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JACQUES MOESCHLER
ORIGINES, STRUCTURES ET USAGES DU FRANÇAIS
COURS 11, 18 DÉCEMBRE 2018
QUESTIONS DE STYLE:
MÉTAPHORE, MÉTONYMIE ET IRONIE
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POURQUOI LE STYLE?
▸ Le style peut être défini comme une exploitation de l’usage non littéral du langage.
▸ Nous avons montré comment et pourquoi les locuteurs communiquent non
littéralement (cours 2):
▸ La communication non littérale permet de produire des effets cognitifs positifs avec
un moindre effort cognitif.
a. la métaphore
b. la métonymie
c. l’ironie
▸ Un père veut communiquer à son enfant que sa chambre est sale et mal rangée.
2. L’omelette au jambon est partie sans payer (métonymie)
▸ Un serveur veut communiquer à son chef qu’un client a commis un acte de grivèlerie.
3. C’est fou ce que tu es bon en maths (ironie)
▸ Un enfant communique à son père qu’il ne veut pas aller se coucher maintenant.
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2. Les énoncés littéraux et les énoncés non littéraux ne sont pas interprétés de la même manière.
3. Les énoncés littéraux n’ont qu’un seul sens, alors que les énoncés non littéraux ont deux sens:
a. un sens littéral
4. Il y a deux grandes classes de figures: les figures de style (métaphore & métonymie) et les
figures de pensée (ironie):
d. les figures de pensée se repèrent par le contraste entre sens littéral et contexte.
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2. Pas de processus d’interprétation différents pour les énoncés littéraux et les énoncés non
littéraux.
6. La non-littéralité ne se réduit pas aux figures de rhétorique: les implicatures, les actes de
langage indirects, la référence indirecte sont des exemples d’usage non littéral du langage.
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2. MÉTAPHORE ET
RESSEMBLANCE INTERPRÉTATIVE
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a. Ta chambre est sale et mal rangée. c. la femme sera au pouvoir dans le futur
▸ Les métaphores créatives relèvent de l’usage non d. l’humanité pourra vivre sans hommes, mais
ordinaire du langage. pas sans femmes
CONSÉQUENCES
a. La métaphore produit des effets cognitifs (implicatures fortes ou faibles).
métaphore
énoncé littéral énoncé non littéral
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ÉNONCÉS ET PENSÉES
▸ Les énoncés ont une forme propositionnelle: on peut leur attribuer une valeur de
vérité.
▸ Les pensées ont aussi une forme propositionnelle: elles sont vraies ou fausses.
1. La terre est plate.
▸ Pensées et énoncés sont des représentations qui ont un format commun: ce sont
des représentations à forme propositionnelle.
S = ENSEMBLE DES IMPLICATIONS DE P DANS C
OSU 11 – A 2018 S’ = ENSEMBLE DES IMPLICATIONS DE E DANS C 15
RESSEMBLANCE TOTALE
RESSEMBLANCE INTERPRÉTATIVE
▸ La ressemblance interprétative entre formes propositionnelles est S = S’
fonction du nombre d’implications (analytiques et contextuelles)
communes dans un même contexte.
échec de la
littéralité
non-littéralité communication
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NON-LITTÉRALITÉ ET MÉTAPHORE
▸ Dans la métaphore, le destinataire récupère un certain nombre d’implications
contextuelles (implicatures) vraies:
3. MÉTONYMIE ET ESPACES
MENTAUX
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DÉFINITION CLASSIQUE
▸ Dans la rhétorique classique (Fontanier, Les Figures du ▸ métonymie du signe: les FERS pour l’ESCLAVAGE
discours, 1830)
▸ métonymie du lieu: l’AFRIQUE pour ses
a. la métonymie est définie comme un trope par HABITANTS
correspondance
2. La mer était couverte de voiles.
b. la synecdoque comme un trope par connexion
▸ synecdoque de la partie: les VOILES pour les
c. la métaphore comme un trope par ressemblance BATEAUX
‣ « Les tropes sont certains sens plus ou moins différens 3. Cet homme est un renard.
(sic) du sens primitif, qu’offrent, dans l’expression de la
▸ métaphore d’une chose animée à une chose
pensée, les mots appliqués à de nouvelles
animée
idées » (Fontanier, Figure du discours, 39)
L’APPROCHE PRAGMATIQUE
▸ La métonymie, comme la synecdoque, est un cas particulier du principe d’identification
dans des espaces mentaux (Fauconnier, Espaces mentaux, 1984):
c. un connecteur est une fonction (F) qui relie un déclencheur (a) à une cible (b);
a (déclencheur) b (cible)
l’omelette au
client
jambon
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Dans l’esprit de Luc, la fille aux yeux bleus a les yeux verts
réalité de la locutrice F croyances de Luc
rapportées par la locutrice
a: Lisa, la fille aux
a b
yeux bleus b: Lisa, la fille aux yeux
verts
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4. IRONIE ET
MÉTAREPRÉSENTATION
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ANALYSE CLASSIQUE
▸ Dans sa définition classique, l’ironie n’est pas une figure de signification comme la
métaphore ou la métonymie, mais une figure de pensée.
▸ L’ironie est associée à un contexte, une attitude (négative) et un ton particulier (ironique).
▸ La définition classique de l’ironie est l'antiphrase:
▸ L dit P pour communiquer non-P
1. Georges est un génie +> Georges n’est pas un génie
ANALYSE PRAGMATIQUE
▸ L’analyse classique n’explique pas A: Quel beau temps! Allons nous
pourquoi une locutrice fait de l’ironie, promener.
ni ce qu’elle communique avec un
2. A et B se promènent sous la pluie:
énoncé ironique.
B: Quel beau temps, n’est-ce pas!
▸ L’ironie n’est possible que si elle
renvoie à une pensée ou à un énoncé ▸ L’hypothèse pragmatique est que
préalable, et que cette pensée est l’ironie est une mention ou un écho
jugée absurde: d’un discours antérieur, c’est-à-dire une
métareprésentation.
1. Il fait beau, A propose à B d’aller se
promener:
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IRONIE ET MÉTAREPRÉSENTATION
▸ Une représentation est une 1. A (sous le soleil): Quel beau
représentation à forme temps! Allons nous promener.
propositionnelle de niveau 1.
2. B (sous une pluie battante) : Quel
▸ Une métareprésentation est une beau temps, n’est-ce pas?
représentation à forme
a. niveau 1: Quel beau temps!
propositionnelle de niveau 2.
A: [1 P ]
▸ Elle enchâsse une autre
b. niveau 2: “Quel beau temps!”
représentation:
B: [2 A a dit [1 “P”]]
▸ [2 Q [1 P]]
▸ (2) est l’écho de (1).
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5. EFFETS NON
PROPOSITIONNELS
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À RETENIR
▸ Il n’y a pas de frontière stricte entre littéralité et non-littéralité.
CONCLUSION DU COURS
A. Trois idées fondamentales sur le langage 3. la syntaxe obéit aux principes de la grammaire
universelle;
1. le langage est structuré et complexe;
4. (les noms sont classifiants/non classifiants,
2. les variations du langage sont limitées et
massifs/comptables, les verbes décrivent des
s’appliquent à tous les niveaux d’analyse;
classes aspectuelles);
3. le langage n’est pas la communication, mais
5. les expressions référentielles, les connecteurs
l’un de ses principaux usages est la
et les temps verbaux ont des significations
communication.
procédurales;
B. Six idées de base sur la langue française
6. les tropes sont des usages non littéraux du
1. le système phonologique du français est langage et déclenchent des effets non
vocalique et consonantique; propositionnels.