Explorer les Livres électroniques
Catégories
Explorer les Livres audio
Catégories
Explorer les Magazines
Catégories
Explorer les Documents
Catégories
Territoire en mouvement
Revue de géographie et
aménagement
Territory in movement Journal of geography and planning
3 | 2006 :
Sport et dynamiques touristiques des territoires
Articles
Kalymnos : un paradis de
l’escalade au pays des pêcheurs
d’éponges
Ou comment l’escalade et les sports de pleine nature
soutiennent l’activité touristique de l’île face aux difficultés
rencontrées par le modèle hélio-balnéaire
Kalymnos: a Paradise of Rock-Climbing to the Country of Sponge Divers
JEAN SCOL
p. 21-41
https://doi.org/10.4000/tem.364
Résumés
Français English
À Kalymnos, dans l’archipel grec du Dodécanèse, au Sud-est de la Mer Égée, le développement
touristique s’est inscrit comme dans bien d’autres îles de la région depuis les années 1970, sur
le modèle du traditionnel triptyque des 3S. Cependant, cette île peu accessible et souffrant d’un
manque de plages, n’apparaît pas être la mieux adaptée pour répondre aux exigences du
tourisme hélio-balnéaire. Elle enregistre d’ailleurs aujourd’hui un recul important de sa
fréquentation touristique internationale traditionnelle. Cependant, depuis quelques années,
Kalymnos fait de plus en plus parler d’elle chez les sportifs amateurs d’escalade pour lesquels
l’île est devenue un haut-lieu incontournable de réputation internationale voire mondiale. Si le
développement de ce sport fut tout d’abord à mettre au crédit des sportifs eux-mêmes, très
vite, les autorités locales et les professionnels réalisant l’opportunité qu’offre le phénomène en
matière de redéploiement touristique de l’île, s’impliquèrent dans son essor. Aujourd’hui à
Kalymnos, les grimpeurs représenteraient au moins le tiers de la fréquentation touristique
totale et si le tourisme sportif n’y a pas véritablement supplanté le balnéaire, il commence à lui
offrir un complément sans doute indispensable à sa survie face à un marché touristique
toujours plus concurrentiel et exigeant.
Entrées d’index
Mots-clés : tourisme sportif, Grèce, Dodécanèse, Kalymnos, île, tourisme balnéaire, escalade,
redéploiement touristique, tourisme durable
Keywords : sporting tourism, Greece, Kalymnos, island, balneal tourism, rock climbing,
tourist redeployment, sustainable tourism, Dodecanese
Texte intégral
1 Aux confins sud-est de l’Égée, face à l’Anatolie turque, le Dodécanèse égrène son long
chapelet d’îles, telles des montagnes posées sur la mer. Cet archipel qui pour les
hellénistes porte un nom trompeur1, compte 18 îles habitées en permanence et
plusieurs dizaines d’autres, désertes2. Il fut rattaché à la Grèce en 1947 après plus de
quatre siècles d’occupation d’abord ottomane (1522-1912), puis italienne3. Aujourd’hui,
il constitue l’un des départements les plus prospères de Grèce et s’affiche en particulier
comme le plus touristique du pays. Cette dynamique touristique - avant tout
internationale bien que les touristes grecs soient de plus en plus présents - se ressent
dans chacune des îles de l’archipel ; cependant c’est surtout à Rhodes et à Kos que se
concentrent l’essentiel des séjours, les autres îles se contentant d’une fréquentation très
marginale4. Dans ce contexte de quasi monopole, certaines îles secondaires de
l’archipel, telle Karpathos aux paysages sauvages et au folklore local préservés ou
Patmos dont la Chora5 et le monastère fortifié de Saint-Jean sont inscrits sur la liste du
patrimoine mondial de l’humanité, restent attractives. C’est aussi le cas, à leur échelle,
de toutes petites îles, telles Lipsi, Arki, ou encore Psérimos..., qui, par leur côté
authentique et préservé, enregistrent une fréquentation certes modeste dans l’absolu
mais suffisante pour assurer, si ce n’est une certaine prospérité, au moins un
complément de revenus non négligeable à une population peu nombreuse. Or, cela
n’est pas ou n’est plus le cas à Kalymnos. Cette île de 111 km2 pour quelques 18 000
habitants est la quatrième du Dodécanèse par sa superficie et la troisième par sa
population (Carte n° 1 : Les espaces touristiques et les potentiels de tourisme sportif de
pleine nature à Kalymnos). En revanche, elle ne constitue que la cinquième destination
de l’archipel alors qu’elle occupa longtemps la troisième place. Elle voit même le
nombre d’arrivées décliner régulièrement et de façon notable depuis une dizaine
d’années, au grand désespoir des professionnels du secteur et des autorités locales6.
L’objet de cet article sera cependant moins d’analyser les raisons de ce déclin
touristique, que de mettre l’accent sur l’amorce d’un possible redéploiement du
tourisme par le biais des activités touristico-sportives de pleine nature. Depuis
quelques années en effet, la randonnée pédestre se développe à destination des
étrangers sur les dizaines de kilomètres de sentiers qui parcourent la montagne ; mais
c’est surtout l’escalade qui s’impose comme le nouveau produit phare et emblématique
du tourisme sportif dans une île qui se présente désormais comme le paradis des
grimpeurs..... Ce mouvement ne vise pas à imposer à Kalymnos un nouveau modèle de
développement touristique mais tente au moins d’apporter une forme d’alternative ou
de complément à un tourisme balnéaire en crise.
Rhodes 953 547 906 778 1 021 570 985 234 925 529 1 018 434
Kos 323 630 324 183 402 520 392 529 384 557 434 110
Total 1 320 627 1 277 640 1 473 954 1 442 020 1 374 652 1 519 599
d’attente. En tout état de cause, faute de liaison aérienne directe, Kalymnos reste
largement à l’écart des grands flux du tourisme organisé. Les difficultés que rencontre
la dynamique touristique à Kalymnos tiennent aussi à l’inorganisation du secteur et à
l’impuissance des autorités locales pour y remédier. Selon l’adjointe municipale, en
charge du tourisme, le secteur touristique kalymniote souffre d’un manque chronique
de professionnalisme et de l’absence d’une véritable « culture touristique ». Le chacun
pour soi règne en maître. Ainsi, pour un investisseur, il s’agira moins de créer un
nouveau produit pour capter ou susciter une nouvelle clientèle que de chercher à imiter
« en mieux » la concurrence pour lui prendre la sienne. Ceci explique la croissance
continue de la capacité d’hébergement sur l’île alors que le nombre de touristes ne cesse
de diminuer. Il existe pourtant bien à Kalymnos des associations de professionnels
(Association des Hôteliers Kalymniotes, Association Restaurateurs et Patrons de Bars)
mais il reste très difficile pour les autorités locales de les réunir afin d’établir un
programme ou une politique de développement touristique concertée.
Carte 1 : Les espaces touristiques et les potentiels de tourisme sportif de pleine nature
à Kalymnos
Photo 1
Un groupe de grimpeurs se prépare au pied de la voie « Kalenka » (5C-31.) dans le secteur d’Aghios
Fotis (n° 37)
Jean Scol, 04/2005
Photo 2
12 Pour sa part, la Municipalité kalymniote va elle aussi dès 1999, s’intéresser de près à
l’essor de l’escalade. Un sport qu’elle perçoit comme une véritable opportunité pour le
développement touristique de l’île, en particulier en termes d’alternative au tourisme
balnéaire traditionnel qui tend à s’y dégrader.
13 Elle s’implique dans son développement de façon directe et très dynamique grâce aux
fonds attribués dans le cadre du Programme Européen de Développement des Régions
Périphériques29. Cela se traduit dans un premier temps par une série de mesures qui
visent à favoriser le développement de l’escalade en facilitant l’ouverture de nouveaux
secteurs tout en assurant la valorisation de ceux déjà existants. C’est par exemple ainsi,
qu’est mis à la disposition des grimpeurs du matériel nécessaire à l’équipement de
nouvelles voies. Ces actions comme les suivantes, furent confiées à l’Organisme
Municipal des Sports et menées en collaboration avec un guide de montagne et
instructeur professionnel d’escalade, Aris Théodoropoulos30 et son assistant Thomas
Mihailidis.
14 Cette première période atteint son apogée lors du Rassemblement International
d’Escalade organisé à Kalymnos du 2 au 8 octobre 2000 par la Municipalité et le Club
Alpin Grec d’Archanes (EOS Archanes) avec l’aide de la Fédération Grecque de
Montagne et d’Escalade.
15 L’événement rassembla 180 grimpeurs. Parmi eux figuraient quelques grands noms
Photo 3
Un exemple de bornes de balisage des secteurs d’escalade érigées par la municipalité kalymniote. Ici
la borne du secteur Kasteli (n° 17), lui-même situé en contrebas de la route et non visible sur la
photographie. En arrière-plan, on aperçoit la péninsule d’Arginonda et les nombreux secteurs
d’escalade qui surplombent la mer entre les localités de Skalia et d’Emporio.
Nathalie Scol 08/2004
17 À la fin de l’année 2003, vingt-cinq secteurs étaient déjà ainsi balisés sur les
quarante-deux existants à l’époque. À terme tous devraient l’être ainsi que les nouveaux
secteurs ouverts depuis cette date (environ 20 secteurs créés entre 2004 et les premiers
mois de 2005) et ceux qui se créeront dans l’avenir.
18 Par ailleurs, un bureau municipal d’information sur l’escalade (rock climbing info
desk) est ouvert dans la localité d’Arméos au pied des principaux secteurs. Enfin depuis
août 2002 Aris Théodoropoulos et Thomas Mihailidis sont officiellement missionnés
par l’OMSK32 pour superviser et promouvoir l’escalade dans l’île. Ils ont entre autres
missions celles d’ouvrir de nouvelles voies, d’inspecter et entretenir les voies déjà
existantes. Ainsi Kalymnos est devenue l’un des rares sites d’escalade dans le monde à
bénéficier d’un encadrement quasi permanent par des guides professionnels.
19 Le succès récompense les efforts consentis : entre 2000 et le printemps 2005, le
nombre de secteurs est passé de 24 à plus de 50 et le nombre voies équipées de 220 à
environ 650 !
20 Ce sont aussi 2 000 à 3 000 grimpeurs qui fréquenteraient l’île chaque année. Alors
que plus de 500 grimpeurs du monde entier ont participé du 2 au 8 octobre 2004 au
second rassemblement international de l’escalade de Kalymnos. L’événement porte
alors le nom de Festival de l’Escalade de Kalymnos (The Kalymnos Rock Climbing
Festival). Enfin, entérinant une fréquence d’une année sur deux, une troisième édition
s’est tenue du 25 au 30 octobre 2006 sous le titre de « Kalymnos Petzl Roc Trip
(international climbing festival) ». Cette dernière appellation confirme le caractère
international de l’événement mais surtout le partenariat entre la municipalité et un
grand équipementier spécialiste des sports de montagne.
4. Un développement rapide et un
potentiel presque inépuisable
21 Les premiers secteurs (falaises, parois)33 et voies d’escalades furent inaugurés en
1997 (3 secteurs pour 47 voies) ; depuis leur nombre n’a jamais cessé de croître. Si cette
progression fut presque imperceptible entre 1997 et 1998 (+ un secteur et + une voie),
c’est en revanche en moyenne plus de 7 secteurs nouveaux et plus de 97 voies nouvelles
qui furent ouverts chaque année entre 1999 et 2003 (cf. tableau n° 2 : Évolution du
nombre de secteurs et voies d’escalade à Kalymnos entre 1997 et 2003).
En
3 47 3 47
1997
En
1 1 4 48
1998
En
16 104 20 152
1999
En
4 68 24 220
2000
En
7 92 31 312
2001
En
8 114 39 426
2002
En
3 106 42 534
2003
Total 42 534
Photo 4
Le secteur d'escalade d'Aghios Fotis (n° 37), au Sud-ouest de Kalymnos. On y aperçoit très nettement
les parois surplombant la chapelle et sur lesquelles sont équipées de nombreuses voies.
Jean Scol, 04/2005
Tableau 3 : Printemps et automne sont les meilleures saisons pour pratiquer l’escalade
à Kalymnos.
Printemps 118 94 %
Eté 71 56 %
Automne 120 95 %
Hiver 88 70 %
Ce tableau est obtenu à partir du topoguide publié par Aris Théodoropoulos en 2004. Pour chaque
secteur d’escalade l’auteur attribue de 0 (escalade non recommandée) à 3 étoiles (escalade fortement
recommandée) pour chacune des saisons. Par exemple, pour le secteur ‘Black Forest’ (n° 9), le
printemps se voit attribué 2 étoiles et l’été 0. L’automne et l’hiver recevant chacun 3 étoiles
apparaissent comme les deux meilleures saisons pour pratiquer l’escalade dans ce secteur. Le tableau
ci-contre fait la somme des étoiles attribuées à chacune des saisons pour l’ensemble des 42 secteurs
d’escalade. 100 % (ou 126) étant le nombre maximal d’étoiles que peut en théorie obtenir chacune des
saisons (3 x 42).
Sources : A. Théodoropoulos 2004
28 Un nombre croissant de professionnels a parfaitement intégré cette nouvelle réalité
qui leur permet de garder leurs établissements ouverts toute l’année. Ils sont aussi de
plus en plus nombreux à prendre personnellement part à l’essor de l’escalade dans l’île
en proposant des prestations spécifiques ou adaptées à la clientèle des grimpeurs. Alors
qu’entre Massouri et Arméos, les enseignes fleurissent, désignant ces derniers comme
clients privilégiés (cf. photographie n° 5).
Photo 5
Photo 6
Un bar dans la localité de Massouri proposant services et tarifs spéciaux pour les grimpeurs.
Jean Scol, 04/2005
Photo 7
Le magasin d’articles d’escalade « Climbers-Next » est tenu par une citoyenne allemande depuis 2003
à Massouri sur la côte ouest de Kalymnos, au pied des principaux secteurs d’escalade.
Jean Scol, 04/2005
30 Par ailleurs, sur Internet les propositions de forfaits comprenant transport,
hébergement et escalade... mais aussi le farniente sur les plages sont de plus en plus
concentrées dans des secteurs déjà les plus équipés et les plus fréquentés (Poets,
Grande Grotta...) avec un risque de saturation évident ; l’interdiction d’utiliser des
coinceurs amovibles au profit d’équipements pérennes peut nuire au caractère
spontané de la grimpe et rendre les voies souvent trop faciles, trop accessibles. Les
conséquences pourraient en être une augmentation exagérée du nombre de grimpeurs,
ce qui entraînerait une banalisation du site et à terme une chute importante de la
fréquentation comme ce fut le cas pour d’autres destinations mythiques de l’escalade
aujourd’hui un peu passées de mode (Gorges du Tarn, du Verdon...). Enfin il ne faut
pas non plus négliger le risque de voir ce « nouveau marché » investi par des acteurs
touristiques extérieurs grecs ou étrangers (il en existe déjà quelques-uns) qui
pourraient finir par marginaliser les professionnels kalymniotes.
efforts fournis pour leur approche. Les sentiers du mont Panagia-Kirapsili conduisent
quant à eux jusqu’au monastère fortifié du même nom (cf. photographie n° 8).
Photo 8
Une famille de randonneurs sur le sentier qui mène au monastère fortifié de Panaghia Kirapsili. En
contrebas, on aperçoit le golfe de Pézondas et sa plage qui ne sont accessibles qu’à pied ou par la
mer.
Nathalie Scol, 04/2005.
37 Ce potentiel en matière de randonnée est encore mal valorisé par les acteurs locaux
qui ne consentent aucune action pour l’entretien des chemins ni pour le balisage des
itinéraires. Cependant, les randonneurs sont de plus en plus nombreux à les emprunter
et quelques voyagistes spécialisés exploitent la destination depuis déjà quelques
années. C’est par exemple le cas de l’opérateur français spécialiste des trekkings et des
voyages à pied Alibert qui propose des « séjours randonnée » d’une semaine à
Kalymnos. Sa clientèle organisée en petits groupes y est encadrée par des guides
professionnels de moyenne montagne qui se chargent aussi de baliser les chemins de
façon sommaire. Les randonnées proposées démarrent à Rhina, le port du village de
Vathis où les groupes sont logés en demi-pension dans l’hôtel-restaurant Galini (cf.
photographie n° 9).
Photo 9
La vallée de Vathis : au premier plan, on aperçoit Rhina, le port du village (port de pêche qui accueille
aussi de nombreux plaisanciers et des bateaux d’excursion). C’est dans ce quartier que l’on retrouve
l’ensemble des établissement touristiques de Vathis, dont l’hôtel Galini (flèche) où sont hébergés les
clients de l’opérateur français Alibert et qui est le point de départ des randonnées organisées par ce
dernier sur les montagnes de l’île.
Nathalie Scol, 08/2004.
38 Cet établissement est le seul de ce type à proposer de l’hébergement dans la localité
(il existe toutefois dans le quartier quelques possibilités de location dites « chez
l’habitant »). La clientèle d’Alibert n’est ici pas très nombreuse (de l’ordre de quelques
dizaines de touristes par an) mais elle assure à l’hôtel un certain niveau d’occupation,
notamment au printemps et en automne qui sont les deux saisons les plus favorables
pour randonner dans l’île.
39 La plongée subaquatique est le troisième sport de pleine nature praticable à
Kalymnos. Il n’existe cependant ici qu’une seule structure proposant des plongées
loisirs aux touristes séjournant dans l’île. Il s’agit d’un centre de plongée domicilié sur
un caïque, le Pegassus, équipé pour accueillir une vingtaine de plongeurs. Celui-ci est
immatriculé à Kalymnos où réside son équipage. Pourtant, en saison, il mouille dans le
port de Kos car c’est là qu’il embarque chaque matin l’essentiel de sa clientèle. Il prend
ensuite le cap de Kalymnos pour parfois y récupérer de rares clients qui séjournent
dans l’île mais surtout pour y rejoindre les sites de plongées qui y sont localisés (cf.
photographie n° 10).
Photo 10
Leçon de plongée subaquatique dans la baie de Vlichadia, offerte gratuitement aux touristes par la
municipalité de Kalymnos
Jean Scol, 08/2005.
40 On peut toutefois s’étonner que la plongée ne soit pas devenue l’activité touristico-
sportive par excellence de Kalymnos et aussi de la faiblesse de l’offre en la matière ; car
l’île est connue pour être une patrie de pécheurs d’éponges et la plongée y est une
tradition, multimillénaire.
41 Deux raisons justifient cet apparent paradoxe. Premièrement, les Kalymniotes ont
beaucoup donné à la plongée en termes de vies et de drames humains et en
conséquence, elle reste ici perçue comme une activité dangereuse synonyme de peurs et
de larmes mais rarement de plaisir... Deuxièmement, le Ministère Grec de la Culture a
longtemps interdit la plongée-bouteille de loisir sur la plupart des rivages de Kalymnos
afin d’y protéger les nombreux sites d’archéologie sous-marine des risques de pillages.
42 La situation commence toutefois à évoluer. En 2003 le Ministère autorisait la
plongée sur plus de 12 miles nautiques le long de la côte Sud de l’île mais aussi vers le
Nord au cap Kastélli et autour de l’îlot de Kalavros. Grâce à cette nouvelle disposition
Kalymnos possède désormais la plus vaste zone ouverte à la plongée loisir dans toute la
Grèce. Pour stimuler cette nouvelle offre, la municipalité organisait en septembre 2004
un premier Festival de la Plongée à Kalymnos. Un événement désormais annuel, dont
la troisième édition s’est déroulée en août 2006.
43 D’autres projets sont évoqués, telle la création d’un parc naturel marin accessible au
plongeur entre le cap Arginonda et l’île de Télendos ou encore l’ouverture d’une école et
d’un centre de plongée ouverts aux touristes plongeurs avec l’ambition de faire de
Kalymnos une capitale européenne de la plongée sous marine. Malheureusement, la
Conclusion
44 Jusqu’à la fin des années 1990, le développement touristique à Kalymnos s’inscrivait
dans la logique de la célèbre formule des 3 S mais subissait la concurrence croissante et
hégémonique de ses puissantes voisines Kos et Rhodes ainsi qu’un contexte touristique
globalement moins favorable que durant la précédente décennie. Cependant, l’intérêt
que vont porter les grimpeurs européens sur l’île à partir de 1997, révélera le
gigantesque potentiel de l’île en matière d’escalade et y sera l’amorce d’un véritable
redéploiement touristique. Très rapidement ce sport de pleine nature s’y impose en
nouveau produit touristique et devient le symbole d’une destination se cherchant de
nouveaux débouchés et une image forte sur le marché toujours plus concurrentiel du
tourisme international.
45 D’ores et déjà, et alors même que les possibilités de développement de ce sport
semble à peine explorées, l’escalade est à Kalymnos, en passe de devenir aussi
important que le produit hélio-balnéaire. Largement financé par les fonds européens,
l’essor de cette filière touristico-sportive est porté par des professionnels kalymniotes
ou extérieurs de plus en plus nombreux et par les acteurs publics locaux qui cherchent à
l’inscrire dans une logique développement alternatif et durable. Cependant, certaines
orientations choisies ne correspondent pas tout à fait aux critères qui définissent ces
deux notions et laissent planer quelques doutes pour l’avenir.
46 Enfin, sans doute ne faut-il pas voir dans le choix du développement de la filière
touristico-sportive à Kalymnos, l’expression d’une totale remise en cause des formes
plus traditionnelles du tourisme dans les îles grecques ; pas plus qu’il ne faut y
percevoir un quelconque conflit entre d’une part une forme de tourisme actif et d’une
certaine manière élitiste et d’autre part des pratiques touristiques plus convenues,
essentiellement motivées par la mer, le soleil, le farniente, le bronzer soit disant idiot...,
et trop souvent qualifié avec une grande dose de mépris de « tourisme de masse ». Au
contraire les produits de tourisme sportif au premier rang desquels, ici l’escalade et
peut-être demain la randonnée et la plongée... s’inscrivent en complémentarité avec les
atouts et les formes de pratiques touristiques qui ont traditionnellement assuré le
succès des destinations méditerranéennes depuis les années 1960.
47 D’ailleurs, consciente de la nécessité de renforcer l’offre balnéaire et bien que
soutenant avec beaucoup d’énergie le développement de l’escalade, la municipalité
kalymniote a entrepris au printemps 2004 de recharger en sable de nombreuses plages
(Kantouni...) d’en agrandir certaines (à Télendos...) voire même d’en créer de nouvelles
(Skalia...) !
Bibliographie
BRIGAND Louis (1991). - Les îles en Méditerranée, enjeux et perspectives, Les Fascicules du
Plan Bleu, Paris, Economica, 98 p.
DEWAILLY Jean-Michel (2006) - Tourisme et Géographie, entre pérégrinité et Chaos ? Paris,
L’Harmattan, Coll. Tourismes et sociétés, 221 p.
DORVILLÉ Christian - dir. (2006) - Sport en Nord, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires
du Septentrion, Coll. Sport et Sciences sociales, 212 p.
KOLODNY Emile (1974) - La population des îles de la Grèce : Essai de géographie insulaire
en Méditerranée orientale, Thèse, Aix en Provence, EDISUD – CNRS, 3 tomes, 340 p. + 490 p.
+ 1 atlas.
PIGEASSOU Claude (2004) – Le tourisme sportif : une réalité sociale aux contours incertains.
In : Sobry Claude, Le tourisme sportif, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du
Septentrion, Coll. Sport et Sciences sociales, p. 33-66.
PNUE/PAM, (2005) - Rapport de l’atelier sur le tourisme et le développement durable en
Méditerranée (Antalya, Turquie 17 – 18 Septembre 1998), Athènes, MAP Technical Reports
Series n° 126, 98 p.
PNUE/PAM (1999) - Dossier sur le tourisme et le développement durable en Méditerranée,
Athènes, MAP Technical Reports Series n° 159, 122 p.
SPILANIS Ioannis (1985) - Tourisme et développement régional : le cas de la Grèce, Thèse,
Études Européennes et Internationales, Université des sciences sociales de Grenoble.
SPILANIS Ioannis (2003) - Tourisme et développement durable en Méditerranée : la Grèce,
contribution dans le cadre du Livre blanc du Plan bleu, PNUE – PAM.
SCOL Jean (2004) – Développement touristique et dynamiques démographiques en Grèce :
L’exemple du département insulaire du Dodécanèse et de ses îles, Espace, Populations,
Sociétés, n° 2003-2, p. 277-290.
DOI : 10.3406/espos.2003.2081
SCOL Jean (2001) - L’excursionnisme à Psérimos : Comment et pourquoi une toute petite île
du sud-est de l’Égée est devenue un arrière-pays touristique pour les îles de Kalymnos et de
Kos (Dodécanèse, Grèce)., Cybergeo : European Journal of Geography, Espace, Société,
Territoire, article 182, mis en ligne le 13 décembre 2000, modifié le 03 mai 2007.
URL : http://cybergeo.revues.org/index4513.html.
DOI : 10.4000/cybergeo.4513
SCOL Jean (1994) - Les relations touristiques entre l’Europe du Nord-Ouest et l’archipel du
Dodécanèse : Mise en œuvre, nature et conséquences du tourisme international sur un espace
insulaire de Méditerranée Orientale, Thèse, Université de Lille I, U.F.R de Géographie et
d’Aménagement, 2 tomes, 450 p.
SOBRY Claude – dir. (2004) - Le tourisme sportif, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires
du Septentrion, Coll. Sport et Sciences sociales, 384 p.
THEODOROPOULOS Aris (2004) - Rock climbing guide Kalymnos, (en anglais, grec,
allemand, français et italien), Athènes, Publications de Acharnes Alpine Club, 195 p.
TSARTAS Paris (1998) - La Grèce : Du tourisme de masse au tourisme alternatif, Paris,
L’harmattan, Coll. Tourismes et sociétés, 237 p.
Notes
1 Dodécanèse vient de dodéca = 12 et nissia = îles : en grec Δοδεκανισα (prononcer
« zozécanissa ») = les « douze îles ».
2 Dans sa thèse de géographie consacrée au tourisme dans l’archipel (Jean Scol 1994), l’auteur
recense plus de 300 îles, îlots et rochers insulaires dans le Dodécanèse.
3 Les Italiens prennent le Dodécanèse aux Turcs Ottomans en 1912, et en font un département
italien (il possidemento del Egéo), il le restera jusqu’au rattachement officiel de l’archipel à la
Grèce le 7 mars 1948 (Enossis). Cependant, dans les faits, les italiens furent remplacés dès
1943 par les troupes d’occupation allemandes et enfin par les forces alliées (britanniques) de
1944 à 1947.
4 Rhodes et Kos concentrent à elles deux 98 % de la fréquentation touristique étrangère dans
l’archipel.
5 Dans les îles de l’Égée, la Chora est le chef lieu historique bâti sur les hauteurs autour d’une
forteresse et relié par une route en escalier à une marine (petit port) portant souvent le nom de
Skalia (l’escalier, les échelles...)
6 Kalymnos est une « île – dême », c'est-à-dire que bien que comptant une dizaine de localités,
l’île ne constitue qu’une seule entité municipale dite à caractère urbain. Par ailleurs, un certain
nombre d’îles et d’îlots comme Télendos, Nissiros ou Agios Kiriaki... lui sont
administrativement rattachés pour constituer l’unité insulaire de Kalymnos. (cf. E. Kolodny,
1974)
7 Source : ONHT - Organisation Nationale Hellénique du Tourisme- (en anglais GNTO : Greek
National Tourism Organization ; en grec EOT : Elleniko Organismo Tourismo)
8 Cette donnée est officieuse car depuis 1997, il ne nous a plus été possible de trouver des
statistiques officielles (émanant de l’ONHT) concernant les arrivées touristiques à Kalymnos.
9 9 Longtemps restée à l’écart des flux du tourisme international, l’île de Karpathos s’est
imposée comme la troisième destination de l’archipel depuis la fin de l’année 1990. Son succès
s’explique par son caractère traditionnel et l’aspect sauvage de ses paysages.
10 Longtemps restée à l’écart des flux du tourisme international, l’île de Karpathos s’est
imposée comme la troisième destination de l’archipel depuis la fin de l’année 1990. Son succès
s’explique par son caractère traditionnel et l’aspect sauvage de ses paysages.
11 À moins de 3 heures de navigation au nord de kalymnos, Lipsi et l’ensemble des toutes
petites îles qui forment l’archipel du même nom (en grec, on parle des « îles Lipsi ») forment
un espace micronésique particulièrement protégé des excès de la modernité (il n’y a presque
pas de voitures à Lipsi et encore moins à Arki !) et de ceux du tourisme (quelques centaines de
touristes par an, souvent des habitués qui ne recherchent pas l’ambiance festives du tourisme
balnéaire organisé).
12 Le terme « tourisme de masse » désigne ici le grand nombre de touristes et ceci sans porter
de jugement de valeur. Le terme est placé entre guillemets car l’auteur se méfie d’une
expression galvaudée trop souvent utilisée avec un certain dédain pour désigner une forme de
tourisme réputée « pour tous » ou tout au moins pour les classes dites moyennes et populaires.
13 La ligne régulière A/R : le Pirée - Patmos - Léros - Kalymnos – Kos – Rhodes était jusqu’en
juin 2004, assurée deux fois par jour par les compagnies DANE et GA. La faillite de la
première laisse le monopole de la desserte de Kalymnos à la seule GA qui exploite aussi une
liaison hebdomadaire entre les Cyclades et le Dodécanèse avec une escale à Kalymnos.
14 En fait, un aéroport est en construction depuis plus de 10 ans à Kalymnos près de la localité
d’Argos (voir carte). Sa réalisation fut considérablement retardée par de longues interruptions
du chantier liées à de graves problèmes techniques et financiers. De gigantesques travaux de
nivellement ont tout d’abord été effectués pour réaliser un plateau artificiel nécessaire à
l’aménagement des pistes. Celles-ci ont été macadamisées il y a plusieurs années ; mais il fallu
attendre l’hiver 2004 – 2005 pour que soient entamés le chantier du terminal et les derniers
travaux nécessaires au fonctionnement du site.
15 Les statistiques officielles de l’ONHT comptent par exemple, plus d’un million de
ressortissants albanais dans les arrivées du tourisme international en 2003. Or il est probable
que ces Albanais ne soient pas des touristes mais de véritables réfugiés ou migrants
économiques ou politiques.
16 En septembre 2003, une note des agences de l’EOT à l’étranger estimait que l’année se
terminerait en enregistrant une baisse de 2 à 3,5 % de la fréquentation étrangère par rapport à
2002. Une autre information publiée par le Service National de la Statistique (ESYE) relevait
quant à elle une chute de 15,5 % de la fréquentation des sites et musées grecs pour la même
période.
17 Dès septembre 2004, le président de l’association des voyagistes grecs (Hatta) estimait que
par rapport à 2003, la fréquentation touristique dans le pays reculerait de 5 % en 2004.
18 Cf. Organisation Municipale des Sports de Kalymnos.
19 Alp. n° 168, avril 1999
20 Rotpunkt. février 1999
21 Kalymnos est connue depuis l’Antiquité pour être la patrie des pécheurs d’éponges. Cette
activitassura la prospérité de l’île jusqu’à une période récente mais n’y recouvre plus guère
aujourd’hui qu’un caractère presque anecdotique. Pourtant la pêche à l’éponge reste « l’image
de marque » de l’île ; celle sur laquelle s’appuie encore l’essentiel de la promotion touristique
de l’île.
22 Cf. Plaquette de présentation et site Web de l’Organisation Sportive Municipale de
Kalymnos (Municipal Athletic Organization of Kalymnos) « Kalymnos un paradis de
l’escalade en Égée » (Kalymnos a rock climbing paradise in the Eagean) Kalymnos-isl.gr /
2005)
23 Cf. Site Web lafuma.com
24 Cf. Intervention de Catherine Destivelle à Kalymnos lors du premier « Rock Climbing
Festival » de Kalymnos en octobre 2000.
25 Cf. High Moutain sports 8/2000.
26 Cf. Rock&Ice 2, 3/2001.
27 Cf. Vertical n° 32, 4/2003.
28 Cf. Courrier International n° 777 du 22 au 28 septembre 2005 pages 66 et 67.
29 Programme Européen de Développement des Régions Périphériques 2000-2006 : PEP
Égée du Sud – rubrique 3.5 pour le développement du tourisme alternatif
30 Aris Théodoropoulos est originaire du Péloponnèse et a joué depuis la fin des années 1980,
un rôle important dans le développement des sports de montagne en Grèce. Il est l’auteur du
« Guide d’escalade de Kalymnos ».
31 Cf. Compte rendu du premier Rassemblement International d’Escalade de Kalymnos par
Aris Theodoropoulos.
32 OMSK : Office Municipal des Sports de Kalymnos.
33 Chaque secteur compte plusieurs voies équipées. La plupart des parois semblent être des
miroirs de failles ; ce que laisse d’ailleurs supposer l’histoire tectonique agitée du secteur. On
sait par exemple, qu’au 6ème siècle de notre ère un violent séisme a secoué l’île durant
plusieurs jours, provocant l’effondrement et l’engloutissement sous la mer de l’isthme reliant
jadis Kalymnos à ce qui devint alors l’île de Télendos.
34 Théodoropoulos, A., 2004. A ce jour (03/ 2007) ce guide constitue la seule source fiable
pour la localisation des voies et leur descriptif. D’autres secteurs et de nouvelles voies sont
apparus depuis la fin de l’année 2003 mais nous ne disposons pas encore des informations
nécessaires pour les décrire.
35 Cf. Aris Théodoropoulos 2004.
36 En France, la difficulté des voies (la cotation) est signalée par un chiffre de 1 à 9 (1 = facile,
2 = peu difficile, 3 = assez difficile, 4 = difficile, 5 = très difficile, 6 = extrêmement difficile, 7 et
8 = abominablement difficile, 9 plus qu’abominablement difficile (sic..)) et une lettre de a à c.
Par exemple, ... < 3a < 3b < 3c < 4a < ... Parfois on ajoute un + pour signifier que la voie est un
peu plus difficile sans pour autant être du niveau supérieur (6b < 6b+ < 6c) ; on peut aussi
donner deux cotations (5c/6a), par exemple si les prises sont difficiles à atteindre pour les
petits. Dans la pratique, les cotations démarrent généralement au 4 voire 3, le 1 correspondant
historiquement à la station horizontale dans l'esprit de l'inventeur de cette échelle,
Welzenbach. Il existe d'autres échelles de cotation, notamment aux États-Unis, en Angleterre
et en Australie.
37 Petzl est une marque d’équipements de sports de montagne.
38 Cf. Jean Scol : « Développement touristique et dynamiques démographiques en Grèce :
L’exemple du département insulaire du Dodécanèse et de ses îles. », Espace, Populations,
Sociétés, n° 2003-2.
Titre Photo 2
Légende Grimpeurs en action sur « Kalenka »
Crédits Jean Scol, 04/2005
URL http://journals.openedition.org/tem/docannexe/image/364/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 84k
Titre Photo 3
Un exemple de bornes de balisage des secteurs d’escalade érigées
par la municipalité kalymniote. Ici la borne du secteur Kasteli (n° 17),
Légende lui-même situé en contrebas de la route et non visible sur la
photographie. En arrière-plan, on aperçoit la péninsule d’Arginonda et
les nombreux secteurs d’escalade qui surplombent la mer entre les
localités de Skalia et d’Emporio.
Crédits Nathalie Scol 08/2004
URL http://journals.openedition.org/tem/docannexe/image/364/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 72k
Titre Photo 4
Le secteur d'escalade d'Aghios Fotis (n° 37), au Sud-ouest de
Légende Kalymnos. On y aperçoit très nettement les parois surplombant la
chapelle et sur lesquelles sont équipées de nombreuses voies.
Crédits Jean Scol, 04/2005
URL http://journals.openedition.org/tem/docannexe/image/364/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 168k
Auteur
Jean Scol
Géographe
Maître de Conférences - Université de Lille 1
UFR de Géographie et d’Aménagement
Laboratoire Territoires, Villes, Environnement et Société (TVES), EA 4019
Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur le Sport et le Tourisme (GIREST)
Jean.Scol@univ-lille1.fr
Droits d’auteur
Territoire en mouvement est mis à disposition selon les termes de la licence Creative
Commons Attribution 4.0 International.