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POST’U ( 2015 )

Colite ischémique
;;Guillaume Savoye, Alice Gangloff
(u)  Service d’Hépatogastroentérologie, Hôpital C Nicolle, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex
E-mail : guillaume.savoye@chu-rouen.fr

La colite ischémique est la pathologie tante entre le sigmoïde et le haut rec-


vasculaire du tube digestif la plus fré- tum et ce point faible est appelé point
quente [1]. Son incidence est en aug- de Südek. En cas de défaillance vascu-
mentation et elle est responsable d’une laire, l’atteinte colique est étroitement
morbimortalité non négligeable, en corrélée à la fonctionnalité des réseaux
particulier chez les sujets âgés. Sa pré- de suppléance. En cas de défaillance de
sentation clinique a évolué ses der- l’AMI, le côlon descendant est épargné
nières années. En effet, si le tableau si l’arcade de Riolan est fonctionnelle
typique associant douleurs abdomi- alors que le sigmoïde est plus sensible
nales, diarrhée et rectorragies reste car la suppléance vasculaire issue des
fréquent, le diagnostic est désormais artères iliaques internes est incons-
très souvent évoqué devant des symp- tante [2].
tômes moins typiques mais associés à
une sémiologie tomodensitométrique
évocatrice. Cette pathologie représente Physiologie de la circulation
pour les cliniciens un challenge dia- splanchnique
gnostique dans ses formes transitoires
et un challenge thérapeutique dans sa
Le territoire splanchnique reçoit envi-
Objectifs pédagogiques forme gangréneuse.
ron un quart du débit cardiaque (35 %
en période postprandiale) avec 30 % de
–– Connaître les circonstances de sur- sang artériel et 70 % de sang veineux.
venue Physiopathologie de la colite La muqueuse digestive reçoit la majo-
–– Savoir différencier les formes embo- ischémique rité du flux sanguin (70 % contre 30 %
liques des formes thrombotiques pour la musculeuse et la séreuse). Le
–– Savoir reconnaître les formes sévères débit sanguin au niveau du tronc
Rappel anatomique cœliaque (700 ml/min) est égal au
–– Prise en charge thérapeutique
débit de l’AMS et au double de celui de
Le cadre rectocolique a une vasculari-
l’AMI et dépend principalement du
sation assurée par l’artère mésenté-
débit cardiaque et du calibre artériel.
rique supérieure (AMS) pour le côlon
Au niveau des artérioles et des sphinc-
ascendant et les deux tiers droits du
ters précapillaires, la régulation du flux
côlon transverse et par l’artère mésen-
sanguin splanchnique met en jeu des
térique inférieure (AMI) pour le tiers
facteurs hormonaux (catécholamines,
gauche du côlon transverse, le côlon
sérotonine, angiotensine, vasopres-
descendant et le haut rectum. Les deux
sine) et nerveux (système nerveux
tiers inférieurs du rectum sont vascu-
sympathique et parasympathique). En
larisés par l’artère rectale moyenne,
cas de chute du débit cardiaque, ce
branche de l’artère iliaque interne et
­système de régulation provoque une
l’anus et la marge anale sont vascula-
redistribution du sang au profit des
risés par l’artère rectale inférieure,
organes « nobles » (cœur et cerveau).
branche de l’artère honteuse interne.
De même, pendant l’activité physique,
ET COLOPROCTOLOGIE
GASTROENTÉROLOGIE

L’AMS donne deux branches : l’artère


le débit sanguin colique diminue au
iléo-colique et l’artère colique supé-
profit des muscles, ce qui peut favoriser
rieure droite et l’AMI fournit l’artère
la survenue d’une ischémie colique.
colique gauche supérieure et le tronc
des artères sigmoïdiennes. Ces artères
sont reliées par des arcades bordantes.
Mécanismes de formation
Ces arcades font du côlon un organe
peu sensible à l’ischémie. Toutefois, il des lésions coliques
existe deux points faibles à cette vas-
cularisation. L’arcade de Riolan est par- Les deux principaux mécanismes
fois grêle, voire absente au niveau de lésionnels impliqués dans les colites
l’angle gauche : il s’agit du point de ischémiques sont l’hypoxie et l’isché-
Griffiths. L’arcade bordante est incons- mie-reperfusion.

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L’hypoxie tissulaire du côlon colectomie permet de distinguer sché- Colite ischémique chronique
occlusive ou non occlusive matiquement les colites ischémiques
aiguës gangréneuses ou non gangré- L’ischémie provoque des ulcérations
Les colites ischémiques sont souvent neuses et les colites ischémiques chro- aiguës de la muqueuse dont l’évolution
multifactorielles, sans atteinte aiguë niques cicatricielles. spontanée se fait vers la constitution
des gros vaisseaux, la colite ischémique de bandes fibreuses disséquant la mus-
est dite non occlusive. Plus rarement, culeuse. À ces lésions s’associent sou-
Colites ischémiques aiguës
la colite ischémique est la conséquence vent des lésions vasculaires (endartérite,
d’une embolie ou d’une thrombose, elle thromboses veineuses et artérielles),
est alors dite occlusive. L’augmentation Colite ischémique aiguë un infiltrat inflammatoire sous-
de la tension pariétale peut aussi non gangréneuse muqueux et la présence de macro-
contribuer à l’ischémie colique quand phages chargés d’hémosidérine. Les
Ces formes de CI sont le plus souvent
elle dépasse la pression capillaire. Le sténoses constituent une complication
segmentaires et transitoires. Les
côlon peut s’adapter en augmentant classique de l’ischémie colique chro-
lésions les plus fréquemment retrou-
l’extraction en oxygène jusqu’à un seuil nique. Il s’agit dans ce cas de sténoses
vées sont les érosions épithéliales,
critique au-dessus duquel ses capacités fibreuses courtes (10 à 15 cm), régu-
l’œdème du chorion, les altérations de
sont dépassées. À l’état basal, 20 % seu- lières, bien que parfois ulcérées, et
la microcirculation (hémorragies de la
lement des capillaires sont ouverts et concentriques.
lamina propria et thromboses fibri-
l’ouverture des sphincters précapil-
neuses) et l’atrophie glandulaire. Parmi
laires permet d’améliorer la tolérance
ces lésions, la plus spécifique semble
à l’ischémie. Une occlusion d’un vais- Épidémiologie
être l’atrophie glandulaire en aire,
seau mésentérique va entraîner l’ou-
caractérisée par une diminution de
verture de ces réseaux de suppléance.
hauteur et de diamètre des cryptes La colite ischémique est caractérisée
Cette adaptation permet au côlon de
glandulaires de Lieberkühn avec un par une grande hétérogénéité clinique
tolérer une baisse de 75 % du débit de
épithélium atrophique ayant perdu allant de la forme transitoire pauci-
l’AMS pendant 12 heures. Au-delà les
toute mucosécrétion [4]. symptomatique à la forme gangréneuse
lésions s’installent. La muqueuse et la
sous-muqueuse sont les premières tou- pouvant engager le pronostic vital. Si
chées, ce qui entraîne une augmenta- Colite ischémique aiguë gangréneuse les formes gangréneuses constituent
tion de la perméabilité et des phéno- une urgence chirurgicale, les formes
mènes de translocation bactérienne et Le méso est macroscopiquement nor- frustes à la symptomatologie peu spé-
d’endotoxinémie qui peuvent induire mal en l’absence de péritonite ou de cifique ne donnent pas systématique-
une aéromésentérie ou une aéroportie. perforation. L’aspect de la face séreuse ment lieu à une hospitalisation et
Les cellules de la musculeuse sont, elles, du côlon varie en fonction du méca- entraîne donc surement une sous-esti-
plus résistantes à l’anoxie. Mais en cas nisme impliqué : il est rougeâtre, voire mation de la fréquence de cette patho-
d’ischémie sévère, elles peuvent perdre noirâtre en cas de colite ischémique logie. L’épidémiologie de la colite
leurs propriétés contractiles. gangréneuse obstructive, mais reste ­ischémique repose en grande partie
souvent proche de la normale (en dehors sur l’étude des cas hospitalisés est de
d’une ectasie colique fréquente) en cas ce fait faussée par un biais de recrute-
L’ischémie-reperfusion de colite ischémique gangréneuse non ment. La majorité des auteurs s’accorde
obstructive, sous-estimant ainsi l’éten- néanmoins à dire que la colite isché-
Le rétablissement de la perfusion peut
due des lésions. Sur le versant muqueux mique constitue l’atteinte vasculaire
induire une aggravation des lésions
(visualisé en endoscopie ou lors de digestive la plus fréquente (50 à 60 %
tissulaires liées à l’ischémie. En effet,
l’exploration chirurgicale), la zone des ischémies digestives) et la deu-
des espèces réactives de l’oxygène sont
ischémiée est noirâtre et bien limitée xième cause d’hémorragie digestive
produites dès les premières minutes de
en amont et en aval en cas de colite basse (10 à 20 % des cas selon les études)
reperfusion, elles altèrent les mem-
ischémique obstructive. Inversement, après les saignements d’origine diver-
branes cellulaires par peroxydation
les limites lésionnelles sont souvent ticulaire [5]. La CI atteint les deux sexes
lipidique, induisent des lésions de
floues et les zones de nécrose alternent mais touche plus souvent les femmes
l’ADN, favorisent l’activation de NF-κB
avec des zones saines en cas de colite avec un sex ratio estimé entre 1/2 et
et entraînent l’expression des cytokines
ischémique non obstructives. Histolo- 2/3 et plus fréquemment les personnes
pro-inflammatoires à l’origine des
giquement, la muqueuse est en nécrose âgées de plus de 60 ans (moyenne
défaillances multiviscérales qui font
de coagulation. Cette nécrose dépasse d’âge des patients comprise entre 60 et
toute la gravité clinique de l’ischémie
la muscularis mucosæ, atteint la sous- 75 ans) [5, 6] et au cours syndrome de
colique dans sa forme gangréneuse [3].
muqueuse et la musculeuse dans les l’intestin irritable ou un risque relatif
zones gangréneuses. Dans les colites de 7,5 a été rapporté [6]. Concernant sa
ischémiques gangréneuses obstruc- fréquence de survenue, les quelques
Conséquences de l’hypo- tives, les lésions vasculaires intra- études épidémiologiques descriptives
vascularisation colique : murales sont souvent retrouvées avec réalisées rapportent une incidence
les différents types anatomo- présence de thrombi fibrino-cruo- comprise entre 5 et 45 cas pour 100 000
riques dans les capillaires et les vei- années-personnes [5, 6]. Un travail
cliniques d’atteintes coliques nules. L’évolution spontanée de cette récent de la Mayo Clinic rapporte une
nécrose se fait vers la chute d’escarre augmentation de cette incidence en
L’examen anatomopathologique des et l’apparition d’ulcérations creusantes population générale, qui serait passée
biopsies coliques ou des pièces de susceptibles de se surinfecter. de 6,1 cas pour 100 000 années-­

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personnes dans les années 1976-1980 Colite ischémique gangréneuse à distance d’une CI transitoire, parfois
à 22,9 pour la période 2005-2009 [7]. Il passée inaperçue [4]. Le tableau cli-
existe un lien épidémiologique fort La colite ischémique gangréneuse nique est constitué de troubles du tran-
entre les colites ischémiques et les représente 15 à 20 % de l’ensemble des sit avec émission de selles afécales,
autres pathologies cardiovasculaires CI. Elle survient soit dans le côlon droit liquides, voire purulentes parfois asso-
avec un odd ratio à 2,6 pour les patho- par atteinte de l’AMS ou dans les autres ciés à des rectorragies persistantes. Il
logies coronariennes et 7,9 pour les situations, le plus souvent chez un existe souvent des douleurs abdomi-
artériopathies périphériques [7]. patient de plus de 60 ans présentant nales à type de coliques, associées à un
des facteurs de risque cardio-vasculaires, ballonnement, parfois un syndrome
Les colites ischémiques sont associées en postopératoire de chirurgie de l’aorte subocclusif. L’évolution peut se faire
à mortalité hospitalière non négli- abdominale. Les études les plus récentes vers l’aggravation des symptômes,
geable de 11,5 % dans l’étude en popu- estiment entre 1 et 3 % l’incidence des nécessitant une prise en charge chirur-
lation générale de la Mayo Clinic et CI dans les suites de la chirurgie des gicale. Parfois, les lésions se stabilisent ;
cette mortalité était associée de anévrismes de l’aorte abdominale. La elles régressent plus rarement [12].
manière indépendante à l’âge supé- ­survenue d’une CI en postopératoire
rieur à 40 ans, au sexe masculin, à semble associée aux ruptures d’ané-
l’ischémie concomitante du grêle, aux Diagnostic positif
vrisme, à l’existence d’une insuffisance
formes coliques droites et aux broncho- rénale préopératoire et à la durée de la
pneumopathies chroniques obstruc- Le diagnostic positif de colite isché-
chirurgie. Une colite ischémique est mique repose actuellement exclusive-
tives [7]. Un doublement de la morta- possible quel que soit le type de chirur-
lité et un risque de chirurgie multiplié ment sur des explorations morpholo-
gie (laparotomie ou pose de prothèse giques. En effet, aucun marqueur
par 5 ont également été rattachés à la endovasculaire) [10].
localisation droite des lésions coliques biologique n’est spécifique de l’isché-
[8, 9]. Le tableau clinique correspondant à ces mie colique. Les patients présentent
formes gangréneuses est le plus sou- généralement (60 à 80 % des cas) une
vent franc, associant des douleurs hyperleucocytose modérée associée à
abdominales intenses, une instabilité une augmentation aspécifique de la
Formes cliniques lactate déshydrogénase et de la créati-
hémodynamique et une diarrhée san-
glante. La palpation retrouve une dou- nine phospho-kinase. Le taux plasma-
L’enjeu pour le clinicien est double, il tique de lactates est un marqueur par-
leur abdominale diffuse, une défense
s’agit d’une part de diagnostiquer les fois utilisé. Cependant, l’élévation du
localisée ou généralisée et l’ausculta-
colites ischémiques transitoires qui taux de lactates n’est pas spécifique du
tion une disparition des bruits hydro-
nécessitent souvent une démarche dia- côlon et le métabolisme hépatique des
aériques. L’existence d’un syndrome
gnostique complexe et d’autre part de lactates provenant du tube digestif
péritonéal, d’une tachycardie ou d’une
reconnaître la sévérité des formes gan- permet souvent de maintenir initiale-
hyponatrémie, doit faire craindre ce
gréneuses dont la prise en charge thé- ment un taux de lactates normal en cas
diagnostic.
rapeutique conditionne le pronostic. d’ischémie colique modérée. L’élévation
Dans les suites opératoires, la colite du taux de lactates n’est donc ni un
ischémique gangréneuse peut s’instal- marqueur sensible ni un marqueur
Colite ischémique
ler d’emblée ou de façon retardée. Dans spécifique de l’ischémie colique. Dans
non gangréneuse une étude portant sur 88 patients les formes gangréneuses peuvent sur-
­opérés de l’aorte, une coloscopie a été venir des perturbations de l’équilibre
Les colites ischémiques transitoires
réalisée systématiquement dans les acido-basique (acidose métabolique)
représentent 80 à 85 % des CI [5, 7].
24  heures suivant la chirurgie pour et une insuffisance rénale aiguë.
Elles surviennent le plus souvent bru-
chaque patient. Une colite ischémique
talement, sans prodromes, chez un
non grave (i.e. œdémateuse ou ulcérée)
patient ambulatoire. Les symptômes
a été mise en évidence chez 18 patients La coloscopie
ne sont pas pathognomoniques et
et une colite ischémique nécrotique a
varient en fonction de la sévérité des
été retrouvée chez 10 patients. Deux
lésions. Classiquement, le diagnostic Elle est devenue l’examen de référence
des 18 patients présentant initiale-
clinique repose sur la triade « Douleur pour le diagnostic positif de colite
ment des lésions ischémiques légères
– Diarrhée – Rectorragies ». Ces symp- ischémique et pour le diagnostic diffé-
à modérées ont secondairement déve-
tômes sont effectivement retrouvés rentiel, car elle permet d’une part la
loppé une nécrose colique sévère [11].
ET COLOPROCTOLOGIE
GASTROENTÉROLOGIE

dans environ 90, 60, et 90 % des cas visualisation de lésions muqueuses
respectivement, mais la triade complète modérées, et d’autre part la réalisation
n’est présente que chez 40 % des Colite ischémique chronique de biopsies. Elle doit être réalisée avec
patients [6, 7]. Ces symptômes peuvent prudence en limitant l’insufflation car
être associés à une fébricule, des nau- L’évolution des colites ischémiques une pression intraluminale supérieure
sées, voire un syndrome subocclusif. aiguës en colites ischémiques chro- à 30 mmHg pourrait théoriquement
Les rectorragies sont le plus souvent niques sténosantes semble rare en pra- diminuer le flux sanguin colique et
modérées, sans déglobulisation asso- tique courante, bien que les séries participer à l’aggravation des lésions.
ciée et ne nécessitent pas de transfu- anciennes aient rapporté la survenue Classiquement, il est admis qu’il n’existe
sion. L’examen clinique est pauvre et de telles complications dans 10 à 20 % pas de signe endoscopique pathogno-
retrouve en général un météorisme des cas [12]. Les sténoses coliques monique de colite ischémique. Le dia-
abdominal, parfois associé à une peuvent être asymptomatiques ou gnostic repose le plus souvent sur
défense localisée. générer des manifestations cliniques l’association d’un contexte clinique

231
A B C
Figure 1 : Trois stades endoscopiques de colite ischémique. A. Stade 1 : œdème et érythème de la muqueuse ;
B.  Stade 2 : ulcérations non nécrotiques, reposant sur une muqueuse œdématiée ;
C.  Stade 3 : nécrose extensive avec aspect gris-noir du côlon

évocateur, de lésions muqueuses et avec une largeur comprise entre 5 mm ment sur sa viabilité et la sévérité de
d’une histologie compatible [14]. La et une hémi-circonférence et corres- l’atteinte peut être appréciée par la
coloscopie doit être réalisée précoce- pond à une forme mineure de CI asso- présence d’une pneumatose pariétale,
ment en raison du caractère rapide- ciée à une durée d’hospitalisation, un d’une aéroportie ou encore d’un épan-
ment réversible de certaines lésions. taux de colectomie et un taux de mor- chement péritonéal liquidien ou d’un
Les lésions endoscopiques segmen- talité inférieurs aux formes plus éten- pneumopéritoine qui signe la perfora-
taires à limites nettes et rapidement dues [14]. tion. Le scanner apprécie également la
évolutives sont évocatrices d’une ori- longueur et la localisation de l’atteinte
Lorsque la colite ischémique évolue
gine ischémique. La fréquence des loca- repérable par les signes pariétaux et la
vers la chronicité, la muqueuse s’amin-
lisations décroît du rectum vers le perte des haustrations. Si la sensibilité
cit, s’atrophie et disparaît par endroits
cæcum : 75 % intéressent le côlon du scanner est excellente, sa spécificité
au profit d’un tissu fibreux. Cette évo-
gauche et le rectosigmoïde, 15 % envi- est médiocre hors d’un contexte évoca-
lution fibrosante peut parfois se com-
ron le côlon transverse et 10 % le côlon teur [16, 17]. De plus, il ne permet pas
pliquer d’une sténose. Dans ce cas, la
droit. Trois stades endoscopiques ini- toujours l’identification des causes
coloscopie met en évidence une
tiaux ont été décrits (Fig. 1) : a) stade 1 : occlusives, notamment lorsque l’occlu-
­sténose régulière concentrique endos-
œdème et érythème de la muqueuse ; sion intervient en distalité sur les vais-
copiquement non suspecte, sur une
b) stade 2 : ulcérations non nécrotiques, seaux mésentériques [17].
muqueuse pâle et peu vascularisée,
reposant sur une muqueuse œdéma-
parfois ulcérée [12].
tiée ; c) stade 3 : nécrose extensive avec
aspect gris-noir du côlon. La constata- Diagnostic différentiel
tion de lésions de stade 3 doit faire
stopper l’examen. Si la nécrose est de L’examen
petite taille et qu’il n’existe pas d’indi- tomodensitométrique Colite ischémique transitoire
cation chirurgicale, l’endoscopie doit avec injection de produit L’aspect endoscopique des CI transi-
être répétée 2 à 3 jours après pour juger
de contraste toires peut également faire évoquer
de l’évolutivité des lésions. Les lésions
une colite inflammatoire (maladie de
évoluent en 3 stades évolutifs : a) la
Crohn ou rectocolite hémorragique),
phase aiguë dure environ 24 heures Le scanner injecté est une modalité
une colite infectieuse, une colite médi-
avec une muqueuse alternant entre diagnostique très utilisée en pratique
camenteuse ou radique. Le diagnostic
des plages blanchâtres avec perte du clinique quotidienne. Il est devenu fré-
différentiel repose sur l’interrogatoire,
lacis vasculaire et des plages érythé- quent que l’endoscopie ne soit utilisée
l’examen clinique et la coloscopie avec
mateuses et œdématiées, b) la phase que pour confirmer une image scano-
biopsies étagées pour examen anato-
subaiguë dure environ 48 heures pen- graphique suspecte d’ischémie colique.
mopathologique et bactériologique.
dant lesquelles les plages érythéma- Le scanner injecté présente une sémio-
teuses fusionnent tandis qu’appa- logie qui repose sur la mise en évidence L’interrogatoire permet d’orienter vers
raissent de petites érosions et des d’images coliques en cible ou en une origine ischémique en cas de fac-
plaques purpuriques, et c) la phase cocarde avec un double halo [16-18] teurs de risque cardio-vasculaires ou
chronique au cours de laquelle les ulcé- (Fig.  2). Cet aspect d’épaississement d’antécédents thrombo-emboliques et
rations deviennent extensives et pariétal souvent inférieur à 1 cm est en l’absence d’antécédent personnel
confluentes, parfois nécrotiques. À ces expliqué par l’hyperdensité de la ou familial de maladie inflammatoire
lésions classiques, il faut ajouter l’as- muqueuse et de la musculeuse qui chronique intestinale (MICI), de voyage
pect en bande inflammatoire linéaire contraste avec l’œdème sous-muqueux à l’étranger, d’antécédent de radiothé-
(ou Colonic Single Stripe Sign) [14]. Cette [16]. On note fréquemment un signal rapie locorégionale ou de prise médi-
bande inflammatoire siège sur le bord inflammatoire dans la graisse périco- camenteuse récente (antibiothérapie,
mésentérique du côlon et mesure le lique. La cinétique de prise de contraste AINS, chimiothérapie…). L’examen cli-
plus souvent au moins 5 cm de long de la paroi colique renseigne égale- nique doit rechercher un syndrome

232
Figure 2.  Aspect scanographique (coupe réalisée
après injection de produit de contraste) objectivant
une colite ischémique gauche avec signe du halo
(flèche)

infectieux, des manifestations extra- Tableau I.  Apport de l’anatomopathologie


digestives (rhumatologiques, dermato- au diagnostic différentiel des colites ischémiques
logiques ou oculaires) évocatrices de
Pathologie
MICI et des signes cliniques orientant
vers une origine ischémique (arythmie Desquamation et nécrose muqueuses
en particulier). Atrophie épithéliale en aire
Colite ischémique Hémorragies au niveau de la lamina propria
Macrophages chargés d’hémosidérine
L’examen anatomopathologique des
Thrombi fibrineux
biopsies est un élément clé du diagnos-
tic différentiel. Il permet l’identifica- Infiltrat neutrophilique
Abcès cryptiques
tion de lésions plus ou moins spéci-
Colite infectieuse Absence de plasmocytose basale
fiques des différents types d’atteinte Architecture des cryptes préservée
colique (Tableau I) et de préciser le Érosions muqueuses, œdème muqueux
diagnostic lorsqu’il est couplé aux ren-
Infiltrat inflammatoire en aire
seignements cliniques. Infiltrat histiocytaire
Inflammation sous-muqueuse
L’examen anatomopathologique doit Maladie de Crohn
Microscopic skip areas
nécessairement être complété par une Abcès cryptiques
analyse bactériologique des biopsies. Granulomes épithélioïdes
En plus des bactéries systématique- Infiltrat inflammatoire muqueux diffus
ment recherchées en cas de diarrhée Plasmocytose basale
aiguë (Salmonel la, Shigel la, Abcès cryptiques
Campylobacter Jejuni, Yersinia), il est Rectocolite hémorragique Distorsion des cryptes
nécessaire de rechercher Escherichia Diminution de la densité cryptique
coli entéro-hémorragique O157H7, Forte déplétion en mucus
Surface muqueuse villeuse
Klebsiella oxytoca et Clostridium diffi-
cile. Des colites infectieuses à E. coli Hyalinisation de la lamina propria
O157H7 ont été rapportées après Fibrose sous-muqueuse
Colite radique
Ectasies vasculaires
consommation de viande de bœuf mal
Nécrose fibrinoïde des petits vaisseaux
ET COLOPROCTOLOGIE
GASTROENTÉROLOGIE

cuite, de lait non pasteurisé ou d’eau


souillée. Chez l’adulte, la symptomato-
logie se développe 3 à 4 jours après la
contamination avec apparition de dou- souvent brutalement entre le deu- ment antibiotique. Enfin, les colites à
leurs abdominales suivies d’une diar- xième et le huitième jour d’un traite- C. difficile, favorisées par une antibio-
rhée aqueuse puis sanglante, résolutive ment antibiotique (pénicillines, thérapie, une chirurgie ou une chimio-
en 4 à 10 jours [19]. L’aspect endosco- céphalosporines, macrolides) avec thérapie récente, peuvent dans ­certains
pique comme l’examen anatomopa- apparition d’une diarrhée hémorra- cas (souches virulentes) provoquer une
thologique (signes d’ischémie) peuvent gique avec un aspect endoscopique diarrhée sanglante. La surinfection
être source de confusion diagnostique compatible avec une CI (œdème, plages d’une colite ischémique n’est pas
et justifient la réalisation d’un examen purpuriques, érosions muqueuses). exceptionnelle il convient dans ce cas
bactériologique systématique [20]. Les L’évolution est le plus souvent très rapi- de rechercher C. Difficile de principe
colites à K. oxytoca surviennent le plus dement favorable dès l’arrêt du traite- [21].

233
Tableau II.  Principales causes de colites ischémiques
Enquête étiologique
Causes occlusives Causes non occlusives

Cette enquête ne doit être entreprise Occlusions des gros vaisseaux Bas débit
qu’une fois le diagnostic de certitude Traumatismes abdominaux Choc hypovolémique, cardiogénique
acquis.
Thromboses et embolies des artères Choc septique, anaphylactique
mésentériques : Insuffisance cardiaque, déshydratation
La classification la plus fréquemment – embolies artérielles (troubles du rythme,
utilisée pour les colites ischémiques rétrécissement mitral, CIV), embolie
distingue les colites ischémiques occlu- cholestérolique, ligature de l’AMI,
sives (thrombose ou embole vasculaire) anévrysme et reconstruction aortique,
aortographie, dissection aortique,
et les CI non occlusives, plus fréquentes thrombose veineuse mésentérique ;
(Tableau II). Les étiologies de colites – hypercoagulabilité, cirrhose, pancréatite
ischémiques sont très nombreuses et aiguë, sepsis intra-abdominal
s’additionnent souvent chez un même Occlusions des petits vaisseaux Médicaments :
patient. Compte tenu de la multiplicité
Vascularites : Antihypertenseur, vasopressine, danazol,
des étiologies rapportées de CI, la – périartérite noueuse, Horton, lupus, œstroprogestatifs, flutamine, interféron
recherche systématique de toutes ces collagénoses, Takayasu, dermatomyosite, alpha, AINS, pénicilline, diurétiques,
conditions prédisposantes n’est pas maladie de Behcet, granulomatose, digitaliques, neuroleptiques, préparations
purpura rhumatoïde, amylose, diabète, coliques, phényléphrine, sumatriptan,
réalisable en routine (Tableau II). séquelles de radiothérapie, syndrome alosétron, tégaserod
hémolytique et urémique
À l’exception de CI gangréneuses sur-
venant dans les suites d’une chirurgie Obstruction colique : Effort physique prolongé
– cancer, volvulus, sténose, fécalome,
de l’aorte abdominale, le diagnostic invagination, syndrome d’Ogilvie
étiologique est souvent difficile et il
Maladies hématologiques : drépanocytose, Cocaïne
repose d’abord sur un interrogatoire déficit en protéine C et S, déficit en anti-
précis à la recherche de facteurs de thrombine III, syndrome myéloprolifératif,
risques cardiovasculaires, d’antécé- mutation JAK 2, CIVD, polyglobulies
primitives ou secondaires, hémoglobinurie
dents thrombo-emboliques ou isché- nocturne paroxystique
miques et de prises médicamenteuses
récentes, puis sur un examen clinique Crise d’asthme
complet incluant une auscultation car- Cytopathie mitochondriales
diaque à la recherche d’une arythmie.
L’absence de signe clinique ou d’anté- Les colites ischémiques secondaires à vasoconstrictrice d’une part, et l’induc-
cédent évoquant une origine cardiolo- une coloscopie semblent être liées à tion d’un état prothrombotique via la
gique ne permet cependant pas d’ex- une insufflation excessive capable par stimulation de l’activation plaquet-
clure une cardiopathie. Par ailleurs, hyperpression de réduire le flux san- taire d’autre part. La consommation de
bien que de nombreux médicaments guin colique pariétal. Elles semblent cocaïne est une cause rare de CI, mais
aient été impliqués dans la survenue survenir chez des sujets jeunes, sans lorsque la notion de consommation de
de colites ischémiques (Tableau II) antécédents cardio-vasculaires, souvent cocaïne est retrouvée, l’imputabilité de
l’imputabilité de la CI à un médica- chez des femmes, et elles sont d’évolu- la CI à la cocaïne est suffisamment forte
ment est le plus souvent insuffisante tion rapidement favorable [23, 24]. pour dispenser également le clinicien
pour affirmer un lien causal et la notion d’un bilan étiologique exhaustif surtout
de prise médicamenteuse ne dispense Lors d’un effort physique prolongé, il
si la dernière prise de cocaïne a moins
pas de la réalisation d’un bilan étiolo- existe une redistribution vasculaire
de 3 jours [26]. L’examen du côlon peut
gique exhaustif. Les niveaux de preuve aux dépens de la vascularisation du
mettre en évidence la coexistence de
sont en effet très variables à l’excep- cadre colique et au profit de la vascu-
lésions d’âges différents (lésions aiguës
tion des anti-inflammatoires non sté- larisation musculaire. Par ailleurs, il
et plus anciennes). Leur évolution est
roïdiens (AINS) et des œstro-progesta- existe une sécrétion physiologique de
le plus souvent favorable mais, en cas
tifs. Pour les AINS, une association catécholamines à l’origine d’une vaso-
de prise en charge chirurgicale, la mor-
significative avec un odds ratio à 5,9 constriction splanchnique. Ces deux
talité est proche de 50 % [27].
(2,5-14,0) entre la consommation d’AINS mécanismes sont susceptibles d’expli-
et la survenue de colite ischémique quer la survenue de colites ischémiques En dehors de ces circonstances, un
chez les sujets de plus de 60 ans a été parfois sévères chez certains jeunes bilan étiologique doit être effectué et
rapportée [22]. L’association entre la patients à l’issue d’un effort physique comprendra un bilan cardiologique à
survenue de colite ischémique et la prolongé, en l’absence de facteur de la recherche d’une cardiopathie embo-
prise d’œstro-progestatifs est également risque cardio-vasculaire ou de throm- ligène, un bilan de thrombophilie, voire
supporté par un odds ratio de 6 [12]. bophilie associée [25]. Dans ce contexte une exploration des vaisseaux mésen-
évocateur, l’imputabilité de la CI à tériques en fonction de l’âge du patient
Certaines circonstances très particu-
l’effort physique prolongé est suffi- et de la situation clinique (Figs 3 et 4).
lières permettent d’éviter une enquête
samment forte pour dispenser d’un
étiologique longue et coûteuse. On
bilan étiologique exhaustif.
reconnaît dans cette catégorie les Les explorations cardiologiques
colites ischémiques postcoloscopie et De même, la cocaïne est une substance
celles faisant suite à un effort physique vaso-active susceptible d’induire une Ni l’absence d’élément anamnestique
prolongé ou à une prise de cocaïne. CI via deux mécanismes : une action en faveur d’une cardiopathie ni l’ab-

234
Colite ischémique certaine

Cocaïne
Cause « potentielle » Interrogatoire
Sport intensif Stop
médicamenteuse et anamnèse
Choc et défaillance
circulatoire

Si surdosage Interrompre
évident par prudence
Interrogatoire négatif

STOP investigations

Enquête hématologique Enquête cardio-vasculaire


– protéines C et S - AT iii – évaluation du tabagisme
– facteurs V et VII – bilan lipidique et glycémique
– Sd des antiphospholipides – ECG et Holter rythmique
– Sd myéloprolifératif, JAK2, etc. – ETT ± ETO

Figure 3.  Exploration d’une colite ischémique certaine chez un patient de moins de 50 ans

Chirurgie aortique
Interrogatoire
Stop
et anamnèse
Choc et défaillance
circulatoire

Pathologie emboligène Pas de pathologie


connue emboligène connue

Absence de cause « potentielle » Cause « potentielle » Absence de cause « potentielle »


médicamenteuse médicamenteuse médicamenteuse
Selon le contexte :
– récidive de CI
– comorbidités
Revoir le traitement Enquête cardio-vasculaire
de la cardiopathie – ECG et Holter rythmique
STOP investigations – ETT ± ETO

– ± ETO
– ± écho-Doppler
vx mésentériques

Figure 4.  Exploration d’une colite ischémique certaine chez un patient de plus de 50 ans
ET COLOPROCTOLOGIE
GASTROENTÉROLOGIE

sence de trouble du rythme sur un élec- mettre en évidence une cardiopathie thrombo-embolique personnel, peut
trocardiogramme (ECG) ne permettent emboligène chez environ 1/3 des être révélatrice d’une affection héma-
d’exclure l’existence d’une cardiopa- patients et permettra l’instauration tologique prothrombotique, y compris
thie emboligène. En effet, il a été mon- d’un traitement anticoagulant ou anti- lorsqu’un facteur médicamenteux est
tré en 2003, sur une série de 60 patients arythmique pour respectivement 32 % suspecté [30-32]. L’identification d’une
ayant présenté une colite ischémique et 25 % des patients dans les suites thrombophilie chez un patient pré-
transitoire, que la réalisation d’un ECG d’une CI transitoire [28, 29]. sente un intérêt thérapeutique majeur
ne permettait d’identifier que 28 % des car elle peut permettre l’instauration
cardiopathies emboligènes. Le bilan Le bilan de thrombophilie d’un traitement préventif par anti­
cardiologique doit donc comprendre coagulants avec un impact positif sur
un ECG, une échocardiographie trans- La survenue d’une colite ischémique, la morbi-mortalité. Les thrombophilies
thoracique (ETT) et un Holter-ECG. La chez un sujet jeune sans facteur de sont le plus souvent des déficits en
réalisation de ce bilan permet de risque cardio-vasculaire ni antécédent anticoagulants naturels (protéine S,

235
protéine C, antithrombine) ou des la phase aiguë. À distance, l’équilibra-
mutations constitutionnelles touchant tion du traitement anti-arythmique ou Références
les gènes codant les facteurs de coagu- l’instauration d’un traitement anti­
lation tels que le facteur V ou le facteur coagulant pourront prévenir la récidive 1.  Brandt LJ, Boley SJ. AGA technical review on
II. Pour la pratique, il est important de en cas de CI secondaire à une cardio­ intestinal ischemia: American Gastrointesti-
nal Association. Gastroenterology 2000;
noter que la recherche d’un déficit en pathie emboligène ou à une thrombo- 118:954-68.
protéine S ou en protéine C est affectée philie.
2.  Frileux P, Attal E, Boutami B, L’helgouarc’h JL,
par les traitements par antagonistes de
Burdy G. Ischémies coliques spontanées.
la vitamine K et que la recherche d’un Ann Chir 1999;53:1044-53.
Colites ischémiques gangréneuses
déficit en antithrombine est perturbée
3.  Schoenberg MH, Beger HG. Reperfusion
en cas d’héparinothérapie. Par ailleurs,
En présence de signes cliniques de gra- injury after intestinal ischemia. Crit Care Med
la recherche de la mutation du gène
vité tels qu’un syndrome péritonéal, 1993;21:1376-86.
codant le facteur V Leiden et de la
un état de choc ou une hémorragie 4.  Hémet J, Métayer J, Lemoine F, Laquerrière
mutation 20210G>A du gène codant le
digestive massive, la prise en charge A, Elmaleh AM. Les colites ischémiques tran-
facteur II nécessitent un consentement sitoires. Valeur diagnostique de l’atrophie
chirurgicale s’impose en urgence. En
écrit signé des patients. épithéliale en aires. Ann Pathol 1989;9:33-7.
dehors de ces indications, l’indication
5.  Higgins PD, Davis KJ, Laine L. Systematic
chirurgicale repose sur des critères
review: the epidemiology of ischaemic coli-
Exploration des vaisseaux endoscopiques et notamment l’exis- tis. Aliment Pharmacol Ther 2004; 19:
mésentériques tence de lésions endoscopiques de 729-38.
stade 3 ou de stade 2 associés à une 6.  Hervé S, Beaugerie L, Bouhnik Y, Savoye G,
L’exploration des vaisseaux mésenté- défaillance d’organe ou encore face à Colombel JF, Dyard F, et al. Irritable bowel
riques par angiographie digestive ou des signes de gravité scanographiques syndrome is more frequent in patients hos-
écho-Doppler abdominal n’est actuel- pour certains [33, 34]. En présence de pitalized for ischaemic colitis: results of a
case-control study. Neurogastroenterol Motil
lement pas préconisée en première signes cliniques et endoscopiques de 2009;21:1170-e102.
intention dans le bilan étiologique des gravité intermédiaire, la prise en charge
7.  Yadav S, Dave M, Varayil JE, Harmsen WS,
colites ischémiques. Il semble légitime nécessite une surveillance rapprochée Tremaine WJ, Zinsmeister AR, et al. A popu-
de réserver ces explorations aux et toute aggravation clinique ou biolo- lation based study of incidence, risk factors,
patients présentant une récidive. Dans gique nécessitera une intervention clinical spectrum and outcomes of ischemic
ce cas, un écho-Doppler abdominal [34]. La nécrose n’atteignant pas systé- colitis. Clin Gastroenterol Hepatol 2014; in
matiquement la séreuse, notamment press.
sera réalisé en priorité du fait de son
caractère non invasif. L’angiographie en cas de colite ischémique gangré- 8.  Sotiriadis J, Brandt LJ, Behin DS, Southern
conserve, elle, un intérêt en cas d’isché- neuse non obstructive, le temps explo- WN. Ischemic colitis has a worse prognosis
when isolated to the right side of the colon.
mie mésentérique aiguë avec une ratoire de l’intervention peut nécessi- Am J Gastroenterol 2007;102:2247-52.
atteinte colique droite pour rechercher ter la réalisation d’une coloscopie
9.  O’Neill S, Yalamarthi S. Systematic review of
une ischémie mésentérique supérieure peropératoire. Une résection exhaus- the management of ischemic colitis.
associée qui relèverait de mesures thé- tive de toutes les zones ischémiées doit Colorectal Disease 2012;14:e751-63.
rapeutiques spécifiques. ensuite être réalisée et la confection
10.  Becquemin JP, Majewski M, Fermani N,
d’une stomie temporaire est systéma- Marzelle J, Desgrandes P, Allaire E, et al.
tique. Même avec ce type d’approche, Colon ischemia following abdominal aortic
Prise en charge la mortalité des formes sévères (stade aneurysm repair in the era of endovascular
3 ou présence d’une défaillance multi- abdominal aortic repair. J Vasc Surg. 2008;
thérapeutique viscérale) reste importante et dépasse
47:58-63.

les 50 % alors qu’elle est nulle dans les 11.  Champagne BJ, Darling RC 3rd, Daneshmand
M, Kreienberg PB, Lee EC, Mehta M, et al.
Le traitement des CI varie en fonction types 1 ou 2 [34]. Outcome of agressive surveillance colonos-
de la gravité du tableau clinique et de copy in ruptured abdominal aortic aneu-
l’étiologie de la maladie. rysm. J Vasc Surg 2004;39:792-6.
Colites ischémiques chroniques
12.  Savoye G, Ben Soussan E, Hochain P,
Lerebours E. Comment et jusqu’où explorer
Colites ischémiques transitoires Pour les CI chroniques symptomatiques,
une colite ischémique. Gastroenterol Clin
le traitement de référence repose sur Biol 2002;26:B12-B23.
Une fois le diagnostic posé, les colites la chirurgie de la zone sténosée (colec-
13.  Scowcroft CW, Sanowski RA, Kozarek RA.
ischémiques non graves ne justifient tomie segmentaire). Bien que non Colonoscopy in ischemic colitis. Gastrointest
pas nécessairement une hospitalisa- démontré, l’intérêt de l’administration Endosc 1981;27:156-61.
tion. Leur traitement est essentielle- locale ou systémique de corticoïdes et 14.  Zuckerman GR, Prakash C, Merriman RB,
ment symptomatique et repose sur la des dilatations pneumatiques au bal- Sawhney MS, DeSchryver-Kecskemeti K,
prescription d’antalgique associée si lonnet a été suggéré [12]. De même, Clouse RE The colon single-stripe sign and
besoin à la mise au repos du tube diges- une étude récente suggère l’intérêt des its relationship to ischemic colitis. Am J
Gastroenterol 2003;98:2018-22.
tif et à la correction des troubles hydro- prothèses coliques couvertes dans la
électrolytiques. La prescription d’anti- prise en charge des sténoses coliques 15.  Moszkowicz D, Mariani A, Tresallet C,
biotiques n’est pas recommandée dans ischémiques symptomatiques à la Menegaux F. Ischemic colitis: the ABCs of
diagnosis and surgical management. J Visc
les formes non compliquées [32]. En phase aiguë de l’occlusion comme un Surg 2013;150:19-28.
dehors des CI iatrogènes pour les- « bridge to surgery » pour permettre
16.  Romano S, Romano L, Grassi R. Multidetector
quelles il convient d’interrompre le une chirurgie à froid dans de meil- row computed tomography findings from
médicament impliqué, il n’existe pas leures conditions une fois l’obstacle ischemia to infarction of the large bowel. Eur
de traitement spécifique pour les CI à levé [35]. J Radiol 2007;61:433-41.

236
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5
Les Cinq points forts
La colite ischémique est une pathologie dont l’incidence est en
augmentation.
Le diagnostic de colite ischémique repose sur la coloscopie et l’examen
TDM injecté.
La gravité de la colite est appréciée par la clinique et l’aspect
endoscopique.
Dans les formes non gangréneuses, c’est l’enquête étiologique qui
prime.
Dans les formes gangréneuses, c’est la décision chirurgicale rapide qui
importe.
ET COLOPROCTOLOGIE
GASTROENTÉROLOGIE

237
Questions à choix unique

Question 1
La colite ischémique ambulatoire est :
❏❏ A. une pathologie exclusive des sujets âgés
❏❏ B. nécessite toujours une hospitalisation
❏❏ C. n’est jamais associée à des cardiopathies emboligènes
❏❏ D. nécessite un bilan d’hémostase soigneux chez un sujet jeune
❏❏ E. ne récidive jamais

Question 2
L’examen TDM au cours de la colite ischémique :
❏❏ A. n’est pas très sensible
❏❏ B. est très spécifique
❏❏ C. ne nécessite pas d’injection de produit de contraste
❏❏ D. ne permet pas un diagnostic topographique des lésions
❏❏ E. se caractérise par des signes pariétaux : épaississement et halo

Question 3
Le pronostic d’une forme gangréneuse de colite ischémique :
❏❏ A. est bon si une revascularisation est effectuée dans les 48 premières heures
❏❏ B. reste réservé (mortalité de 50 %) même après chirurgie
❏❏ C. n’est pas lié à la sévérité endoscopique
❏❏ D. n’est pas affecté par la précocité des décisions thérapeutiques
❏❏ E. dépendent exclusivement de son étiologie

238

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