J Plosopie
‘arto arpa Alan Rea Po
n Pe Hr Tc
JURGEN HABEROMAS — Lithique dea discussion ta
‘question dela verte. Dscstion anime par ParckSvida
ALERT JACQUARD, PIERRE SANENT, ALAIN RENAUT —
‘Ue uation sans autorité ni sanction?
{J0uN R, SEARLE — Liberté et neuroioloie.Resions sul
Tie rb, langage et pouvoir
GILLES UPOVETSKY et SEBASTIEN CHARLES — Les temps
permodernes
JEAN-PAULFITDUSSI — La democratic Te marché
NICOLAS WEILL — La République etlesantisémites
LVUCPERRY et MARCEL GAUCHET — Le elise apis la
religion
’
[ALAIN RENAUT et CHARLES LARMORE— Deébat sur ethiqu.
‘eatin ou alse
BERNARD FOCCROUILLE, RONERT LEGROS,T2VETAN TODOKOY
~ Ta nassance de individu dans art,
PASCAL ENGEL et RICHARD RORTY—~A quof bon a wsté?
HELENEDUEUILLET —Le psychanalyse est un umaniome
FAUT-IL SAUVER
LE LIBERALISME ?
“OLLEGEDE PHILOSOPHIE
MONIQUE CANTO-SPERBER
NICOLAS TENZER
BERNARD GRASSET
PARISMonique CAN1
SPERBER
LB LIE
Vambition d'une soc
des plus démunis ruse faire
Vespérionce d'une erase Ub
Le combat antilibécal, dont plusieurs
mouvements altermondialistes et la plu
part des conrants de la gauche politique se
sont fait une image de marque, est une
impasse. Le consensus antilibéral est mal-
heureusement devenu & présent en France
a
siste, conservatrice et populiste, comme
fologie composite des pensées progres-
des formes nationalistes et rétrogrades duu
républicanisme. Mais Phostilité an libéra-
Tisme qui tend a se faire passer anjour
@hui pour
et exprime une forme de bien-pensance
wtitude morale par défaut
de plus en plus répandue, ne sert ni
2 comprendre Je monde contemporain
ni 2 agir sur lui
Bbérale est la
Prétendre que la pensée
we et
cause unique du désordre éeonomi
du désarroi 8
cial, prétendre aussi que le
mde juste passe par
contre Je libéralisme,
seul espoir d'un
Ta Tutte achan
c'est se tromper Cadversaire, ignorer le
terrain ot Ie combat doit se livrer et
gquelles sont les seules armes encore
cfficaces.
Liennemi n'est: pas le libéralisme,
tune forme redoutable de eapitalisme, pre
datrice et lourde Cinstabilité. Le terrain
n’est plus un monde calfeutré, oft chaque
Etat est libre de choisir son style d'éo-
nomi, mais un monde ouvert od les
choix des uns sont aussitét sanetionnés
par Tes autres, Les armes les plus eré-
ibles sont des modes de régulation et
des pratiques de gouvernance, qui ont
&é Alaborés au sein de Ia tradition
libérale.
Crese du libéralisme que sont issues les
formes pathologiques de Duleralibéralisine
aujourd'hui. Mais c'est du libéralisime
aussi que vie
ent Ies meilleurs outils pour
les combactre. Les idées libérales sont done
4
1 lu fois Pune des sources du probleme et
+ solution
Loin d’étre & Vorigine des maux de la
contemporaine, le libéralisme peut
allvir ume voie pour leur résolution. TL
tun sens réel & la volonté d’éman-
cot
«pation et d’autonomie des étres humains.
HW permet de donner une expression
nes. TL sert
camwrite & Ia liberté des perso
Ietinie des régulations qui sont psyeho-
jwement et Geonomiquement réalistes.
1 contribue A laborer Tes mormes qui
tieament compte de ces traits fondamen-
tauy de Pindivida moderne que sont le
rovit de Vinitiative, In eréativité, Te sens
dle Peffort ow da risque. Enfin, il fournit
Ie Wwereau conceptuel qui confre un fone
a collective
adéquat aux valew
ties et intériorisées
sa dt
Kihéralisme répond & ne interrogation
«ensemble sur le statue de la person
ition Ia plus générale, le
et Pautonomie de ses activités. La ques-
‘ium olé @aujourd'hui ne serait done pas
savoir comment sortir du ibéralisme
cymais plutée de savoir comment y entrer
enfin’
Dans les pages qui suivent, je moncrerai
que le libéralisme permet de comprendre
Vévolution da monde contemporain, d’avoir
une prise sur elle et d'y répondre, Face
aux problemes dramatiques que pose
Vaffaiblissement de la démocratie dans
Ta société moderne, fa
sociales acerues qui privent de nombreux.
individus des atouts leur permettant
, fac aux forces
Véchelle du monde,
aux disparités
de maitriser leur v
impersonnelles qui,
tendent & priver Paction humaine d'me
fficacité, face aux menaces dont
international est gras, le libéra-
lise, le libéralisme vempé
valeurs et des rgles, pour h
soucieux des
equel je plaide,
ne ressource politique, intellectuelle ot
morale.
Paya 1900
16
Ce quest la pensée libérale
Aqu elle, A quelles
exigences sociales e¢ politiques correspond
engagement libéral ? Quels sont les dan-
gers majenrs visant Ta personne humaine
ot la socigis des hommes qu'il veut ée
ter ? Présenter ees enjeux vivants est sans
le
le nécessité intelle
doute le meilleur moyen de faire s
défi intellectuel et moral que représente
le libéralisme
La force des idées libérales tient A la
convietion qu'il est possible d'exereer
une influence sar Phomme, de le eiviiser.
Les moyens de ce processus sont [intério-
ation
risation des normes collectives et I’
A penser qu'il est nécessaire dimposer des
Timites et des gles aux comportements
humains. Les normes de la coopération émer-
gent des interactions entre les hommes, puis,
lune fois stabilisées, sont capables de les
contraindre. Le libéralisme écarte rés0-
Tument tout projec utopique de changer
homme et d'imposer par Ia force des formes
de socidts jug nu meilloures.
Le eur de la pensée libérale consiste en
Ja défense dle Ia liberté personnelle, définie
7‘comme absence de domination. La concep-
tion libérale de la liberté personnelle n'est
pas devenue une idée dogmatique et plate
dus seul fait quelle a triomphé dans toutes
Tes démocraties libérales. Elle conduit
encore & pouvoir légitimement protester
devant Pingérence Paucrui dans sa propre
vie et A refuser d’étre soumis & Parbitraire
de quiconque
Dis le Xv0" siele, In pensée libérale a
également pris corps autour de V'idée qu'il
existe une sphire sociale, ow société, dis.
tinete de I
laquelle les activités humaines sone auto-
nomes et libres. Le libéralisme s'est ensuite
incarné dans un ensemble de theses Ii
4 Ia nature de l'ordre politique, & la
ration des pouvoirs, theses qui tui ont
donné son visage familier. Le ibéralisme
défend enfin le réle des représentations,
des médiations, des délégations qui, a cé1é
de la démocratie des forces vives, plaident
pour une démocratie comme technique
et institution, En co sens, les idées de
délibération commme ou de débat public
forment le prolongement natuzel de la
ceroyance libérale en la possibilis
18.
par la discussion libre et Péchange
dles opinions mieux justifiges
quil est
the vi
Hw des intGréts mieux compris
wails de compéter et de co
te combat libéral pour Fobtention des
116s publiques a exigé la mise en place
de droit, d'un enga-
rom eigen 1x le er
«+ ake modes impersonnels de contréle. Nal
tue pout enatretenir des atcentes Iigitimes,
ion de sa personne et de
s, sans Ta certitude qu'un trai-
quitable sera appliqué & ses
ndes, sans Vassurance qu'il lui sera
jwouble de so référer & une gle publique
ww pour tous.
mn acquis fondamental du libé
we que d'avoir constamment rappelé
Fevidlenew qu
dliversité des intéréts et des opinions. Un
n'y a pas de société sans
emer corollaire do In recomaissance
ste ev inévitable pluralisme est T'accep-
tution dane conflieenalité inréductible
stuns la vie sociale, Sl y a
tions et dPintérée
wutlits, Un deuxitme corollaixe est que
he mnces, valeurs et croyances des
wersité d'opi-
ily a nécessairoment
19individus ne sont pas données sans lien,
les peuvent & partir de leur dif
mais
férenciation initiale s'influencer, s'amen-
der, voire s'associer. La grande force du
libéralisme est de situer la donnée de base
du probléme de 'aecord social dans un hori
zon d'immanence. La résolution des eonflits
se fait dans un ordre proprement humain,
sans intervention d'une autorité extérieure
ni conformité & um modéle transoondant.
Un autre point oii Ia pensée libérale a
irradié sur tous les autres mouvements
politiques a trait_an constat du besoin
d'ghange, de commerce, comme l'on disait
au xvi‘ sigcle, Torsqu’on incluait dans
cette notion tout ce qui a trait a la cixcula-
tion des biens et des idées, Cette condi
Aéhange est aujourd'hui ers généra-
Tement désignée comme le « marché ». Elle
est apparue en méme temps que Mage
moderne. Elle permet de faire I'épreuve
de ce que valent les choses, de débusquer
Jes impostures relatives aux valeurs,
apprécier Tutilité de chaque produit
et le besoin réel qui y correspond, Elle
donne les moyens Waceéder aux informa.
tions permettant d’apprécier la valeur
20
de ce qu’on fait ou de ce qu'on produit.
La place centrale que le libéralisme reeon-
nait a Péchango a pour conséquence que
Ie libéralisme économique ne saurait étre
Aissocié du libéralisme politique et cule
rel. Ni Phistoire ni les concepts n’auto-
risen la séparation de Ja liberté du citoyen
de celle de Ventreprencur. Les libertés
de posséder, dentreprendre et d'échanger
donnent accés aux conditions les plus
conerttes de la liberté individuelle. Li ot
ces libertés sont absentes, il n'y a pas de
société libre
‘Que F'état social doive étre amélioré est
tune conséquence naturelle de la pensée
ibérale. Loin des caricatures qui en sont
données, celle-ci ne consiste pas & laisser
aller le monde tel q
I est pour pew que
Ia possibilité de faire des affaires soit pré-
servée. Les libéraux consSquents défondent
ion de la liberté, qui n’est pas
Ie laisser-faire mais la préservation pour
chacun des conditions d’'an véritable agir
dont ils souhaitent la diffusion dans toute
Jn société. Ce qui implique d’influer sur la
réalité sociale de fagon que la eapacité que
chacim a d'étre autonome s'en trouve
au|
|
accrue. Par ailleurs, les libéranx consi-
derent qu'un état social se modifie par
Yobtention de consensus, au terme de
négociations, de compromis ou de transac-
tions. L’idée libérale de réforme exprime
done Vexigence de construire une légiti-
mité sociale fondée sur Je consentement
démocratique et qui refuse tout recours &
Pautorité
L'évolution des idées libérales
Les idées
liberté, de propriété, de société civile) ont
hérales (individu, de
connn, dés la fin du xix sitele, ume forme
de coloration sociale. J’en ai retracé V'his-
toire de maniére détailléc'. L'enj
le refas de concevoir le libéi
en fut
alisme comme
un mouvement asocial et politique.
L'idée de l'individu libéral s'est progres-
individua-
sivement éloignée d'un str
lisme. Un courant important du libéralisme
1. Maniue Caaespcar, Ler Rhy de ta bt, Pa,
stest en effet atta
dividu comme fagonné par les moyens
sociaux dexistence que sont l'éducation,
Ia réflexion critique menée en commun,
la détibération publique, Ix participation
civique, Vengagement dans des formes
16 & comprendre Pine
existence collective.
ar aillenrs, la définition de la liberté a
progressivement inelus la prise en compte
‘les moyens qu’a la personne d’étre effecti-
yement libre dans un monde donné. D'oit
le terme de liberté xéelle, définie par la
puissance ou les moyens d'agir, souvent
utilisé pour désigner cette interprétation
de Ja notion libérale de liberté. Car on ne
saurait défendre Ja liberté comme une
valeur fondamentale de la personne sans
se soucter du fait que de nombreux indivie
dus sont privés de cette liberté véritable.
sre dont la
Dans la mesure of Ia man
liberté est répartie ne peut pas Sere sans
définition méme de Ia
ité de libereés en est
conséquence sur
iberté!, Vidéo dé
1. i iin dnd dn in eo
die extant pa de rk
Settnien ck Jo Rowe
ta jue,
2Bvenue i exprimer exigence que des oppor
cunieés dactions puissent revenir & tous,
permettant & chacun de développer sa per-
sonnalité dans la vie sociale.
La propriété s'est, elle aussi, crouvée de
plus en plus interprétée comme une insti-
tution sociale, 1 faut en effet admetcre
que la propriété, garantie de la liberté de
ec base de la justice civile, est
chi
sociale par de multiples aspects, puisque
les moyens qui permettent de la garantir
et de la faire fructifer (systame jesidgns
salariat) sont des mo
de In sociésé. Par ailleurs, si la propriseé
incame une valeur et une norme, on ne
jons de sa
distribution au sein de Ia société. Un
défenscur d'ume distribution Ggale des
libertés doit plaider pour des mesures per
mettant de donner & tous Péquivalent en
jr et en possibilités dinitiative
pout dre indifférent aux cond
rmoyens d
Geonomique et sociale que Ia propriété
nent. Uno telle
ne signi-
donne & cenx qui la dé
socialisation de Vidée de propri
fie aucunement que les propriétés devien-
draient propriété de I'Btat ou de la 50%
24
mais qu'il est nécessaire de penser la pro-
priété comme une institution lige & un sys-
tame complexe d’obligations social
Enfin, Vidée libérale de socié
sexplicite naturellement en une concep.
tion de Ia société comme ensemble de
dettes et de devoirs interdépendants. On
retrouve ici la réflexion libérale sur
Tes biens publics dont ese isu 'Brat-
providence. Les biens publies sont en effet
les biens eapables d’assurer une vie décente
aux individus et de leur permettre @'agir
comme des eitoyens. L'idée que la sociéeé
doit garantir des biens publics fondamen-
taux considérés comme un da social est
e libérale. De méme, T'idée d'une
obligation mutuclle d'assistanice eontractée
par les plus riches du fait méme de leur
participation & une société commune est
également venue de la pensée libérale.
En prolongement, V'idée libérale de la
société ne conduit aucunement & admettre
quiume activité, celle de Véhange mar
chand, doive préempter Ia totalicé de
Pactivité sociale et rendre toutes les autres
activités commensurables & ses propres
rnormes. Lexistence d'un marché n'a pas
25pour conséquence que tout bien soit rédue-
tible & une marchandise
Les diverses inflexions « socialisantes »
e ne correspondent ni
‘que je viens de déeri
A une adultération ni 8 un dévoiement des
fdlées libérales. Biles exploitent plucdt le
plasticité qui est propre & ces idées. AU
out du compte, une telle évolution du
Tbéralisme correspond & la névessité de
relever un défi, le défi dune interpré
tation normative du libéralisme. La socia-
lisation progressive des idées libérales
donner un sens eoneret & Pam-
contribué
bition du libGralisme de garantir les
libertés des personnes mais de faire aussi
cen sorte que ces libertés puissent étre rée
lement exereées.
D'une telle histoire, il faut retenir que
le libéralisme n'est pas une essence poli-
tique figée une fois pour toutes. Das le
Xvit sigele, les thémes fondateurs du libé-
ralisme sont définis : intégrité de V'indi-
vida humain, respect de Pantonomie des
activités sociales, immanenee des regles de
Ja coexistence humaine, Mais lévolution
interne des idées Jibérales enseigne clai-
rement que Ie Libéralisme est un idéal
26
politique sous-déterminé qui pew
fondir et recevoir des réalisat
rentes selon Jes contextes sociawn
politiques
et économiques oi il se trouve exprimé. Cet
approfondissement n'est en aucune fagon
arbitraire par rapport & orientation
inte du libéralisme. L’histoire des
les montre que si la notion de
aun noyau de définition stable
domi
a travers les époques, la signification
concréce de ce qu'est un individu libre, de
ce en quoi consiste une société libre pout
se modifier en fonction des coutextes socio-
Economiques, de la méme fagon que
varient les formes de domination.
I existe assurément une forme du libéra-
Iisme, certains lappelleront « orthodoxe
autres « réactionnaire » ow « ultralibé-
rale», qui ne doit rien aux luttes sociales
rmenées pendant plus d'un sitcle et ne tient
gure compte du fait que les sociétés
, de plus en plus complexes, ont
acer de rationslisation et de
modern
un besoi
régulation'. Par ailleurs, une tendance du
tlle tlton dn hon aly pas Mayon
Aron, as err ies (1969, Dar atte cl Dhibéralisme s'est depuis longtemps montrée
réticente a l'égard de Pexereice de la sou
xeé du peuple, dans la erainte que
celleci n’aboutisse & In tyrannie de la
majorité et & une forme de radicalisation
Aémocratique. Pareille erainte explique
aque le libéralisme ait pu s‘accommoder de
formes politiques non démocratiques.
La manire dont, & rebours des réti-
ences que je viens de rappeler, la tradi-
tion libérale s'est progressivement engagée
a défense de In démocratie et a,
da
non sans mises en garde et précautions,
souten les luttes démocratiques est lun
des accomplissements historiques da Libé-
ralisme, Lorsque le libéralisme s'est 6troi-
tement associé aux formes démocratiques
et pluralistes de gouvernoment, il a d'une
certaine fagon dépassé son indétermination
politique radicale,
Cela ne signifie pas que le libéralisme
devait nécessairementse transformer en une
conception politique démocratique, sociale
et régulatrice. On pent assurément con
voir des formes de libéralisme non démoera-
tiques, non sociales et non régulatrices. Ces
formes de libéralisme, que pour des
28
de commodité je désignerai sous le nom col-
lectif d’ultralibéralisme ou d'idéologie da
laisser-faire, défendent, a Pencontre du
ibéralisme dont je me réclame, Ia libercé
sans limites, V’individualisme sans monde
social, l'économie sans ragles. Ces formes de
libéralisme sont dogmatiques au sens strict
it elles refusent tout pragmatisme, tout
expérimentalisme en matitre de politiques
publiques et ott elles refusent ce que j'ai
appelé, faute de mieux, Ia « socialisation »
des idées libérales. Je voudrais leur opposer
ce que je concevrai comme une forme de
ibéralisme modeme, un libéralisme qui
considixe que le contenu coneret du pro-
gramme libéral doit recevoir sa substance
des Tutees menées aur nom de Pexigence de
démocratie et d'une autonomie accrue des
personnes. C'est le libéralisme que j'appelle
de mes veux et que je désigne sous le nom
de libéralisme des rgles et des valeurs. Ce
ibéralisme procéde de ce que je qualifierai
aussi de compréhension normative du ibé-
ralisme, puisque son but intellectuel est de
‘comprendee de Ia maniére la plus complite
‘ce que signifie coverétement la eapacité du
Tcbéralisme d’émanciper les individus et sa
29capacité de garantir une véritable liberté
aux personnes, quel que soit Ie milieu oi ces
viens d’évoquer la genése se sont trouvées
illuserées avee des accentuations diverses
dans plusieurs mouvements_intellectuels
‘ituent surtout au centre de Ia seBne
politique. Dans la moavance qui va du
centre droit a la gauche, elles ont &é
reprises par les courants libéraux républic
ceains du début du sigele, par certains des
mouvements de société qui se sont déve-
loppés en marge de la deuxizme gauche dans
Jes années 70, ainsi que chez Jes libéraux
démocrates ot les libéramx sociaux. Pla-
sieurs aspects des politiques, dalle
par
‘Tony Blair et Gerhard Schriider s'en ins
pirent.
sea différentes entre elles, sui
La pensée libérale en France
Comment expliquer que le libéralisme
soit aujourd'hui dans notre pays couvert
30
Copprobre et considéré comme Vexpres-
sion d'une pensée résolument marquée &
droite et directement inspirée par ee qu'on
appelle en France les conceptions « anglo-
sexonnes»? On doit s'étonner dun tel
jugement dans Ia mesure of ailleurs qu'en
France, et en particulier dans le monde
anglophone, Ie terme liberal signifie « dé-
mocrate» ef suggére une appartenance
politique situge & gauche de Péchiquier.
Une autre raison d'@tre surpris par la
désapprobation proprement francaise dont
le libéralisme est Pobjet tient au fait que
In présence en France d'un Etat adminis-
tratif fort et d’un pouvoir centralisé, dont
les interventions dans l'économie sont déji
Vieilles de plusieurs décennies (surtout
dans les périodes covséeutives aux deux
guerres mondiales), ont fortement modéré
les options politiques libérales. 11 n'y a
pas en France de forme pure on de forme
Galtra du libéralisme, ce n'est_méme
pas une possibilité politique concevable.
La seale forme de libéralisme acceptable
assoeierait done an culte de Ta loi ta
reconnaissance d’um Etat incarnant 1a
rationalité politique, Pintérét_ général et
31Ja souveraineté du peuple". Au vu de ces
faits, ne doit-on pas se demander pourquoi
tant de haine envers le libéralisme ?
On a souvent incriminé le fait que le
« jacobinisme » frangais rendait difficile le
développement d'une pensée libérale, mais
plusiewss travaux récents ont amené 2
nuancer la réalité historique de la tradition
jacobine en France?. De plus, le libéralisme
frangais a été représenté au cours du
xn sitcle par le libéralisme orléaniste. Ce
yendant plus d'un
si@cle une option politique majeure. Tou
tefois, In présence politique considérable
du libéralisme dans la vie politique fran
aise n'a Jaissé que peu de traces sur Ia vie
politique actuelle, méme au sein des mouve-
1, Raymond Aron, «Qutarge que le Ubéeslime
CConnmtae, hvee 1598 199) 84 cen Jame, Lt
“oe te porate di Urals fang, Pei
sD 9 tater eta lo hes Orgies ple
plus de tatome, Pat, Fayar 200. Deere Manon
telCibrous tare, Het el. + Pav D6. Pe
ondomone creas de lial fu
fain in They de Miri La Proce dr nan
Dori: PUP, 200, p 85:95. Un snd BVA tig portant
ses 4 sealant des prams ss «
hale (Eatin, 9 se
wallet Se poitiq fo
se, 2008
32
ments qui se placent & droite du spectre
politique. A gauche, Ia situation est aussi
peu explicable, Les idées individualistes et
libérales ont eu une grande influence dans
les premidres décennies du socfalisme fran-
cais!, en particulier grace au proudho-
nisme, Mais il faut constater qu’a gauche
aussi cette tradition libérale s'est progres:
si faraitre. Je
ne peux ick Gtudicr en détail quelle est la
part d’éléments fondamentaux, ow « struc
turels », qai explique cot état de choses
et quelle est Ja part d'éléments de circons-
tance, dus aux situations historiques ou
aux conjonctures particuliéres. Mais on
peut constater qu’a gauche Peffacement
progressif des idlées libérales est dé a la
domination intellectuelle, dés le début du
vot sitele, d'un marxisme vulgarisé, déter-
riniste, qui efface peu & peu de la tradition
socialise les apports proudhoniens, Hib
atténuce avant de
ct individualistes. A droite, la persistance du
onapartisme et du traditionalisme conser-
le, In. violente
vvateur au cours du xix" s
ecg Contos Rig de oto c.
pe ire
33critique que connurent les institutions de la
démoeratie libérale dans les années 30, puis
les circonstances exceptionnelles de Papr’s-
guerre, soumis aux exigences de la recons-
truetion, et enfin I'influence du gaullisine
limitérent durablement la présence intel-
leetuelle du libéralisme.
A la prise en compte de ces héritages
complexes liés & histoire de la France, il
faut ajouter le constat d'une nette radicali-
sation des clivages politiques & partiv des
70. Jusqu’a ce momentTi, le libé-
ralisme Gait encore considéré tant bien
que mal comme Tune des grandes tradi
tions capables d’orienter les idées poli-
iques, % droite comme & gauche, Un net
infléchissement se produit apréy mai 68
avee V'spparition pu ;eloppement
un discours dénonciateur anticapitaliste
qui critique aussi bien Ia droite que le
deuxitme gauche, la gauche dite alors
«américaine » ou « libérale ». C'est & pare
tir de ce moment-la que le libéralisme est
systémaciquement assimilé aux formes les
plus prédatrices du capitalisme. Une telle
stigmatisation a eu pour effet de neutralic
ser la force d'une tradition libérale &
34
gauche et de mettre Ia pensée centri
Tibérale de droite dans tine postion
culiérement inconfortable pour assumer
son héritage
Des traits propres & Ie culture fre
concourent enfin & rédire encore at
Chui Hinfluence des ides ibérales. La
présence d'un Etat providence tend a faire
considérer que I'Feae ese le prineipal fac-
tear de proceetion, eapable de garantir Ia
Iiberté des persomes, Notre ctlture natio-
nale marge une nette préférence pour Ia
sauvegarde des situations acquises qui
entrainent aves elles des avantages, quite
a Haisser & M6 =n
pas de te
La eonvietion est aussi largement parta-
en France que les normes et les
ne peuvent étre définies que par I
phutot que par les socigtés ow les gr
ments professionnels
sles
1. Por eoapl, ls promis qu vane esr apo
crsting mesentery Fee coor on
Frans pur anerance cade, Male en snpatos lg ne
Truvend acide hte aide tile que dans ie cones
Focrivn din parla lye dan den entre apts
Teta Le ence Fppant ave: Blots Te
mle pres obese tere fa
per tS poems Qe ps soetrt reer de ews
‘Seon. mat et pete de eras comparable 3
35La tradition libérale reste anjourd'hui
en France minoritaire % droite ct tr
iche. Mais surtout Pévolu-
rales au
tion qu’ont connue les id6
cours de cc dernier sigcle et que jai
retracée plus haut est largement- méeon-
nue en France, Dune certaine fagon, le
libéralisme yest plus earicaturé que
jamais, L’idée libérale de V'individa est
travestic en la conception d'un « homme-
tome» complétement désocialisé, auto-
, détaché de la
producteur de hu
rétif & to
lien social et ballotté
ée libérale
natu
au gré de ses préfiérences. L
de liberté personnelle est comprise comme
condaisant & Ja licence Ia plus totale, ott
chacun fait ce qui lui plait. La concep:
tion libérale du. marché et de P'échange
en Tidée d'une jungle oit
ceux qui parviennent & oceaper une posi-
cst transform
tion de puissance asservissent tous les
autres. Liexigence libérale d'une rigle de
droit est altérée en culte des procédures,
ex contrats tatillons passés entre les
fella gran tev et Praoce (por exemple & Tntrdcon
ev chiqus pur lt elias et Genet
mls).
36
hommes, effagant complétement Pidée de
ce que sont un Tien social on un bien
commun, Chacane de ees earicarures or
respond A une trahison da libéralisme.
Pour corriger cet ceat des liews, il fau
drait certes mentionner la persormalité et
Tes travaux Alain N
JeanMaric Bockel & gauche qui se
réclament Pun et Paucre explicitement de
Ja tradition libérale, Mais lear influence
idelin & droite et de
politique ot intelloctuelle ne suffi pas &
amender Pimage d'une France fortement
marquée par la méfiance & Pégard du libé-
ralisme et méme dans certaines franges de
Ia société par une véritable passion anti-
libérale.
La passion antilibérale contemporaine
Les eritiques du libéralisme qui se dé
ploient aujourd'hui en France sont dau-
tant plus violentes que le libéralisme ne
vante pas seulement la liberté réglée de
Véconomie, mais exprime anssi ume concep
tion de 'homme, de Ja société et de la
37démocratie. C'est précissment parce que Te
libéralisme touche au cceur des engage
ments de Phomme contemporain et de Ia
fagon dont on peut concevoir son action
quill suscite tant de passions. On
Timiter la polémique sur Te libératisine au
fait de savoir si Von est pour ou contre la
ne peut
béralisation des serviees publies, 1a pri
vatisation des autoroutes ou T’étatisation
de Vassuraece-maladie, Etre libéral va
beaucoup plus loin, Bove antilibéral aussi
{Qui sont les antilibérans ?
Ce sont d'abord les re
courants _conservateurs,
ventants des
gui dénoncent
comme illusoires la Liberté humaine et les
prétentions des soviétés & se régler elles
ndmes sans référence & une réalité tran
cendante. On retrouve li une thése fami-
ere & Textréme droite, qui associe le
paternalisme corporatiste et exaltation
de Pidentité nationale & une rhécorique de
la rédemption sociale appelant au re
f
Ce sont aussi les tenants du commu,
nnisme politique qui cons que l'exer-
Economiques n’engendre
sement colle
ice des libertés
38
que chaos et servitude lorsqu’il est rigs
par les contrats au liew d’étre régi par
MBeae
Mais ce sont surtout les partisans de
Vexerdme gauche actuelle qui avee son leit
rmotiv antilibéral attise Jes derniers fewx
des utopies sociales. Ce courant donne voix
& In nostalgie d'un Etat protecteur et
interventionniste, d'un pouvoir gouver-
nemental souverainiste, et d'une démocra-
tie de revendications, le cout désigné de
maniére forfaitaire par T'euphémisme
«retour du politique ». Les mouvements
«extreme gauche prénent ane transforma-
tion sociale radicale, méconnaissent la
livergence des intéréts, méprisent le sou-
hait de réformes progressives, et assoiont
leur eutorité en prétendant parler an nom
un mouvement social légitime & leurs
yeux dans sa seule fraction vociférante et
radicale
Parmi toutes ces formes d'antilibéra-
lism
ares sont celles, surtout & gauche,
qui seraient prétes & expliciter les raisons
de leur critique. Leur popularité dans
Vopinion en serait vite mise & mal. Car
derriére leur haine du libéralisme, qu'elle
39soit dextréme droite ou d'extré
ily a un mépris d'ensemble & Pégard de
Pindividu moderne et une sourde méfiance
devant Paptitude des hommes 2 trouver
pat cux-mémes, en tétonnant, des normes
existence collective.
La passion antilibérale exalte des
formes effervescentes et protestataires de
oeratie, peu soucieuses de la nécessité
AEclairer les esprits et de pondérer les
jugements. L'antilibéralisme amalgame &
dessein Texistence méme du marché aux
abus, monopoles et fraudes des formes
pathologiques du capitalisme. Dans cette
réduction systématique au pire, Europe,
dire 'Burope de Vouverture et des
crest:
normes, est travestie en « Europe libéra-
Ie, ce qui est absurde lorsqu’on songe que
c'est précisément parce que l'Europe est
aussi un marché de libre concurrence
jwelle peut faire valoir sur la seine inter-
titionale des changes une forme do mon-
dialisation soucicuse d’Squilibre et de
développement harmonieux et durable.
Le libéralisme est, aujourd'hui, plus
Pégoisme, & Findi-
que jamais amalgamé
40
vidualisme outrancier, au laisser-faire sans
serupules ni limites. Tl serait le seul res-
ponsable de la précarité salariale, de Vex-
clusion, de V'inggalité eroissante, de la
déception & Végard de MEurope, de la
perce des reptres et de l'incivilies, bref de
tous Tes maux de notre société. I passe
pour une idéologie honteuse. Méme ceux
qui cherchent & le pratiquer osent & peine
s'en réclamer, qu'il s'agisse de la Commis
sion européenne, ou des gouvernements (de
gauche ou de droite) au pouvoir. Dans
tous ces exemples, le libéralisme est assi
milé & Pultralibéralisme. C'est [a un pré
jugs qui porte un ees grand tort aw
libéralisme
Linerimination systématique du libéra-
Tisme détériore Galement la qualité de la
vie politique, en créant de fagon tout &
fait fictive un épouvantail porteur de tous
Jes maurx. C'est la une maniere de faire qui
dévoie le jen politique en coneentrant de
manire fallacieuse sur un seul courant
toute la négativité de nos soci
tune telle accusation est superti
Je libéralisme exprime une vision force
de homme et de la société, dont on ne
41saurait se passer lorsqu’il s‘agit de réflé-
chir aux idées politiques les plas fécondes.
Bnfin, 1a condamnation du ibéralisme est
frresponsable, dans Ia mesure of s’atta-
quer A un mouvement qui place au coeur
de son projet la défense des libertés est
particuligrement peu avisé aujourd'hui,
alors que des dictatures existent: dans Ie
monde, alors gu’un marché uniformisant,
jue la culture de masse et que le eonfor-
thisme médiatigue regent partout. Dans
une telle situation, Ia sauvegarde des
cette raison, réhabiliter Je libéralisme
come option politique erédible est une
entreprise de salubrité publique.
La pensée libérale et les socétés modernes
Crest dans les sociétés modernes que Te
libéralisme doit trouver l'occasion I mei
Joure de faire la prouve de sa eapacité de
définir les problémes et Coffrir des solu-
tions féeondes.
Des demandes de liberté et d'autonomie
42
accrues sont aujourd’hui formulées, ainsi
que des souhaits inédits d’initiative et de
responsabilité, Dans la plupart des cas, ces
demandes ne parviennent pas & se couler
dans Jes formes d’expression politique ou
sociale aujourd'hui reconnues : représenta-
ale et vote. Lun des défis
tion synd
majeurs auquel est confrontée Ja. pensée
libérale contemporaine, défi qu'elle a une
vocation particulidre a relever, est d'aider
4 formuler ces demandes nouvelles déman-
éipation. Le libéralisme peut ainsi montrer
combien le travail de reformulation
conceptuelle auquel il s'est liveé depuis
plus d'un sitele peut servir & la compré
hension de ce que signifie aujourd'hui éere
un individa libre et responsable.
Les soviétés moderes se sont libérali-
ses. Co processus engendre, ainsi que tous
les autres phénoménes humains, sa propre
pathologie. Car une telle libéralisation a
pu induire des effets de servitude, la
Tiberté des contrats dissimulant mal la
contrainte exereée sur les travailleurs. Elle
aussi des effets de domina-
@ pu sus
tion, & cause de phénom
concentration des pouvoirs ou de eréation
43de monopoles qui aecompagnent souvent Ia
concurrence économique. Elle peut entrai-
ner un désordre généralisé, oft de moins en
‘moins de personnes reconnaissent les effets
n et se vivent comme dépossé-
de leur act
dées de leur agir.
Le libéralisme correspond & une pensée
de Ja multiplication, de In décentralisa-
tion, des foyers d'action. I est défini par
Pexigence d'une société autonome, d'un
individu libre et d'un partage entre Tes
fonctions de I'Btat et celles de la société.
Mais on ne peut pas dire pour autant que
Ie libéralisme serait aveuglément naif sur
les effets contre-productifs des liberté
quil imagine que les interactions sociales
suffisent & créer un gouvernement. poli
tique. Le libéralisme ne croit pas que I'it
ygrégation des
16ret général se réduise &
intéréts particuliers, ou que la politique
doive se ramener & administration de la
société civil
Depuis Montesquien (pour ee qui a trait
sux limites de action de Mex, depuis
‘Tocqueville (pour la prise en compte des
mailman a Ta 6 wile, dae ew
libéraux anglais de la fin du xis¢ sidele et
44
Jes Tibéraux républicains frangais de la
méme époque (pour la reconnaissance de
Ia néeessité de dispenser & tous garanties
et biens communs), le libéralisme s'essaie
8 définir les mormes intornes qui doivent
pondérer Pexercice collectif des libertés
humaines. Mi
we la pensée de Hayek, qui
pourrait incarner une tendance « dogma-
tique » du libéralisme, bien différente de
celle que je défends ici est pour Vessentiel
consacrée & éeudier Pauto-organisation des
soeiétés humaines et & réfléchit
gence des normes dans Ia soci
Dans des sociétés individualistes
complexes, un probleme politique majeur
est de savoir comment régler l'exercice
collectif des puissances d’agir. La sauve~
garde de l'autonomie des personnes, le
maintien de Ta solidarité et la possibilité
d'une société ste en dépendent. Il s'agie,
dans un cadre commun (national, européen,
voire mondial) er les libertés,
centendues comme eapacités de choisir, d’en-
treprendre, d’assumer responsabilités et
initiatives, et de les diffuser surtoat chez.les
plus pauvres. Il s'agit de faire en sorte que
Jes moyens ainsi dispensés puissent ére
45individuellement ressentis par chacun,
miéme par ceux qui n’ont rien, comme des
ressources pour mettre en e&uvre une puis-
sance d'agir véritable, Comment eoncevoir
en offer les garanties communes qui per-
mettent aux personnes de retrouver une
aitrise de leur destin ? Comment conférer
des atouts en termes de pouvoir d'achat,
de formation, de possibilités de choix,
aides données aux projets et de garanties
alité d'ace’s aux biens publics ?
dans I
‘Comment jer aux pathologics de Ia
Aémocracie que sont le populisme et 'auto-
exclusion du vote (pratiquée surtout chez.
Jes jeunes, les chdmeurs et Jes plus dému-
nis) ? Comment aceéder & ce qui contribue
2 faire de chaque individu um sujet actif
du devenir social, doté d'une forme de
pouvoir social ? Telles sont Jes questions
suscitées par T'évolution des soviéeés
modernes et auxquelles le libéralisme doit
répondre.
46
Le libéralisme et Vévolution
de la démocratie
La désapprobation ordinaire dont le libé-
ralisme fait aujourd'hui Pobjet identifie
celui: avec le déploiement des intéréts, le
Fgne du marché et des multinationales,
Vexaltation déréglée des droits individuels
et des autonomies de groupe. Mais un autre
hime eritique est apparu i la fin des années,
80, dans le sillage d'une réflexion sur les
fondements de la démocratie : Ie libéralisme
saperait & Ia base la vie démocratique, la
privant de son ressort et de sa vigueur,
amollissant Ia volonté politique et Punité
civique
Le coustat que les sociétés modernes
sont confrontées au double danger de l'ex-
trémisme et de In dépolitisation rend ce
demier reproche lourd de sens. Nos eonei-
toyens sont de plus en plus nombreux &
voter pour des partis clairement antidémo-
ceratiques, dextréme gauche ou d'extréme
droite. Ils sont de plus en plus nombrenx
aussi & renoncer & tonte forme de partict-
pation politique, quiils s‘abstiennent de
ournent de la vie publique.seule ressouree dont disposent encore Jes
<émocraties contemporaines pour ne pas sue-
comber & ce double péril dépend de leur capa-
cité d'incamer un renouvean, fondé sur
Fexpérience collectivement ressentie d'un
‘engagement civique, d'une puissance d'agie
ensemble, d'un sens de Vineérét public.
Face & un tel dé
eau démocratique, certains prétendent
que le libéralisme serait politiquement
disqualifié. Il émousserait et fractionnerait
Je voru d'action collective, Il disperserait
dans les individualités et les coalitions
dintéréts les ferments ’um ressaisissement
civique. I serait incapable de répondze
aux difficultés de notre temps qui
trait, pour une part, & Vautorestriction
démocratique (dont témoignent Vabstention
cot la disqualification du vote popalaire lors-
que celui-ci se porte vers 'extrémisme) et
aux radiealisations démocratiques que sont
Je conformisme exeessif, les demandes de
droits extravagantes, la tyrannie de la majo-
rité, la surenchire égalisatrice et uniformi-
qui engage le renow
sante,
“Tout & Fopposé de ce verdict, je erois
que le libéralisme offre une orientation
48.
pertinente pour Ia compréhension de In vie
politique, non dans la torpeur des esto-
fits, mais dans l'approfondis-
sement de la pluralité des opinions et des
incéréts, Ie dépassement des conflits et la
constitution d'un intérét commun.
Le caractire inédit de 'expérience
démocratique contemporaine est lié 2 Ja
mutation du role de Etat. En Prance,
tune telle mutation a directement affecté
Ja formulation de Piléal républicain. Alors
quam tel idéal s'était historiquement
conerétisé dans une ambition de devenir
collectif, de légitimité politique dominante
entigrement iste de la souveraineté
nationale, nous vivons a présent dans
tune nation oit les interventions de I'Btat
dans l'économie se sont considérablement
réduites et oft une part des décisions natio-
nales est déléguée a des organismes euro-
abilité aux 6vénements
péens. Notre ¥u
du monde est sans précédent. Courei
peuvent affecter la richesse nationale, bou-
leverser nos solidarités, détériorer notre
environnement, compromettre notre acc’s
ax sources d’Gnergic. Une telle évolucion
s dans
(@ue au fait que nous sommes pas
49tune économie post-industrielle et mondiali-
sée) a pour conséquence que nous sommes
de plus en plus dépendants et vulnérables
sur la scene du monde, Contrairement & ce
que beaucoup pensent, une telle mutation
du réle de "Etat n’a que p
ce que serait un retrait de I'Etat eansé par
les pressions de l'individualisie eontempo-
rain ou les prétentions de Ia société civil.
de liens avec
ne ressemble
iw et de
La condition contemporaine
gure au face-iface de Vind
Fitat que présentent les evitiques du libé-
ralisme, faceAface dans lequel PEtat
serait impuissant et Pindividu irrespon
sable, oft la société aurait préempté Pen
semble de la sphire du public et sapé
Fessentiel de la légitimité politique.
Le libéralisme peut aujourd'hui contri-
buer a définir Jes tiches nouvelles que
FBtat doit assumer. D'abord, fortifier la
participation politique, sous la forme
rune démocratie déventralisée, en naulti-
pliant au sein de la socié
conditions d'information et de délibéra-
(sous de bonnes
tion) les Tienx et niveau de consultation.
Ensuite, procéder & une pédagogic de
la décision politique, visant “2 faire
50
comprende les contraintes qui peuvent
peser sur elle (Ienteur d’applieation,
‘mangue de moyens, inertie administrative,
résistance des personnes concernées).
Au scin de conditions économiques et
sociales qui se modifient rapidement, de
nouvelles formes d'inggalités ne cessent
apparaiere. Celles-ci mettent constamment
en difficulté ambition républicaine de lut-
ter contre les priviléges ot Jes diserimina-
tions. De plus, le fait que les conditions
existence vécue des personnes soient
aujourd'hui si disparates au sein d'une cate
gorie socioprofessionnelle identique, que le
Tiew Phabitation, le logement, la situation
familiale, les réseaux d’entraide aient tant
influence sur le mode de vie doit ineiter &
faire en sorte que les biens publies que
TEtat a vocation & dispenser (édueation,
transports, médecine) sofent diseribués de
maniére égale, quel que soit Tenviron-
nement social des personnes. Il est néces-
saire enfin que dans les quartiers les plus
panvres, la qualité des écoles, Ia siireté
des transports, Paccessibilité aux soins de
santé sojent véritablement garanties, aussi
importants que soient les investissements
stfinanciers requis pour cela. La eapacité de
bénéficier des biens publies, qui sont autant
de conditions coner8tes de la libereé des per
sommes, est un des engagements forts du libé-
ralisme social tel que je V'entends. C'est
aussi une condition majeure de 'ambition
démocratique du libéralisme.
Le libéralisme & Péprewve
de Péconomie contemporaine
Dis le milieu du xr stele, et surtout
dans Jes années 1880, Ia tradition libérale
s'est trouvée confrontée & la gravité de la
re provoquée par la révolution indus-
trielle, C’était pour le libéralisme une
remise on cause d’autant plus grave qu'il
fallait constater que le systtme social et
économique que le libéralisme pronait
pouvait produire une désorganisation et
un matheur social que nul ne pouvait
igqnorer. Le paupérisme apparaissait
comme 'une des conséquences de Vexercice
sans contraintes de la liberté économique.
De nombreux auteurs libéraux ont alors
52
considéré, dés Ja fin du x1x* sitele, que
Ja question sociale devait conduire & révi-
ser les idées premiéres du libéralisme',
Ils ont pris cette tiche assez au sérieux
pour proposer des reformulations qui
marquent profondément Ie libéralisme
moderne. On peut & eet égard parler d'une
refondation du libéralisme, confronté & la
question sociale,
Lorientation principale dune telle révi-
sion du Tibéralisme se résume & considérer
que le libéralisme implique toujours rBgles
et normes. En ce sens, le pur laisser-Paire est
un dévoiement du libéralisme. D'abord
parce quil restreint le libéralisme au seul
domaine économique et donne une fausse
idée de ce qu’est Je marché. 1] méconnait en
particulier que activité économique
comporte nécessairement une dimension
sociale, Surtout, parce quill ignore qu'il n'y
‘pas d’exercice réel de la liberté qui ne soit
TU tat er om Frame tes spline
Charts Ramus Aled Poulson Orne Breage
EF Habe atc nonin el era
: —-
TBE en Kal Dv Rago e dans une etn te
Sent Cee en Alles es sous hati
fre pa eye de Mertan
BU
jn evry a
53constamment contraint dans. des limites
strietes destinées & sauvegarder Ia iberté
aautrui
Le libéralisme doit done fournir un
autre modile d'exereice de Ia liberté é0-
nomique que le laisser faire. Le libéralisme
defend les systemes économiques de libre
concurrence et de marché mais, en tant
jue tel, il me dit rien sur la mature du
Gapitalisme, sur le compromis &acteindre
entre capital et travail ou sur Ia réparti
tion des profits. Le libéralisme normatif et
inspiration sociale que j'ai évoqué plus
haut souligne au eontraire que 'activicé
économique est une activité enchassée dans
la société, conditionmée par de nombreuses
r6alités et normes sociales. D’oit la néees:
sité d'une réflexion normative sur le
ise ses r2gles optimales
marché qui
de fonctionnement, mais prenne également
en compte l'ensemble des réalités et réqui-
sits sociaux qui assurent son existence. Le
présence de régulations au cawur méme de
Ja défense du libéralisme économique se
ustifie ainsi
Pons Tes auteurs libéraux ont souliga
combien le pouvoir dela regle de droit et de
34
Ja sanction était essentiel att Id
lisme. Le
droit ne désigne pas seulement un appate
juridique. Il tire son efficacits de existence
préalable et recomue d'un espace de vie
commane normé et régulé. C'est pourquoi
les sociétés libérales sont souvent des
soeités de eonfiance. Lidéologie du laisser-
faire ot du profit maximal oit linvocation
de Ia liberté par les riches et Ies puissants
dissimule mal Iasservissement économique
auquel sont soumis les plus démunis, est un
travestissement du
ralisme.
Lidée de régulation, qui semble étre
aujourd’hui Ia formule magique avec
Jaguelle tous es mouvements politiques pré
tendent dompter le caractére incontrélable
de Vultralibéralisme éonomique, appar
tient de plein droit & la tradition libérale.
Le terme de « régulation » désigne en effet
Jes rgles qui s‘appliquent & une activi
est leeas par exemple des gles produites
par Organisation mondiale di commerce,
Jesquelles détaillent les mesures prises pour
préserver la
lation» peut aussi renveyer aus normes
produites par une instance pour une activité
currence, Le terme « régu-
donnée, normes qui correspondent & une
55conception implicite de ee que serait le fone
al de cette activité, Par
tionnement opt
exemple, les normes qui émanent du Conseil
supérieur de Paudiovisuel visont non sew
Tement & définir des ragles générales mais
wode d'existence
uel. Transposées
an monde éonomique, les régulations
devraient euvrer 3 une mise en ordre de
activité économique dont la visée plus ow
moins explicite serait un fonctionnement
tn fonction:
aussi & promouvoir
désirable du monde tél
libre du marché, mais «
nement équitable, apte & fournir au plus
‘grad nombre de réels moyens d'action.
est done une condition ordina
Vactivité économique (celle que la congoit
e libéralisme) que d'étre régulée. Le
re pour
marché doit éere en premier liew modéré
de Viniérieur par ses propres normes de
fonctionnement qui ont inévitablement une
expression sociale, Ces normes ont trait au
maintion de Péchange, au refus des mono-
arde des conditions «une
poles, & la sauyeg
ulation libre des biens
qu'un grand nombre d’acte
ticiper & Péhange et au refus
-émuunérations trop important entre ces dif’
56
férents acteurs. Le marché ne sait pas 3 lui
seal expliciter ces normes ni se les appliquer
de manitre immanente. [illusion libérale,
qui nourrit Pultralibéralisme, est de eonsi-
dérer que si le marchi
éme, de telles normes finiraient par s
livré & Iui-
poser aprds un long temps de tatonnements
ct d'approximations. Le néo-libéralisme
contemporain se nourrit d'une représenta-
tion idéalisée du capitalise cong comme
un systéme homéostatique, capable de se
réguler lui-méme. Il est fortement marqué
par la conviction, qu'on trouve admiza-
blement formuléo dans la pensée de Frie
dich Hayek, selon laquelle Pordre du
marehé, comme systdme d'intéréts média
tisés, porte en hui-méme le principe régula-
tour des contradictions dt eapitalisme.
Aucun libéral réaliste ne peut admectre
aujourd!bui ce point de vue. Il est aisé abr
server que le marché n'est pas autorégula-
teur. De plus, aucune soviété, soucieuse de
traduire une exigence eonerdte de solidari
ne peut se donner le temps dattendre que les
rnormes censées réguler Je marché deviennent
explicites et eoncraignantes. I! incombe done
3 la paisance publique dinteryenir pour
7dégager ces normes, en accord avec les per
mes eoncernées, et pour les appliquer en
leur attribuant une fonction correetrice et
1 ibéral dogmatique objec:
cst incapable de déterminer de
anticipatrice.
tera quel'Eta
celles normes car il n'a aucun moyen de les
connaitze, dans la mesure oft IE
Vextérieur de activité 6conon
ne peut ignorer qu'il est possible Pavoir
une fdée générale
@indvetions, a’
tions fondées sur ce qui a été expérimenté
gue. Mais on
ses normes 3 partir
ences, dextrapola-
avant ow sur co qui se fait ailleurs en
matibre de régulations.
Liintervention régulatrice de la puis:
sance publique dans Te cadre national doit
aussi se manifester par Ia lutte acharnée
contre la corruption. Un point de vue libé-
ral prine des mesures résolues, effieaces, et
inctions dissuasives contre la
de telles mesures condi
assorties de
corruption,
Sioment la survis de In concurrence ct de
P'sconomie de marché. La France est lente &
instaurer des normes strfetes et un contrite
rigoarenx (que permettent Ia rotation des
auditeurs externes d'une entreprise, lasépar
ration des activités audit et de conseil,
58
Tindépendance des administrateurs, des
rapports périodiques Fiables)'.
Les régulations se conerétisent ensuite
par la lutce contre les monapoles. La Diree-
tion de la concurrence & Bruxelles justifie
ses interventions par la nécessité dle préser-
ver Ia liberté du marché et les intéréts des
‘consommateurs par rapport aux abus qe peut
luire Ia constitution de monopoles. La
encore, la justification d'une tell intervention
est directement issue du libéralisme.
Enfin, la régulation publique doit se
manifester par Vexigence de mettre en
place, au sein des conseils d'administration
des entreprises, des organismes de contrite
et de surveillance eapables de prévenir des
politiques de développement passablement
aventnreuses. Les exemples réconts de
Vivendi Universal et de France Télécom
ont montré les dangers d'un milieu trop
fermé d’administrateurs qui se cooptent en
absence dinstances critiques. Dans. la
méme veine, le sonei de régulations preseri-
nn tp tor
59rait de préserver bien davantage les iuté
des pot
8 aetionnaires.
de vue libéeal considére aussi
quill est nécessaixe de prendre en compte
Ies externalités négatives que produit Vac-
tivité oonomique ainsi que tous les effets
kndré par cette activité, eompro-
qui
mettent la jouissance par autrui de ses
moyens d'existence ou portent atteinte au
bien-éere collectif de In société. La pollu
tion produite par une entreprise et dont
ss les personnes qui h:
les dommages faits & un
environnement qui est un bien commun, y
compris pour les énérations futures, doivent
dre strictement réprimés et donner Liew &
dédommagements. La nécessité de préserver
les biens publies contre les atteintes du
marché en découle directement.
Enfin, Pintervention de
requise dans des circonstane
at peut étre
nelles, car le marché ne s
traiter de telles
si une eondit
le hesoin d’aceéder & un médiv
exemple mn sanitaire drama-
tique en
cament, siun attentat met en grande
difffculeé des entreprises dont l'activité est
60
essentielle au développement Goonor
ou AT'Gquilibre social général,
ique
tion publique sur es marchés sera alors
néeesstire. En de tels eas, l'intervention
publ ig par le fait qu'elle est
Je meilleur moyen de satisfaire des besoins
prioritaires ou d'empécher des catastrophes
économiques et sociales. L’action de Etat
se situe alors dans la perspective de xétablir
3 court terme un fonetionnement plus réyu-
lier du marebé.
L’économie mondiale a connu aut cours
des quinze de:
es années des développe-
ments économiques importants et rapides.
Le nomadisme et la mobilieé soat & présont
es conditions du capitalisme développé,
En raison de la rapidité des évolutions
technologiques, le capital se dévalorise de
plus en plus vite, et la nécessité de s'a
ter, qui impose
de plus en plas in
sions et acquisitions, est
sSricuse. La transfor:
mation da capitalisme contemporain en
capitalisme financier et patrimonial rend
‘moins efficaces ou appropriés les modes de
régulation ou de contrdle progressivement
mis en place avec les formes antérieures dia
capitalise
61Face & une telle évolution, les tiiches
sme sont d’'6labo-
incellectuelles du libé
rer des catégories d’analyse sociale plus dif-
férenciées et d'analyser le capitalise
financier international, infiniment eréateur
mais aussi erucl, instable et cupid. 11 est
vrai que les évolutions récentes du capita
lisme et de la construction européenne ont
privé les Etats de leurs moyens d'action tra-
ditionnels. Des mesures comme Vinstaura-
tion de barrigres protectionnistes ou la
devaluation de la monnaie ne sont en effet
plus possibles, En ce sens, il est exact de di
aque la capacité de régulation des Btats a 66
ppartiellement mise en eause parla mondi
sation et Lintégration européenne. Il reste
toutefois aux Etats, comme je I'si rappelé,
tune réelle capacité d'infléchir le fonetion-
nement duu marché en cas de corruption, de
monopoles et de situation abusive. De plus,
Jes formes d'intervention publique ne sont
plus exclusivement nationales, mais aussi
européennes et mondiales. Le défi relever
pour l'avenir est done de faire «
ces régulations, qui trouvent lew
tions dans une eonception libérale de 'éeo-
nomie, soient transparentes, soutenues par
a
Tes acteurs sociaux et démocratiquement
Alaborées. D’oit le besoin de préciser, dans le
plus grand détail, comment ces régulations
sont méme de respecter les ini
Seamomiqus ea liber dee marché toe
en faisant droit, en amont méme du proces-
ss de ation de vicheses, aux finales
sociales ett la diversité des intéréts impliqués.
Te trait dévsif du ibéraliame norma
c'est la définition collective d'un exercice
des libertés, qui assure leur sauvegarde a
long terme ainsi qu'une répartition équi-
table des mayen action e Je mait ce
dle Vactivite
‘change. De maniére géné-
ige. De manitre géné-
rale, on recomnait aujourd'hui que pour
remédier aux « déailances di march
tune forme dintervention est requise ~ afin
de briser Jes monopoles et de coneréler
les «effets externes » (négatifs ct positifs)
que Vactivité cconomique produit mais qui
ne sont pas pris en compte par le marché,
comme, par exemple, les émissions. pol
Juantes d'une entreprise. Reconnaitre la
nécessité de rigles qui formaliseat les
interventions sur les marchés de puissances
extérieures » au marché n'impose done
en aucune fagon de eosser dere libéeal.
63Le libéralisme n'est pas
tune malédiction sociale
mais peut représenter une chanice accrue
de libersé pour les plus démunis
Le volontarisme social tant vanté
aujourd'hui plusieurs conditions. Les
tunes sont intelleetuelles, comme Dexacti-
‘tude de la description et Ia compréhension
exacte de ce qui doit Gtre fait. Les autres
sont morales : ne pas camper dans une
position absolutiste de refus de la réalité, et
voir s'il y a une possibilité dorienter les
conditious nouvelles de Ta vie économique
pour des finalicés sociales. La forme opti-
male du volontarisme en matiére sociale
est de se servir de ces nouvelles données
de la condition salariale comme d'un levier
pour multiplier les opportunités action
es ot les garanties dont elles
ficier. Le pari est de se servir
3 cotce fin du libéralisme économique.
La conception du libéralisme éono-
mique que je défends se site entre deux
repoussoirs. Le promier est celui d'une éeo-
igée. Le second est celui d'une
ge de
iété entivvement faconnée & Pim:
ot
it tout est devenu marché,
Pactivité humaine étant dis lors soumise
aux seuls critéres de I'accumulation, du
profit maximal et de la finaneéatisation, I
‘est aisé dapercevoir les dangers qu’ind
rait pareille Evolution. Elle provoquer
Thomogénéisation de toutes les activi
humaines. Elle artificialiserait la vie éco-
nomique avec des demandes de biens
induites, Elle eréerait un marché de masse
uniforme et sans réflexion oi les individus
seraient transformés en consommateurs
mimétiques.
La névessité de se prémunir contre cette
Evolution découle de Ja pensée libérale.
Pour différentes raisons toutes décisives.
D'abord, la perspective d'une homogéncisa-
tion de toutes les activités humaines est &
Vopposé de ce que recommande le libéra-
lise. Celuicei préne plutst la différenci
tion des activités et le maintien de spheres
dlebiens disti
tes, enlesquelles sera préser-
‘din Io plowalld Ube actin, onion
Aenrichissement de la vie sociale. De plus,
tun réel pharalisme des activités doit
cher que la valour marchende ne pi
emps-
partout e¢ m’aboutisse a la eréation de bar-
65ritres dacds aux biens fondamentaux
pour les plus démunis. Des biens comme
Péducation, la santé, voire la diversité
cultarelle, sont autant de conditions qui
permettent aux individus de participer an
marché. Lorsque des personnes sont
dépourvues de ees biens au départ, il est
inévitable que le marché exeree & leur
ination. Il est
endroit une effroyable dor
done essentiel que de tels biens éehapp
au secteur marchand'.
méme si le marché n'est
nt
quun domaine parmi d'autres de la vie
sociale, la question reste ouverte de savoir
wnismes q'évaluation da marché
ne peuvent pas tre utilisés pour des bi
qui ne sont pas des marchandises.
effet, les situations d’échange et de concur
rence sont les mieux habilitées & révéler
la valeur des biens. Si le marché est par-
fois @ Torigine de la o
poles, il permet aussi Je rétablissement de
on des mono-
Ja concurrence, ce qui cst le meilleur
moyen de se déharrasser des monopoles.
rl Walzer, Ler Spe del jue (1993), Pais
66
Pareils ajustements et adaptations du
marché ne remettent aucune
la feondité de la défense ibérale du
marché, comme lieu de I'échange et de la
A Pépreuve de la valeur. Mls montrent
que le libéralisme peut étre associé a V'exi-
gence d'égalité des opportunités
Prenons le cas de éducation secondaire.
Liaccés aux meilleurs établissements. est
char
aujourd"hui objet d'une compétition
née, Les enfants des classes moyennes sont en.
position de départ beaucoup plus avanta-
ruse que les enfants d’ouvriers. CEuvrer
A une égalité C'opportunités done effet
serait de permettre aux enfants des classes
Aéfavorisées d’accéder éventuellement & wn
enseignement de qualité, voire aux classes
préparatoires aux grandes éeoles, découle
de Vengagement libéral tel que je Vai
AGerit plus haut, Or cela suppose que deux
conditions an moins soient remplies : ume
part, que les enfants puissent savoir qu'il
existe des filigres d'excellence ailleurs que
dans les établisse
sits de leurs quarticrs, et
dont ils pourraient bénéficier ; d’autre
part, que des moyens eonerets soient mis en
ceuvre pour lear permettre d’aceéder eflee
ortivement a de telles flidres. Sur la premidre
ions, il
condition, Ia circulation d'informs
va de soi quel'idée d'échange et de transpa-
rence des informations que prone le libéra-
lisme est
condition correspond & une ambition forte
du libéralisme + donner les moyens d'une
‘véritable Liberté d'action aux personnes,
liberté qui dépend en grande partie d'une
Education de quali
facteur favorable. La deuxiéme
Pour les libéraux, Je marché n'est done
pas néeessairement une condition de domi-
rade
for.
nation. Il est plutée la eondition gé
qui permet Ta communication dl
mations, Ia diffusion des innovations tech-
iques, In circulation des facteurs de
produ
inestissements, et done Ia formation des
jon que sont les hommes et les
richesses. Pour un libéralisme cohérent,
«durable » si on peut dize, la défense du
narché doit aller de pair avee um souci réel
de W"équilibre social et du développement.
Pour sauvegarder In liberté de tous, il peut
dere requis de limiter les lihertés présentes,
evil ost nécessaire de garantir & chav
moyens dune liberté effective.
68
Le développement rapide de la société
information et Vorganisation progressive
d'un ordre mondial ont profondément
altéré de nombreux aspects de la vie des
hommes et des femmes d'aujourd’hui, La
condition salariale s'est: modifiée, la fone-
ion méme du travail a changé, de nouvelles
possibilités d'action ont éé conquises qui
traduisent ces revendications.
Quelles sont les capacités dagir eapables
de conférer un sens eoneret & V'exigonce de
Iiberté chez. les individus modernes? Les
réponses traditfonnelles en termes demploi
sgaranti, de ressources stables, de bénéfives
collectifs, d'appartenance & un ensemble
jonnel bien défi
profes e trouvent un pew
en porte & faux par rapport & Ja disparité
des conditions dexistence des personnes et
& Pimportance acerue des factours indivi-
duels ot familioux dans les niveaux de vie.
En revanche, il semble nécessaire de
garantir & chacun des moyens ct atouts
permeteant Pexercice des lihertés indivi-
duelles, de faire valoir Pexigence d'une
formation dispensée & tous, tout au long,
de la vie, et surtout d’an aveés égal pour
tous aux moyens d’émancipation porson-
69nelle que sont une éducation de qui
tune éeole véritablement capable de former
Jes dleves, un logement correct, des trans:
ports siirs et des conditions dPexistence
Aécentes. La tache intellectuelle de définir
Jes moyens conerets de la liberté
duelle, surtout pour Tes plas démun
est un des défis
Te monde d'aujourd’
majeurs que le libéralisme doit encore
relever.
Le libéralisme
et Pobligation de préserver
la diversité culturelle
individu contemporain est plus socia
lisé et normalisé que jamais. 11 manifeste
ses préfiérences avec une vigueur inouie,
mais il demande aussi de plus en plus &
VEtae de le protéger ct d'assurer sa
sécurité. La société a elle-méme bien du
mal & contenir sa propre conflictualité, &
se penser plurielle ct unifiée et & définir
les conditions de son autonome
70
La sociéeé s'est individualisée, mais elle
s'est également grégarisée. Le triomphe de
Vhomme hédoniste qui agit au gré de ses
préférenees va de pair avee la diffusion du
conformisme le plas pas de
marché uniformise les préférences et les
besoins, en méme temps quelle diversifie
Yoffre pour alimenter sans eesse le dési.
La culture dle masse homogénéise les goats
et les modes de eonsommati
De plus, Vempire de la science et de Ia
technique me cesse de eroitre ; les sociétés
modernes sont devenues de plus en plus
complexes et opaques. Des moyens de sur:
veillance et de contréle considérables sont
a la disposition de pouvoirs multiples. La
course aux profits les plus exorbitants
tend & s‘imposer. Peu de ressourees sont
lnissées aux individus pour affronter de
tels développements.
Enfin, on ne peut
aujourd'hui, qui vivent dans des sociétés
libérales et individualistes, vivent aussi
dans des sociétés quadrillées de normes et de
riglements. Les contréles bureaucratiques
et le suivi administratif des individus sont
i. Les lois se mul-
norer que les homies
plus importants que ja
7tipliont et tendent, en se superposant, &
régler tous les aspects de la vie individuelle.
Jes réglements eneadrent la plupart des
activités humaines, qu’il s'agisse de décrets
nationaux ou de directives européennes.
Cest pourquoi, en dépit des apparences,
Ja condition qui est aujourd'hui Ia ndere
laisse peu de plece & Pexpression de l'auto-
nomie individuelle. Elle donne de faibles
garanties & l'exercice de la délibération eri
tique. Elle menace sans cesse le phuralisme
névessaire au développement des idées et &
leur perfectionnement mutuel. La libérali-
sation de la société que beaucoup croient
‘constater est pour une part une illusion, Car
les phénomines de massification et d’aggh-
tination des préférences que les sociétés
modernes portent avec elles menacent les
conditions d'un véritable exercice de auto-
nomie personnelle, La possibilité d'un indi-
vidu moderne auquel seraient accessibles les
conditions de sa liberté est done, pour ainsi
re, encore en attente de réalisation. C'est
pourquoi les idées libérales sont loin d'etre
dépassées. Elles doivent encore ceuvret &
définir les conditions de V autonomic
duclle afin que l'individe libre ne soit plus
72
seulement libre en apparenc
Jement en réalité.
Quant & In société, elle ese en partic
affranchie de "Etat, mais elle s'est placée
aussi_sous le risque d'tme dépendance
accrue. L'appel & la puissance publique est
‘vue par beaucoup comme la seule solution
capable de régler Jes situations lourdes de
rmenaces, alors méme que la société de
aborer elle-méme les normes eapables de la
prémunir de telles menaves. Par ailleurs, les
associations et les syndicats dont la vocation
est d'assurer Pautonomie de la société eivile
ont de plus en plus tendance & se tourner
vers le gouvernement dans Pespoir de susei-
ter des mesures Iégislatives qui favorisent
leurs revendications & rencontre des autres
intéréts en présence.
La société libéralisée doit done encore
devenir une soviétélibsrae, elle peut assoc
aux libertés individuelles et aux revendica-
tions de droits une véritable x
tune culture critique. Le défi q
civile doit relever vise & dlaborer les condi-
tions d'un consensus social, fondé sur des
riles et des valeurs communes, consensus
«qt contribue a la formation d’un esprit cri-
73tique par éhange de vues et confrontation
opinions. Rien ne rend plus difficile
Fexercice de sa propre liberté de jugement
et action que le fait de vivee dans un
monde cultarel appauvri, ot igne lunifo
mité.en matidre de modes de vie, d'inform:
tions, de jugements et de divertisements
on publique est réelle,
Lacyrannie deo}
et coute homogénsité trop grande de Vofiie
culturelle, prise en un sens large, peut aussi
exe source de domination. Des forces coms
ictionnement des grands
installer
dans le f
der
médias contribuent anjourd'hu
tone telle uniformité. C'est 1a un mode
existence de la société contre laquelle
s'éleve le ibéralisme, car il y voit un danger
‘pour les libertés, De maniére plus gé
les conditions conerétes dans lesquell
diversité d’'informations et de jugements
peut étre assurée est un théme fort de la
réflexion libérale, Car une telle diversit
nourrit la conflictnalité de la société; elle
ext Ia condition névessaire pour que la
jase aceGder & une forme de luci-
dité critique sur elle-méme.
Par ailleurs, existence d'un espace public
neutre donne la condition conerite de la
74
liberté dle chacun. Les exigences conjointes
de laieicé et d’égalité de traitement i 1'éyard
des membres des communautés religicuses
vivant en Prance doivent ére congues
comme les effets d'un combat plus général
contre les priviléges et les discriminations.
c és modernes sont marquées
par un élitisme fondé sur Te savoir. Le prin-
blicain d’accés pour tous & une
rationnellefonclge sur Péducation
est plus que jamais clés dans ume société of
Ia possession du savoir est source d'inggalités
ot de privileges considérubles.
Le libéralisme européen
et international
De nombreux dangers guettent notre
monde. Ils ont trait & Ia présence de nouvelles
formes de violence (violence terroriste,
violence privatisée) mais aussi aus dra
tiques disparités de richesse qui caraeté-
risent Ie monde d'anjourd’hui, & la force
des passions identicaires et & Ia di
tion progressive des conditions de a. vie
Iumaine sur la plantte.Dans un monde menagant ott de nom-
Dbreuses forces impersonnelles semblent étre &
Feeuvre, le libéralisme enjoint de préserver
les conditions de la liberté pour les indivi-
dus et pour les peuples. Il-veut maintenir
Jes conditions d'un agir humain respor
sable. Il refuse dadopter face & un monde
a Tn fois de plus en plus menagant et de
Patticude du défaitisme.
plus en plus clivé
Il n'y aurait rien & faire,
plus pressé, Iutter pour Ja su
sinon parer aw
fe et choisir
son eamp.
Face & un tel monde, ce nest pas d'un
libéralisme optimiste, naif, eonfiant. dans
Jes forces du marché et l'unification des inté
réts qu'il est besoin, car un tel libéralisme
sactére irréduetible des
des passions, mais
mGcomnattrait le
conflits et la viole
d'un libéralisme qui, garant de Pautono-
mie des socigiés 4 Pintériour des Brats,
défend aussi les Etats comme garanties de
liberté a Péchelle du monde. Un libéra-
lisme réaliste qui reconpait: importance
do la question du pouvoir, le rdle ind
table de la politique et le pluralisme in
ductible des intéréts. En un mot, un
libéralisme solidaire et cragique, dissocié
de tout idéalisme.
76
Le défi est celui-li méme que formulaic
Kant il y aun peu plus de deus sigeles. Hest
sire despérer que nous izons vers un
monde meilleur. Pour Kant, Vobjectif’ de
paix perpétuelle entre les
ats eorrespon-
duit & un idéal CPuniversalité et de rationa-
lité, que la raison preserit et que nous devons
désirer. Cot idéal n'est phis de mise, mais Ia
question de savoir quels moyens politiques et
moraux nous permettraient de rendre le
monde un peu moins mauvais reste entire.
Or parmi les grandes options politiques
capables de donner sens & ces moyens, le libé-
salisme reste une des plus prometteuss.
Aujourd’hui, les solutions dépessent les
Ftats car les maux traversent les fron-
tires. Le monde of nous vivons est un
monde inévitablement interdépendant, oft
se faconnent des communautés dépreuve,
et ot Tes normes et Jes modes d'action
doivent étre communs. 1] est besoin dace
jons internationale:
dont a légicimies
racine dans les Brats et dans la capa:
que ceuxci ont de conclure des
cords stables et eontraignants. Une telle
recommandation n’a aueumement pour
conséquence qu'il fuille se défaire des Etats,ire de construire des
ais qu'il est
régles communes & partir des Etats
des Etats
Pareille reconnaissance du 16]
quel que soit 'Etat. Elle s'
compréhension normative forte des Fi
Etat en lequel Ia puissance publique
est capable de s'autolimiter, de préserver
la pluralité dles opinions et des pouvoirs,
de garantir Vexercice des libertés et sur-
ueunement & plaider pour PEtat,
Wun
cout de répondre de la Mégitimité de ses
actions. Dans les d&mocraties, une multi-
plicité de paroles, de pressions et d'action
individuelles et collectives, qui sont le fer-
rent dont se nourrit Ia conception libérale
de la société, doit conforter Ix legit
de V'Brat, méme si elle cherche & influer
cer I'Etat et Poblige & délibérer en tenant
compte d'autres données que celles qu'il
envisageait au départ. C'est ainsi que de
telles pressions peuvent contribuer & orien-
ter Paction des Etats vers une conscience
acerue de la nécessité de solutions
communes aux problemes qui se posent
aujourd'hui, solutions négociées & Tocca
78
Autant au sein d'une nation, le Libéra-
lisme plaide pour Pautorestriction de
TEtat, autant, & l'éhelle internationale,
Ta tradition libérale s'est attachée
défendce Ie role des Brats légitimes, les
quels sont des moyens de liberté. C'est
pourquoi au niveau international, une pre-
re ambition du libéralisme est de
ndre le systéme international des
Etats, en tout eas des Btats légitimes, car
les Etats permettent de protéyer les droits,
de garantir les libertés et de modérer Ia
violence. Les Btats donnent un élément de
particularité stable 3 partir duquel i
possible de créer du commun : & Ia fois des
nhormes partagées, au fondement du droit
‘nnternational, et des engagements collectifs
qui président aux décisions et actions de la
communauté internationale. Les individus,
les soetétés ot les €omomies jouent un réle
important, mais ils ne peuvent se substituer
aux accords entre
ts pour lutter conere
Vhégémonie, empécher le Sud de sombrer,
modérer les inégalités et lutter contre les
ur argument ga oir mo ouvrage Le Bl, ls1, 1a défense des droits des
1e cause essenticlle. Or i
Pour un libé
individus est
ineérieur de Pespace national, les droits
n'ont de réalité coneréte que si Etat les
garantit et les protige, parfois contre les
effets de la mondialisation, Certains Etats
violent les droits de Jours ressortissants,
ais ce sont des Btats défaillants, qui ne
parvienment pas & assurer la sGeurité qu'un
Beat doit & ses citoyens. Prétendre que la
souveraineté de I'Btat menace par prineipe
les droits et Ia justice est done largement
‘une pétition de pr
gqe recommande le libéraisme, C'est se
réclamer d'une notion de droit qui n’a de
Graduction coneréte que dans Etat, pour
critiquer Etat qui l’a rendue possible
La capacité de MEtat de garantir les
droits ot les libertés & V'échelle nationale
‘comme % échelle internationale n'est pas
confinée & Ta particularité d'un cerritoire.
Bille est en partie exportable. Les institu:
tions internationales mises en place & partir
des Etats, au moyen daccords, doivent
défendre les droits & Péchelle du monde.
Costes ces institutions jouissent du erédit
moral lig ae fait de révulter dun accord, de
80
Ja construction d'un intérét commun et
dune volonté collective
Le libéralisme international est éga-
Tement soucieux des représentations, dé
gations et médiations qui puissent modérer
Pexpression d'une démocratie. mondiale.
La réalité de In démocratie est lige &
PEtat, et done & un principe de pouvoir
indvitablomane Hint 8 eel cnet plas
présont et que le pouvoir se
leploie &
Téchelle du monde, il y a voce fiew de
eraindre que les assemblées mondiales que
recommande Vidal d'une clémocratie mon-
diale fondée sur In participation direete de
Ia société eivile et Geonomique seront soit
impuissantes, soit monstrueuses', Dans ume
démocratie mondiale, aneun eontre-pouvoir
n'est possible. Il existe un lien conceptuel
entre la pluralité des Etats et la préserva-
tion des conditions de la liberté, seul
fantone, Peis, Le Cer
39) seule cuss le eens de
masa pn de eons dp
hs Ets ta prervation de
hy
81PEtat, par définition limité et un parmi
autres, peut assurer Vexercice coneret
des libertés. Tl est une des conditions fortes
@un libéralisme international.
Le libératisme républicain
et le renouvellement des idées politiques
Les grandes questions de Ia philosophic
jue peuvent éere abordées aujour-
hui & partir de la réflesion sur les libertés
et leur mode de coexistence. Comment
régler los commumautés hamaines ? Quelle
est la place de la transcendance dans ordre
politique : Jes hommes peuventeils s'anto-
gouverner ou ontils bosoin d'une autorité
en surplomb ? Comment pacifier les rela
tions humaines ? Comment remédier an mal
{que les hommes so font Jes uns aux autres,
animés qu’ils sont par les passions fon
damentales de la vie sociale : la fierté et le
besoin d'affirmation de soi, la rivalité et
Penvie
Ces questions sont aur fondement: de Ia
réflexion sur ordre politique. Elles se
82
situent de mani
idente au principe
de la eration bse, gu fit
seule pensée de I'époque moderne qui les
ait posses de manidre frontale. Le libéra-
lisme s'est développé dans Ix recomnais:
sance de Vexistence da mal, du sens du
tragique et du conflit. L’homme n'est ni
bon ni mauvais, et la force du libéralisme
vient du fait que c'est une pensée qui part
de ce constat. La question est done de
savoir comment Jes institutions politiques
peuvent provéger homme des effets del
tires de ses propres passions, amplifiges
orsque les sujets sont des groupes. La
question du mal est & Porigine de la pensée
Tbérale ; Ia réponse & cette question, c'est
tune possibilité du libéralisme lai-méme.
Elle dépend dune éthique de la responsa-
bli qi ne pase pos seulement par do
active da dle de chacun dans Ia société.
La pensée libérale est une source de
renouvellement pour Vaction politique.
14s. idlées libérales offrent des outils pour
utter contre les formes dlasservissement.
les visene a rendre les indlivides plus suto-
tromes et Ja société plus active, Elles ‘atta
83chent & définir les rbgles communes qui
garantissent Ie respect de la liberté de cha
cun et empéchent que n’apparaissent des
situations de domination. Elles inearnent
une culture de résistance & un marché sans
rigles, & une é&onomie mondialisée s
régulations, & une disparité ja
entre des citoyens vivant au sein d'une
ique, iu
et sans
civile sans principes de leg
ritique, & une culture uniformisée
ech un individualisme debrids
Le libéralisme n'est pas seulement une
forme permettant la coexistence des indivi-
dus. Il exprime également des valeurs,
figes abord & la liberté, mais aussi &
Vimparcialité et & Ja puissance des régles
ct des procédures. Il laisse aux individus
vémes et
la tache de construire pour eux
pour Ia communauté eivique & laquelle ils
appartiennent des liens et des accords, Il
Jeur recommande de mener ensemble une
véritable activité critique. Le libéralisme
ne prescrit pas les fins de existence
Truman, il Tes laisse aux individu. Mais
il ne se réduit pas non plus & une gestion
de la pluralité politique, car i} donne aux
84
hommes les moyens de s'accorder et de
s'associer. Par ailleurs, Ie ibéralisme anti-
ipe sur ce que peut étre le contenu dle la
liberté. Car la liberté n'est pas un contenu
vide, mais un programme daction, qui
exige éducation, réflexion et critique. Le
bat du libéralisme est d'abord de per-
ttre & chaeun de donner un conten
positif & la Liberté, un objet & la volonté,
afin que celle soit individuellement et
collectivement véeue comme une liberté
pour faire quelque chose. Cette orientation
le du libéralisme est d'autane plus
ente aujourd'hui que les so
modernes offrent dinnombrables occasions
de conférer un sens précis aux libertés des
individus, lesquelles, pour eertaines, sont
otalement nouvelles, en matiére de pro-
eréation humaine par exemple.
Se déprendre de la bien-pensance antili-
hérale si répandue aujourd'hui est Ia condi-
tion premitre pour ouvrir les im
chantiers de réflexion qui sont aw ctoi
sement d’un engagement libéral et d'une
forte préoccupation sociale. Comment don-
‘nor & chacun Tes atouts conerots qui Iai per-
imettent de se sentir sujet de som existence et
85de former un projet de vie? Comment faire
pour que les conditions d’existence des plus
démunis ne soient pas ressenties par eux
ation sociale ? Comment
inserire en amont méme de Ia production
es orientations socia-
Geonomique de ré
Jes? Comment libérer Ie travail de son
caractére asservissant, V'affranchir des
formes de pénibilité qui brisent l'individu,
ct restaurer dans chaque activité initiative
et responsabilisation ? Comment promou-
voir une société civile consciente d'elle-
méme et capable de se critiquer ?
Comment réformer VEtat et In société
pour atteindre des objectifs communs en
diffusant ressources d'action et garan
Le projet dune société libérale qui
favorise le plaralisme, prone l'élaboration
des intéréts, V'éhange et Pautocritique, et
recommande Ja distance & Pégard des
passions et des phénoménes de masse doit
aujourd'hui s'incarner en Franee dans un
mublicain. Dans une
régime résolument
telle société, le populisme, lequel suppose
«brut du politique, refus du débac public
Gclairé et homoggnéisation fictive des
Sts, est une formule
exoyances et des int
86
politique quasi impossible, Or c'est précie
sément pour penser les moyens de préserver
les conditions de Vautonomie individuelle, &
la base du programme d’émancipation et
dle participation civique républicain, que le
libéralisme est plas que jamais néeessaire.
Crest Ia seule pensée de combat dont nous
dlisposions aujourd'hui.
La réflexion sur les libertés modernes et
les idées libérales n’est pas simplement une
option pour les partis politiques contempo-
rains, I] ne me semble pas qu'un parti poli-
tique puisse ou non choisir de les aborder.
les sont entrées de plein droit désormais
dans la réflexion intellectuelle des partis
politiques. Plus que cela. Les idées Ii
rales associées aux idéos sociales sont
aujourd'hui une offre politique majeure
Ces idlées sont & prendre. Le parti qui les
assummera incarnera pour un temps le
renouvellement politique. L’histoire nous
dira si cette conciliation entre idées Iibé-
les se sera produite 3
gauche, au centre, voire au centre droit.
Rendues pressantes par les récentes muta-
tions sociales et économiques, les idées libé-
rales sont en phase avee Ja mani@re dont
rales et
87Tes individus modernes se représentent
leurs modes de vie et leurs actions. Le
parti réformiste qui les défendrait gagne-
rait & coup stir en initiative intelleetuelle
ec en erédibilité politique,
Nicolas TENZER
PROMESSES BT LIMITES
DU LIBERALISME
Je débuterai mon propos par l'exposé
brut des trois théses que j'essaicrai de soute-
nir. Ces trois théses sur le libéralisme ne
sont pas censées rendre compte d'une
essence intemporelle du libéralisme, encore
son histoire
moins retracer Pintégralits
et des théories qui se sont développées en
son nom, mais visent seulement & exposer la
conception du libéralisme qui, aujourd’hui,
tue parait pouvoir et devoir prévaloir dans
les sociétés occidentales et, en particulier,
en France, Une doctrine politique raison-
uuable ne saurait déeouler de la logique non
maitrisée d'une idée, mais implique un
choix normatif conscient.
Ma thise principale est In suivante :
jome a une valeur
vwon. seulement Te lib
intrinséque comme doctrine politique, en ce
89.