Vous êtes sur la page 1sur 4

LA POST-CRISE Covid-19

Construction d’une nouvelle politique sanitaire, économique, sociale et


environnementale

La crise infectieuse liée à la pandémie due au virus SARS-CoV-2 responsable de la Covid-


19, maladie à dominante respiratoire parfois mortelle, nous conduit à mettre désormais
en avant le domaine Santé & Environnement dans le programme de gouvernance d’un
pays tel que le nô tre, en termes de démocratie sanitaire.

Ceux qui ont mené des réflexions approfondies dans ce domaine, depuis des années, et
ont informé, autant qu’ils ont pu, leurs concitoyens et les responsables politiques sur
l’éventualité de catastrophes naturelles ou industrielles, liée à des perturbations
environnementales majeures, n’ont pas été écoutés. Concernant les infections à
coronavirus, des épisodes sanitaires antérieurs (à SRAS-Cov en 2003 et à MERS-CoV en
2015) nous avaient pourtant alertés, et des documents scientifiques 1-2, ou d’autre nature
3
, étaient disponibles pour déclencher très tô t une évaluation des risques encourus, et les
mesures éventuelles à prendre.

Ce manque d’anticipation a conduit à la crise actuelle au cours de laquelle les phases 1/


de mise en place de mesures d’évitement du danger, et 2/ de déclenchement de moyens
d’atténuation, ont été rapidement dépassées pour finalement nous plonger dans la phase
3/ d’adaptation, avec une obligation de confinement et une saturation rapide et
dramatique des moyens sanitaires disponibles.

Nous devons dès à présent réfléchir aux modalités de sortie de crise, puisque nous
aurons à construire un nouveau fonctionnement sociétal, selon une démarche de
résilience complexe, comportant des abords de régimes de prévention et de précaution,
avec des prises de décision en situation d’incertitude, et la mise en place conjointe de
recherches finalisées.

Les actions suivantes nous paraissent s’imposer, liées aux investigations des champs
correspondants :

1- Construire un programme d’enseignement Santé & Environnement dédié, sous


des formes adaptées, à tous les futurs professionnels de santé, à ceux qui se
destineront aux sciences humaines et sociales, mais également à toute personne,
quel que soit ou sera son statut social, et cela depuis le plus jeune â ge. En cette
matière, il sera indispensable de relancer, de manière pérenne, les campagnes
étendues et périodiques de prévention et d’éducation en santé.

2- Réserver une part significative des budgets de recherche, publics et privés, au


domaine Santé et Environnement, avec une attention particulière portée, i/ à
l’étude des nouveaux produits, de nature vivante ou minérale, d’une part avant
leur mise sur le marché, eu égard à leur dangerosité plausible sur le vivant,
d’autre part au cours de leur utilisation dans un esprit d’éco-vigilance, ii/ à
l’étude des modes de transmission vectorielle (par les animaux et polluants
minéraux) concernant les micro-organismes infectants, iii/ aux conséquences des
changements climatiques portant sur les atteintes à l’environnement et à la santé
humaine.

3- Considérer, en écho à l’initiative « one health », avant de décider des actions à


mener, que la santé de l'homme implique un état « sain » de la biodiversité et  de
l'environnement, notamment à l’égard des eaux et des sols, et prendre en compte
pour cela les échelons locaux, régionaux, nationaux et internationaux avec le
concours de l’OMS.

Préserver, dans ce cadre, la biodiversité dans un esprit de maintien d’équilibre


entre espèces, à l’aide d’indicateurs pertinents, et en mobilisant les opérateurs
existants, publics et privés, chargés des missions de veille, d’alerte et d’expertise
en matière de liens unissant santé et environnement, avec la capacité de dépister
les émergences de crise.

4- Elaborer un plan de ré-industrialisation ayant pour objectifs prioritaires i/ de


recouvrer le maximum d’autonomie, en termes notamment de réactivité face à
une crise, en particulier sanitaire, ii/ d’assurer une production, selon un modèle
spécifique à notre pays, qui nous permette de maintenir notre rang parmi les
puissances économiques au niveau international, iii/ de respecter une démarche
éthique, notamment quant à la production et à l’élimination des déchets.

5- Renforcer et compléter les règles du commerce, et notamment le contrô le


sanitaire au niveau international, par l’intermédiaire de l’Organisation mondiale
du commerce (OMC), afin de prévenir les situations déclarées imprévisibles alors
qu'elles ne sont qu'imprévues.

6- Revoir les modes de production agricole et des élevages, à l’aune des


conséquences observées selon les pays et les territoires, en associant à la
réflexion les Chambres d’agriculture au plan national, et avec l’appui de la Food &
Agriculture Organization (FAO) au plan international.

7- Repenser l’aménagement territorial en tenant compte davantage des


changements climatiques et des crises sanitaires possibles. Ainsi, la tendance à la
densification urbaine doit être reconsidérée à l’aune des conséquences d’une
pandémie, telle celle que nous subissons actuellement, dans ce type
d’environnement.

Il faudra veiller cependant à ce qu’elle ne conduise pas pour autant à un choix


alternatif consistant en un étalement urbain, résultant en une artificialisation des
sols et une perte de biodiversité.

8- Innover un modèle de communication qui, spécifiquement, puisse assurer un


respect de la déontologie et de l’éthique en période de crise, en distinguant
clairement l’avis scientifique de la décision politique.

Ce sont là , dès la sortie de crise actuelle, des actions dont nous appelons à la réalisation
de la part des autorités compétentes. Elles seront fondées sur une exploitation du retour
d’expérience, et nous sommes prêts à y collaborer, selon un modèle REXAO (Retour
d’expérience pour un apprentissage organisationnel).
1.
Comité de la prévention et de la précaution « Catastrophes environnementales. Préparer
l’évaluation de leurs effets et le retour d’expérience ». Avis Février 2008
2.
Vigneron CM. « Coronavirus spécifiques et transmissions interspécifiques ». Thèse pour le
doctorat vétérinaire. Ecole nationale vétérinaire d’Alfort. Année 2017
3.
Comité consultatif national d’éthique « Questions éthiques soulevées par une possible
pandémie grippale ». Avis Février 2009

Signataires

Régis Aubry
Bernadette Bensaude-Vincent
Dominique Bourg
Simon Fellous
Jean-Marie Fessler
Alain Grimfeld
Frédéric Keck
Albane Loiseau
Serge Morand
Dominique Thierry

Adresse E-mail : rexcovid.grimfeldthierry@gmx.fr

Biographies 

Régis Aubry
Professeur. Chef du service de Gériatrie du CHU Besançon. Directeur de l’Espace de
réflexion éthique de Bourgogne-Franche Comté. Membre du Comité consultatif national
d’éthique. Co-Président de la Plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie.

Bernadette Bensaude-Vincent
Professeure émérite à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Membre de l’Académie
des technologies et de plusieurs comités d’éthique. Philosophe des sciences et techno-
sciences. Recherches actuelles : temporalités en jeu dans la crise écologique.

Dominique Bourg
Philosophe. Professeur honoraire, Université de Lausanne. Faculté des géosciences et de
l’environnement. Membre du Comité scientifique de la Fondation Nicolas Hulot (Paris).
Président du Conseil scientifique de la Fondation Zoein (Genève).

Simon Fellous
É cologue et évolutionniste à l’INRAE. Développement de solutions de protection des
cultures respectueuses des humains et de la nature. Co-animation du Réseau Ecologie
des Infections Durables et du Collectif Technique de l’Insecte Stérile.

Jean-Marie Fessler
Directeur d’hô pital
Professeur associé à Stanford University
Spécialiste en science du danger. 

Alain Grimfeld
Médecin. Professeur honoraire, Université Pierre et Marie Curie-Paris 6. Président du
Comité de la prévention et de la précaution (Ministère de la transition écologique et
solidaire). Président d’honneur du Comité consultatif national d’éthique.

Frédéric Keck
Directeur de recherche. CNRS
Directeur du laboratoire d’anthropologie sociale

Albane Loiseau
Ingénieure en environnement. Travail sur la mise en œuvre du concept de
développement durable au sein des territoires et entreprises s’appuyant sur les outils de
l’intelligence collective. Fondation en 2014 de la société EKORES, dédiée à la
Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).

Serge Morand
É cologue de la santé au CNRS et au CIRAD. Conduite de travaux de recherche en Asie du
Sud-Est sur l’émergence des maladies zoonotiques aux interfaces entre animaux
sauvages, animaux domestiques et sociétés. Auteur de La Prochaine Peste. Fayard Ed.
(2016).

Dominique Thierry
Biologiste HDR. Université Paris Diderot-Paris 7.
Consultant Risques-Environnement-Santé.

Vous aimerez peut-être aussi