Faut-Il Sauver Le Liberalisme - Parte 1

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J Plosopie ‘arto arpa Alan Rea Po n Pe Hr Tc JURGEN HABEROMAS — Lithique dea discussion ta ‘question dela verte. Dscstion anime par ParckSvida ALERT JACQUARD, PIERRE SANENT, ALAIN RENAUT — ‘Ue uation sans autorité ni sanction? {J0uN R, SEARLE — Liberté et neuroioloie.Resions sul Tie rb, langage et pouvoir GILLES UPOVETSKY et SEBASTIEN CHARLES — Les temps permodernes JEAN-PAULFITDUSSI — La democratic Te marché NICOLAS WEILL — La République etlesantisémites LVUCPERRY et MARCEL GAUCHET — Le elise apis la religion ’ [ALAIN RENAUT et CHARLES LARMORE— Deébat sur ethiqu. ‘eatin ou alse BERNARD FOCCROUILLE, RONERT LEGROS,T2VETAN TODOKOY ~ Ta nassance de individu dans art, PASCAL ENGEL et RICHARD RORTY—~A quof bon a wsté? HELENEDUEUILLET —Le psychanalyse est un umaniome FAUT-IL SAUVER LE LIBERALISME ? “OLLEGEDE PHILOSOPHIE MONIQUE CANTO-SPERBER NICOLAS TENZER BERNARD GRASSET PARIS Monique CAN1 SPERBER LB LIE Vambition d'une soc des plus démunis ruse faire Vespérionce d'une erase Ub Le combat antilibécal, dont plusieurs mouvements altermondialistes et la plu part des conrants de la gauche politique se sont fait une image de marque, est une impasse. Le consensus antilibéral est mal- heureusement devenu & présent en France a siste, conservatrice et populiste, comme fologie composite des pensées progres- des formes nationalistes et rétrogrades duu républicanisme. Mais Phostilité an libéra- Tisme qui tend a se faire passer anjour @hui pour et exprime une forme de bien-pensance wtitude morale par défaut de plus en plus répandue, ne sert ni 2 comprendre Je monde contemporain ni 2 agir sur lui B bérale est la Prétendre que la pensée we et cause unique du désordre éeonomi du désarroi 8 cial, prétendre aussi que le mde juste passe par contre Je libéralisme, seul espoir d'un Ta Tutte achan c'est se tromper Cadversaire, ignorer le terrain ot Ie combat doit se livrer et gquelles sont les seules armes encore cfficaces. Liennemi n'est: pas le libéralisme, tune forme redoutable de eapitalisme, pre datrice et lourde Cinstabilité. Le terrain n’est plus un monde calfeutré, oft chaque Etat est libre de choisir son style d'éo- nomi, mais un monde ouvert od les choix des uns sont aussitét sanetionnés par Tes autres, Les armes les plus eré- ibles sont des modes de régulation et des pratiques de gouvernance, qui ont &é Alaborés au sein de Ia tradition libérale. Crese du libéralisme que sont issues les formes pathologiques de Duleralibéralisine aujourd'hui. Mais c'est du libéralisime aussi que vie ent Ies meilleurs outils pour les combactre. Les idées libérales sont done 4 1 lu fois Pune des sources du probleme et + solution Loin d’étre & Vorigine des maux de la contemporaine, le libéralisme peut allvir ume voie pour leur résolution. TL tun sens réel & la volonté d’éman- cot «pation et d’autonomie des étres humains. HW permet de donner une expression nes. TL sert camwrite & Ia liberté des perso Ietinie des régulations qui sont psyeho- jwement et Geonomiquement réalistes. 1 contribue A laborer Tes mormes qui tieament compte de ces traits fondamen- tauy de Pindivida moderne que sont le rovit de Vinitiative, In eréativité, Te sens dle Peffort ow da risque. Enfin, il fournit Ie Wwereau conceptuel qui confre un fone a collective adéquat aux valew ties et intériorisées sa dt Kihéralisme répond & ne interrogation «ensemble sur le statue de la person ition Ia plus générale, le et Pautonomie de ses activités. La ques- ‘ium olé @aujourd'hui ne serait done pas savoir comment sortir du ibéralisme cy mais plutée de savoir comment y entrer enfin’ Dans les pages qui suivent, je moncrerai que le libéralisme permet de comprendre Vévolution da monde contemporain, d’avoir une prise sur elle et d'y répondre, Face aux problemes dramatiques que pose Vaffaiblissement de la démocratie dans Ta société moderne, fa sociales acerues qui privent de nombreux. individus des atouts leur permettant , fac aux forces Véchelle du monde, aux disparités de maitriser leur v impersonnelles qui, tendent & priver Paction humaine d'me fficacité, face aux menaces dont international est gras, le libéra- lise, le libéralisme vempé valeurs et des rgles, pour h soucieux des equel je plaide, ne ressource politique, intellectuelle ot morale. Paya 1900 16 Ce quest la pensée libérale Aqu elle, A quelles exigences sociales e¢ politiques correspond engagement libéral ? Quels sont les dan- gers majenrs visant Ta personne humaine ot la socigis des hommes qu'il veut ée ter ? Présenter ees enjeux vivants est sans le le nécessité intelle doute le meilleur moyen de faire s défi intellectuel et moral que représente le libéralisme La force des idées libérales tient A la convietion qu'il est possible d'exereer une influence sar Phomme, de le eiviiser. Les moyens de ce processus sont [intério- ation risation des normes collectives et I’ A penser qu'il est nécessaire dimposer des Timites et des gles aux comportements humains. Les normes de la coopération émer- gent des interactions entre les hommes, puis, lune fois stabilisées, sont capables de les contraindre. Le libéralisme écarte rés0- Tument tout projec utopique de changer homme et d'imposer par Ia force des formes de socidts jug nu meilloures. Le eur de la pensée libérale consiste en Ja défense dle Ia liberté personnelle, définie 7 ‘comme absence de domination. La concep- tion libérale de la liberté personnelle n'est pas devenue une idée dogmatique et plate dus seul fait quelle a triomphé dans toutes Tes démocraties libérales. Elle conduit encore & pouvoir légitimement protester devant Pingérence Paucrui dans sa propre vie et A refuser d’étre soumis & Parbitraire de quiconque Dis le Xv0" siele, In pensée libérale a également pris corps autour de V'idée qu'il existe une sphire sociale, ow société, dis. tinete de I laquelle les activités humaines sone auto- nomes et libres. Le libéralisme s'est ensuite incarné dans un ensemble de theses Ii 4 Ia nature de l'ordre politique, & la ration des pouvoirs, theses qui tui ont donné son visage familier. Le ibéralisme défend enfin le réle des représentations, des médiations, des délégations qui, a cé1é de la démocratie des forces vives, plaident pour une démocratie comme technique et institution, En co sens, les idées de délibération commme ou de débat public forment le prolongement natuzel de la ceroyance libérale en la possibilis 18. par la discussion libre et Péchange dles opinions mieux justifiges quil est the vi Hw des intGréts mieux compris wails de compéter et de co te combat libéral pour Fobtention des 116s publiques a exigé la mise en place de droit, d'un enga- rom eigen 1x le er «+ ake modes impersonnels de contréle. Nal tue pout enatretenir des atcentes Iigitimes, ion de sa personne et de s, sans Ta certitude qu'un trai- quitable sera appliqué & ses ndes, sans Vassurance qu'il lui sera jwouble de so référer & une gle publique ww pour tous. mn acquis fondamental du libé we que d'avoir constamment rappelé Fevidlenew qu dliversité des intéréts et des opinions. Un n'y a pas de société sans emer corollaire do In recomaissance ste ev inévitable pluralisme est T'accep- tution dane conflieenalité inréductible stuns la vie sociale, Sl y a tions et dPintérée wutlits, Un deuxitme corollaixe est que he mnces, valeurs et croyances des wersité d'opi- ily a nécessairoment 19 individus ne sont pas données sans lien, les peuvent & partir de leur dif mais férenciation initiale s'influencer, s'amen- der, voire s'associer. La grande force du libéralisme est de situer la donnée de base du probléme de 'aecord social dans un hori zon d'immanence. La résolution des eonflits se fait dans un ordre proprement humain, sans intervention d'une autorité extérieure ni conformité & um modéle transoondant. Un autre point oii Ia pensée libérale a irradié sur tous les autres mouvements politiques a trait_an constat du besoin d'ghange, de commerce, comme l'on disait au xvi‘ sigcle, Torsqu’on incluait dans cette notion tout ce qui a trait a la cixcula- tion des biens et des idées, Cette condi Aéhange est aujourd'hui ers généra- Tement désignée comme le « marché ». Elle est apparue en méme temps que Mage moderne. Elle permet de faire I'épreuve de ce que valent les choses, de débusquer Jes impostures relatives aux valeurs, apprécier Tutilité de chaque produit et le besoin réel qui y correspond, Elle donne les moyens Waceéder aux informa. tions permettant d’apprécier la valeur 20 de ce qu’on fait ou de ce qu'on produit. La place centrale que le libéralisme reeon- nait a Péchango a pour conséquence que Ie libéralisme économique ne saurait étre Aissocié du libéralisme politique et cule rel. Ni Phistoire ni les concepts n’auto- risen la séparation de Ja liberté du citoyen de celle de Ventreprencur. Les libertés de posséder, dentreprendre et d'échanger donnent accés aux conditions les plus conerttes de la liberté individuelle. Li ot ces libertés sont absentes, il n'y a pas de société libre ‘Que F'état social doive étre amélioré est tune conséquence naturelle de la pensée ibérale. Loin des caricatures qui en sont données, celle-ci ne consiste pas & laisser aller le monde tel q I est pour pew que Ia possibilité de faire des affaires soit pré- servée. Les libéraux consSquents défondent ion de la liberté, qui n’est pas Ie laisser-faire mais la préservation pour chacun des conditions d’'an véritable agir dont ils souhaitent la diffusion dans toute Jn société. Ce qui implique d’influer sur la réalité sociale de fagon que la eapacité que chacim a d'étre autonome s'en trouve au | | accrue. Par ailleurs, les libéranx consi- derent qu'un état social se modifie par Yobtention de consensus, au terme de négociations, de compromis ou de transac- tions. L’idée libérale de réforme exprime done Vexigence de construire une légiti- mité sociale fondée sur Je consentement démocratique et qui refuse tout recours & Pautorité L'évolution des idées libérales Les idées liberté, de propriété, de société civile) ont hérales (individu, de connn, dés la fin du xix sitele, ume forme de coloration sociale. J’en ai retracé V'his- toire de maniére détailléc'. L'enj le refas de concevoir le libéi en fut alisme comme un mouvement asocial et politique. L'idée de l'individu libéral s'est progres- individua- sivement éloignée d'un str lisme. Un courant important du libéralisme 1. Maniue Caaespcar, Ler Rhy de ta bt, Pa, stest en effet atta dividu comme fagonné par les moyens sociaux dexistence que sont l'éducation, Ia réflexion critique menée en commun, la détibération publique, Ix participation civique, Vengagement dans des formes 16 & comprendre Pine existence collective. ar aillenrs, la définition de la liberté a progressivement inelus la prise en compte ‘les moyens qu’a la personne d’étre effecti- yement libre dans un monde donné. D'oit le terme de liberté xéelle, définie par la puissance ou les moyens d'agir, souvent utilisé pour désigner cette interprétation de Ja notion libérale de liberté. Car on ne saurait défendre Ja liberté comme une valeur fondamentale de la personne sans se soucter du fait que de nombreux indivie dus sont privés de cette liberté véritable. sre dont la Dans la mesure of Ia man liberté est répartie ne peut pas Sere sans définition méme de Ia ité de libereés en est conséquence sur iberté!, Vidéo dé 1. i iin dnd dn in eo die extant pa de rk Settnien ck Jo Rowe ta jue, 2B venue i exprimer exigence que des oppor cunieés dactions puissent revenir & tous, permettant & chacun de développer sa per- sonnalité dans la vie sociale. La propriété s'est, elle aussi, crouvée de plus en plus interprétée comme une insti- tution sociale, 1 faut en effet admetcre que la propriété, garantie de la liberté de ec base de la justice civile, est chi sociale par de multiples aspects, puisque les moyens qui permettent de la garantir et de la faire fructifer (systame jesidgns salariat) sont des mo de In sociésé. Par ailleurs, si la propriseé incame une valeur et une norme, on ne jons de sa distribution au sein de Ia société. Un défenscur d'ume distribution Ggale des libertés doit plaider pour des mesures per mettant de donner & tous Péquivalent en jr et en possibilités dinitiative pout dre indifférent aux cond rmoyens d Geonomique et sociale que Ia propriété nent. Uno telle ne signi- donne & cenx qui la dé socialisation de Vidée de propri fie aucunement que les propriétés devien- draient propriété de I'Btat ou de la 50% 24 mais qu'il est nécessaire de penser la pro- priété comme une institution lige & un sys- tame complexe d’obligations social Enfin, Vidée libérale de socié sexplicite naturellement en une concep. tion de Ia société comme ensemble de dettes et de devoirs interdépendants. On retrouve ici la réflexion libérale sur Tes biens publics dont ese isu 'Brat- providence. Les biens publies sont en effet les biens eapables d’assurer une vie décente aux individus et de leur permettre @'agir comme des eitoyens. L'idée que la sociéeé doit garantir des biens publics fondamen- taux considérés comme un da social est e libérale. De méme, T'idée d'une obligation mutuclle d'assistanice eontractée par les plus riches du fait méme de leur participation & une société commune est également venue de la pensée libérale. En prolongement, V'idée libérale de la société ne conduit aucunement & admettre quiume activité, celle de Véhange mar chand, doive préempter Ia totalicé de Pactivité sociale et rendre toutes les autres activités commensurables & ses propres rnormes. Lexistence d'un marché n'a pas 25 pour conséquence que tout bien soit rédue- tible & une marchandise Les diverses inflexions « socialisantes » e ne correspondent ni ‘que je viens de déeri A une adultération ni 8 un dévoiement des fdlées libérales. Biles exploitent plucdt le plasticité qui est propre & ces idées. AU out du compte, une telle évolution du Tbéralisme correspond & la névessité de relever un défi, le défi dune interpré tation normative du libéralisme. La socia- lisation progressive des idées libérales donner un sens eoneret & Pam- contribué bition du libGralisme de garantir les libertés des personnes mais de faire aussi cen sorte que ces libertés puissent étre rée lement exereées. D'une telle histoire, il faut retenir que le libéralisme n'est pas une essence poli- tique figée une fois pour toutes. Das le Xvit sigele, les thémes fondateurs du libé- ralisme sont définis : intégrité de V'indi- vida humain, respect de Pantonomie des activités sociales, immanenee des regles de Ja coexistence humaine, Mais lévolution interne des idées Jibérales enseigne clai- rement que Ie Libéralisme est un idéal 26 politique sous-déterminé qui pew fondir et recevoir des réalisat rentes selon Jes contextes sociawn politiques et économiques oi il se trouve exprimé. Cet approfondissement n'est en aucune fagon arbitraire par rapport & orientation inte du libéralisme. L’histoire des les montre que si la notion de aun noyau de définition stable domi a travers les époques, la signification concréce de ce qu'est un individu libre, de ce en quoi consiste une société libre pout se modifier en fonction des coutextes socio- Economiques, de la méme fagon que varient les formes de domination. I existe assurément une forme du libéra- Iisme, certains lappelleront « orthodoxe autres « réactionnaire » ow « ultralibé- rale», qui ne doit rien aux luttes sociales rmenées pendant plus d'un sitcle et ne tient gure compte du fait que les sociétés , de plus en plus complexes, ont acer de rationslisation et de modern un besoi régulation'. Par ailleurs, une tendance du tlle tlton dn hon aly pas Mayon Aron, as err ies (1969, Dar atte cl Dh ibéralisme s'est depuis longtemps montrée réticente a l'égard de Pexereice de la sou xeé du peuple, dans la erainte que celleci n’aboutisse & In tyrannie de la majorité et & une forme de radicalisation Aémocratique. Pareille erainte explique aque le libéralisme ait pu s‘accommoder de formes politiques non démocratiques. La manire dont, & rebours des réti- ences que je viens de rappeler, la tradi- tion libérale s'est progressivement engagée a défense de In démocratie et a, da non sans mises en garde et précautions, souten les luttes démocratiques est lun des accomplissements historiques da Libé- ralisme, Lorsque le libéralisme s'est 6troi- tement associé aux formes démocratiques et pluralistes de gouvernoment, il a d'une certaine fagon dépassé son indétermination politique radicale, Cela ne signifie pas que le libéralisme devait nécessairementse transformer en une conception politique démocratique, sociale et régulatrice. On pent assurément con voir des formes de libéralisme non démoera- tiques, non sociales et non régulatrices. Ces formes de libéralisme, que pour des 28 de commodité je désignerai sous le nom col- lectif d’ultralibéralisme ou d'idéologie da laisser-faire, défendent, a Pencontre du ibéralisme dont je me réclame, Ia libercé sans limites, V’individualisme sans monde social, l'économie sans ragles. Ces formes de libéralisme sont dogmatiques au sens strict it elles refusent tout pragmatisme, tout expérimentalisme en matitre de politiques publiques et ott elles refusent ce que j'ai appelé, faute de mieux, Ia « socialisation » des idées libérales. Je voudrais leur opposer ce que je concevrai comme une forme de ibéralisme modeme, un libéralisme qui considixe que le contenu coneret du pro- gramme libéral doit recevoir sa substance des Tutees menées aur nom de Pexigence de démocratie et d'une autonomie accrue des personnes. C'est le libéralisme que j'appelle de mes veux et que je désigne sous le nom de libéralisme des rgles et des valeurs. Ce ibéralisme procéde de ce que je qualifierai aussi de compréhension normative du ibé- ralisme, puisque son but intellectuel est de ‘comprendee de Ia maniére la plus complite ‘ce que signifie coverétement la eapacité du Tcbéralisme d’émanciper les individus et sa 29 capacité de garantir une véritable liberté aux personnes, quel que soit Ie milieu oi ces viens d’évoquer la genése se sont trouvées illuserées avee des accentuations diverses dans plusieurs mouvements_intellectuels ‘ituent surtout au centre de Ia seBne politique. Dans la moavance qui va du centre droit a la gauche, elles ont &é reprises par les courants libéraux républic ceains du début du sigele, par certains des mouvements de société qui se sont déve- loppés en marge de la deuxizme gauche dans Jes années 70, ainsi que chez Jes libéraux démocrates ot les libéramx sociaux. Pla- sieurs aspects des politiques, dalle par ‘Tony Blair et Gerhard Schriider s'en ins pirent. sea différentes entre elles, sui La pensée libérale en France Comment expliquer que le libéralisme soit aujourd'hui dans notre pays couvert 30 Copprobre et considéré comme Vexpres- sion d'une pensée résolument marquée & droite et directement inspirée par ee qu'on appelle en France les conceptions « anglo- sexonnes»? On doit s'étonner dun tel jugement dans Ia mesure of ailleurs qu'en France, et en particulier dans le monde anglophone, Ie terme liberal signifie « dé- mocrate» ef suggére une appartenance politique situge & gauche de Péchiquier. Une autre raison d'@tre surpris par la désapprobation proprement francaise dont le libéralisme est Pobjet tient au fait que In présence en France d'un Etat adminis- tratif fort et d’un pouvoir centralisé, dont les interventions dans l'économie sont déji Vieilles de plusieurs décennies (surtout dans les périodes covséeutives aux deux guerres mondiales), ont fortement modéré les options politiques libérales. 11 n'y a pas en France de forme pure on de forme Galtra du libéralisme, ce n'est_méme pas une possibilité politique concevable. La seale forme de libéralisme acceptable assoeierait done an culte de Ta loi ta reconnaissance d’um Etat incarnant 1a rationalité politique, Pintérét_ général et 31 Ja souveraineté du peuple". Au vu de ces faits, ne doit-on pas se demander pourquoi tant de haine envers le libéralisme ? On a souvent incriminé le fait que le « jacobinisme » frangais rendait difficile le développement d'une pensée libérale, mais plusiewss travaux récents ont amené 2 nuancer la réalité historique de la tradition jacobine en France?. De plus, le libéralisme frangais a été représenté au cours du xn sitcle par le libéralisme orléaniste. Ce yendant plus d'un si@cle une option politique majeure. Tou tefois, In présence politique considérable du libéralisme dans la vie politique fran aise n'a Jaissé que peu de traces sur Ia vie politique actuelle, méme au sein des mouve- 1, Raymond Aron, «Qutarge que le Ubéeslime CConnmtae, hvee 1598 199) 84 cen Jame, Lt “oe te porate di Urals fang, Pei sD 9 tater eta lo hes Orgies ple plus de tatome, Pat, Fayar 200. Deere Manon telCibrous tare, Het el. + Pav D6. Pe ondomone creas de lial fu fain in They de Miri La Proce dr nan Dori: PUP, 200, p 85:95. Un snd BVA tig portant ses 4 sealant des prams ss « hale (Eatin, 9 se wallet Se poitiq fo se, 2008 32 ments qui se placent & droite du spectre politique. A gauche, Ia situation est aussi peu explicable, Les idées individualistes et libérales ont eu une grande influence dans les premidres décennies du socfalisme fran- cais!, en particulier grace au proudho- nisme, Mais il faut constater qu’a gauche aussi cette tradition libérale s'est progres: si faraitre. Je ne peux ick Gtudicr en détail quelle est la part d’éléments fondamentaux, ow « struc turels », qai explique cot état de choses et quelle est Ja part d'éléments de circons- tance, dus aux situations historiques ou aux conjonctures particuliéres. Mais on peut constater qu’a gauche Peffacement progressif des idlées libérales est dé a la domination intellectuelle, dés le début du vot sitele, d'un marxisme vulgarisé, déter- riniste, qui efface peu & peu de la tradition socialise les apports proudhoniens, Hib atténuce avant de ct individualistes. A droite, la persistance du onapartisme et du traditionalisme conser- le, In. violente vvateur au cours du xix" s ecg Contos Rig de oto c. pe ire 33 critique que connurent les institutions de la démoeratie libérale dans les années 30, puis les circonstances exceptionnelles de Papr’s- guerre, soumis aux exigences de la recons- truetion, et enfin I'influence du gaullisine limitérent durablement la présence intel- leetuelle du libéralisme. A la prise en compte de ces héritages complexes liés & histoire de la France, il faut ajouter le constat d'une nette radicali- sation des clivages politiques & partiv des 70. Jusqu’a ce momentTi, le libé- ralisme Gait encore considéré tant bien que mal comme Tune des grandes tradi tions capables d’orienter les idées poli- iques, % droite comme & gauche, Un net infléchissement se produit apréy mai 68 avee V'spparition pu ;eloppement un discours dénonciateur anticapitaliste qui critique aussi bien Ia droite que le deuxitme gauche, la gauche dite alors «américaine » ou « libérale ». C'est & pare tir de ce moment-la que le libéralisme est systémaciquement assimilé aux formes les plus prédatrices du capitalisme. Une telle stigmatisation a eu pour effet de neutralic ser la force d'une tradition libérale & 34 gauche et de mettre Ia pensée centri Tibérale de droite dans tine postion culiérement inconfortable pour assumer son héritage Des traits propres & Ie culture fre concourent enfin & rédire encore at Chui Hinfluence des ides ibérales. La présence d'un Etat providence tend a faire considérer que I'Feae ese le prineipal fac- tear de proceetion, eapable de garantir Ia Iiberté des persomes, Notre ctlture natio- nale marge une nette préférence pour Ia sauvegarde des situations acquises qui entrainent aves elles des avantages, quite a Haisser & M6 =n pas de te La eonvietion est aussi largement parta- en France que les normes et les ne peuvent étre définies que par I phutot que par les socigtés ow les gr ments professionnels sles 1. Por eoapl, ls promis qu vane esr apo crsting mesentery Fee coor on Frans pur anerance cade, Male en snpatos lg ne Truvend acide hte aide tile que dans ie cones Focrivn din parla lye dan den entre apts Teta Le ence Fppant ave: Blots Te mle pres obese tere fa per tS poems Qe ps soetrt reer de ews ‘Seon. mat et pete de eras comparable 3 35 La tradition libérale reste anjourd'hui en France minoritaire % droite ct tr iche. Mais surtout Pévolu- rales au tion qu’ont connue les id6 cours de cc dernier sigcle et que jai retracée plus haut est largement- méeon- nue en France, Dune certaine fagon, le libéralisme yest plus earicaturé que jamais, L’idée libérale de V'individa est travestic en la conception d'un « homme- tome» complétement désocialisé, auto- , détaché de la producteur de hu rétif & to lien social et ballotté ée libérale natu au gré de ses préfiérences. L de liberté personnelle est comprise comme condaisant & Ja licence Ia plus totale, ott chacun fait ce qui lui plait. La concep: tion libérale du. marché et de P'échange en Tidée d'une jungle oit ceux qui parviennent & oceaper une posi- cst transform tion de puissance asservissent tous les autres. Liexigence libérale d'une rigle de droit est altérée en culte des procédures, ex contrats tatillons passés entre les fella gran tev et Praoce (por exemple & Tntrdcon ev chiqus pur lt elias et Genet mls). 36 hommes, effagant complétement Pidée de ce que sont un Tien social on un bien commun, Chacane de ees earicarures or respond A une trahison da libéralisme. Pour corriger cet ceat des liews, il fau drait certes mentionner la persormalité et Tes travaux Alain N JeanMaric Bockel & gauche qui se réclament Pun et Paucre explicitement de Ja tradition libérale, Mais lear influence idelin & droite et de politique ot intelloctuelle ne suffi pas & amender Pimage d'une France fortement marquée par la méfiance & Pégard du libé- ralisme et méme dans certaines franges de Ia société par une véritable passion anti- libérale. La passion antilibérale contemporaine Les eritiques du libéralisme qui se dé ploient aujourd'hui en France sont dau- tant plus violentes que le libéralisme ne vante pas seulement la liberté réglée de Véconomie, mais exprime anssi ume concep tion de 'homme, de Ja société et de la 37 démocratie. C'est précissment parce que Te libéralisme touche au cceur des engage ments de Phomme contemporain et de Ia fagon dont on peut concevoir son action quill suscite tant de passions. On Timiter la polémique sur Te libératisine au fait de savoir si Von est pour ou contre la ne peut béralisation des serviees publies, 1a pri vatisation des autoroutes ou T’étatisation de Vassuraece-maladie, Etre libéral va beaucoup plus loin, Bove antilibéral aussi {Qui sont les antilibérans ? Ce sont d'abord les re courants _conservateurs, ventants des gui dénoncent comme illusoires la Liberté humaine et les prétentions des soviétés & se régler elles ndmes sans référence & une réalité tran cendante. On retrouve li une thése fami- ere & Textréme droite, qui associe le paternalisme corporatiste et exaltation de Pidentité nationale & une rhécorique de la rédemption sociale appelant au re f Ce sont aussi les tenants du commu, nnisme politique qui cons que l'exer- Economiques n’engendre sement colle ice des libertés 38 que chaos et servitude lorsqu’il est rigs par les contrats au liew d’étre régi par MBeae Mais ce sont surtout les partisans de Vexerdme gauche actuelle qui avee son leit rmotiv antilibéral attise Jes derniers fewx des utopies sociales. Ce courant donne voix & In nostalgie d'un Etat protecteur et interventionniste, d'un pouvoir gouver- nemental souverainiste, et d'une démocra- tie de revendications, le cout désigné de maniére forfaitaire par T'euphémisme «retour du politique ». Les mouvements «extreme gauche prénent ane transforma- tion sociale radicale, méconnaissent la livergence des intéréts, méprisent le sou- hait de réformes progressives, et assoiont leur eutorité en prétendant parler an nom un mouvement social légitime & leurs yeux dans sa seule fraction vociférante et radicale Parmi toutes ces formes d'antilibéra- lism ares sont celles, surtout & gauche, qui seraient prétes & expliciter les raisons de leur critique. Leur popularité dans Vopinion en serait vite mise & mal. Car derriére leur haine du libéralisme, qu'elle 39 soit dextréme droite ou d'extré ily a un mépris d'ensemble & Pégard de Pindividu moderne et une sourde méfiance devant Paptitude des hommes 2 trouver pat cux-mémes, en tétonnant, des normes existence collective. La passion antilibérale exalte des formes effervescentes et protestataires de oeratie, peu soucieuses de la nécessité AEclairer les esprits et de pondérer les jugements. L'antilibéralisme amalgame & dessein Texistence méme du marché aux abus, monopoles et fraudes des formes pathologiques du capitalisme. Dans cette réduction systématique au pire, Europe, dire 'Burope de Vouverture et des crest: normes, est travestie en « Europe libéra- Ie, ce qui est absurde lorsqu’on songe que c'est précisément parce que l'Europe est aussi un marché de libre concurrence jwelle peut faire valoir sur la seine inter- titionale des changes une forme do mon- dialisation soucicuse d’Squilibre et de développement harmonieux et durable. Le libéralisme est, aujourd'hui, plus Pégoisme, & Findi- que jamais amalgamé 40 vidualisme outrancier, au laisser-faire sans serupules ni limites. Tl serait le seul res- ponsable de la précarité salariale, de Vex- clusion, de V'inggalité eroissante, de la déception & Végard de MEurope, de la perce des reptres et de l'incivilies, bref de tous Tes maux de notre société. I passe pour une idéologie honteuse. Méme ceux qui cherchent & le pratiquer osent & peine s'en réclamer, qu'il s'agisse de la Commis sion européenne, ou des gouvernements (de gauche ou de droite) au pouvoir. Dans tous ces exemples, le libéralisme est assi milé & Pultralibéralisme. C'est [a un pré jugs qui porte un ees grand tort aw libéralisme Linerimination systématique du libéra- Tisme détériore Galement la qualité de la vie politique, en créant de fagon tout & fait fictive un épouvantail porteur de tous Jes maurx. C'est la une maniere de faire qui dévoie le jen politique en coneentrant de manire fallacieuse sur un seul courant toute la négativité de nos soci tune telle accusation est superti Je libéralisme exprime une vision force de homme et de la société, dont on ne 41 saurait se passer lorsqu’il s‘agit de réflé- chir aux idées politiques les plas fécondes. Bnfin, 1a condamnation du ibéralisme est frresponsable, dans Ia mesure of s’atta- quer A un mouvement qui place au coeur de son projet la défense des libertés est particuligrement peu avisé aujourd'hui, alors que des dictatures existent: dans Ie monde, alors gu’un marché uniformisant, jue la culture de masse et que le eonfor- thisme médiatigue regent partout. Dans une telle situation, Ia sauvegarde des cette raison, réhabiliter Je libéralisme come option politique erédible est une entreprise de salubrité publique. La pensée libérale et les socétés modernes Crest dans les sociétés modernes que Te libéralisme doit trouver l'occasion I mei Joure de faire la prouve de sa eapacité de définir les problémes et Coffrir des solu- tions féeondes. Des demandes de liberté et d'autonomie 42 accrues sont aujourd’hui formulées, ainsi que des souhaits inédits d’initiative et de responsabilité, Dans la plupart des cas, ces demandes ne parviennent pas & se couler dans Jes formes d’expression politique ou sociale aujourd'hui reconnues : représenta- ale et vote. Lun des défis tion synd majeurs auquel est confrontée Ja. pensée libérale contemporaine, défi qu'elle a une vocation particulidre a relever, est d'aider 4 formuler ces demandes nouvelles déman- éipation. Le libéralisme peut ainsi montrer combien le travail de reformulation conceptuelle auquel il s'est liveé depuis plus d'un sitele peut servir & la compré hension de ce que signifie aujourd'hui éere un individa libre et responsable. Les soviétés moderes se sont libérali- ses. Co processus engendre, ainsi que tous les autres phénoménes humains, sa propre pathologie. Car une telle libéralisation a pu induire des effets de servitude, la Tiberté des contrats dissimulant mal la contrainte exereée sur les travailleurs. Elle aussi des effets de domina- @ pu sus tion, & cause de phénom concentration des pouvoirs ou de eréation 43 de monopoles qui aecompagnent souvent Ia concurrence économique. Elle peut entrai- ner un désordre généralisé, oft de moins en ‘moins de personnes reconnaissent les effets n et se vivent comme dépossé- de leur act dées de leur agir. Le libéralisme correspond & une pensée de Ja multiplication, de In décentralisa- tion, des foyers d'action. I est défini par Pexigence d'une société autonome, d'un individu libre et d'un partage entre Tes fonctions de I'Btat et celles de la société. Mais on ne peut pas dire pour autant que Ie libéralisme serait aveuglément naif sur les effets contre-productifs des liberté quil imagine que les interactions sociales suffisent & créer un gouvernement. poli tique. Le libéralisme ne croit pas que I'it ygrégation des 16ret général se réduise & intéréts particuliers, ou que la politique doive se ramener & administration de la société civil Depuis Montesquien (pour ee qui a trait sux limites de action de Mex, depuis ‘Tocqueville (pour la prise en compte des mailman a Ta 6 wile, dae ew libéraux anglais de la fin du xis¢ sidele et 44 Jes Tibéraux républicains frangais de la méme époque (pour la reconnaissance de Ia néeessité de dispenser & tous garanties et biens communs), le libéralisme s'essaie 8 définir les mormes intornes qui doivent pondérer Pexercice collectif des libertés humaines. Mi we la pensée de Hayek, qui pourrait incarner une tendance « dogma- tique » du libéralisme, bien différente de celle que je défends ici est pour Vessentiel consacrée & éeudier Pauto-organisation des soeiétés humaines et & réfléchit gence des normes dans Ia soci Dans des sociétés individualistes complexes, un probleme politique majeur est de savoir comment régler l'exercice collectif des puissances d’agir. La sauve~ garde de l'autonomie des personnes, le maintien de Ta solidarité et la possibilité d'une société ste en dépendent. Il s'agie, dans un cadre commun (national, européen, voire mondial) er les libertés, centendues comme eapacités de choisir, d’en- treprendre, d’assumer responsabilités et initiatives, et de les diffuser surtoat chez.les plus pauvres. Il s'agit de faire en sorte que Jes moyens ainsi dispensés puissent ére 45 individuellement ressentis par chacun, miéme par ceux qui n’ont rien, comme des ressources pour mettre en e&uvre une puis- sance d'agir véritable, Comment eoncevoir en offer les garanties communes qui per- mettent aux personnes de retrouver une aitrise de leur destin ? Comment conférer des atouts en termes de pouvoir d'achat, de formation, de possibilités de choix, aides données aux projets et de garanties alité d'ace’s aux biens publics ? dans I ‘Comment jer aux pathologics de Ia Aémocracie que sont le populisme et 'auto- exclusion du vote (pratiquée surtout chez. Jes jeunes, les chdmeurs et Jes plus dému- nis) ? Comment aceéder & ce qui contribue 2 faire de chaque individu um sujet actif du devenir social, doté d'une forme de pouvoir social ? Telles sont Jes questions suscitées par T'évolution des soviéeés modernes et auxquelles le libéralisme doit répondre. 46 Le libéralisme et Vévolution de la démocratie La désapprobation ordinaire dont le libé- ralisme fait aujourd'hui Pobjet identifie celui: avec le déploiement des intéréts, le Fgne du marché et des multinationales, Vexaltation déréglée des droits individuels et des autonomies de groupe. Mais un autre hime eritique est apparu i la fin des années, 80, dans le sillage d'une réflexion sur les fondements de la démocratie : Ie libéralisme saperait & Ia base la vie démocratique, la privant de son ressort et de sa vigueur, amollissant Ia volonté politique et Punité civique Le coustat que les sociétés modernes sont confrontées au double danger de l'ex- trémisme et de In dépolitisation rend ce demier reproche lourd de sens. Nos eonei- toyens sont de plus en plus nombreux & voter pour des partis clairement antidémo- ceratiques, dextréme gauche ou d'extréme droite. Ils sont de plus en plus nombrenx aussi & renoncer & tonte forme de partict- pation politique, quiils s‘abstiennent de ournent de la vie publique. seule ressouree dont disposent encore Jes <émocraties contemporaines pour ne pas sue- comber & ce double péril dépend de leur capa- cité d'incamer un renouvean, fondé sur Fexpérience collectivement ressentie d'un ‘engagement civique, d'une puissance d'agie ensemble, d'un sens de Vineérét public. Face & un tel dé eau démocratique, certains prétendent que le libéralisme serait politiquement disqualifié. Il émousserait et fractionnerait Je voru d'action collective, Il disperserait dans les individualités et les coalitions dintéréts les ferments ’um ressaisissement civique. I serait incapable de répondze aux difficultés de notre temps qui trait, pour une part, & Vautorestriction démocratique (dont témoignent Vabstention cot la disqualification du vote popalaire lors- que celui-ci se porte vers 'extrémisme) et aux radiealisations démocratiques que sont Je conformisme exeessif, les demandes de droits extravagantes, la tyrannie de la majo- rité, la surenchire égalisatrice et uniformi- qui engage le renow sante, “Tout & Fopposé de ce verdict, je erois que le libéralisme offre une orientation 48. pertinente pour Ia compréhension de In vie politique, non dans la torpeur des esto- fits, mais dans l'approfondis- sement de la pluralité des opinions et des incéréts, Ie dépassement des conflits et la constitution d'un intérét commun. Le caractire inédit de 'expérience démocratique contemporaine est lié 2 Ja mutation du role de Etat. En Prance, tune telle mutation a directement affecté Ja formulation de Piléal républicain. Alors quam tel idéal s'était historiquement conerétisé dans une ambition de devenir collectif, de légitimité politique dominante entigrement iste de la souveraineté nationale, nous vivons a présent dans tune nation oit les interventions de I'Btat dans l'économie se sont considérablement réduites et oft une part des décisions natio- nales est déléguée a des organismes euro- abilité aux 6vénements péens. Notre ¥u du monde est sans précédent. Courei peuvent affecter la richesse nationale, bou- leverser nos solidarités, détériorer notre environnement, compromettre notre acc’s ax sources d’Gnergic. Une telle évolucion s dans (@ue au fait que nous sommes pas 49 tune économie post-industrielle et mondiali- sée) a pour conséquence que nous sommes de plus en plus dépendants et vulnérables sur la scene du monde, Contrairement & ce que beaucoup pensent, une telle mutation du réle de "Etat n’a que p ce que serait un retrait de I'Etat eansé par les pressions de l'individualisie eontempo- rain ou les prétentions de Ia société civil. de liens avec ne ressemble iw et de La condition contemporaine gure au face-iface de Vind Fitat que présentent les evitiques du libé- ralisme, faceAface dans lequel PEtat serait impuissant et Pindividu irrespon sable, oft la société aurait préempté Pen semble de la sphire du public et sapé Fessentiel de la légitimité politique. Le libéralisme peut aujourd'hui contri- buer a définir Jes tiches nouvelles que FBtat doit assumer. D'abord, fortifier la participation politique, sous la forme rune démocratie déventralisée, en naulti- pliant au sein de la socié conditions d'information et de délibéra- (sous de bonnes tion) les Tienx et niveau de consultation. Ensuite, procéder & une pédagogic de la décision politique, visant “2 faire 50 comprende les contraintes qui peuvent peser sur elle (Ienteur d’applieation, ‘mangue de moyens, inertie administrative, résistance des personnes concernées). Au scin de conditions économiques et sociales qui se modifient rapidement, de nouvelles formes d'inggalités ne cessent apparaiere. Celles-ci mettent constamment en difficulté ambition républicaine de lut- ter contre les priviléges ot Jes diserimina- tions. De plus, le fait que les conditions existence vécue des personnes soient aujourd'hui si disparates au sein d'une cate gorie socioprofessionnelle identique, que le Tiew Phabitation, le logement, la situation familiale, les réseaux d’entraide aient tant influence sur le mode de vie doit ineiter & faire en sorte que les biens publies que TEtat a vocation & dispenser (édueation, transports, médecine) sofent diseribués de maniére égale, quel que soit Tenviron- nement social des personnes. Il est néces- saire enfin que dans les quartiers les plus panvres, la qualité des écoles, Ia siireté des transports, Paccessibilité aux soins de santé sojent véritablement garanties, aussi importants que soient les investissements st financiers requis pour cela. La eapacité de bénéficier des biens publies, qui sont autant de conditions coner8tes de la libereé des per sommes, est un des engagements forts du libé- ralisme social tel que je V'entends. C'est aussi une condition majeure de 'ambition démocratique du libéralisme. Le libéralisme & Péprewve de Péconomie contemporaine Dis le milieu du xr stele, et surtout dans Jes années 1880, Ia tradition libérale s'est trouvée confrontée & la gravité de la re provoquée par la révolution indus- trielle, C’était pour le libéralisme une remise on cause d’autant plus grave qu'il fallait constater que le systtme social et économique que le libéralisme pronait pouvait produire une désorganisation et un matheur social que nul ne pouvait igqnorer. Le paupérisme apparaissait comme 'une des conséquences de Vexercice sans contraintes de la liberté économique. De nombreux auteurs libéraux ont alors 52 considéré, dés Ja fin du x1x* sitele, que Ja question sociale devait conduire & révi- ser les idées premiéres du libéralisme', Ils ont pris cette tiche assez au sérieux pour proposer des reformulations qui marquent profondément Ie libéralisme moderne. On peut & eet égard parler d'une refondation du libéralisme, confronté & la question sociale, Lorientation principale dune telle révi- sion du Tibéralisme se résume & considérer que le libéralisme implique toujours rBgles et normes. En ce sens, le pur laisser-Paire est un dévoiement du libéralisme. D'abord parce quil restreint le libéralisme au seul domaine économique et donne une fausse idée de ce qu’est Je marché. 1] méconnait en particulier que activité économique comporte nécessairement une dimension sociale, Surtout, parce quill ignore qu'il n'y ‘pas d’exercice réel de la liberté qui ne soit TU tat er om Frame tes spline Charts Ramus Aled Poulson Orne Breage EF Habe atc nonin el era : —- TBE en Kal Dv Rago e dans une etn te Sent Cee en Alles es sous hati fre pa eye de Mertan BU jn evry a 53 constamment contraint dans. des limites strietes destinées & sauvegarder Ia iberté aautrui Le libéralisme doit done fournir un autre modile d'exereice de Ia liberté é0- nomique que le laisser faire. Le libéralisme defend les systemes économiques de libre concurrence et de marché mais, en tant jue tel, il me dit rien sur la mature du Gapitalisme, sur le compromis &acteindre entre capital et travail ou sur Ia réparti tion des profits. Le libéralisme normatif et inspiration sociale que j'ai évoqué plus haut souligne au eontraire que 'activicé économique est une activité enchassée dans la société, conditionmée par de nombreuses r6alités et normes sociales. D’oit la néees: sité d'une réflexion normative sur le ise ses r2gles optimales marché qui de fonctionnement, mais prenne également en compte l'ensemble des réalités et réqui- sits sociaux qui assurent son existence. Le présence de régulations au cawur méme de Ja défense du libéralisme économique se ustifie ainsi Pons Tes auteurs libéraux ont souliga combien le pouvoir dela regle de droit et de 34 Ja sanction était essentiel att Id lisme. Le droit ne désigne pas seulement un appate juridique. Il tire son efficacits de existence préalable et recomue d'un espace de vie commane normé et régulé. C'est pourquoi les sociétés libérales sont souvent des soeités de eonfiance. Lidéologie du laisser- faire ot du profit maximal oit linvocation de Ia liberté par les riches et Ies puissants dissimule mal Iasservissement économique auquel sont soumis les plus démunis, est un travestissement du ralisme. Lidée de régulation, qui semble étre aujourd’hui Ia formule magique avec Jaguelle tous es mouvements politiques pré tendent dompter le caractére incontrélable de Vultralibéralisme éonomique, appar tient de plein droit & la tradition libérale. Le terme de « régulation » désigne en effet Jes rgles qui s‘appliquent & une activi est leeas par exemple des gles produites par Organisation mondiale di commerce, Jesquelles détaillent les mesures prises pour préserver la lation» peut aussi renveyer aus normes produites par une instance pour une activité currence, Le terme « régu- donnée, normes qui correspondent & une 55 conception implicite de ee que serait le fone al de cette activité, Par tionnement opt exemple, les normes qui émanent du Conseil supérieur de Paudiovisuel visont non sew Tement & définir des ragles générales mais wode d'existence uel. Transposées an monde éonomique, les régulations devraient euvrer 3 une mise en ordre de activité économique dont la visée plus ow moins explicite serait un fonctionnement tn fonction: aussi & promouvoir désirable du monde tél libre du marché, mais « nement équitable, apte & fournir au plus ‘grad nombre de réels moyens d'action. est done une condition ordina Vactivité économique (celle que la congoit e libéralisme) que d'étre régulée. Le re pour marché doit éere en premier liew modéré de Viniérieur par ses propres normes de fonctionnement qui ont inévitablement une expression sociale, Ces normes ont trait au maintion de Péchange, au refus des mono- arde des conditions «une poles, & la sauyeg ulation libre des biens qu'un grand nombre d’acte ticiper & Péhange et au refus -émuunérations trop important entre ces dif’ 56 férents acteurs. Le marché ne sait pas 3 lui seal expliciter ces normes ni se les appliquer de manitre immanente. [illusion libérale, qui nourrit Pultralibéralisme, est de eonsi- dérer que si le marchi éme, de telles normes finiraient par s livré & Iui- poser aprds un long temps de tatonnements ct d'approximations. Le néo-libéralisme contemporain se nourrit d'une représenta- tion idéalisée du capitalise cong comme un systéme homéostatique, capable de se réguler lui-méme. Il est fortement marqué par la conviction, qu'on trouve admiza- blement formuléo dans la pensée de Frie dich Hayek, selon laquelle Pordre du marehé, comme systdme d'intéréts média tisés, porte en hui-méme le principe régula- tour des contradictions dt eapitalisme. Aucun libéral réaliste ne peut admectre aujourd!bui ce point de vue. Il est aisé abr server que le marché n'est pas autorégula- teur. De plus, aucune soviété, soucieuse de traduire une exigence eonerdte de solidari ne peut se donner le temps dattendre que les rnormes censées réguler Je marché deviennent explicites et eoncraignantes. I! incombe done 3 la paisance publique dinteryenir pour 7 dégager ces normes, en accord avec les per mes eoncernées, et pour les appliquer en leur attribuant une fonction correetrice et 1 ibéral dogmatique objec: cst incapable de déterminer de anticipatrice. tera quel'Eta celles normes car il n'a aucun moyen de les connaitze, dans la mesure oft IE Vextérieur de activité 6conon ne peut ignorer qu'il est possible Pavoir une fdée générale @indvetions, a’ tions fondées sur ce qui a été expérimenté gue. Mais on ses normes 3 partir ences, dextrapola- avant ow sur co qui se fait ailleurs en matibre de régulations. Liintervention régulatrice de la puis: sance publique dans Te cadre national doit aussi se manifester par Ia lutte acharnée contre la corruption. Un point de vue libé- ral prine des mesures résolues, effieaces, et inctions dissuasives contre la de telles mesures condi assorties de corruption, Sioment la survis de In concurrence ct de P'sconomie de marché. La France est lente & instaurer des normes strfetes et un contrite rigoarenx (que permettent Ia rotation des auditeurs externes d'une entreprise, lasépar ration des activités audit et de conseil, 58 Tindépendance des administrateurs, des rapports périodiques Fiables)'. Les régulations se conerétisent ensuite par la lutce contre les monapoles. La Diree- tion de la concurrence & Bruxelles justifie ses interventions par la nécessité dle préser- ver Ia liberté du marché et les intéréts des ‘consommateurs par rapport aux abus qe peut luire Ia constitution de monopoles. La encore, la justification d'une tell intervention est directement issue du libéralisme. Enfin, la régulation publique doit se manifester par Vexigence de mettre en place, au sein des conseils d'administration des entreprises, des organismes de contrite et de surveillance eapables de prévenir des politiques de développement passablement aventnreuses. Les exemples réconts de Vivendi Universal et de France Télécom ont montré les dangers d'un milieu trop fermé d’administrateurs qui se cooptent en absence dinstances critiques. Dans. la méme veine, le sonei de régulations preseri- nn tp tor 59 rait de préserver bien davantage les iuté des pot 8 aetionnaires. de vue libéeal considére aussi quill est nécessaixe de prendre en compte Ies externalités négatives que produit Vac- tivité oonomique ainsi que tous les effets kndré par cette activité, eompro- qui mettent la jouissance par autrui de ses moyens d'existence ou portent atteinte au bien-éere collectif de In société. La pollu tion produite par une entreprise et dont ss les personnes qui h: les dommages faits & un environnement qui est un bien commun, y compris pour les énérations futures, doivent dre strictement réprimés et donner Liew & dédommagements. La nécessité de préserver les biens publies contre les atteintes du marché en découle directement. Enfin, Pintervention de requise dans des circonstane at peut étre nelles, car le marché ne s traiter de telles si une eondit le hesoin d’aceéder & un médiv exemple mn sanitaire drama- tique en cament, siun attentat met en grande difffculeé des entreprises dont l'activité est 60 essentielle au développement Goonor ou AT'Gquilibre social général, ique tion publique sur es marchés sera alors néeesstire. En de tels eas, l'intervention publ ig par le fait qu'elle est Je meilleur moyen de satisfaire des besoins prioritaires ou d'empécher des catastrophes économiques et sociales. L’action de Etat se situe alors dans la perspective de xétablir 3 court terme un fonetionnement plus réyu- lier du marebé. L’économie mondiale a connu aut cours des quinze de: es années des développe- ments économiques importants et rapides. Le nomadisme et la mobilieé soat & présont es conditions du capitalisme développé, En raison de la rapidité des évolutions technologiques, le capital se dévalorise de plus en plus vite, et la nécessité de s'a ter, qui impose de plus en plas in sions et acquisitions, est sSricuse. La transfor: mation da capitalisme contemporain en capitalisme financier et patrimonial rend ‘moins efficaces ou appropriés les modes de régulation ou de contrdle progressivement mis en place avec les formes antérieures dia capitalise 61 Face & une telle évolution, les tiiches sme sont d’'6labo- incellectuelles du libé rer des catégories d’analyse sociale plus dif- férenciées et d'analyser le capitalise financier international, infiniment eréateur mais aussi erucl, instable et cupid. 11 est vrai que les évolutions récentes du capita lisme et de la construction européenne ont privé les Etats de leurs moyens d'action tra- ditionnels. Des mesures comme Vinstaura- tion de barrigres protectionnistes ou la devaluation de la monnaie ne sont en effet plus possibles, En ce sens, il est exact de di aque la capacité de régulation des Btats a 66 ppartiellement mise en eause parla mondi sation et Lintégration européenne. Il reste toutefois aux Etats, comme je I'si rappelé, tune réelle capacité d'infléchir le fonetion- nement duu marché en cas de corruption, de monopoles et de situation abusive. De plus, Jes formes d'intervention publique ne sont plus exclusivement nationales, mais aussi européennes et mondiales. Le défi relever pour l'avenir est done de faire « ces régulations, qui trouvent lew tions dans une eonception libérale de 'éeo- nomie, soient transparentes, soutenues par a Tes acteurs sociaux et démocratiquement Alaborées. D’oit le besoin de préciser, dans le plus grand détail, comment ces régulations sont méme de respecter les ini Seamomiqus ea liber dee marché toe en faisant droit, en amont méme du proces- ss de ation de vicheses, aux finales sociales ett la diversité des intéréts impliqués. Te trait dévsif du ibéraliame norma c'est la définition collective d'un exercice des libertés, qui assure leur sauvegarde a long terme ainsi qu'une répartition équi- table des mayen action e Je mait ce dle Vactivite ‘change. De maniére géné- ige. De manitre géné- rale, on recomnait aujourd'hui que pour remédier aux « déailances di march tune forme dintervention est requise ~ afin de briser Jes monopoles et de coneréler les «effets externes » (négatifs ct positifs) que Vactivité cconomique produit mais qui ne sont pas pris en compte par le marché, comme, par exemple, les émissions. pol Juantes d'une entreprise. Reconnaitre la nécessité de rigles qui formaliseat les interventions sur les marchés de puissances extérieures » au marché n'impose done en aucune fagon de eosser dere libéeal. 63 Le libéralisme n'est pas tune malédiction sociale mais peut représenter une chanice accrue de libersé pour les plus démunis Le volontarisme social tant vanté aujourd'hui plusieurs conditions. Les tunes sont intelleetuelles, comme Dexacti- ‘tude de la description et Ia compréhension exacte de ce qui doit Gtre fait. Les autres sont morales : ne pas camper dans une position absolutiste de refus de la réalité, et voir s'il y a une possibilité dorienter les conditious nouvelles de Ta vie économique pour des finalicés sociales. La forme opti- male du volontarisme en matiére sociale est de se servir de ces nouvelles données de la condition salariale comme d'un levier pour multiplier les opportunités action es ot les garanties dont elles ficier. Le pari est de se servir 3 cotce fin du libéralisme économique. La conception du libéralisme éono- mique que je défends se site entre deux repoussoirs. Le promier est celui d'une éeo- igée. Le second est celui d'une ge de iété entivvement faconnée & Pim: ot it tout est devenu marché, Pactivité humaine étant dis lors soumise aux seuls critéres de I'accumulation, du profit maximal et de la finaneéatisation, I ‘est aisé dapercevoir les dangers qu’ind rait pareille Evolution. Elle provoquer Thomogénéisation de toutes les activi humaines. Elle artificialiserait la vie éco- nomique avec des demandes de biens induites, Elle eréerait un marché de masse uniforme et sans réflexion oi les individus seraient transformés en consommateurs mimétiques. La névessité de se prémunir contre cette Evolution découle de Ja pensée libérale. Pour différentes raisons toutes décisives. D'abord, la perspective d'une homogéncisa- tion de toutes les activités humaines est & Vopposé de ce que recommande le libéra- lise. Celuicei préne plutst la différenci tion des activités et le maintien de spheres dlebiens disti tes, enlesquelles sera préser- ‘din Io plowalld Ube actin, onion Aenrichissement de la vie sociale. De plus, tun réel pharalisme des activités doit cher que la valour marchende ne pi emps- partout e¢ m’aboutisse a la eréation de bar- 65 ritres dacds aux biens fondamentaux pour les plus démunis. Des biens comme Péducation, la santé, voire la diversité cultarelle, sont autant de conditions qui permettent aux individus de participer an marché. Lorsque des personnes sont dépourvues de ees biens au départ, il est inévitable que le marché exeree & leur ination. Il est endroit une effroyable dor done essentiel que de tels biens éehapp au secteur marchand'. méme si le marché n'est nt quun domaine parmi d'autres de la vie sociale, la question reste ouverte de savoir wnismes q'évaluation da marché ne peuvent pas tre utilisés pour des bi qui ne sont pas des marchandises. effet, les situations d’échange et de concur rence sont les mieux habilitées & révéler la valeur des biens. Si le marché est par- fois @ Torigine de la o poles, il permet aussi Je rétablissement de on des mono- Ja concurrence, ce qui cst le meilleur moyen de se déharrasser des monopoles. rl Walzer, Ler Spe del jue (1993), Pais 66 Pareils ajustements et adaptations du marché ne remettent aucune la feondité de la défense ibérale du marché, comme lieu de I'échange et de la A Pépreuve de la valeur. Mls montrent que le libéralisme peut étre associé a V'exi- gence d'égalité des opportunités Prenons le cas de éducation secondaire. Liaccés aux meilleurs établissements. est char aujourd"hui objet d'une compétition née, Les enfants des classes moyennes sont en. position de départ beaucoup plus avanta- ruse que les enfants d’ouvriers. CEuvrer A une égalité C'opportunités done effet serait de permettre aux enfants des classes Aéfavorisées d’accéder éventuellement & wn enseignement de qualité, voire aux classes préparatoires aux grandes éeoles, découle de Vengagement libéral tel que je Vai AGerit plus haut, Or cela suppose que deux conditions an moins soient remplies : ume part, que les enfants puissent savoir qu'il existe des filigres d'excellence ailleurs que dans les établisse sits de leurs quarticrs, et dont ils pourraient bénéficier ; d’autre part, que des moyens eonerets soient mis en ceuvre pour lear permettre d’aceéder eflee or tivement a de telles flidres. Sur la premidre ions, il condition, Ia circulation d'informs va de soi quel'idée d'échange et de transpa- rence des informations que prone le libéra- lisme est condition correspond & une ambition forte du libéralisme + donner les moyens d'une ‘véritable Liberté d'action aux personnes, liberté qui dépend en grande partie d'une Education de quali facteur favorable. La deuxiéme Pour les libéraux, Je marché n'est done pas néeessairement une condition de domi- rade for. nation. Il est plutée la eondition gé qui permet Ta communication dl mations, Ia diffusion des innovations tech- iques, In circulation des facteurs de produ inestissements, et done Ia formation des jon que sont les hommes et les richesses. Pour un libéralisme cohérent, «durable » si on peut dize, la défense du narché doit aller de pair avee um souci réel de W"équilibre social et du développement. Pour sauvegarder In liberté de tous, il peut dere requis de limiter les lihertés présentes, evil ost nécessaire de garantir & chav moyens dune liberté effective. 68 Le développement rapide de la société information et Vorganisation progressive d'un ordre mondial ont profondément altéré de nombreux aspects de la vie des hommes et des femmes d'aujourd’hui, La condition salariale s'est: modifiée, la fone- ion méme du travail a changé, de nouvelles possibilités d'action ont éé conquises qui traduisent ces revendications. Quelles sont les capacités dagir eapables de conférer un sens eoneret & V'exigonce de Iiberté chez. les individus modernes? Les réponses traditfonnelles en termes demploi sgaranti, de ressources stables, de bénéfives collectifs, d'appartenance & un ensemble jonnel bien défi profes e trouvent un pew en porte & faux par rapport & Ja disparité des conditions dexistence des personnes et & Pimportance acerue des factours indivi- duels ot familioux dans les niveaux de vie. En revanche, il semble nécessaire de garantir & chacun des moyens ct atouts permeteant Pexercice des lihertés indivi- duelles, de faire valoir Pexigence d'une formation dispensée & tous, tout au long, de la vie, et surtout d’an aveés égal pour tous aux moyens d’émancipation porson- 69 nelle que sont une éducation de qui tune éeole véritablement capable de former Jes dleves, un logement correct, des trans: ports siirs et des conditions dPexistence Aécentes. La tache intellectuelle de définir Jes moyens conerets de la liberté duelle, surtout pour Tes plas démun est un des défis Te monde d'aujourd’ majeurs que le libéralisme doit encore relever. Le libéralisme et Pobligation de préserver la diversité culturelle individu contemporain est plus socia lisé et normalisé que jamais. 11 manifeste ses préfiérences avec une vigueur inouie, mais il demande aussi de plus en plus & VEtae de le protéger ct d'assurer sa sécurité. La société a elle-méme bien du mal & contenir sa propre conflictualité, & se penser plurielle ct unifiée et & définir les conditions de son autonome 70 La sociéeé s'est individualisée, mais elle s'est également grégarisée. Le triomphe de Vhomme hédoniste qui agit au gré de ses préférenees va de pair avee la diffusion du conformisme le plas pas de marché uniformise les préférences et les besoins, en méme temps quelle diversifie Yoffre pour alimenter sans eesse le dési. La culture dle masse homogénéise les goats et les modes de eonsommati De plus, Vempire de la science et de Ia technique me cesse de eroitre ; les sociétés modernes sont devenues de plus en plus complexes et opaques. Des moyens de sur: veillance et de contréle considérables sont a la disposition de pouvoirs multiples. La course aux profits les plus exorbitants tend & s‘imposer. Peu de ressourees sont lnissées aux individus pour affronter de tels développements. Enfin, on ne peut aujourd'hui, qui vivent dans des sociétés libérales et individualistes, vivent aussi dans des sociétés quadrillées de normes et de riglements. Les contréles bureaucratiques et le suivi administratif des individus sont i. Les lois se mul- norer que les homies plus importants que ja 7 tipliont et tendent, en se superposant, & régler tous les aspects de la vie individuelle. Jes réglements eneadrent la plupart des activités humaines, qu’il s'agisse de décrets nationaux ou de directives européennes. Cest pourquoi, en dépit des apparences, Ja condition qui est aujourd'hui Ia ndere laisse peu de plece & Pexpression de l'auto- nomie individuelle. Elle donne de faibles garanties & l'exercice de la délibération eri tique. Elle menace sans cesse le phuralisme névessaire au développement des idées et & leur perfectionnement mutuel. La libérali- sation de la société que beaucoup croient ‘constater est pour une part une illusion, Car les phénomines de massification et d’aggh- tination des préférences que les sociétés modernes portent avec elles menacent les conditions d'un véritable exercice de auto- nomie personnelle, La possibilité d'un indi- vidu moderne auquel seraient accessibles les conditions de sa liberté est done, pour ainsi re, encore en attente de réalisation. C'est pourquoi les idées libérales sont loin d'etre dépassées. Elles doivent encore ceuvret & définir les conditions de V autonomic duclle afin que l'individe libre ne soit plus 72 seulement libre en apparenc Jement en réalité. Quant & In société, elle ese en partic affranchie de "Etat, mais elle s'est placée aussi_sous le risque d'tme dépendance accrue. L'appel & la puissance publique est ‘vue par beaucoup comme la seule solution capable de régler Jes situations lourdes de rmenaces, alors méme que la société de aborer elle-méme les normes eapables de la prémunir de telles menaves. Par ailleurs, les associations et les syndicats dont la vocation est d'assurer Pautonomie de la société eivile ont de plus en plus tendance & se tourner vers le gouvernement dans Pespoir de susei- ter des mesures Iégislatives qui favorisent leurs revendications & rencontre des autres intéréts en présence. La société libéralisée doit done encore devenir une soviétélibsrae, elle peut assoc aux libertés individuelles et aux revendica- tions de droits une véritable x tune culture critique. Le défi q civile doit relever vise & dlaborer les condi- tions d'un consensus social, fondé sur des riles et des valeurs communes, consensus «qt contribue a la formation d’un esprit cri- 73 tique par éhange de vues et confrontation opinions. Rien ne rend plus difficile Fexercice de sa propre liberté de jugement et action que le fait de vivee dans un monde cultarel appauvri, ot igne lunifo mité.en matidre de modes de vie, d'inform: tions, de jugements et de divertisements on publique est réelle, Lacyrannie deo} et coute homogénsité trop grande de Vofiie culturelle, prise en un sens large, peut aussi exe source de domination. Des forces coms ictionnement des grands installer dans le f der médias contribuent anjourd'hu tone telle uniformité. C'est 1a un mode existence de la société contre laquelle s'éleve le ibéralisme, car il y voit un danger ‘pour les libertés, De maniére plus gé les conditions conerétes dans lesquell diversité d’'informations et de jugements peut étre assurée est un théme fort de la réflexion libérale, Car une telle diversit nourrit la conflictnalité de la société; elle ext Ia condition névessaire pour que la jase aceGder & une forme de luci- dité critique sur elle-méme. Par ailleurs, existence d'un espace public neutre donne la condition conerite de la 74 liberté dle chacun. Les exigences conjointes de laieicé et d’égalité de traitement i 1'éyard des membres des communautés religicuses vivant en Prance doivent ére congues comme les effets d'un combat plus général contre les priviléges et les discriminations. c és modernes sont marquées par un élitisme fondé sur Te savoir. Le prin- blicain d’accés pour tous & une rationnellefonclge sur Péducation est plus que jamais clés dans ume société of Ia possession du savoir est source d'inggalités ot de privileges considérubles. Le libéralisme européen et international De nombreux dangers guettent notre monde. Ils ont trait & Ia présence de nouvelles formes de violence (violence terroriste, violence privatisée) mais aussi aus dra tiques disparités de richesse qui caraeté- risent Ie monde d'anjourd’hui, & la force des passions identicaires et & Ia di tion progressive des conditions de a. vie Iumaine sur la plantte. Dans un monde menagant ott de nom- Dbreuses forces impersonnelles semblent étre & Feeuvre, le libéralisme enjoint de préserver les conditions de la liberté pour les indivi- dus et pour les peuples. Il-veut maintenir Jes conditions d'un agir humain respor sable. Il refuse dadopter face & un monde a Tn fois de plus en plus menagant et de Patticude du défaitisme. plus en plus clivé Il n'y aurait rien & faire, plus pressé, Iutter pour Ja su sinon parer aw fe et choisir son eamp. Face & un tel monde, ce nest pas d'un libéralisme optimiste, naif, eonfiant. dans Jes forces du marché et l'unification des inté réts qu'il est besoin, car un tel libéralisme sactére irréduetible des des passions, mais mGcomnattrait le conflits et la viole d'un libéralisme qui, garant de Pautono- mie des socigiés 4 Pintériour des Brats, défend aussi les Etats comme garanties de liberté a Péchelle du monde. Un libéra- lisme réaliste qui reconpait: importance do la question du pouvoir, le rdle ind table de la politique et le pluralisme in ductible des intéréts. En un mot, un libéralisme solidaire et cragique, dissocié de tout idéalisme. 76 Le défi est celui-li méme que formulaic Kant il y aun peu plus de deus sigeles. Hest sire despérer que nous izons vers un monde meilleur. Pour Kant, Vobjectif’ de paix perpétuelle entre les ats eorrespon- duit & un idéal CPuniversalité et de rationa- lité, que la raison preserit et que nous devons désirer. Cot idéal n'est phis de mise, mais Ia question de savoir quels moyens politiques et moraux nous permettraient de rendre le monde un peu moins mauvais reste entire. Or parmi les grandes options politiques capables de donner sens & ces moyens, le libé- salisme reste une des plus prometteuss. Aujourd’hui, les solutions dépessent les Ftats car les maux traversent les fron- tires. Le monde of nous vivons est un monde inévitablement interdépendant, oft se faconnent des communautés dépreuve, et ot Tes normes et Jes modes d'action doivent étre communs. 1] est besoin dace jons internationale: dont a légicimies racine dans les Brats et dans la capa: que ceuxci ont de conclure des cords stables et eontraignants. Une telle recommandation n’a aueumement pour conséquence qu'il fuille se défaire des Etats, ire de construire des ais qu'il est régles communes & partir des Etats des Etats Pareille reconnaissance du 16] quel que soit 'Etat. Elle s' compréhension normative forte des Fi Etat en lequel Ia puissance publique est capable de s'autolimiter, de préserver la pluralité dles opinions et des pouvoirs, de garantir Vexercice des libertés et sur- ueunement & plaider pour PEtat, Wun cout de répondre de la Mégitimité de ses actions. Dans les d&mocraties, une multi- plicité de paroles, de pressions et d'action individuelles et collectives, qui sont le fer- rent dont se nourrit Ia conception libérale de la société, doit conforter Ix legit de V'Brat, méme si elle cherche & influer cer I'Etat et Poblige & délibérer en tenant compte d'autres données que celles qu'il envisageait au départ. C'est ainsi que de telles pressions peuvent contribuer & orien- ter Paction des Etats vers une conscience acerue de la nécessité de solutions communes aux problemes qui se posent aujourd'hui, solutions négociées & Tocca 78 Autant au sein d'une nation, le Libéra- lisme plaide pour Pautorestriction de TEtat, autant, & l'éhelle internationale, Ta tradition libérale s'est attachée défendce Ie role des Brats légitimes, les quels sont des moyens de liberté. C'est pourquoi au niveau international, une pre- re ambition du libéralisme est de ndre le systéme international des Etats, en tout eas des Btats légitimes, car les Etats permettent de protéyer les droits, de garantir les libertés et de modérer Ia violence. Les Btats donnent un élément de particularité stable 3 partir duquel i possible de créer du commun : & Ia fois des nhormes partagées, au fondement du droit ‘nnternational, et des engagements collectifs qui président aux décisions et actions de la communauté internationale. Les individus, les soetétés ot les €omomies jouent un réle important, mais ils ne peuvent se substituer aux accords entre ts pour lutter conere Vhégémonie, empécher le Sud de sombrer, modérer les inégalités et lutter contre les ur argument ga oir mo ouvrage Le Bl, ls 1, 1a défense des droits des 1e cause essenticlle. Or i Pour un libé individus est ineérieur de Pespace national, les droits n'ont de réalité coneréte que si Etat les garantit et les protige, parfois contre les effets de la mondialisation, Certains Etats violent les droits de Jours ressortissants, ais ce sont des Btats défaillants, qui ne parvienment pas & assurer la sGeurité qu'un Beat doit & ses citoyens. Prétendre que la souveraineté de I'Btat menace par prineipe les droits et Ia justice est done largement ‘une pétition de pr gqe recommande le libéraisme, C'est se réclamer d'une notion de droit qui n’a de Graduction coneréte que dans Etat, pour critiquer Etat qui l’a rendue possible La capacité de MEtat de garantir les droits ot les libertés & V'échelle nationale ‘comme % échelle internationale n'est pas confinée & Ta particularité d'un cerritoire. Bille est en partie exportable. Les institu: tions internationales mises en place & partir des Etats, au moyen daccords, doivent défendre les droits & Péchelle du monde. Costes ces institutions jouissent du erédit moral lig ae fait de révulter dun accord, de 80 Ja construction d'un intérét commun et dune volonté collective Le libéralisme international est éga- Tement soucieux des représentations, dé gations et médiations qui puissent modérer Pexpression d'une démocratie. mondiale. La réalité de In démocratie est lige & PEtat, et done & un principe de pouvoir indvitablomane Hint 8 eel cnet plas présont et que le pouvoir se leploie & Téchelle du monde, il y a voce fiew de eraindre que les assemblées mondiales que recommande Vidal d'une clémocratie mon- diale fondée sur In participation direete de Ia société eivile et Geonomique seront soit impuissantes, soit monstrueuses', Dans ume démocratie mondiale, aneun eontre-pouvoir n'est possible. Il existe un lien conceptuel entre la pluralité des Etats et la préserva- tion des conditions de la liberté, seul fantone, Peis, Le Cer 39) seule cuss le eens de masa pn de eons dp hs Ets ta prervation de hy 81 PEtat, par définition limité et un parmi autres, peut assurer Vexercice coneret des libertés. Tl est une des conditions fortes @un libéralisme international. Le libératisme républicain et le renouvellement des idées politiques Les grandes questions de Ia philosophic jue peuvent éere abordées aujour- hui & partir de la réflesion sur les libertés et leur mode de coexistence. Comment régler los commumautés hamaines ? Quelle est la place de la transcendance dans ordre politique : Jes hommes peuventeils s'anto- gouverner ou ontils bosoin d'une autorité en surplomb ? Comment pacifier les rela tions humaines ? Comment remédier an mal {que les hommes so font Jes uns aux autres, animés qu’ils sont par les passions fon damentales de la vie sociale : la fierté et le besoin d'affirmation de soi, la rivalité et Penvie Ces questions sont aur fondement: de Ia réflexion sur ordre politique. Elles se 82 situent de mani idente au principe de la eration bse, gu fit seule pensée de I'époque moderne qui les ait posses de manidre frontale. Le libéra- lisme s'est développé dans Ix recomnais: sance de Vexistence da mal, du sens du tragique et du conflit. L’homme n'est ni bon ni mauvais, et la force du libéralisme vient du fait que c'est une pensée qui part de ce constat. La question est done de savoir comment Jes institutions politiques peuvent provéger homme des effets del tires de ses propres passions, amplifiges orsque les sujets sont des groupes. La question du mal est & Porigine de la pensée Tbérale ; Ia réponse & cette question, c'est tune possibilité du libéralisme lai-méme. Elle dépend dune éthique de la responsa- bli qi ne pase pos seulement par do active da dle de chacun dans Ia société. La pensée libérale est une source de renouvellement pour Vaction politique. 14s. idlées libérales offrent des outils pour utter contre les formes dlasservissement. les visene a rendre les indlivides plus suto- tromes et Ja société plus active, Elles ‘atta 83 chent & définir les rbgles communes qui garantissent Ie respect de la liberté de cha cun et empéchent que n’apparaissent des situations de domination. Elles inearnent une culture de résistance & un marché sans rigles, & une é&onomie mondialisée s régulations, & une disparité ja entre des citoyens vivant au sein d'une ique, iu et sans civile sans principes de leg ritique, & une culture uniformisée ech un individualisme debrids Le libéralisme n'est pas seulement une forme permettant la coexistence des indivi- dus. Il exprime également des valeurs, figes abord & la liberté, mais aussi & Vimparcialité et & Ja puissance des régles ct des procédures. Il laisse aux individus vémes et la tache de construire pour eux pour Ia communauté eivique & laquelle ils appartiennent des liens et des accords, Il Jeur recommande de mener ensemble une véritable activité critique. Le libéralisme ne prescrit pas les fins de existence Truman, il Tes laisse aux individu. Mais il ne se réduit pas non plus & une gestion de la pluralité politique, car i} donne aux 84 hommes les moyens de s'accorder et de s'associer. Par ailleurs, Ie ibéralisme anti- ipe sur ce que peut étre le contenu dle la liberté. Car la liberté n'est pas un contenu vide, mais un programme daction, qui exige éducation, réflexion et critique. Le bat du libéralisme est d'abord de per- ttre & chaeun de donner un conten positif & la Liberté, un objet & la volonté, afin que celle soit individuellement et collectivement véeue comme une liberté pour faire quelque chose. Cette orientation le du libéralisme est d'autane plus ente aujourd'hui que les so modernes offrent dinnombrables occasions de conférer un sens précis aux libertés des individus, lesquelles, pour eertaines, sont otalement nouvelles, en matiére de pro- eréation humaine par exemple. Se déprendre de la bien-pensance antili- hérale si répandue aujourd'hui est Ia condi- tion premitre pour ouvrir les im chantiers de réflexion qui sont aw ctoi sement d’un engagement libéral et d'une forte préoccupation sociale. Comment don- ‘nor & chacun Tes atouts conerots qui Iai per- imettent de se sentir sujet de som existence et 85 de former un projet de vie? Comment faire pour que les conditions d’existence des plus démunis ne soient pas ressenties par eux ation sociale ? Comment inserire en amont méme de Ia production es orientations socia- Geonomique de ré Jes? Comment libérer Ie travail de son caractére asservissant, V'affranchir des formes de pénibilité qui brisent l'individu, ct restaurer dans chaque activité initiative et responsabilisation ? Comment promou- voir une société civile consciente d'elle- méme et capable de se critiquer ? Comment réformer VEtat et In société pour atteindre des objectifs communs en diffusant ressources d'action et garan Le projet dune société libérale qui favorise le plaralisme, prone l'élaboration des intéréts, V'éhange et Pautocritique, et recommande Ja distance & Pégard des passions et des phénoménes de masse doit aujourd'hui s'incarner en Franee dans un mublicain. Dans une régime résolument telle société, le populisme, lequel suppose «brut du politique, refus du débac public Gclairé et homoggnéisation fictive des Sts, est une formule exoyances et des int 86 politique quasi impossible, Or c'est précie sément pour penser les moyens de préserver les conditions de Vautonomie individuelle, & la base du programme d’émancipation et dle participation civique républicain, que le libéralisme est plas que jamais néeessaire. Crest Ia seule pensée de combat dont nous dlisposions aujourd'hui. La réflexion sur les libertés modernes et les idées libérales n’est pas simplement une option pour les partis politiques contempo- rains, I] ne me semble pas qu'un parti poli- tique puisse ou non choisir de les aborder. les sont entrées de plein droit désormais dans la réflexion intellectuelle des partis politiques. Plus que cela. Les idées Ii rales associées aux idéos sociales sont aujourd'hui une offre politique majeure Ces idlées sont & prendre. Le parti qui les assummera incarnera pour un temps le renouvellement politique. L’histoire nous dira si cette conciliation entre idées Iibé- les se sera produite 3 gauche, au centre, voire au centre droit. Rendues pressantes par les récentes muta- tions sociales et économiques, les idées libé- rales sont en phase avee Ja mani@re dont rales et 87 Tes individus modernes se représentent leurs modes de vie et leurs actions. Le parti réformiste qui les défendrait gagne- rait & coup stir en initiative intelleetuelle ec en erédibilité politique, Nicolas TENZER PROMESSES BT LIMITES DU LIBERALISME Je débuterai mon propos par l'exposé brut des trois théses que j'essaicrai de soute- nir. Ces trois théses sur le libéralisme ne sont pas censées rendre compte d'une essence intemporelle du libéralisme, encore son histoire moins retracer Pintégralits et des théories qui se sont développées en son nom, mais visent seulement & exposer la conception du libéralisme qui, aujourd’hui, tue parait pouvoir et devoir prévaloir dans les sociétés occidentales et, en particulier, en France, Une doctrine politique raison- uuable ne saurait déeouler de la logique non maitrisée d'une idée, mais implique un choix normatif conscient. Ma thise principale est In suivante : jome a une valeur vwon. seulement Te lib intrinséque comme doctrine politique, en ce 89.

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