2015
Professeur Dominique STEPHAN, Service des Maladies vasculaires et de
l’Hypertension, NOUVEL HOPITAL CIVIL
EPIDÉMIOLOGIE
L’hypertension artérielle (HTA) reste le premier facteur cardiovasculaire de
mortalité dans le monde
Selon les données de l’INSERM, on admet qu’un patient hypertendu sur deux n’est pas
dépisté et parmi les patients dépistés, un patient sur deux n’est pas traité ou a cessé son
traitement. Les récentes enquêtes FLASH réalisées en France montrent qu’environ 30% des
patients soit un sur 3 est à l’objectif tensionnel d’une PA inférieure à 140/90 mmHg.
DIAGNOSTIC
Mesure clinique, automesures, mesure ambulatoire de la pression artérielle
(MAPA) : que choisir ?
La mesure clinique de la pression artérielle (PA) au cabinet médical est sans doute la plus
mauvaise des méthodes pour diagnostiquer et suivre un hypertendu. En effet la mesure
clinique de la PA peut être sur évaluée du fait de l’effet blouse blanche. Cependant la part
d’augmentation de la PA ne peut être chiffrée précisément. Il s’agit du principal facteur
confondant dans la mesure clinique de la pression artérielle aussi soigneuse soit-elle. L’effet
blouse blanche concerne tous les patients et particulièrement les personnes âgées.
Contrairement à ce que pensent quelques patients n’y a pas « d’accoutumance » à la mesure
tensionnelle et l’effet blouse blanche se reproduit à chaque mesure au cabinet médical.
Une place importante sinon essentielle doit dorénavant être faite aux techniques alternatives
de mesure tensionnelle : mesure ambulatoire de la PA (MAPA) ou automesures. Selon la
Société Française d’HTA, il est recommandé de pratiquer des mesures en dehors du cabinet
médical pour confirmer le diagnostic d’HTA. Il peut s’agir d’automesures ou de MAPA. Depuis
plusieurs années, la Société Française d’HTA et le Comité de Lutte contre l’HTA valorisent
l’utilisation de l’automesure. A ce propos et afin de limiter le nombre de diagnostic par excès,
la CNAM va équiper des médecins généralistes volontaires d’un appareil d’automesure dédié
au diagnostic de l’HTA chez leurs patients. Cette initiative a pour objectifs de dépister l’HTA de
la blouse blanche responsable de diagnostic par excès (un chiffre proche des 25%) et de
réduire le coût que représentent les traitements antihypertenseurs indument prescrits pour la
collectivité.
L’automesure est-elle le gold standard alternatif à la mesure clinique ?
Des enquêtes récentes ont révélé que les conditions de réalisation et conséquemment les
capacités d’exploitation de l’automesure tensionnelle sont loin d’être satisfaisantes. Si les
modalités techniques de l’automesure semblent à peu près maitrisées, le non-respect d’une
fréquence et d’un nombre nécessaires et suffisants de mesures et l’absence de retranscription
des chiffres ou de leur transmission enlèvent des atouts majeurs à la technique, la rendant au
final peu exploitable et de faible impact sur le contrôle tensionnel. La promotion d’une
automesure utile à la prise en charge des hypertendus doit ainsi passer par la formation des
médecins et l’information des patients.
Pour rappel, la Société Française d’HTA et le Comité de Lutte contre l’HTA recommandent
d’adopter le principe des 3 mesures matin et soir 3 jours de suite, de fournir au patient un
relevé à cet effet et de bien s’assurer de la compréhension du protocole par le patient (figure
1). Les normes de PA en automesure sont en moyenne inférieures à 135/85 mmHg. Une liste
des appareils validés est proposée sur le site de l’ANSM. Une priorité doit être donnée aux
appareils disposant d’un brassard par rapport aux appareils au poignet à l’origine d’erreurs de
mesure plus fréquente.
La MAPA apparaît plus sensible et spécifique pour diagnostiquer l’HTA qu’une stratégie basée
sur la convocation répétée du patient assortie de mesures multiples de la PA. Selon certaines
études anglaises, la mesure ambulatoire serait plus efficiente (coût/efficacité) que les
automesures à domicile dont l’intérêt diagnostique se situerait entre les mesures au cabinet
médical et la MAPA. Il y aurait cependant 5 à 10% de patients intolérants à la MAPA et chez
les patients porteurs d’une fibrillation atriale aucun système automatisé ne peut être
recommandé. Selon des études menées en Grande Bretagne, l’utilisation de la MAPA
aboutirait à un gain en terme de réduction du nombre des visites le médecin conduisant au
diagnostic de l’HTA et à un gain en terme de délai de mise en route du traitement qui pourrait
être réduit grâce à cette méthode. Rappelons qu’il y probablement jusqu’à 25% de diagnostic
par excès d’HTA et la MAPA permet ainsi de corriger le diagnostic. A l’instar de l’automseure,
les valeurs normales en MAPA sont plus basses que pour la PA clinique.
La consultation d’annonce
OBJECTIFS TENSIONNELS
Selon les recommandations françaises (tableau III), cinq classes d’anti-hypertenseurs restent
indiqués en première intention chez l’hypertendu : diurétiques, bêta-bloquants, inhibiteurs
calciques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC), antagonistes des
récepteurs AT1 de l’angiotensine II (sartans). En cas de non obtention de l’objectif tensionnel,
il est recommandé d’associer deux principes actifs préférentiellement en un seul comprimé
(bithérapie fixe). Le schéma des associations recommandé n’est plus indiqué. Le « bateau »
des recommandations HAS 2005, ses médicaments de la soute et ceux du pont, ne figure plus
dans le document, laissant a priori le praticien libre d’associer n’importe quels des
médicaments entre eux. Il est cependant indiqué qu’il ne faut pas associer 2 bloqueurs du
SRA et que l’association bêta-bloquant-diurétique augmente le risque de diabète. Cependant,
dans les recommandations de la SFHTA, en cas d’HTA non contrôlée à 6 mois, il est
recommandé de vérifier la prescription d’une trithérapie antihypertensive à posologie optimale
comprenant un bloqueur du SRA, un diurétique thiazidique et un antagoniste calcique. Ces
trois classes d’antihypertenseurs sont celles que la plupart des recommandations prônent
d’associer entre-elles en troisième intention.
apparaissent moins efficaces que les autres classes pour la prévention des AVC ; ² Textes de recommandations spécifiques
dans ces indications ; SRA : système rénine angiotensine ; INCA : inhibiteurs calciques de type dihydropyridine à durée d’action
prolongée ; βB : bêta-bloquants
Un débat persiste quant à la prescription d’un bêta-bloquant en première intention dans l’HTA.
Les bêta-bloquants peuvent être utilisés en première intention selon les recommandations
françaises et l’ESH. La Société Française d’HTA assortie cependant sa recommandation de la
mention : les bêta-bloquants apparaissent moins efficaces que les autres classes pour la
prévention des AVC. Les bêta-bloquants (BB) ne sont pas recommandés en première intention
dans le NICE (GB) et le JNC-8 (US). Selon le JNC-8 cette recommandation est basée sur
l’étude Life à laquelle on peut associer Ascot qui montrent un surcroît d’événements
cardiovasculaire, notamment d’AVC dans le groupe bêta-bloquant versus sartan. Selon les
recommandations NICE, les BB peuvent être utilisés à la quatrième étape de l’adaptation
thérapeutique. Selon le JNC-8 la mention des propriétés additionnelles des BB : activité alpha-
bloquante ou vasodilatatrice, est non relevante pour le traitement de l’HTA.
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
http://www.sfhta.eu/recommandations...
http://www.esh2013.org/wordpress/wp...
Evidence-based guideline for the management of high blood pressure in adults. Report from
the panel members appointed to the eighth Joint National Comitee (JNC 8). Jama 2014 ;
311:507-520.
NAvar-Boggan AM, Pencina MJ, Williams K, Sniderman AD, Peterson ED. Proportion of US
adults potentially affected by the 2014 hypertension guideline. JAMA 2014 ;311:1424-1429.
Cardiovascular morbidity and mortality in the Losartan Intervention For Endpoint reduction in
hypertension study (LIFE) : a randomised trial against atenolol. LIFE study group. Lancet
2002 ;359:995-1003. Dans l’essai LIFE, le losartan a permis une réduction du nombre des
AVC de 30% par rapport à l’aténolol chez des hypertendus au stade de l’hypertrophie
ventriculaire gauche électrique