3 - La garde à vue
A) Définition
1
Ministère de la justice, Traité de procédure pénale (en arabe), Editions de l'association de publication de
l'information juridique et judicaire, 2ème éd., T.I. Rabat, 2004, p. 122.
2
C. cass. arr. n° 475, 25/01/2001.
Le législateur français est intervenu le 14 avril 20113, il définit la garde à
vue comme« une mesure de contrainte décidée par un O.P.J. sous le contrôle de l’autorité
judiciaire par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs
raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit
puni d’une peine d’emprisonnement et maintenu à la disposition des enquêteurs ».
Le professeur Khamlichi assure que les règles qui commandent cette mesure
« sont impératives, imposées directement par la loi afin de garantir le bon déroulement de la
procédure, loin de toute marge de choix ou de recours à un quelconque pouvoir
discrétionnaire »4.
L’efficacité des enquêtes suppose donc en général, le maintien à disposition de
toute personne entre les mains des enquêteurs. Il semble que c’est la solution adéquate, mais
dangereuse pour les libertés individuelles, afin d’éviter la disparition des preuves, et aussi la
fuite des auteurs soupçonnés d’avoir commis une infraction. Mais il faut éviter la garde à vue
de « confort », c’est-à-dire que l’O.P.J. recourt à cette mesure juste pour avoir l’intéressé sous
ses mains s’il a besoin de l’interroger, elle doit donc être justifiée.
3
Loi n° 2011-392.
4
Khamlich Ahmed, traité de procédure pénale (en arabe), t. I imprimerie Almaârif Aljadija, Rabat, 1999, p. 295.
C) Les conditions de validité
Comme il est dit précédemment, les textes régissant la garde à vue manquent
de précision quant aux personnes concernées par cette mesure. Dans l’attente d’une réforme
du législateur, le bon sens nous amène à dire que l’O.P.J. ne doit avoir droit à placer un
individu en garde à vue que lorsque il y a des indices ou des raisons plausibles de soupçonner
cet individu. Si cela fait défaut, cette mesure risque d’être dénuée de fondement, c’est-à-dire
arbitraire réprimée au titre de l’art. 225 du code pénal. Elle risque aussi de porter atteinte à la
présomption d’innocence. La règle est d’une importance capitale car elle est prévue au titre de
l’article 21 de la constitution qui dispose que « Nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou
condamné en dehors des cas et des formes prévus par la loi.
La détention arbitraire ou secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus
grande gravité et exposent leurs auteurs aux punitions les plus sévères (…)
La présomption d’innocence et le droit à un procès équitable sont garantis. Toute
personne détenue jouit de droits fondamentaux et de conditions de détention humaines (…) ».
La question est de savoir quels sont ces indices ou ces raisons plausibles
permettant de mettre une personne en garde à vue. Deux hypothèses peuvent constituer le
fondement de cette mesure.
D’un côté, la garde à vue ne peut concerner que l’individu ayant un rapport
avec l’infraction. Le bon déroulement de l’enquête exige la mise en garde à vue de la
personne, à savoir la recherche des moyens de preuves, et l’identification des auteurs de
l’infraction. Ainsi, tout individu ayant la moindre relation avec l’infraction, pouvant apporter
une contribution quelconque aux recherches, ou tout simplement tout suspect, peut être placé
en garde à vue.
De l’autre côté, pour protéger les libertés individuelles, la garde à vue ne peut
être décidée que lorsque la personne ne présente pas de garanties suffisantes pour rester à la
disposition de l’O.P.J. qui mène une enquête, mais cela ne peut se concevoir que dans le cas
des délits, car il serait plus difficile de laisser en liberté une personne soupçonnée d’un
homicide volontaire.
Cependant, dans l’état actuel du texte, les libertés individuelles semblent être
menacées par la mesure de la garde à vue. La condition de nécessité prévue par les articles 66
et 80 C.P.P. est ambigüe, car c’est l’O.P.J. qui apprécie au final si la garde à vue est
nécessaire ou non, mais selon quels critères ? Certes, le contrôle opéré par le procureur du Roi
ou le procureur général du Roi et la chambre correctionnelle de la Cour d’appel semble être
une garantie. Mais dans la pratique la seule protection du droit à la sûreté semble être la
conscience de ces officiers quant à la gravité de la mesure de la garde à vue et quant au
respect des instruments internationaux des droits de l’homme.
b) Information de la famille
La famille de la personne gardée à vue doit être informée par tout moyen et
mention de cet acte doit figurer sur le P-V.
Avant la loi du 22-01 de 2002, ce droit n’était pas reconnu au gardé à vue. La
réforme a permis donc l’intervention d’un avocat lors d’une mesure de garde à vue.
Quel est son rôle ? A-t-il des prérogatives équivalentes à celles dont il
bénéficie au cours de l’instruction : présences aux auditions, interrogatoires, connaissance du
dossier ?
L’art. 66 C.P.P. fait du contact d’un avocat un droit de l’individu gardé à vue
qui en bénéficie, « cette assistance permet d’étendre, timidement, les bases du procès
équitable dès l’enquête de flagrance »5mais il a limité ce droit quant au moment de son
exercice. Cet article énonce que : "la communication se fait avec l'avocat avant la fin de la
moitié de la durée principale de la garde-à-vue".
Cependant, deux exceptions sont apportées à ce régime général, la première
relative aux mineurs pour qui la lecture de l’article 460 C.P.P. permet de déduire qu’aucun
moment de l’intervention n’a été fixé, ce qui signifie que les mineurs ont le droit de
s’entretenir avec un avocat dès le début de la rétention.
La deuxième exception consistait à décaler le moment de l’intervention lorsque
l’enquête porte sur les infractions terroristes et certaines infractions énumérées par l’article
108 C.P.P. Dans ces cas, l’intervention ne doit pas dépasser 48 heures à partir de la première
prolongation qui est d’une durée de 96 heures.
La question qui se pose est dès lors de savoir la nature de l’intervention de
l’avocat au cours de la garde à vue.
Les pouvoirs de l’avocat à ce stade sont limités. En premier lieu, ils sont
limités dans le temps, puisque le client ne peut s’entretenir avec son avocat que dès la
première heure de la prolongation de la garde-à-vue pour une durée qui ne dépasse pas 30
minutes, sous le contrôle de l’O.P.J. et dans des conditions qui garantissent la confidentialité
de cet entretien (art. 66, al. 5 C.P.P.).
En second lieu, l’avocat n’a le droit ni d’avoir accès au dossier de la personne
gardée à vue, ni informé de la date présumée de l’infraction reprochée ni de sa nature, ni
d’assister aux interrogatoires, ni d’être informé des résultats de l’enquête qui a été réalisée. A
cet effet, sa mission se résume à vérifier les conditions dans lesquelles se déroulent la garde à
vue, et il se base uniquement sur les dires de la personne mise en cause.
De ce fait, il est difficile de parler d’une véritable défense comme celle qui
existe pendant l’instruction où l’avocat est appelé à assister à l’interrogatoire de l’accusé et a
le droit à un accès direct au dossier de celui-ci.
5
Mohammed-Jallal ESSAID, op. cit. P. 70.
C’est dire que cette assistance se limite à un dialogue entre le conseil et son
client, l’avocat ne pouvant participer aux différentes opérations effectuées par la police
judiciaire, en particulier aux interrogatoires et aux confrontations.
Il n’en demeure pas moins que les attributions reconnues à l’avocat sont moins
négligeables :
Le législateur impose que soit établi l’ensemble des actes accomplis par
l’O.P.J. pendant le placement d’une personne en garde-à-vue par deux moyens essentiels : le
registre et le P-V. L’a. 66, al. 11 C.P.P. dispose qu’ : « un registre, côté et paraphé par le
Procureur du Roi, doit être tenu dans tous les locaux susceptibles d’accueillir des personnes
placées en garde-à-vue ». Il y sera fait mention de l’identité de la personne retenue, des
motifs de sa garde-à-vue, l’heure du départ et de la fin de celle-ci, le temps des
interrogatoires, les moments de repos, l’état physique et de santé de la personne et la
nourriture qui lui a été offerte (al. 13).
La règle est qu’il est mis fin à la garde à vue soit par la fin du délai légal, soit
par une décision de l’O.P.J. ou du ministère public avant l’écoulement total du délai légal en
raison de la disparition du besoin qui la justifiait.
En principe, la présentation d’une personne au ministère public doit mettre fin
à sa garde à vue. Lorsque le procureur du Roi procède à l’interrogatoire d’un suspect, il ne
possède à l’issue de celui-ci que deux options : libérer la personne ou faire en sorte qu’elle
reste retenue à la disposition de la justice, en présentant un réquisitoire aux fins d’information
assorti d’une requête de mise en détention préventive ou en ordonnant un dépôt jusqu’à ce
qu’il soit déféré devant le tribunal (art. 47, et 74 C.P.P.).