Explorer les Livres électroniques
Catégories
Explorer les Livres audio
Catégories
Explorer les Magazines
Catégories
Explorer les Documents
Catégories
i9~-iW
Z. ~g~M~
Année 7
~.t~
–~
BtBHOTHËQUH "~<0
DE PHn,OSOPi!fE COKt'EMrCRÀÏNE"
––
~–
L'ANNEE'~
SOCIOLOGIQÛE
lb.*I.Sul.*s
~~m-:t-u);- il~%
t.A ))))))-:<) t"~ ij~~tt't~
b 6
âMtLE DURKHEIM
['f(tt('!)!it't)f~M't~')"<HtP.t'uhfrs!tt'th'!i"r!t<tm
A ta ~cutto 'ipt h'ttr~'s ~ufts
CftttHri~o'' c'jurs
~in~~
\Vt:<:t..tCO).t.ttmKAT!'t.\)'KMM
A.MË)t.LET,'t'r~)o"ri)t'Keo)edf"'ti:tt)'Kh)d)'
ft tCHAf)0.t: "<
BOUGL6. j'r" ~p~)'
HUBERT ''t MAUSS. m<tn" itc rfjt~acM a t'H~k de* fhm'.t-~tude*'
t.AP!E.')w'r~Mr-~H'r~t<ff~r'nnt:
WUVËDN'tEt-EVY. )""<
AUBIN. iu"pj!j!'Jr ji'Ar'"l'm'l~ 4 .\urii'II";
90'JRG~N. FAUCONNET. FOUCAULT. HOURT'CQ. LALO. PC.ROOL F. StMXNO
;~r':)f'd<tiCn't'
MËMO~RESOfOG~NAUX
M.Mt)hcr<<'tHH«Utttt. A'M'<'<
~/«'<('<W~yn'.
tt.-ANALYSES
t)<"t(Mt!t!tttt)))")Mi!)'<M a" :Mj"
~)<'vrH<'rft/r.r<)~<rMt<MM<<<~M<y'f'nt'-
/tt.<'f'ftM()wfMM<tjf~f't/«</«'<ttMA'
PAHtS
n-:ux ALCAX.Éun~n
AX<;)H);~Em!tt.\mH-:t:Etnn:t<)!t).).n-t):H)c"
K'S. t«j't;).E~))t)'SUX)-<.);ttM.U\. )"
IS
)~M
1
,~1/ANNËE
<
BIOLOGIQUE
YH
~L
F~UXALCAN.ÈDtTEUR
L'ANNÉE SOCIOLOGÎQUE
PUtufiE !iom LA ~XBOTtOKt)ft
E. DURKHEIM
BtBUOTHËQUE DE PHILOSOPHIE
CONTEMPORAINE
~< ~°~"
~t~ AUemagn..2..dit..
C. BOUOLE.
M.!M~t'a~< ~in~
f B.
SOCIOLOGIQUE
PUBUKKSOUSLA DtKKCTtOX
M)!
<h ~MtLEDURKHEtM
s ))' !t
t ooeioto~ie 49 t'Univer~itc
l'Univeraité do Bordeaux.
de Hordeuu:.
t tfoMtm)i)~t cout't 4 ta
lu Fscutte dex tettMit de Pafitt.
Cha~S
1. MÉMOIRES ORIGINAUX
tt.-AMAt.Y8E8
Des travaux du t" juillet X'MÏ an 30 juin )9U:)..S~cw-
~tt .'y<n<~<. t~ijyietMe, mot'a/e e< ./<M'Mt~M< CttMt-
fte~< <'MM<!M<~Mt.~«~Ao<<)~« mcto<e. Mee)~.
PARÏS
FEUX ALCAN. ËDtTEUR
ANCfENKE HSMAtUtE UHRMËK HAtLHËttK MT <
1904
Tem droits f<Mt'e<.
L'ANNÉESOCIOLOGIQUE
1902-1903
PREMÏËRE
PARTIE
MËMOtRES
OR!8!MAUX
ESQUISSE
D'USE
THÉORIE GÉNÉRALE DE LA MAGIE
PM
MM.HMM
HUBERT
et M*M<M.
MAUSS
PoM'ne~<M~t~o~ef la placedontnous~o«~eM dMpoMrdansfAnn~e
ne'M
tiooioto~ique. <tWM <a<M~decdM <M no<e~
et ~))< quenous
dailleurs,
/JMM<fWM, quand n ouer ééditeront
W~M~.
HISTORIQUE ET SOURCES
DÉFINITION DE LA MAGIE
1
LE )tA6!C!EN
Nousavonsappelémagicienl'agentdesrites magiques,qu'il
fut ou nonun professionnel.Nousconstatons,en eCet,qu'ily
a des rItesmagiquesqui peuventêtre accomplispar d'autres
que par des spécialistes.De ce nombresont les recettesde
bonnefemme.dansla médecinemagique,et toutes les prati-
ques de la campagne,celles qu'il y a lieu d'exécuter sou-
vent aucoursde la vie agricole;de mêmeencore, les ritesde
chasseou depèchesemblent,eu générai,à la portée de tout le
monde. Maisnous faisonsobserverque ces rites sont beau-
coupmoinsnombreuxqu'ils ne paraissent.De plus, ils res-
tent toujoursrudimentaireset ne répondentqu'à des besoins
qui, pour être communs,n'en sont pas moins très limités.
Mômedans les petits groupes arriérésqui y recourentcons-
tamment.il n'y a quepeu d'individusqui les pratiquent réel.
lement.En fait, cette magiepopulairen'a généralementpour
ministresque leschefsde familleoules maltresses de maison.
Beaucoupde ceux-ci,d'ailleurs, préfèrent ne pas agir eux.
mêmeset s'abriter derrièrede plusexpertsou de plus avisés.
La plupart hésitent, soit par scrupule, soit par manque de
confianceeneux-mêmes.On envoit qui refusentde selaisser
communiquerune recetteutile.
C'est,deplus,uneerreurdecroirequete magiciend'occasion
se sente toujours,au momentmêmeoù'il pratique son rite,
dans sonétatnormal. Trèssouvent,c'est parce qu'il cessed'y
être qu'il se trouveen positiond'opéreravecfruit. tl a observé
des interdictionsalimentairesou sexuelles;fi a jeune il a
rêvé; Il a fait tels ou tels gestespréalables;sans compterque,
pour un instantau moins,le rite faitde lui un autre homme.
IL HUBERTET M. MAUM. Tt~OtUE OKtf~ttAt.BM LA MAOtSjtt
Cesphénomènesnerveux,signesde donsspirituels,qualifient
tel et tel individu pour la magie.
Sontaussi destinés à être magicienscertains personnages
que signalent à l'attention, à la crainteet à la malveillance
publiquedes particularitésphysiquesou unedextéritéextra-
ordinaire,commeles ventriloques,les jongleurset bateleurs;
une infirmitésufBt,comme pourles bossus,les borgnes,les
aveugles, etc. Les sentiments qu'excitent en eux les traite-
mentsdont ils sont d'ordinaire l'objet, leurs idéesde persé-
cutionou de grandeur, les prédisposentmêmeà s'attribuer
des pouvoirsspéciaux.
Remarquonsque tousces individus,infirmeset extatiques,
nerveuxet forains, formenten réalitedes espècesde classes
sociales.Cequi leur donne des vertusmagiques,ce n'est pas
tant leur caractère physique individuelque l'attitude prise
par la sociétéà l'égard de tout leur genre.
Il en est de même pour les femmes.C'est moinsà leurs
caractères physiquesqu'aux sentimentssociauxdont leurs
qualités sont l'objetqu'elles doiventd'être reconnuespartout
commeplus aptes à la magie que les hommes.Les périodes
critiques de leur vie provoquent des étonnemontset des
appréhensionsqui leur font une positionspéciale.Or, c'est
précisémentau momentdela nubilité,pendantles règles,lors
de la gestationet des couches, après la ménopause,que les
vertus magiques des femmes atteignent leur plus grande
intensité. C'estalors surtout qu'elles sont censéesfournir&
la magie soit des moyensd'action, soit des agents propre.
ment dits. Les vieilles sont des sorcières; les viergessont
des auxiliairesprécieux le sang des menstrueset autrespro-
duits sont des spécifiques généralementutilisés. On sait,
d'ailleurs, que les femmessont spécialementsujettesà l'hys.
térie leurs crises nerveusesles fontalors parattre en proie
à des pouvoirs surhumains, qui leur donnent une autorité
particulière. Mais, môme en dehors des époquescritiques,
qui occupent une si grande part de leur existence, les
femmessont l'objet soit de superstitions, soit de prescrip-
tionsjuridiques et religieusesqui marquentbien qu'ellesfor-
mentune classeà l'intérieur de la société.Onles croit encore
plusdifférentesdes hommesqu'ollesne sont; on croit qu'elles
sont le sièged'actions mystérieuseset, par là même,parentes
des pouvoirs magiques. D'autre part, étant donné que la
femmeest excluede la plupart descultes,qu'elley est réduite
34 L'AXK~)!SomuMCtQUE. <90H903
&un rôle tout passif quand olle y est admise,les seules pra-
tiques,qut sont laisséesà son initiative, continentà la magie.
Le caractèremagiquedes femmes relèvesi bleu de leur qua-
lificationsocialequ'il est surtoutaiïaire d'opinion. Il y a moins
de magiciennesqu'on ne le croit. se produitsouventce phé-
nomènecurieux que c'est l'homme qui est magicienet que
c'estla femmequi est chargéede magie.DansF/it/tarM V~«,
les exorcismossontfaits contre les sorcièresalors que toutes
les imprécationsy sont faites par les sorciers.Dans la plupart
dessociétésdites primitives, les vieilles femmes, les femmes,
ont été accuséeset punies pour des enchantementsqu'elles
n'avaientpas commis.Au Moyenâge, et surtout à partir du
xiv' siècle,les sorcières paraissent en majorité; mais il faut
noter qu'onest alors en temps de persécutionet que nous ne
les connaissonsque par leurs procès; cette surabondance
de sorcièrestémoignedes préjugés sociaux que l'Inquisition
exploiteet qu'ellealimente.
Lesenfantssontsouvent,dansla magie,desauxiliaires spé-
cialement requis, surtout pour les rites divinatoires. Quel.
quefoismême,iis font de la magie pour leur propre compte,
commechezlesDieriaustraliens, commedansl'Inde moderne,
quand ils se barbouillentavecde la poussièrerecueilliedans
les tracesd'un éléphant en chantant uneformuleappropriée.
Ils ont, on le sait, une situation sociale toute particulière en
raisonde leur âge et n'ayant pas subi les initiations défini-
ti vos,ils ont encoreun caractère incertain et troublant. Ce
sont encore des qualités de classe qui leur donnent leurs
vertus magiques.
Lorsquenousvoyonsla magieattachée à l'exercice de cer'
taines professions,comme celle de médecin,de barbier, de
forgeron,de berger,d'acteur, de fossoyeur, il n'est plus dou-
teux que les pouvoirsmagiquessont attribués non pas à des
individus,maisà des corporations. Tous les médecins,tous
les bergers,tous les forgeronssont, au moinsvirtuellement,
des magiciens.Les médecins,parce que leur art est méié de
magie et, en tout cas, trop technique pour ne pas parattre
occulte et merveilleux; les barbiers, parce qu'ils touchent
à des déchetscorporels, réguliérements détruits ou cachés
par crainte d'enchantement; les forgerons, parce qu'ils
manipulentune substance, qui est l'objet de superstitions
universelleset parce que leur métier difficile,environné de
secrets, ne va pas sans prestige; les bergers, parce qu'ils
)t. XMEBTM M. MAUM. – TH&)B)K O~&tAM DE LA MAQtBSS
attribuéeà !amoindre.Lesexemplesclassiquessontceuxdes
Uasyusde l'Inde, des Finnoiset desLaponsaccusésrespecti-
vement de sorcelleriepar les Hindouset les Scandinaves.
Toutesles tribus de!a broussemélanésienne ou africainesont
réputéessorcièrespar les tribus plusciviliséesde la plaineet
des rivagesde la mer. Touteslestribusnon fixées,qui vivent
au soind'une populationsédentaire,passentpour sorcières;
c'estencorede nosjours le casdes tsiganes,et celui des nom-
breusescastes errantes de l'Inde, castesde marchands, de
mégissierset de forgerons.Dansces groupesétrangers, cer-
tainestribus, certainsclans,certainesfamilles,sont plus spé-
cialementvouésà la magie.
H arrive d'ailleurs que cettequalificationmagiquene soit
pas donnéetout à fait à tort, car il y a des groupesqui pré.
tendentavoirréellementcertainspouvoirssurhumains, reli-
gieuxpour eux, magiquespour les autres, sur certainsphé-
nomènes.Les brahmanesont paru magiciensaux yeux des
Grecs,des Arabeset des Jésuiteset s'attribuenten effetune
toute puissance quasi divine.Il y a des sociétésqui s'arro-
gent le don de faire la pluieou de retenirle vent et qui sont
connuesdes tribus environnantescommepossédantcesdons.
Ainsila tribu du Mont-Gambier en Australie,qui contientun
clan maitre du vent, est accuséepar la tribu voisine des
Booandikde produire la pluie et le vent à sa volonté; de
mêmeles Laponsvendaientaux matelotseuropéensdes sacs
contenantle vent.
On peut poseren thèsegénéralequelesindividus,auxquels
l'exercicede la magieest attribué,ont déjà, abstractionlaite
de leur qualitémagique, uneconditiondistincteà l'intérieur
de la société qui les traite de magiciens.Nous ne pouvons
pas.généralisercette propositionet dire que toute condition
socialeanormale prépare à l'exercicedo la magie; nous
croyonscependantqu'unepareille induction aurait chance
d'être vraie. Mais nous ne voulons pas qu'on conclue des
faits précédentsque les magiciensont été tous des étran-
gers,des prêtres, des chefs,des médecins,des forgeronsou
des femmes;il y a eu des magiciensqui n'ont pas été recrutés
dans les classes susdites. D'ailleurs,c'est quelquefois,nous
l'avonslaissé entendre, le caractèremêmede magicienqui
qualifiepour certainesfonctionsou professions.
Notre conclusionest que, certainsindividusétant vouésà
la magiepar dessentimentssociauxattachésà leur condition,
28 t/AX~E SOCfOLOGtQCB.<MMM3
ils le font sous leur forme animaleet c'est dans cet état
qu'on prétend les surprendre. Cependant,même alors. les
deuximagesont conservétoujoursune indépendancerelative.
D'une part, le sorcier finit par garder dans ses vols noe-
turnes sa forme humaine, en chevauchantsimplementson
ancienne métamorphose.D'autrepart, il arrive que la conti- ¡
t
nuité se rompe,que le sorcier et son doubleanimal soient
employés,en même temps, à des actes diuérents. L'animal,
dans ce cas, n'est plus un dédoublementmomentané,mais un
auxiliairefamilier, dont la sorcière reste distincte. Tel est
le chat Rutterkin dos sorcièresMargaretet Filippa Flower,
qui furent brûléesà Lincoln,le mars ~6t9, pour avoiren-
voûtéun parent du comtede Rutland.D'ailleurs, dans tous
lesfaitsqui paraissentêtredesfaitsde métamorphoseabsolue,
l'ubiquité du magicien est toujours sous-entendue on ne
sait, quand on rencontre la forme animale de la sorcière,si
l'on a affaireà elle-mêmeou a unsimpledélégué.On ne peut
pas sortir de la confusionprimitivedont nous parlionsplus
haut.
Les sorcières européennes,dans leurs métamorphoses,ne
prennent pas indiitéremmenttoutes les formes animales.
Elles se changentrégulièrement,qui en jument, qui en gre-
nouille, qui en chat, etc. Ces faits nous laissent à penserque
la métamorphoseéquivaut à une associationrégulièreavec
âneespèceanimale.On rencontrede cesassociationsun peu
partout. Les hommes'médecinealgonquins,iroquoisou che-
rokees,ou même plus généralementles hommes-médecine
peaux-rouges, ont des manitous-animaux, pour parler
ojibway; de même, dans certainesiles de la Mélanésie,les
magicienspossèdent des serpentset des requins serviteurs.
En règle générale, le pouvoir du magicientient, dans ces
divers cas, à ses accointancesanimales.C'est de son animal
jassocié qu'il le reçoit; celui-ciiu! révèleles formules et
les rites. Même, les limites tracées à sa puissance sont
définies quelquefois par cette alliance chez les Peaux-
Rouges,l'auxiliaire du magicienlui confèrepouvoirsur les
bêtesde sa race et sur les chosesqui lui sont reliées c'est
en ce sens que Jamblique parlait de f~~ ~w% et de j~y"~
<:<~qui avaient pouvoirrespectivementsur les serpentset
sur les lions et guérissaientde leurs blessures.
En principe,et sauf desfaits très rares,c'est, non pas avec
un animalen particulier, maisavec une espèceanimaletout
j). MUBEMKT f. MAUSS. M~OMB G~HALE M LA MAO<t! 39
II
LESACTE:
Lesactesdu magiciensontdesrites,et nousallonsmontrer,
en les décrivant,qu'ils répondentbientout ce quecontient
la notion de rite. Il faut noter que, dans les recueilsde folk-
lore, ils nous sontsouventprésentéssousune formetrès peu
compliquéeet très banale; si les auteurs de cesrecueilsne
nousdisaient paseux-mêmes,aumoinsimplicitement,que ce
sontdes rites, nousserions tentésde n'y voir que desgestes
très vulgaireset sans caractèrespécial.Maisnousprétendons
qu'en général ce ne sont pas desactessimpleset dépourvus
de toute solennité.Leur simplicitéapparentevientdecequ'ils
sontmal décrits, ou mal observés,oubiende cequ'ils se sont
usés.Quant à nous,ce n'estévidemmentpas parmi les rites
réduits et mal connus que nousallons chercher les traits
typiques du rituel magique.
Nous connaissons,au contraire,un très grand nombrede
rites magiquesqui sont fort complexes.Lerituelde t'envou-
tement hindou, par exemple, estextraordinairementétendu
(&K<f<&c ~<ra, 47.49).H exigetout un matérielde bois de
mauvaisaugure,d'herbes coupéesde certainesfaçons,d'huite
particulière,defeusinistre;l'orientationestinversedel'orien-
42 L'AXKÉK 1MH9M
!H)CMMOtCPB.
seraitfortdifficile
serait d'extraire onn
fort difftcitft (t'aiftrniM une ttcta
listettnc rites n.tt.
des .)M sympathiques
purs. Les variationssur te thème de la sympathie sont si
nombreusesque celui-cien est commeobscurci.
Matsil M'ya pas que des rites sympathiquesen
magie.JI y
a d'abordtoute une classede rites qui équivalentaux rites
deia sacralisationet de la désacralisationreligieuses.Le sys-
tomedes purificationsest si importantque la f<<~hindoue,
J'expiation, sembleavoir été uue spécialitédes brahmanesde
i'AtharvaVedaet que le motde x<ttt<(~{, en Grèce,a fini par
désignerle rite magiqueen générât. Ces purificationssont
faitesavecdes fumigations,des bainsde vapeur, des passages
au feu,à l'eau, etc. Une bonne partie des rites curatifs et
desrites conjuratoiressont faits de pareillespratiques.
Il y a ensuitedes rites sacrificiels.Il y en a dans la M~rtfjt
Kj)o' dontnous parlousplus haut, et dans l'envoûtement
hindou.Dansles textes atharvaniques, outre les sacrifices
obligatoiresde préparation, la plus grande partie des rites
sontdes sacrificesou en impliquent ainsi, l'incantationdes
flèchesse faitsur un bûcherde boisde flèches,qui est sacrifi-
ciel danftoutce rituel, une part de toutce qui est consommé
est nécessairement sacrifiée.Dansles textesgrecs, les indica-
tionsde sacrificessont tout au moinsfréquentes.L'imagedu
sacrifices'est mômeimposéeau point de deveniren magie
une image directrice, suivant laquelle s'ordonne dans la
penséel'ensembledes opérations;ainsi, dans les livresatchi.
miquesgMcs,nous trouvons,à plusieurs reprises, la trans-
mutationdu cuivreen or expliquéepar une allégoriesacrifi-
cielle. Le thème du sacrificeet, en particulier, du sacrifice
d'enfantest commundans ce que nous savons de la magie
antiqueet de celledu moyenàge on en rencontredes exem-
ples un peu partout; toutefoisils nous viennent plutôt du
mytheque de la pratique magique. Nous considéronstous
cesritescommedes sacrifices,parcequ'en fait its noussont
donnéscommetels; les vocabulairesne les distinguentpas du
sacrifieeretigieuxpasptusqu'iisnedistinguenttespuriftcations
magiquesdes purificationsreligieuses.!)'aiHeur8,iis produi-
sentles mêmeseffetsque les sacrificesreligieux, its dégagent
des influences,des puissanceset ce sont des moyensde com-
muniqueraveccelles-ci.Dans la M~nta Kpov~, le dieu est
vraimentprésentà la cérémonie.Lostextesnous apprennent
aussi que, dans ces rites magiques, les matières traitées se
trouventréellementtransforméeset divinisées.On lit dans
Ë. DomBNN. AanfeMetot., <90Mt(H. 4
50 L'ANNEE 1902-1903
SOCMMatQUE.
que d'ordinaireles uns ne vont pas sans les autres. Ils sont
si intinttitnentassociesque, pour donner une idéeexactedes
cérémoxiesmitgiques, ii faudrait lesétudier concurremment.
Si l'une des deuxctasses tendait à prédominer,ce serait plu-
tût celle des incantations.!i est douteux qu'il y ait ou de
véritahtesritesmuets,tandis qu'it est certainqu'un trèsgrand
nombrede rites ont été exclusivementoraux.
Noustrouvonsdans la magie à peu près toutes lesformes
de rites oraux que nous connaissonsdans la religion ser"
ments,vceux.souhaits,prières,hymnes,interjections,simples
iormuies.Mais,pas plus quenous n'avonsessayedéclasserles
rites manuels,nousn'essayeronsde classer sousces rubriques
lesrite'; oraux.Kiiesnecorrespondentpas icià desgroupesdo
faitsbien définis.Le chaos de la magie fait que la formedes
rites ne répondpas exactementà leur objet. 11y a desdispro-
portionsquinousétonnent;nous voyonsdes hymnesdela plus
hauteenvoiéeassociéesaux fins les plus mesquines.
Ii existeun grouped'incantations qui correspondà ce que
nousavonsappelé les rites sympathiques. Les unesagissent
ettes-mémessympathiquement.H s'agit de nommerles actes
ou les choseset de les susciterainsi par sympathie.Dans un
charmemédicalou dans un exorcisme,on jouerasur les mots
qui signifientécarter, rejeter, ou biensur ceuxqui désignent
la maladieou le démon, cause du mal. Les calembourset les
onomatopées comptentparmi les moyensemployéspour com-
battre verbalement,par sympathie, la maladie.Unautre pro-
cédé, qui donne lieu a une sorte de classe d'incantations
sympathiques,est la descriptionmêmedu rite manuelcorres.
pondant !MM'a~ x«t ~< -M~. Af~t So;<M ~<MM
(Théocrite.H, 3i). 1! semble qu'on ait supposésouventque la
description,ou la mentionde l'acte, suffit et à le produireet
à produiresoneffet.
ne mêmequêta magiecontient dessacrifices,ellecontient
aussi des prières, des hymnes et tout particulièrementdes
prières aux dieux. Voiciune prière védique prononcéeau
coursd'un simple rite sympathiquecontre t'hydropisie(X<t«.
çika~t-« 23,37,sq.) c CetAsura règne sur les dieux;certes,
la volontédu roi Varuna est vérité (se réalise immanqua-
blement) de ceci(de cette maladie)moi qui excellede toutes
parts par mon charme, de ta colère du terrible (dieu), je
retire cet homme. Qu'honneurte soit (rendu) 6 roi Varuna,à
ta colère;car, 6 terrible, toute tromperie, tu la connais.Mille
Il. MUMHT ET M. MAUM. – Tft~OME QHStiKALEDS t.A MAUtK 63
III
ms REt'RtSSEttTA'nONS
e~MMi~j<!t«!m, A'(t~tm/«<t<)~tc(!mAaMo.)Siparti-
culiers que soientles résultatsproduits par les rites, ils sont
conçus, au momentmômede l'action, comme ayant tousdes
caractèrescommuns.Il y a toujours,en effet, soit imposition,
soitsuppressiond'uncaructèreoud'uneconditioniparexempte,
ensurcettemeutou détivrauce,prise de possessionou rachat,
en deux mots.changementd'état.Nous dirons volontiersque
tout acte magiqueestrepréseuté commeayant pour effetsoit de
mettre des êtres vivants oudes choses dans un état tel que
certains gestes, accidentsou phénomènes,doivent s'ensuivre
infuittibtement,soit de les tairesortir d'un état nuisible. Les
actes diffèrententreeux selonl'état Initial, lescirconstances
qui déterminentle sensdu changement,et les fins spéciales
qui leur sont assignées,maisIls se ressemblent en ce qu'ils
ont pour effetimmédiatet essentielde modifierun état donné.
Or, te magicien sait et sont bien que par là sa magie est
toujours semblableà elle-même;il a l'idée toujours présente
que la magie est. l'art des changements, la m< comme
disent les Hindous.
Mais, outre cette conceptiontoute formelle, il y a, dans
l'idée d unrite magique,d'autreséléments déjà fort concrets.
Les choses viennentet partent t âmerevient, la nèvreest
chassée.On essayede rendrecomptede i'euct produit par des
accumulationsd'imagesL'ensorcetéest un malade, un estro-
pié, un prisonnier. On lui a brisé les os, fait évaporer les
moelles,on i'écorche.L'imagefavoriteest celle du lien qu'on
lie ou qu'ondétie: «iiendesmaiéncesqui méchammenta été
noué », « enchaînementqui sur le sol est dessiné », etc.
ChexiosGrecste charmeest un x~St~ un ~.TpoxM~M~o;.
La mêmeidéeest expriméeplusabstraitement en latin par le
mot de t'e~to, qui d'ailleursa le mômesens.Dansune incan-
tation contreune série de mauxde gorge, après une éuumé-
ration de termestechniqueset descriptifs,nous lisons ~ooc
re<~<OHem Moco,<'<~<co, M'caofo <W<t meM~'M, ntc~M~M (Afar-
cellus, XV.'ti); la t'e~toest traitéeicicommeune sorte d'être
vague, do personnalitédiffusequ'on peut saisir et chasser.
Ailleurs, c'est par des images morates, celles de la paix,
de t'nmour, de la séduction,de !a crainte, de la justice, de la
propriété, qu'onexprimerales eftetsdu rite. Cette représen-
tation, dont nous saisissonsainsi, ça et ta, des linéaments
imprécis,s'est quelquefoiscondenséedans une notion dis-
tincte, désignée par un mot spécial. Les Assyriens ont
00 L'AX!~t!SMtOLO(!tQUt!.<MH9M
exprimé une pareille notion par le mot de Mx~x't.En Meia'
nesie, F équivalentdu Ht<!m/<, c'est le m<uM,qu'on voitsortir
du rite chezles Iroquois(Murons)c'est t'o~'fKt/a, que tanceto
magtcieu danst'fade ontique, c'étaitte ~'a/<m<(neutre)qui
allait agir; chez nous, c'est le charme, )o sort, l'enchante-
ment et les mots mêmespar lesquelson détermineces Idées
moutrput combienettes étaient peu théoriques.On en parle
commede chosesconcrèteset d'objetsmatériels;on jette un
charme, une rune; on lave, on noie,on brilleun sort.
Uu troisième moment de notre représentationtotale est
celui où l'ou conçoitqu'il y a entre les êtres et les choses
intéressés dans le rite une certaine relation.Cetterelation
est quelquefois conçue comme sexuelle. Une incantation
assyro-babytoniennecrée une sorte de mariage mystique
entre les démonset les Imagesdestinéesà les représenter
« Vous, tout le mai, tout le mauvaisqui s'est emparéde N.,
!iisdoN.,ette poursuit, si tu es maie,que cecisoitta femme,
si tu es lemelle, que ceci soit ton mâfe » (Fossey,As ~«'
<M~n<ttt~,p. i33). Il y a milleautres manièresde concevoir
cette relation. Ou peut la représentercommeune mutuelle
possession des ensorceleurset des ensorcelés.Les sorciers
peuvent être atteints derrière leur victime,qui ainsi a prise
sur eux. Dela mêmefaçon,on peut leverun charmeen easor-
celant le sorcierqui, de son côté, a naturellementprise sur
son charme.Ondit encorcquoc'est le sorcier,ou sonâme,ou
que c'est le démoo du sorcier qui possèdentl'ensorcelé
c'est ainsi qu'it réalisesa mainmisesur sa victime.La pos-
session démoniaqueest l'expressionla plus forte, la simple
fascination, l'expression ia plus faible, de la relation qui
s'établit entre le niagicien et le sujet de son rite. Onconçoit
toujours, distinctement, nue espècede continuité entre les
agents, les patients, les matières, tes esprits, les buts d'un
rite magique.Toutcomptefait, nousretrouvonsdansla magie
ce que nous avons déj& trouvé dans le sacrifice.La magie
implique une confusiond'images,sans laquelle,selonnous,le
rite mêmeestinconcevable.Demêmeque sacrifiant,victime,
dieuet sacrificese confondent,de mêmemagicien,ri teeteffets
du rite, donnent lieu à un mélanged'imagesindissociables;
cetteconfusion,d'niiteurs.est en elle-mêmeobjetdoreprésen-
tation. Si distinctsque soient, en effet,les diversmomentsde
la représentationd'un rite magique,ils sont indus dans une
représentationsynthétique, oit se confondentles causesettes
M. Ut.-MMTET M. MAUM. – TmioME 'JÉXMALE DE LA NAOtE Oi
panthéonbrahmaniquefiguretoutentierdans la magie.Quant
auxtextes magiquesgrecs, Usmentionnentd'abordunefoule
de dieuxégyptiens,soit sous leurnom égyptien,soit sousleur
nomgrec, des dieux assyriens ou perses, lahwé et toute la
séquelle des anges et des prophètesjuifs, o'est-adire des
dieux étraogers à lacivilisationgrecque.Maison y voitégale-
ment prier les « grands dieux », avecleur nom et sous leur
formegrecque, Zeus, Apollon,Asciépios,et mémoavecles
détermiuatifsde lieu qui les particularisent.En Europe,dans
un très grand nombred'incantations,dans les charmesmy-
thiquesen particulier, ne figurentque la Vierge,le Christet
les saints.
Les représentationspersonnellesont dans la magie une
consistancesunisante pour avoir formé des mythes. Les
charmes mythiquesdont nous venonsde parler contiennent
desmythespropresata magie.Ily en a d'autresquiexpliquent
l'origine de la tradition magique,celledes relationssympa-
tiques, celle des rites, etc. Mais, si la magie connaît des
mythes,ellen'en connaît que de rudimentaires,de très objec-
tifs, visant uniquementles choses,et non pas les personnes
spirituelles. La magie est peu poétique,elle n'a pas voulu
fairel'histoire de sesdémons.Ceux-cisont commeles soldats
d'unearmée,ils formentdes troupes,des ganas,des bandesde
chasseurs, des cavalcades ils n'ont pas de véritableindivi-
dualité.Bien plus, quand les dieux entrent dans la magie,
ils perdentleur personnalité et laissentpour ainsi dire leur
mytheà la porte. La magie ne considèrepas en eux l'individu,
maisla qualité, la force, soit générique,soit spéciOque,sans
compterqu'elle les déformeà plaisir et qu'elle les réduitsour
vent à n'être plus que de simples noms. De mcmeque nous
avons vu les incantations donner des démons, les dieux
unissentpar se réduireà des incantations.
Lefait quela magiea fait placeaux dieux montrequ'ellea
su se prévaloirdes croyancesobligatoiresde la société.C'est
parcequ'ils étaient, pour celle-ci,objet de croyances,qu'elle
les a fait servirsesdesseins. Maisles démons sont,de même
queles dieuxet les âmesdes morts,l'objet de représentations
collectives,souvent obligatoires, souvent sanctionnées,au
moins par des rites, et c'est parcequ'ils sont tels qu'ils sont
des forces magiques. En fait, chaquemagie aurait pu en
dresserdes catalogueslimitatifs,sinon quant au nombre,du
moinsquant aux types.Cettelimitationhypothétiqueet théo-
Il. XUBERTBT M. MAUM. – THÉOMEC)!~HAL)! DE LA MACtS 85
IV
G~ÉnALES
OHSERVADOSS
1 ·
LA CHOt'AXCB
Il
la cérémoniesympathiqueelle-même,parle seulfaitqu'elleest
rituelle, comme nous l'avons démontré, elle doit de toute
nécessiteproduireà son tourdesforcesspéciales.En fait, les
magiciensen ont eu conscience.Dansle rite mélanésiencité
plus haut, nous avonsvu le m<tMsortirdes feuilleset monter
au ciel dans les rites assyriens, nousavonssignalele m(!m<<
qui s'en dégage.Et maintenantconsidéronsun rite d'envoûte-
mentdans unede cessociétéssoi-disantprimitives,sans mys-
tique, qui en sont encoreà l'Agemagiquede l'humanité,chez
lesquelles, selon M. Frazer, la loi de sympathie fonctionne
régulièrementet seule, nousapercevonsimmédiatementnon
seulementiaprésence,maisencorele mouvementde ces forces.
Voicicomment,chezles Aruntas,l'envoûtementde la femme
adultèreest censéagir. Il y a proprementcréationd'une puis-
sance mauvaise, dite <!n(n~M<<</<a; on en charge la pierre
âme (l'image n'ayant servi qu'à faire que l'âme se trompât
et vînt à l'image commeelle reviendraitau corpsnaturel)¡
cette puissance mauvaiseest simplementrenforcéepar les
gestesqui simulent la misea mort de la femmeet finalement
c'estcette puissancequi est rejetéedans la directiondu camp
où la femmea été enlevée.Le rite exprimeque l'imagesym-
pathique n'est môme pas cause car ce n'est pas elle qu'on
projette,maisbien le sort qu'on vientde forger.
Ce n'est pas tout. Dans le méme cas, nous voyonsqu'en
plus de la fabricationd'une image, où, d'ailleurs, l'âme ne
vient pas résider définitivement,lo rite comportetout un
attiraild'autres images préalablementenchantées,de pierres
à esprits, d'aiguilles renduesmagiquesbien avant la cérémo-
nie enfin,qu'il se pratique dans un lieusecretet qualifiépar
un mythe. Decette observationque nous pouvonshardiment
généraliser,nous devons conclure que la cérémoniesym-
pathiquene se passe pas commeun acte ordinaire. Elle se
fait dans un milieu spécial,constituépar tout ce qu'il y a en
elle de conditionset de formes.Ce milieu est très souvent
définipar des cerclesd'interdictions,par des rites d'entréeet
de sortie.Toutce qui y entreest de mêmenature que lui ou
devientdomêmenature.La teneurgénéraledes gesteset des
motss'y trouveafïectéo.L'explicationdo certains rites sym-
pathiquespar les lois do la sympathielaissedonc un double
résidu.
En est-il de même dans tous !es cas possibles? Quantà
nous, ce résidu nous parait essentielau rite magique.En
«? t.'At<K);ESOCtOLOGtQL'f!.
<90S.iM9