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EMC-Hépato-Gastroentérologie 2 (2005) 339–347

www.elsevier.com/locate/emchg

Kystes biliaires
Biliary cysts
T. Abita (Chef de clinique) *, F. Lachachi (Praticien hospitalier),
F. Maisonnette (Praticien hospitalier), S. Durand-Fontanier (Maître
de conférence universitaire, praticien hospitalier), D. Valleix
(Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef du département
d’anatomie), B. Descottes (Professeur des Universités, praticien
hospitalier, chef de service de chirurgie viscérale et transplantations)
Service de chirurgie viscérale et transplantations, CHU Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King,
87042 Limoges cedex, France

MOTS CLÉS Résumé Les kystes biliaires sont les formations hépatiques les plus fréquentes. Lésions
Kyste biliaire ; congénitales bénignes, elles sont uniques ou multiples, avec une nette prédominance
Diagnostic des kystes ; féminine. Asymptomatiques dans plus de la moitié des cas, leur découverte est souvent
Traitement des kystes fortuite lors d’explorations abdominales, soit par l’imagerie (échographie, tomodensito-
métrie, imagerie par résonance magnétique), soit par la chirurgie (laparoscopie ou
laparotomie). Elles peuvent cependant évoluer vers des complications diverses : poussée
congestive, hémorragie intrakystique, rupture, infection, compression des structures
avoisinantes intra- ou extrahépatiques. Leur traitement ne se justifie qu’en cas de
complications ou de douleur. Si la résection laparoscopique du dôme saillant passe pour le
traitement le plus appliqué depuis une douzaine d’années, le taux de récidive est assez
important. À côté de cette méthode, il en existe d’autres, chirurgicales (kystectomie,
résection hépatique, transplantation hépatique) ou non (drainage radiologique percu-
tané, injection intrakystique de substances sclérosantes). Avec des avantages, des
inconvénients, et des résultats divers, toutes ces méthodes doivent être bien discutées en
fonction des situations.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Biliary cysts are frequent hepatic manifestations. They are benign, single or
KEYWORDS
multiple congenital lesions, with a female predominance. In more than half the cases,
Biliary cysts;
Cyst diagnosis;
they remain asymptomatic; fortuitously detected during abdominal investigations, they
Cyst treatment are observable either by imaging (ultrasonography, CT scanning, MRI), either by surgery
(laparoscopy or laparotomy). However, they may evolve and induce various complica-
tions: congestive attacks, intracystic hemorrhage, ruptures, infection, compression of
the surrounding intra- or extrahepatic tissues. Treatment is indicated only in case of
complication or pain. Although laparoscopic resection of the dome is the most frequently
used treatment for about twelve years, the recurrence rate remains high. Besides, other

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : youvey@yahoo.fr (T. Abita).

1769-6763/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi: 10.1016/j.emchg.2005.08.002
340 T. Abita et al.

therapeutic means exist, such as surgery (cystectomy, hepatic resection, hepatic trans-
plantation) or non-surgical treatments (percutaneous radiological drainage, intracystic
injection of sclerotic substances). All these methods have to be carefully discussed before
selection, owing to various associated advantages, disadvantages and results.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Sexe

Les kystes biliaires désignent des formations intra- Une nette prédominance féminine est notée avec
hépatiques à contenu liquidien de type séreux, un sex-ratio allant jusqu’à 1/9.4,12 Deux séries font
circonscrites par un épithélium identique à celui cependant état d’une prédominance masculine :
des canaux biliaires avec lesquels elles ne présen- une rapportée par Pétri13 et une autre série in-
tent aucune communication.1 Le terme de « kyste diennne.14
biliaire » est donc assez impropre. Celui de « kyste
hépatique simple » de la littérature anglo-saxonne Âge de découverte
paraît plus adapté. D’autres appellations lui sont
connues : kyste non parasitaire du foie, kyste hépa- Bien que des cas pédiatriques aient été rappor-
tique bénin, kyste hépatique congénital, kyste uni- tés,15 l’âge de découverte est assez tardif, témoi-
loculaire du foie, et kyste solitaire du foie. En gnant d’une évolution lente de cette pathologie
dehors de complications, ses caractéristiques mor- congénitale : exceptionnel avant 10 ans, sa fré-
phologiques rendent son diagnostic aisé en écho- quence augmente avec l’âge ; elle devient assez
graphie et à la tomodensitométrie. Compliqués, ils importante dès 40 ans, et atteint son pic entre 50 et
prêtent facilement le change avec des lésions para- 60 ans.1,4–10
sitaires (kyste hydatique), ou malignes (cystadéno-
carcinome) dont les indications thérapeutiques
sont différentes. En effet si l’évacuation suffit au Cystogenèse
traitement d’un kyste biliaire symptomatique ou
compliqué, la perforation d’un kyste hydatique ex- Il s’agit d’une malformation congénitale qui se
pose à un choc anaphylactique, tandis qu’une ré- développerait à partir de microhamartomes biliai-
section hépatique s’impose pour les kystes néopla- res. Ces derniers étaient décrits par von Meyenburg
siques.2,3 Aussi, une démarche diagnostique en 1918 comme un nombre limité de canalicules
rigoureuse est-elle utile ; elle doit déboucher sur le biliaires entourés par du tissu fibreux (d’où le nom
meilleur traitement pour évacuer les kystes biliai- de complexe de Von Mayenburg ou fibroadé-
res et prévenir les récidives. nome).16 Pour Chauveau et al., ces reliquats em-
bryonnaires initialement connectés à l’arbre bi-
liaire devraient subir une involution complète.17
Épidémiologie Déconnectés de l’arbre biliaire alors qu’ils crois-
sent, ils aboutissent aux kystes biliaires. Ramos a
Fréquence démontré la possibilité d’apparition des micro-
hamartomes après la naissance.18
Pendant longtemps, les kystes biliaires étaient Des causes génétiques sont connues : dans la
considérés comme une affection rare : en 1971, polykystose hépatique isolée, Reynolds et al. ont
seuls 350 cas mondiaux étaient rapportés.4 Cela mis en évidence le gène causal PCLD (polycystic
tient au fait que les premiers travaux concernaient liver disease) situé sur le bras court du chromosome
les kystes compliqués. Depuis, la fréquence des 9;19 dans la polykystose hépatorénale qui se trans-
kystes biliaires asymptomatiques a été mieux ap- met sur un mode autosomal dominant à pénétrance
préciée. L’incidence échographique varie selon les complète, trois gènes sont mis en cause : le PKD1
séries de 0,1 % à 3 %.5–7 Des chiffres plus élevés ont situé sur le chromosome 16 est en cause dans 85 %
été rapportés par Huang et Caremani qui trouvent des cas, le PKD2 situé sur le chromosome 4 (10 % des
respectivement 3,6 % et 4,5 %.8,9 Dans les séries cas), et le PKD3 responsable des formes familia-
autopsiques, la fréquence est inférieure à 2 %.10 les.20 Ces gènes codent pour les polycystines-1 et 2,
Première formation hépatique, il représente pour glycoprotéines transmembranaires ubiquitaires
Ammori et al., 36,7 % des formations kystiques avec localisation biliaire préférentielle. Leur action
hépatiques.11 conjointe maintient l’interaction normale cellule-
Kystes biliaires 341

cellule et cellule-matrice extra-cellulaire. Leur Leur découverte est le plus souvent fortuite au
mutation entraîne hyperplasie cellulaire, hypersé- cours d’examen d’imagerie abdominale (échogra-
crétion fluide, et remodelage de la matrice extra- phie, tomodensitométrie, imagerie par résonance
cellulaire de l’épithélium des hamartomes hépati- magnétique). Certains symptômes sans rapport
ques. avec une complication peuvent être révélateurs : la
pesanteur, la voussure, et la masse situées dans
l’épigastre ou l’hypocondre droit sont dues aux
Anatomie pathologique kystes de grande taille. D’autres symptômes sont
en rapport avec une complication : la douleur abdo-
Aspects macroscopiques minale survient pour des diamètres kystiques de
plus de 8 cm en général ;26 elle traduit une poussée
La forme est en général sphérique ou ovoïde. Le congestive d’un kyste sous-capsulaire (avec mise
nombre est très variable : les kystes solitaires sont sous tension subite de la capsule de Glisson) ou une
les moins fréquents ; la présence d’au moins 3 lé- infection, ou encore une hémorragie intrakystique.
sions définit la polykystose hépatique ; au-delà de L’ictère traduit une compression des voies biliaires
15 lésions, il s’agit d’une polykystose hépatique intra- ou extrahépatiques. L’hypertension portale
massive ; en association avec les kystes rénaux, il est en rapport avec une compression de la veine
s’agit d’une polykystose hépatorénale. La taille porte ou des veines hépatiques. Des vomissements
également très variable, va de quelques millimè- biliaires dus à une compression duodénale sont
tres à une vingtaine de centimètres de diamè- possibles. Une constipation peut survenir par com-
tre.5–10 La paroi est fine et translucide, le contenu pression colique.
clair « eau de roche », ou citrin et sans cloisons. Au total la clinique est très pauvre et le diagnos-
tic positif repose surtout sur l’imagerie.
Aspects microscopiques
La radiographie d’abdomen sans préparation
sans grand intérêt peut montrer une surrélévation
L’épithélium du kyste présente une forte homony-
d’une coupole diaphragmatique. L’échographie est
mie avec l’épithélium biliaire des points de vue du
un examen suffisant pour affirmer un kyste biliaire
phénotype, de l’activité proliférative, et de la ma-
non compliqué : elle montre une lésion sphérique
trice extracellulaire.21,22 Il présente une couche
unique de cellules épithéliales cuboïdes ou en co- ou ovalaire, à bords nets, avec absence de struc-
lonne, monomorphes, dépourvues d’atypie ; le ture interne, s’accompagnant d’un renforcement
stroma absent dans les petits kystes, se réduit à une postérieur des échos (Fig. 1). Ces quatre critères
fine couche de tissu conjonctif autour des kystes de associés à des signes négatifs comme l’absence de
grande taille. cloison et de végétation endokystique, et l’absence
de calcification pariétale sont pathognomoniques
Aspects biochimiques du kyste biliaire. En tomodensitométrie, ils sont
bien limités, arrondis, hypodenses, avant et après
Le liquide intrakystique a une composition hydro- injection intraveineuse de produit de contraste
électrolytique proche de celle du sérum. L’activité (Fig. 2). En imagerie par résonance magnétique, il
de la gamma-glutamyl-transférase est cependant s’agit d’une lésion arrondie homogène, hypo-
supérieure au taux plasmatique, la concentration intense en pondération T1 et fortement hyper-
de glucose est faible, et le composant IgA sécré-
toire est présent.23 En outre, le taux d’activité
acétylcholinestérasique (ACE) est presque nul tan-
dis que celui du CA 19-9 est assez significatif.24 La
sécrétion kystique est hormonodépendante : la sé-
crétine augmente le volume du liquide sans en
modifier la composition, tout comme pour l’épithé-
lium biliaire.25

Diagnostic
Diagnostic positif

Les circonstances de découverte sont variables. Les


kystes biliaires sont en général asymptomatiques. Figure 1 Kyste biliaire en échographie.
342 T. Abita et al.

apparente. Elle se traduit par une douleur abdomi-


nale associée volontiers à une masse abdominale.
Dans la plupart des séries, la douleur ne survient
que pour des kystes de 8 cm de diamètre au moins.
Si le kyste était connu, une nouvelle échographie
montre une augmentation de son volume.

Rupture27

Elle peut être traumatique ou spontanée. Elle com-


plique l’évolution d’une poussée congestive ou
d’une hémorragie intrakystique et est responsable
d’une irritation péritonéale. Si le kyste était connu,
Figure 2 Kyste biliaire au scanner. une nouvelle échographie montre sa disparition
associée à un épanchement liquidien intrapérito-
néal.

Hémorragie intrakystique

Elle est secondaire à une rupture d’un vaisseau de


la paroi kystique sous forte pression lors de la
croissance du kyste et survient dans 2 à 9 % des
cas.28 Elle se traduit par une douleur brutale dans
l’épigastre ou dans un hypocondre, volontiers asso-
ciée à un choc hypovolémique dans les formes
massives et à une chute du taux d’hémoglobine. En
échographie, le contenu est hétérogène et mobile.
Figure 3 Polykystose hépathique en IRM (T1). En imagerie par résonance magnétique, un fort
signal en pondération T1 atteste l’origine hémati-
que. Des saignements d’âges différents peuvent
donner des sédimentations aboutissant à des ni-
veaux liquide-liquide.29

Infection bactérienne

Elle survient dans environ 1 % des cas, le plus


souvent par voie hématogène.30 Un tableau d’abcès
hépatique à pyogènes avec fièvre, frissons, douleur
vive de l’hypocondre droit ou de l’épigastre, hy-
perleucocytose, augmentation de la protéine-C-
Figure 4 Polykystose hépathique en IRM (T2). réactive, et présence à l’échographie d’un contenu
hétérogène avec un épaississement pariétal est
intense en pondération T2 (Fig. 3,4). Si l’imagerie
évocateur. Une ponction échoguidée permet de
est très évocatrice, la biologie n’a aucun intérêt
confirmer le diagnostic. Lorsque le kyste biliaire est
dans le diagnostic positif d’un kyste biliaire non
solitaire et inconnu, il est difficile de savoir s’il
compliqué.
s’agit d’un abcès primitif du foie ou d’un kyste
infecté. Cependant, il est fréquent que le pus soit
Complications monomicrobien dans le kyste infecté alors que l’ab-
cès primitif est en général polymicrobien. Si le
Poussée congestive traitement se limite à une ponction associée à une
antibiothérapie, le doute persiste. Mais si une ré-
Elle peut être provoquée par toute augmentation section du dôme est réalisée, son analyse histologi-
du taux plasmatique de sécrétine ou sans cause que permet de retrouver l’épithélium biliaire.
Kystes biliaires 343

Compressions des structures vement. Le pronostic en est mauvais, la survie ne


et organes avoisinants dépassant pas 6 mois en général après sa décou-
verte.
Elles peuvent être intraparenchymateuses ou ex-
traparenchymateuses. Un kyste volumineux peut
refouler le parenchyme hépatique avoisinant. À Attention
l’intérieur de ce parenchyme, la compression peut
intéresser les voies biliaires (donnant une choles- Métastases kystiques
tase intrahépathique : ictère cutanéomuqueux ; La présence de kystes hépatiques uniques ou
augmentation de la bilirubine directe et des multiples associés à un cancer primitif doit
gamma-glutamyl-transférases ; dilatation des voies faire évoquer la possibilité de métastases kysti-
biliaires intrahépatiques.), les veines portes (don- ques. Chez un patient dont un bilan précédent
nant une hypertension portale et une thrombose n’avait pas mis en évidence de kyste hépatique,
portale voire une atrophie du foie correspondant la découverte d’images kystiques doit faire re-
chercher une origine néoplasique éventuelle.
avec hypertrophie compensatrice controlatérale),
les veines hépatiques (responsable d’une syndrome
de Budd-Chiari), et les artères hépatiques. À l’exté-
rieur du parenchyme hépatique, la compression Diagnostic différentiel
peut être due au kyste ou à l’hépatomégalie qui en
résulte. Cette compression peut intéresser les élé- Le kyste biliaire non compliqué peut prêter à confu-
ments du pédicule hépatique : le cholédoque avec sion avec des lésions kystiques comme un cysta-
cholestase clinique et biologique, et dilatation des dénome, une métastase kystique, et un kyste hyda-
voies biliaires intra- et extrahépatiques respectant tique. Les caractères distinctifs avec un
le cholédoque intrapancréatique ; la veine porte cystadénome et un kyste hydatique sont résumés
avec hypertension portale et thrombose portale ; dans les Tableaux 1 et 2. Avec le kyste hydatique du
l’artère hépatique avec hypovascularition paren- type 1 de Gharbi, la distinction est parfois impossi-
chymateuse et thrombose artérielle. Les compres- ble.33 Aussi une sérologie hydatique systématique
sions digestives sont responsables de syndrome oc- devant toute suspicion de kyste biliaire semble
clusif et intéressent le duodénum et le côlon raisonnable.
transverse. Une compression diaphragmatique est
possible avec dyspnée.
Tableau 1 Différences entre kyste biliaire et kyste hydati-
que.

Fistulisation Kyste biliaire Kyste hydatique


Antécédents Sans Voyage en milieu
particularités tropical
Elle a été décrite dans les voies biliaires (pouvant Hydatidose connue
ressembler alors à un hamartome), et dans le côlon Membranes Une capsule 2 membranes +
et le duodénum, sources d’infection kystique.31 périkyste
Calcifications Absentes Fréquentes
Cloisons Absentes Fréquentes
Dégénérescence maligne Vésicules-filles Absentes Fréquentes
Communication avec Absente Possible
Elle est rarissime puisqu’il n’y a pas de bile exer- les voies biliaires
Sérologie hydatique Négative Positive
çant une agression chimique sur l’épithélium kysti-
que. Cependant, il est rapporté des cas de carci-
nome cholangiocellulaire à partir de l’épithélium
kystique dont les caractères macroscopiques, mi- Tableau 2 Différences entre kyste biliaire et cystadénome
du foie.
croscopiques, et pronostiques différents du cysta-
dénocarcinome, en font une entité nosologique à Kyste biliaire Cystadénome
part entière.32 Douleurs abdominales, ictère, as- Nombre Unique ou Unique
multiple
cite, altération de l’état général, peuvent être
Cloisons Absentes Présentes
révélateurs. L’échographie et la tomodensitomé- Formations papillaires Absentes Fréquentes
trie montrent des signes de malignité au sein d’un Contenu Séreux Mucineux
kyste : hétérogénéité, aspect irrégulier, et calcifi- Dégénérescence Exceptionnelle Plus fréquente
cation. À l’histologie, la transition entre l’épithé- maligne
lium kystique et la lésion maligne se fait progressi-
344 T. Abita et al.

Mise au point Point important

La sérologie dans le kyste hydatique du foie Classification échographique des kystes


repose sur la technique Elisa (enzyme linked hydatiques du foie selon Gharbi
immunosorbent assay), éventuellement com- Type 1 : kyste anéchogène contenant parfois
plétée par le western blot. Elle n’a de valeur un discret sédiment, de paroi presque toujours
que si elle est positive. En effet sa sensibilité plus épaisse qu’un kyste simple
varie de 80 à 100% et sa spécificité de 88 à 96%. Type 2 : kyste contenant une membrane flot-
En cas de doute, l’imagerie doit primer sur la tante qui correspond au décollement de l’endo-
biologie. kyste
Type 3 : kyste avec multiples vésicules-filles
Un kyste à revêtement cilié devrait aussi être Type 4 : masse hétérogène avec une large
éliminé : il résulte d’un bourgeonnement précoce de matrice centrale, pseudotumorale
l’intestin primitif antérieur et présente un épithé- Type 5 : forme totalement calcifiée
lium de revêtement pseudostratifié et cilié, fait de
cellules cylindriques ou cubiques différentes de cel- Les traitements médicaux sont représentés par
les des canaux biliaires et se rapprochant de celles les antalgiques et les antibiotiques.
des bronches. En échographie, il apparaît souvent
hypoéchogène uniloculaire, bien limité, toujours Méthodes radiologiques
sous-capsulaire, et le plus souvent dans le segment Elles consistent en une ponction-aspiration ou drai-
IV. La confusion avec les lésions pseudokystiques est nage percutané du kyste sous repérage échographi-
possible en cas de kystes multiples et de polykysto- que ou scannographique, avec ou sans injection de
ses hépatiques : le syndrome de Caroli est une produits sclérosants. La sclérothérapie a pour but la
malformation congénitale réalisant des dilatations destruction de l’épithélium du kyste, ce qui abolit
multifocales diffuses ou localisées des voies biliaires la sécrétion et évite la réexpansion. Les produits
intrahépatiques segmentaires ; les hamartomes bi- utilisés sont l’éthanol à 95-99°, la doxycycline, et
liaires ou complexes de von Meyenburg se compo- la minocycline. Une concentration intrakystique
sent d’un canal biliaire au sein d’un stroma fibreux d’au moins 20 % du produit serait nécessaire.36 Une
en général hyalinisé. En échographie, le syndrome infection kystique et toute communication avec
de Caroli réalise une dilatation des voies biliaires, l’arbre biliaire devront être éliminées au préalable.
avec protrusion nodulaire endoluminale, la forma-
tion en pont autour de la lumière dilatée et le Méthodes chirurgicales
développement des voies biliaires de part et d’autre La voie d’abord peut être la laparotomie ou la
des branches portales. La tomodensitométrie re- laparoscopie. Cette dernière est la plus utilisée
trouve, outre une communication avec les voies chaque fois que c’est possible car mini-invasive,
biliaires, des branches portales de petite taille en- elle réduit le stress immunitaire, avec récupération
tourées des voies biliaires dilatées (dot sign ).34 Les rapide postopératoire, diminution de la durée
hamartomes sont hypoéchogènes et hyperéchogè- d’hospitalisation, et reprise rapide des activités. La
nes en échographie, hypodenses en tomodensito- chirurgie consiste en une résection du dôme
métrie, hypo-intenses en pondération T1, et forte- saillant, une kystectomie, une hépatectomie, voire
ment hyper-intense en pondération T2. une transplantation hépatique. La résection du
L’hémorragie intrakystique aboutit à un contenu dôme saillant est très pratiquée en laparoscopie
hétérogène facile à confondre avec un cystadéno- depuis sa première description en 1991.37 Elle
carcinome.35 L’abcédation du kyste biliaire et l’ab- consiste à évacuer le contenu du kyste, et à le
cès primitif à pyogènes présentent les mêmes ta- fenestrer (Fig. 5,6). La kystectomie a l’ambition de
bleaux clinique et radiologique. réséquer tout le kyste en bloc. L’absence d’un plan
de clivage périkystique contraint à réséquer en foie
Traitement sain. Les hépatectomies sont mineures ou majeures
selon la taille et le siège du kyste. La transplanta-
Le traitement vise à soulager le patient ; traiter ou tion hépatique ou la transplantation hépatorénale
éviter les complications évolutives ; prévenir la sont des solutions radicales en cas de polykystose
récidive. compliquée.
Moyens et méthodes Indications thérapeutiques
L’abstention thérapeutique représente l’attitude Les indications des kystes biliaires sont résumées
la plus fréquente. par la Figure 7. En outre, tout doute entre un
Kystes biliaires 345

Figure 7 Arbre décisionnel. Indications thérapeutiques des kystes biliaires.

phylactique pour le kyste hydatique. Tout traite-


ment des polykystoses hépatiques doit s’accompa-
gner d’un dépistage familial et d’un conseil
génétique.

Résultats
La ponction-aspiration seule s’accompagne d’un
soulagement rapide mais la récidive est tout aussi
rapide et quasiment de 100 %. Les résultats de la
sclérothérapie allant de 95 à 100 % dans la préven-
tion des récidives semblent encourager certains
Figure 5 Kyste biliaire : vue macroscopique. auteurs à en faire le traitement de choix des kystes
biliaires.39–41 Cependant, de fortes douleurs abdo-
minales surtout après usage d’alcool ont été rap-
portées. La résection du dôme saillant est efficace
sur la régression des symptômes. Selon Descottes et
al., la récidive dépend du siège : toute situation
tendant à recouvrir le toit du kyste est un facteur
favorisant ; il en est ainsi des kystes de la région
postérolatérale du foie.42 Si la kystectomie et les
hépatectomies répondent mieux aux objectifs thé-
rapeutiques, elles peuvent paraître excessives pour
certains cas et comportent une morbidité assez
importante : hémorragie, biliorragie, infections. La
transplantation hépatique comporte les plus gran-
Figure 6 Kyste biliaire ouvert en cœlioscopie. des morbidité et mortalité.
cystadénocarcinome et un kyste parasitaire doit
orienter vers une kystectomie ou une hépatecto- Conclusion
mie.38 En effet l’effraction pariétale de ces deux
types de formations entraînerait une dissémination Le diagnostic d’un kyste biliaire suppose l’élimina-
intrapéritonéale, doublée d’un risque de choc ana- tion d’un kyste hydatique et d’un cystadénocarci-
346 T. Abita et al.

nome. L’échographie est l’examen de choix pour le 18. Ramos A, Torres VE, Holley KE, Offord KP, Rakela J,
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ment essentiellement symptomatique, les théra- 3rd J, et al. Identification of a locus for autosomal domi-
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