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Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2016 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
sarcophages et des stèles examinés par Cumont– et celui d’Arthur Darby Nock dans
l’American Journal of Archaeology de 1946 – un long article, souvent confus, marqué par
d’interminables tergiversations, dont on n’a généralement retenu, depuis lors, que
l’affligeant scepticisme, débouchant le plus souvent aujourd’hui, chez ceux qui s’y
réfèrent, sur un rejet systématique de toute interprétation symbolique. On rappellera
que Cumont suivait dans son livre, à travers différents mythes judicieusement choisis
par les concepteurs de ces sarcophages, les étapes successives de l’ascension de l’âme
après la mort (“Himmelsreise der Seele”) et sa survie dans les sphères célestes – une
théorie, on le sait, d’origine pythagoricienne.
Il ne saurait être question de revenir ici sur les prises de position de ceux qui se
refusent, en dépit des savants développements de Cumont, à interpréter ces mythes
dans un sens eschatologique ; disons simplement qu’ils les considèrent, au même titre
que ceux qui figurent dans les maisons de l’époque, comme un simple décor de vie : Mit
Mythen leben, “Vivre avec des mythes”, écrit Paul Zanker dans un volume sous-titré Die
Bilderwelt der römischen Sarkophage qui a eu un grand succès dès sa publication en
2004 et a été traduit depuis lors en italien et en anglais. Mais il ne s’agit pas, dans le
domaine funéraire, des mêmes mythes ou des mêmes moments de ces mythes ; il y a bien
lieu d’y prendre garde. Et il ne faut pas non plus généraliser ce que Cumont a écrit de
certains mythes – il y insistait lui-même dans sa préface (p. II) – et l’appliquer à
l’ensemble de la production de sarcophages. À cette différence de mythes correspond
une évidente différence de signification : ce n’est pas dans le même but que l’on choisit
de placer au front de ces monuments le mythe de Méléagre, voire celui des Niobides,
victimes d’un destin tragique, ou celui d’Endymion auquel apparaît Séléné dans son
sommeil et qui prend sur ces cuves les traits mêmes du défunt, assimilé de la sorte au
pâtre aimé par la déesse ; et ce ne sont assurément pas les mêmes commanditaires qui
se font représenter, sur d’autres cuves encore, dans des scènes toutes romaines d’allure
témoignant de leur virtus, de leur pietas envers les dieux, de leur clementia envers les
vaincus et de la concordia qui règne dans leur couple. On ne négligera donc pas l’aspect
sociologique du problème.
Pour tenter de réhabiliter ce magnifique volume, un volume qui s’inscrivait dans le droit
fil de la Psyche d’Erwin Rohde et en proposait en quelque sorte un pendant romain,
notre Introduction a souhaité proposer aussi quelques clés. Sensibles à la faiblesse de
l’échantillon que représentent les sarcophages mythologiques de Cumont par rapport à
l’ensemble de la production connue sur un peu moins de deux siècles (environ 6
sarcophages par an seulement), sensibles aussi aux proportions également très faibles
d’épigrammes funéraires témoignant d’une croyance en une immortalité astrale
(environ 4,6 % selon les décomptes de Gabriel Sanders : elles “ne sont pas nombreuses,
mais sincères”, écrivait-il en 1960), nous nous sommes ralliés à l’idée déjà entrevue par
certains (A. W. Byvanck, en 1956 et 1960 ; D. E. E. Kleiner, en 1988), mais jamais
systématiquement démontrée, que ces cuves à décor mythologique étaient les
sarcophages d’affranchis, dont on sait la place importante – et souvent la richesse – dans
la société romaine des IIe et IIIe siècles. On ne négligera certainement pas leur rôle dans la
diffusion de l’inhumation et l’apparition des sarcophages mythologiques : les
sarcophages les plus anciens que l’on connaisse en Italie et qui portent une inscription
donnant le nom du défunt ne sont-ils pas justement ceux d’affranchis originaires des
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Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2016 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
Jean-Charles BALTY
27 mai 2016
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