, lorsqu’elles existent ou d’appliquer nos
meilleures normes en leur absence. » (Charte de responsabilité sociale et environnementale).
Trois types de vérifications sont réalisés à différents moments de la vie du SME : l’analyse
environnementale, l’audit interne et l’audit de certification.

L’analyse environnementale

39 L’analyse environnementale constitue l’audit préliminaire à l’implantation du SME. Cette


forme d’audit véhicule à la fois les logiques environnementale et de légitimité. En effet,
elle reflète la logique environnementale dans la mesure où elle permet d’identifier les
activités, produits et services ayant ou susceptibles d’avoir des incidences significatives
sur l’environnement naturel. Elle intègre également la logique de légitimité, car elle est
réalisée en conformité avec les exigences de la norme ISO 14001. Considérée comme le
standard le plus abouti en matière de gestion environnementale, cette norme permet à
l’entreprise de crédibiliser l’audit auprès de ses parties prenantes en acquérant une
reconnaissance externe. « Notre système colle complètement avec la norme ISO 14001. (…) la
première étape a consisté à faire une analyse d’écarts (par des experts) entre ce qui existait dans les
usines et ce que voulait la norme ISO. » (Directeur environnement et hygiène, entretien). La
philosophie gestionnaire de l’analyse environnementale traduit aussi ces deux logiques.
En effet, cet audit préliminaire est utilisé pour fixer les priorités du SME sur lesquelles les
managers des sites opérationnels devront agir pour réduire leurs impacts
environnementaux et obtenir à terme leur certificat ISO 14001 : « Un des axes de travail
porte sur le management environnemental de nos usines : comment faire en sorte que nos usines
consomment moins et rejettent moins ? On examine les ressources utilisées par les usines, on
regarde les émissions, puis on définit un plan de diminution de ces impacts. » (Risk manager,
entretien).
40 Les deux logiques sont également présentes dans le substrat technique de l’analyse
environnementale. En effet, celui-ci correspond à une grille d’identification des aspects et
impacts environnementaux inspirée des lignes directrices de la norme ISO 14001. Il
permet d’évaluer les impacts significatifs de l’entreprise : consommation d’eau,

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 22

consommation d’énergie, émissions de gaz à effet de Serre (CO2), émissions de dioxyde de


soufre (SOX), émissions de dioxyde d’azote (NOX), émissions de composés organiques
volatils (COV), rejets dans l’eau, rejets dans les sols, production de déchets, déchets mis en
décharge… La vision simplifiée des relations organisationnelles fait référence aux acteurs
de l’audit ainsi qu’aux lieux et types d’interactions autour de l’audit. Les analyses
environnementales sont réalisées sur les sites par les responsables environnement en
collaboration avec les opérationnels (appelés correspondants environnementaux) : « Le
chef de projet (le responsable environnement) travaillait à plein temps sur la mise en place du SME
et était rattaché à la direction de l’usine. Les correspondants environnementaux sont des
techniciens ateliers ou qualité atelier ou techniciens industrialisation qui, en plus de leurs missions,
ont eu cette fonction qui consiste pour leur atelier à identifier les aspects environnementaux
significatifs et à les hiérarchiser. » (Directeur environnement et hygiène, entretien). Les
résultats des analyses servent ensuite de base de réflexion et de discussion aux dirigeants
pour définir les objectifs environnementaux de l’entreprise. On peut donc penser que les
logiques sont intégrées par les acteurs et influencent leurs décisions : « À l’issue d’un
travail mené en étroite collaboration entre notre service environnement central et nos différentes
entités, nous avons défini des objectifs de progrès pour chaque axe de l’indicateur et chaque entité.
» (Rapport développement durable).

L’audit interne

41 Après l’implantation du SME, chaque site industriel réalise des audits internes dont la
philosophie gestionnaire est d’évaluer l’efficacité du SME au regard des exigences de la
norme ISO 14001 et des exigences de performances internes fixées par les dirigeants de
l’entreprise. Ces audits internes concilient la logique environnementale avec la logique
financière. En effet, si l’objectif affiché des managers est d’améliorer les performances
environnementales des sites industriels, il n’en demeure pas moins que les audits
internes répondent aussi à des impératifs économiques. Ces audits permettent de
détecter les éventuelles économies de ressources et de mettre en place des actions pour
réduire les coûts : « La performance environnementale des usines va de pair avec les orientations
stratégiques de l’entreprise, c.-à-d. que si on baisse les consommations d’eau et d’énergie, on
diminue la dépense de l’entreprise. (…) Si on baisse les émissions de CO 2, on commence dès à présent
à diminuer une dépense future de l’entreprise car, selon les schémas de quotas au niveau de
l’Europe, on aura à payer les émissions de CO2. (…) Donc, il faut trouver des orientations qui
permettent à l’entreprise de se développer, de baisser ses dépenses, et de prendre des parts de
marché. » (Risk manager, entretien). Le substrat technique de l’audit interne découle du
croisement de la norme ISO 14001 et d’un standard interne de performance
environnementale. Il traduit les deux logiques en termes d’indicateurs
environnementaux et financiers. Un indicateur composite permet aux managers locaux
de piloter la performance environnementale de leurs sites industriels : « On a créé un
indicateur global qui se focalise vraiment sur les priorités environnementales du groupe. Notre
indicateur est composé : d’un axe consommateur de ressources avec deux branches (eau et
énergie) ; d’un second axe concernant les émissions dans l’air (émissions de COV, émissions de gaz à
effets de serre CO2) et d’un dernier axe avec les déchets générés et mis en décharge. » (Directeur
environnement et hygiène, entretien). « Notre objectif est de réduire notre indicateur global de
30 % à l’horizon 2013. » (Risk manager, entretien). Ce substrat intègre aussi des indicateurs
financiers pour mesurer la performance des sites industriels en termes de coûts de

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 23

matières premières, d’énergie, de logistique, d’investissements pour la prévention des


pollutions de l’air, de l’eau de surface, de l’eau souterraine et des sols…
42 Par ailleurs, les différents échanges menés dans le cadre de ces audits internes favorisent
l’appropriation des logiques par les acteurs de l’entreprise. Plusieurs acteurs sont
impliqués dans ces vérifications, mais ils diffèrent selon qu’il s’agit des audits groupe ou
des audits locaux : « Les audits généraux internes sont réalisés par une équipe de deux
personnes : un expert environnement (qui travaille avec moi au central) et un opérationnel d’une
autre usine (un technicien environnement ou un Responsable Garantie Environnement et
Prévention). (…)Nos auditeurs interviewent les agents de production, ils ne se contentent pas de ce
que leur dit l’équipe de direction, c’est important, mais ils vont aussi vérifier au niveau du terrain
que tout se passe comme prévu. » (Directeur environnement et hygiène, entretien). Au
niveau local, les acteurs réalisent des audits croisés,c’est-à-dire qu’ils vont vérifier une
activité dans laquelle ils n’ont pas de responsabilité : « Les correspondants, par binôme, vont
faire un audit régulièrement, partout sur le site, pas forcément dans leur zone, mais chez leurs
voisins ; c’est le principe des audits internes que nous faisons. Il y a un audit trimestriel mais pas
pour toutes les 8 zones. On doit faire 6 audits locaux par an, et en plus, on a un audit interne
général réalisé par le siège. » (Directeur d’usine, entretien). Mais l’audit interne ne se limite
pas à des vérifications, il intègre aussi des missions de conseils : « L’objectif de l’auditeur,
c’est d’aider le groupe à mieux maitriser ses risques. (…) ce qui me plait dans mon métier, c’est la
dimension d’accompagnement, d’aide ou de faire progresser » (Auditeur interne, vidéo). «
L’équipe centrale des experts en environnement est là pour nous conseiller dans la mise en place du
SME ou répondre à des préoccupations spécifiques en fonction des différents impacts sur l’air, l’eau,
le sol, etc. » (Directeur environnement et hygiène, entretien). Pour finir, les logiques
véhiculées par les audits internes influencent le comportement des acteurs. En effet, les
résultats des audits conduisent les managers opérationnels à mettre en place un plan
d’action correctif : « Au niveau local, nous organisons de petits audits pour progresser sur
certains sujets, ça fait aussi partie de la norme. (…) nous avons un programme annuel, c’est-à-dire
un plan de progrès qui décline certaines actions d’amélioration que nous voulons faire plus
significativement pour progresser. Et donc nous suivons, tous les trois mois, l’état d’avancement de
ces plans d’amélioration. » (Directeur d’usine, entretien). Certains résultats, comme
l’indicateur composite de performance environnementale, font l’objet d’un reporting et
influent sur les décisions du groupe : « Cet indicateur est remonté tous les trois mois par toutes
les usines et consolidé au niveau de la direction générale. (…) Cet indicateur fait partie du tableau
de bord de la direction générale. » (Directeur d’usine, entretien).

L’audit de certification ISO 14001

43 En plus des audits internes, des audits externes sont réalisés pour donner l’assurance aux
parties prenantes, notamment les clients, que l’entreprise répond bien à leurs attentes.
Ces audits sont menés dans le cadre de la certification ISO 14001.
44 L’audit de certification répond principalement à une logique de légitimité vis-à-vis des
constructeurs automobiles, qui représentent les principaux clients de l’entreprise. Ces
derniers subissent depuis une dizaine d’années des pressions réglementaires de plus en
plus fortes pour réduire leurs rejets atmosphériques. Ces polluants, notamment les
émissions de composés organiques volatils (COV) et de dioxyde de carbone (CO2), sont
néfastes pour la santé des individus et contribuent au réchauffement climatique. Pour
faire face à leurs responsabilités environnementales, les constructeurs automobiles

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 24

répercutent les pressions institutionnelles sur leurs fournisseurs (notamment les


plasturgistes) afin que ces derniers contribuent à l’amélioration de leurs performances
environnementales. Les pressions exercées par les constructeurs sont de natures
coercitives, car elles font de l’obtention de la certification ISO 14001 un critère de
sélection des fournisseurs ou une condition préalable au maintien ou au renouvellement
de leurs contrats. Compte tenu des enjeux économiques (les clients automobiles
représentent 30 % du volume d’activité de l’entreprise), FrenchTyre a dû adopter la norme
ISO 14001 et faire certifier ses usines de pneumatiques : « Tous nos sites en France sont
certifiés ISO 14001. Au niveau mondial, 99,6 % de notre production de pneumatiques sont produits
dans des sites certifiés ISO 14001. Nous avons mis en place cette certification pour deux raisons
essentielles : la première, c’est que c’était demandé par un certain nombre de nos clients
constructeurs Peugeot, Renault, Scania, Volvo…C’est ça surtout. (…) la deuxième, c’est que le SME
est une façon pérenne d’organiser le progrès environnemental dans une usine. » (Directeur
environnement et hygiène, entretien).
45 Pour FrenchTyre, l’obtention de la certification à l’issue des audits externes est une preuve
formelle de la conformité de son SME aux exigences de la norme ISO 14001.
Contrairement à l’autodéclaration, la certification par tierce partie permet d’accroître la
crédibilité de la gestion environnementale de l’entreprise. En effet, comme l’explique
Gendron (2004, p. 149), « il est peu probable que les gouvernements et la société civile accordent
la même valeur à l’autodéclaration qu’à une certification par un tiers ». De plus, cette
certification étant délivrée par l’UTAC (Union Technique de l’Automobile du motocycle et
du Cycle), un organisme agréé par le COFRAC et spécialisé dans le secteur automobile, cela
renforce le statut légitime de l’entreprise vis-à-vis de sa clientèle. « Cet organisme est lié
aux constructeurs automobiles ; donc nous avons trouvé intéressant que ce soit un organisme lié à
nos clients qui vienne nous auditer. En fait, c’était le représentant de nos clients qui venait nous
auditer. » (Directeur environnement et hygiène, entretien). Pour conserver ce statut,
l’entreprise doit s’inscrire dans un cycle de certification et se faire auditer
régulièrement : « Il a fallu d’abord obtenir une première fois cette certification, donc il y a eu des
visites par des auditeurs externes. Ensuite, tous les trois ans, il y a de nouveau des visites
d’auditeurs externes pour maintenir la certification. (…) l’audit externe est précédé d’un audit
interne pour être sûr que l’usine est valablement prête à recevoir les auditeurs externes. S’il y a des
points de faiblesses qu’on connait, on les traite avant de faire les visites des auditeurs externes. »
(Risk manager, entretien).

3.2.2. L’audit de conformité réglementaire

46 L’audit de conformité réglementaire permet à l’entreprise FrenchTyre d’évaluer son


niveau de conformité au regard des textes juridiques qui lui sont applicables et de
corriger les éventuelles infractions détectées. Le substrat technique de ce dispositif
correspond donc aux législations et réglementations environnementales identifiées et
applicables aux activités, produits et services de l’entreprise. La philosophie gestionnaire
consiste à effectuer l’inventaire des obligations législatives et réglementaires auxquelles
l’entreprise est soumise, et de déterminer comment ces exigences s’appliquent aux
aspects environnementaux. Elle permet aussi d’effectuer une veille juridique afin
d’anticiper les nouveaux textes en étudiant les projets de lois et règlements concernant
l’activité de l’entreprise. Compte tenu des compétences spécifiques à mobiliser, les
acteurs de l’audit sont des experts, généralement des juristes, qui interprètent les textes
applicables et préparent le référentiel juridique qui leur permettront d’exécuter leur

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 25

mission de vérification en collaboration avec les responsables environnement rattachés


aux différentes usines : « On a un réseau mondial d'une centaine de personnes et une équipe
d’experts groupe d’une douzaine de personnes. (…) On a un responsable environnement dans
chaque usine et dans différents pays qui donne aux usines tous les aspects de la législation
nationale. Dans certains cas, comme en Amérique du Nord où il y a des problèmes particuliers, on a
aussi un réseau au niveau continental, c.-à-d. une équipe d’experts. » (Directeur environnement
et hygiène, entretien).
47 Les résultats de l’audit sont ensuite transmis aux managers des sites industriels, qui sont
responsables de la conformité réglementaire de leurs usines. Avec l’aide des responsables
environnement, ces derniers définissent et mettent en place des plans d’action pour
corriger les non-conformités : » On a bâti un plan d’actions qui a duré de 1 an à 18 mois en
fonction de la taille des usines ; en partant de la politique environnementale groupe, chaque site a
réalisé son propre diagnostic et a mis en place son plan d’actions. » (Directeur environnement et
hygiène, entretien). Les managers sont très impliqués dans la démarche puisque leur
responsabilité civile et pénale peut être engagée en cas d’infraction ou d’accidents
environnementaux. Ils y sont d’autant plus sensibles, car certaines usines du groupe sont
classées SEVESO seuil haut étant donnée qu’elles présentent des risques industriels
majeurs. « Je suis le directeur de l’usine et ma mission, c’est de faire travailler mon personnel
d’abord en sécurité, et puis de respecter autant que possible l’environnement dans lequel je suis,
pour ne pas le dégrader, et tout ça pour arriver à faire les productions à un coût compétitif qu’on
nous demande. (…) Donc, il y a la mise en place de ce qu’il faut concernant la sécurité des personnes
et des installations, car nous sommes un site SEVESO seuil haut ; (…) et comme nous utilisons les
hydrocarbures [pour la production de caoutchouc de synthèse], nous sommes aussi très vigilants
aux rejets atmosphériques, donc nous avons des installations pour réduire les émissions de COV.»
(Directeur d’usine, entretien). Les usines classées font aussi l’objet d’audits externes, par
exemple menés par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du
logement - DREAL (ex. DRIRE), pour s’assurer de la conformité des installations aux
exigences réglementaires. En outre, les managers de sites industriels sont formés à la
gestion de crise : « Les directeurs d’usine participent à des formations à la communication afin, le
cas échéant, de mieux informer le public et les médias. L’emballement médiatique peut en effet
s’emparer d’un événement de faible gravité et le transformer en crise majeure. » (Rapport
développement durable).
48 Les investisseurs sont aussi sensibles à la maîtrise des risques environnementaux
notamment pour des raisons financières : « Aujourd’hui, les attentes des actionnaires
s’expriment de plus en plus vis-à-vis de la performance de l’entreprise en matière de
développement durable, objet de demandes précises en matière de maîtrise des risques par
exemple. » (Rapport développement durable). En cas de litige ou d’accidents, les sanctions
peuvent être considérables en termes financiers et dévaloriser le patrimoine de
l’entreprise et son image. Comme l’indique Halley (1999), en justice, les atteintes à la
qualité environnementale peuvent représenter des sommes importantes pouvant
déboucher sur l’insolvabilité et la faillite des entreprises. Mais l’entreprise FrenchTyre se
veut rassurante, elle stipule dans son rapport annuel : « L’entreprise veille au respect de
toutes les dispositions légales et réglementaires applicables dans ses relations avec l’ensemble de
ses partenaires. (…) il n’existe, à ce jour, aucun litige, arbitrage ou fait exceptionnel susceptible
d’avoir ou ayant eu, dans un passé récent, une incidence significative sur la situation financière, le
résultat, l’activité et le patrimoine du groupe. » (Rapport annuel). En somme, l’audit de
conformité réglementaire répond à une double logique : maîtriser les risques

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 26

environnementaux (logique environnementale soutenue par les pouvoirs publics à


travers les différents textes juridiques) et préserver la santé financière de l’entreprise
(logique financière portée par les investisseurs) en respectant les obligations légales et en
évitant les pénalités et condamnations.

3.2.3. L’analyse de cycle de vie

49 L’entreprise FrenchTyre procède à une analyse du cycle de vie (ACV) pour évaluer les
impacts environnementaux du pneumatique en considérant toutes les étapes de son cycle
de vie, depuis l’extraction des matières8 qui le composent jusqu’à sa fin de vie ou son
recyclage. « On a fait une analyse du cycle de vie du produit (les pneumatiques) qui nous a permis
de voir que l’impact principal de la vie du produit, c’était pendant l’usage sur le véhicule » (Risk
manager, entretien). Par exemple pour un pneumatique poids lourd, l’ACV montre que «
les phases de conception, fabrication et transport ne génèrent que 5 % de l’impact global (…) tandis
que la phase d’utilisation représente la part la plus importante de l’impact (93,5 %) du fait de la
consommation de carburant induite par la résistance au roulement. En fin de vie, le traitement
pèse très peu (1,5 %) dans le cycle de vie du pneu. » (Rapport développement durable).
50 La méthode des écopoints constitue le substrat technique de l’ACV. L’écopoint est l’unité
de mesure utilisée pour rendre compte des impacts d’un produit durant son cycle de vie.
Il permet d’agréger différents impacts en un indice unique utilisé pour comparer l’impact
global de deux ou plusieurs produits. Pour le pneumatique, « l’écopoint prend en compte de
nombreux critères : impacts sur la santé et les écosystèmes, atteinte à la biodiversité,
consommation de minerais et de ressources fossiles. Pour cela, il évalue l’intensité des phénomènes
qui induisent ces impacts : émissions de substances organiques et inorganiques, changement
climatique, émissions de radiations ionisantes, substances cancérigènes. » (Rapport
développement durable). En identifiant les impacts, la philosophie gestionnaire qui sous-
tend l’ACV est d’améliorer la performance des produits : « Un phénomène, appelé la
résistance au roulement, fait que le pneumatique va consommer du carburant. Il oppose une force à
l’avancement du véhicule et ce n’est pas négligeable, car c’est 20 % de l’énergie du véhicule qui
passe dans le pneu. Ce qui signifie qu’un de nos axes de travail, et sans doute l’axe le plus important
en termes de stratégie d’entreprise, c’est l’abaissement de la résistance au roulement du pneu, pour
que le pneu consomme moins de carburant. » (Risk manager, entretien). « Au vu des
enseignements de l’ACV, nous développons des technologies permettant de réduire la résistance au
roulement pour diminuer la consommation de carburant, mais également d’allonger la durée de vie
pour réduire le nombre de pneus à traiter en fin de vie et de privilégier les matières premières à
faible impact environnemental. » (Rapport développement durable).
51 Les résultats de l’ACV influencent les décisions des dirigeants, car ils les incitent à
investir dans des programmes d’éco-conception afin de proposer à leurs clients des
produits plus performants (ex. les pneus économes en carburant) et de se différencier des
concurrents : « Il se trouve que le pneu écologique, qui consomme moins de carburant à l’usage,
c’est un élément d’augmentation de part de marché parce que le client est demandeur de ce type de
produits. » (Risk manager, entretien). Pour satisfaire les clients, qui souhaitent acheter le
pneu le moins cher à l’usage, le service de recherche et développement de l’entreprise
s’emploie à abaisser le prix de revient kilométrique en améliorant l’efficacité énergétique
et la durée de vie du pneumatique : « Grâce aux efforts déployés par nos chercheurs, les pneus
sont globalement supérieurs à la moyenne du marché depuis plusieurs décennies en matière
d’efficacité énergétique et de durée de vie. » (Directeur marketing-innovation, rapport
développement durable). L’une des innovations marquantes de ces dernières années fut «

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 27

de remplacer partiellement le noir de carbone par la silice pour améliorer l’efficacité énergétique
du pneu » (Directeur marketing-innovation, vidéo). Introduit dans les mélanges de
gommes, la silice est liée aux molécules du caoutchouc grâce à un agent de liaison
chimique qui est ajouté lors du mélangeage. Ce procédé a permis à l’entreprise de
produire des pneus à faible résistance au roulement et d’obtenir un avantage compétitif.
En résumé, l’ACV permet de combiner la logique environnementale à la logique de
marché : « Augmenter l’efficacité énergétique des pneus constitue donc un enjeu économique et
environnemental majeur. En réduisant la consommation des véhicules, des ressources fossiles sont
économisées, moins de gaz d’échappement sont rejetés dans l’atmosphère et le coût de revient au
kilomètre est diminué. » (Rapport environnement).

3.2.4 L’audit du rapport environnement

52 Etant soumise à l’article 116 de la loi NRE9, l’entreprise FrenchTyre publie dans son rapport
annuel des informations sur sa gestion environnementale. Elle publie également un
rapport spécifique (rapport environnement ou développement durable) qui présente de
manière détaillée les objectifs, les actions menées pour améliorer les performances
environnementales de ses produits et sites industriels ainsi que les résultats obtenus. Sur
son site internet, elle communique régulièrement ses résultats sous forme d’une liste
d’indicateurs environnementaux. Tous ces supports sont établis conjointement par le
service environnement et le service de communication. Avant leur publication, ces
rapports sont vérifiés par le cabinet d’audit et de commissariat aux comptes
PricewaterhouseCoopers. Cet audit répond à la fois à une logique environnementale et
une logique de légitimité. En effet, la philosophie managériale qui sous-tend cet audit est
de rendre compte aux parties prenantes de leurs performances environnementales et de
les rassurer sur la maîtrise des risques de l’entreprise dans le but de préserver sa
réputation. Les rapports audités sont diffusés aux trois catégories de parties prenantes de
l’entreprise : les acteurs participant directement à la vie sociale et économique de
l’entreprise (salariés, clients, fournisseurs, actionnaires), ceux qui l’observent (ONG,
syndicats) ou l’influencent (pouvoirs publics, collectivités locales, société civile).
53 Le substrat technique de l’audit est constitué de référentiels de reporting élaborés par
l’entreprise et inspirés des lignes directrices de la Global Reporting Initiative (GRI). La
démarche de reporting de l’entreprise est expliquée ci-après : « Les responsables de
l’environnement, dans chacune des usines, sont chargés de faire le reporting à travers un système
d’informations. Ils vont rentrer tous les mois un ensemble de paramètres et de données sur leurs
consommations et leurs émissions de toutes sortes. Ensuite, c’est le service central environnement
qui fait, à travers ce système, la consolidation des résultats des usines. La consolidation est
trimestrielle (…).Àmon niveau, j’ai à faire la consolidation de l’ensemble de la démarche
développement durable pour la réalisation des pages NRE du rapport annuel et pour le rapport de
développement durable. » (Risk manager, entretien). En outre, il convient de noter que la
mission des auditeurs externes ne se limite qu’à vérifier l’application des procédures de
reporting interne : « Nous avons analysé les procédures de reporting de ces informations sociales
et environnementales au regard de leur pertinence, leur fiabilité, leur objectivité et leur caractère
compréhensible » (Rapport d’audit du commissaire aux comptes). Cette vérification porte
davantage sur la qualité du rapport au regard des procédures internes que sur le contenu
des politiques et performances environnementales de l’entreprise. Le degré de confiance
à accorder au contenu du rapport est donc à relativiser : « Nous avons mis en œuvre les
diligences (…) conduisant à une assurance modérée que les processus d’établissement de certaines

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 28

informations sociales et environnementales, ainsi que certains indicateurs sociaux et


environnementaux publiés ne comportent pas d’anomalie significative. Une assurance de niveau
supérieur aurait nécessité des travaux plus étendus ». (Rapport d’audit du commissaire aux
comptes). Ainsi, comme l’indiquent Capron et Quairel (2007), dans ce type de vérification,
ce n’est pas le comportement de l’entreprise qui est audité mais la qualité du rapport au
regard des procédures.
54 À l’issue de l’identification des logiques institutionnelles et de la description des formes
d’audit environnemental, il convient de titrer des enseignements de l’étude de cas. Tel est
l’objet de la partie suivante.

4. Discussion
55 L’objectif de cette recherche est de montrer comment l’audit environnemental concilie
des logiques institutionnelles hétérogènes. D’après le cas étudié, l’entreprise FrenchTyre
est soumise à quatre logiques différentes (logique environnementale, logique financière,
logique de marché et logique de légitimité) inhérentes à son champ organisationnel (la
filière plastique et caoutchouc). Pour faire face à ce pluralisme institutionnel, le dispositif
de gestion prend alors plusieurs formes : analyse environnementale, audit interne de
SME, audit de certification ISO 14001/ audits externes de SME, audit de conformité
réglementaire, analyse de cycle de vie (ACV) et audit du rapport environnement. Chaque
forme est une combinaison de deux logiques qui fait varier les éléments composant le
dispositif de gestion (substrat technique, philosophie gestionnaire, vision simplifiée des
relations organisationnelles). Ainsi, l’audit environnemental concilie les logiques en
présence en adoptant plusieurs formes afin de répondre aux attentes des divers acteurs
du champ organisationnel. Il s’agit d’un dispositif de gestion caméléon. Nous qualifions
alors de « polymorphisme organisationnel » le processus par lequel ce dispositif se
transforme en réaction à la complexité institutionnelle. Dans cette partie, nous discutons
des contributions théoriques de la recherche en soulignant les concepts d’hybridation
duale et de polymorphisme organisationnel.

4.1. De l’hybridation duale des logiques institutionnelles…

56 Il ressort de l’étude de cas que l’audit environnemental est utilisé dans l’entreprise pour
répondre de manière simultanée et dissociée aux quatre logiques hétérogènes de la filière
plastique et caoutchouc. Au sein de ce dispositif de gestion, l’articulation des logiques
institutionnelles se déroule en deux temps, de la compartimentation vers l’hybridation
duale des logiques. Tout d’abord, la compartimentation des logiques (Pratt et Foreman,
2000 ; Kraatz et Block, 2008) a lieu pour répondre de façon dissociée aux attentes des
divers acteurs du champ organisationnel. A titre d’exemple, l’analyse de conformité
réglementaire sert à répondre aux injonctions des pouvoirs publics tandis que l’ACV tend
à satisfaire les besoins des clients et que l’audit interne de SME cherche à préserver les
intérêts financiers des investisseurs en maîtrisant les risques. Chaque forme d’audit est
réalisée par des entités spécialisées en lien avec le service environnement et prévention :
le service juridique pour l’analyse de conformité réglementaire, le service recherche et
développement pour l’ACV, les managers et les opérationnels pour l’analyse
environnementale et l’audit interne de SME et les cabinets d’audits externes pour l’audit
de certification ISO 14001 et le rapport environnement. Les logiques étant traitées

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 29

séparément, cette dissociation donne l’impression qu’elles ne sont pas conflictuelles et


que l’organisation est en capacité de répondre équitablement aux attentes hétérogènes
des acteurs institutionnels. Autrement dit, il n’y aurait pas de hiérarchie entre les
acteurs, ni de logique dominante. La dissociation, qui s’opère à travers l’audit
environnemental, tendrait donc vers un équilibre symbolique des logiques
institutionnelles.
57 Il faut toutefois signaler que la compartimentation des logiques n’est pas absolue et
définitive. En effet, elle évolue ensuite vers une « hybridation duale » des logiques
institutionnelles. Compte tenu de la nature environnementale du dispositif de gestion, les
trois autres logiques sont combinées deux à deux avec la logique environnementale pour
répondre aux besoins des acteurs. On obtient ainsi trois combinaisons de logiques
institutionnelles (cf. tableau 4). Cette hybridation est rendue possible par l’ambiguïté ou
la perméabilité (Goodrick et Salancik, 1996 ; Greenwood et al., 2011 ; Kent et Dacin, 2013)
de la logique environnementale. En effet, cette logique admet une diversité d’objectifs et
de moyens pour protéger l’environnement naturel et notamment réduire la pollution.
Comme l’indiquent Drepet et Hamdouch (2009, p. 131), et cette étude le prouve,
l’entreprise a le choix entre plusieurs solutions pour diminuer ses impacts
environnementaux : « soit en réduisant les externalités négatives générées par les outputs de
production (pollutions, rejets, déchets, …) tout au long de leur cycle de vie (de leur conception à leur
destruction), soit en limitant l’utilisation des inputs du processus de production (ressources,
matériaux, énergie, etc.) ou en ayant recours à des inputs plus propres ou moins néfastes pour
l’environnement ou le climat ».
58 La logique environnementale étant ambigüe, car elle admet une diversité de possibilités,
la marge d’interprétation des acteurs est plus importante. Ceux-ci peuvent alors concilier
les différentes finalités des logiques, par exemple les finalités environnementales et
commerciales à travers l’ACV, les finalités environnementales et financières à travers
l’audit interne de SME et l’audit de conformité réglementaire et les finalités
environnementales et politiques à travers l’analyse environnementale, l’audit de
certification ISO 14001 et l’audit du rapport environnement.
59 En définitive, à travers le concept d’hybridation duale des logiques institutionnelles,
notre étude montre que le rôle de l’audit environnemental ne se résume pas à un véhicule
institutionnel. Ce dispositif permet aussi de concilier des logiques hétérogènes pour
répondre stratégiquement aux demandes institutionnelles. Ce faisant, notre recherche
confirme le rôle actif des dispositifs de gestion dans l’institutionnalisation des logiques
(Dambrin et al., 2007 ; Château Terrisse, 2012 ; Charue-Duboc et Raulet-Croset, 2014 ;
Amans et al., 2014, ; Colon, 2014). En outre, en mettant en évidence deux phases
(compartimentation et hybridation) dans l’articulation des logiques institutionnelles,
nous montrons qu’il est possible d’associer deux des quatre stratégies identifiées dans la
littérature sur le pluralisme institutionnel (Pratt et Foreman, 2000 ; Kraatz et Block,
2008). Àl’instar de Reay et Hinings (2009), nous stipulons que les stratégies des acteurs
face aux pressions institutionnelles ne sont pas exclusives, elles peuvent être combinées,
utilisées de manière successive, en fonction des besoins de l’organisation.

Tableau 4. L’hybridation duale des logiques institutionnelles à travers l’audit environnemental

Logique de
Logique financière Logique de légitimité
marché

Finance Contrôle Stratégie, 20-3 | 2017


L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 30

-Audits internes de -Analyse environnementale


Logique SME -Audit de certification ISO 14001
-ACV
environnementale -Audit de conformité / Audits externes de SME
réglementaire -Audit du rapport environnement

4.2. …au polymorphisme organisationnel

60 En intégrant les logiques institutionnelles dans la grille d’analyse des dispositifs de


gestion d’Hatchuel et Weil (1992), nous avons mis en évidence les mutations de l’audit
environnemental face à la complexité institutionnelle. En effet, comme on a pu le voir,
plusieurs formes d’audit environnemental peuvent découler de l’hybridation duale des
logiques institutionnelles. Ce dispositif de gestion réagit à la complexité institutionnelle
en changeant de forme. Les éléments qui le composent (substrat technique, philosophie
gestionnaire, vision simplifiée des relations organisationnelles) varient également en
fonction des logiques en présence. À titre d’exemple, les substrats techniques de l’ACV et
de l’audit interne de SME sont conçus différemment selon la combinaison des logiques.
L’ACV utilise la méthode des écopoints pour évaluer les impacts environnementaux (eau,
air, énergie, déchets…) durant le cycle de vie du produit tandis que l’audit interne de SME
repose à la fois sur des critères environnementaux (consommation de ressources en eau
et énergie, émissions de CO2 et de COV, génération et mise en décharge de déchets…) et de
critères financiers (coûts de matières, dépenses énergétiques, investissements anti-
pollution…) pour mesurer la performance des sites industriels. La philosophie
gestionnaire évolue aussi selon les logiques : pour l’ACV, qui répond aux logiques
environnementale et de marché, il s’agit d’améliorer la performance du produit afin
d’obtenir un avantage compétitif ; pour l’audit interne de SME, qui hybride les logiques
environnementale et financière, l’objectif est d’évaluer l’efficacité du SME au regard de la
norme ISO 14001 et de réduire les coûts environnementaux des sites industriels. La vision
simplifiée des relations organisationnelles met en lumière des acteurs variés dans la
réalisation de l’audit : le service de recherche et développement est l’acteur clé de l’ACV
alors que l’audit interne de SME fait appel aux auditeurs internes du service
environnement et prévention et aux managers opérationnels des sites. Ces résultats
montrent ainsi la capacité d’un dispositif de gestion à se transformer en réaction à son
environnement institutionnel.
61 Nous désignons ce processus de transformation par le concept de « polymorphisme
organisationnel », c’est-à-dire. le processus par lequel un artefact, en l’occurrence un
dispositif de gestion, se présente sous plusieurs formes au sein d’une seule et même
organisation afin de répondre aux logiques institutionnelles hétérogènes. En introduisant
ce concept, notre étude contribue à la connaissance sur la matérialité des logiques
institutionnelles (Hasselbladh et Kallinikos, 2000 ; Scott, 2003 ; Thornton et al.,
2012 ; Jones et al., 2013 ; Friedland, 2013). En effet, si les travaux empiriques précédents
(Dambrin et al., 2007 ; Leca et al., 2009 ; Château Terrisse, 2012 ; Amans et al., 2014 ; Colon,
2014) nous éclairent sur le rôle actif des dispositifs de gestion, ils n’abordent pas pour
autant leur transformation au sein des organisations confrontées à des logiques
hétérogènes. Avec le polymorphisme organisationnel, nous suggérons que la
matérialisation des logiques institutionnelles s’opère aussi à travers la transformation des

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L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 31

artefacts. Ainsi, à l’instar des institutions et des organisations, les artefacts peuvent être
considérés comme des « objets vivants », évoluant d’un état à un autre, pour permettre
aux organisations de répondre à leur environnement institutionnel complexe et ce
processus de changement peut être qualifié de polymorphisme organisationnel. C’est
donc à travers ce concept que notre recherche complète les travaux antérieurs et
contribue effectivement au courant des micro-fondations du néo-institutionnalisme
(Powell et Colyvas, 2008 ; Thornton et al., 2012). En interrogeantles fondements des
logiques institutionnelles à l’échelle intra-organisationnelle, ce nouveau courant
constitue, en quelque sorte, un retour au vieil institutionnalisme (de Selznick, 1949) dans
la mesure où les anciens institutionnalistes considéraient les organisations à la fois
comme les unités institutionnalisées et les lieux clés de l’institutionnalisation (DiMaggio
et Powell, 1997).

Conclusion
62 Malgré l’engouement suscité par l’audit environnemental dans les organisations, ce
dispositif de gestion fait rarement l’objet d’études académiques. En croisant les travaux
sur les logiques institutionnelles et les dispositifs de gestion, cette recherche explore
comment l’audit environnemental concilie des logiques hétérogènes. À partir d’une étude
de cas, réalisée dans une entreprise française de pneumatiques, nous montrons que
l’audit environnement est un dispositif de gestion caméléon. Il concile les logiques en
présence en adoptant plusieurs formes en réaction à la complexité institutionnelle. Une
taxonomie des formes d’audit environnemental est alors mise en évidence : l’analyse
environnementale, l’audit interne de SME, l’audit de certification ISO 14001/l’audit
externe de SME, l’audit de conformité réglementaire, l’analyse de cycle de vie et l’audit du
rapport environnement. Chaque forme d’audit hybride deux à deux les logiques
institutionnelles (logique environnementale, logique financière, logique de marché,
logique de légitimité) inhérentes au champ organisationnel (filière plastique-caoutchouc)
et présente des caractéristiques distinctes (en termes de substrat technique, de
philosophie gestionnaire et de vision simplifiée des relations organisationnelles).
63 Cette recherche contribue au courant des micro-fondations du néo-institutionnalisme en
examinant le rôle actif des dispositifs de gestion au niveau micro-organisationnel (niveau
très peu traité dans la littérature). En mettant en évidence les concepts d’hybridation
duale et de polymorphisme organisationnel, l’étude participe à une meilleure
compréhension de la matérialité des logiques hétérogènes. En outre, elle enrichit
également la littérature de management environnemental en explorant l’aspect social de
l’audit environnemental dans la mesure où les études en sciences de l’environnement
restent focalisées sur l’aspect technique de ce dispositif de gestion. En termes de
contributions managériales, l’étude fournit une grille d’analyse multicritères de l’audit
environnemental qui devrait faciliter la prise de décision des managers.
64 Toutefois, cette recherche présente des limites inhérentes à la méthodologie retenue. En
premier lieu, étant donné que l’étude repose sur un cas unique, il semble qu’une
réplication dans d’autres contextes organisationnels (entreprises de tailles et de secteurs
d’activité variés) soit nécessaire pour permettre la transférabilité des résultats et leur
généralisation analytique (Yin, 2003 ; Ayerbe et Missonnier, 2007). Ainsi, si notre étude de
cas montre l’hybridation duale des logiques, il serait intéressant de voir dans quelles
mesures d’autres formes d’hybridation peuvent apparaître et comment elles se traduisent

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L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 32

au niveau des dispositifs de gestion. On peut alors se demander si l’audit environnemental


peut autoriser une hybridation triale (par exemple la combinaison des logiques
environnementale, financière et de marché) ou une hybridation absolue (hybridation de
l’ensemble des logiques en présence) dans d’autres contextes organisationnels. De même,
le concept de polymorphisme organisationnel devrait être opérationnalisé dans d’autres
contextes pour renforcer les résultats de la recherche. En second lieu, il serait intéressant
d’explorer davantage le rôle du risk-manager, l’homme-orchestre de l’ensemble de la
démarche d’audit, pour mieux saisir comment s’opère la confrontation et la coopération
des logiques portées par les différents acteurs de l’organisation (auditeurs internes,
services spécialisés et managers). Une étude ethnographique (Garfinkel, 2007),
permettant d’observer de l’intérieur et en temps réel les acteurs, nous semble
particulièrement adaptée pour accéder véritablement aux pratiques d’audit et non
simplement au discours sur les pratiques. Ces pistes de recherche invitent donc les
chercheurs à poursuivre la recherche sur l’audit environnemental.

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NOTES
1. Bien qu’on insiste souvent sur la confusion entourant ces définitions, il s’agit en fait d’un faux
débat, car ces dernières renvoient toutes à une évaluation systématique et documentée, seuls les
objectifs et l’objet de la vérification changent (Gendron, 2004).
2. Pour en savoir plus : http://www.installationsclassees.developpement-durable.gouv.fr/
Risques-accidentels.html

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L’audit environnemental : un dispositif de gestion à l’épreuve de logiques in... 37

3. Entreprise de valorisation des pneus usagés : http://www.aliapur.fr


4. La résistance au roulement est l’énergie consommée par le pneu du fait des
déformations qu’il subit au roulage. L’abaissement de la résistance au roulement des
pneus contribue à réduire la consommation en carburant des véhicules et les émissions
polluantes (source : rapport annuel de l’entreprise FrenchTyre).
5. Source : Les données communiquées dans ce texte sont extraites du rapport 2014 de la
Fédération de la Plasturgie et des Composites. http://www.laplasturgie.fr/
6. L’innovation verte peut être définie comme « une solution ou un ensemble de solutions alternatives
permettant (plus efficacement que les solutions existantes) de mesurer, surveiller, limiter, corriger, voire de
prévenir les atteintes à l’environnement et au climat ou, plus largement, de respecter les objectifs du
développement durable » (Depret et Hamdouch, 2009, p. 130).
7. Un vérificateur environnemental agréé est toute personne ou tout organisme indépendant de
l’entreprise contrôlée et ayant obtenu un agrément conformément aux règles définies par un
organisme d’accréditation. En France, le Comité français d’accréditation (COFRAC) est
l’organisme accréditeur national.
8. Un pneumatique se compose de mélanges de gommes et de renforts textiles et métalliques.
Plus de deux cent matières premières sont utilisées dans la fabrication du pneu dont les
caoutchoucs naturels (obtenus à partir de l’hévéa) et les caoutchoucs synthétiques (fabriqués à
partir d’hydrocarbures d’origine pétrolière) et bien d’autres éléments chimiques. Les renforts
métalliques et textiles constituent l’ossature du pneu. Ils lui apportent résistance et rigidité
d’une part et endurance et confort d’autre part.
9. L’étude est antérieure à l’application de la loi dite « Grenelle 2 » qui impose, aux sociétés
cotées et certaines sociétés non cotées, la vérification de leurs rapports développement durable
par un organisme tiers indépendant (voir LOI n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement
national pour l’environnement - Article 225).

RÉSUMÉS
L’objectif de cet article est de montrer comment l’audit environnemental concilie des logiques
institutionnelles hétérogènes afin de contribuer au courant des micro-fondations du néo-
institutionnalisme. À partir d’une étude de cas, nous analysons l’audit environnemental d’une
entreprise française de la filière plastique et caoutchouc confrontée à quatre logiques
institutionnelles hétérogènes (logique environnementale, logique financière, logique de marché
et logique de légitimité). Face à cette complexité institutionnelle, les résultats montrent que
l’audit environnemental est un dispositif de gestion caméléon qui adopte plusieurs formes pour
concilier les logiques en présence. Il hybride les logiques de façon duale et ses composants
(substrat technique, philosophie gestionnaire, vision simplifiée des relations organisationnelles)
évoluent en fonction de la dynamique d’hybridation. Le concept de « polymorphisme
organisationnel » est alors proposé pour expliquer le processus de changement du dispositif de
gestion.

The objective of this paper is to highlight how the environmental audit reconciles heterogeneous
institutional logics in order to contribute to the microfoundations of institutional theory. Using a
case study approach, we explore the environmental audit of a French company in rubber and
plastics industry which faces four heterogeneous institutional logics (environmental logic,

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financial logic, market logic and legitimacy logic). The results show that the environmental audit
is a “chameleon” management tool that can take many forms to suit the institutional complexity.
Each form of the environmental audit hybridizes two logics and its characteristics (technical
substrate, management philosophy, simplified vision of organizational relationships) evolve in
line with the dynamic hybridization. Finally, the concept of “organizational polymorphism” is
proposed to explain this organizational change process.

INDEX
Mots-clés : Audit environnemental – Dispositif de gestion – Logiques institutionnelles
– Matérialité – Polymorphisme organisationnel
Keywords : Environmental audit – Institutionallogics – Materiality – Management
tool – Organizational polymorphism
jel M14 - Corporate Culture; Social Responsability, M42 - Auditing, Q53 - Air Pollution; Water
Pollution; Noise; Hazardous Waste; Solid Waste Recycling

AUTEUR
ANGÈLE RENAUD
Université de Bourgogne, IAE Dijon, CREGO
2 Boulevard Gabriel 21000 Dijon
angele.renaud@u-bourgogne.fr

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