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Traumatologie de la main à l’épaule

chez l’adulte
Springer
Paris
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Tokyo
Laurent Obert

Traumatologie
de la main à l’épaule
chez l’adulte
Laurent Obert
Service d’Orthopédie, de Traumatologie, de Chirurgie Plastique,
Reconstructrice et Assistance Main & CIC IT 808
C.H.U. Besançon F25033
Besançon
EA 4268 Innovation, Imagerie, Ingénierie et Intervention en santé « I4S »
IFR 133 INSERM
Faculté de médecine et de Pharmacie
Université de Franche Comté

ISBN : 978-2-8178-0259-6 Springer Paris Berlin Heidelberg New York

© Springer-Verlag France, Paris, 2012

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La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage
et des modes d’emplois. Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifier les informations
données par comparaison à la littérature existante.

Maquette de couverture : Nadia Ouddane


Mise en page : DESK – Saint-Berthevin
Remerciements

Ce livre est dédié à P. Vichard, Y. Tropet, et P. Garbuio.


Pour leur façon d’avoir des responsabilités et de les prendre.
Pour leur attachement à l’urgence traumatique, leur respect du patient
blessé et de la science traumatologique.

Remerciements à tous les personnels du service d’urgence de traumato-


logie du CHU de besancon et du CHI de Vesoul, sur le terrain, toujours,
partout…
Aux ASH, AS, infirmières de jours et de nuits et aux secrétaires.
Aux internes présents et passés du CHU.
Aux chirurgiens du service pour leur implication personnelle répétée…
constante.

À toutes et tous, pour les patients et une certaine idée de la prise en


charge du blessé, merci de votre implication acharnée, passionnée et
efficace.

Enfin merci à ceux qui supportent les soignants en ces temps chahutés :
les patients et leur entourage familial.
Préface
Thibaut Desmettre

La traumatologie du membre supérieur représente une part très impor-


tante des passages aux urgences, elle nécessite une formation sérieuse. En
urgence, les documents de qualité restent toujours très prisés par le cli-
nicien confronté à des situations variées pour lesquelles le recours aux
traités de la discipline ne permet pas toujours d’apporter des réponses
pragmatiques, « en direct ». À ce titre, l’ouvrage du Professeur Laurent
Obert est remarquable car il apporte une réponse rapide, claire et précise
aux problèmes posés par la prise en charge de ces urgences traumatiques.
Rendre simple et accessible ce qui est compliqué, ou qui peut le devenir
rapidement si le bon diagnostic et la bonne option de traitement ne sont
pas pris, voilà qui pourrait parfaitement résumer ce manuel de trauma-
tologie. Cet ouvrage pratique et didactique passe en revue dans un style
clair et concis les situations de traumatologie courante du membre supé-
rieur. Une courte introduction permet de mettre en avant les nombreux
et principaux pièges et résume les « questions à se poser » devant tout
traumatisme des membres.
Ce livre trouvera sa place en salle d’urgence, la consultation des points
clés de la pathologie traumatique de l’épaule, du coude, du poignet et
de la main permet en effet de trouver les réponses aux questions qui
se posent au lit du patient. À chaque chapitre le lecteur trouvera les
pièges à éviter, les manœuvres intempestives à proscrire tout comme les
risques et complications à rechercher. L’iconographie est riche et consti-
tuée principalement de clichés radiographiques et de photographies
qui complètent parfaitement le texte. Un dernier chapitre, consacré aux
VIII Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

certificats de coups et blessures permet de rappeler l’essentiel dans ce


domaine et fournit les conseils utiles et même indispensables qui doivent
être parfaitement connus du praticien prenant en charge ces patients.
Toutes ces qualités font de ce manuel un de ces documents précieux, de
ceux que l’on garde jalousement et qui deviennent nos meilleurs compa-
gnons lors des gardes d’urgence. Il ne fait aucun doute que l’ouvrage que
vous tenez entre les mains va recevoir le meilleur accueil et le succès qu’il
mérite auprès des urgentistes, qu’ils soient confirmés ou débutants.
Ce livre était attendu ! Merci au Professeur Laurent Obert et à l’équipe
qui l’a accompagné dans la finalisation afin de le rendre enfin disponible.

Dr Thibaut Desmettre
Responsable du Service des Urgences
Hôpital Jean Minjoz
CHRU de Besançon, France
Sommaire

Remerciements........................................................................................................................... V

Préface .............................................................................................................................................. VII

Introduction ................................................................................................................................. 1

En traumatologie, ce qu’il faut savoir… ne pas oublier ! ............................. 3


Les questions à se poser devant un traumatisme des membres ............. 5
Ce que l’on trouve en traumatologie… Quelques pièges
ou « Toujours penser à… » ............................................................................................. 7

1. L’épaule .................................................................................................................................... 11
Ce qu’il faut savoir............................................................................................................... 11
Luxation gléno-humérale antérieure....................................................................... 13
Luxation gléno-humérale postérieure .................................................................... 18
Disjonction (luxation) acromio-claviculaire ......................................................... 20
Fracture de clavicule ......................................................................................................... 22
Luxation sterno-claviculaire.......................................................................................... 25
Fracture de l’humérus proximal.................................................................................. 27
Rupture de coiffe des rotateurs................................................................................... 32
Rupture du grand pectoral ............................................................................................ 33
Fractures de la diaphyse humérale ........................................................................... 34

2. Le coude .................................................................................................................................. 35
Ce qu’il faut savoir............................................................................................................... 35
Fracture de l’humérus distal ......................................................................................... 36
Fracture de l’olécrâne........................................................................................................ 39
Fracture de la tête radiale............................................................................................... 42
Luxation du coude.............................................................................................................. 45
Rupture du biceps .............................................................................................................. 48
X Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Rupture du triceps .............................................................................................................. 50


Fractures de la diaphyse des deux os de l’avant-bras .................................... 53

3. Le poignet.............................................................................................................................. 55
Ce qu’il faut savoir............................................................................................................... 55
Fracture du radius distal.................................................................................................. 59
Fracture du scaphoïde ..................................................................................................... 65
Fracture des autres os du carpe .................................................................................. 69
Luxation périlunaire .......................................................................................................... 70
Lésions ligamentaires : particularités ...................................................................... 74

4. La main .................................................................................................................................... 77
Traumatismes et plaies : analyse des problèmes .............................................. 77
CAT devant un traumatisme de la main ................................................................. 79
CAT devant un traumatisme ostéo-ligamentaire.............................................. 92

5. Certificats de coups et blessures ........................................................................... 107


Principes généraux............................................................................................................. 107
Les constatations médicales ......................................................................................... 111
Les interprétations médico-légales .......................................................................... 113
Quelques conseils pratiques......................................................................................... 117
Conclusion .............................................................................................................................. 118
Introduction
Arriver dans un environnement « d’urgences », « aux urgences »
avec une plaie de la paume de la main ou une fracture d’un doigt
dérange… Tant le patient qui s’aperçoit qu’il « gêne », au milieu des
urgences vitales et qui réalise que sa bêtise, son accident, vont prendre
des proportions qu’il n’avait pas souhaitées et peut-être ralentir les
soins pour d’autres, que l’équipe soignante qui accueille cette urgence
« fonctionnelle » n’est pas toujours préparée ou respectueuse de cet
empêcheur de « sauver en rond »… Il peut attendre. Être amené à
s’occuper des urgences fonctionnelles, de la traumatologie, c’est
comprendre avant tout que le patient n’a rien choisi de ce qui lui
arrive et que les meilleurs soins doivent lui être apportés… même
s’il n’en mourra pas. Faire le bon diagnostic pour adapter le meilleur
traitement, c’est se fabriquer une culture de ces accidents et de leurs
pièges, c’est communiquer le plus possible avec les correspondants sur
place ou les collègues plus loin. Comme le rappelle la Fédération euro-
péenne des Services Urgence Mains (FESUM), le tri initial et l’orienta-
tion vers la structure la plus adaptée dépendent de la compétence du
premier médecin appelé à examiner le blessé. Il faut éviter de déplacer
les patients qui pourraient être traités sur place, mais il faut surtout
éviter de priver un blessé de l’accès à un centre spécialisé si sa lésion
le justifie. Les urgences de la main sont un des enjeux majeurs de
santé publique par leur fréquence, leur retentissement fonctionnel et
leur coût aussi bien pour les patients eux-mêmes que pour la col-
lectivité. Les « petites » plaies que le patient va négliger, ou que le
praticien peu expérimenté va sous-estimer, sont souvent synonymes
de gros ennuis pour les deux humains en présence. Seul le chirurgien
pourra parfois dire si telle lésion ostéo-ligamentaire du membre supé-
rieur nécessite un traitement chirurgical. Une communication fluide
à propos de ces lésions fermées pourra, là encore, autoriser un trai-
tement adéquat. La traumatologie représente la moitié des urgences
de l’adulte. La traumatologie du membre supérieur (thoracique) en
représente la moitié… et elle recèle un grand nombre de pièges qu’il
2 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

faut éviter pour pouvoir proposer un traitement optimal et garder la


confiance du patient.
Cela n’est pas si difficile et c’est le propos de ce petit livre que de donner
les clés de la traumatologie du membre supérieur.
En traumatologie,
ce qu’il faut savoir…
ne pas oublier !
En matière de traumatologie, quelques notions sont à rappeler.
t Un ligament est une structure limitante. Sa lésion entraîne une entorse
ou une luxation, donc une mobilité supplémentaire. L’entorse ne signifie
rien d’autre qu’une lésion ligamentaire mais d’une articulation à l’autre le
concept d’entorse grave ou bénigne n’est pas compris de la même façon
par les différents soignants ; la luxation est une perte de contact entre
les structures osseuses formant une articulation à cause d’une lésion
ligamentaire. Elle implique une réduction en urgence. Les lésions liga-
mentaires peuvent entraîner théoriquement une instabilité ; en fait, elles
laissent plus souvent des raideurs à cause d’une immobilisation parfois
trop longue.
t À l’inverse, la structure musculo-tendineuse crée le mouvement et toute
rupture (lésion à ciel fermée) ou toute section (plaie) entraînera une perte
inévitable du mouvement. Ces lésions touchent souvent des hommes de la
cinquantaine ou plus qui reprennent une activité sportive avec des facteurs
étiologiques qui s’additionnent (enthésopathies, médicaments, hypercho-
lestérolémie) avec une tendance saisonnière (automne et printemps). Ces
lésions musculo-tendineuses sont à réparer avant 3 semaines.
t L’énergie traumatique détermine toujours les lésions. La haute énergie
(chute de deux marches d’escalier, le patient est en mouvement avant l’im-
pact…) ou le changement brutal de direction ou d’intensité énergétique
entraînent plus fréquemment des lésions ligamentaires. La basse énergie
avec un changement de vitesse ou de direction faible du vecteur énergé-
tique entraînera plus spécifiquement des lésions osseuses. Cette notion
d’intensité d’énergie traumatique est un peu artificielle, mais plus il existe
d’énergie traumatique, plus il existe des lésions à rechercher. Ainsi, plus le
patient est âgé, plus l’os sera préférentiellement atteint. Enfin, les lésions
ne sont jamais uniquement ligamentaires ou osseuses.
4 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

t En traumatologie, le bilan radiographique permet de faire le diagnostic


dans la plupart des cas… ou d’éliminer une fracture. Les radiographies
de face seront toujours accompagnées de profil voire de trois quarts au
niveau des articulations d’anatomie complexe (coude), où l’analyse de la
fracture est difficile (épaule), où l’on recherche une fracture occulte (poi-
gnet). La nuance entre fracture articulaire et arrachement osseux dépend
de la surface osseuse concernée : en cas de fracture touchant plus de 25 %
de la surface articulaire on parlera de fracture articulaire (la congruence
et la stabilité de l’articulation sont compromises) ; en cas de fracture tou-
chant moins de 25 %, il s’agit d’un arrachement ligamentaire de bien
meilleur pronostic mais significatif d’une énergie traumatique non nulle.
Toute radiographie doit être lue patiemment en suivant le tour des struc-
tures osseuses. En cas de doute, l’avis d’un sénior expérimenté n’est jamais
inutile. Ce bilan radiographique à base de rayons X n’a pas de concurrent
en traumatologie de premier niveau et doit être proscrit chez la femme
enceinte dans le premier trimestre en l’absence de lésion vitale.
t Les traumatismes diaphysaires de l’humérus ou des deux os de l’avant-
bras nécessitent des clichés des articulations sus- et sous-jacentes afin de
vérifier leur intégrité et surtout l’absence de luxation fréquente au niveau
du coude et du poignet. Ces lésions sont quasiment toujours chirurgi-
cales chez l’adulte. Un gilet orthopédique pour les fractures de l’humérus,
un pansement compressif prenant le coude avec attelle plâtrée sont des
solutions d’immobilisation d’attente du bloc opératoire.
t Enfin, le traumatisme n’est pas toujours la cause de ce qui se voit sur les
clichés radiographiques réalisés en urgence : une articulation arthrosique,
une pseudarthrose que l’on découvre sur les radios existaient plusieurs
années en silence… Reconnaître ces lésions et expliquer au patient que
désormais ce sera plus douloureux… peut être source d’incompréhension
ou de conflits car avant « tout allait bien ». Parfois, ce sera plus grave
et c’est une tumeur qui sera annoncée… mais reconnaître la fracture
pathologique permettra de lancer la prise en charge adéquate.
En traumatologie, ce qu’il faut savoir… ne pas oublier ! 5

LES QUESTIONS À SE POSER


DEVANT UN TRAUMATISME DES MEMBRES

 QUEL PATIENT ?
Connaître (un peu) le patient, c’est anticiper et éviter les complications :
des décompensations de tares au quiproquo relationnel et à la sensation
de ne pas être bien pris en charge.
t Extrémité de la vie, mineur.
t Allergie – insuffisances (cardiaque, pulmonaire, hépatique, rénale, etc.).
t Femme enceinte, traitement médicamenteux : modifiant les capacités de
coagulation ou compliquant l’anesthésie.
t Corticothérapie, immunosuppresseur, etc.
t Patient qui comprend la langue parlée, inconscient…

 QUELS MÉCANISMES ?
Quelle énergie cinétique ? C’est l’énergie qui détermine les lésions, leur
gravité et leurs complications. Connaître l’énergie transmise, c’est deviner
les lésions possibles et les complications dépendantes de ces mécanismes
lésionnels :
t basse énergie (chute de sa hauteur sans mouvement) ;
t haute énergie (en mouvement lors de chute, 3 marches d’escalier,
moyens de locomotion tels que vélo, roller, etc.) ;
t très haute énergie = lésion de l’axe (thorax, abdomen, rachis), lors de
décélérations, choc direct en voiture ou en moto ;
t pour un membre : écrasement (risque de dévascularisation) – avulsion
ou torsion – choc direct ou indirect, mécanisme de section.
6 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

 QUEL TRAUMATISME ?
Dans le cadre d’un « polytraumatisme » : hiérarchiser, réanimer, immobi-
liser par compressif et/ou attelle plâtrée pour le transport. Faire le bilan :
lésion « isolée », d’un seul membre ou d’un seul segment.

 QUEL OS ?
Cela concerne le membre supérieur ou inférieur (portant, perte
d’autonomie).

 QUELLE PARTIE ?
t Dans le cas de diaphyse – os long – (extra-articulaire), le déplacement
peut être oblique – transversal – niveau de la fracture :
− objectif : redonner l’axe ;
− segment à 2 os (avant-bras, jambe) = risque de syndrome des loges ;
− s’il n’y a pas de déplacement, un traitement orthopédique reste à
discuter.
t Dans le cas de métaphyse ou d’épiphyse :
− fracture articulaire ;
− puzzle à reconstruire pour redonner la fonction articulaire.
t S’il y a épiphyse, vérifier s’il y a une luxation associée et, si luxation il
y a, la réduire en urgence.

 FRACTURE OUVERTE OU FRACTURE FERMÉE ?


t Si la fracture est ouverte :
− prévoir une antibioprophylaxie ;
− vérifier une allergie ;
− vérifier les vaccinations ;
− appliquer les protocoles ;
− vérifier une perte de substance associée : si elle est simple (unique-
ment la peau) ou composite ; s’il y a atteinte des parties molles :
muscle, nerfs, vaisseaux ; s’il y a une vascularisation associée…
En traumatologie, ce qu’il faut savoir… ne pas oublier ! 7

t S’il existe un doute sur la présence d’une ischémie : faire une artério-
graphie immédiate.
Toutes ces questions sont prépondérantes pour adapter un traitement à la
lésion et au terrain, pour personnaliser le traitement tout en respectant
les principes connus et fiables.

CE QUE L’ON TROUVE EN TRAUMATOLOGIE…


QUELQUES PIÈGES
OU  TOUJOURS PENSER À… 

 LES PATIENTS
t Un patient aux fonctions supérieures perturbées ou non coopérant
(traitement, alcool, maladie de Parkinson, démence) : scanner cérébral
± rachis « facile » si traumatisme (même si simple chute).
t Une femme de moins de 40-45 ans : un bilan de grossesse s’il y a un
doute avant la radiographie.
t Tout traitement anticoagulant oblige à :
− un bilan biologique dès l’arrivée ;
− un scanner en cas de TC, une échographie en cas de traumatisme
abdomino-pelvien ;
− un appel en hématologie si hémophilie ;
− une réflexion (avis sénior, cardiologue) quant à sa modification.
t Le rachis :
− voir les 7 vertèbres sur des clichés du rachis cervical ;
− faire des radios du rachis dorsal et/ou un scanner en cas de
trauma à haute énergie avec des lésions du thorax (gril, sternum,
parenchyme).
t Un enfant mineur : demander :
− l’autorisation d’opérer ;
− une chambre d’accompagnant si besoin.
8 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

t Un patient à opérer, après avis sénior et avant confirmation de l’heure


opératoire, prévenir :
− le bloc (côté, technique, durée, nécessité instrumentation ou matériel) ;
− l’anesthésiste (heure du dernier repas, antécédent, allergie, traitement).
t Un patient dont on ne comprend pas la langue : demander un interprète.
t Un patient qui s’en va :
− vérifier les papiers nécessaires (ordonnances + courrier médecin +
rendez-vous).

 LES LÉSIONS ET LES SITUATIONS


t Un aspect « bizarre » de la fracture à la radiographie (aspect lytique)
et des circonstances qui ne collent pas (patient jeune, traumatisme pas si
violent, fracture d’une diaphyse) : tumeur ?
t Fracture de la première côte = écho-Doppler des gros vaisseaux : lésion
gerbe ? Lésion des vaisseaux du cou ? Fracture costale = échographie
abdominale : lésion organe plein ?
t Chute d’un lieu élevé à plat dos = scanner thoracique et dorsal : lésion
en avant et en arrière du rachis ?
t Doigt ou orteil inflammatoire = radiographie : vrai problème inflam-
matoire ou fracture « vieillie » ?
t Fracture de la malléole interne « isolée » = radio de la jambe : fracture
de Maisonneuve ?
t Morsure + immunosuppression = surveillance : risque vital ?
t Plaie = vaccination anti-tétanique (VAT) ± gamma : un futur cas de
tétanos ?
t Plaie = patient revus à J2 ou J3 : aggravation ? Infection ?
t Traitement orthopédique : patient revu deux fois avant la 3e semaine
(J10-J21… ou J7-J15) : déplacement secondaire ?
t Entorse de la métacarpo-phalangienne (MCP) du pouce = testing sous
AL et en radio : instabilité à opérer ?
t Luxation de l’interphalangienne proximale (IPP) des doigts longs après
réduction = testing sous AL : récidive à opérer ?
En traumatologie, ce qu’il faut savoir… ne pas oublier ! 9

Toute plaie s’explore et toute structure saine non vue est considérée
jusqu’à preuve du contraire comme lésée.
Tout patient est vu par un soignant quelle que soit l’heure du jour ou
de la nuit.
Tout doute diagnostique ou thérapeutique, tout transfert oblige à un avis
au sénior de garde.
Tout patient qui revient a… une bonne raison.
Chapitre 1

L’épaule

CE QU’IL FAUT SAVOIR


Le complexe de l’épaule est très mobile, il est donc instable et les lésions
ligamentaires sont presque aussi fréquentes que les lésions osseuses. En
matière de traumatologie de l’épaule, il faut toujours rechercher une
complication (respiratoire, neurologique ou vasculaire). L’examen cli-
nique de base (auscultation, testing musculaire, examen neurologique des
sensibilités, recherche du pouls) permettra plus de rechercher ces compli-
cations que de faire un diagnostic lésionnel précis. Même si cet examen
clinique oriente le diagnostic, la radiographie de l’épaule « face et profil »
fera le diagnostic dans la grande majorité des cas, puisqu’en fréquence
c’est l’os qui est le plus souvent lésé. Des incidences spécifiques sont par-
fois nécessaires. Le profil d’épaule doit toujours être demandé, quel que
soit le profil. Le profil de Lamy est toujours réalisable car il permet de
ne pas mobiliser l’épaule. L’écho-Doppler artériel et/ou veineux doit être
demandé au moindre doute de pouls mal perçu après une lésion à haute
énergie.

 CAT
t Radiographie de l’épaule de face et de profil (de Lamy à préférer,
axillaire ou Bloom et Obata toujours possibles).
t Scanner : si fracture de la glène ou fracture de l’humérus proximal
difficile à analyser (indication opératoire).
t Pas de profil transthoracique.

ATTENTION : si traumatisme à très haute énergie risque de paralysie plexuelle.


12 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Mécanisme « Cassé » « Pas cassé »


Choc direct clavicule luxation AC
Chute main ESH luxation GH, coiffe
Bras suspendu coiffe
Écrasement thorax luxation sterno-claviculaire
Luxation AC = luxation acromio-claviculaire.
Luxation GH = luxation gléno-humérale.
ESH = extrémité supérieure de l’humérus, humérus proximal.

 PATIENT
Plutôt « jeune » : Luxations acromio-claviculaire – gléno-humérale
– clavicule
Plutôt « vieux » : ESH
Si doute coiffe : Échographie à J + 15 après avoir revu le patient
ESH = extrémité supérieure de l’humérus.
L’épaule 13

LUXATION GLÉNOHUMÉRALE ANTÉRIEURE


Le tableau clinique est bruyant, le plus souvent chez un homme jeune,
à la suite d’un mécanisme indirect (chute ou impact sur la main, le
membre en abduction rotation externe plutôt que choc direct sur le moi-
gnon de l’épaule). Le tableau clinique est celui d’un membre en abduc-
tion irréductible avec les signes classiques (fig. 1) : comblement du vide
sous-acromial (1), signe de l’épaulette (2), abduction irréductible (3),
coup de hache externe (4). La diagnostiquer revient à reconnaître son
sens (antérieure ou postérieure) : radiographie de face et radiographie de
profil (fig. 2). C’est la radiographie de profil qui permettra de faire la dif-
férence entre une luxation postérieure et une luxation antérieure. Souvent,
la radiographie de face suffit à faire le diagnostic d’une luxation antérieure
car le déplacement est caricatural contrairement à la luxation postérieure.
Le diagnostic est fait sur le cliché de face qui permet de vérifier la pré-
sence ou non de lésion osseuse associée : fracture du trochiter, fracture de
l’encoche qui obligeraient à une réduction sous anesthésie générale (AG).
Il existe des formes particulières : la luxation erecta où le patient se pré-
sente le bras en l’air (fig. 3A), des formes irréductibles (fig. 3B et C),
anciennes, dans des contextes d’éthylisme chronique, avec impaction de
la tête sur la glène.

 CAT THÉRAPEUTIQUE
t Chercher une lésion nerveuse ou vasculaire avant la réduction et le
consigner par écrit.
t Réduire en urgence (« relâcher les muscles »), sous anesthésie générale
si besoin.
t Pas de réduction sans radiographie : si fracture luxation, ou si fracture
non vue la réduction (sans AG) va déplacer la fracture (fig. 4).
t Testing sensitif du moignon de l’épaule post-réductionnel consigné par
écrit.
t Contrôle radio de face uniquement.
t Immobilisation durant 2 semaines coude au corps (gilet orthopédique).
14 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Fig. 1 – Abduction irréductible avec ses signes classiques : comblement du vide sous-
acromial (1), signe de l’épaulette (2), abduction irréductible (3), coup de hache
externe (4).

Fig. 2 – Position antalgique en abduction irréductible et aspect radiographique de


face.
L’épaule 15

Fig. 3 – Luxation erecta, patient se présente le bras en l’air (A), formes irréductibles,
anciennes (B).
16 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Fig. 4 – Une réduction trop énergique a entraîné une fracture, ce qui change toute la
prise en charge et le pronostic. Au mieux, la réduction se fait assis après réassurance
du patient le coude fléchi.

t Consultation de contrôle clinique (Abduction active ? Algodystrophie ?


Capsulite ?) :
− à 2 semaines à l’ablation de l’immobilisation ;
− à 6 semaines : si abduction active impossible chercher une lésion
associée.

ATTENTION : ne pas tirer le coude en extension avec le pied dans l’aisselle.

 PIÈGE
t Réduire sa radiographie et déplacer une fracture non diagnostiquée.
t Chercher une lésion associée si abduction impossible à 6 semaines.
t Nerf axillaire (EMG).
t Coiffe des rotateurs après 50 ans (écho – arthro-scanner).

 SUIVI
t Rééducation à débuter après l’immobilisation.
t Sport entre 3 et 6 mois.
L’épaule 17

 EXPLIQUER
t Interdire les gestes d’armé (abduction rotation externe).
t La possibilité de récidive est liée à l’âge (< 18 ans) et à l’importance
de l’encoche.
La controverse
Actuellement, la position d’immobilisation idéale est discutée…
Préférer une rotation neutre coude au corps plutôt que rotation interne
afin de laisser cicatriser la capsule dans sa longueur maximale.
18 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

LUXATION GLÉNOHUMÉRALE
POSTÉRIEURE

 PIÈGE
C’est une lésion rare, beaucoup moins douloureuse ou spectaculaire que
la luxation antérieure.

ATTENTION : diagnostic à évoquer si épilepsie, électrocution, lutteur : traumatisme


en rotation interne adduction.

Épaule du patient en rotation interne (coude au corps fixé) avec perte de


rotation externe active ou passive.
La radiographie de face est caractéristique car elle semble normale
(2 exemples de radio de face qui semblent normales mais où l’interligne
n’est jamais « enfilé »).
C’est l’aspect de fausse mauvaise radiographie (fig. 5), seul le profil fait
le diagnostic car, sur ces clichés, la tête n’est jamais en face de la glène
(fig. 6).

ATTENTION : si épileptique ou sismothérapie chercher d’autres luxations


des racines : luxation de hanche avec fracture possible du cotyle.

 CAT THÉRAPEUTIQUE
t Réduire en urgence (« relâcher les muscles »), sous anesthésie générale
si besoin.
t Immobilisation théoriquement en abduction rotation externe
2 semaines.
t La position coude (rotation interne) au corps risque d’entraîner une
récidive.
L’épaule 19

Fig. 5 – Fausse mauvaise radio de face d’une luxation gléno-humérale postérieure.

Fig. 6 – De profil, la tête n’est jamais en face de la glène.


20 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

DISJONCTION LUXATION
ACROMIOCLAVICULAIRE
t L’impact porte sur le moignon de l’épaule (judo, lutte, vélo, rugby).
t C’est le membre qui « tombe et pas la clavicule qui monte » (fig. 7) :
t « Déplacement » = la clavicule est ascensionnée de plus de sa largeur :
− non déplacée (fig. 8) = clavicule ascensionnée de moins de sa largeur ;
− immobilisation 3 semaines par immobilisateur puis 3 semaines en
écharpe.

 CAT THÉRAPEUTIQUE
t Classification de Rockwood.
t Si déplacée (fig. 9, à gauche) = traitement chirurgical car, en cas de
déplacement, il y a rupture de la chape deltoïdienne.

 SUIVI
t 1 contrôle clinique (Abduction active ? Algodystrophie ?) :
− à 3 semaines à l’ablation de l’immobilisation ;
− à 6 semaines pour évaluer la mobilité de la gléno-humérale (capsulite).
t Rééducation à débuter après l’immobilisation.
t Sport entre 3 et 6 mois.

 EXPLIQUER
t Expliquer au patient l’absence de perte fonctionnelle dans la
gléno-humérale.
t Douleur pendant 2 à 3 mois.

 PIÈGE
Chercher une lésion associée si impact violent (fractures des premières
côtes, omoplate qui fera discuter une geste opératoire).
L’épaule 21

Fig. 7 – Luxation acromio-claviculaire.

Fig. 8 – Non-déplacement.

Fig. 9 – Déplacement.
22 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

FRACTURE DE CLAVICULE
t L’impact porte sur le moignon de l’épaule (judo, lutte, vélo, rugby).
t La douleur est importante.
t Deux types de lésions sont rencontrés :
− diaphysaires, les plus fréquentes ;
− quart externe régulièrement chirurgicale.

 CAT THÉRAPEUTIQUE
t Fracture non déplacée = clavicule en contact ou déplacée de moins de
la moitié de sa largeur sans troisième fragment.
t Immobilisation 4 semaines par écharpe simple (système d’anneaux type
clavicular inutile).
t Si fracture déplacée ou 3e fragment ou compliquée (menace cutanée
ou pneumothorax) (fig. 10) = traitement chirurgical à discuter.
t Chercher une lésion associée.

Fig. 10 – Fracture de clavicule.


L’épaule 23

ATTENTION : si fracture du quart externe (fig. 11), traitement orthopédique


(écharpe ou immobilisateur durant 4 à 6 semaines) uniquement si pas déplacée
du tout.

Fig. 11 – Traitement orthopédique (écharpe ou immobilisateur).

 SUIVI
• 1 contrôle clinique (Abduction active ? Algodystrophie ?) :
− à 2 semaines : vérifier contrôle douleur à l’ablation de l’immobilisation ;
− à 6 semaines pour évaluer la mobilité de la gléno-humérale
(capsulite), séances de kinésithérapie si nécessaire.
• Autorééducation à débuter après l’immobilisation de 4 semaines.
• Reprendre une activité sportive entre 3 et 6 mois après la fracture.
24 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

 EXPLIQUER
• Douleur nette pendant 3 semaines (mobilité du foyer avec la respiration).
• Suivie d’une gêne possible pendant 2 à 3 mois.

 PIÈGE
Comme dans la luxation acromio-claviculaire, chercher une lésion associée
si impact violent (fractures premières côtes, omoplate qui fera discuter
un geste opératoire). Possible survenue de phlébite dans les suites.
L’épaule 25

LUXATION STERNOCLAVICULAIRE
Elle fait suite à un traumatisme à haute énergie.

 PIÈGE
t La radio n’est pas contributive : évoquer le diagnostic c’est faire un
scanner centré sur les articulations sterno-claviculaires.
t Impact lourd sur le thorax.
t Douleur antérieure en regard du sternum.
t Deux types de lésions avec un traitement différent :
− luxation antérieure : plus fréquente (la clavicule part en avant) ;
− luxation postérieure (fig. 12) : plus rare tableau clinique évocateur :
voix « qui change », déglutition difficile (compression des organes en
arrière du sternum).

Fig. 12 – Luxation postérieure.


26 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

 CAT THÉRAPEUTIQUE
t Luxation antérieure :
− immobilisation par écharpe durant 4 semaines – pas de réduction ;
− expliquer iatrogénie du traitement chirurgical qui seul peut réduire
et fixer en l’état la clavicule.
t Luxation postérieure :
− réduire en urgence ;
− sous AG – chirurgien vasculaire ou thoracique prévenu ;
− coussin sous l’omoplate, un aide tracte le bras en abduction,
l’opérateur avec une pince à champ ou un davier de Heim après
préparation cutanée, tente de réduire en percutané la clavicule ;
− scanner de contrôle : si récidive, réduction à ciel ouvert et ligamento-
plastie ;
− immobilisation durant 6 semaines avec un gilet orthopédique.

 SUIVI
t Expliquer l’absence de perte fonctionnelle dans la gléno-humérale.
t 1 contrôle clinique (Abduction active ? Algodystrophie ?) :
− à 3 semaines à l’ablation de l’immobilisation ;
− à 6 semaines pour évaluer la mobilité de la gléno-humérale (capsulite).
t Rééducation à débuter après l’immobilisation.
t Sport entre 3 et 6 mois.

 EXPLIQUER
Douleur pendant 2 à 3 mois.
L’épaule 27

FRACTURE DE L’HUMÉRUS PROXIMAL


Les fractures de l’humérus proximal constituent 4 à 5 % de l’ensemble des
fractures. Les formes anatomiques en sont nombreuses, d’où la difficulté de
classer ces fractures ; 80 % d’entre elles, faiblement déplacées, ne nécessite-
ront qu’un traitement orthopédique. Avec le vieillissement, il se produit une
véritable cavitation de la tête humérale expliquant sa fréquence après 60 ans
et les choix thérapeutiques possibles (prothèses). Les insertions musculaires
de la coiffe des rotateurs et du grand pectoral expliquent les déplacements.
Le sous-épineux et le petit rond, insérés sur le trochiter, sont des rotateurs
externes de la tête humérale. À l’opposé, le sous-scapulaire va entraîner l’épi-
physe humérale en rotation interne. Le grand pectoral attirera, lui, la diaphyse
humérale en dedans et en avant. Si comme la tête fémorale, la tête humérale
peut présenter une nécrose dans les suites d’une fracture de l’extrémité supé-
rieure de l’humérus, cette nécrose est en revanche bien tolérée, le membre
n’étant pas porteur. C’est surtout dans les fractures-luxations antérieures que
l’on retrouvera des complications neurovasculaires.

 PIÈGE
t Dans certaines fractures, il existe une authentique luxation associée : ne
pas réduire sans avis du chirurgien (fig. 13).
t Dans certaines fractures, on observe une subluxation inférieure : ce n’est
pas une vraie luxation mais la conjonction de la sidération du deltoïde et
d’une hémarthrose dans la bourse sous-deltoïdienne (fig. 14).
t Ne pas connaître la fracture occulte du trochiter chez une patiente
ménopausée avec ostéoporose : la radiographie est normale en urgence
mais l’échographie ou le scanner prescrit après des semaines de douleurs
retrouveront une fracture non déplacée.

 CAT THÉRAPEUTIQUE
t Chercher une lésion nerveuse ou vasculaire rare en l’absence de luxation
associée ou d’ouverture de la peau.
28 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Fig. 13 – Fracture luxation de l’humérus proximal : c’est une urgence fonctionnelle


car il faut réduire et fixer la tête.

Fig. 14 – Aspect de pseudo-luxation inférieure (à gauche) qui disparaît entre 2 et


3 mois (à droite) dans ce cas de fracture peu déplacée et traitée orthopédiquement.
L’épaule 29

t Testing sensitif du moignon de l’épaule consigné par écrit.


t Bilan radiographique qui permet de faire le diagnostic et surtout de
classer la fracture.
t Plusieurs classifications existent mais le projet thérapeutique va
dépendre des paramètres suivants :
− le nombre de fragments (tête, tubérosités, diaphyse), le déplacement,
la qualité de l’os (ostéoporose avérée) ;
− une luxation associée, les besoins du patient.

La classifications de Duparc a permis de classer utilement ces fractures


(on ne parle plus de fracture du col anatomique ou chirurgical).
On parlera de fracture à 2 parts, sous-tubérositaires (tête tubérosités
ET diaphyse), 3 parts (tête ET une tubérosités ET diaphyse), 4 parts ou
céphalo-tubérositaires (tête ET 2 tubérosités ET diaphyse).
À part les fractures d’une tubérosités (souvent le trochiter où plus le frag-
ment est petit plus il se déplace sous l’effet d’un muscle de la coiffe), dans
ces fractures céphalo-tubérositaires, un scanner préthérapeutique sera
demandé pour engager la procédure opératoire : pas de geste chirurgical
sans lui (fig. 15 et 16).

Fig. 15 – Trois exemples de fractures céphalo-tubérositaires où le scanner est


indispensable.
30 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Fig. 16 – En permettant des reconstructions, le scanner 3D contribue à l’analyse


exacte des lésions ; ici une fracture luxation avec atteinte des tubérosités.

Fig. 17 – Deux exemples de fracture non ou peu déplacée qui seront traitées par une
immobilisation.
L’épaule 31

t En cas de fracture non déplacée (fig. 17), tête à bonne hauteur, peu ou
non capotée, tubérosités avec moins d’1 cm de déplacement) : immobili-
sation gilet coude au corps durant 3 à 4 semaines.
t En cas de fracture déplacée, l’ostéosynthèse ou la prothèse sera discutée.

 SUIVI
t Consultation de contrôle clinique (tolérance ? douleur ?) :
− à 2 semaines à la recherche d’un déplacement secondaire ;
− à 4 ou 6 semaines pour débuter la rééducation.

 EXPLIQUER
t L’objectif thérapeutique est de retrouver une mobilité utile.
t On peut difficilement lutter seul : pas de croisade contre les antalgiques
surtout pendant les 3 premières semaines.
t Une fracture non déplacée peut se déplacer si on bouge « immédiatement ».
t En revanche, on peut enlever le gilet, le jour, pour étendre son coude
et se laver le creux axillaire.
t C’est la nuit qu’on bouge le plus, c’est la nuit qu’il faut garder le gilet
orthopédique.
t Ainsi, pas de rééducation avant 1 mois pour permettre une consolida-
tion des tubérosités dont on peut entraîner le déplacement même avec du
pendulaire un peu trop vif.
t Le risque d’enraidissement de ces lésions… dont les progrès en
rééducation se poursuivent jusqu’à 1 an post-fracture.
32 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

RUPTURE DE COIFFE DES ROTATEURS


Deux types de tableaux cliniques sont observés avec une attitude différente.
t Patient « jeune », 40 ans.
− Traumatisme à haute énergie, rupture aiguë, bras « arraché », trac-
tion importante ou chute sur le moignon.
− La radio a éliminé une fracture et retrouve parfois un arrachement
trochitérien.
− L’épaule est pseudo-paralytique.
− L’échographie est à réaliser en urgence ou dans les jours qui suivent
et permettra de faire le diagnostic.
t Patient « plus âgé », à partir 50-60 ans.
− Traumatisme à basse énergie : au maximum chute sur le moignon,
au minimum effort en avant et au-dessus du plan du corps.
− Avait déjà eu mal à cette épaule le soir au coucher.
− C’est peut-être une rupture mais sur coiffe dégénérative.
− Faire une échographie et, si rupture, un arthro-scanner ou une
arthro-IRM.
− Discuter de l’infiltration si la douleur est mal calmée pendant le
bilan.
− Discuter de la réparation selon la lésion et l’âge.

ATTENTION : seules les ruptures, aiguës, traumatiques, avérées chez le patient


de moins de 50 ans, seront opérées en « urgence », dans les jours qui suivent
le traumatisme.
L’épaule 33

RUPTURE DU GRAND PECTORAL


t Traumatismes rares mais typiques de l’adepte de musculation.
t Douleur et defect sur la zone d’insertion au tiers proximal de l’humérus.
t Douleur à la mobilisation en abduction et en adduction contrariée.
t L’IRM fait le diagnostic.
t Elles sont à réparer idéalement dans les 3 semaines.
34 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

FRACTURES DE LA DIAPHYSE HUMÉRALE


Elles sont à part car faciles à diagnostiquer et le plus souvent opérées.
Réaliser des radiographies de face et de profil de la diaphyse de l’humérus :
t Fracture compliquée ? (ouverte – paralysie du nerf radial – lésion des
vaisseaux exceptionnelle en cas de fracture fermée).
t Fracture non déplacée : traitement orthopédique difficile à appliquer
(Sarmiento).
t Fractures non ou peu déplacées, les fractures humérales sont en fait
facilement opérées.
t Fractures déplacées : traitement chirurgical par plaque ou clou.

Les points clés à retenir

Ö L’épaule est l’articulation la plus mobile : tout traumatisme va potentiellement


l’enraidir.
Ö Un bilan radiographique est impératif avant toute tentative de réduction de
luxation gléno-humérale.
Ö Un examen neurologique consigné par écrit et daté est impératif avant toute
réduction de luxation gléno-humérale.
Ö Une luxation gléno-humérale après 50 ans est à risque de rupture de coiffe
associée.
Ö Toute luxation gléno-humérale antérieure associée à une fracture ou survenant
chez une patiente avec ostéoporose représente une situation « à risque »… de
chirurgie.
Ö Suspecter une luxation gléno-humérale postérieure, c’est demander des clichés de
profil de l’épaule et penser aux luxations de hanche dans un contexte d’épilepsie.
Ö Suspecter une luxation sterno-claviculaire, c’est demander un scanner d’emblée.
Ö Une fracture non déplacée de la clavicule ne nécessite pas le port d’anneaux :
une écharpe suffit.
Ö Une fracture déplacée de la clavicule doit faire discuter le traitement chirurgical.
Ö Une fracture du tiers de la diaphyse humérale doit faire rechercher une paralysie
du nerf radial.
Chapitre 2

Le coude

CE QU’IL FAUT SAVOIR


Le coude est une articulation à stabilité osseuse où les fractures sont plus
fréquentes que les lésions ligamentaires. Sa fonction essentielle est résumée
dans le « main-bouche et main-fesse » (flexion-extension/combinées à de la
pronosupination). La perte fonctionnelle sera donc toujours préjudiciable
pour cette articulation intercalée. Plus richement équipé en récepteurs pro-
prioceptif, le coude s’enraidit en cas d’immobilisation trop longue (plus de
3 semaines) et de mobilisation passive douloureuse qu’il faudra toujours
proscrire. Tous les traitements des lésions fracturaires du coude tendent à
se passer d’une immobilisation plâtrée : le but est de bouger au plus vite
(car les lésions sont stabilisées) sans douleur (c’est mieux).
Un traumatisme du coude nécessitera régulièrement des clichés associés
centrés sur le poignet.
Les patients seront toujours revus à J+2 (douleurs, inquiétudes ?) et à
S+2 (mobilité ? douleur ? cicatrice opératoire ?).
Mécanisme « Cassé » « Pas cassé »
Choc direct palette – olécrâne
Chute main palette – tête radiale luxation
Port de charge triceps – biceps

 CAT
t Radiographie du coude de face + profil et si doute ou difficulté
d’analyse : trois quarts.
t Scanner : si fracture de la tête radiale (dans un but diagnostique et à
faire dans les jours suivants) ou si palette humérale difficile à analyser
(dans un but thérapeutique afin de mieux analyser les lésions à opérer).
36 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

FRACTURE DE L’HUMÉRUS DISTAL


C’est une lésion plutôt très douloureuse.
Faire un bilan radiographique de face + profil + trois quarts après antalgie.
Discuter l’utilité d’un scanner si la lésion articulaire est mal analysée.
Distinguer les lésions sus-articulaires (fig. 1 et 2) (supracondylienne,
risque de paralysie radiale) des fractures sus- et intercondylienne, palette
articulaire vraie (fig. 3 et 4).
Chercher une lésion nerveuse ou vasculaire et le consigner par écrit.
Deux tableaux : patient jeune à haute énergie/patient âgé ostéoporotique.

Fig. 1 et Fig. 2 – Fractures extra-articulaires.


Le coude 37

Fig. 3 et Fig. 4 – Fractures articulaires, sus- et intercondyliennes, mieux analysées


par un scanner.

 CAT THÉRAPEUTIQUE
t Indication opératoire quasi constante (sauf pour les lésions supra-
condyliennes obliques courtes non ou peu déplacées accessibles à un
plâtre pendant 6 semaines).
t Lésion difficile : il faut savoir opérer ces patients de jour à plusieurs.
t Décubitus latéral.
t Décubitus dorsal toujours possible (prévenir l’anesthésiste).
t Ostéosynthèse des deux colonnes. Éviter l’ostéotomie transolécrâ-
nienne qui peut compliquer la réduction anatomique et compromettre
la pose d’une prothèse. Si le patient est âgé, opérer avec la prothèse en
salle.
t Pas d’immobilisation ! En dehors d’une écharpe ou d’une orthèse
amovible pour une durée courte (2 à 3 semaines).
38 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

 EXPLIQUER
t Récupération fonctionnelle sur 6 mois.
t Perte d’un certain volant d’extension.

 PIÈGE
t Une vis intra-articulaire qui peut gêner : un contrôle peropératoire
rigoureux est nécessaire.
t Oublier une lésion nerveuse (rare) en n’examinant pas le patient en
préopératoire.
Le coude 39

FRACTURE DE L’OLÉCRÂNE
Cette lésion peut passer inaperçue chez les patients corpulents et peu
algiques. Elle est peu douloureuse.
La mobilité active est régulièrement conservée, même si elle est diminuée.
Le bilan radiographique du coude de face + profil + trois quarts va
distinguer :
t les fractures isolées les plus fréquentes ;
t les fractures de l’olécrâne associées à d’autres lésions et rentrant dans le
cadre d’une lésion proximale des deux os :
− fracture comminutive de l’olécrâne avec fracture de la tête radiale ;
− luxation fracture transolécrânienne.
Les lésions nerveuses sont exceptionnelles.
Deux tableaux sont fréquemment rencontrés : le patient jeune à haute
énergie (fig. 5 et 6) et le patient âgé ostéoporotique avec une gêne
fonctionnelle minime en per-traumatique (fig. 7, 8 et 9).

Fig. 5 et Fig. 6 – Fracture de l’olécrâne à haute énergie avec luxation associée possible.

 CAT THÉRAPEUTIQUE
Position opératoire quasi constante : décubitus latéral (prévenir
l’anesthésiste).
40 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Fig. 7, Fig. 8 et Fig. 9 – Fracture de l’olécrâne sur os porotique avec une fonction
étonnamment conservée juste après la fracture.

t Fracture de l’olécrâne simple :


− jusqu’à 75-80 ans : haubanage (2 broches de 20 parallèles, attention
à la courbure de l’ulna ;
− après 80 ans ou polyarthrite rhumatoïde fragilité osseuse caricatu-
rale : traitement compressif 15 jours puis écharpe ;
− contrôle à J+15.
t Fracture de l’olécrâne « complexe » car associée ou comminutive :
chirurgie constante.
Le scanner est souvent nécessaire pour évaluer la tête radiale et la
coronoïde.
Si lésion de Monteggia (fracture de l’ulna proximal, luxation de la tête
radiale) : c’est la réduction anatomique du foyer ulnaire qui permet la
réduction de la tête radiale.
Dans tous les cas, pas d’immobilisation plâtrée ! Rien en dehors d’une
écharpe.
Sauf si luxation coude (cf. infra Luxation du coude).

 EXPLIQUER
t Récupération fonctionnelle sur 6 mois.
Le coude 41

t Matériel souvent saillant et gênant.


t Autorééducation : mouvement pour récupérer pronosupination : partir
de flexion-supination pour étendre le coude en faisant de la pronation.

 PIÈGE
Ne pas avoir vu une fracture de la coronoïde qui rend le coude instable
en plus d’une fracture de tête radiale.
42 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

FRACTURE DE LA TÊTE RADIALE


C’est une lésion qui peut passer inaperçue.

ATTENTION : c’est la première cause de raideur du coude à cause d’erreurs


humaines tant dans le diagnostic (pas fait) que dans le traitement (trop long
dans son immobilisation).

Elle est due à une chute sur la main et le coude est douloureux sans
fracture évidente (visible).
Parfois, seule une hémarthrose est identifiée sur la radiographie de pro-
fil (disparition ou modification du croissant graisseux) : tout trauma-
tisme du coude à radiographie normale est une fracture de la tête radiale
jusqu’à preuve du contraire.
La mobilité active en flexion est possible mais douloureuse, la mobilité
active en supination est difficile voire impossible et/ou très douloureuse.
Pas de gros coude comme dans les lésions de la palette ou de l’olécrâne.
Le bilan radiographique du coude de face + profil + trois quarts va distinguer
en s’aidant d’un scanner si la fracture est déplacée ou s’il y a un doute :
t les fractures isolées et peu ou pas déplacées (Mason 1) les plus
fréquentes (fig. 10 et 11) ;

Fig. 10 et Fig. 11 – Fractures de la tête radiale, Mason 1, peu ou pas déplacées.


Le coude 43

t les fractures isolées déplacées reconstructibles ou non (Mason 2 et 3)


(fig. 12) ;
t les fractures associées (fracture de l’olécrâne ou de la coronoïde, luxa-
tion coude) souvent comminutives et mal ou non reconstructibles (fig. 13
et 14) ;
t les fractures du col rares chez l’adulte.

Fig. 12 – Fractures de la tête radiale, Mason 2, déplacées.

Fig. 13 – Fractures Fig. 14 – Les fractures


de la tête radiale, Mason 3, déplacées avec luxations associées
et non reconstructibles. sont toujours chirurgicales.
44 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

 CAT THÉRAPEUTIQUE
t Les fractures isolées et peu ou pas déplacées (Mason 1) :
− Traitement fonctionnel compressif pendant 5 jours, puis écharpe
durant 5 jours, le patient étant revu à J+10 ou J+15.
− L’évacuation de l’hémarthrose peut diminuer les douleurs dans
premiers jours, mais ne change pas l’évolution…
t Les fractures isolées déplacées reconstructibles ou non (Mason 2 et 3) :
− Indication opératoire : décubitus dorsal (prévenir l’anesthésiste).
− Ostéosynthèse conservatrice ou prothèse (qui sera présente en salle).
t Les fractures associées (fracture de l’olécrâne, luxation du coude)
souvent comminutives et mal ou non reconstructibles :
− Décubitus latéral si olécrâne associé.
− Faire voie postéro-externe permettant l’abord des deux os.
− Opérer ces fractures avec prothèse en salle.

 EXPLIQUER
t Récupération fonctionnelle sur 6 mois sans parallèle entre les lésions et
la récupération.
t Autorééducation : mouvement pour récupérer pronosupination : partir
de la flexion-supination pour étendre le coude en faisant de la pronation.

 PIÈGE
t Oublier une fracture associée au poignet car le mécanisme traumatique
est le même : chute en hyperextension.
t Descendre plus bas que le col radial pour mettre une prothèse ou une
ostéosynthèse : risquer de léser le nerf radial.
t Oublier la zone de sécurité de la tête radiale où le matériel de fixation
n’est jamais en contact avec les surfaces articulaires de l’ulna.
Le coude 45

LUXATION DU COUDE
Elle se caractérise par une impotence très douloureuse du coude, avec
perte des repères osseux avec déformation caricaturale le plus souvent.
C’est la première luxation d’une articulation majeure chez l’enfant et la
deuxième chez l’adulte.
Elle représente 10 à 25 % de l’ensemble des traumatismes du coude.
La partie antérieure du ligament collatéral médial (LLI) doit être lésé
(le plus souvent au niveau proximal, au niveau de l’humérus) pour qu’il
y ait luxation : c’est le verrou de la stabilité.
Le bilan radiographique du coude face + profil + trois quarts permet de :
t confirmer le diagnostic, d’évaluer la présence de fractures associées au
coude (olécrâne, tête radiale, qui pourront nécessiter un geste chirurgical)
ou au poignet ;
t classer le type de luxation : postérieure – postéro-latérale la plus
fréquente – antérieure latérale divergente (haute énergie-lésion de la
membrane interosseuse) ;
t classer en luxation complète ou incomplète (coronoïde encore en
contact avec la trochlée, moins de lésions ligamentaires, récupération des
amplitudes plus complète).
L’examen clinique recherche des lésions nerveuses (nerf médian ulnaire)
ou vasculaires (échographie à la recherche de lésion de l’artère brachiale)
et consigne les résultats par écrit (fig. 15, 16 et 17).

Fig. 15, Fig. 16 et Fig. 17 – Luxation du coude.


46 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

 CAT THÉRAPEUTIQUE
1) Réduction en urgence nécessaire idéalement sous anesthésie générale
permettant la réduction et le testing.
t Proscrire l’anesthésie locorégionale (gênera l’appréciation d’un
syndrome des loges ou d’un déficit neurologique).
t Réduction douce, pas de geste brusque, pas d’hyperextension du coude,
pour « dégager » l’apophyse coronoïde (risque d’enclavement nerveux).
t En décubitus dorsal, le coude luxé fléchi est maintenu à deux mains
« par derrière » l’humérus, les deux pouces pouvant pousser sur l’olé-
crâne. Un aide indispensable va tirer dans l’axe de l’avant-bras. La traction
d’une part de l’avant-bras (rendue possible et efficace par le contre-appui
huméral de l’opérateur) associée à la réintégration de l’olécrâne d’autre
part doit permettre la réduction des surfaces articulaires et s’accompagne
d’un claquement articulaire.
t Critères de réduction : cliché post-réductionnel sur le profil ; la tête
radiale se projette en face du condyle huméral, l’axe du radius croisant le
centre du condyle huméral. L’espace articulaire huméro-ulnaire doit être
de même importance sur toutes les incidences.
2) Testing de l’articulation réduite, le coude est porté en extension et on
vérifie l’absence de luxation itérative :
t si le coude se luxe pendant qu’il est porté en extension (proche de 90 °
de flexion ou plus proche de l’extension), il faut alors que le testing soit
fait en pronation ;
t si la luxation se produit toujours, une réparation ligamentaire et mus-
culaire devient nécessaire (insertions des fléchisseurs du poignet).
3) Une immobilisation plâtrée à 100 ° de flexion durant 15 jours – et
jamais plus – sera appliquée aux patients très indociles, sinon une écharpe
une dizaine de jours est suffisante. Une orthèse contrôlant la pronation
doit être parfois proposée.

 EXPLIQUER
t Récupération des amplitudes possible même après 6 mois, mais rare-
ment après 18 mois.
Le coude 47

t Perte d’extension variable mais classique.


t Instabilité exceptionnelle.

 PIÈGE
t Ne pas voir une compression nerveuse.
t Ne pas diagnostiquer une lésion osseuse déstabilisante (tête radiale,
coronoïde).
t Ne pas revoir les patients à 1 mois pour juger de l’évolution de la
récupération fonctionnelle.

 CAS PARTICULIER DE LA LUXATION DU COUDE


ASSOCIÉE À UNE FRACTURE DE L’OLÉCRÂNE
OU DE LA TÊTE RADIALE
Il faut réduire en urgence avec un scanner avant la réduction ou après
celle-ci. Ces lésions sont chirurgicales, difficiles à traiter et enraidissantes
(fig. 14).
48 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

RUPTURE DU BICEPS
C’est une lésion rare (3 % des lésions du biceps), toujours traumatique,
qui arrive dans un contexte de force (« costaud »), entre 40 et 60 ans.
Elle provoque une désinsertion du tendon au niveau de la tubérosité bici-
pitale au décours d’une sollicitation brutale en extension sur un coude
fléchi à 90 °.

ATTENTION : à ne pas confondre avec la rupture de l’extrémité proximale


plus fréquente, sans effort violent et significative d’une lésion de la coiffe
dégénérative.

Le diagnostic clinique est facile avec douleur du coude, parfois avec ecchy-
mose au niveau du pli du coude et perte du relief du biceps brachial mais
la flexion active est conservée (fig. 18).

Fig. 18 – Rupture du biceps diagnostiquée avec l’IRM.

L’échographie ou l’IRM confirment le diagnostic et peuvent évaluer la dis-


tance de rétraction du biceps proximal (lacertus fibrosus intact = migration
faible du moignon proximal).
Le coude 49

 CAT THÉRAPEUTIQUE
t Réinsertion anatomique chirurgicale par ancrage intraosseux grâce à
une voie antérieure.
t Afin d’espérer une récupération de la force et de l’endurance en flexion,
mais aussi en supination (la flexion du coude n’est jamais compromise
par une telle rupture).
t Immobilisation durant 6 semaines par orthèse amovible, coude fléchi à
angle droit et la main en supination neutre permettant une rééducation
avec mobilisation passive en flexion mais sans dépasser 80 ° vers l’extension.
t Rééducation active et travail de récupération des amplitudes articulaires
après 6 semaines.

 EXPLIQUER
Perte de force souvent ressentie par le patient.

 PIÈGE
t Sous-estimer la rétraction et l’ancienneté.
t Aborder par deux voies et risquer des complications (nerveuses, synostoses).
50 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

RUPTURE DU TRICEPS
Rare, elle représente moins de 1 % des lésions tendineuses, tout problème
confondu.
Elle se rencontre suite à un traumatisme direct, face post-coude, ou
lors de chute mais aussi dans un contexte de fragilité musculaire ou de
sursollicitation :
t paraplégiques ;
t prise d’anabolisants dans un contexte d’haltérophilie ou non ;
t insuffisance rénale avec hyperparathyroïdisme secondaire ;
t hypocalcémie ;
t polyarthrite rhumatoïde ;
t diabète ;
t ostéogenèse imparfaite ;
t remaniements dégénératifs arthrosiques ;
t bursites olécrâniennes ;
t injections cortisonées intratendineuses.
Son diagnostic est difficile car les plaintes sont minimes (empâtement
douloureux sus-olécrânien).

ATTENTION : signe objectif essentiel : impossibilité, en cas de rupture complète,


de réaliser l’extension active contre l’apesanteur.

On constate une dépression au niveau de l’insertion sur l’olécrâne (fig. 19).


Le bilan radiographique du coude face + profil + trois quarts peut
retrouver (fig. 20 et 21) :
t des images d’arrachements osseux classiques mais rares ;
t une avulsion fracture de l’olécrâne ;
t des lésions associées au niveau du coude (fracture de la tête radiale) ou
du poignet ont été décrites.
Devant un déficit de l’extension active du coude, le diagnostic de certitude
est fait par l’IRM ou l’échographie.
Le coude 51

Fig. 19 – Lésion du triceps empêchant l’extension active contre la pesanteur.

Fig. 20 et Fig. 21 – Aspect d’arrachement du triceps sur l’olécrâne.


52 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

 CAT THÉRAPEUTIQUE
t Réinsertion transosseuse du triceps devant une lésion + un déficit.
t Discuter ce même geste en cas de rupture partielle selon le déficit et
l’âge.

 EXPLIQUER
Récupération même après 6 mois.

 PIÈGE
t Cette lésion est rare, donc un oubli diagnostique peut arriver.
t Ne pas réaliser une extension active contre pesanteur devant un coude
traumatique à radiographie subnormale mais empâté au niveau de
l’olécrâne.
t En cas de rupture vue tardivement (après 3 à 6 mois…), une plastie
est nécessaire, avec des résultats plus aléatoires.
Le coude 53

FRACTURES DE LA DIAPHYSE
DES DEUX OS DE L’AVANTBRAS
Elles sont à part car faciles à diagnostiquer et le plus souvent opérées.
Réaliser des radiographies de face et profil de l’avant-bras, du coude et
du poignet :
t Fracture des deux os : quel que soit le déplacement, le traitement sera
chirurgical.
t Fracture d’un seul des deux os : fracture du cubitus, fracture de la
diaphyse cubitale : chercher une luxation de la tête radiale (lésion de
Monteggia).
t Si fracture isolée du cubitus, si déplacement inférieur à la moitié de
la largeur de la diaphyse : traitement orthopédique par une manchette
plâtrée : 4 à 6 semaines.
t Selon le patient et le déplacement, le traitement chirurgical sera facile-
ment proposé, évitant une immobilisation du poignet et du coude.
t Fracture isolée du radius : rechercher une luxation de la tête ulnaire
distale (fracture de Galeazzi) qui est chirurgicale.

Les points clés à retenir

Ö Le coude est une articulation qui s’enraidit vite : toute lésion devra être mobili-
sée dans les meilleurs délais, tout traitement doit favoriser cet objectif.
Ö Tout traumatisme du coude à radio normale est une fracture de la tête radiale
jusqu’à preuve du contraire.
Chapitre 3

Le poignet

CE QU’IL FAUT SAVOIR


Devant un traumatisme du poignet, des clichés de face, de profil et de
trois quarts (incidence de scaphoïde) sont nécessaires. La fracture du
radius distal est la lésion la plus fréquente chez la femme ménopausée.
La luxation périlunaire, urgence fonctionnelle et piège diagnostique du
motard polytraumatisé, doit être connue pour être réduite en urgence
et opérée. En cas de traumatismes à clichés normaux, il faut toutefois
explorer la piste osseuse à la recherche d’une fracture dite occulte qui
existe dans 40 % des cas de traumatisme du poignet à radios normales.
La répétition à 3 ou 4 semaines du traumatisme des clichés radiogra-
phiques, dogme longtemps enseigné, a démontré son inutilité. En effet,
ces fractures ne seront diagnostiquées qu’en réalisant une scintigraphie
osseuse, une IRM, un scanner (si les coupes ne passent pas dans le trait
de fracture) ou même une échographie (opérateur dépendante). La frac-
ture du scaphoïde demeure la plus fréquente des fractures des os du
carpe, occulte ou non. Une immobilisation de 6 semaines sans prise du
coude ni de la colonne de pouce permet d’aboutir, en cas d’absence de
déplacement, à une consolidation sans iatrogénie.
En cas de déplacement (toujours difficile à apprécier : trait visible sur
toutes les incidences ? nécessité de scanner ?), une ostéosynthèse par un
opérateur entraîné permettra de stabiliser les lésions. L’ostéosynthèse par
minivissage étant obligatoire dans les fractures du pôle proximal déplacées
ou non.
En cas d’absence de lésion osseuse, il faut explorer la piste ligamentaire
en recherchant la lésion d’un ligament (scapho-lunaire, luno-triquétral
ou du complexe triangulaire) et démontrer que cette lésion peut ou
pourra déstabiliser le carpe. La perte de force aux efforts de serrage ainsi
56 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

que la douleur de la zone de projection du ligament, absente au repos,


caractérise ces lésions.
Si les ligaments intrinsèques de la première rangée (ligament scapho-
lunaire et luno-triquétral) sont lésés, leur incompétence, synonyme de
chirurgie réparatrice, sera affirmée par des clichés dynamiques en retrou-
vant un diastasis entre les os ; une perforation ligamentaire retrouvée à
l’arthroscanner ou à l’arthro-IRM ne signifiant pas que la structure est à
réparer.
À l’inverse, la lésion du complexe triangulaire est souvent douloureuse
mais n’entraîne pas d’instabilité de l’articulation radio-ulnaire distale.
Une résection ou une réinsertion pourront être proposées pour ces
lésions du complexe triangulaire qui a le plus bénéficié de l’apport de
l’arthroscopie. En effet, l’arthroscopie du poignet a permis de voir et de
mieux comprendre la pathologie ligamentaire intrinsèque ou triangulaire.
Mais la chirurgie ligamentaire est enraidissante et son résultat fonctionnel
dépend avant tout de l’ancienneté des lésions qui pourront être idéale-
ment réparées si elles sont diagnostiquées dans les 6 semaines après le
traumatisme. Une arthrodèse temporaire est nécessaire pour 2 mois en cas
de réparation des ligaments intrinsèques. Un arrêt des activités sportives
ou professionnelles de 6 mois est un délai que le patient doit intégrer.

 CAT
Faire des radiographies de face et de profil strict et incidences de scaphoïde
(si pas d’argument pour fracture du radius, liée à l’âge).
t Si la radiographie est « normale », explorer la piste osseuse :
− Scanner, IRM ou scintigraphie dans les 10 à 15 jours : 40 % des trau-
matismes du poignet à radiographies normales présentent une fracture
dite occulte, non déplacée qui se déplacera si elle n’est pas immobilisée.
Nous avons développé une scintigraphie particulière, la radio-
scintigraphie quantitative, qui est un perfectionnement de la scin-
tigraphie et qui permet de faire le diagnostic dans les 15 jours
(disponible selon les équipes de médecine nucléaire) (fig. 1 et 2).
− Des radiographies normales, et une radio-scintigraphie quantitative
avec fixation 4 fois plus importante du côté cassé.
Le poignet 57

Fig. 1 – Radiographies normales, mais une radio-scintigraphie quantitative


(superposition des clichés radiographiques et scintigraphiques) montre une fracture
occulte du scaphoïde.

Fig. 2 – La fixation quatre fois plus importante du côté cassé confirme la fracture.

La superposition des images scintigraphiques et radiographiques permet


de localiser la fracture au pôle proximal.
t S’il n’y a pas de fractures, explorer la piste ligamentaire :
− Clichés dynamiques : face inclinaison ulnaire et radiale, face
upination poing fermé.
− Éventuellement arthroscanner ou arthro-IRM.
− Pas de : « Un plâtre et on répète les clichés pour voir apparaître la
fracture ».
58 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Mécanisme « Cassé » « Pas cassé »


Trauma sans chute – lésion TFCC – lésion ligament SL
torsion
(retour de manivelle)
Chute main fracture radius lésion ligament SL – ligament LT
scaphoïde – TFCC
autres os du carpe
Haute énergie moto fractures associées luxation périlunaire
comminutives
Ligament SL : scapho-lunaire.
TFCC : complexe triangulaire.

 PATIENT
Plutôt « jeune » : Fracture scaphoïde – lésion ligament SL – ligament
LT – TFCC – luxation périlunaire
Plutôt « vieux » : Fracture radius distal
Le poignet 59

FRACTURE DU RADIUS DISTAL


C’est la plus fréquente des fractures de l’adulte, l’ouverture est rare et plus
fréquente du côté ulnaire.
Le bilan radiographique de face, profil et trois quarts permet de définir :
t une fracture non déplacée
− de face : pas d’horizontalisation de la pente radiale – variance ulnaire
entre – 2 et + 2 ;
− de profil : la glène radiale est, au maximum, horizontalisée.
t une fracture à déplacement antérieur ou postérieur, articulaire : plus
le déplacement est important plus la fracture est instable (fig. 3).
On rencontre plusieurs tableaux cliniques classiques : femme méno-
pausée active, âge d’environ de 60 ans, femme de 80 ans ostéoporotique
plus ou moins dépendante, homme de 50 ans avec ostéoporose dans un
contexte d’éthylisme, homme de 30 ans avec un traumatisme à haute
énergie (fig. 4, 5 et 6).
En cas de fracture articulaire et d’autant que la fracture est à haute éner-
gie chez un patient de moins de 60 ans, un scanner est nécessaire pour

Fig. 3 – Ici, de face, il existe une légère horizontalisation de la glène radiale, l’ulna est
un peu long à cause du tassement du radius mais c’est de profil que le déplacement
est réel avec la bascule postérieure.
60 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Fig. 4 – Un exemple de fracture extra-articulaire, déplacée, avec comminution


métaphysaire (impression de vide qui apparaît en traction).

Fig. 5 – Exemple de fracture articulaire à grand déplacement avec luxation


radio-carpienne.
Le poignet 61

une analyse précise des lésions même si les radiographies peuvent être
faussement rassurantes (fig. 6).
L’évaluation se fait selon Herzberg (fig. 7).

Fig. 6 – Le scanner permet d’évaluer les lésions articulaires.

 CAT THÉRAPEUTIQUE
t Non déplacée : plâtre antébrachio-palmaire ou « manchette plâtrée »
durant 4 à 6 semaines :
− antalgiques ± AINS 2 semaines ;
− vitamine C 1 g/j pendant 6 semaines ;
− évaluer la nécessité de bilan ou de traitement d’une ostéoporose
(rhumatologue, médecin traitant, gériatre, rééducateur) ;
− 1 contrôle clinique (algodystrophie ?) et radio (déplacement ?) à
2 semaines avec mise en place de résine.
62 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Fig. 7 – Classification de Herzberg qui permet de recenser toutes les lésions possibles
en cas de fracture du radius distal. (D’après Herzberg G, Izem Y, Al Saati M, Plotard F
(2010) Chir Main 29 : 231-5.)

• Si fracture déplacée : traitement chirurgical le plus souvent. Faire des


clichés en traction au bloc opératoire avec impression de ceux-ci.
− Fracture à déplacement antérieur quel que soit l’âge : ostéosynthèse
par plaque.
− Mais à partir de 80 ans, c’est l’autonomie du patient qui va jouer.
• Grand déplacement + grande ostéoporose + dépendance totale = man-
chette sans réduction (fig. 8).
Le poignet 63

Fig. 8 – En cas de grande ostéoporose chez des patients dépendants et même en


cas de déplacement, il faut éviter la réduction et préférer une immobilisation seule.

t Si fracture déplacée avec indication chirurgicale, préférer une ostéosyn-


thèse par plaque.
− La fracture semble « simple », le patient a moins de 65 ans : la frac-
ture se réduit de face ou de profil ou dans les 2 plans : un brochage
peut être réalisé (intra- et extrafocal, 4 broches, avec mini-incision)
+ manchette durant 4 semaines.
− La fracture ne se réduit pas, il faut aborder : ostéosynthèse par
plaque antérieure.
t La fracture semble « complexe » articulaire, avec comminution méta-
physaire, luxation radio-ulnaire distale. La réduction permet ou non
d’envisager une ostéosynthèse directe par différents moyens ou par un
fixateur externe :
− 1 contrôle clinique (algodystrophie ?) et radio (déplacement ?) à
2 semaines avec :
− rééducation éventuelle à débuter 1 semaine après ablation du plâtre
selon âge et gêne du patient ;
− contrôle clinique (raideur ? rupture du long extenseur du pouce ?
canal carpien ?) et radiographie (déplacement ?)
− 1 mois après ablation du plâtre.
64 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

 EXPLIQUER
La longueur potentielle (6 mois…) de la gêne (raideur avec récupération
progressive des amplitudes – force).

 PIÈGE
t Chercher une lésion associée.
t Fracture de la tête radiale.
t Fracture du styloïde : chercher la lésion du ligament scapho-lunaire (fig. 9).

Fig. 9 – Le trait de fracture de la styloïde est le témoin d’une lésion associée du


ligament scapho-lunaire.
Le poignet 65

FRACTURE DU SCAPHOÏDE
C’est la fracture la plus fréquente des os du carpe. Elle survient chez un
patient jeune (< 30 ans), lors d’une chute à haute énergie le plus souvent.
Le bilan radiographique (poignet de face, profil, incidences du scaphoïde,
face inclinaison cubitale) permet de définir :
t l’absence de déplacement = le trait n’est pas visible sur toutes les
incidences (fig. 10) ;
t si on a un doute sur l’importance du déplacement, pratiquer un scanner
(fig. 11) ;

Fig. 10 – L’absence de déplacement est définie par un trait non visible sur toutes les
incidences.

Fig. 11 – Le scanner permet là encore d’analyser le déplacement.


66 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

t le classsement selon Schernberg : type 1 ou 2 pôle proximal, tubercule


ou les autres types (pôle distal) ;
t une lésion ancienne de découverte fortuite : le trait est large et/ou il
existe une densification des berges, et/ou il existe de l’arthrose, le pôle
proximal est plus petit, remanié (fig. 12).

Fig. 12 – Le trait est large et/ou il existe une densification des berges, et/ou il existe
de l’arthrose, le pôle proximal est plus petit, remanié.

 CAT THÉRAPEUTIQUE
t Fracture non déplacée
− Manchette avec (ou sans ?) colonne de pouce 6 semaines ± 6 semaines.
− Antalgiques durant 1 semaine.
− 1 contrôle clinique (algodystrophie ?) et radiograpgique (aspect du
trait ?).
− À 3 semaines avec changement de plâtre (résine).
− À 6 semaines avec poursuite ou non de l’immobilisation :
− si trait « disparu » : orthèse amovible 1 mois ;
− si trait « toujours présent » : poursuivre l’immobilisation ;
− À 3 mois : envisager scanner + vissage si consolidation douteuse.
− À 6 mois : vérifier absence de pseudarthrose.
− Fracture du tubercule même déplacée : manchette 1 mois.
Le poignet 67

ATTENTION : selon les exigences professionnelles du patient, et surtout en cas


de manuel de force, un traitement chirurgical percutané peut être proposé
diminuant le temps d’immobilisation.

t Fracture de type 3 à 6 : déplacée = traitement chirurgical systématique par


vissage percutané ou à ciel ouvert avec contrôle de face et de profil de la
bonne position des broches filetées ou des vis canulées (au mieux 2 implants)
(fig. 13). Manchette durant 4 semaines ou orthèse selon le patient.
t Fracture de type 1 ou 2 pôle proximal : déplacée ou non = traitement
chirurgical systématique par vissage proximo-distal (risque nécrose et
pseudarthrose si traitement orthopédique) (fig. 14). Rééducation éven-
tuelle à débuter 1 semaine après ablation du plâtre selon gêne du patient.

Fig. 13 – Une fracture déplacée Fig. 14 – Une fracture du pôle proximal


doit être opérée. déplacée ou pas doit être opérée.

 EXPLIQUER
t Les particularités du scaphoïde (vascularisation – trait de fracture)
justifiant le traitement initial, ses modifications éventuelles (nécrose –
pseudarthrose – cal vicieuse).
68 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

t Le risque de raideur modérée après l’immobilisation.


t Le risque de non-consolidation en cas de tabac.

 PIÈGE
t Chercher une lésion associée :
− fracture du scaphoïde controlatéral ;
− fracture de la tête radiale ;
− lésion du ligament scapho-lunaire.
t Si problème de consolidation, discuter l’arrêt du tabac, faire un bilan
(hypovitaminose D, etc.).
Le poignet 69

FRACTURE DES AUTRES OS DU CARPE


Les autres fractures des os du carpe vont nécessiter un scanner pour un
diagnostic de certitude et l’évaluation du déplacement.
Les mécanismes lésionnels feront rechercher préférentiellement cératines
lésions :
t apophyse unciforme de l’os crochu (hamulus de l’hamatum) : tennis
ou golf ;
t os crochu (hamatum) : fracture associée longitudinale dans le cadre des
luxations carpo-métacarpiennes ;
t trapèze : traumatisme avec guidonnage (moto, VTT), associé parfois à
luxation ou fracture du premier métacarpien.
Ce scanner devra être fait dans les 10 jours post-traumatiques.
Une immobilisation de 4 semaines sera nécessaire pour les fractures non
déplacées.
Une stabilisation chirurgicale sera proposée en cas de déplacement.
70 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

LUXATION PÉRILUNAIRE
On la rencontre dans les traumatismes à haute énergie, en hyperex-
tension du poignet ± bloqué (guidon de moto), de chute de lieu élevé
(polytraumatisme dans 10 %).
Faire un bilan radiographique du poignet de face, profil et trois quarts.
t Définir la lésion = perte de contact entre le capitatum et le lunatum
(fig. 15 et 16).

Fig. 15 – Aspect d’une luxation périlunaire avec, ici, fracture de la styloïde radiale.

Fig. 16 – Le semi-lunaire (en pointillé) est en avant du capitatum (en trait gras).
Le poignet 71

Il existe une désolidarisation entre les deux rangées, mais aussi entre les
os de la première rangée. De face, le semi-lunaire (lunatum) a un aspect
en toupie ; de profil, il n’est plus sous le radius.
L’œdème et l’empâtement du poignet sont différents dans ceux retrouvés
dans les fractures du radius distal.
Chez le patient conscient : il existe des douleurs des deux faces, avec
parfois des paresthésies du médian.
Chez le patient à réanimer, la radiographie de face seule peut être
trompeuse et le diagnostic non fait.

ATTENTION : examiner tous les poignets des motards ou des chutes de haut.

t Classer le sens du déplacement et son degré.


t Vérifier la présence de lésions associées fracturaires de l’avant-bras
ou du carpe (deux tiers des cas) :
− cadre antébrachial (luxation radio-ulnaire distale, lésion de Galéazzi),
au niveau du coude ;
− mais aussi des lésions intracarpiennes avec des fractures ostéo-
chondrales du dôme de la pointe de la styloïde, des avulsions du
pôle antérieur du pyramidal.

 CAT THÉRAPEUTIQUE
t Réduire en urgence cette luxation.
− La réduction se fait sous anesthésie générale dans un bloc opéra-
toire, avec une traction évaluée à 5-7 kg par doigtier japonais, grâce
à un contre-appui sur le semi-lunaire et le pouce. L’index permet un
contre-appui sur le semi-lunaire pendant que le pouce le réintègre
en douceur avec une dorsiflexion.
− Cette manœuvre doit être facile, la traction longue : 10-15 min est
le meilleur allié.
t Stabiliser pour permettre une cicatrisation avec immobilisation de
2 mois (fig. 17).
− La stabilisation chirurgicale dans tous les cas est maintenant validée.
72 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Fig. 17 – Aspect peropératoire d’une luxation périlunaire opérée.

− La voie postérieure longitudinale sur la peau et une voie en Z au


niveau capsulaire qui retrouve les brèches ligamentaires permettent
un bilan lésionnel et autorisent une arthrodèse temporaire des
interlignes scapho-lunaire, luno-grand os, scapho-grand os.
− En cas de fracture du scaphoïde associée, la synthèse du scaphoïde
première permet de se passer de brochage scapho-lunaire si le
ligament est intact.

 EXPLIQUER
Complications (raideur du poignet), nécrose du semi-lunaire à partir de
6 mois.

 PIÈGE
t Dans un quart des cas, cette luxation périlunaire postérieure pas-
sera inaperçue à cause d’un manque de rigueur diagnostique et d’une
(mauvaise ou non réalisée) radio de profil.
t Risque de nécrose du semi-lunaire.
Le poignet 73

t Luxations périlunaires vieillies vues avant la 6e semaine, où la réduction


est parfois encore possible.
t Des luxations chroniques, supérieures à 6 semaines, paradoxalement
bien tolérées, où la reposition osseuse sera quasiment toujours impossible.
t Enfin, des cas vus plusieurs années après le traumatisme, à la suite de
rupture des fléchisseurs.
74 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

LÉSIONS LIGAMENTAIRES :
PARTICULARITÉS
Le plus souvent, c’est devant des douleurs chroniques plusieurs semaines
après un traumatisme parfois oublié par le patient que le diagnostic de
lésions ligamentaires sera fait. En cas de traumatisme du poignet, les objectifs
de la prise en charge sont simples : il faut dans un premier temps recher-
cher une lésion osseuse par des radiographies du poignet de face, de profil
et des incidences du scaphoïde. La répétition à 3 semaines de ces clichés à la
recherche d’une fracture du scaphoïde, la plus fréquente des fractures des os
du carpe, est inutile. Il vaut mieux revoir le patient à la première semaine et,
s’il reste douloureux, envisager un examen sensible comme la scintigraphie
ou l’IRM. Ces examens sensibles et assez spécifiques permettent de retrou-
ver une fracture dite occulte dans 40 % des cas de traumatisme à radiogra-
phie normale. En cas de persistance des douleurs, mais de normalité du bilan
osseux, il faut alors rechercher une lésion ligamentaire par de nouveaux
clichés statiques et dynamiques qui peuvent montrer un écart entre les os,
signant l’incompétence ligamentaire.
Trois lésions ligamentaires doivent être recherchées : la lésion du
ligament scapho-lunaire (douleur du bord radial du poignet), ou du
ligament luno-triquétral et du complexe triangulaire (douleur du bord
cubital du poignet). Le diastasis peut être observé sur des clichés sta-
tiques ou sur des clichés dynamiques et permettront de faire, à ce stade,
le diagnostic de lésion du ligament qui doit être réparé dans les 6
semaines (fig. 18).
En cas de lésion du complexe triangulaire, il n’existe pas de diastasis
visible.
En cas de radios non contributives, le bilan doit être complété par un
arthro-scanner ou une arthro-IRM et éventuellement par une arthro-
scopie. Ces examens recherchent une perforation du ligament. Seule
l’arthroscopie permet de montrer la lésion et sa conséquence fonction-
nelle : une mobilité anormale entre deux os. En cas de lésions vieillies
ou chroniques, on parlera d’instabilité. En cas de lésions ligamentaires, le
patient présente surtout une baisse de force et finalement peu de douleurs
Le poignet 75

Fig. 18 – Il existe un diastasis important scapho-lunaire signant l’incompétence du


ligament qui doit être réparé.

ou de diminution de mobilité. Il existe parfois un ressaut à l’effort. La


flexion passive douloureuse témoignerait d’une pathologie organique
intracarpienne. Ce test n’a pas été validé. Plusieurs semaines après le trau-
matisme, le patient s’est déjà adapté et a exclu de sa vie quotidienne les
tâches douloureuses : torsion du poignet, port de charges en porte à faux,
effort de serrage. Il est donc peu douloureux puisqu’il sait éviter les gestes
qui vont créer le diastasis entre les os secondaires à la lésion ligamentaire
et se présente donc rarement aux urgences. L’examen clinique se déroule
en position du bras de fer face au patient. Il faut que l’examinateur ait
une représentation mentale des structures osseuses et ligamentaires avec
un examen qui part du poignet radial pour aller vers le poignet ulnaire,
ou de la partie indolore vers la partie douloureuse. La palpation et la
76 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

mobilisation des reliefs osseux peuvent être complétées par un test à la


Xylocaïne® des régions douloureuses. L’examen clinique retrouve en fait
trois types de symptômes :
t une douleur du site anatomique lors de la palpation ;
t une douleur à la mobilisation qui ressemble à celle qui perdure chez le
patient 2 à 3 jours après un effort ;
t et enfin, un ressaut avec une douleur et un bruit de claquement.
Le problème thérapeutique est double :
t une lésion ligamentaire diagnostiquée n’est pas synonyme de réparation
dans la mesure où le ligament peut être perforé sans être incompétent ;
t toute réparation va générer une part d’enraidissement du poignet.
Ainsi, s’il faut théoriquement réparer les lésions ligamentaires qui génèrent
un diastasis, cette réparation peut devenir un réel challenge thérapeutique
si la lésion remonte à plus de 6 semaines. Aussi tout repose finalement
sur la rigueur d’un bilan clinique et d’imagerie après un traumatisme du
poignet. L’arthroscopie joue aujourd’hui un rôle important pour faire ces
diagnostics.
Chapitre 4

La main

TRAUMATISMES ET PLAIES :
ANALYSE DES PROBLÈMES
La main est le seul organe que l’on a sous les yeux toute sa vie. 1,5 mil-
lion d’accidents de la main sont recensés chaque année en France dont
la moitié sont considérés comme graves. La diminution des séquelles
et des coûts engendrés passe par une prise en charge spécialisée (pos-
sible en France grâce à un réseau de centres SOS main) et une préven-
tion efficace dans les loisirs. Le pouce est le plus important des doigts,
expliquant les efforts de reconstruction ou de remplacement (transfert
d’orteil) afin de conserver le seul doigt opposable dans les grandes muti-
lation. L’atteinte des doigts cubitaux, auriculaire et annulaire, dévolus
aux verrouillages des prises, entraîne des séquelles fonctionnelles graves
chez le travailleur manuel de force ou de précision. Les traumatismes
ouverts (plaies, morsures) sont les seuls en mesure de léser les pédicules
neurovasculaires qui courent à la face palmaire et latérale de chaque
doigt, le nerf étant superficiel par rapport à l’artère. Au niveau du pouce,
les pédicules sont médialisés et se situent réellement à la face palmaire
et non plus légèrement latéralisés. Toute plaie sera donc une lésion des
pédicules et des tendons jusqu’à preuve du contraire, et tout trauma-
tisme fermé est une fracture ou une entorse jusqu’à preuve du contraire.
Les mécanismes de section lèsent d’abord les parties molles (tendons,
nerfs) et peuvent aller jusqu’à la fracture ouverte et l’amputation. Les
mécanismes de torsion (chute, traumatismes sportifs de réception de
ballon, rixe, etc.) vont générer des lésions ostéo-ligamentaires voire des
ruptures (sans plaie) des tendons. L’examen clinique en urgence doit
être accompagné de clichés radiographiques qui feront le diagnostic. Les
78 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

mécanismes d’entraînement sont extrêmement toxiques créant des avul-


sions et des dégâts surtout des parties molles (doigts d’alliance « ring
finger » évitables en fragilisant les bagues portées). L’écrasement de la
main en totalité ou de certains rayons sera à l’origine de fractures mais,
même en l’absence de lésion fracturaire, peut entraîner une exclusion de
la main, entité méconnue et pernicieuse, probablement proche de l’algo-
dystrophie avec peu de réelle solution thérapeutique. Ces écrasements
sont des pièges tendus car le soignant laisse échapper parfois la phrase
« il n’y a rien » – oubliant « de cassé » – plongeant, sans le vouloir,
le patient dans un désarroi profond devant cette évolution « algodys-
trophique » incompréhensible pour lui. Le pire étant les mécanismes
de blast observés en cas d’explosion où les chances de retrouver une
fonction, malgré la chirurgie, sont nulles.
La main 79

CAT DEVANT UN TRAUMATISME


DE LA MAIN

 IL EXISTE UN TRAUMATISME FERMÉ (SANS PLAIE)


DANS LES HEURES OU LES JOURS QUI PRÉCÈDENT
Il peut s’agir d’un choc direct (coup de poing, écrasement), d’un méca-
nisme indirect (torsion, sport de balle, etc.) ou d’une chute à haute
énergie (mécanisme de guidonnage : moto, vélo).
t Choc direct par coup de poing :
− au niveau du pouce : lésion de la base du premier métacarpien
(fracture et/ou luxation trapézo-métacarpienne) ou de la métacarpo-
phalangienne (entorse ou luxation de la MCP) ;
− au niveau des doigts longs : fracture des diaphyses des métacarpiens
ou du col de M5.
t Choc direct par écrasement :
− fracture des phalanges (articulaires ou extra-articulaires) ;
− hématome sous-unguéal.
t Traumatisme indirect (torsion, accident domestique, sport de balle, etc.) :
− entorse ou luxation de l’IPP, doigt en maillet.
t Chute à haute énergie (mécanisme de guidonnage : moto, vélo) :
− lésions du pouce identique à un choc direct ;
− luxation carpo-métacarpienne.
Si toutes ces situations nécessitent des clichés radiographiques pour faire
un diagnostic lésionnel, la démarche diagnostique aura pour but de défi-
nir les lésions à traitement urgent dans les heures (luxations à réduire) ou
dans les jours (entorses ou fracture à opérer).

ATTENTION : s’il existe une plaie associée à ces traumatismes, le traitement devient
urgent dans les 6 heures.
80 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Ce qu’il faut comprendre sur les traumatismes fermés


Ces lésions, isolées ou multiples ont des tableaux cliniques univoques : un
traumatisme récent, un tableau inflammatoire avec un segment augmenté
de volume, impotent ou moins mobile et une douleur, parfois une défor-
mation dont le diagnostic sera fait par un cliché radiographique. C’est
donc l’absence de clichés devant ces situations cliniques qui stoppera la
démarche diagnostique et empêchera le meilleur traitement.
Devant une fracture, les questions sont univoques : la fracture est-elle
au niveau d’un métacarpien ou d’une phalange ? Est-elle diaphysaire ou
articulaire ? Est-elle fermée ou ouverte ? Existe-t-il des lésions associées et
ou une perte de substance osseuse ou pluri tissulaire ? Toute fracture arti-
culaire, toute fracture ouverte, associée à des lésions tendineuses ou une
perte de substance cutanée, sera opérée. Seulement 10 à 15 % des fractures
diaphysaires fermées nécessiteront une stabilisation chirurgicale. Les com-
plications classiques dans les suites de ces lésions ostéo-ligamentaires sont
bien connues et vont consister en des raideurs, surtout en cas de lésions
de l’interphalangienne proximale (IPP) ou des deux premières phalanges.
Si les métacarpiens et la première phalange sont rarement opérés, c’est
que les fractures à ce niveau répondent bien au traitement fonctionnel
ou orthopédique (syndactylie, plâtre avec flexion des métacarpo-phalan-
giennes (MCP) et extension des IPP). En revanche, les fractures de la
deuxième phalange des doigts longs, les lésions de la base du premier
métacarpien ou les fractures articulaires nécessitent le plus souvent une
ostéosynthèse. L’arrêt de travail dans toutes ces lésions est au moins de
2 mois. Par ailleurs, le diagnostic d’entorse n’est pas un diagnostic posé
en l’absence de fracture (ou en l’absence d’idée de diagnostic). Elles sur-
viennent classiquement au niveau de l’IPP des doigts longs ou au niveau
de la MCP du pouce, plus rarement au niveau des MCP des doigts longs.

 IL EXISTE UNE PLAIE PAR UN OBJET TRANCHANT


DANS LES HEURES QUI PRÉCÈDENT

En cas de plaie associée à un mécanisme vulnérant, cf. supra.


La conduite à tenir devant une plaie de la main ou des doigts est donnée
par l’algorithme de la figure 1.
La main 81

Fig. 1 – Algorithme de la conduite à tenir devant une plaie de la main ou des doigts.

ATTENTION : toute structure saine non vue à l’exploration doit être considérée
comme lésée.
82 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Ce qu’il faut comprendre sur les plaies de la main


Il existe deux situations en cas de plaie de la main : les plaies reconnues
d’emblée comme graves au vu d’une ou plusieurs amputations ou de
pertes de substance évidente et les plaies de moins d’un centimètre, par
objet tranchant, qui semblent banales et… qui ne le sont pas.
Les plaies de la main qui semblent d’emblée graves : les questions à se poser
En cas de plaies graves de la main, le transfert vers une unité de chirur-
gie de la main s’impose (fig. 2). L’exploration dans un box d’urgence
est inutile. Il faut prendre une photo de la main, réaliser un pansement
main à plat légèrement compressif et faire une radio. C’est la commu-
nication des éléments clés de cette plaie qui permettra une prise ne
charge optimale avant le transfert du patient. En cas d’amputation, il
faut calmer le patient, le fragment proximal saigne peu et un pansement
compressif suffit à stopper le saignement. Le garrot est à réserver aux
macro-amputations essentiellement (amputations au-dessus du poignet)
en situations critiques, au ramassage en zone éloignée et pour lesquelles
un risque vital est couru. Le fragment amputé est à conserver dans une
compresse ou un linge propre placé dans un sac fermé. Ce premier sac
est placé sur un autre sac fermé contenant de la glace. Il ne faut pas
que la glace soit au contact direct du fragment amputé. La replantation
pourra être réalisée idéalement dans les 6 heures, grâce à cette ischémie

Fig. 2 – Exemple de plaies graves qui intuitivement doivent entraîner une exploration au
bloc opératoire dans une unité de chirurgie de la main (de gauche à droite écrasement
par rouleau, doigt d’alliance (ring finger), plaie par scie à ruban, amputation totale de
D2 et D3 autour de l’IPP).
La main 83

froide (il est toujours possible de replanter des doigts avec succès même
après 6 heures grâce à ce simple conditionnement).

ATTENTION : il ne faut pas mettre le fragment au réfrigérateur ou au congélateur.


Le pronostic de ces amputations et les possibilités de replantation étant
directement liées aux mécanismes : le pronostic étant meilleur si section nette >
section – écrasement > écrasement > avulsion.

Les plaies de la main qui semblent bénignes : ce qu’il faut savoir


Toute plaie s’explore et la perte de chance vient souvent d’une non-explo-
ration. Parfois, l’exploration est réalisée, mais l’inexpérience du praticien
ou les conditions de la prise en charge ne permettent pas un bilan opti-
mal des lésions. Une bonne installation (antalgie du patient, éclairage et
champ opératoire exsangue) permet, sous anesthésie locale, de faire un
premier bilan. Les règles de l’organigramme vu plus haut sont toujours
de mise. L’examen clinique permet de suspecter les lésions éventuelles.
Cependant, l’absence d’anomalie à l’examen clinique ne peut et ne devra
jamais faire surseoir à l’exploration. Toute plaie doit être explorée et toute
structure saine non vue à l’exploration doit être considérée comme lésée ;
une exploration au bloc opératoire s’impose alors. Toute plaie palmaire
des doigts ou de la paume fait suspecter une lésion des pédicules nerveux
et/ou des tendons fléchisseurs (fig. 3). Attention à la plaie par couteau
sur des doigts fléchis où l’ouverture cutanée n’est pas en regard de la
section des fléchisseurs qui peuvent s’être rétractés. Attention à la plaie
punctiforme non explorée et suturée qui se « compliquera » d’une section
en deux temps de l’appareil fléchisseur. Toute plaie dorsale des doigts fait
suspecter une plaie articulaire si elle est en regard d’une articulation, ou
une section de l’appareil extenseur. Attention à la plaie punctiforme de
la face dorsale de l’articulation métacarpo-phalangienne des doigts longs
du donneur de coup de poing qui risque aboutir à une arthrite (fig. 4).
Toute plaie s’explore et doit être revue au deuxième jour afin d’évaluer
la présence de complications. Toute lésion non comprise lors de l’explo-
ration, tout doute, toute incertitude doit déboucher sur un contact avec
un opérateur entraîné à la chirurgie de la main. En cas de fermeture
cutanée après l’exploration (plaie simple sans lésion des organes nobles),
84 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Fig. 3 – Plaie punctiforme en paume avec un examen clinique sans déficit exprimé
mais dont l’exploration révèle une section du nerf médian et de deux tendons
fléchisseurs.

Fig. 4 – Mécanisme traumatique qui explique les suites infectieuses après un coup
de poing dans la bouche.
La main 85

aucune prescription d’AINS ne se justifie… encore moins après une plaie


souillée ; au mieux, il n’apporte rien au pire et/ou en cas d’immuno-
suppression ce traitement peut aboutir à une fasciite nécrosante (fig. 5).

ATTENTION : la prévention antitétanique doit rester un réflexe.

 IL EXISTE UN ASPECT INFLAMMATOIRE


SANS TRAUMATISME NI PLAIE DEPUIS DES HEURES OU DES JOURS
Le terrain est à risque d’infection à cause d’une immunosuppres-
sion (diabète, traitement immunosuppresseur, maladie hématologique,
splénectomie, HIV).
Le patient a parfois oublié une blessure punctiforme, une plaie « anodine »,
automédiquée…
Toutes ces situations ne nécessitent pas forcément des clichés radiogra-
phiques indispensables cependant pour éliminer une arthrite ou une
fracture.

Fig. 5 – Aspect typique de fasciite nécrosante – érysipèle douloureux avec phlyctènes


hémorragiques évoluant de distal en proximal avec troubles hémodynamiques.
86 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

La démarche diagnostique devra faire la différence entre une infection


de la main et une poussée d’arthrose, d’arthrite microcristalline ou de
rhumatisme inflammatoire.
Une échographie peut être justifiée (corps étranger végétal, épanchement
dans la gaine des fléchisseurs ou dans une articulation).
En cas d’infection de la main, il faudra reconnaître celles à opérer dans
les heures (panaris pulsatile, panaris à streptocoques (fig. 6), phlegmon
des gaines (fig. 7), fasciite nécrosante (fig. 5) et celles à traiter médi-
calement (panaris au début, cellulite, lésion herpétique, nodule d’Orf
– fig. 8).
Infections de la main
Tout doigt inflammatoire doit bénéficier d’un cliché radiographique ;
une fracture ancienne ou une luxation passée inaperçue peut prendre le
masque d’un panaris, d’une cellulite ou d’un phlegmon des gaines chez
des patients particulièrement négligents. Toute plaie par végétal est une
infection en puissance. Souvent, l’extraction du corps étranger n’a pu être
réalisée à cause de sa taille minime. L’échographie avec une sonde à haute
fréquence permet de le localiser. Selon les régions, il existe une spécificité
des lésions par végétaux (épine de bambou du pourtour méditerranéen)
ou par piqûre d’animaux (oursin, poisson).

Fig. 6 – De gauche à droite : panaris typique (périonyxis du 5e doigt, panaris de


l’index ayant évolué vers une ostéoarthrite, panaris à streptocoque avec un aspect de
phlyctène hémorragique avec nécrose sous la bulle).
La main 87

Fig. 7 – De gauche à droite : aspect évolutif d’un phlegmon des gaines – plaie
punctiforme qui va contaminer la gaine, aspect de phlegmon constitué avec douleur
à la mobilisation du doigt et volant de flexion extension active limité, puis phlegmon
fistulisé avec nécrose probable du fléchisseur.

Fig. 8 – Nodule d’Orf – pathologie des éleveurs d’ovins mimant une pathologie
tumorale sur les faces d’extension des doigts en contact avec le pis des animaux,
aggravée par une exérèse chirurgicale.

Périonyxis (« panaris ») (fig. 6)


Les périonyxis ou panaris doivent être reconnus et traités par antisep-
tiques locaux répétés, avec antibiothérapie orale pour 2 à 3 jours pour
juger de l’évolution et de la poursuite du traitement (bains – antibio-
tiques). Si une sensation de pulsation est ressentie, il existe déjà une
88 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

indication chirurgicale (excision). L’antibiothérapie ne doit donc pas se


prolonger plus de 3 à 5 jours. Les peaux noires posent un problème
d’évaluation du tableau inflammatoire. Toute immunosuppression doit
rendre la surveillance rigoureuse (suivi tous les 2 jours). Là encore,
aucune prescription d’AINS n’est justifiée ; elle est même dangereuse.
Le panaris à streptocoque est une urgence chirurgicale : classiquement,
le patient dans les suites d’une blessure par végétal (épine de prunus,
épine « noire », bourgeon des arbres fruitiers) présente une phlyctène
hématique dans la zone de la piqûre. Le doigt devient douloureux en
quelques heures avec un tableau infectieux systémique. L’intervention
permet l’excision des tissus nécrotiques sans laquelle la nécrose du doigt
survient. L’antibiothérapie seule ne suffit pas.

Phlegmon des gaines


Un panaris négligé peut évoluer en cellulite (dermohypodermite) elle-
même pouvant laisser la place à un phlegmon des gaines (fig. 6), la
gaine des fléchisseurs des doigts ayant été contaminée : le doigt est
volumineux, peu inflammatoire mais douloureux et moins mobile. La
pression au cul de sac des gaines digitales réveille une douleur (pli de
flexion des métacarpo-phalangiennes des doigts longs, pli de flexion du
poignet pour le pouce et le cinquième doigt). La rétraction du doigt
en crochet est un signe de prise en charge tardive. L’indication chirur-
gicale se pose dès qu’il existe une douleur au cul-de-sac et consiste en
un lavage de la gaine et ou excision de celle-ci. Des prélèvements sont
nécessaires, recherchant des germes banaux mais aussi des mycobacté-
ries atypiques. L’évoquer c’était l’opérer… Aujourd’hui, il est possible
d’être plus pertinent et agressif à bon escient : devant une suspicion
de phlegmon des gaines, une échographie et un bilan infectieux biolo-
gique peuvent être réalisés : en l’absence de liquide dans la gaine lors
de la réalisation de l’échographie par un opérateur entraîné, il sera alors
difficile de parler de phlegmon. On retiendra alors le diagnostic de cel-
lulite et une antibiothérapie contre les deux germes les plus fréquents
(Staphylococcus aureus et streptocoque A) sera prescrite. Dans ces cir-
constances, le patient sera revu au bout de 2 jours et jusqu’à guérison.
En cas de présence de liquide, l’intervention ne peut plus être retardée.
La main 89

Les morsures animales ou humaines peuvent générer des complications


traumatiques et infectieuses. Une grosse main inflammatoire et doulou-
reuse dans les jours suivant une morsure ou une griffure de chat est une
pasteurellose jusqu’à preuve du contraire. La surveillance et la préven-
tion de la rage ne doivent pas être oubliées dans tous ces cas de morsure
animale, même en France métropolitaine. Avec la multiplication d’ani-
maux de compagnie exotiques, une pathologie spécifique ne tardera pas
à apparaître (traumatique ou zoonoses).

Injections sous pression de liquides industriels


Les injections sous pression de liquides industriels de peinture ou
de solvant représentent le prototype de la lésion grave (une urgence
chirurgicale absolue), rare, mais qui est en train de disparaître grâce
aux efforts d’amélioration des outils des acteurs de médecine du tra-
vail. Ces agressions physiques (un liquide est projeté dans les tissus) et
chimiques (toxicité propre, souvent importante) peuvent encore se voir
dans l’industrie agricole avec des injections sous pression d’huile mais
aussi au sein de structure de soin (injection de produits de contraste
diffusion d’une perfusion de potassium ou de chimiothérapie), même
si les chambres implantables ont permis de faire disparaître ces lésions
iatrogènes. Même opérées à temps, ces lésions peuvent laisser persis-
ter des tableaux d’inflammation chronique secondaires aux impuretés
contenues dans les liquides. Dans cette même famille d’injection sous
pression, on observe depuis quelques années des injections de stupé-
fiants dans la main ou ailleurs, produits reconstitués pas le toxicomane
lui même. Ces injections posent le problème des complications infec-
tieuses graves locales et générales dans cette population immunodépri-
mée et difficile à aider.

Infections de la main qui tuent


Le tableau clinique exceptionnel d’une morsure de chien suivie après
quelques heures d’un choc sur un terrain immunodéprimé (splénecto-
mie) est évocateur d’infection à Capnocytophaga dont la mortalité est
proche de 100 %. Des séquelles fonctionnelles proches de celles observées
dans le purpura fulminans sont possibles en cas de survie.
90 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Fasciite nécrosante de la main (fig. 5)


C’est une infection des parties molles, au niveau des aponévroses et
du tissu cellulaire sous-cutané, rare mais grave puisque le pronostic
vital est engagé. C’est une urgence médicochirurgicale reposant sur la
clinique, où la chirurgie fait le diagnostic et demeure le point clé du
traitement. La plupart du temps, celle-ci survient au niveau des extré-
mités, dans les suites d’un traumatisme mineur par écrasement sur
terrain immunodéprimé. Dans 50 % des fasciites nécrosantes, il s’agit
du streptocoque du groupe A. Le tableau clinique correspond à une
atteinte cutanée (de la cellulite à l’érysipèle), évoluant sur une semaine,
avec des douleurs qui deviennent extrêmes. Cette cellulite douloureuse,
évolue rapidement au niveau local vers la nécrose, avec survenue sur
un placard inflammatoire de phlyctènes hémorragiques, sans limites
nettes, qui progressent vers la racine du membre. L’hyperleucocy-
tose est toujours présente et le patient présente progressivement une
hémodynamique instable. L’intervention est urgente et consiste en une
aponévrotomie associée à une excision des tissus nécrotiques jusqu’en
zone saine. L’amputation est une issue toujours possible. L’intérêt de
l’examen direct à la recherche de streptocoques (diplocoques en chaî-
nette) est important. Le muscle sous-jacent est sain. Contrairement
aux autres lésions dermatologiques où les prélèvements sont à faire en
périphérie, la biopsie est ici à réaliser au centre des lésions. La mor-
talité peut atteindre 8 et 42 % des cas, selon les facteurs pronostiques
(âge > 50 ans, tare associée, diabète, atteinte du tronc).
L’antibiothérapie est indispensable, mais ne remplace pas la chirurgie
et comme le caisson hyperbare ne doit pas la retarder. Il n’y a donc
pas d’examen complémentaire qui peut affirmer en préopératoire la
fasciite nécrosante qui se résume en fait à un tableau d’infection cuta-
née avec décompensation cardiaque, puis multiviscérale. L’évoquer,
c’est l’opérer.
Brûlures de la main
Mécanisme agressif laissant des séquelles constantes, la brûlure peut
nécessiter une chirurgie en urgence ou différée. Il faut savoir recon-
naître le troisième degré avec escarre noire ou blanche nécessitant une
La main 91

excision dans les heures en cas d’ischémie du doigt ou dans les jours
de principe pour être greffée. Les lésions circulaires obligent à réaliser
des incisions de décharge par un chirurgien rompu à ces situations. Les
brûlures chimiques obligent à une excision en urgence, quelle que soit
la taille des lésions au vu du potentiel toxique et évolutif dans le temps
et l’espace de ces brûlures.
92 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

CAT DEVANT UN TRAUMATISME


OSTÉO-LIGAMENTAIRE

 LÉSION DE LA BASE DU POUCE


On rencontre une luxation trapézo-métacarpienne, une fracture de la
base de M1.
Le point commun est le plus souvent : un accident de moto ou de vélo,
une impotence du pouce.
Luxation trapézo-métacarpienne (fig. 9)
C’est une lésion rare, classique, mais aussi la plus fréquente des luxations
carpo-métacarpiennes.
Le mécanisme de compression axiale se fait sur la premier métacarpien en
rétropulsion ou cisaillement commissural (guidon).
Le diagnostic est posé cliniquement devant la déformation et l’aspect
typique : raccourcissement du pouce associé à un signe de Tillaux (saillie
avec touche de piano dans la tabatière anatomique).

Fig. 9 – Luxation trapézo-métacarpienne. À gauche, la luxation est bien visible sur


les deux exemples, au milieu la réduction est réalisée mais est instable et ne tient
qu’avec un contre-appui nécessitant une fixation par broche (arthrodèse temporaire)
4 à 6 semaines (à droite).
La main 93

Ces signes cliniques sont discrets, masqués par l’œdème ; le diagnostic


est confirmé par des clichés radiographiques centrés sur l’articulation : ce
sont les incidences de Kapandji.
Le diagnostic différentiel se pose surtout avec la fracture de la base du
premier métacarpien et notamment celle de Bennett, plus fréquente.
La réduction, toujours facile mais toujours instable, doit être suivie d’une
arthrodèse temporaire pour 6 semaines : il faut donc opérer le patient
dans les heures ou les jours qui suivent l’accident.
Fractures de la base du premier métacarpien (fig. 10)
Les fractures de la base du premier métacarpien articulaire avec subluxation
(fracture de Bennet), articulaire plurifragmentaire (fracture de Rolando)
ou extra-articulaire sont éminemment chirurgicales, conséquences d’un
mécanisme de guidonnage ou d’un coup de poing.
Contrairement à ce qui est parfois dessiné dans certains ouvrages, il n’est
pas possible de réduire la fracture par une mise en abduction du pouce
ou en hyperextension… ce mouvement place la MCP en hyperextension
sans réduire la fracture plus proximale.
Entorse de la MCP (LLI) du pouce
Elle provoque une hyperabduction du pouce avec douleur face interne de
la MCP et ecchymose face MCP dorsale.

Fig. 10 – Toutes les fractures de la base du premier métacarpien sont a priori


chirurgicales : à gauche, la fracture puis sa réduction-fixation et le résultat sur les
clichés, à droite, montrant la restitution anatomique de l’articulation.
94 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Elle survient surtout chez des patients avec une articulation physiolo-
giquement plus raide.
Le problème est de reconnaître une lésion chirurgicale, c’est-à-dire une
lésion du ligament qui le rend incompétent. Un « ligament incompétent »
= un ligament qui ne sait plus s’opposer à une sollicitation en abduction
(ou en valgus).
Les particularités du LLI de la MCP sont : quand le LLI se rompt, il passe
au-dessus de la dossière de l’extenseur et ne peut donc cicatriser : c’est la
lésion de Stener.
CAT thérapeutique
Faire une radiographie simple à la recherche d’une fracture.
Faire des testing comparatifs (des 2 MCP) sous AL (du côté traumatisé)
dans tous les cas à la recherche de la lésion du LLI visible uniquement
grâce aux clichés dynamiques (fig. 11).
L’indication opératoire est classiquement s’il y a un diastasis > 35° : en
fait et surtout si la tangente des sésamoïdes (trait pointillé noir) qui suit
la tangente à la base phalangienne (trait plein noir) et qui n’est plus
parallèle à la tangente de la tête métacarpienne (trait plein blanc) (fig. 12).
Au testing sans AL, il existe une petite subluxation (même patient sous
AL !), mais pas de différence significative.
Sinon, traitement orthopédique = gantelet + colonne résine 3 semaines
suivi d’orthèse 2 semaines.

Fig. 11 – Le testing de l’articulation blessée se fait sous anesthésie locale et sous


radiographie permettant de différencier l’aspect normal (en haut à droite) d’un
aspect d’entorse grave (en bas à droite).
La main 95

Fig. 12 – Tant que les sésamoïdes restent parallèles à la tête métacarpienne (le trait
fin est parallèle au trait épais), le doigt est normal (à gauche) ou l’entorse est bénigne
(au milieu) ; mais en cas d’entorse grave (à droite), la tangente des sésamoïdes (trait
fin) va suivre la tangente de la base phalangienne (trait pointillé).

Piège
• Oublier de faire les clichés dynamiques devant l’existence d’un fragment
osseux.
• Ne pas voir une atteinte externe d’indication chirurgicale.
• Ne pas faire d’AL pour faire les clichés dynamiques.

Expliquer
• Prévenir le patient : raideur possible de l’articulation pendant 2 à 4 mois.

Luxation de la MCP du pouce (fig. 13)


On réalise une radiographie simple à la recherche d’une incarcération des
sésamoïdes et d’une fracture.
Réduire sous AL sans tirer mais « en raclant » avec une flexion de la MP.
C’est la seule luxation sur laquelle « on ne tire pas ».
Porter un gantelet avec colonne du pouce durant 3 semaines.
Piège
• Tirer et incarcérer les sésamoïdes.

Expliquer
• Prévenir le patient : raideur MP 4 à 6 mois.
96 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Fig. 13 – Luxation de l’articulation métacarpo-phalangienne du pouce aspect


clinique et radiographique. A. Gros ou petit le fragment est plutôt palmaire mais le
testing est constant car le ligament est rarement inséré sur le fragment. B. La mesure
se fait par les axes (trait noir) ou par la perpendiculaire à la tangente de la base de
P1 (trait clair).

 LÉSIONS DES DOIGTS LONGS

Fracture des diaphyses des métacarpiens (fig. 14)


Souvent conséquence de rixe, de chute avec torsion ou écrasement, le
diagnostic est facile grâce à une radiographie centrée sur les métacar-
piens, la douleur, l’impotence et l’œdème ayant fait suspecter le dia-
gnostic. Le grand déplacement (de plus de la largeur de la diaphyse)
ou le trouble rotatoire sont des indications d’ostéosynthèse. Ce trouble
rotatoire ne sera détecté que grâce à un examen clinique soigneux : il
faut faire fléchir les doigts qui s’enroulent normalement harmonieuse-
ment mais avec une déviation d’un doigt en cas de fracture déplacée. Ce
détail échappe en cas d’oubli de faire « bouger en flexion » la main bles-
sée. En cas de fracture diaphysaire non déplacée, il semble qu’une syn-
dactylie soit suffisante, le gantelet plâtré n’apportant rien à ces fractures
La main 97

Fig. 14 – Une fracture oblique peu déplacée peut être traitée par syndactylie.

puisque les segments osseux sont enchâssés dans un rideau musculaire


stabilisateur (les interosseux).
Ainsi, en cas de fracture oblique longue non ou peu déplacée, le trai-
tement orthopédique grâce à une syndactylie pour 4 semaines est une
option gagnante (fig. 14). En cas de fracture transversale déplacée ou
avec trouble de rotation, le traitement chirurgical s’impose par plaque
ou broches et gênera les efforts de serrage pendant 2 mois. Une lésion
rare mais classique existe dans les traumatismes à haute énergie ; il s’agit
de la luxation carpo-métacarpienne des doigts longs. Le patient présente
une main volumineuse et le diagnostic fait habituellement sur les clichés
radiographiques simples peut nécessiter un scanner ou des incidences spé-
ciales pour éliminer des fractures des os du carpe associées. Le traitement
est chirurgical avec réduction et fixation le plus souvent à ciel ouvert.
Fracture du col de M5 (fig. 15)
Il s’agit là encore le plus souvent de la conséquence d’un coup de poing.
Le déplacement est difficile à évaluer mais une fracture sera dite déplacée
et donc réduite et fixée (par brochage simple ou multiple) si le déplace-
ment est > 30 ° pour M4 ou M5 et > 15 ° pour M3. Le risque de ne pas
opérer une fracture très déplacée est la gêne résiduelle en paume du col
métacarpien dans les prises en force d’objet cylindrique. Si la fracture est
dite non déplacée, une syndactylie pour 1 mois est suffisante dans notre
expérience.
98 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Fig. 15 – Exemple de fracture du col d’un métacarpien (M5) déplacée et fixée par
broche… seule la réduction anatomique permet d’éviter le cal vicieux de la tête
gênant les prises d’objet cylindrique en paume.

Fractures phalangiennes des doigts longs


Les fractures diaphysaires des phalanges peuvent être traitées par une
immobilisation plâtrée de type Thomine avec prise du poignet et de tous
les doigts pour 4 à 6 semaines. Dans d’autres cas, un vissage miniatu-
risé sera préféré permettant une mobilisation immédiate (fig. 16). Atten-
tion aux fractures obliques des phalanges qui, contrairement aux lésions
métacarpiennes, peuvent laisser des cals vicieuses en rotation seulement
visibles en flexion des doigts (fig. 17).
Les fractures articulaires des phalanges sont des lésions invalidantes car
elles se compliquent toutes d’une diminution des amplitudes en flexion
extension de l’IPP ; un scanner permet de mieux apprécier les dégâts ostéo-
chondraux et de proposer la meilleure chirurgie (fig. 18 et 19). Les suites
sont longues et un arrêt de 3 à 6 mois est un minimum selon les professions.
Une luxation associée rend ces traumatismes fermés une urgence thérapeu-
tique. Les lésions de la dernière phalange, celle qui supporte l’ongle, font
suite à des écrasements. L’ablation de l’ongle de principe est proscrite mais
La main 99

Fig. 16 – Traitement chirurgical d’une fracture phalangienne.

Fig. 17 – Cal vicieux en rotation d’une fracture phalangienne mal prise en charge.
100 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

l’évacuation de l’hématome sous unguéal nécessaire. En cas de traitement


chirurgical, une arthrodèse temporaire de l’IPD est souvent nécessaire.

Fig. 18 – Fracture luxation de l’IPP : il s’agit d’un piège diagnostique car l’aspect
radiographique peut être trompeur en cas de mauvais profil. Ici, l’articulation n’est
plus congruente donc elle est à opérer.

Fig. 19 – Analyse par scanner d’une fracture articulaire de l’IPP avec les constatations
peropératoires.
La main 101

Entorse de l’IPP (fig. 20)


Tout traumatisme de l’IPP n’est pas une entorse… Seules les structures
palmaires et latérales sont « ligamentaires », il faut faire une radiographie
simple à la recherche d’une fracture.
Des arrachements ligamentaires palmaires ou latéraux sont possibles
(< 25 % de la surface articulaire).
Discuter le testing sous AL à la recherche de la lésion des LL (luxation
spontanément réduite) :
• S’il n’y a pas d’instabilité, quel que soit le doigt :
− immobiliser par attelle segmentaire palmaire durant 5 jours suivie
d’automobilisation 5 jours ;
− revoir le patient à 10-15 jours maximum : raideur ? = consulter
sénior + kinésithérapie ;
− sinon consulter à 1 mois/3 mois.
• S’il y a instabilité :
− D3et D4 : même traitement ;
− D2 et D5 : discuter chirurgie.

Fig. 20 – Aspect d’entorse de l’IPP avec ecchymose et arrachement de la plaque


palmaire. Exemple d’entorse de la plaque palmaire, le fragment osseux visible ne
modifie pas le traitement.
102 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

t Luxation vraie lors du testing ?


− Considérer la lésion initiale comme une luxation réduite.
Piège
t Oublier de faire les clichés dynamiques devant l’existence d’un « je me
suis remis le doigt tout seul docteur ».
Expliquer
t Prévenir le patient d’une raideur possible de l’IPP si à cause de la
douleur le patient exclut son doigt.
t Revoir le patient à S2 et à 1 mois et à 3 mois.
t L’IPP va rester « grosse » pendant 6 à 9 mois parfois plus sans parallèle
avec la fonction.

Luxation latérale ou dorsale (lésion LL et plaque palmaire)


(fig. 20, 21 et 22)
Si la lésion est ouverte = opérer.
Si fermée : réduire sous AL et tester :
t S’il y a instabilité isolée sans récidive luxation, quel que soit le doigt :
− immobiliser par attelle segmentaire palmaire durant 5 jours ;
− automobilisation durant 5 jours ;
− consultation spécialisée + kinésithérapeute à 10-15 jours maximum/
1 mois/3 mois.
t S’il y a une récidive de la luxation :
− D3-D4 : même traitement ;
− D2 et D5 : discuter chirurgie.
Piège
t Oublier de faire les PF.
t Confondre avec une luxation palmaire.

Expliquer
t Raideur possible IPP si à cause de la douleur le patient exclut son doigt.

Luxation palmaire (lésion bandelette médiane de l’extenseur)


Si la lésion est ouverte = opérer.
La main 103

Fig. 21 – Selon le sens de la luxation de l’IPP, on aura à faire à une lésion ligamentaire
(luxation dorsale) ou à une lésion d’une structure tendineuse motrice le plus souvent
à opérer type entorse (luxation palmaire). Image issue de la collection du laboratoire
d’anatomie de Besancon (Pr Tatu, Pr Paratte, Dr Lepage, Dr Vuillier).

Fig. 22 – Exemple de luxation latérale avec arrachement de la plaque palmaire


seulement visible après réduction.
104 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Si fermée : réduire sous AL et tester :


t Boutonnière = attelle anti-boutonnière ou attelle en extension IPP
6 semaines avec IPD libre et à mobiliser.
t Extension active IPP possible = attelle en extension IPP 3 semaines
avec IPD libre et à mobiliser.
Piège
t Ne pas reconnaître une boutonnière.
t Confondre avec une luxation dorsale.
t Ne pas mobiliser l’IPD.

Expliquer
t Raideur possible IPP si, à cause de la douleur, le patient exclut son doigt.
t Flessum IPP possible.

Doigt en maillet (fig. 23)


Il correspond à une rupture de l’extenseur ou une fracture de l’insertion
de l’extenseur.
Si fracture : traitement chirurgical si luxation (même un gros fragment
osseux sans luxation peut bénéficier d’un traitement orthopédique).
CAT thérapeutique
Immobilisation en rectitude (pas en hyperextension) uniquement de l’IPD :
t 6 semaines en continu et 2 semaines en nocturne ;
t par attelle dorsale en tuile collée ou strappée/par attelle de Stack (qui a
l’inconvénient d’aveugler la pulpe) ;
t 1 contrôle clinique à 1 semaine (craindre l’escarre) pour expliquer le
changement d’attelle (maintien de la rectitude du doigt pendant celui-ci) ;
t contrôle clinique avec changement de l’attelle hebdomadaire aux consulta-
tions selon les cas (fig. 23).
Suivi
t Premier contrôle par un kinésithérapeute à 1 semaine : changement
attelle par attelle ajourée.
t 1 contrôle clinique à 6 semaines à l’ablation.
t 1 contrôle clinique 1 mois après l’ablation.
La main 105

Fig. 23 – L’attelle doit être portée pendant 6 à 8 semaines en continu mais une
surveillance attentive doit prévenir la survenue d’escarre.

Piège
• Faire de la rééducation après l’ablation de l’attelle : c’est interdit !

Expliquer
• L’importance du respect de l’immobilisation continue… (toilette,
liquide).
• Le risque d’escarre.
• Le risque de léger flessum de l’IPD jugé comme « normal » au recul.
• L’escarre est évitée par une surveillance adéquate et une attelle adaptée.

Les points clés à retenir (fig. 24)

Ö Toute plaie est une lésion des pédicules et des tendons jusqu’à preuve du
contraire, tout traumatisme fermé est une fracture ou une entorse jusqu’à
preuve du contraire.
Ö Toute plaie palmaire des doigts ou de la paume fait suspecter une lésion des
pédicules nerveux et/ou des tendons fléchisseurs.
Ö Toute plaie doit être explorée par quelqu’un qui sait avec les moyens adéquats et
toute structure saine non vue à l’exploration doit être considérée comme lésée
et à explorer au bloc opératoire.
106 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

Ö La réparation des pédicules ou des tendons est affaire de spécialistes en chirurgie


de la main (orthopédiste, plasticien) tant sur le plan technique (intervention
sous grossissement, expérience pratique de la microchirurgie) que sur le plan
du suivi en rééducation.
Ö Toute plaie digitale peut évoluer vers une infection dont le tableau clinique
dépend de l’anatomie de la main.
Ö Les lésions de la base du pouce sont chirurgicales : les luxations trapézo-méta-
carpiennes et les fractures de la base du premier métacarpien (Bennet, Rolando)
ne peuvent être traitées par une immobilisation seule.
Ö Les entorses du pouce se testent.
Ö Les entorses de l’IPP ne doivent pas être immobilisée plus de 15 jours et laissent
une articulation œdématiée plusieurs mois sans caractère de gravité.
Ö Le trouble rotatoire d’une fracture diaphysaire des métacarpiens ou des pha-
langes est une indication opératoire et se recherche en faisant fléchir activement
les doigts traumatisés.
Ö La communication avec le patient et avec le sénior est primordiale pour établir
un diagnostic et un traitement adéquat. Le rétrocontrôle, l’analyse des dossiers et
la connaissance du devenir des patients permettent une évolution des pratiques.

Fig. 24 – Les entorses et luxations les plus fréquentes représentées sur la face
dorsale de la main.
Chapitre 5

Certificats de coups et blessures


Les principes à respecter,
les pièges à éviter
Par Jean-Luc Chopard

PRINCIPES GÉNÉRAUX
Un certificat médical est un écrit rédigé par un médecin faisant état de
ses constatations destinées à faire valoir des droits pour le patient.
Le certificat traduit donc une relation triangulaire médecin/malade/société
qui correspond à son aspect médicolégal.
t Un écrit :
− Daté du jour où il est rédigé et signé par son auteur.
− Lisible (il est inutile d’écrire si l’on ne peut pas être lu !) et idéa-
lement rédigé au moyen d’un traitement de texte disposant d’un
correcteur d’orthographe !
t Un médecin :
− Docteur en médecine inscrit à l’Ordre des médecins (et non pas
un interne, même « thèsé », sauf délégation expresse …le soussigné
Monsieur Jean X, interne en médecine, désigné par le Dr Pierre Y…
Praticien Hospitalier dans le service de…).

Jean-Luc CHOPARD
Service de médecine légale et victimologie
CHU de Besançon
108 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

− Identifié (papier à en-tête nominatif ou nom et prénom et éventuel-


lement numéro d’inscription à l’ordre en cas de rédaction sur papier
libre – feuille blanche –).
t Des constatations, et donc un examen clinique :
− Constatations positives, subjectives ou objectives (douleur, anxiété,
lésions, gêne fonctionnelle, immobilisation, données d’imagerie ou
biologiques, etc.).
− Constatations négatives (absence de douleur, anxiété, lésions, gêne
fonctionnelle, etc.).
t Des droits liés à la reconnaissance sociale des constatations médicales :
− Retentissement et gravité des blessures (ITT).
− Arrêt de travail.
− Incapacité de faire du sport, de se rendre en voyage, de se présenter
devant une instance, d’effectuer des démarches, etc.

 CARACTÉRISTIQUES D’UN CERTIFICAT MÉDICAL


Un certificat médical doit être exact, et l’on ne peut certifier que ce que
l’on constate. Tout ce qui s’est passé avant l’examen et qui est rapporté par
le patient doit être nettement distingué des constatations : « Monsieur X
dit que… », « Madame Y serait tombée dans les escaliers… »
Le certificat est rédigé pour le patient que l’on vient d’examiner, qui
doit être également identifié. Fort heureusement, les médecins ne sont
pas habilités à contrôler les papiers des malades, ils doivent donc accep-
ter sans vérification le nom qu’on leur donne, ce qui conduit certains à
écrire : « …une personne disant se nommer… », pour les patients qu’ils
ne connaissent pas. Cette précaution paraît toutefois souvent démesurée,
car il est évident que les malades « disent se nommer », et il n’y a pas lieu
de faire état d’une méfiance a priori.
Le certificat est destiné à être utilisé par le patient, il contient des infor-
mations médicales couvertes par le secret professionnel, et il doit donc
être remis en mains propres, soit directement, « de la main à la main »,
soit éventuellement par la poste si le patient ne souhaite pas revenir le
chercher, mais il est alors prudent d’indiquer « certificat adressé par voie
postale ou par courrier ».
Certificats de coups et blessures 109

Il est en revanche totalement inutile de faire figurer dans un certificat


des mentions alambiquées et pseudo juridiques, du type « …pour servir
et faire valoir ce que de droit » qui n’ont aucun intérêt, si ce n’est de
démontrer que le rédacteur n’a pas réellement conscience de ce qu’il fait,
puisqu’il éprouve le besoin de dire ce qui est évident !

 PEUT-ON REFUSER DE FAIRE UN CERTIFICAT ?


Un médecin ne peut refuser de rédiger un certificat médical de constatation
de blessures demandé par un patient s’il est nécessaire pour qu’il puisse faire
valoir des droits, et à plus forte raison si ce certificat est prescrit par la loi ou
le règlement, ce qui rejoint les prescriptions déontologiques : « L’exercice de
la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin, conformé-
ment aux constatations médicales qu’il est en mesure de faire, des certificats,
attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs
ou réglementaires (article R. 4127-76 du Code de la Santé Publique – infra
CSP)… Le médecin doit… faciliter l’obtention par le patient des avantages
sociaux auxquels son état lui donne droit (Art. R. 4127- 50 du CSP)… ».
Un médecin ne peut arguer de son incompétence pour ne pas rédiger
un certificat de constatations de blessures, car on estime qu’un tel acte
peut être effectué par tout docteur en médecine, quelle que soit son mode
d’exercice ou sa spécialité.
Lorsqu’un certificat est rédigé à l’issue d’une consultation motivée par des
soins, il ne donne lieu à aucune rémunération supplémentaire, puisqu’il
s’inscrit dans le cadre de la prise en charge médicale.
En revanche, lorsque le patient consulte uniquement pour faire établir un
certificat, celui-ci peut être théoriquement honoré en tant que tel, sachant
que cette prestation n’est pas remboursable par les organismes sociaux et
qu’elle demeure donc entièrement à la charge du demandeur.

 CERTIFICAT DANS LE CADRE D’UNE REQUISITION JUDICIAIRE


Tout médecin peut être requis (et non pas « réquisitionné ») par un
Officier de Police Judiciaire (OPJ) dans le cadre d’une enquête, éven-
tuellement sur autorisation du Procureur ou d’un substitut, ou dans le
110 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

cadre d’une commission rogatoire d’un juge d’instruction, afin d’établir


un certificat de constatation de coups et blessures.
Cette réquisition doit être écrite et comporter des questions précises (par
exemple : « Examiner Monsieur X, décrire ses blessures et fixer la durée
de l’ITT qui en résulte »).
Il est possible de refuser si les questions posées interfèrent avec ce que le
médecin a pu apprendre ou constater dans un rôle de médecin traitant.
En effet, sur le plan déontologique, « Nul ne peut être à la fois médecin
expert et médecin traitant d’un même malade » (Art. R. 4127-105 du
CSP) pour la raison que le cadre relationnel est différent. (Par exemple,
un médecin doit refuser de répondre à la réquisition qui lui demande-
rait de divulguer des révélations faites par un patient à l’occasion d’une
relation médecin/malade habituelle.)
Lorsqu’on examine un patient dans le cadre d’une réquisition, il est abso-
lument nécessaire de l’en informer, car les constatations qui répondent à
la mission ne sont pas couvertes par le secret professionnel et elles feront
l’objet d’un certificat ou d’un rapport destiné à l’autorité requérante.
Le médecin doit se récuser s’il estime que les questions qui lui sont posées
sont étrangères à la technique médicale, et il ne doit révéler dans son rap-
port que les éléments destinés à répondre à ces questions (Art. R. 4127-
106 et suivants du CSP).
Il ne faut enfin pas oublier que c’est le médecin qui est requis, pas le
malade, et ce dernier peut parfaitement refuser d’être examiné ou de
subir un prélèvement quelconque. En d’autres termes, la procédure de
réquisition judiciaire ne supprime pas la nécessité du consentement du
patient préalablement à tout acte médical.
Certificats de coups et blessures 111

LES CONSTATATIONS MÉDICALES


Elle doivent être claires, précises, si possible concises, et rédigées dans un
langage compréhensible.
Les doléances correspondent aux signes fonctionnels classiques (« le
malade se plaint de… »), et il est important de les noter car certaines
lésions peuvent se démasquer secondairement, en ne se manifestant
initialement que par des douleurs ou une gène fonctionnelle (fracture
passée inaperçue, migration des hématomes…).
L’état psychologique doit être apprécié, car dans les agressions, les lésions
physiques peuvent être mineures alors que le retentissement psychique
peut être grave (syndrome psycho-traumatique). Bien des problèmes
d’imputabilité de troubles psychiatriques apparus à distance d’un trau-
matisme seraient plus facilement réglés si l’on avait pris soin d’indiquer
sur le certificat initial que le patient présentait des pleurs, un état anxieux
majeur, un tableau de sidération psychique, ou bien au contraire un état
psychologique apparemment normal et adapté à la situation.
Les lésions physiques peuvent relever de mécanismes divers :
t Contusions liées à l’action d’un instrument contondant (coup de poing,
de bâton…) et pouvant se manifester par un simple érythème qui tra-
duit une congestion simple (joue rouge après une gifle), ou par une
ecchymose qui traduit une rupture capillaire avec extravasation de sang
(« bleu » après un coup de poing), ou par un hématome qui traduit une
collection sanguine avec effet de volume.
t Excoriations, griffures, abrasions qui traduisent une atteinte limitée aux
couches superficielles de la peau. Ces lésions ne sont a priori pas graves,
mais elles sont souvent très importantes pour reconstituer le déroule-
ment d’une agression (traces de coups d’ongles dans une strangulation
manuelle, griffures traduisant une préhension violente ou des lésions
de défense, etc.) et elles doivent donc être notées avec précision sur le
certificat.
t Plaies franches par instruments piquants ou tranchants (ciseaux, cou-
teaux divers et variés, poignards, rasoirs…). Les caractéristiques de ces
plaies peuvent parfois donner des indications sur le type d’arme, voire
112 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

sur le mécanisme de la blessure (coup donné avec la pointe ou avec le fil


d’une lame).
t Plaies contuses liées à l’action d’un instrument contondant sur une arête
du corps (plaie contuse du rebord orbitaire après un coup de poing), ou
à l’action d’une arête d’un instrument contondant (coup de marteau), ou
à un impact très violent sur un plan dur (plaie par éclatement).
t Brûlures par des liquides ou des objets.
t Fractures ouvertes ou fermées, éventuellement associées à des lésions
des parties molles et des éléments vasculo-nerveux.
t Lésions viscérales diverses.
Ces blessures doivent être décrites le plus précisément possible : forme,
taille, couleur, topographie par rapport à des repères anatomiques,
ancienneté éventuelle…
Cette description doit être accessible à un lecteur non médecin, et il
faut donc utiliser des termes aisément compréhensibles : préférer par
exemple cubitus à ulna, face dorsale de la main à face postérieure, cin-
quième doigt à cinquième rayon, décollement épidermique à phlyc-
tène, etc. (le certificat médical doit traduire une réalité commune
aux non professionnels, et non pas décrire celle des spécialistes et des
nomenclatures).
Le retentissement fonctionnel des lésions doit être autant que possible
estimé, car c’est la gêne provoquée par la blessure qui est le véritable
critère de gravité sur le plan pénal. Il convient donc de préciser la latéra-
lisation pour le membre supérieur, le retentissement sur l’utilisation de la
main ou sur la marche et plus généralement, il faut expliquer ce que le
blessé ne peut plus faire.
Certificats de coups et blessures 113

LES INTERPRÉTATIONS MÉDICOLÉGALES


Jusque-là, rédiger un certificat médical correspond à une activité méti-
culeuse et laborieuse, et pour tout dire presque fastidieuse.
Mais le véritable intérêt de ce certificat est d’essayer de reconstituer ce qui
s’est passé et de déterminer si possible d’emblée le pronostic fonction-
nel (durée de l’ITT), ce qui a des conséquences qui dépassent les aspects
strictement médicaux (quelle durée d’arrêt de travail ? quelle peine pour
l’auteur des blessures ?).
En somme, il faut passer de la technique à l’art médical, de l’observation
à la réflexion, de la relation duelle médecin/malade au témoignage sur ce
que l’on a vu et compris, et inscrire les constatations médicales dans leur
dimension sociale, ce qui correspond à la démarche médico-légale.
Il s’agit bien d’interprétations, donc d’un processus intellectuel qui se
nourrit et se détache des faits observés, et qui doit être d’autant plus
prudent que les constatations sont ambiguës ou incomplètes.

 COMPATIBILITÉ DES BLESSURES


AVEC L’AGENT VULNÉRANT ET LES DIRES DU PATIENT

La corrélation peut être assez simple (plaies de défense typiques chez un


sujet agressé avec un couteau), mais parfois très complexe (fracture par
objet contondant ou à l’occasion d’une chute). Il ne faut affirmer que
ce qui peut être suffisamment argumenté, en mesurant bien son niveau
d’incompétence ! Il est ainsi des situations particulièrement difficiles et
piégeuses, par exemple lorsqu’on demande de préciser une distance de
tir, le calibre correspondant à un orifice d’entrée, le type de couteau à
l’origine d’une plaie franche, etc. Il faut alors se souvenir qu’il est tou-
jours préférable de dire que l’on ne sait pas plutôt que de s’aventurer
dans des considérations imprudentes qu’il sera bien difficile de justifier
ultérieurement.
Cela ne doit pas conduire toutefois à ne pas dire l’évidence et le « prin-
cipe de précaution » a des limites ! Une plaie fine, profonde, rectiligne,
avec une « queue de rat » a été produite par la lame d’un instrument
114 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

tranchant, et si elle se trouve dans le dos, cela est compatible avec ce que
dit le patient : un individu l’aurait frappé par derrière avec un rasoir alors
qu’il attendait tranquillement le bus.
De même, une ecchymose orbitaire avec plaie contuse le long de la par-
tie externe du rebord supérieur évoque un coup de poing comme dit la
dame, et non pas une simple gifle (voire une caresse un peu appuyée !),
comme dit son conjoint.

 DURÉE DE L’ITT

Que veut dire « ITT » ?


C’est une notion qui se trouve dans le Code pénal et qui signifie incapa-
cité totale de travail, et non pas invalidité, ni incapacité temporaire ou
transitoire totale… Toutes les variantes fantaisistes sont possibles.
Mais l’interprétation de ce concept est délicate, pour ne pas dire
« artistique » (cf. supra), en effet :
t « Incapacité totale » ne signifie pas que le blessé ne peut plus rien
faire (il peut par exemple faire « quelques courses » – Cass. Crim. 1982),
mais seulement qu’il ne peut plus tout faire. En d’autres termes, il est
totalement incapable de faire certaines choses.
t Le « travail » n’a rien à voir avec le travail professionnel, car comme
l’indiquait l’ancien Code pénal, il s’agit du « travail personnel », et l’ITT
est bien une incapacité « personnelle », c’est-à-dire une atteinte à l’inté-
grité de l’individu qui nécessite une sanction pénale. La durée de l’ITT est
donc totalement indépendante de la durée d’un arrêt de travail éventuel
qui est en général plus long (il faut être habituellement plus « en forme »
pour effectuer un travail professionnel que pour vaquer à ses occupations
personnelles). L’exemple classique est celui du violoniste professionnel
droitier qui présente une entorse de l’articulation inter-phalangienne dis-
tale du 5e doigt de la main gauche traitée par syndactylie : l’ITT est de
1 jour, et l’arrêt de travail de 3 mois !
t Le travail personnel ne correspond pas aux activités d’agrément puisque
c’est un travail, ni aux actes élémentaires de la vie quotidienne (se lever,
se vêtir, s’alimenter, etc.) qui ne produisent rien en permettant seulement
Certificats de coups et blessures 115

de subsister. Finalement, ce « travail personnel » peut être assimilé aux


actes ordinaires de la vie : changer une ampoule, emmener les enfants à
l’école, lire le journal, préparer le repas, faire son lit etc. (remarquons dès
à présent que ce « travail personnel » est éminemment variable selon les
individus, par exemple si l’on compare la mère de famille au foyer et le
post adolescent apragmatique).

À quoi sert l’ITT ?


En partie à qualifier l’infraction qui a provoqué les blessures :
t Pour les violences (anciennement « coups et blessures volontaires »),
lorsqu’il n’y a pas d’ITT, l’infraction est une contravention de 4e classe. En
cas d’ITT de 1 à 8 jours, l’infraction est une contravention de 5e classe.
t Lorsque l’ITT est supérieure à 8 jours, l’infraction est un délit et non
plus une simple contravention, et elle est alors jugée par le Tribunal
Correctionnel et non plus par le Tribunal de Police, les peines encourues
étant un emprisonnement, et non plus seulement une amende.
t Pour les atteintes involontaires à l’intégrité de la personne (ancien-
nement « coups et blessures involontaires »), la limite est fixée à 3 mois
et non plus à 8 jours.
t On peut avoir l’impression que le fait de mettre plus de 8 jours d’ITT
pour des violences (ou plus de 3 mois pour des blessures involontaires) va
orienter la procédure de manière dramatique, mais il ne faut pas oublier
que le Parquet juge de l’opportunité des poursuites et que les magistrats
ne sont pas liés par un certificat médical qui peut seulement participer
à leur décision. En outre, il existe une multitude de circonstances aggra-
vantes décrites par le Code pénal qui mettent d’emblée les violences dans
un cadre délictuel, quelle que soit la durée de l’ITT : c’est le cas par
exemple des violences avec préméditation, en réunion, avec arme, sur un
mineur de 15 ans ou sur une personne vulnérable, sur le conjoint, sur un
ascendant, à l’intérieur d’un établissement scolaire ou éducatif, dans un
moyen de transport collectif, etc.
Toutefois, même dans ces cas d’infraction a priori délictuelles, il est habi-
tuellement demandé au médecin de préciser la durée de l’ITT, et il faut
comprendre qu’il s’agit d’un élément d’appréciation pour le magistrat
116 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

qui considère très généralement que les violences sont « graves » en


elles-mêmes si l’ITT est supérieure à 8 jours, nonobstant les autres
« circonstances aggravantes » éventuelles.
L’ITT doit être appréciée « in concreto »
Cela signifie que les conséquences des blessures doivent être évaluées
concrètement, chez ce patient en particulier, qui va réagir à l’agression
physique et psychologique avec ses capacités singulières, qui peuvent être
très différentes de celles d’un autre individu. En outre, les conséquences
fonctionnelles des blessures doivent être également appréciées « in
concreto », en fonction de leur retentissement sur le « travail personnel »
de la victime.
C’est ainsi par exemple que les effets d’un coup de poing dans la figure
seront minimes chez un jeune homme querelleur qui va exhiber le
soir même devant ses copains son « œil au beurre noir » en racontant
comment il a corrigé son agresseur. En revanche, des lésions identiques
peuvent être vécues de manière dramatique par la vendeuse du rayon
parfumerie qui s’effondre en larmes chaque fois qu’elle se voit dans un
miroir, qui fait des cauchemars avec réveils anxieux, qui n’a plus la force
de faire les tâches ménagères et qui n’ose plus sortir de chez elle pendant
15 jours.
L’ITT « in concreto » sera de 1 jour dans le premier cas, et supérieure à
8 jours dans le second.
C’est la raison pour laquelle il ne peut y avoir de véritable barème
qui fixerait les durées d’ITT « in abstracto », uniquement en fonction
de la nature des lésions, car il s’agit bien d’une incapacité strictement
personnelle qui naît de l’interaction entre un traumatisme et un individu.
Certificats de coups et blessures 117

QUELQUES CONSEILS PRATIQUES


t Pas de lésion visible, pas de douleur ni de retentissement fonctionnel
notable, état psychologique sans particularité : ITT de 0 jour (ou non
chiffrable, ou absence d’ITT).
t Présence de lésions (ecchymoses, excoriations…), ou de douleurs
compatibles avec les mécanismes traumatiques décrits, et ayant un
retentissement fonctionnel, ou troubles anxieux manifestes évoquant un
syndrome psycho-traumatique : ITT de 1 à quelques jours.
t Fracture(s) ou lésions multiples sévères ou troubles psychiatriques réac-
tionnels, nécessitant une prise en charge avec hospitalisation initiale : plus
de 8 jours.
t Éviter de retenir 7, 8 ou 9 jours d’ITT ! L’appréciation de la durée
d’ITT est forcément approximative, voire inexacte (il s’agit d’un pronos-
tic fonctionnel qui est donc aléatoire), et fixer une ITT à 8 jours revient
à refuser d’évaluer la gravité du retentissement des blessures sans avoir le
courage de le dire.
Il est parfois impossible d’évaluer l’ITT dans les suites immédiates d’un
accident ou d’une agression, mais il convient alors d’expliquer pourquoi
et de proposer un autre examen à distance.
C’est notamment le cas lorsque le bilan lésionnel est incomplet (attente
d’examens complémentaires), ou lorsque l’évolution est imprévisible
(traumatisme psychologique majeur).
Quoique disent parfois les policiers ou les gendarmes, il n’est pas néces-
saire pour le patient d’avoir à disposition un certificat médical fixant une
durée d’ITT pour porter plainte !
Dans certains cas, la réquisition peut comporter d’autres questions, par
exemple sur l’existence d’une mutilation ou d’une infirmité permanente
en cas de violences (aggravation de la peine encourue), ou sur le type de
causalité, directe ou indirecte, en cas d’atteinte involontaire à l’intégrité
de la personne (délit non intentionnel), mais il s’agit là de problèmes
médicolégaux qui n’entrent habituellement pas dans les compétences d’un
médecin non spécialisé.
118 Traumatologie de la main à l’épaule chez l’adulte

CONCLUSION
Rédiger un certificat médical de coups et blessures est donc un acte
parfois complexe, mais le plus souvent assez simple pour peu que l’on
comprenne à quoi il sert et dans quel contexte il s’inscrit.
Il s’agit à la fois d’un acte médical qui impose d’aborder le patient dans
sa globalité, et d’un acte médicolégal qui s’intègre dans la dimension
sociale de l’exercice médical.
Certes, le patient présente une plaie fine, profonde, verticale de 5 cm de
long au tiers moyen du bord cubital de l’avant-bras droit, mais encore
faut-il savoir dans quelles circonstances il a été blessé, quel est le type
d’agent vulnérant, s’il peut s’agir d’une lésion de défense, s’il a eu peur
d’être plus gravement atteint, s’il a réagi de manière adaptée à l’agression,
s’il vit seul ou s’il bénéficie d’un étayage familial, s’il a besoin d’un sou-
tien psychologique, s’il est droitier, s’il peut ou non continuer à exercer
son activité professionnelle et si sa vie quotidienne risque d’être ou non
gravement perturbée, et pendant combien de temps.
C’est donc bien une clinique du retentissement fonctionnel des lésions
chez un individu singulier, et ce mode d’approche peut s’appliquer dans
tous les domaines de la médecine. Ce qui compte pour le malade, ce n’est
pas seulement le délai moyen de consolidation d’une fracture du fémur,
ou les données statistiques sur les complications possibles de l’ostéo-
synthèse, c’est aussi de savoir combien de temps il va rester à l’hôpital,
quand il pourra marcher de nouveau, comment il va faire pour rentrer
chez lui au deuxième étage sans ascenseur avec des cannes anglaises et s’il
pourra conduire sa voiture pour se rendre au mariage de sa nièce dans
3 mois.
Finalement, la médecine légale, c’est une manière de faire de la médecine.

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XL Print - 42010 Saint-Etienne
Dépôt légal : juillet 2012
N° d’imprimeur : V011162/00

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