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Anorexie et boulimie : approche dialectique, par J. Carraz, 2009, 248 pages.
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Comprendre et traiter l’obésité
Approche pluridisciplinaire intégrative
Jérôme Carraz
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Abréviations
ACT acceptance and commitment therapy
ANSES Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation,
de l’environnement et du travail
ANSSA Agence nationale de la sécurité sanitaire des aliments
CREDOC Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions
de vie
DEBQ Dutch Eating Behavior Questionnaire
EDNOS eating disorder not otherwise specified
ETIAM échelle temporelle d’intensité de l’appétence moyenne
GH growth hormone
GROS Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids
HAS Haute Autorité de santé
IGF-1 insulin-like growth factor-1
IMC indice de masse corporelle
IOTF International Obesity Talk Force
IRSNA inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline
MABT mindful awareness in body-oriented therapy
MBCT mindfulness-based cognitive therapy
MB-EAT mindfulness-based eating awareness training
MBRP mindfulness-based relapse prevention
MBSR mindfulness based stress reduction
NASH non-alcoholic steatohepatitis
NES night eating syndrome
NSRED noctural sleep-related eating disorder
OMS Organisation mondiale de la santé
PNA Programme national pour l’alimentation
PNNS Programme national nutrition santé
PO Plan obésité
POMC pro-opiomélanocortine
SFAE Syndicat français des aliments de l’enfance
TAS Toronto Alexithymia Scale
TCA trouble des conduites alimentaires
TCC thérapie cognitivo-comportementale
TCD thérapie comportementale dialectique
TFEQ Three-Factor Eating Questionnaire
TNF tumor necrosis factor
TSH thyroid stimulating hormon
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1 Régulation pondérale :
nature et culture
Les facteurs de régulation pondérale représentent l’ensemble des facteurs
qui participent au maintien d’un poids stable pour un individu adulte (ou
à une augmentation régulière du poids chez un sujet jeune). Le poids stable
du sujet adulte est en grande partie génétiquement déterminé. C’est ce que
l’on appelle le « poids naturel ». Dans une population, ce « poids naturel »
se répartit selon une courbe de Gauss entre des indices de masse corporelle
(l’indice de masse corporelle ou IMC est calculé en divisant le poids par la
taille au carré) situés en moyenne entre 17 et 24. Il existe, en effet, des sujets
congénitalement maigres, comme d’autres congénitalement à la limite du
surpoids. On sait aujourd’hui que l’évolution de la courbe de poids et de
la courbe de taille durant l’enfance est prédictive de ce que sera le « poids
naturel » adulte, avec un déterminisme génétique de la silhouette.
La régulation du poids s’opère principalement de manière naturelle
grâce à des systèmes physiologiques complexes (impliquant des hormones,
des neuromédiateurs) visant à équilibrer les apports caloriques par rapport
aux dépenses. Pour ne pas grossir, ni maigrir, un individu doit ingérer (en
moyenne sur deux ou trois jours) le même nombre de calories qu’il en
dépense. C’est ce que l’on appelle l’« homéostasie énergétique ». Le main-
tien du poids stable est une des fonctions vitales les plus importantes pour
la perpétuation d’une espèce. Ces systèmes internes de régulation sont déjà
présents dans les espèces animales les moins développées, ce qui leur per-
met d’essayer de survivre en cas de pénurie alimentaire et de ne pas trop
grossir, au risque de mourir en cas d’abondance alimentaire. Ces systèmes
neurobiologiques vont tenir compte des dépenses énergétiques mais aussi
des réserves énergétiques pour déterminer les besoins et activer des signaux
internes incitant à déclencher ou à stopper les prises alimentaires.
De nombreuses études ont montré que ces systèmes homéostasiques
sont d’une extrême précision. Il en est de même pour d’autres fonctions
vitales (le sommeil, l’hydratation, la reproduction) : ce sont des sensations
corporelles agréables ou désagréables qui vont constituer des signaux infor-
matifs et régulateurs de nos besoins. Les signaux internes régulateurs de nos
besoins nutritionnels sont essentiellement des signaux gustatifs. Le plaisir
gustatif est l’indicateur principal de nos besoins nutritionnels à travers les
« sensations alimentaires ». L’alliesthésie olfacto-gustative (Cabanac, 1971)
est le changement de la composante affective des sensations alimentaires
en fonction de l’état énergétique interne du sujet. Ces « sensations alimen-
taires » sont de trois ordres : l’appétit, le rassasiement, et la satiété.
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Régulation pondérale : nature et culture 9
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10 Obésité et trouble des conduites alimentaires
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2 L’obésité et ses causes
Définition de l’obésité
L’obésité est définie comme un excès de masse grasse entraînant des incon-
vénients pour la santé et diminuant l’espérance de vie.
Génétique
La génétique est de toute évidence largement impliquée dans la question
de l’obésité. On sait qu’il existe des familles d’obèses. Le risque de déve-
lopper une obésité est environ deux à huit fois plus élevé chez un individu
présentant des antécédents familiaux, comparativement à un individu sans
histoire familiale d’obésité. Ce risque est par exemple de 80 % si l’on a deux
parents obèses. Il faut cependant apporter une nuance à ces chiffres dans
la mesure où de nombreux facteurs sont certainement impliqués dans ces
obésités familiales, puisque nous ne partageons pas que des gènes avec nos
enfants !
La génétique peut être impliquée à différents niveaux.
• Tout d’abord, la génétique semble déterminer fortement la corpulence
naturelle des individus. Une étude suédoise, publiée en 1990, s’est intéres-
sée aux IMC de jumeaux monozygotes (ayant les mêmes gènes) séparés en
moyenne à 2,8 ans, et les a comparés avec ceux de jumeaux monozygotes
élevés ensemble, mais également avec ceux de faux jumeaux (ayant des
gènes différents) soit séparés, soit élevés ensemble (Stunkard et al., 1990).
Au moment de l’étude, les participants avaient en moyenne 58,6 ans. La
corrélation de l’IMC entre les paires de jumeaux monozygotes séparés ou
élevés ensemble et les grandes variations d’IMC entre jumeaux dizygotes,
qu’ils aient été élevés ensemble ou séparément, confirment l’influence
essentielle des facteurs génétiques dans la détermination de l’IMC. On
estime que 40 à 70 % de la variation individuelle de l’IMC est liée aux
différences génétiques entre les individus.
• Il existe un héritage génétique d’épargne. Dans l’histoire de l’humanité,
les hommes ont souvent été confrontés à la pénurie alimentaire. Une sélec-
tion naturelle s’est opérée, et les individus qui résistaient le mieux à une
pénurie alimentaire ont pu survivre et se reproduire, transmettant leurs
aptitudes génétiques à l’épargne (c’est-à-dire à la capacité de stocker des
calories dans les réserves graisseuses). La génétique est impliquée dans la
capacité plus ou moins grande pour des individus à stocker des réserves
caloriques en cas de suralimentation. Une étude réalisée en 1990 a
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L’obésité et ses causes 13
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14 Obésité et trouble des conduites alimentaires
Épigénétique
L’épigénétique est définie comme l’étude des modifications de l’expression
des gènes qui sont transmissibles lors de la mitose et/ou la méiose, mais ne
découlent pas de modifications dans la séquence d’ADN. Nos gènes peuvent
être activés ou inactivés (par exemple par méthylation de l’ADN ou acé-
tylation des histones). Ces modifications, qui permettent à certains gènes
d’être actifs alors que d’autres restent silencieux, sont transitoires ou perma-
nentes, et elles peuvent être transmissibles. Elles sont sous la dépendance
de facteurs environnementaux comme l’alimentation, l’environnement
affectif, les stress… Ces modifications de l’expression du génome peuvent
conditionner l’apparition de maladies chroniques comme l’obésité.
Depuis une quinzaine d’années, les données expérimentales chez l’ani-
mal et les enquêtes épidémiologiques chez l’homme ont montré que la
nutrition fœtale ainsi que le mode d’alimentation au cours des premiers
mois de la vie pouvaient influencer l’état de santé à long terme. Les tissus
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L’obésité et ses causes 15
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16 Obésité et trouble des conduites alimentaires
Microbiote intestinal
Le microbiote est l’ensemble des bactéries de notre intestin. Il est composé de
cent mille milliards de bactéries. Cet ensemble peut être assimilé à un organe
à part entière qui participe à la digestion et réalise, pour l’organisme humain,
des fonctions qu’il est incapable d’accomplir par lui-même, comme la
dégradation de la cellulose des végétaux. L’étude du lien entre cette flore
bactérienne et le poids a commencé dans les années 1980. En 2004, l’équipe
américaine de J. Gordon de l’université Washington à Saint-Louis a mon-
tré que des souris dépourvues de flore intestinale (souris dites anexiques)
avaient une masse grasse inférieure de 42 % à celle de souris normales,
alors qu’elles absorbaient un tiers de calories de plus. L’équipe a transféré
le microbiote de souris normales à des souris axéniques : ces dernières ont
vu leur masse grasse augmenter de 60 % en 14 jours, malgré une réduction
de la prise alimentaire. Selon ces chercheurs, la mise en place de la flore
intestinale chez la souris axénique provoque chez le rongeur une augmen-
tation de l’activité d’une hormone favorisant le stockage des graisses, la
lipoprotéine lipase. En 2006, la même équipe s’est penchée sur la nature
même du microbiote. Elle a transféré la flore intestinale de souris obèses
présentant une obésité d’origine génétique (par exemple de souris ob/ob
présentant une déficience en leptine) ou d’origine nutritionnelle (adminis-
tration chronique préalable d’un régime hyperlipidique) à des souris axé-
niques. Ces dernières sont devenues obèses. Le transfert de microbiote à
des souris axéniques change l’expression de gènes clés qui favorisent les
voies anaboliques de stockage des nutriments aux dépens de l’oxydation.
Pour comprendre l’origine de ce phénomène, les chercheurs ont analysé
les bactéries présentes chez les souris en surpoids et les souris minces et ont
noté une différence. On sait aujourd’hui que 85 % des bactéries intestinales
appartiennent à deux grands groupes : les Firmicutes et les Bacteroidetes. Or,
le rongeur obèse présente beaucoup plus de bactéries du premier groupe
que le rongeur mince, et relativement moins de bactéries du second groupe.
Ce phénomène ne semble pas spécifique de la souris : l’équipe a constaté
cette différence de proportions entre Firmicutes et Bacteroidetes chez une
douzaine d’hommes obèses. De plus, un régime hypocalorique induisant
une perte de poids de 6 % a entraîné chez ces volontaires une modifica-
tion du rapport Firmicutes/Bacteroidetes, qui a tendu progressivement vers
celui des sujets minces. Même si ces résultats n’ont pas été confirmés dans
d’autres études, il semble aujourd’hui clairement établi qu’il existe une
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L’obésité et ses causes 17
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18 Obésité et trouble des conduites alimentaires
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L’obésité et ses causes 19
Antipsychotiques et neuroleptiques
Ils ont une action orexigène par blocage des systèmes aminergiques (blo-
cage des récepteurs histaminiques ou sérotoninergiques) et neuropepti-
diques impliqués dans la régulation des prises alimentaires. Les principes
actifs ayant une forte affinité pour les récepteurs histaminergiques H1 sont
associés préférentiellement à une prise de poids significative. C’est le cas
par exemple de la cyamémazine (Tercian®). Les antipsychotiques sont aussi
responsables d’une hyperprolactinémie, d’une activation du système TNFα
et d’une insulinorésistance conduisant toutes trois à une augmentation du
poids. Les molécules les plus susceptibles de provoquer une prise de poids
sont la clozapine (Leponex®) et l’olanzapine (Zyprexa®), suivies par ordre
décroissant de la quétiapine (Xeroquel®), la rispéridone (Risperdal®), l’ami-
sulpride (Solian®), l’aripiprazole (Abilify®).
Antidépresseurs
Les antidépresseurs tricycliques sont souvent les plus incriminés. Parmi
les antidépresseurs plus récents, la paroxétine (Deroxat®) et la mirtazapine
(Norset®) sont impliquées dans les prises de poids.
Régulateurs de l’humeur
Il s’agit tout d’abord du carbonate de lithium (Téralithe®). La première
année d’un traitement sous lithium, la moitié des patients prennent 5 kg
environ. Le poids se stabilise par la suite, au bout de deux ans. Au total, il
est possible d’observer la prise d’une dizaine de kilogrammes sur dix ans. Le
lithium stimule l’appétit et la soif, et il perturbe aussi les sécrétions de cor-
tisone et d’hormones thyroïdiennes, induisant une diminution du métabo-
lisme de base et une rétention hydrosodée. L’acide valproïque (Dépakote®,
Dépakine®) et la carbamazépine sont les antiépileptiques ayant une action
thymorégulatrice ; ils peuvent générer des prises de poids.
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20 Obésité et trouble des conduites alimentaires
Corticoïdes
Avec les corticoïdes, on estime qu’après deux à trois mois de traitement, 40
à 60 % des patients vont présenter une prise de poids et/ou une modifica-
tion significative de leur aspect physique.
Bêtabloquants
Des études ont montré que les bêtabloquants réduisaient le métabolisme
de base ainsi que la réponse thermogénique aux repas. Maintenu sur une
longue période, cet effet est capable de contribuer au développement d’un
surpoids, voire d’une obésité. Les β-bloquants inhibent aussi la lipolyse
induite par le système adrénergique.
Antihistaminiques
Les antihistaminiques (utilisés dans le traitement des allergies, le mal des
transports, les migraines) exercent un effet orexigène direct et un effet
sédatif qui diminue la dépense énergétique. Les principes actifs principale-
ment concernés sont la cétirizine (Zyrtec®), la cyproheptadine (Périactine®),
le kétotifène (Zaditen®), la doxylamine (Donormyl®), et la mizolastine
(Mizollen®).
Estroprogestatifs
Les effets des estroprogestatifs sur le poids sont contestés. Les études scienti-
fiques ne démontrent pas un impact significatif sur le poids, contrairement
à une croyance répandue. On peut penser que, lorsqu’ils sont incriminés, ils
ne sont pas les seuls facteurs responsables de la prise de poids. Cependant,
les estroprogestatifs de synthèse peuvent entraîner une rétention hydroso-
dée par effet minéralocorticoïde, une altération de la tolérance au glucose
ou un effet hypertriglycéridémiant. La progestérone est aussi à l’origine
d’une augmentation de l’appétit. Il en est de même pour les traitements
hormonaux substitutifs.
Dérèglements endocriniens
Différentes pathologies endocriniennes peuvent engendrer des tableaux
d’obésité. Citons les principales :
Hypothyroïdie
L’hypothyroïdie peut entraîner la prise de quelques kilos, mais elle est rare-
ment, à elle seule, la cause exclusive d’obésités sévères. Elle se traduit par un
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L’obésité et ses causes 21
Syndrome de Cushing
Le syndrome de Cushing est un ensemble de manifestations cliniques liées
à un excès durable d’hormones à action « glucocorticoïde ». On distingue
les syndromes de Cushing iatrogènes relatifs à une prescription prolongée
de médicaments corticoïdes (voir précédemment), et les syndromes de Cus-
hing endogènes dus à une sécrétion excessive de cortisol par les glandes
surrénales.
Les manifestations cliniques les plus fréquentes sont la prise de poids et
la modification morphologique du patient. Une anomalie de répartition
des graisses entraîne ce que l’on appelle l’obésité facio-tronculaire (l’obésité
est localisée à la partie haute du corps, au niveau du tronc et, en particulier,
au visage qui devient arrondi, bouffi et rouge). On peut retrouver d’autres
signes cliniques (hypertension, vergetures pourpres, fatigabilité musculaire,
anxiété, dépression, troubles du sommeil…).
Le diagnostic se fait par des examens biologiques qui permettent de
confirmer l’hypersécrétion de cortisol (cortisol libre urinaire augmenté et
absence de freination au test au dectancyl).
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22 Obésité et trouble des conduites alimentaires
Comportement alimentaire
On considère actuellement que les situations d’obésité totalement indé-
pendantes de la manière dont un sujet se nourrit sont rares (moins de
5 % des cas d’obésité). Cela représente les formes génétiques d’obésité dites
monogéniques (moins de 2 % des cas d’obésité), les obésités liées à des dés-
ordres endocriniens sévères ou à la prise de certains médicaments (même si
l’on a souligné précédemment que les médicaments étaient rarement res-
ponsables à eux seuls d’obésités sévères). Ainsi, dans 95 % des cas, l’obésité
est liée – du moins en partie – à une surconsommation alimentaire. Ce
qui fait prendre trop de poids c’est avant tout le fait d’ingérer régulière
ment plus de nourriture que les besoins physiologiques. Comme nous le ver-
rons plus loin, cette surconsommation alimentaire a plusieurs causes et des
incidences obésogènes plus ou moins importantes en fonction de certains
facteurs. Cette surconsommation alimentaire, ayant une responsabilité
essentielle dans 95 % des situations d’obésité, s’appelle l’hyperphagie.
L’hyperphagie est la cause principale de la majorité des situations d’obésité
(voir chapitre 3).
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L’obésité et ses causes 23
Encadré 2.1
cancers de l’endomètre, des voies biliaires, du col utérin, des ovaires et du sein
chez la femme.
j Complications métaboliques : insulinorésistance, diabète de type 2 (75 %
tétricales.
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24 Obésité et trouble des conduites alimentaires
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3 Hyperphagie
Définition
L’hyperphagie est une surconsommation alimentaire répétitive dépas-
sant les mécanismes naturels de régulation pondérale et conduisant à
un surpoids. Le terme d’hyperphagie peut être utilisé pour décrire toutes les
conduites qui consistent à ingérer de manière régulière et répétitive plus de
nourriture que les besoins physiologiques normaux, sans régulation adap-
tée. Évoquer des « besoins nutritionnels normaux » exclut de la définition
de l’hyperphagie les situations où les besoins nutritionnels sont modifiés
par une maladie somatique ou par un traitement médicamenteux. Le terme
de « surpoids » est défini par un poids supérieur au poids physiologique
naturel du sujet.
Si l’on se réfère aux termes précis de cette définition de l’hyperphagie,
nous pouvons dérouler un certain nombre de remarques.
• Lorsqu’un sujet mange de manière régulière et répétitive au-delà de ses
besoins, mais avec une régulation pondérale naturelle conduisant à moins
manger entre ces excès, on ne parlera pas d’hyperphagie. L’hyperphagie,
c’est lorsque les conduites alimentaires ne respectent plus la régulation
naturelle et génèrent un surpoids.
• Si un sujet présente des conduites de surconsommation alimentaire sui-
vies de conduites compensatoires non naturelles qui font qu’il a un poids
normal (voire un poids inférieur à son poids naturel), d’autres diagnostics
doivent être posés. Par exemple, lorsque les excès alimentaires prennent
une forme boulimique et sont compensés par des purges vomitives ou des
abus de laxatifs, on parle de boulimie avec purge. Lorsque les excès ali-
mentaires sont compensés par la restriction ou l’hyperactivité physique,
on peut parler d’anorexie mentale avec pertes de contrôle si l’IMC est infé-
rieur à 17,5. Les choses se complexifient, avec une frontière étroite entre
le normal et le pathologique, dans les situations où un sujet présente des
conduites répétitives d’excès alimentaires (qu’ils prennent une forme bouli-
mique ou pas), avec une compensation volontaire sous forme de restriction
ou d’hyperactivité physique et un poids normal. Ce sont ces situations
d’apparente normalité où les personnes se contrôlent en permanence afin
de compenser des prises alimentaires dépassant les besoins métaboliques.
Ces sujets sont constamment au régime afin de remédier à ce qu’ils vivent
comme des pertes de contrôle. L’observation clinique montre que ces situa-
tions sont en réalité rares dans la mesure où, comme nous le développerons
plus loin, les pertes de contrôle finissent souvent par l’emporter, conduisant
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Hyperphagie 27
Encadré 3.1
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28 Obésité et trouble des conduites alimentaires
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Hyperphagie 29
autant qu’une véritable envie gustative se déclenche (car du fait des réserves
adipeuses, les besoins métaboliques ne nécessitent pas d’apport calorique
exogène). Les sujets en surpoids ont alors l’habitude de déclencher une prise
alimentaire pour apaiser la sensation de vacuité gastrique inconfortable et
anxiogène ; ils ne respectent pas les signaux physiologiques gustatifs, ce
qui caractérise une conduite hyperphagique. Dans l’anorexie mentale, on
observe le phénomène inverse : la réplétion gastrique ne signe pas la satiété
car les besoins métaboliques sont plus importants et l’envie gustative peut
être encore présente alors que la sensation d’être « trop plein » est éprouvée
de manière douloureuse et angoissante.
Grignotage
C’est une forme d’hyperphagie extraprandiale désignant une ingestion
répétée et automatique de petites quantités de nourriture, sans ressenti de
plaisir gustatif. Il n’y a pas de plaisir gustatif dans le grignotage (contrai-
rement aux goûters ou autres collations interprandiales), ce qui le définit
comme une conduite hyperphagique. Il n’y a pas de plaisir gustatif, car ces
prises alimentaires sont excessives par rapport aux besoins métaboliques et
dépassent les signaux de rassasiement. Le plaisir gustatif est absent, alors
que les aliments utilisés ont été sélectionnés, au départ, comme des ali-
ments agréables au goût.
Hyperphagie boulimique
La cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles men-
taux (DSM-5) reconnaît l’hyperphagie boulimique comme un trouble de
l’alimentation et des conduites alimentaires. L’encadré 3.2 rappelle les cri-
tères permettant de poser le diagnostic.
Nous pouvons rapprocher du syndrome clinique d’hyperphagie bouli-
mique les concepts cliniques de compulsions alimentaires et de craving. Ces
tableaux cliniques se superposent ou sont du moins dans des registres très
proches.
Une compulsion est un besoin interne impérieux d’accomplir un acte
que la conscience refuse. Une compulsion alimentaire est un besoin impé-
rieux, impulsif, de manger, alors que la conscience le refuse. C’est une perte
de contrôle impulsive vis-à-vis de la nourriture. Les tableaux cliniques des
compulsions alimentaires et ceux de l’hyperphagie boulimique se recou-
pent, à quelques nuances près :
• la notion de compulsion alimentaire est indépendante du volume ali-
mentaire, alors que la définition du DSM-5 de l’hyperphagie boulimique
insiste sur l’importance du volume alimentaire. Nous pouvons dire que
l’hyperphagie boulimique est une compulsion alimentaire « grave », en tout
cas « grave » en termes de volume ;
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30 Obésité et trouble des conduites alimentaires
Encadré 3.2
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Hyperphagie 31
Encadré 3.3
tation nocturne.
j Le portrait clinique est caractérisé par au moins trois des aspects suivants :
tionnement de l’individu.
j Le trouble est présent depuis au moins trois mois.
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32 Obésité et trouble des conduites alimentaires
Âge de début
L’outil qui permet de repérer, chez l’enfant et l’adolescent, l’âge d’appari-
tion des conduites hyperphagiques (et par conséquent le début de la prise
de poids) est le carnet de santé. En retraçant les courbes de corpulence en
fonction de l’âge, il est aisé de délimiter le moment où un changement
de comportement alimentaire intervient. L’observation d’un grand nombre
de carnets de santé de sujets en surpoids nous a permis de faire un certain
nombre de constatations cliniques.
• Les poids élevés de naissance sont assez rares, ce qui infirme les hypo-
thèses essentiellement génétiques de l’obésité.
• Souvent, la prise de poids intervient très tôt, au cours des trois premières
années de vie (parfois dès les premiers mois), et elle signe l’apparition
très précoce d’un trouble alimentaire. Ces situations, qui sont les plus fré-
quentes, objectivent le plus souvent un dysfonctionnement des relations
précoces entre le petit enfant et son environnement.
– Le poids de Julia a commencé à augmenter très nettement à
partir de son deuxième mois. Depuis, elle est toujours en sur-
poids. Lorsque Julia avait 2 mois, sa mère, infirmière libérale,
a dû reprendre rapidement son activité. Elle tirait son lait. Des
voisines, qui gardaient Julia, lui donnaient le biberon la journée :
« Ma mère raconte que lorsqu’elle rentrait du travail, je tétais son
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Hyperphagie 33
sein sans m’arrêter. Je m’agrippais au sein car c’est son contact qui
me manquait. Ensuite, lorsqu’elle a arrêté de m’allaiter, j’avais un
doudou, c’était un linge que je passais contre mon visage autour
de ma bouche. Jusqu’à mes 7 ans, je tétais un doigt toute la jour-
née. Quand je suis née, il y avait encore dans la maison les cendres
de mes sœurs jumelles mort-nées deux ans auparavant. Ma mère
ne s’entendait plus avec mon père à cette époque. J’imagine que
quand j’étais bébé, ma mère me posait quelque part et surveillait
qu’il ne m’arrive rien, et elle faisait autre chose à côté. Quand elle
me prenait au sein, la nuit, elle s’endormait. »
– Le carnet de santé de Marie montre une très nette cassure de la
courbe de poids vers le haut au cinquième mois. C’est l’âge où le
père de sa mère s’est suicidé en mettant le feu à sa maison. La mère
de Marie, qui était déjà fragile psychologiquement, s’est effondrée
après cet épisode.
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34 Obésité et trouble des conduites alimentaires
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Hyperphagie 35
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36 Obésité et trouble des conduites alimentaires
Hyperphagie et DSM-5
Le DSM est la classification internationale de référence des pathologies
psychiatriques, des troubles des conduites, des troubles de personnalité. Le
DSM-5 est la dernière version parue de cette classification. Elle a été publiée
en langue française en 2015.
En ce qui concerne l’hyperphagie, la cinquième version du DSM est
censée représenter un progrès. En effet, dans les versions précédentes,
seules l’anorexie mentale et la boulimie avec purge étaient mentionnées de
manière spécifique dans le chapitre consacré aux troubles des conduites ali-
mentaires. L’hyperphagie était classée dans un ensemble indifférencié : les
troubles des conduites alimentaires non spécifiés (eating disorder not other-
wise specified [EDNOS]). L’avènement du DSM-5 marque une évolution dans
le sens où l’hyperphagie boulimique fait son apparition comme un trouble
à part entière. En revanche, la manière de présenter l’hyperphagie est très
incomplète, étonnante, et lourde de conséquences. En effet, parmi les
quatre formes cliniques de l’hyperphagie, seule l’hyperphagie boulimique
(le binge) est développée, et l’hyperphagie nocturne est mentionnée rapi-
dement. L’hyperphagie prandiale et le grignotage, qui sont certainement
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Hyperphagie 37
les formes cliniques les plus fréquentes, ne sont pas du tout évoqués. Par
ailleurs, de manière tout à fait étonnante et peu compréhensible, le DSM-5
mentionne comme diagnostic différentiel de l’hyperphagie, l’obésité. Cela
a peu de sens dans la mesure où l’on pose un symptôme comme diagnostic
différentiel d’un trouble des conduites. C’est comme si l’on disait qu’un
des diagnostics différentiels de l’anorexie mentale est la maigreur. Derrière
cette incohérence, le message du DSM-5 est clair. Selon les auteurs qui ont
collaboré à cette version, il y aurait deux catégories de sujets obèses : ceux
dont l’obésité résulterait d’un trouble des conduites alimentaires (l’hyper-
phagie boulimique), et ceux (plus nombreux selon les chiffres d’incidence
présentés) dont l’obésité ne résulterait pas d’un trouble des conduites. Pour
cette deuxième catégorie, de manière implicite, il est sous-entendu que la
prise de poids aurait des causes « diététiques ». Cette manière de présenter
les choses a des conséquences majeures puisqu’il en découle logiquement
que les traitements habituellement proposés aux patients présentant des
TCA (approches psychothérapiques) sont indiqués pour les patients répon-
dant aux critères DSM du binge et que les autres relèvent de traitements
diététiques (régimes, rééquilibrages diététiques).
Il peut être intéressant de tenter de comprendre pourquoi la manière de
présenter les choses du DSM diffère autant de la réalité clinique. Le DSM,
répertoriant des conduites comportementales facilement repérables, il ne
permet peut-être pas de décrire une clinique singulière et subtile du sujet. Le
DSM ne reconnaît pas les nuances du corps, les variations du plaisir gustatif.
Ce qui définit l’hyperphagie, cet au-delà du plaisir gustatif, la recherche
addictive de sensations de plein, n’est pas repérable par une grille de lec-
ture comportementale. La nuance, parfois étroite, entre un rassasiement
défini par la plénitude gastrique et l’amenuisement d’un plaisir gustatif qui
conduit naturellement à arrêter de manger se prête mal à quelque chose
de l’ordre d’une classification. Par ailleurs, le DSM est une classification
contemporaine du développement des théories diététiques. Le discours
diététique donne au surpoids des explications que le DSM vient renforcer
et auxquelles il donne du crédit. Enfin, il semblerait qu’aux États-Unis – le
pays d’origine du DSM –, il existe un lobby des patients obèses qui résiste à
l’idée d’être repérés comme présentant un trouble des conduites d’origine
psychique ; comme si affirmer que l’on retrouve un TCA derrière 95 % des
situations d’obésité les désignait comme des malades psychiatriques.
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38 Obésité et trouble des conduites alimentaires
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Hyperphagie 39
emparés de ces résultats affirmant que le sucre était une drogue. Or, nous
ne pensons pas qu’il faille considérer les choses ainsi, et ce pour différentes
raisons.
1. Les comportements observés des rats de laboratoire ne sont pas forcément
extrapolables à l’homme. Ces rats de laboratoires qui deviennent addicts au
sucre sont peut-être en réalité des rats stressés et carencés affectivement du
fait de leurs conditions d’élevage et de vie. Des études récentes ont mon-
tré que des rats élevés dans des environnements « enrichis » (cages plus
grandes, objets de distraction) présentaient moins de conduites addictives
vis-à-vis de la cocaïne que ceux vivant dans des cages vides.
2. Les patients hyperphages ne présentent pas de phénomènes de tolérance
(nécessité d’augmenter sans cesse les doses) ou d’authentiques syndromes
de sevrage (manifestations physiques ou psychiques lorsqu’on arrête une
drogue) vis-à-vis des aliments sucrés ou très gras. Dans notre pratique cli-
nique, nous n’avons jamais observé de conduites pouvant faire évoquer
une accoutumance aux aliments gras ou sucrés, conduisant à augmenter
régulièrement les quantités ingérées afin de retrouver des sensations qui
se seraient estompées du fait d’une tolérance biologique. Le surpoids et la
surconsommation alimentaire entraînent naturellement une perte du plai-
sir gustatif, mais il ne s’agit en aucun cas d’une accoutumance, d’ailleurs
ces sujets recherchent bien autre chose que du plaisir gustatif. Il en est de
même pour le sevrage. Nous n’observons jamais de syndrome de manque
réel comme on peut le voir avec l’alcool (delirium tremens) ou avec certaines
drogues, ou même avec le tabac, avec des substitutions biologiques pos-
sibles. L’anxiété, le besoin parfois obsédant de consommer des aliments
sucrés (que l’on observe souvent chez des sujets qui arrêtent de consommer
ces aliments) n’ont pas de substrat biologique. Il s’agit chez certains sujets
d’une difficulté à lâcher une conduite qui a, pour eux, une fonction défen-
sive protectrice vis-à-vis d’un risque d’angoisse ou d’effondrement dépres-
sif. Par ailleurs, nous montrerons plus loin qu’une privation de certains
aliments (par exemple gras ou sucrés) risque d’entraîner des compulsions
obsédantes vis-à-vis de ces aliments, sans pour autant qu’il s’agisse d’un
véritable syndrome de sevrage ; il s’agit d’un manque car des besoins phy-
siologiques naturels ne sont alors pas pourvus ou bien d’une conséquence
de mécanismes cognitifs où l’interdit exacerbe l’envie de consommer, c’est
ce que l’on appelle la restriction cognitive.
3. Les études neurobiologiques montrent que les aliments sucrés ou gras
activent certains groupes de neurones qui constituent ce que l’on appelle
le « circuit de la récompense » et qui sont situés dans une partie profonde
du cerveau (le système limbique). Ce circuit de la récompense est une des
cibles d’action de la plupart des drogues ou de l’alcool. Le fait que le sucre
active ce circuit au moment de la prise (en lien avec le goût sucré) et, dans
un deuxième temps lorsqu’il est digéré (par une action directe au niveau
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40 Obésité et trouble des conduites alimentaires
Évolution de l’hyperphagie
Nous avons vu que les conduites hyperphagiques apparaissaient généra-
lement tôt dans la vie des sujets obèses. L’hyperphagie est un trouble du
comportement alimentaire d’évolution chronique. Lorsque ces conduites
apparaissent, les résolutions spontanées sont rarissimes. Toutes les conduites
addictives ont tendance à s’autorenforcer au fil du temps et ainsi à se chro-
niciser. Certaines s’autorenforcent plus que d’autres, et l’hyperphagie est de
celles-ci. Outre les mécanismes psychodynamiques et physiologiques qui
participent à la chronicisation des différentes conduites addictives, deux
facteurs spécifiques vont largement participer à l’aggravation régulière des
conduites hyperphagiques et à leur fixation dans le temps : la stigmatisation
des sujets obèses et la répétition des mesures thérapeutiques inadaptées.
• Dès que les conduites hyperphagiques apparaissent, elles génèrent une
prise de poids ; l’obésité et l’hyperphagie s’autorenforcent alors mutuelle-
ment. Les conséquences sociales du surpoids (stigmatisation, discrimination)
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Hyperphagie 41
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4 Modèle polyfactoriel
bio-psycho-social
de l’hyperphagie
L’hyperphagie est un trouble des conduites ayant des origines polyfacto-
rielles, associant des déterminismes multiples individuels et environne-
mentaux. L’hyperphagie (et donc l’obésité) est au centre d’un carrefour
entre le biologique, le sociétal et le psychologique.
Facteurs génétiques
Nous avons vu précédemment qu’environ 70 gènes pouvaient être impli-
qués dans l’obésité. Certains favoriseraient une prise de poids plus ou
moins importante en fonction des apports alimentaires excessifs, d’autres
seraient impliqués dans les dérèglements des conduites alimentaires, ils
prédisposeraient ainsi à l’hyperphagie. Les travaux concernant le rôle étio-
pathogénique de la génétique dans l’hyperphagie ne sont pas encore très
importants, ne serait-ce que parce qu’il n’y a pas de consensus clair sur la
définition de ce trouble avec ses différentes formes cliniques. Il est probable
qu’un grand nombre de gènes de susceptibilité sont impliqués, et ceci à
différents niveaux :
• au niveau de la régulation du comportement alimentaire : ce sont les
gènes impliqués dans la régulation des boucles homéostasiques de régula-
tion du poids. Les mutations de ces gènes seraient susceptibles de modifier
les voies neuroendocriniennes orexigènes et anorexigènes ;
• à un niveau beaucoup plus large, ne concernant pas directement le
comportement alimentaire. À la naissance, le tempérament de l’enfant est
génétiquement programmé, l’expression de ce tempérament étant modulée
ensuite par ses expériences relationnelles et ses rencontres avec l’environ-
nement. Chaque individu a une base biologique génétiquement program-
mée qui va conditionner sa sensibilité émotionnelle, son impulsivité, ses
capacités adaptatives, ses modulations de l’humeur… En cela on peut pen-
ser qu’il peut y avoir des prédispositions génétiques favorisantes (des tem-
péraments génétiques de base) vis-à-vis des conduites hyperphagiques, ces
prédispositions étant probablement plus générales vis-à-vis des conduites
addictives.
Facteurs sociétaux
Les données épidémiologiques démontrent que l’incidence de l’obésité (et
donc des conduites hyperphagiques) est en forte augmentation dans les
sociétés très développées sur le plan économique, sociétés que l’on quali-
fie aujourd’hui de « postmodernes » ou d’« hypermodernes ». Les facteurs
qui peuvent rendre compte de cette inflation des conduites hyperpha-
giques dans ces sociétés sont multiples et peuvent être catégorisés de deux
manières :
• les facteurs sociétaux spécifiquement en lien avec les comportements de
consommation alimentaire ;
• les facteurs sociétaux moins spécifiques, qui rendent compte de manière
plus large d’une augmentation des conduites addictives et des personnalités
narcissiques-dépendantes (souvent retrouvées chez les sujets hyperphages).
T. Vincent souligne un aspect anthropologique fondamental de la cli-
nique médicale : « toute société sécrète, en partie au moins, les maux qu’elle
mérite et suscite ». Au vu des chiffres de l’incidence actuelle de l’obésité,
nous pouvons penser qu’elle est certainement une des principales patholo-
gies sécrétées par les sociétés hypermodernes.
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48 Obésité et trouble des conduites alimentaires
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52 Obésité et trouble des conduites alimentaires
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Modèle polyfactoriel bio-psycho-social de l’hyperphagie 53
loin que c’est la qualité des liens d’un sujet vis-à-vis de ses premiers objets
d’attachement (ses parents) qui conditionne sa capacité ultérieure à exister
seul. La capacité à l’individualisme (à la solitude) n’est pas la même
pour tous. Plus un individu a un socle d’individuation personnelle fra-
gile, plus il va réagir à l’érosion de la stabilité des liens sociaux actuels
et à l’individualisme hypermoderne par de la dépendance. Il peut s’agir
d’une dépendance à des groupes d’appartenance restreints (O. Bobineau
parle d’« individualisme confinitaire » c’est-à-dire d’un repli par idées et affi-
nités partagées), dont l’extrême est représenté par le repli communautariste
religieux radical. La dépendance peut s’établir aussi via des objets externes
ou vis-à-vis de conduites, dans un fonctionnement de type addictif.
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54 Obésité et trouble des conduites alimentaires
Appauvrissement culturel
Le désintérêt vis-à-vis des objets culturels (littérature, cinéma, peinture,
musique, théâtre…) ne concerne bien sûr qu’une partie de la population.
Mais il semble que cette fraction de la société qui désinvestit la culture soit
de plus en plus importante, en particulier chez les jeunes. Les causes sont
certainement multiples. L’évolution du système scolaire avec des priorités
qui ne sont pas toujours mises sur les matières fondamentales (comme la
lecture et l’écriture) aboutit au fait que de nombreux jeunes ne savent pas
lire de manière fluide à l’entrée en sixième, ce qui écarte ces jeunes d’une
culture livresque. La priorité mise sur les matières scientifiques comme les
mathématiques se fait au détriment des matières littéraires, philosophiques
ou de la culture générale. Le numérique, Internet, les SMS ne représentent
certainement pas la meilleure porte d’accès à la belle langue, à la réflexion
intellectuelle, à l’univers du savoir et de la beauté artistique. L’accès à la
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56 Obésité et trouble des conduites alimentaires
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Modèle polyfactoriel bio-psycho-social de l’hyperphagie 57
Rapport au temps
Les sociétés hypermodernes sont caractérisées par une accélération du temps,
une tyrannie de l’urgence. « Nous sommes dans un temps de l’urgence, une
sorte d’excès permanent, comme s’il fallait parvenir à faire rentrer un trop
plein d’aspirations en tous genres dans un contenant temporel trop étroit »
(Aubert, 2010). Tout va vite dans nos sociétés hypermodernes (en particu-
lier dans le monde professionnel), ce qui constitue un facteur favorisant
des pathologies de l’hyperfonctionnement, des toxicomanies de l’action.
Selon le principe qui veut que des spécificités sociétales prédisposent à
certains troubles comportementaux, nous verrons plus loin que les sujets
hyperphages sont souvent dans des pathologies de l’hyperfonctionnement
favorisées par ces habitudes sociales hypermodernes.
Les sociétés hypermodernes ont vu les temporalités lentes et pauvres
en stimulations sensorielles se raréfier. Les veillées, le soir, sans télévision
(ou Internet) n’existent plus ; dans la vie quotidienne, c’est la « fin des
routines » (F. Ascher) ; les longues attentes sont exceptionnelles (du fait
de la rapidité des moyens de communication, de transport…). Les sujets
hypermodernes ne sont pas habitués à expérimenter des temps vides de
sensations, à éprouver de l’ennui. Cela fragilise, encore une fois, les sujets
les plus vulnérables et les conduit vers des conduites addictives de remplis-
sage et de recherche de surstimulations.
L’accélération de la vie moderne est également observable dans les ren-
contres sociales et amoureuses. Tout va très vite en amour ! Internet réduit
bien souvent le temps de la rencontre, la sexualité se met en place rapide-
ment, les ruptures aussi avec des changements rapides de partenaires amou-
reux. Les relations amoureuses sont trop rapides pour prendre le temps de
la confiance, ce qui est fort angoissant pour des sujets hypersensibles aux
séparations ou aux abandons qui vont parfois se rassurer et se consoler dans
une surconsommation alimentaire.
Rapport au corps
L’individu hypermoderne individualiste et narcissique accorde une très
grande importance au corps. L’hyperconsommation est une quête de bon-
heurs privés mais aussi celle d’une santé illimitée, d’une normalisation
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58 Obésité et trouble des conduites alimentaires
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Modèle polyfactoriel bio-psycho-social de l’hyperphagie 59
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5 Le vide d’objet
Quelques rappels
Nous savons aujourd’hui que ce qui se passe pendant les tout premiers temps
de la vie d’un enfant est déterminant pour la suite son existence. C’est dans
les premiers mois de la vie, à travers les interactions de l’enfant avec son
environnement, et en particulier avec sa mère, que s’établissent les assises
de son identité, de sa personnalité, de sa capacité future à être en relation
avec le monde et les autres. La persistance tout au long du développement
psychologique de l’enfant, jusqu’à l’adolescence, du modèle d’interactions
intrafamiliales des premiers mois fixe et renforce ce qui s’est joué dans les
premiers instants de la vie. À l’inverse, si les conditions relationnelles se
transforment, la plasticité humaine permet des changements dans la psy-
ché de l’enfant. Par ailleurs, des traumatismes peuvent intervenir dans l’his-
toire infantile et bouleverser cette construction psychique pour laisser des
empreintes profondes et durables. L’influence de l’environnement socio-
culturel extérieur à la famille intervient, dans un deuxième temps, dans la
construction psychologique.
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Le vide d’objet 65
L’autre parent
Du fait des modifications des constellations familiales dans les sociétés
postmodernes, l’« autre parent » est celui ou celle à qui la mère donne une
légitimité pour assurer le rôle de trianguler la relation avec son enfant. Ce
n’est pas forcément le père biologique, cela peut être un autre homme ou
une autre femme.
L’autre parent joue un rôle important auprès de l’enfant dans les relations
précoces. Il est là tout d’abord pour aimer la mère, pour l’aimer charnelle-
ment. Une mère qui n’est pas heureuse avec son conjoint, dont le corps ne
jouit pas par celui-ci, sera certainement moins ouverte à son enfant, moins
disponible dans ce corps à corps avec lui dont nous avons déjà souligné
toute l’importance. Au fond, la première rencontre de l’enfant avec son
père se fait à travers le miroir du regard de sa mère, à travers le corps à
corps avec sa mère. « L’inconscient maternel, première réalité extérieure
de l’infans, inclut non seulement le monde interne de la mère, avec ses
inhibitions et fixations propres, mais aussi l’investissement sexuel et narcis-
sique du père de son enfant » (McDougall, 1982).
Par ailleurs, l’autre parent joue un rôle de tiers au sein de la dyade mère-
enfant. De par son rôle de tiers, il peut prendre le relais d’une mère instable
et non sécurisante. Il a également pour rôle de favoriser un défusionnage
entre la mère et l’enfant, permettant à ce dernier une subjectivation. Ce qui
peut perturber le développement psychologique de l’enfant dans un non-
respect de ses besoins fondamentaux, ce sont des pères trop absents, mais
aussi parfois des pères trop présents. Trop présents car trop autoritaires,
refusant les besoins propres de leur enfant, non respectueux de leur singula-
rité émotionnelle, de leur intimité, parfois dans une ambiance incestueuse,
parfois même dans des effractions sexuelles traumatisantes.
Déroulement du processus
de séparation-individuation
Le processus de séparation-individuation commence dès les premiers ins-
tants de la vie et se termine à l’âge adulte. Il permet à l’enfant de quitter la
relation fusionnelle avec sa mère, de se différencier d’elle, de s’individuer et
d’acquérir une autonomie vis-à-vis d’elle. Cette défusion-individuation aide
l’enfant à progressivement se séparer de sa mère sans angoisses, à tolérer le
manque de sa mère. C’est le chemin qui permet de passer d’une dépendance
absolue à une dépendance relative, puis à une vraie autonomie. Pour que
ce processus se déroule sans difficultés, il est nécessaire, comme nous l’avons
vu précédemment, que certaines conditions soient requises. Notamment,
les premiers objets d’attachement de l’enfant doivent répondre de manière
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66 Le poids du vide
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Le vide d’objet 67
propre enfance peut répéter cela et être, à son tour, une mère froide et mal
accordée. Il est difficile de donner ce que l’on n’a pas reçu. « La réalité
extérieure la plus ancienne d’un bébé est constituée par l’inconscient de
sa mère, dans la mesure où celui-ci commande la qualité de sa présence
et son mode de relation avec son nourrisson, l’inconscient maternel étant
structuré en grande partie par ses propres parents et ses propres expériences
infantiles » (McDougall, 1989).
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68 Le poids du vide
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Le vide d’objet 69
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70 Le poids du vide
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Le vide d’objet 71
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72 Le poids du vide
Cette idée de limites posées par l’extérieur peut être ressentie d’une autre
manière. Dans la mesure où (comme nous le verrons plus tard) chez ces
sujets le corps peut être vécu comme un objet externe, les sensations corpo-
relles de rassasiement-satiété peuvent être interprétées comme : « c’est mon
corps qui me dit d’arrêter ». Dans ce cas, la maîtrise addictive consiste à ne
pas l’écouter et passer au-delà de ses signaux.
« Je n’écoute pas mon corps, je n’ai pas besoin de savoir ce qu’il
me dit, je ne l’écoute même pas, je me bouche les oreilles ! En
plus, mon corps est gros, il n’est pas comme je voudrais qu’il soit,
alors j’ai encore plus de mal à l’écouter. Je veux voir jusqu’où j’ai
la maîtrise sur mon corps, et je continue à manger. Les premières
limites posées par mon corps, lorsqu’il y a moins de plaisir gus-
tatif, ce sont de petites limites, elles sont faibles. En même temps,
je cherche des limites : manger jusqu’à n’en plus pouvoir. Il faut
qu’il y ait, malgré tout, quelque chose qui m’arrête, c’est d’avoir
mal au ventre, sinon je suis toute seule face à ça. »
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Le vide d’objet 73
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74 Le poids du vide
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Le vide d’objet 75
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76 Le poids du vide
« C’est très archaïque chez moi, j’ingère des aliments très mater-
nels, tout doux, qui me réconfortent. Cela remplace ce que je n’ai
pas eu. »
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Le vide d’objet 77
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78 Le poids du vide
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Le vide d’objet 79
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80 Le poids du vide
• Les tics moteurs : les plus fréquents concernent les cheveux et la bouche.
En ce qui concerne les cheveux, il peut s’agir de trichotillomanie ou, plus
simplement, d’habitudes automatiques de se toucher une mèche de che-
veux. Pour la bouche, c’est utiliser sa bouche à d’autres fins que de manger.
« Ma bouche est toujours en train de faire quelque chose. J’ai
toujours besoin d’utiliser ma bouche : soit je mange, soit je parle
beaucoup, soit je me mords les lèvres, soit je fume. Petite, je me
rongeais les ongles ou je tétais un foulard. » Marie est chanteuse…
J.-P. Hiltenbrand parle d’une « attente de don ». « Il est en tout cas une
attente exigeante en tant que témoignage d’amour de la part de l’autre :
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Le vide d’objet 81
Cette recherche d’un lien continu, fusionnel, sans ruptures, peut être
repérée tout particulièrement dans deux types de situations : les relations
amoureuses et les relations thérapeutiques. Dans les relations amoureuses,
on retrouve souvent la recherche d’un lien de type fusionnel (« l’autre,
c’est ma moitié », « ne faire qu’un avec l’autre »). Ce sont des relations
de dépendance avec effacement de tout manque. Ce manque du manque
abolit souvent toute dimension sexualisée de désir. La recherche d’un
contact physique rassurant prend le pas sur la dimension pulsionnelle.
Quelques fois peuvent être repérés des fantasmes sexuels de possessivité et
de domination, ou des fantasmes de rapports sexuels qui se prolongent et se
répètent « jusqu’à s’écrouler de fatigue ». Dans les relations thérapeutiques
(psychothérapiques ou toute relation de soin en général), l’accrochage au
thérapeute est du même type. On retrouve une attente dévorante de répa-
ration, de comblement, d’étayage qui tolère mal l’attente et le manque.
La multiplication des interventions thérapeutiques dans une espèce de
boulimie addictive de soins est le reflet de ce type de relation objectale. La
prolifération dans le temps d’un nombre impressionnant de démarches de
régimes en est un autre exemple.
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82 Le poids du vide
Dans le même ordre d’idées, manger avec les autres, et manger ce qu’ils
mangent, peut être ressenti comme un moyen rassurant d’être en lien. Or,
lorsqu’on est en surpoids, les besoins nutritionnels sont moins importants.
Afin de réguler ce surpoids, le corps cherche à diminuer les apports exo-
gènes : la personne obèse a moins d’appétit et est rassasiée plus tôt qu’une
personne normopondérée. Si, pour se rassurer, elle mange comme les autres,
alors elle mange au-delà de ses sensations alimentaires : c’est de l’hyper-
phagie. On peut être hyperphage en mangeant même un peu moins que
les autres !
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Le vide d’objet 83
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6 Le vide de soi
Le sentiment de soi
Le sentiment de soi est la conscience que nous avons de notre propre exis-
tence. C’est la faculté d’appréhender de manière subjective notre corps, nos
émotions, nos pensées. C’est une conscience identitaire.
Le sentiment de soi n’est pas inné. Il doit se construire tout au long du
développement psychoaffectif et se poursuit toute notre existence. Notre
subjectivité est toujours en construction. Selon la formule un peu provoca-
trice de D. Winnicott : « un bébé n’existe pas », l’enfant n’a pas la conscience
de lui dans les premiers temps de sa vie. La construction du sentiment de
soi chez l’enfant consiste à passer d’un sentiment de soi non différencié de
l’autre à un sentiment clair de sa propre identité et de sa personnalité. C’est
le processus de séparation-différenciation-subjectivation-autonomie – dont
nous avons déjà parlé –, qui est un processus de construction identitaire
conduisant à une conscience de soi en tant que sujet, clairement différent
de ce qui est hors sujet.
La conscience de soi est liée à la conscience des limites du soi. Au cours
du processus de séparation-différenciation s’installe progressivement le sen-
timent d’être délimité avec des frontières claires entre le soi et le non-soi,
entre le soi et l’autre, entre le monde interne et le monde externe. Cette déli-
mitation est avant tout corporelle. La défusion corporelle va s’opérer dans
les premiers mois qui suivront la naissance, avec le passage du sentiment
d’un corps pour deux à celui d’un corps propre, avec des limites claires et
fermes, véritables frontières permettant un échange régulé et accordé avec
le monde externe. Les frontières seront ensuite psychiques avec le senti-
ment clair d’une identité subjective. L’estime de soi, qui est le jugement que
l’on porte sur soi, et la confiance en soi, qui est le jugement que l’on porte
sur nos capacités, reposent sur cette conscience de soi. Il ne peut y avoir
de bonne estime de soi s’il n’y a pas d’image de soi. La construction d’un
sentiment clair de soi et celle d’une bonne estime de soi sont, dès le début
de la vie, corrélatives. C’est l’édification d’un socle de « narcissisme sain »
à travers des relations d’objets précoces de bonne qualité qui va donner à
l’enfant un sentiment d’être, et celui d’être « une bonne personne ».
Nous savons aujourd’hui que la construction du sentiment de soi s’éta-
blit dès les premières semaines de la vie extra-utérine. « Tout au long des
deux premiers mois, le nourrisson construit activement un sens d’un soi
émergent » (Stern, 1989). Ce « sens du soi » c’est, avant tout, un sens du soi
corporel. Il correspond à des « éprouvés corporels impensables » du nourrisson
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Le vide de soi 87
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88 Le poids du vide
Nous allons tout d’abord essayer de comprendre ce qui peut conduire cer-
tains sujets à avoir une conscience d’eux-mêmes insuffisante avec un sen-
timent de « vide de soi ». Ensuite, nous tenterons de comprendre les liens
qui existent entre ce défaut du sentiment de soi et les conduites addictives
hyperphagiques.
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Le vide de soi 89
une création de soi dans un écart possible. L’enfant ne doit pas être pri-
sonnier d’une relation aliénante à sa mère (ou aux premiers objets d’atta-
chement en général). Il ne doit pas être amené à s’hyperconformer aux
attentes de celle-ci pour la porter, la protéger dans un inversement des rôles,
ou pour ne pas avoir l’angoisse de perdre son amour. Ceci est important
dès les premiers mois de la vie. Selon D. Stern, les mauvais accordages sont
« des tentatives non avouées de changer le comportement et l’expérience
du nourrisson ». Ceux qui réussissent sont éprouvés comme une pénétra-
tion plus ou moins forte de la mère dans la subjectivité du nourrisson et
donnent l’illusion du partage mais non le sentiment réel de celui-ci. « Le
nourrisson se déplace vers l’endroit où elle se tient pour combler l’écart et
établir (réétablir) une bonne harmonisation. […] On peut utiliser les mau-
vais accordages non seulement pour modifier l’expérience d’un nourrisson,
mais aussi pour la lui dérober, avec pour résultat un “vol émotionnel” […] Il
est dangereux de laisser pénétrer quelqu’un à l’intérieur de son expérience
subjective, même à un aussi jeune âge » (Stern, 1989).
Nous avons déjà souligné que la mère pouvait contre-investir son enfant
en emprise du fait d’une difficulté à instaurer un lien véritablement cha-
leureux et accordé. « Il est des mères […] qui en lieu et place d’une ten-
dresse moelleuse qu’elles n’ont pas eu l’heur de connaître et donc de trans-
mettre, se défendent de cette froideur, tentant de suivre les apparences, par
une exacerbation de leur investissement en emprise » (Corcos, 2009). Une
mère fragile narcissiquement peut agripper son enfant dans une emprise
fusionnelle où il va devenir un prolongement narcissique d’elle, rendant
toute subjectivation impossible. De même, il est des mères éprouvant un
sentiment de vacuité et de délaissement qui placent leur enfant dans un
rôle quasi incestueux de les compléter, ou de les combler, ce qui compromet
leur possibilité de s’écarter pour se construire.
Nous avons vu dans le chapitre précédent que des liens précoces insuffisam-
ment réguliers, adaptés et rassurants vont conduire à un sentiment d’insécu-
rité de base avec des angoisses d’abandon térébrantes. Le tout-petit peut alors
chercher à s’hyperconformer à ce qu’il ressent comme une attente de la part
des premiers objets d’attachement, afin d’établir ou de maintenir un lien qu’il
ressent comme fragile et insécure. Il se déplace là où il a le sentiment d’être
attendu, au risque de perdre contact progressivement avec lui-même. Le petit
enfant va ainsi développer ce que D. Winnicott appelle un « faux self », qui est
une construction conformément à l’environnement. Il en est de même si la
mère est dans une position d’emprise vis-à-vis de son enfant.
L’édification de limites corporelles clairement délimitées, suffisamment
solides pour autoriser des échanges entre le monde externe et le monde
interne, est compromise par des premiers liens défectueux. Rappelons que
le tout-petit construit ses propres limites en s’appuyant au départ sur le
corps de la mère (et sur son enveloppement maternant) pour se défusionner
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90 Le poids du vide
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Le vide de soi 91
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92 Le poids du vide
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Le vide de soi 93
suffisamment pleine car elle n’a pas de limites, ou celle d’un puits sans
fond. Cela revient à manger sans limites car il n’y a pas de limites.
« Si je ne suis rien, ce rien-là je peux le multiplier à l’infini. Je peux
rajouter n’importe quoi car s’il n’y a rien, il n’y aura toujours rien.
C’est comme une multiplication par zéro. Si ça n’existe pas, il n’y
a pas de limites. Comme il n’y a rien, c’est sans fin. C’est le néant
absolu. »
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94 Le poids du vide
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Le vide de soi 95
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96 Le poids du vide
Les abus sexuels ont une importance transversale dans tous les troubles du
comportement alimentaire. De nombreuses études soulignent la fréquence
plus importante d’abus sexuels chez les patientes anorexiques ou bouli-
miques vomisseuses, comparativement à une population équivalente de
référence. En revanche, très peu d’études évaluent la fréquence des trauma-
tismes sexuels chez les personnes obèses. Une étude américaine récente fait
état de dix fois plus d’antécédents d’abus sexuels chez des femmes obèses
comparativement à des femmes de corpulence normale (voir communi-
cation de S. Poplawaski [Colombus] et C. Bravo [Los Angeles] au congrès
annuel de la North American – Association for Study of Obesity à Fort
Lauderdale).
Les mécanismes qui font qu’un abus sexuel peut conduire à des
conduites hyperphagiques et à un surpoids sont multiples. Le trauma-
tisme sexuel peut être à l’origine de troubles dissociatifs avec une dis-
sociation corps-esprit et des troubles de conscience qui favorisent les
conduites de remplissage alimentaire. De même nous verrons plus loin
que les conduites hyperphagiques peuvent avoir une fonction anesthé-
siante vis-à-vis des émotions et des pensées corrélatives au traumatisme.
Mais la prise de poids peut aussi être comprise comme une recherche
d’une barrière protectrice, une sorte de cuirasse défensive vis-à-vis des
angoisses d’effraction consécutives à un traumatisme sexuel. Outre
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Le vide de soi 97
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98 Le poids du vide
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Le vide de soi 99
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100 Le poids du vide
Spirale d’autodépréciation
Nous avons souligné depuis le début de ce travail la fragilité des assises
narcissiques des sujets hyperphages. Nous avons vu comment des carences
dans les relations précoces ne permettaient pas l’édification d’un sentiment
de soi solide et d’une estime de soi positive. Ces carences précoces condui-
sent d’autant plus à une faible estime de soi qu’elles peuvent se pérenniser
dans les relations intrafamiliales, tout au long du développement psycho
affectif de l’enfant. Le socius va progressivement jouer un rôle important
dans la construction narcissique en compensant parfois les insuffisances
relationnelles familiales ou, au contraire, en répétant ce qui a pu être de
l’ordre du rejet, de la culpabilisation ou de la dévalorisation.
Au sein de ces interactions familiales puis sociales se met en place une
spirale tout à fait particulière à l’addiction hyperphagique. Les sujets hyper-
phages ayant au départ des failles narcissiques vont être en quête du regard
d’autrui qui pourrait servir de pansement externe aux blessures de leur moi.
Or, dans le regard de l’autre, ils ne vont trouver que critique et désapproba-
tion. En effet, dans nos sociétés modernes, l’une des caractéristiques iden-
titaires les plus dévalorisées, celle qui est la plus mise en avant de manière
négative, c’est d’être gros. Aujourd’hui, pour de nombreux parents, avoir
un enfant gros est narcissiquement mal vécu, et cet enfant en surpoids est
investi d’une attente de changement. Lorsque le surpoids apparaît (et l’on
s’aperçoit que c’est souvent tôt si l’on s’intéresse à l’histoire pondérale), les
interactions sociales sont fréquemment marquées par ce jugement négatif
et ce rejet qu’inspire le corps gros. Et, si les sujets en surpoids ne rencon-
trent pas réellement ce regard négatif, ils ne peuvent que l’imaginer au vu
du discours social tellement prégnant et tyrannique sur la minceur et la
diététique. Ainsi, va s’instaurer progressivement un engrenage d’autodépré-
ciation. Plus ces sujets fragiles narcissiquement vont prendre du poids, plus
leur image d’eux-mêmes va se dégrader, et plus ils vont trouver refuge dans
leur addiction alimentaire.
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Le vide de soi 101
Le fait d’être en surpoids accentue la faible estime de soi, mais cet engrenage
s’aggrave souvent de manière beaucoup plus importante lorsque le sujet va
chercher à perdre du poids. Nous détaillerons plus loin comment les straté-
gies mises en place dans le but d’obtenir une perte de poids vont mettre la
plupart du temps ces sujets en échec et les dévaloriser encore plus.
La clinique des conduites hyperphagiques montre bien comment le fait
d’avoir une mauvaise image de soi, accentuée par le fait d’être gros et de ne
pas réussir à perdre du poids, majore les conduites hyperphagiques. Plus le
fait de trop manger est connoté négativement, plus cela va conduire une
attaque contre un soi abhorré.
« Trop manger, c’est comme du suicide. De toute manière je ne
vaux rien, je n’intéresse personne, je suis nulle. »
« Je suis une poubelle de table. Même si ce n’est pas bon, même
quand c’est périmé, je mange quand même. Je me sacrifie. Après,
je suis malade, j’ai la diarrhée. »
« Mon ventre est un sac-poubelle. »
« Lorsque je me gave, j’ai honte de moi. Cela ne me réconforte pas,
mais me conforte juste dans le fait que je suis nulle. »
Cette spirale d’autodépréciation peut être repérée dans tous les troubles
des conduites alimentaires, mais elle est particulièrement marquée dans les
conduites qui conduisent à l’obésité. Dans l’anorexie mentale, les premières
conséquences corporelles vont dans le sens de l’idéal de minceur sociale-
ment reconnu, puis les stigmates du trouble témoignent d’une souffrance
psychique évidente, alors que le corps gros ne renvoie qu’à des stéréotypes
négatifs (manque de volonté, faiblesse, fainéantise…).
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7 Vide d’émotion, trop
d’émotions
Rappels
Les émotions sont des états affectifs caractérisés par des modifications phy-
siologiques, mentales et comportementales, en particulier expressives. Elles
ont généralement un déclenchement rapide et une durée limitée. Elles ne
sont ni volontaires, ni raisonnées. Ces états affectifs peuvent être agréables
(comme la joie) ou désagréables (dégoût, tristesse, anxiété, colère…). Les
émotions de base comme celles que nous venons de citer ont une inscrip-
tion phylogénétique. Pour A. Damasio, nous sommes préprogrammés pour
répondre par un certain nombre de réactions émotionnelles à des stimuli
appartenant soit à l’environnement externe, soit à des ressentis internes.
Ces émotions de base inscrites au départ dans notre système nerveux répon-
dent à une nécessité de survie. Ce sont des réponses corporelles chimiques
et neuronales. Progressivement, en fonction des apprentissages et de l’his-
toire individuelle, une gamme de plus en plus importante de stimuli va
générer ces réponses émotionnelles dont l’expression et l’intensité se per-
sonnaliseront.
Aux émotions, qui ont un aspect somatique et physiologique, s’associent
des images mentales subjectives : ce sont les sentiments. Les émotions,
même si elles sont observables, sont avant tout d’ordre non conscient
alors que les sentiments sont conscients. Les sentiments sont des produits
d’un processus de traitement des émotions ; ils sont les émotions rendues
conscientes. Selon A. Damasio, les sentiments sont une « transcription des
émotions sur le théâtre de l’esprit à l’aide d’un processus conduisant à la
production d’images mentales ». Il affirme que « les émotions se manifes-
tent sur le théâtre du corps, les sentiments sur celui de l’esprit ». M. Corcos
souligne l’origine primitivement charnelle et plus profondément soma-
tique (biologique) des émotions : « Impulsion corporelle puis sensation
sur laquelle vont secondairement se déposer un affect et ensuite une repré-
sentation (l’esprit regarde le corps ému) » (Corcos, 2009). Il rappelle une
phrase de W. Bion : « L’émotion provient du corps et est mère de toutes les
pensées » (Bion, 1979).
Une régulation correcte des émotions suppose qu’elles soient ressen-
ties corporellement, reconnues, élaborées psychiquement et tolérées.
Nous verrons que tout cela ne va pas forcément de soi. Les parents sont les
premiers réceptacles des émotions du tout-petit. En réponse aux premiers
Hyperphagie et émotions
Le lien existant entre les conduites hyperphagiques et les émotions est une
évidence clinique que l’on constate dès les premiers entretiens avec des
patients hyperphages. Entendre ce dont parlent les sujets en surpoids, c’est
entendre ce lien omniprésent entre le besoin de beaucoup manger et le
besoin de soulager des ressentis douloureux, ou une absence de ressentis.
Du reste, bien souvent, le fait de souligner cette relation permet d’engager
les personnes en surpoids vers une démarche psychothérapique.
« Trop manger, c’est un pansement contre mes angoisses. »
« Me caler pour me calmer. »
« Rien ne comble ce vide angoissant mise à part la nourriture. »
« Le sucre, cela calme tous mes bobos. »
Ce lien entre conduites et émotions est transversal dans toutes les conduites
addictives. C’est l’essence même des addictions d’être un « autotraitement »
vis-à-vis d’émotions non identifiées, ou appréhendées comme invivables.
Nous allons aborder successivement deux concepts qui permettent de ren-
dre compte du lien existant entre dysrégulation émotionnelle et conduites
hyperphagiques : l’alexithymie et l’évitement émotionnel. Nous venons de
voir qu’une régulation correcte des émotions suppose qu’elles soient res-
senties corporellement, reconnues, élaborées psychiquement et tolérées.
Le concept d’alexithymie concerne le ressenti corporel des émotions, leur
reconnaissance et leur élaboration ; celui de l’évitement émotionnel inté-
resse la tolérance émotionnelle.
Alexithymie
Ce concept est introduit en 1970 par J. Nemiah et P. Sifneos. L’alexithymie
(terme construit à partir du préfixe privatif a et du grec lexis [action de
parler de dire des mots] et thymos [humeur]) désigne l’incapacité à exprimer
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Vide d’émotion, trop d’émotions 105
ses émotions par des mots. Le concept d’alexithymie se définit selon quatre
caractéristiques :
• incapacité à identifier les sentiments et à les distinguer des sensations
corporelles ;
• difficultés à pouvoir communiquer ses sentiments à autrui. C’est une
incapacité à l’expression verbale des émotions ;
• pauvreté de la vie imaginaire. Ces sujets rêvent peu et, quand le rêve
existe, son contenu est pauvre, factuel et réaliste ; les fantasmes sont rares ;
• pensées à contenu pragmatique (pensées tournées vers l’extérieur plu-
tôt que vers les sensations intérieures). Cela se traduit dans le discours des
sujets alexithymiques par des descriptions détaillées de faits, d’événements,
mais dans un évidement affectif avec une pauvreté des ressentis exprimés.
S. Hahusseau résume très simplement la notion d’alexithymie en disant
qu’être alexithymique, c’est être « émotionnellement sourd ».
Le concept d’alexithymie représente à la fois un déficit développemental
(quelque chose qui ne s’est pas mis en place) et un moyen défensif vis-à-vis
d’émotions intolérables ; ces deux dimensions étant corrélatives l’une de
l’autre. Ce qui ne s’est pas mis en place, et qui fait défaut, va devenir une
protection vis-à-vis d’émotions qui s’originent justement dans ces carences.
Au départ de sa vie, le tout-petit est par essence alexithymique. Lors de
son développement psychologique, il acquiert progressivement une capa-
cité à comprendre ce qu’il ressent émotionnellement. Un traitement des
émotions va progressivement se mettre en place pour permettre d’associer
aux émotions des images mentales ayant du sens (les sentiments). Ressen-
tir, discerner, comprendre ses émotions, cela s’apprend. Comme pour tous
les processus développementaux, l’environnement relationnel (d’abord
les parents, puis la société) va conditionner la manière dont les choses se
mettent en place et conduire à des « compétences » individuelles diffé-
rentes, qui peuvent être dans certains cas déficitaires. L’alexithymie peut se
comprendre comme un déficit du traitement des émotions par carence de
l’environnement dans ce rôle accueillant et validant des émotions.
Carences précoces
La phrase de W. Bion, « L’émotion provient du corps et est mère de toutes
les pensées », permet de comprendre que s’il n’y a pas de corps, il ne peut
pas y avoir d’émotions. S’il n’y a pas d’identité narcissique primaire corpo-
relle assez établie, une incarnation suffisante pour permettre des éprouvés
corporels, alors il ne peut y avoir d’émotions. Rappelons que ce sont les
premiers liens corps à corps entre le nourrisson et sa mère qui vont poser les
bases du sentiment d’exister corporellement. Si le corps est silencieux car il
n’a pas été assez touché dans le cadre des premières relations, ou s’il est pré-
cocement anesthésié car il y a eu très tôt désillusion, intrusion ou violence,
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106 Le poids du vide
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Vide d’émotion, trop d’émotions 107
dit de m’aérer. Si je dis que je suis angoissée car je ne sais pas faire
quelque chose, mes parents me disent “on ne va pas te tuer, il y
a pire”. »
« Ma grand-mère disait qu’il ne fallait pas se laisser aller à la tris-
tesse, qu’il fallait travailler. On me disait : “analyse-toi moins et
active-toi !”. Aujourd’hui, ressentir de la tristesse ou de la colère,
pour moi, c’est une honte. »
« J’ai toujours eu l’impression que si l’on dit que ça ne va pas, cela
se retourne contre soi. Il vaut mieux dire que tout va bien. Dans
ma famille, si je disais que ça n’allait pas, on me disait que j’exa-
gérais et qu’il y avait pire. Ma mère a été élevée en pensionnat.
On ne doit pas se plaindre et se contenter de ce que dieu nous a
donné et le remercier tous les jours. La route doit être droite et on
ne doit pas faillir. »
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108 Le poids du vide
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Vide d’émotion, trop d’émotions 109
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110 Le poids du vide
Évitement émotionnel
Le recours à des conduites addictives hyperphagiques peut être un évitement
pour ne pas ressentir des émotions appréhendées comme « invivables »
car trop intenses, ou parce que l’appareil psychique est trop fragile pour
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Vide d’émotion, trop d’émotions 111
pouvoir les tolérer ou les contenir. Ces « émotions invivables » sont des
résurgences d’émotions liées à des traumatismes en plein ou en creux qui,
du fait de leur précocité ou de leur violence, n’ont pu être tolérées, pensées,
régulées, modulées par la psyché. Ces émotions évitées sont indicibles et
inouïes. Ce sont des émotions impensables et appréhendées comme inter-
minables. L’évitement émotionnel résulte de la peur d’avoir peur, de la peur
d’avoir mal.
Violences traumatiques
Les « émotions invivables » liées à des « traumatismes en plein » sont des
résurgences de celles qui furent éprouvées lors de maltraitances, de vio-
lences ou de traumatismes sexuels. À la suite de ces traumatismes s’installe
une « mémoire émotionnelle et sensorielle “fantôme” intrusive et incon-
trôlable des violences subies » (Salmona, 2013). C’est ce que l’on appelle
la mémoire traumatique. « Mémoire fantôme des violences et de la mise
en scène de l’agresseur, cette mémoire traumatique fonctionnera comme
un corps étranger inassimilable et nous hantera sans fin, elle imposera ses
propres lois destructrices, incompréhensibles, et se comportera comme
une bombe toujours prête à exploser en faisant revivre des souffrances
indicibles » (Salmona, 2013). Cette reviviscence « à l’identique » peut être
déclenchée par une multitude de situations qui vont réactiver la mémoire
traumatique : lieux, odeurs, paroles entendues, gestes d’autrui, images… Un
mal-être insupportable va alors envahir le sujet, parfois de manière incom-
préhensible sur l’instant.
Lors d’une visite chez une tante, C. est soudain envahie d’angoisse
à la vue d’un verger en fleurs. Cette angoisse invivable l’a enva-
hie pendant 15 jours avec une répétition de conduites à la fois
auto-anesthésiantes et autodestructrices (crises de boulimie, scari-
fications du visage et des cuisses, abus médicamenteux…). La vio-
lence de ses conduites n’avait d’égal que la violence inouïe de ses
angoisses insensées et impensables. Ses angoisses se sont progres-
sivement atténuées lorsqu’elle a pu élaborer en psychothérapie
qu’elle avait probablement été abusée sexuellement dans ce verger
à l’âge de 4 ans par un grand-oncle. Elle n’avait pas gardé de sou-
venir conscient de ce qui s’était passé dans ce lieu, mais il existait
en elle une « mémoire traumatique » enchâssée dans son appareil
psychique. Elle a gardé un souvenir conscient, et beaucoup plus
clair, des viols successifs et actes de torture perpétrés plus tardive-
ment par le même grand-oncle jusqu’à l’âge de 18 ans…
Habituellement, le fonctionnement de notre appareil psychique est tel que
lorsque nous vivons des événements avec un fort impact émotionnel, il y a
une mise en mémoire de ces événements et des émotions qui les ont accom-
pagnés. Ces émotions vont être retravaillées et modulées par le temps. Le
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112 Le poids du vide
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Vide d’émotion, trop d’émotions 113
Traumatismes en creux
Ces « émotions invivables » liées à des « traumatismes en creux » sont des
résurgences d’émotions archaïques éprouvées dans les tout premiers temps
de la vie, avant qu’il n’y ait des mots, avant que les souvenirs puissent
s’engrammer et s’organiser dans une mémoire autobiographique. On parle
de « traumatismes en creux » pour évoquer toutes les insuffisances de la
fonction parentale rassurante, tutorante, contenante et limitante, dont
nous avons souligné l’importance dans les chapitres précédents. Ces émo-
tions peuvent être réactivées par certaines situations, notamment celles
qui renvoient au délaissement par l’objet primaire (toute situation de perte
d’objet), ou à des blessures narcissiques. M. Corcos parle de « résurgences
inouïes ». Pour J. McDougall, il s’agit du risque de « revivre une expérience
traumatique, marquée de désespoir et de détresse, état dans lequel l’exis-
tence psychique et peut-être la vie même sont ressenties comme menacées »
(McDougall, 1982). L’intensité et la nature de ces émotions dépendent de
la précocité et de la durée de ces traumatismes. Nous avons évoqué dans les
chapitres consacrés au vide d’objet et au vide de soi ces émotions archaïques
liées à un défaut d’accordage précoce avec un manque de présence des
premiers objets d’attachement ou, au contraire, un excès de présence en
emprise. Ce sont ces angoisses que D. Winnicott qualifie d’« agonies primi-
tives » ou d’« angoisses impensables ». Lors d’entretiens psychothérapiques,
les patients parviennent parfois à évoquer ces émotions archaïques fixées
précocement et se réactivant dans certaines situations :
• la douleur angoissante d’être « seul(e) au monde et pour toujours » ;
• l’angoisse et la dépression d’être « abandonné(e) et délaissé(e) à tout
jamais » ;
• la douleur dépressive d’être « abandonné(e) car on n’a jamais existé » ;
• l’angoisse d’être oublié(e) indéfiniment comme si l’on n’avait jamais existé ;
• l’angoisse de mourir ;
• l’angoisse d’être « en danger avec personne pour me secourir » ;
• l’angoisse ou la douleur dépressive d’être dans un « vide et un néant pour
toujours », d’avoir « le sentiment d’être un atome qui se balade, sans repères
dans un univers infini » ;
• l’angoisse de tomber dans un vide sans fond ;
• l’angoisse de se dissoudre, s’évaporer, éclater, se disperser, se dissoudre ou
se morceler ;
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114 Le poids du vide
L’infans ne possède pas la capacité d’utiliser une pensée verbale pour gérer
et apaiser ses émotions. C’est aux premiers objets d’attachement (en parti-
culier à la mère) que va incomber le rôle de venir apaiser, soulager, les
premières émotions et les premières douleurs. « L’infans ne possède pas la
capacité d’utiliser la pensée verbale, et, dans le cas où la fonction maternelle
de pare-exitation fait défaut, il doit faire face autrement aux orages affectifs
ou aux états d’excitation et de douleur inélaborables » (McDougall, 1989).
L’observation clinique met en évidence, par ailleurs, un point fondamen-
talement important : lorsqu’un enfant vit dans son environnement fami-
lial des traumatismes (en plein ou en creux), la faille psychologique des
responsables de ces traumatismes (ou de certains autres membres de la
famille) les conduit à se reculer ou à se figer dans une position de déni
défensif vis-à-vis de la souffrance de l’enfant. Ainsi, les émotions de ce
dernier ne pourront être ni entendues, ni prises en compte, ni soulagées,
cela représentant un deuxième traumatisme.
« J’ai passé mon enfance dans une posture d’attente où j’attendais
que ma mère s’occupe de moi, ou bien qu’elle s’aperçoive que je
souffrais de son absence. La souffrance que j’ai vécue n’a jamais
été reconnue, elle a été niée, c’est la deuxième couche de mon his-
toire. C’est peut-être ce qui a été le plus difficile à digérer ».
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Vide d’émotion, trop d’émotions 115
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116 Le poids du vide
Le fait d’être « percé à nu » en montrant ses émotions est d’autant plus
difficile à tolérer par des sujets fragiles que l’expression émotionnelle est
souvent socialement dévalorisée. Dans nos sociétés modernes, on prône
plutôt la maîtrise des émotions, le « contrôle de soi », le lissage émotionnel
de la « zen attitude ». Montrer ses émotions est fréquemment associé à
une idée de faiblesse, de fragilité, voire à quelque chose de l’ordre de la
pathologie.
Par ailleurs, nous avons pu observer des situations d’évitement émotion-
nel chez des sujets dont un des parents présentait une pathologie psychia-
trique (dépression grave, suicide, psychose…). La peur qu’un trop d’émo-
tions conduise à de la pathologie, comme leur parent, peut entraîner une
situation de contrôle et d’évitement émotionnel.
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Vide d’émotion, trop d’émotions 117
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118 Le poids du vide
En pratique clinique, ce que décrivent très bien les patients, c’est cette pré-
cocité du recours hyperphagique face à l’émergence émotionnelle.
« Manger, c’est comme retirer la main lorsque l’on touche un objet
brûlant ; c’est un réflexe. »
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Vide d’émotion, trop d’émotions 119
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120 Le poids du vide
Culpabilité
De même que la douleur physique, la culpabilité liée au fait d’avoir trop
mangé peut détourner des ressentis émotionnels et des représentations
impensables.
« La boulimie transforme toutes mes émotions que je ne sais pas
gérer en une émotion que je connais bien : la culpabilité. Cela
déporte le problème : je suis gavée, j’ai honte de moi. »
« Pendant que je rumine sur le fait que je suis grosse, je ne rumine
pas sur le fait que je suis toute seule. »
Hyperactivité
Ces angoisses archaïques évitées étant souvent des angoisses de vide, de
néant, il est logique que des conduites de remplissage jouent un rôle de
mécanisme défensif d’évitement. Il peut s’agir bien sûr du remplissage par
la nourriture, mais aussi d’un remplissage de l’espace temporel. Il ne faut
pas qu’il y ait d’ennui, de temps vide, de temps mort. L’observation clinique
met en évidence chez un très grand nombre de sujets hyperphages une très
grande difficulté et parfois une impossibilité totale à se « poser » et ne rien
faire, ou à ne faire qu’une chose à la fois.
« Je me couche tard en regardant la télévision et en mangeant
pour retarder le plus possible le moment où je serai seul dans mon
lit dans le silence et le noir. Je suis comme un petit enfant qui vou-
drait qu’on le porte pour le coucher et qu’on le berce. »
« Je fais toujours plusieurs choses à la fois. Lorsque je mange, je
regarde la télévision ; quand je regarde la télévision, j’écris des
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Vide d’émotion, trop d’émotions 121
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122 Le poids du vide
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8 Discours diététique
et régimes
Diététique et régimes
Discours diététique
La deuxième moitié du xxe siècle a vu naître un discours diététique qui
connaît depuis les années 1980 une expansion considérable. Il s’agit d’un
énoncé de règles nutritionnelles ayant pour but d’assurer une bonne santé
et de prévenir le surpoids. Ce discours diététique est en réalité un qua-
druple discours : diététique, esthétique, médical et sportif, centré sur le
corps. Il pourrait se résumer à : « mangez sainement et faites du sport
pour être mince et en bonne santé ». Les enjeux de ce discours sont à
la fois narcissiques (avoir le plus de valeur possible) et de l’ordre de la
réassurance (en cherchant à avoir la meilleure santé possible). Toutes les
sociétés humaines se sont certainement toujours organisées pour attein-
dre ces mêmes buts. Pour cela, les modes alimentaires se transmettaient
de manière transgénérationnelle, avec des habitudes familiales et des tra-
ditions régionales et religieuses. Mais ce discours diététique, esthétique,
médical et sportif moderne présente, vis-à-vis des habitudes tradition-
nelles, des spécificités qu’il convient de souligner car elles ne sont pas
sans conséquences.
• Tout d’abord, il s’agit d’un discours individualiste centré sur le corps
propre. C’est un des aspects de l’individualisme de nos sociétés modernes
au moment où se sont effondrées les grandes transcendances religieuses,
politiques et sociales. Aujourd’hui, l’individu se doit d’atteindre un certain
nombre d’objectifs qui vont déterminer son identité et sa valeur au sein de
la société. Entre autres, il se doit d’être en bonne santé. Pour J. Baudrillard, la
santé « est moins une valeur fondamentale qu’un faire-valoir » (Baudrillard,
1970), car la manière dont un individu entretient et soigne son corps est
un signe de compétitivité et de prestige social. Il en est de même, bien
sûr, en ce qui concerne l’esthétisme avec l’idéal de minceur. I. Quéval parle
de « centration de l’identité contemporaine sur le corps » avec une valeur
personnelle mesurable sur une échelle étalonnée en fonction de l’idéal de
minceur (Quéval, 2008). Il y a quelque chose de l’ordre d’une performance
individuelle à réussir : celle d’avoir un corps mince et sain témoignant de
qualités individuelles essentielles.
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Discours diététique et régimes 127
Régimes
Si l’on considère le discours diététique, esthétique, médical et sportif comme
censé constituer une prévention des risques (surpoids, mauvaise santé), les
régimes en sont la version curative. C’est une réparation des fautes !
Un régime alimentaire est un ensemble de règles qui ont pour fonction de
réglementer le comportement alimentaire afin de corriger un état corporel
considéré comme insatisfaisant, que ce soit sur le plan esthétique ou sur
le plan médical. Le régime intervient en rupture par rapport au comporte-
ment alimentaire habituel. Un individu peut respecter depuis son enfance
des règles culturelles ou religieuses, ou bien être végétarien ou manger bio,
mais cela ne constitue pas un régime. Se mettre au régime, c’est rompre
brutalement un mode alimentaire ancien, c’est introduire un changement
vis-à-vis de ses habitudes et de ses choix. La plupart du temps, derrière la
notion de réglementation alimentaire, il y a une idée de privation alimen-
taire. Aujourd’hui, lorsque l’on dit que l’on « fait un régime », lorsque l’on
se « met au régime », il y a généralement l’idée que l’on doit se priver de
quelque chose sur le plan alimentaire. Il peut s’agir d’une privation quan-
titative générale : ce sont les régimes hypocaloriques, ou d’une privation
sélective : ce sont les régimes sans sel, sans matières grasses, sans sucre,
sans gluten. Parfois, il convient d’augmenter la consommation de certaines
catégories d’aliments, mais forcément au détriment d’autres catégories : ce
sont par exemple les régimes hyperprotéinés où la consommation de pro-
téines est augmentée au détriment de celles des graisses ou des sucres. De
même que pour le discours préventif, le régime alimentaire est un ensemble
de préceptes alimentaires qui ont inévitablement comme conséquence une
qualification dichotomique du comportement alimentaire en fonction du
fait que l’on suive, ou non, le régime. Il y a dans tout régime une distinction
dichotomique culpabilisante entre les bons ou les mauvais comportements
alimentaires, les bons ou les mauvais aliments.
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128 Traiter l’hyperphagie
Restriction cognitive
Le concept de restriction cognitive est développé à partir de 1975 par
deux psychologues canadiens à partir d’une expérience princeps (Herman,
Mack, 1975). Cette expérience consistait à donner à des sujets un repas
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Discours diététique et régimes 129
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130 Traiter l’hyperphagie
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Discours diététique et régimes 131
Idéal de minceur
Il existe dans nos sociétés hypermodernes individualistes une centration
sur le corps, avec une importance majeure accordée à l’apparence. L’esthé-
tique est un des pivots du narcissisme moderne. Le corps idéal moderne est
un corps mince, jeune et performant (aussi bien chez les hommes que chez
les femmes).
Chez la femme moderne, l’idéal de minceur confine à la maigreur. Ce
sont des silhouettes éthérées qui incarnent la référence à atteindre. L’idéal
de minceur montré dans les journaux ou les défilés de mode est clairement
du côté de la maigreur. Au cours du xxe siècle, il y a eu une évolution très
nette des canons de la beauté féminine du côté de la « beauté maigre ».
Chez l’homme, l’idéal est peut-être moins celui d’un corps éthéré que celui
d’un corps musclé, sans « graisse » et sans rondeurs.
Le discours esthétique actuel est un discours individualiste, totali-
tariste, perfectionniste et élitiste. Ce corps idéal recherché est un corps
introuvable. Il s’agit, au fond, d’un corps virtuel car, par essence, le corps
humain est imparfait. Les « top-modèles » incarnent bien cet idéal vir-
tuel car ils n’existent pas. En effet, leurs photos sont retouchées et, bien
souvent, leur corps aussi du fait d’un contrôle alimentaire drastique. Cet
idéal de minceur ne constitue pas qu’un idéal esthétique. Il s’agit d’un
idéal narcissique plus large car, en général, d’autres valeurs sont associées
à la minceur. Derrière la minceur sont placées par exemple des valeurs de
dynamisme, de contrôle de soi, de volonté, d’efficacité, d’équilibre, de
réussite…
Être mince, c’est être parfaitement mince. Un petit bourrelet, des joues
rondes, des hanches un peu plus larges que celles des mannequins de 17 ans
mises en scène sur des photos retouchées et il en est fini de la minceur
idéale. Dans un manichéisme outrancier, si l’on n’est pas parfaitement
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132 Traiter l’hyperphagie
mince, on est gros. Dès leur plus jeune âge, de nombreuses personnes sont
qualifiées d’« un peu grosse » alors que leur corps est bien loin de répondre
aux critères actuels objectifs du surpoids. Des études montrent que parmi
les femmes qui ont un poids normal (61,4 %), 65,4 % souhaiteraient peser
moins, en moyenne 6 kg en dessous. Plus de 50 % des femmes qui ont un
IMC « normal » se sont déjà engagées dans un régime. Et 48 % des 18-24 ans
ont déjà fait un régime.
Ce discours esthétique moderne, comme tout discours totalitariste, per-
fectionniste et élitiste, impacte fortement et douloureusement les sujets les
plus fragiles. Nous retiendrons deux populations particulièrement vulné-
rables à l’égard de ce diktat de la minceur : celle des sujets génétiquement
déterminés à ne pas être très minces, et celle des sujets narcissiquement
fragiles.
• Le poids naturel génétiquement déterminé d’une population se répartit
selon une courbe de Gauss. Certains sujets sont naturellement prédestinés à
être très minces toute leur vie (il existe même des maigreurs congénitales). À
l’inverse, tout un ensemble de la population présente naturellement depuis
l’enfance, et d’une manière génétiquement déterminée, une corpulence qui
les place au-dessus des critères actuels de la minceur. Il y a des sujets qui
sont ainsi clairement prédisposés à être en surpoids, avec généralement une
hérédité familiale. Or, être depuis l’enfance dans la partie supérieure des
courbes normales de corpulence constitue une difficulté en regard de la
pression sociale de la minceur. Par exemple, une jeune fille ayant une évolu-
tion pondérale la conduisant de manière régulière et naturelle à un IMC (à
l’âge adulte) entre 22 et 25 risque dès l’enfance de rencontrer des difficultés
dans ce qu’elle peut vivre comme une différence. Il n’est pas facile dans
une société précocement normative et stigmatisante d’être (à l’école ou au
collège) un tout petit peu plus ronde que les autres, un petit peu plus grande
que les autres, ou formée un tout petit peu plus tôt que les autres. Il n’est
pas rare de voir ces jeunes filles (en réalité normopondérées) s’engager très
jeunes dans des démarches amaigrissantes (que ce soit à leur initiative, à
celle de leurs parents ou de médecins).
• Nous avons évoqué la question de la fragilité narcissique dans le cha-
pitre 6 consacré au « vide de soi ». Nous avons vu que les sujets ayant une
conscience identitaire floue, une estime d’eux-mêmes faible, vont tenter
de compenser de manière défensive leurs failles identitaires et narcissiques
en cherchant à s’identifier à des idéaux « parfaits ». Lorsque la notion de
soi est chancelante et l’estime de soi basse, alors l’idéal du moi (celui que
l’on aimerait être) occupe une place prépondérante dans la construction
psychique. Cet idéal du moi est un idéal de perfection élaboré à partir
des idéaux de l’environnement dont le sujet dépend. Il s’agit d’un ajus-
tement identitaire aux idéaux des parents, puis aux idéaux de la société.
Plus les bases identitaires sont fragiles, plus s’écarter de cet idéal est difficile.
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Discours diététique et régimes 133
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134 Traiter l’hyperphagie
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Discours diététique et régimes 135
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136 Traiter l’hyperphagie
Mais ne devient pas anorexique qui veut ! Rares sont les sujets qui res-
tent verrouillés durablement dans un hypercontrôle alimentaire. Pour des
raisons que nous développerons ultérieurement, dans la majorité des cas, ce
contrôle est lâché à un moment donné. Lâché souvent massivement, avec
d’autant plus d’intensité qu’il fut extrême, lâché pour être probablement
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Discours diététique et régimes 137
reconduit plus tard. Lâché parfois sur une courte durée et aussitôt repris : ce
sont des crises boulimiques immédiatement suivies de purges vomitives ou
d’une reprise de l’hyperrestriction. Lâché souvent pour un temps plus long :
c’est l’abandon du régime avec une longue période de découragement et de
reprise de poids, jusqu’à la prochaine tentative de contrôle.
Ne pas penser
Estimer que le surpoids résulte d’erreurs nutritionnelles et qu’il est possible
d’y apporter une correction par des solutions exclusivement diététiques
occulte la dimension psychique du problème et contourne toute souffrance
psychique sous-jacente. Les régimes sont des conduites « anti-éprouvés »
et « anti-pensées », de la même manière que l’ont été les conduites hyper-
phagiques ayant conduit au surpoids. Nous retrouvons, là encore, l’idée que
l’on fait un régime pour les mêmes raisons que celles qui ont conduit à
trop manger. Faire un régime, c’est éviter de réfléchir sur soi, c’est ne pas
entendre ce qui fait souffrance. Le régime est un traitement symptomatique
défensif se situant à l’opposé d’un travail introspectif d’élaboration psy-
chique.
« Lorsque je fais un régime, il y a un dédouanement d’une écoute
et d’une entente de moi. »
Ne pas vouloir penser peut être un mécanisme de défense par clivage, par
déni, pour se protéger vis-à-vis d’une histoire personnelle traumatique. Ne
pas penser à des expériences traumatiques, c’est ne pas mettre en péril une
organisation parfois fragile du moi et se protéger d’une réminiscence-résur-
gence d’affects pressentis comme douloureux et dangereux.
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Discours diététique et régimes 139
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140 Traiter l’hyperphagie
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Discours diététique et régimes 141
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Discours diététique et régimes 143
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Discours diététique et régimes 145
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146 Traiter l’hyperphagie
défensives face à des règles alimentaires restrictives sont du même ordre que
celles que l’on peut observer dans l’anorexie mentale lorsqu’il est exercé une
contrainte alimentaire de renutrition. Dans les deux cas, il s’agit de sujets
fragiles sur leurs assises identitaires ; restreindre ou forcer ne peut conduire
qu’à renforcer des conduites qui ont déjà une fonction narcissique défen-
sive. Résister aux règles, transgresser, permet de préserver un sentiment
d’identité fragile, quelque chose d’une conscience de soi.
« Ne pas suivre un régime, aller à l’encontre de ce qu’il faut sur le
plan diététique est pour moi un acte révolutionnaire. C’est faire
ce que je veux, montrer que j’existe. Si je respecte des règles diété-
tiques, je me sens floue. »
La transgression aux règles est pourvoyeuse de sensations fortes. Plus
il y a de règles, plus il y a la possibilité de repas transgressifs. Manger en
cachette ce que le régime interdit est un « frisson excitant ». Les régimes
offrent aux sujets hyperphages une source nouvelle de sensations fortes. La
privation exacerbe les sensations liées aux prises alimentaires importantes
et devient un renforçateur positif puissant des excès alimentaires.
Outre les règles de conduites alimentaires, la détermination d’un objectif
pondéral à atteindre peut être vécue aussi comme une contrainte. Dans les
situations de surpoids, ce sont souvent les sujets qui se fixent des objectifs
pondéraux. Mais il est des situations (notamment dans certains discours
médicaux) où l’obtention d’un poids plus bas est posée comme une règle
incontournable. Or, nous venons de souligner le risque de contre-investis-
sement défensif auquel expose ce type de pression. On sait bien aujourd’hui
que contraindre une patiente anorexique de manière autoritaire à prendre
du poids ne conduit qu’à des échecs ; il en est exactement de même si un
objectif de perte de poids est imposé dans la coercition.
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Discours diététique et régimes 147
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148 Traiter l’hyperphagie
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Discours diététique et régimes 149
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150 Traiter l’hyperphagie
Par ailleurs, il convient de réaliser que les régimes sont des conduites qui
entraînent des modifications corporelles réelles et souvent rapides. Elles
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Discours diététique et régimes 151
Les changements corporels induits par les régimes sont souvent importants,
rapides, non préparés ni accompagnés. Des sujets qui ont à l’origine de
grandes difficultés à se percevoir physiquement vont devoir se confronter
à des changements corporels importants venant réactiver des angoisses pri-
maires d’indifférenciation, de pertes de limites, de morcellement, de vide
de soi. Les régimes visent à modifier une corpulence qui est parfois devenue
un repère identitaire. La non-réponse au régime, ou la reprise de poids, peut
se comprendre comme une résistance au changement afin de préserver un
repère de substitution qui est venu pallier depuis longtemps un manque
d’identité corporelle. Il y a souvent dans le surpoids le même accrochage,
le même agrippement identitaire à une silhouette que dans l’anorexie men-
tale où la maigreur est une pseudo-identité.
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152 Traiter l’hyperphagie
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9 Thérapie pluridisciplinaire
intégrative
Le premier point qu’il convient de souligner est une évidence mais qu’il
faut bien rappeler : il est fondamentalement important de traiter effi-
cacement les sujets obèses. Les traiter, c’est traiter les complications de
l’obésité mais c’est surtout les aider à perdre du poids. Sans perte de
poids, de nombreuses complications ne pourront pas se résoudre, avec une
diminution de l’espérance de vie, la persistance de handicaps sociaux et
personnels majeurs. Nous avons vu précédemment que l’on ne pouvait pas
réduire l’obésité à une conséquence de déséquilibres nutritionnels et à une
insuffisance d’activité physique. Aider les sujets obèses à perdre du poids
nécessite de traiter le trouble des conduites alimentaires qui sous-tend
majoritairement ces situations.
Non seulement il est indispensable de mettre en œuvre des moyens impor-
tants pour traiter les sujets obèses, mais il nous semble également nécessaire
de mettre en œuvre les mêmes moyens thérapeutiques pour traiter les sujets
en surpoids (IMC entre 25 et 30) à condition, bien sûr, que ce surpoids ne
soit pas constitutionnel et qu’il représente un changement vis-à-vis d’une
situation pondérale antérieure. En effet, tout comme pour l’anorexie men-
tale, les situations moins extrêmes en termes de poids sont plus facilement
réversibles. Les risques d’auto-aggravation en spirale sont moins importants
si l’on intervient précocement. Par ailleurs, si l’on ne propose pas très tôt
aux sujets en surpoids des solutions thérapeutiques adaptées, il y a de grands
risques qu’ils se tournent d’eux-mêmes vers des solutions diététiques dont
nous venons de montrer l’inefficacité et la dangerosité.
L’expérience clinique et les données scientifiques modernes montrent que
seuls des protocoles thérapeutiques associant des approches comporte-
mentales, psychodynamiques et corporelles permettent de modifier de
manière durable les conduites hyperphagiques et de réduire l’excédent
pondéral des sujets obèses. Nous avions souligné dans un ouvrage précé-
dent tout l’intérêt des approches psychothérapiques intégratives, pluridisci-
plinaires dans la prise en charge des conduites anorexiques (Carraz, 2009).
Depuis le début de ce travail, nous avons mis en évidence que les problé-
matiques psychiques sous-tendant les conduites anorexiques et celles qui
sous-tendent les conduites hyperphagiques sont voisines, pour ne pas dire
communes. À partir de là, il en découle l’idée d’organiser les soins des
sujets obèses de la même manière que pour les sujets anorexiques, avec
simplement quelques aménagements tenant compte des aspects symp-
tomatiques différents. La prise en charge psychothérapique des sujets
Suivi somatique
Tout comme pour les patients anorexiques, il est important que la prise en
charge thérapeutique s’appuie sur un suivi régulier par un ou des médecins
somaticiens. Il ne faut pas engager de traitements psychothérapiques et
comportementaux auprès de sujets en surpoids sans s’assurer, au préa-
lable, qu’un suivi médical sérieux et régulier est bien mis en place.
Le rôle des médecins somaticiens consiste tout d’abord à éliminer d’éven-
tuelles causes médicales responsables de la prise de poids (maladies endocri-
niennes, traitements médicamenteux).
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 155
Par ailleurs, l’obésité étant une maladie somatique grave avec de nom-
breuses complications, traiter un patient obèse consiste tout d’abord à ten-
ter de le soulager de ses désordres somatiques et corriger des désordres méta-
boliques éventuels (par exemple : hypercholestérolémie, diabète…). Des
examens cliniques réguliers (en particulier cardiovasculaires) sont néces-
saires, ainsi que des bilans biologiques (bilans lipidiques, glycémiques) et
une recherche systématique d’un syndrome d’apnées du sommeil.
Il convient aussi de s’intéresser aux complications sociales de l’obésité
et aux possibles handicaps dans la vie quotidienne. Il incombe parfois au
médecin somaticien d’intervenir à différents niveaux pour :
• demander des aménagements des conditions de travail ;
• établir une reconnaissance de travailleur handicapé ;
• prescrire des arrêts de travail ;
• faire des demandes d’aide de vie à domicile…
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156 Traiter l’hyperphagie
Encadré 9.1
mangez ?
j Évitez-vous d’acheter certains aliments de peur d’être tenté(e) si vous les avez
chez vous ?
j Culpabilisez-vous si vous mangez des gâteaux ou des pâtes plusieurs jours de
suite ?
j Évitez-vous de manger entre les repas, même si vous avez très faim ?
vous ingérez ?
j Est-ce que vous vous autorisez à manger plus ce qui vous fait envie si vous
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 157
Encadré 9.2
alimentaire (« il faut manger cinq fruits et légumes par jour, il ne faut pas man-
ger trop gras ou trop sucré, il faut éviter les sucres rapides, il ne faut pas sauter
de repas, il vaut mieux moins manger le soir… ») ne sont pas protectrices vis-
à-vis du risque de prise de poids, bien au contraire. C’est ce que l’on appelle la
restriction cognitive qui représente en réalité un grand facteur de risque de
compulsions alimentaires. Plus vous essayez de contrôler votre comporte-
ment alimentaire, plus vous vous exposez à des pertes de contrôle alimen-
taires compulsives responsables de prises de poids.
j Même les petites tentatives de contrôle alimentaire ont un effet délétère. Par
exemple se fixer comme règle de ne manger qu’un carreau de chocolat par jour
représente une règle trop stricte. En effet, si vous avez envie de manger deux ou
trois carreaux de chocolat (car ce jour-là vous avez un appétit plus important)
vous risquerez d’avoir des pensées du type : « fichu pour fichu, maintenant que
j’ai trop mangé de chocolat, autant en profiter et tout manger. Demain je ferai
attention et je n’achèterai plus de chocolat ».
j Il vous est peut-être arrivé de vous jeter sur certains aliments car vous vous
en privez depuis trop longtemps. Avez-vous constaté que les aliments que vous
consommez en excès en fin de soirée, la nuit, ou lorsque vous n’allez pas bien,
sont des aliments que vous vous interdisez le reste du temps ?
j Peut-être avez-vous constaté que lorsque vous vous interdisez d’acheter
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158 Traiter l’hyperphagie
j Peut-être vous êtes vous rendu compte lorsque vous mangez que vous êtes
essentiellement préoccupé par le fait de manger « diététiquement correct » ou
de contrôler les quantités de ce que vous mangez, et que vous ne savourez plus
avec plaisir les mets qui sont à votre disposition. Il vous est certainement difficile
aujourd’hui de percevoir si vous avez de l’appétit, de discerner ce que vous avez
vraiment envie de manger, de sentir lorsque vous êtes rassasié. Vous ne mangez
plus en paix, votre culpabilité de manger a effacé toutes ces sensations !
Si vous souhaitez perdre du poids, vous devez désapprendre toutes les
règles diététiques !
Pour plus d’informations
j Apfeldorfer G. Mangez en paix ! Paris : Odile Jacob ; 2008.
et du travail (Anses). Rapport sur l’évaluation des risques liés aux pratiques alimen-
taires d’amaigrissement, novembre 2010.
j Zermati JP. Maigrir sans régime. Paris : Odile Jacob ; 2002.
j Zermati JP, Apfeldorfer G. Dictature des régimes. Attention ! Paris : Odile Jacob ;
2006.
j Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids : http://www.gros.org/
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 159
Encadré 9.3
mangez pas, prévoyez une collation dans le cas où vous auriez trop faim d’ici le
prochain repas.
j Si vous ne savez pas quoi manger, imaginez-vous dans un endroit où il y a de
grands buffets avec des nourritures salées ou sucrées. Essayez d’imaginer ce que
vous aimeriez le plus manger. Ensuite, essayez d’aller droit au but, c’est-à-dire
de manger ce qui se rapproche le plus de ce qui vous faisait envie lorsque vous
imaginiez les buffets. Si rien ne vous fait envie, ne mangez pas, sautez ce repas,
vous n’avez pas d’appétit.
j Si vous avez besoin de vous remplir de grosses quantités de nourriture, sans
ne signifie pas forcément que vous avez de l’appétit : c’est juste que votre
estomac a fini de digérer. Dans ce cas-là : soit vous attendez et cet inconfort
va disparaître, soit vous mangez un petit bout de quelque chose pour soulager
cet inconfort. Mais, dans tous les cas, mangez peu si vous avez peu d’envies
gustatives. Rappelez-vous bien : c’est votre bouche qu’il faut écouter, non votre
ventre !
j Ne vous demandez pas « est-ce que j’ai faim ? ». C’est trop réfléchi, trop
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160 Traiter l’hyperphagie
le travail qu’il a fallu pour ces nourritures soient à votre disposition. Intéres-
sez-vous à la composition de ce que vous mangez, aux différentes saveurs. La
cuisine est un art, il faut prendre le temps de l’apprécier.
j Ne faites pas autre chose en même temps. Si vous mangez en conduisant
manger ce que vous voulez, mais il faut que cela en vaille le coup ! Soyez
critique vis-à-vis du plaisir que vous éprouvez, là maintenant, à l’instant t : si ce
n’est pas très agréable alors arrêtez-vous, cela ne vaut pas le coup de continuer.
j Ce n’est pas parce qu’un aliment est bon que c’est bon ! Ce n’est pas parce
que vous pensez qu’un aliment est bon que vous allez forcément éprouver du
plaisir, là maintenant, à le manger. Pour apprécier gustativement un aliment,
il faut que vous ayez un appétit suffisant pour cet aliment. Si vous n’avez pas
d’appétit, cet aliment, tout excellent qu’il soit, ne vous procurera pas grand
plaisir.
Arrêtez de manger un aliment lorsque vous avez moins de plaisir à
manger cet aliment : cela s’appelle être rassasié
Être rassasié, ce n’est pas être rempli, c’est juste avoir moins de plaisir gustatif
à manger un aliment. Vous pouvez être rassasié sur un aliment et avoir encore
faim avec l’envie de manger autre chose (c’est ce que l’on appelle le rassasie-
ment spécifique). Alors, mangez l’aliment suivant et vous vous arrêterez lorsque
de nouveau vous n’aurez plus de plaisir gustatif. La fin d’un repas (la satiété) est
marquée par une suite de rassasiements successifs.
Mangez de tout, mais pas tout !
Quelques conseils
j Pour pouvoir vous arrêter, il est important de vous dire que si vous avez eu
du plaisir à manger cet aliment, il vous est possible d’en remanger quand vous
voulez, même dans une heure ! En effet, si vous vous dites que vous ne devez
pas en manger avant longtemps, vous risquez de vous jeter dessus et d’en
manger en grande quantité en vous disant « profites-en, après tu ne pourras
plus en manger ».
j Si vous avez des difficultés à vous arrêter de manger, faites des pauses : arrê-
tez de manger un aliment ou arrêtez votre repas et reprenez un peu plus tard.
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 161
j Ce n’est pas grave si vous ne finissez pas votre assiette. Les moyens de
conservation actuels permettent de garder ce que vous n’avez pas mangé, de
ne pas le gaspiller. Parfois, il vous faudra accepter de jeter de la nourriture ; il
vaut mieux que ce soit à la poubelle plutôt que cela vienne sur votre corps se
rajouter à votre surpoids ! Il faut savoir ce que vous voulez ! Vous n’êtes pas une
poubelle, votre rôle n’est pas de finir les restes ou le bout de pain qui traîne sur
la table.
j Ne vous fixez pas des quantités à l’avance. Vous ne pouvez pas savoir exacte-
ment quel va être votre appétit. Seule la baisse du plaisir gustatif vous informera
précisément sur vos besoins. Si vous vous fixez des quantités à l’avance, le
risque est de fonctionner en tout ou rien : « soit j’ai mangé juste ce que j’avais
prévu, soit j’ai mangé un peu plus et alors fichu pour fichu autant tout manger
et je ferai attention demain ».
j Dites-vous bien que vous n’êtes pas obligé de manger en une fois toutes les
bonnes choses qui sont autour de vous. Elles seront toujours là, elles ne vont
pas disparaître. Les boulangers et les pâtissiers fabriquent des pains au chocolat
et des gâteaux tous les jours !
Mangez de tout, ne vous interdisez pas de manger certains aliments
Il n’existe pas deux catégories d’aliments : les aliments sains et les cochonneries !
Les aliments qui ne sont pas bons pour votre santé sont simplement ceux qui ne
sont pas bons au goût. Il ne faut pas s’empêcher d’acheter ou de consommer
certains aliments sous prétexte qu’ils sont trop gras, trop caloriques, trop indus-
triels… Si vous faites cela, vous allez vous frustrer et, un jour, vous en aurez trop
envie, vous en achèterez et mangerez tout d’un coup (« fichu pour fichu… »).
Rappelez-vous l’histoire de la restriction cognitive…
La nature est bien faite, votre corps est bien fait, et vos envies gustatives vont
vous conduire naturellement à varier vos nourritures. Si vous mangez de la
pizza à tous les repas, vous aurez rapidement envie de manger autre chose de
bien différent.
Quelques conseils
j Rappelez-vous que le Nutella ne fait pas plus grossir que les pommes (100 kcal
de Nutella ne font pas plus grossir que 100 kcal de pommes). C’est l’histoire
du kilo de plumes et du kilo de plomb. Si vous écoutez bien vos sensations
gustatives, vous vous rendrez compte que vous êtes vite rassasié dans votre
bouche en mangeant des cuillères de Nutella, alors qu’il faudra un beaucoup
plus grand nombre de bouchées de pomme avant d’être rassasié.
j Achetez des aliments qui vous font envie, explorez des nouvelles saveurs,
vous mangez certains aliments (vous ne pouvez pas vous arrêter), cela est
probablement dû au fait que vous vous êtes trop restreint sur ces aliments.
N’essayez pas de ne plus en acheter ; plus vous les éviterez, plus vous perdrez le
contrôle lorsque vous les mangerez de nouveau. La technique du placard vide
n’est pas une bonne stratégie. Au contraire, achetez-en beaucoup, faites des
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162 Traiter l’hyperphagie
stocks de ces aliments. Le fait de savoir qu’il y en aura toujours chez vous, vous
aidera à vous arrêter plus facilement.
j Vous pouvez aussi faire une expérience : mangez autant que vous voulez tous les
soirs, ou même à chaque repas, l’aliment sur lequel vous perdez le contrôle. Vous
constaterez très vite que, au bout de quelques repas, ce n’est plus de cet aliment
dont vous aurez envie et vous saturerez très vite en le mangeant. Vous n’aurez pas
envie de prolonger l’expérience bien longtemps. Cet aliment aura perdu son statut
d’aliment exceptionnel sur lequel vous aviez tendance à vous jeter.
Vous êtes en surpoids, votre corps cherche revenir à un poids inférieur et
va utiliser les réserves : actuellement, votre corps a des petits besoins
Si vous écoutez bien vos sensations alimentaires, vous allez vous apercevoir
qu’en réalité vous n’avez pas d’appétits importants et que vous êtes certaine-
ment rassasié au bout de quelques bouchées. Manger comme la plupart des
gens, c’est actuellement pour vous trop manger !
Ne vous fixez pas d’objectifs de perte de poids mais pesez-vous
régulièrement
Il est dangereux de vous fixer des objectifs de perte de poids. Cela risque de vous
angoisser, vous décevoir, ou vous conduire vers des restrictions. En revanche, ne
faites pas la politique de l’autruche ! Se peser une fois par semaine, sur la même
balance, permet d’avoir des repères. Si vous êtes en surpoids et que vous ne
perdez pas de poids, c’est que vous continuez à certains moments à surmanger.
Essayez alors de comprendre ce qui se passe exactement.
Encore quelques principes importants
j Manger normalement c’est parfois trop manger, ou ne pas assez man-
ger : l’équilibre alimentaire se fait à l’échelle de plusieurs jours. Si lors d’un repas
vous mangez trop, ce n’est pas grave, les repas suivants vous aurez moins faim.
Si vous sautez un repas, ce n’est pas grave, vous mangerez plus au repas sui-
vant. Si vous mangez des lasagnes trois jours de suite sans manger de légumes,
ce n’est pas grave ; les jours suivants vous n’aurez plus envie de lasagnes et vous
aurez probablement envie de manger des légumes. Manger « équilibré » c’est
manger avec une succession de déséquilibres qui se compensent.
j N’ayez pas peur de faire des choses « bizarres » : si lors d’un repas vous
avez juste envie de manger du dessert (même deux desserts !) n’hésitez pas,
mais allez droit au but, vous n’êtes pas obligé de manger autre chose avant.
« Gardez le meilleur pour la fin » : cette maxime avait pour objectif d’aider les
gens à plus manger lorsqu’ils risquaient d’être exposés plus tard à des pénuries
alimentaires. Aujourd’hui, vous cherchez à moins manger : alors commencez
directement par le meilleur ! N’hésitez pas à manger entre les repas si vous en
avez envie, mais à condition de vous poser, de ne rien faire en même temps, et
de prendre le temps de déguster. Si pendant quelque temps vous n’avez envie
de faire qu’un seul repas par jour, pourquoi pas si vous n’avez pas d’appétit le
reste du temps.
j Le sport ne sert pas à perdre du poids. C’est très bien de faire du sport, cela
maintient une bonne condition physique et fait du bien à la tête. Mais en aucun
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 163
cas le sport ne sert à contrôler son poids ou à perdre du poids. Si vous faites
plus de sport, vous mangerez un peu plus que si vous n’en faites pas, et cela ne
changera pas grand-chose. Si vous faites beaucoup de sport et que vous faites
en sorte de ne pas manger plus, cela s’appelle un régime ! La pratique de la
méditation ou du yoga fait souvent beaucoup plus perdre du poids que d’aller
« brûler des calories » dans les salles de sport !
j La prise de vos repas doit être douce et confortable. Installez-vous de
manière confortable lorsque vous allez manger, soyez à l’aise dans des vête-
ments confortables. Utilisez de la vaisselle que vous aimez bien. Entourez-vous
de douceur : mettez par exemple une lumière douce, un fond musical, une
température ambiante agréable. Prenez le temps de vivre ce moment avec
plaisir. À la fin de vos repas, vous devez vous sentir bien : ni frustré, ni doulou-
reusement trop rempli. Rappelez-vous la phrase de Pierre Dac : « Quand on
a trop mangé, l’estomac le regrette et quand on n’a pas assez mangé l’esto-
mac le regrette aussi. » Lorsque vous mangez, adoptez une position « ouverte
et redressée ». C’est la nourriture qui doit venir à votre bouche et pas votre
bouche vers la nourriture. Choisissez des aliments de qualité (avec de bonnes
qualités gustatives, qui ne sont pas toxiques). Les aliments « bio », provenant
de producteurs exigeants, les aliments préparés par des artisans compétents,
les plats des bons cuisiniers sont certainement meilleurs pour vous que des
aliments de mauvaise qualité. Vous êtes quelqu’un d’important, alors prenez
soin de vous !
j N’écoutez pas tout ce que l’on vous raconte : le discours diététique
(« mangez mieux et bougez plus ») est encore très présent chez beaucoup de
personnes, et vous allez recevoir de nombreux conseils. Ne les écoutez pas,
mangez en paix ! La seule personne que vous devez écouter, c’est vous.
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164 Traiter l’hyperphagie
personne qui fait l’exercice choisit d’arrêter. Elle est invitée à jeter ce qui
reste, ou bien à le remballer afin de repartir avec. Ces exercices sont suivis
de la consigne comportementale de les reproduire dans la vie quotidienne,
en insistant sur l’intérêt de manger exagérément lentement au départ, en
ne mélangeant pas trop les saveurs au début, afin de favoriser l’apprentis-
sage de la dégustation en pleine conscience. Parfois, on peut reproduire
ces exercices de dégustation en les faisant pratiquer les yeux bandés afin
d’exacerber la conscience gustative.
Il peut s’agir d’exercices d’exposition aux sensations de faim qui consis-
tent à travailler le fait d’attendre de ressentir clairement une sensation
d’appétit avant de répondre par une prise alimentaire. Par exemple, on
demande au patient de faire l’expérience au cours d’une journée de ne pas
manger tant qu’il ne ressent pas nettement un appétit fort avec une envie
gustative précise pour certains aliments. C’est une expérience intéressante à
plusieurs égards car elle permet de :
• ressentir plus clairement ce que sont l’appétit et le plaisir gustatif. En
effet, de nombreux sujets en surpoids (car ils surmangent toujours) ne res-
sentent pas de réelles envies gustatives ni de vrai plaisir gustatif car ils n’ont
jamais faim ;
• apprivoiser la faim, ne pas en avoir peur, être paisible avec ça ;
• faire l’expérience que le fait d’avoir le ventre vide (avec parfois le ven-
tre qui gargouille) ne signifie pas forcément que l’on a de l’appétit (une
envie gustative). Cela veut juste dire que l’estomac a fini de digérer et cela
n’appelle pas obligatoirement une prise alimentaire ;
• prendre conscience que lorsqu’il y a réellement appétit, il y a une appé-
tence spécifique pour certains aliments ; alors que dans l’hyperphagie, il y a
une pulsion qui conduit à manger n’importe quoi.
Un autre exercice comportemental peut consister à introduire ad libitum
un aliment classé dans la catégorie des « aliments interdits » afin d’expé-
rimenter le fait que l’on se sature naturellement d’un objet alimentaire à
partir du moment où l’on ne cherche plus à s’en priver. On demande au
patient de choisir un aliment dans la liste de ceux qu’il s’interdit généra-
lement d’acheter (et sur lequel il présente des compulsions). La consigne
consiste à acheter cet aliment en grande quantité et faire en sorte d’en
avoir toujours en réserve. Le patient est encouragé à manger de cet aliment
chaque fois qu’il en a envie, sans se limiter à l’avance sur une quantité, en
essayant simplement de se fier à ses sensations alimentaires pour détermi-
ner la quantité à consommer. Peu importe si le patient ne mange que cet
aliment les premiers jours (même en excès). L’objectif de l’exercice est de
faire sentir au sujet que s’il ne se restreint pas, s’il sait qu’il aura toujours
cet aliment à sa disposition, il se régule et se sature naturellement au bout
de quelques jours. Rapidement, il ne présentera plus de compulsions sur
cet aliment. En général, lorsque quelqu’un fait cette expérience sur un ou
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 165
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166 Traiter l’hyperphagie
Encadré 9.4
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 167
j tout ce qui a été énoncé sur le fait de manger de manière libre, intuitive
et en pleine conscience pendant la journée s’applique aux prises alimentaires
nocturnes. Cela veut dire, par exemple, que le sujet doit tenter de s’éveiller
le plus possible afin de se poser la question de ses réelles envies gustatives
et pour se placer dans des conditions permettant une dégustation en pleine
conscience, même si c’est au milieu de la nuit ;
j encourager le patient à mettre en place dans sa chambre un ensemble d’élé-
ments apaisants, facilement accessibles, qui vont être rassurants pour lui s’il se
réveille la nuit (et qu’il ne se dirige pas alors automatiquement vers de la nourri-
ture). Cela peut être par exemple une boisson chaude, des oreillers confortables,
des vêtements de nuit doux, des peluches. C’est ce que nous présenterons plus
loin sous le terme de « kit de réconfort ». Cela aidera le patient à se confronter
aux angoisses nocturnes habituellement évitées par les prises alimentaires ;
j travailler le fait que, en cas de prise alimentaire nocturne, le sujet doit atten-
dre le lendemain que des signaux d’appétit apparaissent pour remanger (par
exemple, pas de petit déjeuner obligatoire), sans pour autant verser dans une
position de restriction volontaire ;
j ne jamais prescrire d’hypnotiques aux patients présentant un tableau d’hyper-
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168 Traiter l’hyperphagie
perdre du poids que vers un psychanalyste. Sans que ce soit péjoratif, nous
considérons que la diététicienne, avec le travail comportemental alimen-
taire, est une « porte d’entrée » plus facilement choisie par les patients pour
pouvoir s’engager ensuite vers un travail de fond de thérapie intégrative.
Mais, en fonction du contexte où se met en place une approche pluridis-
ciplinaire, ce travail cognitivo-comportemental n’est pas obligatoirement
du ressort d’une diététicienne. Il peut être réalisé par exemple par une infir-
mière formée à ces approches. Dans des structures accueillant des publics
en situation de précarité, ou avec de grandes difficultés sociales, il est inté-
ressant de former à ces approches une conseillère en économie sociale et
familiale qui pourra aider des patients à trouver des solutions économiques
et organisationnelles permettant d’accéder à une variété alimentaire et à
une régulation alimentaire fondée sur le plaisir de manger.
Il nous semble important que ce travail sur les sensations alimentaires soit
mis en place de manière très régulière et très rapprochée au début. Au sein
de notre cabinet, nous avons mis en place une modalité de travail nouvelle.
Il s’agit de proposer, après quelques entretiens préalables de prise de contact
et d’information, un « coaching intensif » pendant 15 jours (un peu comme
un stage). Cela consiste à recevoir le patient à quatre reprises sur la durée
des 15 jours afin d’effectuer des exercices comportementaux spécifique-
ment adaptés à ses difficultés singulières. Par ailleurs, durant les 15 jours, le
patient tient un carnet d’auto-observation de son comportement alimen-
taire où l’on ne s’attache pas à la composition diététique des repas mais aux
sensations au moment des prises alimentaires (évaluation des sensations
d’appétit pour chaque aliment, évaluation du rassasiement pour chaque
aliment, éventuellement aux prises alimentaires excessives sans appétit
ou au-delà du rassasiement). Tous les soirs, le patient envoie son carnet
alimentaire à la diététicienne avec un débriefing le lendemain par mail ou
téléphone. Au-delà de la période intensive des 15 jours, le travail compor-
temental et d’auto-observation se poursuit (à un rythme plus espacé) en
continuant à utiliser un carnet alimentaire d’auto-observation différent qui
inventorie les difficultés, par exemple à l’échelle d’une semaine.
Nous considérons que le coaching intensif sur 15 jours revêt un intérêt
majeur pour différentes raisons.
• Les patients expriment souvent l’idée que ce qui aide dans les régimes,
c’est d’avoir un cadre. Ils disent que l’absence de cadre précis les déroute
dans les approches non restrictives. Les coachings intensifs sur 15 jours
offrent un cadre, sans le régime !
• Dans les sevrages des conduites addictives, il est important qu’il y ait une
prise en charge particulière à un moment défini, daté, qui signifie symbo-
liquement le début du sevrage. Dans le sevrage tabagique, cela peut être
la prescription d’un substitut nicotinique ou la mise en place de séances
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 169
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170 Traiter l’hyperphagie
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 171
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172 Traiter l’hyperphagie
Thérapies cognitivo-comportementales
Nous avons largement évoqué dans un ouvrage précédent l’intérêt des
approches thérapeutiques de type cognitivo-comportemental (TCC), en
complément d’un travail psychodynamique central, dans les prises en
charge intégratives des conduites anorexiques ou boulimiques (Carraz,
2010). Si l’on se réfère à l’idée d’une approche thérapeutique transdiagnos-
tique des troubles de l’alimentation, nous pouvons penser que ces outils
psychothérapiques vont revêtir le même intérêt dans la prise en charge des
conduites hyperphagiques.
Nous n’allons pas décrire dans le détail toutes les techniques cognitivo-
comportementales qui peuvent être utilisées chez les patients en surpoids
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 177
mais citer les principales qui peuvent être utilisées en TCC pour traiter ces
troubles.
• Un travail comportemental alimentaire. C’est ce que nous avons
détaillé précédemment avec l’apprentissage du fait de manger en pleine
conscience, en écoutant les signaux régulateurs internes et en se départis-
sant des règles diététiques restrictives. Ce travail comportemental portant
sur la manière de manger comporte aussi une dimension expérientielle
d’exposition au lâchage des conduites hyperphagiques. Lorsqu’un sujet
a suffisamment avancé sur la prise de conscience des angoisses qui sous-
tendent ses troubles, des consignes comportementales de réduction des
conduites hyperphagiques peuvent être posées. À titre d’exemple, de même
que l’on peut inciter des patients boulimiques à faire l’expérience de passer
un soir sans crise, on peut demander à un sujet obèse de passer une soirée
sans surmanger. Sur un principe d’exposition progressive, ces consignes de
lâchage des conduites peuvent être ensuite progressivement étendues.
• La restructuration cognitive. Le modèle conceptuel des TCC postule
que les émotions que nous ressentons sont le résultat de pensées automa-
tiques activées dans une situation. Ces pensées automatiques n’ont pas un
caractère rationnel, elles sont le résultat de « croyances » mises en place au
cours des années. La restructuration cognitive consiste à aller chercher des
preuves dans la réalité pour souligner le caractère irrationnel de ces pensées.
C’est la remise en question des pensées automatiques pour aboutir à des
pensées plus réalistes. Cela peut porter, par exemple, sur l’estime de soi :
« j’ai peu d’amies car tout le monde pense que je suis nulle et grosse » est
une pensée qui peut être discutée en faisant ressortir les distorsions cogni-
tives (tout ou rien, penser à la place des autres, absence de preuves…).
• Des techniques d’entraînement à l’affirmation de soi. Ce sont des
outils psychothérapiques dont l’objectif est de faire acquérir à l’individu des
comportements affirmés (pour faire valoir ses désirs, ses besoins, ses opinions)
dans diverses situations sociales, en apprenant parallèlement à réduire ses
comportements agressifs et passifs. L’entraînement se fait essentiellement
sous la forme de jeux de rôle comportementaux où, sous la direction du
thérapeute, le sujet apprend à modifier progressivement ses comportements
non verbaux et verbaux. Les principales situations travaillées concernent
des domaines aussi variés que refuser quelque chose à quelqu’un, faire
une demande, exprimer son mécontentement ou répondre à une critique.
L’entraînement se poursuit en dehors des séances thérapeutiques sous la
forme de « tâches » à effectuer en milieu réel. Il s’effectue le plus souvent
en groupe, mais il est possible d’appliquer ces techniques dans le cadre de la
prise en charge individuelle d’un patient. C’est un travail qui peut s’avérer
très intéressant chez des sujets en surpoids qui ont, au départ, une difficulté
à repérer et à légitimer leurs désirs et leurs besoins. Souvent, ils se dénaturent
depuis longtemps de peur de rompre les liens aux autres en s’affirmant.
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178 Traiter l’hyperphagie
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 179
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180 Traiter l’hyperphagie
soi » mais aussi le « vide d’objet » par l’ancrage aux sensations corporelles et
à la conscience des choses.
« La méditation m’a permis un transfert d’une base de réassurance
externe à quelque chose d’interne qui est toujours là : la respira-
tion. C’est un point de départ, un point d’ancrage. »
• C’est un travail sur l’acceptation émotionnelle qui a pour but de dimi-
nuer l’évitement expérientiel (évitement émotionnel). La méditation en
pleine conscience travaille la présence à ce que l’on ressent. C’est accueillir
ses émotions, sans en avoir peur, sans les juger, sans rien faire, aller à leur
rencontre dans une posture d’observation des sensations corporelles, en
les considérant juste comme des sensations physiques, et en faisant l’expé-
rience qu’elles ne sont ni destructrices ni interminables. Ainsi, c’est expéri-
menter que ce que l’on croit insupportable n’est souvent que de l’anticipa-
tion. C’est un travail sur la tolérance à la détresse.
« Cela m’a appris que lorsque je me sentais mal, il était urgent de
ne rien faire. »
« Cela m’apprend la patience, que les émotions passent et que les
choses sont surmontables. »
« Je fuyais mes émotions car j’avais l’impression qu’elles allaient
m’anéantir, que j’allais m’y perdre. Je m’aperçois maintenant que
je ne suis pas anéantie. J’ai la sérénité de les ressentir. Ce sont
aujourd’hui des émotions regardables. »
• C’est un travail d’exposition aux angoisses relatives au sentiment de
vide et de néant. C’est faire l’expérience de se poser et ne rien faire (ou ne
faire qu’une seule chose à la fois) et d’accueillir, sans lutter, les résurgences
d’angoisses archaïques de vide, d’abandon, de néant éternel. C’est un tra-
vail sur les angoisses de vide d’objet. La méditation devient un « espace
transitionnel », un espace de ressourcement qui permet d’être bien en étant
seul, entre l’agitation du monde et l’angoisse d’un vide absolu.
« Je découvre que le silence me fait du bien et qu’il peut être inté-
grant. Que le vide me fait du bien. »
• C’est une ouverture à l’expérience du moment présent. Les techniques
de pleine conscience peuvent être soit des techniques d’attention focali-
sée (par exemple sur la respiration, sur des bruits…), soit des techniques
d’attention ouverte (attention à 360° et vision claire) qui vont ouvrir le
sujet à l’expérience émotionnelle du moment présent. C’est un travail sur
le vide d’émotions.
• C’est une pratique qui permet de diminuer les processus ruminatifs. Une
des attitudes importantes dans la méditation en pleine conscience consiste
à observer ses pensées comme des processus mentaux, et seulement comme
des processus mentaux : « nos pensées ne sont que des pensées, nos pensées
ne sont pas des faits ».
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 181
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 183
présent et sur leurs sensations corporelles. Pour certains, le fossé est trop
grand entre leurs habitudes addictives de remplissage (par la nourriture, les
bruits, l’agitation tumultueuse) et la posture méditative (être seul(e) dans
le silence). La confrontation à l’expérience du vide et du « face à soi » peut
être trop anxiogène au début. Nous conseillons alors les aménagements
suivants :
• privilégier au départ les méditations guidées avec des enregistrements
audio, plutôt que de méditer dans le silence. Utiliser des méditations courtes ;
• pratiquer la pleine conscience au début dans des espaces de sécurité. Les
premières expériences de pleine conscience (que ce soit des méditations
formelles ou l’ouverture attentionnelle au moment présent dans la vie quo-
tidienne en ne faisant qu’une chose à la fois) peuvent être instaurées dans
des environnements sécurisants, enveloppants sur le plan multisensoriel.
Pour dire les choses de manière plus claire et imagée, nous pourrions dire
que l’on peut commencer à expérimenter la pleine conscience en étant
entouré de « doudous » ;
• dans un premier temps, en particulier lorsqu’il existe une conscience
corporelle floue ou des angoisses trop fortes, il peut être intéressant de tra-
vailler la pleine conscience dans des pratiques individuelles qui associent
les techniques méditatives et des approches corporelles de toucher ou de
massages.
« Pour la première fois, j’ai eu le sentiment d’avoir moins de
pensées, cela s’est calmé tout seul, sans effort. C’était lors d’un
massage par une esthéticienne. D’habitude, je me raccroche à ces
pensées qui vont vite pour ne pas sentir le vide ; la douceur a
ralenti mes pensées. »
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184 Traiter l’hyperphagie
Encadré 9.5
ressenti comme de la faim (mais qui n’en est pas) a certainement comme
fonction d’anesthésier des ressentis douloureux ou inconfortables. Ne faites
pas immédiatement quelque chose pour vous détourner de ce que vous
ressentez. Attendez un peu ! Acceptez de ressentir, même si ce n’est pas
agréable. Ce n’est pas dangereux pour vous, ce qui est dangereux, c’est de
s’anesthésier.
j Posez-vous les bonnes questions : la mauvaise question c’est « qu’est-ce
en pleine conscience ce que vous ressentez (votre émotion) sans jugement (ce
n’est ni bien, ni mal), sans chercher à contrôler. Acceptez ces ressentis même
s’ils ne sont pas agréables. Accueillez cette émotion pour ce qu’elle est : juste
une émotion, ni plus ni moins. Essayez de vous ouvrir de manière curieuse à
comment l’émotion se vit au niveau de votre corps. Vous allez ainsi pouvoir
expérimenter deux choses quant aux ressentis :
– ils ne sont pas invivables, ils ne sont pas intolérables, ils ne vous mettent
pas en danger. Vous avez des ressources, une force intérieure ;
– ils sont la plupart du temps de courte durée, cela se calme tout seul ! En
même temps, il est important de ne pas chercher tout de suite à ce que cela
se calme, à ne pas lutter contre. Plus on refuse une émotion, plus on la fait
exister.
j Regardez vos pensées simplement comme des pensées : les pensées qui
sont présentes lorsque vous ne vous sentez pas bien ne sont que des pensées,
ce ne sont pas des vérités. Apprenez à les regarder comme telles et à les remet-
tre en question. Il y a souvent plusieurs façons de voir une situation, ou de se
juger. C’est l’histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide…
j Si vos ressentis sont trop douloureux ou qu’ils durent trop longtemps, la
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 185
vous sécuriser. C’est comme une grosse boîte de doudous. Il est nécessaire d’en
avoir un certain nombre à votre disposition pour pouvoir les choisir en fonction
de vos besoins, des moments, des saisons, pour parfois les combiner ensemble.
Voici quelques exemples de « doudous » que vous pouvez utiliser :
– de vrais doudous en peluche, de gros oreillers ;
– des vêtements très doux, ou des couvertures dans lesquelles vous pouvez
vous enrouler ;
– une bouillotte ;
– des douches bien chaudes, ou des bains ;
– des crèmes qui sentent bon, agréables à passer sur le corps ;
– des automassages ;
– une lumière douce, des bougies qui sentent bon ;
– se poser au soleil et regarder la nature ;
– des musiques douces qui vous apaisent ;
– des boissons chaudes, apaisantes, des boissons de l’enfance (par exemple
des chocolats chauds) ;
– de la nourriture très agréable, mais mangée lentement, en pleine
conscience.
À vous d’inventer vos autres « doudous » !
Ne vous culpabilisez pas si vous utilisez des solutions très « régressives » qui
renvoient à la petite enfance. C’est de toute manière moins « régressif » que de
se jeter sur la nourriture, de s’anesthésier par comblement alimentaire.
j Si vos ressentis sont trop douloureux ou qu’ils durent trop longtemps,
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186 Traiter l’hyperphagie
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 187
« Être touché, ça fait grandir », cela veut dire qu’être touché défusionne,
cela permet l’édification de limites psychocorporelles.
• Certaines approches visent une réduction du clivage corps-esprit, un ren-
forcement de la perception corporelle, une conscience corporelle plus forte
dans le bien-être et le plaisir.
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188 Traiter l’hyperphagie
Dans une spirale négative, le sujet obèse se coupe d’autant plus de son corps
que celui-ci est source de souffrances et de désagréments. Ces approches
visent une incarnation en pleine conscience, permettant de passer d’un
corps subi à un corps source de ressentis, de bien-être et de plaisir. Dans ces
approches, il n’y a pas de notion de performance, pas d’objectifs à atteindre
(en particulier en termes de dépense énergétique, de modelage du corps, ou
directement de perte de poids). Ce qui est important, ce sont les ressentis.
Parmi ces approches citons certaines techniques de kinésithérapie, l’activité
physique adaptée, la danse-thérapie, la psychomotricité, le yoga, le tai-chi-
chuan et le qi gong. Afin de perdre du poids de manière durable, il est
bien plus utile de pratiquer le yoga ou le qi gong, par exemple, que d’aller
« brûler des calories » dans des salles de sport !
• Un travail corporel peut avoir aussi comme objectif d’être renarcissisant.
C’est un travail de revalorisation corporelle. Ceci est particulièrement
important chez les sujets en surpoids qui ont la plupart du temps une repré-
sentation extrêmement négative de leur corps, ce corps objet de critiques
depuis fort longtemps et aujourd’hui souvent totalement négligé. Le travail
de revalorisation corporelle peut porter sur des soins esthétiques ou sur des
conseils relatifs aux tenues vestimentaires. C’est ce que les esthéticiennes
appellent « la mise en beauté ». L’activité physique adaptée peut être éga-
lement renarcissisante dans la mesure où elle permet de retrouver progres-
sivement, dans le plaisir, une autonomie plus grande et ouvrir corporelle-
ment de nouveaux possibles.
• Un travail corporel peut aussi favoriser le jeu du corps comme média-
teur d’expression. C’est entre autres ce que visent les thérapies expressives
comme l’art-thérapie, la danse-thérapie. Un travail à médiation corporelle
est un lieu d’expériences et de sensations qui pourront, avec l’aide des
thérapeutes, s’élaborer et s’organiser dans un système symbolique. C’est
un travail qui donne forme aux éprouvés corporels (et qui permet ainsi de
réduire la dimension alexithymique). Grâce au travail corporel, ces théra-
pies permettent à certains sujets d’accéder à l’indicible et l’inouï.
Choisir telle approche corporelle plutôt qu’une autre peut être lié à dif-
férents critères. Cela peut se faire en fonction de la spécificité d’une tech-
nique et de l’intérêt qu’elle représente compte tenu de la problématique
du patient. La mise en place d’une démarche de soins corporels peut être
aussi guidée par des critères pratiques. Il faut que la rencontre soit concrète-
ment possible entre un thérapeute compétent et le patient. Ces approches
corporelles comportent des risques si elles ne sont pas bien menées. En
particulier, chaque fois qu’un soin corporel engage un contact physique
entre le thérapeute et le patient, il faut bien être conscient qu’un contact
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 189
Modalités psychothérapiques
Organisation psychothérapique intégrative
Il nous paraît essentiel de souligner de nouveau la position centrale que doit
occuper le travail psychodynamique de parole, de compréhension, de mise
en sens. Cette dimension élaborative sur les souffrances passées et présentes
doit être le point de départ de toute la démarche psychothérapique. À partir
de ce travail, à certains moments de la thérapie, lorsque certains besoins se
feront sentir, pourront être proposées certaines approches thérapeutiques
complémentaires qui prendront alors du sens pour le sujet. Cela pourra
être par exemple un travail cognitivo-comportemental portant sur certains
objectifs, un travail de méditation en pleine conscience, une approche psy-
chocorporelle, ou des ateliers d’art-thérapie. Plusieurs écueils sont à éviter :
• la multiplication des démarches psychothérapiques, sous-tendue par la
fausse croyance que plus il y a de démarches, plus il y a d’efficacité. Ce
saupoudrage de thérapies peut être le fait d’un hyperactivisme peu réfléchi
de certains thérapeutes, ou bien d’une boulimie thérapeutique venant de
patients cherchant de manière consumériste des solutions et des recettes
rapides et hyperefficientes ;
• la prescription purement symptomatique de techniques psychothéra-
piques visant à proposer tel outil devant telle difficulté, dans une tentative
de résolution ou de colmatage immédiat, en voulant faire l’économie d’un
travail de réflexion en profondeur sur la question du sens.
L’utilisation de techniques psychothérapiques venant en complément
d’un travail psychodynamique est également fonction de l’offre de soin.
Que ce soit dans le cadre d’une hospitalisation ou en ambulatoire, il est
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190 Traiter l’hyperphagie
évident que les propositions pouvant être faites aux patients dépendent des
ressources thérapeutiques disponibles. C’est pourquoi, lorsque des théra-
peutes souhaitent prendre en charge des patients en surpoids, il est impor-
tant qu’ils essayent de se construire un réseau relationnel avec d’autres thé-
rapeutes proposant des approches complémentaires pour pouvoir organiser
un travail de co-thérapie. Nous avons vu que les approches complémen-
taires sont nombreuses et variées ; il n’y a pas de règles, de protocoles inté-
gratifs mieux que d’autres. Tout ceci est avant tout une question d’opportu-
nités, d’envie de travailler ensemble, de communication, de créativité. Il est
important d’oser des choses nouvelles, des approches différentes.
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 191
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192 Traiter l’hyperphagie
Approche dialectique
La dialectique est l’art de parler, de dialoguer en dépassant les contradictions
existantes entre simples opinions. Cela décrit en philosophie une méthode
de pensée qui procède par oppositions et dépassements de ces oppositions.
C’est le principe de la synthèse entre thèse et antithèse.
M. Linehan, psychologue américaine, est à l’origine (2002) de la thérapie
comportementale dialectique (TCD). Cette approche thérapeutique s’adres-
sait, au départ, à des patients suicidaires présentant des troubles de la per-
sonnalité de type état-limite. Nous avons développé dans un précédent tra-
vail l’intérêt d’aborder les troubles des conduites alimentaires en se référant
à l’approche de M. Linehan (Carraz, 2009).
Aborder les problématiques alimentaires sous un angle dialectique, c’est
développer des stratégies de changement mais aussi des stratégies d’accep-
tation. Cela consiste à essayer de changer ce que l’on peut changer et à
accepter ce que l’on ne peut pas changer. Cela revient à adopter cette phrase
bien connue aujourd’hui et à laquelle se réfèrent notamment les Alcoo-
liques anonymes : « Mon dieu, donnez-moi la sérénité d’accepter ce que
je ne peux changer, le courage de changer les choses que je peux changer,
et la sagesse d’en connaître la différence ». Le terme d’acceptation vient
du latin « acceptio » qui veut dire recevoir avec égard, accueillir. Accepter,
c’est reconnaître que les choses sont comme elles sont, et non comme l’on
voudrait qu’elles soient. Accepter c’est consentir, ce n’est pas se résigner ;
accepter c’est lâcher prise dans le moment présent avec la possibilité d’agir
ensuite.
Dans l’abord d’une problématique d’hyperphagie-obésité, on peut retrou-
ver cette dialectique entre changement et acceptation à différents niveaux.
Un des premiers exemples que l’on peut prendre est celui du changement
pondéral. Un travail thérapeutique a souvent comme objectif une perte de
poids, cela c’est la stratégie de changement, mais de manière réaliste cette
perte de poids ne pourra être aussi importante ou aussi rapide que ce qui
peut être attendu initialement, et là se pose quelque chose de l’ordre de
l’acceptation. Il en va de même lorsque l’on cherche à travailler sur l’estime
de soi. Être dans l’acceptation, c’est s’accueillir imparfait, c’est se regarder
avec autobienveillance et autocompassion, mais cela n’exclut pas l’idée
d’une quête de progrès et d’évolution personnelle. Une approche dialec-
tique des émotions vise à accueillir les émotions, les tolérer, expérimenter,
même si par ailleurs il peut y avoir un objectif de réduire par un travail
thérapeutique le mal-être émotionnel.
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 193
Traitements pharmacologiques
Prises de poids iatrogènes
En ce qui concerne la prescription de médicaments, le premier principe à
respecter est encore une fois de ne pas nuire : « primum non nocere ». Il faut
essayer, dans la mesure du possible, de ne pas prescrire de traitements médi-
camenteux susceptibles de générer une prise de poids. Plusieurs classes médi-
camenteuses ont pour effet secondaire possible de faire prendre du poids.
Si l’on garde présent à l’esprit combien cet effet secondaire peut avoir des
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194 Traiter l’hyperphagie
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 195
Arrêts de travail
Au-delà des arrêts de travail motivés par des pathologies somatiques en lien
avec l’obésité, un arrêt de travail peut avoir une vertu thérapeutique impor-
tante sur les conduites hyperphagiques.
Il existe des situations où le trouble alimentaire est directement en rapport
avec une souffrance au travail, et l’arrêt de travail peut alors être nécessaire
pour soustraire le sujet de la situation pathogène. Mais, même en dehors
de ces situations particulières, les arrêts de travail peuvent être des leviers
thérapeutiques puissants. L’arrêt de travail est une prescription de « temps
pour soi ». L’arrêt de travail est une prescription de temps pour réfléchir,
pour ressentir. Rappelons que de nombreux sujets hyperphages présentent
une hyperactivité fébrile (notamment dans le domaine professionnel) qui a
pour fonction d’éviter de penser ou d’éviter de ressentir certaines angoisses.
L’arrêt de travail est une incitation à une temporalité plus lente, confron-
tant le sujet à lui-même. Il va donner la possibilité au patient de mettre en
place plus facilement des activités plaisantes, mais aussi d’expérimenter de
ne rien faire. En effet, ne plus travailler, avoir plus de temps, c’est s’exposer
au « risque » de s’ennuyer. Or, dans cette clinique du vide qu’est l’hyper-
phagie, l’ennui est souvent évité, ou bien est déclencheur de conduites de
remplissage alimentaire. S’exposer à s’ennuyer du fait de ne plus travailler,
c’est faire l’expérience de ressentis émotionnels en réalité aujourd’hui tolé-
rables. Lorsque les angoisses restent trop importantes dans ces moments
moins remplis, cela permet de travailler avec le patient à la mise en place
de stratégies transitionnelles douces et rassurantes. En libérant du temps,
l’arrêt maladie permet aussi une meilleure disponibilité et une meilleure
observance vis-à-vis des différentes démarches de soins.
L’expérience clinique nous a montré, à de nombreuses reprises, l’effi-
cacité thérapeutique d’arrêts de travail longs de plusieurs mois. Dans des
situations jusqu’alors bloquées, où une prise en charge thérapeutique
importante s’avérait inefficace, l’arrêt de travail a permis que s’amorcent
des changements comportementaux et une perte de poids.
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196 Traiter l’hyperphagie
Hospitalisation
Dans des situations difficiles, l’hospitalisation peut certainement constituer
une aide thérapeutique efficace. Malheureusement, l’hospitalisation que
l’on peut prôner dans ces cas-là est une hospitalisation qui n’existe pas (ou
du moins très rarement). L’offre de soins hospitalière actuelle en matière
d’obésité est quasiment inexistante ou inadaptée. Nous ne parlons pas,
bien évidement, des structures d’hospitalisation visant à traiter les consé-
quences médicales graves de l’obésité ; celles-ci existent et sont de qua-
lité. Ce qui n’existe pas (ou du moins très rarement) ce sont les structures
d’hospitalisation qui traitent les troubles graves des conduites alimentaires
conduisant aux situations d’obésité, en utilisant des moyens thérapeutiques
conformes aux connaissances actuelles en la matière. Pour un patient obèse,
enfermé dans des troubles hyperphagiques graves et résistant aux prises en
charge ambulatoires adaptées, il y a actuellement deux types d’alternatives
hospitalières :
• l’hospitalisation en psychiatrie générale. La prise en charge y est généra-
lement exempte de protocoles de soins adaptés. Dans l’anorexie mentale,
il est aujourd’hui clairement démontré que les hospitalisations dans des
services de psychiatrie non spécialisés dans le suivi des TCA sont la plupart
du temps délétères. Nous pensons qu’il en est de même pour l’hyperphagie.
Les durées de séjour en service de psychiatrie générale sont souvent trop
courtes, les approches alimentaires trop restrictives, et l’approche thérapeu-
tique se résume souvent à la gestion médicamenteuse des comorbidités psy-
chiatriques ;
• les structures spécialisées dans la prise en charge des patients obèses. Dans
la majorité de ces structures actuelles, même si elles s’en défendent, la prise
en charge est en réalité fondée sur un cadre alimentaire restrictif. Ce sont
des « cures d’amaigrissement » avec un régime hypocalorique auquel sont
adjointes différentes prises en charge (activité physique, soins thermaux,
éducation diététique…) dont la dimension psychothérapique est générale-
ment assez absente.
Aujourd’hui, si l’on se fonde sur les connaissances actuelles concernant
les troubles addictifs hyperphagiques, nous pouvons tout à fait imaginer
des protocoles d’hospitalisations spécifiques qui répondent à un certain
nombre de critères.
• Comme nous l’avons largement développé à propos des soins ambula-
toires, l’approche alimentaire ne doit pas être de type diététique et restric-
tif. Tout le travail proposé en ambulatoire peut être développé de la même
manière dans un cadre hospitalier, avec des ateliers d’information sur les
sensations alimentaires, des ateliers de travail comportementaux sur le fait
de manger en pleine conscience, des ateliers dégustation, des ateliers de
cuisine… La prise des repas ne doit pas être cadrée et limitée sous forme de
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 197
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198 Traiter l’hyperphagie
Chirurgie bariatrique
Le terme de chirurgie bariatrique englobe l’ensemble des techniques chi-
rurgicales visant à diminuer les apports alimentaires, ou l’absorption des
aliments, dans le but d’obtenir une perte de poids. À l’heure actuelle, les
trois principales techniques utilisées sont : l’anneau gastrique réglable, la
sleeve gastrectomie ou le bypass. En 2013, 42 815 interventions de chirurgie
bariatrique ont été pratiquées en France (selon la Caisse nationale de l’assu-
rance maladie), ce chiffre a triplé en sept ans. La question qui se pose est de
savoir s’il s’agit d’un progrès thérapeutique ou bien d’une dérive liée à des
protocoles mal établis.
Des études montrent une efficacité certaine de la chirurgie bariatrique au
niveau de la réduction pondérale, au niveau des complications de l’obésité
morbide et concernant la qualité de vie (Sugerman et al., 1992 ; Torquati
et al., 2007). Mais d’autres études et l’expérience clinique montrent que
les conséquences de ces interventions sont parfois extrêmement négatives
avec, dans certains cas, une inefficacité à long terme et des complications
parfois très graves :
• complications mécaniques avec des accidents chirurgicaux (par exemple
anneaux gastriques qui migrent ou perforent des organes) ;
• « dumping syndrome » (présence de nausées, flush, asthénie, ballonne-
ments et diarrhées, déclenchés par l’ingestion d’aliments sucrés), surtout en
cas de bypass ;
• vomissements itératifs, parfois pluriquotidiens (avec des anneaux gas-
triques ou après sleeve) ;
• dénutrition trop importante avec des pertes de poids trop rapides (parfois
perte de 50 à 100 kg en moins d’un an) ;
• décompensations dépressives ou anxieuses graves (allant parfois jusqu’au
suicide) après la levée brutale du symptôme défensif hyperphagique et la
suite d’une perte de poids trop rapide ;
• déplacement vers d’autres conduites addictives ;
• reprise de poids.
Au vu d’une possible inefficacité à long terme et d’éventuelles compli-
cations graves (d’autant plus préoccupantes que la plupart des techniques
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 199
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200 Traiter l’hyperphagie
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 201
Encadré 9.6
générale.
j Capacités psychiques permettant de faire face aux contraintes inhérentes aux
* Pour les sujets plus jeunes, on devrait élargir à trois ans le temps nécessaire pour considérer
qu’une psychothérapie bien menée s’est avérée inefficace, et il conviendrait d’ajouter la néces-
sité d’une hospitalisation suffisamment longue dans un établissement adapté proposant des
approches pluridisciplinaires non restrictives.
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202 Traiter l’hyperphagie
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Thérapie pluridisciplinaire intégrative 203
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204 Traiter l’hyperphagie
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10 Le changement
La plupart du temps, le changement attendu par le sujet en surpoids qui
demande une aide thérapeutique est un changement symptomatique de
perte de poids. À ce propos, il y a des réalités incontournables qu’il convient
d’admettre et d’expliquer au moment où s’exprime la demande du patient.
Il s’agit d’une triple réalité : le changement demande beaucoup de temps,
il demande des efforts, et il se heurte à des résistances inconscientes.
Toute proposition thérapeutique qui ignore cette triple réalité est frau-
duleuse. Regardons ce qui se passe pour l’anorexie mentale. Lorsque l’on
prend en charge une jeune patiente anorexique, nous prenons le temps de
lui expliquer, ainsi qu’à sa famille, que le processus thérapeutique prend
beaucoup de temps, qu’il y aura des efforts à faire et qu’il se heurtera à des
résistances inconscientes. Pour l’anorexie, personne aujourd’hui n’oserait
promettre des solutions thérapeutiques rapides qui feraient reprendre du
poids en quelques semaines ou en quelques séances. Alors, pourquoi en
serait-il autrement pour des sujets hyperphages qui consultent souvent
après plusieurs dizaines d’années de troubles des conduites et avec des obé-
sités souvent déjà multicompliquées ? C’est ce que feignent d’ignorer les
régimes miraculeux, les propositions de médications pour maigrir ou les
thérapies brèves de l’obésité.
durée de soins allant d’un à dix ans. Nous pensons qu’il en est de même
pour l’hyperphagie et le surpoids qui en découle.
Cette réalité d’une temporalité thérapeutique longue doit être expliquée
et rappelée aux patients. C’est une des grandes difficultés de ces prises en
charge avec un fort taux d’abandon par des patients qui restent attirés par
le « chant des sirènes » des thérapies symptomatiques brèves.
L’effort juste
S’engager dans une démarche de soins avec comme objectif de réduire un
surpoids demande des efforts. Nous parlons d’« effort juste » pour souli-
gner le fait qu’il ne faut pas se tromper d’effort. Il ne s’agit pas d’effort de
volonté qui est généralement demandé aux personnes en surpoids : avoir la
volonté de manger moins et de bouger plus. Il ne s’agit pas non plus d’effort
de privation prôné par les régimes. En effet, nous savons aujourd’hui que
ces efforts ne tiendront pas dans la durée et qu’ils sont source d’échecs, de
dévalorisations et de frustrations.
L’« effort juste » est un effort en matière de changement et aussi en
matière d’acceptation. C’est tout d’abord l’effort de s’engager dans un tra-
vail thérapeutique long, parfois coûteux, qui va nécessiter un travail psy-
chique en profondeur. Quelles que soient les raisons qui peuvent conduire
quelqu’un vers une démarche psychothérapique, on sait bien qu’il s’agit
d’un travail sur soi nécessitant un engagement important et des efforts.
« Le silence est entretenu par l’acte de manger. Ne pas penser et engloutir
la nourriture vont ensemble ; élaborer et parler, c’est en soi déstabilisant »
(Grangeard, 2012).
Outre les difficultés d’une démarche introspective, l’« effort juste » porte
sur des changements comportementaux. Même lorsque l’on a compris ce
qui peut sous-tendre une conduite addictive, le fait de la lâcher nécessite
inévitablement un effort. C’est un effort d’attention (être en conscience),
un effort expérimental (qu’est-ce qui se passe si je n’ai pas recours à l’addic-
tion ?), un effort de confrontation à quelque chose d’un manque (je me
sens vide sans l’objet addictif). Toutes les personnes qui ont essayé d’arrê-
ter de fumer, ou de trop boire, ou de se sevrer d’une drogue, ont mesuré
l’ampleur de la difficulté et l’ampleur de l’effort que cela demande. Il est
important de bien souligner cet aspect-là aux sujets en surpoids qui sont
dans une demande de changement. Certaines personnes en surpoids sont
dans une attitude de passivité, attendant des solutions extérieures, sans
comprendre qu’elles vont devoir nécessairement s’engager dans un effort.
Cet effort, c’est un effort de changement ; à un moment, il y a un choix à
faire de ce côté-là.
« Ce qui est difficile, ce n’est pas de ne pas le faire (trop manger),
c’est de choisir de ne pas le faire. »
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Le changement 207
L’« effort juste », c’est aussi un effort d’acceptation. Nous avons vu pré-
cédemment que lorsque l’on s’engage dans une démarche thérapeutique
visant à réduire de manière durable un excédent pondéral, il est nécessaire
d’accepter que cette démarche soit longue. Il y a aussi la nécessité d’accepter
qu’elle puisse être incomplète au regard des objectifs idéaux que l’on peut se
fixer au départ. Même dans l’hypothèse d’une résolution durable du trouble
des conduites alimentaires, l’importance de la perte de poids ne peut être ni
prédite ni choisie. Une situation d’obésité n’est pas obligatoirement réver-
sible en totalité. Un surpoids ancien, des fluctuations pondérales (yo-yo)
modifient souvent à la hausse le poids d’équilibre. On ne peut décréter à
l’avance quelle sera la perte de poids, et le « corps réel » du sujet qui a lâché
ses conduites hyperphagiques sera parfois différent du corps de rêve idéa-
lisé. Il y a là quelque chose d’essentiel à travailler et à accepter, faute de quoi
une bascule restrictive risque de mettre en péril la régulation alimentaire
physiologique retrouvée.
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208 Traiter l’hyperphagie
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11 Conclusion
Nous avons tenté d’apporter, grâce à notre expérience clinique et à l’apport
de chercheurs dans des domaines très différents, un éclairage à la question
de l’obésité. Il nous est apparu fondamental de montrer que les conduites
alimentaires, qui conduisent à la plupart des situations de surpoids, appar-
tiennent à l’ensemble des troubles des conduites alimentaires et, par là,
aux addictions en général. Nous avons montré comment ces conduites se
situaient à la confluence de facteurs biologiques, sociétaux, psychodyna-
miques, et qu’elles étaient aggravées par les restrictions de type diététique
avec ce concept fondamental qu’est la restriction cognitive. Ces éclairages
pluridisciplinaires conduisent immanquablement à une pluridisciplinarité
dans les soins, et nous avons essayé de montrer ce que pouvait être une
approche thérapeutique intégrative.
Il reste cependant beaucoup de choses à comprendre concernant l’obé-
sité, et de nombreux axes de recherche sont ouverts, que ce soit pour mieux
comprendre l’installation et le maintien de ces situations de surcharge pon-
dérale, ou pour développer de nouvelles stratégies thérapeutiques et amé-
liorer celles dont nous disposons actuellement. Même si nous avons encore
beaucoup à comprendre et de nombreux progrès à faire dans les prises en
charge thérapeutiques, nous sommes aussi à un moment où nous disposons
de suffisamment de connaissances et de compréhension pour commencer à
réorganiser différemment les soins des patients en surpoids et à ordonnan-
cer autrement les stratégies de prévention.
Les politiques de santé publique doivent découler des connaissances
scientifiques établies à un moment donné concernant une pathologie. Or,
il existe aujourd’hui assez de certitudes, de faits cliniques incontestables, de
consensus entre les spécialistes des questions d’obésité pour pouvoir fixer
des axes clairs au niveau des prises en charge thérapeutiques ou au niveau
de la prévention, ces axes étant sensiblement différents de ceux qui sont la
plupart du temps adoptés aujourd’hui. Il est un principe économique évi-
dent en matière de santé publique qui veut qu’il soit préférable de dépenser
de l’argent pour ce qui est efficace en termes de soins et de prévention,
plutôt que de dépenser de l’argent pour ce qui ne fonctionne pas. Ce qui ne
fonctionne pas, ce sont les régimes, les politiques diététiques puritaines de
prévention fondées sur des messages restrictifs du type « mangez moins et
bougez plus » ou « ne mangez pas trop gras ni sucré », les thérapies charlata-
nesques visant à obtenir une perte de poids rapide. Ce qui fonctionne, ce
sont les approches non restrictives et pluridisciplinaires que nous avons
essayé de présenter dans ce travail.
Encadré 11.1
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Conclusion 211
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