La folie est un thème connu de la littérature européenne et africaine. Tantôt elle est
synonyme de perdition, tantôt elle est rédemption, une vérité absolue permettant d’apporter
des solutions dans la société. Ainsi, selon Sigmund FREUD, la folie est le « non-
accomplissement d’un désir précoce, la rupture avec la réalité ou celle du délire» 1. Elle peut
aussi se définir selon Le dictionnaire Larousse comme étant le « Caractère de ce qui échappe
à la raison, ou encore une passion violente que l’on ne peut contrôler. C’est aussi la
manifestation d’un goût excessif déréglé ou exclusif d’une chose, un état de
conduite»2.L’encyclopédie Bordas3 nous apprend que les conceptions de la folie ont beaucoup
variées au cours de l’histoire. Nous relevons ainsi que la pensée primitive y voyait la
possession d’un individu par de mauvais esprits. Puis, à la renaissance, une conception
scientifique se substitua à cette conception théorique. De mauvais sorts, c’est à dire possédés
du démon, les fous devinrent des personnes dangereuses. Et comme le décrit Michel Foucault
dans son livre, Histoire de la folie a l’âge classique 4 parut en 1972, le fou sera exilé,
incarcéré. Le monde de la folie deviendra dès lors celui de l’exclusion avec la création des
centres de traitement psychiatriques conçus pour accueillir les ‘’individus gênants pour la
société’’.
En Afrique noire, loin d’être interné, le fou est un être libre qui développe librement sa
folie dans son environnement social. En effet, les écrivains africains, soucieux de décrire les
problèmes relatifs à l’Afrique verront à travers la folie, une nouvelle esthétique littéraire,
c’est-à-dire que la mise en scène de la folie dans cette littérature pourra se lire comme une
satire de la société visant à l’éveil des consciences des acteurs politiques et de tous les
citoyens. Cette pensée trouve son apport à travers des auteurs tels William SASSINE, Sony
LABOU TANSI, Cheikh Hamidou KANE.
Dans la littérature gabonaise, aussi bien le roman, la poésie et le théâtre, la réflexion sur
le thème de la folie a souvent été évoquée. En effet, l’image du fou est celle d’un diseur de
vérité, un sage, ou un prophète. C’est d’ailleurs au travers d’un intérêt particulier pour tous ce
qui se rapporte à la folie, précisément dans la lecture littéraire que nous avons choisi comme
thème de notre mémoire « l’esthétique de la folie dans la littérature gabonaise », et ce, en vue
de finaliser notre parcours de formation à l’école Normale Supérieure, pour l’obtention d’un
Master II d’études en Français. Le choix de travailler sur ce corpus est révélateur de notre
ambition de montrer le bien-fondé de la folie dans la littérature gabonaise et son apport dans
notre société notamment par une analyse des textes au programme mais également par une
diversification des genres littéraires: le roman, la nouvelle, l’œuvre théâtrale et la poésie.
1
Sigmund Freud, Ma vie et la psychanalyse, Paris, Gallimard, (Coll. Idées), 1960, p 45.
2
Dictionnaire Le petit Larousse Illustré 2004, Paris, p 259.
3
L’Encyclopédie Bordas, volume 4, Paris, 1978.
4
Michel Foucault,Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Gallimard, 1972.
1
De ce fait, comment est représentée la folie dans la littérature gabonaise ? Quelle est la
démarche esthétique de ces auteurs ? Pourquoi ont-ils recours à celle-ci ? Autrement dit, quel
est l’apport de l’esthétique de la folie à la perception de la société ?
La littérature gabonaise fait le procès d’une société malade. Elle met en évidence, les
maux qui la gangrènent tels la misère, le veuvage, sorcellerie, la folie. En revanche, dans le
cas de notre étude, notre préoccupation sera d’appréhender la folie, non pas comme une
maladie mentale, mais plutôt comme une manière de vivre, un état d’esprit plus que
l’aliénation en soi. Aussi, il s’agira de démontrer que le fou tel qu’il est illustré dans la
littérature gabonaise souffre d’une folie sociale. D’ailleurs, la folie, en tant que thématique
centrale avait déjà fait l’objet d’une lecture critique respectivement au sein des départements
de Lettres Modernes5 et de Littératures Africaines6 de L’Université Omar Bongo. Le constat
étant que le corpus utilisé par ces deux étudiantes soit circonscrit plus dans la littérature
africaine et francophone au Gabon. D’où la particularité de notre travail qui se veut
exclusivement portée sur la littérature gabonaise, laquelle regorge de nombreuses publications
littéraires attraites à la question de la folie produites par des auteurs tels Auguste Moussirou
Mouyama et janis Otsiemi7.
Par ailleurs, par rapport à la dimension sociale et réaliste de notre thématique, nous
avons fait appel à la sociocritique de Claude DUCHET en vue de lire au mieux la
manifestation de la folie dans notre corpus. En effet, l’usage de la sociocritique duchetienne,
dans sa démarche analytique décloisonne le texte « interroge l’implicite, les présupposés, le
non-dit ou l’impensé, les silences, formule l’hypothèse de l’inconscient social du texte »8.
Ceci par l’entremise des concepts mis au point par le théoricien lui-même : la « société du
roman », la « société de référence ».La sociocritique de Claude DUCHET est une méthode
d’analyse adéquat pour notre thème et notre corpus, en ce sens qu’elle est cet outil, capable de
démontrer comment se traduit la folie dans une société gabonaise composée de plusieurs
maux. Il est donc question ici de faire une lecture immanente centrée sur les textes
Bourrasque sur Mitzic, La folle du gouverneur, un seul tournant Makôsu et Patrimoine, dans
le but d’en dégager une « poétique de la socialité »9.
Notre étude s’inscrivant dans le cadre d’un mémoire professionnel, il est nécessaire de
matérialiser notre travail par une transposition didactique. Pour ce faire, nous recourons à la
lecture méthodique, démarche scientifique consistant à « étudier un texte en organisant
méthodiquement ses analyses à partir des caractères orignaux du texte». Cette démarche
« conduit à élaborer une interprétation de plus en plus précise du texte que nous résumons
5
Mireille AbemeNdong, Lecture de la folie Chez Sony LabouTansy : La parenthèse de sang, L’Anté-peuple, Le
commencement des douleurs, Mémoire de maitrise, Lettres Modernes, UOB, 1997.
6
Flore Edith Angue Assa, La figure du fou dans la littérature francophone au Gabon : Approche bakhtino-
freudienne, Mémoire de maitrise, Lettres Modernes, UOB, 2001.
7
Janis Otsiemi, Tous les chemins mènent à l’autre, Libreville, Editions Raponda Walker, 2000.
8
Claude Duchet, « Positions et perspectives », Sociocritiques, Paris, Nathan, 1979, P.4.
9
Claude Duchet, « Introduction socio-critiscism », sub-stance, n°15, Madison, 1976, p.408.
2
dans une conclusion »10. La lecture méthodique va donc permettre aux apprenants, d’entrevoir
les sens cachés du texte, mais aussi d’en donner les impressions de lecture afin d’aboutir à la
formulation des axes de lecture. Elle prépare les élèves de la classe de seconde au
commentaire composé mais aussi à l’oral de français. Il est à noter que l’originalité d’un
travail scientifique tient à la manière dont celui-ci a été élaboré et traité dans un cadre de
recherche donné. Ainsi, et bien que le thème de la folie ait déjà fait l’objet de plusieurs
réflexions dans plusieurs projets scientifiques universitaires (mémoires de master), notre
recherche se distingue des autres en ce sens qu’elle tend à montrer que le « fou », certes
considéré selon les codes sociaux comme un être dépourvu de raison, n’est pas aussi
irrationnel, inconséquent et socialement déséquilibré comme le pense la conscience populaire.
Elle permettra d’analyser l’esthétique de la folie grâce à une diversité de genres littéraires à
savoir : Le roman, la nouvelle, la pièce de théâtre et la poésie.
Sur le plan pédagogique, notre étude a pour but et ambition de susciter la curiosité des
apprenants, en les amenant à percevoir le côté positif, important et éducatif de l’esthétique de
la folie. Nous montrerons aux élèves que dans la littérature gabonaise, la folie apparait
souvent comme un mode de conservation de valeurs traditionnelles, de régénération de
l’humanité, et la voie d’une communication mystique avec le divin. Aussi, il est important de
changer le regard porté par la société en général et les élèves en particulier sur ceux que l’on
désigne vulgairement « fous ». Car, le fou est celui-là qui se libère du conformisme et se
donne la possibilité d’exprimer ses opinions en toutes circonstances.
Pour une bonne compréhension du sujet, notre travail s’organisera en trois parties.
Dans la première partie, nous aborderons le cadre théorique. Nous définirons les concepts
clés c’est-à-dire l’esthétique et la folie, avant de présenter de la folie dans la littérature. Dans
la seconde partie, nous présenterons la perception de la folie dans la littérature gabonaise en
mettant en exergue le thème de la folie abordé par les écrivains gabonais, et sa perception par
les auteurs de nos textes. La troisième partie sera consacrée à la transposition didactique dans
laquelle nous exploiterons les textes proposés au moyen de la lecture méthodique. Puis, faire
une synthèse comparative afin de présenter comment se manifeste la folie dans chaque texte.
Enfin, nous proposerons des travaux de dissertation et de commentaire composé, chacun suivi
d’une proposition de correction.
10
Sarah Perret,La pratique de la lecture méthodique,Paris, l’Harmattan, 2000, p.9.
3
1ère PARTIE :
CADRE THEORIQUE ET DEFINITIONNEL
1. L’esthétique.
En effet, l’esthétique est un mot d’origine grecque (aisthesis) qui signifie « beauté ou
sensation » ou plutôt la science de l’étude de la sensibilité (les sens). Cette déclinaison de
l’esthétique comme entreprise scientifique est d’ailleurs perceptibles chez Emmanuel Kant
dans la Critique de la raison pure11 de Kant. L’esthétique se voit alors pour traduire et définir
comme la philosophie de l’art ou « philosophie des beaux-arts, c’est-à-dire un ensemble de
caractéristiques constitutives de la notion du « beau »12. Aussi, dès le 18e siècle, et en se
fondant sur la distinction que Platon fait entre les données relevant du sensible (aisthêta) et du
rationnel (noêta), le philosophe allemand Alexander Gottlieb Baumgarten va introduire la
notion de l’esthétique (du latin aesthetica) dans le champ de la pensée philosophique et
littéraire au travers du premier volume de son ouvrage Aesthetica (1750). Le terme esthétique
prend alors une signification différente selon les courants de pensée et les disciplines au sein
desquelles le concept est étudié. L’évolution conceptuelle est constatée.
En philosophie par exemple, l’esthétique se veut dès lors non pas comme l’expression
de la beauté elle-même, mais le jugement qui y est fait en vue d’évaluer avec justesse la
beauté comme la laideur. C’est en ce sens qu’Emmanuel Kant perçoit l’esthétique dans une
approche critique du goût. Selon lui, le fait essentiel dans la réflexion qui est menée sur la
question de l’esthétique est la faculté dont dispose chaque individu à pouvoir se construire un
jugement face à une œuvre d’art, un objet ou un discours sur fond de ressentis personnels.
C’est au 19esiècle, que l’esthétique, aussi appelée « théorie des arts » fera davantage
parler d’elle dans le champ littéraire et philosophique français. L’idée étant qu’elle s’illustre
au travers d’une description des phénomènes artistiques mis en perspective avec les normes
d’évaluation et d’appréciation des représentations aux caractéristiques architecturales,
théâtrales, littéraires, musicales, sculpturale et picturale (1835).
11
Emmanuel Kant, La critique de la raison pure, Allemagne, PUF, 1781.
12
Charles Magloire Bernard, « Esthétique », Dictionnaire des sciences philosophiques, 1845.
4
A cela s’ajoute une autre déclinaison de l’esthétique, cette fois-ci en rapport avec
l’humain. L’individu est désormais apprécié comme un homme en faction de ce qu’il dégage
comme apparence: l’esthétisme. Aujourd’hui, parle-t-on de plus en plus de l’esthétisation
comme un processus de transformation en une réalité esthétique un phénomène, une situation,
une sculpture qui ne l’est pas au départ.
Dans son assertion la plus large, l’esthétique a pour objet la perception du beau soit à
partir des outils sensoriels, soit par une approche rationnelle (Platon). Elle se manifeste donc à
l’expression des émotions ressenties par celui ou celle qui s’adonne à contempler l’objet. Et
c’est dès lors, au sortir de cette expérience artistique que l’on se sent plus légitime voire plus
prompt à émettre un jugement critique, afin de dire si l’on a trouvé la présentation théâtrale
performante ou pas, si l’on a aimé la dernière exposition ou si l’on achètera ou pas le dernier
disque musicaletc. En témoigne le débat pour ne pas dire la problématique soulevée par
l’esthétique au sujet de la légitimité du concept de l’art dans son but à vouloir s’instituer en
normes et critères qui décréterait de ce qui est beau ou pas.
L’esthétique du moyen âge, reprend les principes du néoplatonisme qui souligne que
« l’essence du beau réside dans l’intelligible plus précisément dans l’idée. Pour les
5
néoplatoniciens, la beauté s’identifie à « l’unité » dont dépendent tous les êtres. Le beau est
ainsi de nature spirituelle (relié à l’âme) et sa contemplation est un guide pour approcher
l’intelligible. De ce fait, l’esthétique du Moyen-âge se rattache au modèle théologique du
christianisme.
En effet, on considère alors que dans la création artistique se distille une dignité
créatrice.13Comparable à la création divine. L’art est un moyen de transcendance vers
l’intelligible. A cet effet, l’église est considérée comme une préfiguration de la Jérusalem
céleste, la cité promise aux élus. Aucun des éléments architecturaux, liturgiques, décoratifs ou
iconographiques n’est gratuit. Tout est là pour manifester et célébrer la gloire divine donc la
lumière est le meilleur symbole. L’esthétique est dès cet instant traitée comme relevant de la
métaphysique et de la spiritualité.
13
La liturgie terrestre doit être l’image de la splendeur céleste. Les écrits de Suger comme source d’une
esthétique médiévale d’Andreas Speer in Suger en question : regards croisés sur Saint-Denis, sous la direction de
Rolf Grosse, éd. Oldenbourg, 2004.
6
Dans l’œuvre philosophique Hegelienne, l’esthétique se définit comme « une
philosophie de l’art, et le but de l’art est d’exprimer la vérité ».14De ce fait, l’art est une
objectivation de la conscience par laquelle elle se manifeste à elle-même. La réflexion sur
l’art est liée à la fin de l’art, au sens où cette fin est un dépassement de l’élément sensible vers
la pensée pure et libre. Pour Hegel, la plus mauvaise des productions de l’homme sera
toujours supérieure au plus beau des paysages, car l’œuvre d’art est le moyen privilégié par
lequel l’esprit humain se réalise.
Nietzsche pour sa part, place l’artiste en créateur de ses propres valeurs singulières,
proposées aux autres hommes pour stimuler leur « volonté de puissance », c’est-à-dire leur
force de vie et de joie. « L’art est un grand stimulant ». Ainsi, pense-t-il que la fonction de
l’art n’est pas de créer des œuvres d’art, mais « d’embellir la vie ». 15« L’essentiel, en art, est
la célébration, la bénédiction, la divination de l’existence ».
Les objectifs de l’esthétique sont abordés également par bon nombre de disciplines
des sciences humaines et sociales, enrichissant ainsi la recherche de nouvelles approches
théoriques et méthodologiques.
Sociologie esthétique.
14
Hegel, Leçons sur l’esthétique (1818-1829).
15
Nietzsche,La Naissance de la tragédie (1872) et Le cas Wagner (1888).
7
Dans le prolongement de l’histoire littéraire et philosophique du XIXe siècle, la
lecture sociologique de l’art s’est forcée à étudier les différentes forces collectives en présence
qui œuvrent à l’édification et à l’expression de l’art. A contrario de la conception idéaliste de
l’esthétique que nous propose la philosophie, une autre vision, cette fois-ci sociologique va
apparaitre sous une bannière marxiste car, mettant en évidence le contexte socio-économique
(bourgeoisie/prolétariat) des individus en parallèle de l’évolution et de la perception artistique
d’une œuvre d’art, la vision du fou n’est donc pas la même selon que l’on soit riche ou
pauvre. Ainsi, l’état de providence peut dès lors vous donner davantage de possibilités à ne
concevoir la société et tous ce qui l’entoure que sous une onde positive (tous va bien). Tandis
que la situation de précarité vous met dans une situation psychologique sombre où vous
n’appréhendez les choses que dans leurs dimensions obscures et négatives. Le bourgeois voit
le beau partout et le pauvre la laideur.
La psychologie de l’art.
En somme, la réflexion contemporaine porte son attention sur les médiations tant
internes de l’œuvre qu’externes à celle-ci, revêtant ou non un caractère nécessaire, impliqué
dans l’appréciation esthétique. C’est ainsi, que les théoriciens de l’esthétique se donnent pour
objet la saisie des médiations en termes relationnels et descriptifs plutôt qu’évaluatif par
opposition donc à la compréhension du beau comme l’expression directe de l’idée de valeur
accordée à l’objet.
16
Freud, « DasInteresse an der Psychoanalyse » dans GesammelteWerke, cité dans L’enfance de l’art, trad.
Kofman, 1970, t.8, p.417.
8
1.2 La Folie
« Toujours et partout il y eut des fous, et partout et toujours une réponse morale,
sociale, médicale, pénale y fut donnée ». 17 Le concept de la folie revêt un sens plurivoque et
dépend du domaine dans lequel on l’utilise, de la culture, de l’époque, mais surtout du cadre
spatial dans lequel s’exprime cette folie.
La folie est, de ce fait par définition, une transgression de la raison. Selon le site le
Dictionnaire,18la folie désigne la perte de la raison, la déraison (par opposition à la sagesse)
ou la violation des normes sociales. Mais, on parlera aussi de folie dans le cas d’une attitude
marginale et déviante, d’une forte passion, d’une lubie, d’une dépense d’argent immodérée,
d’une démesure ou bien d’une impulsion soudaine. La folie désigne donc, pour une société
donnée, des comportements qualifiés d’anormaux. Ainsi, La folie est un caractère de la
différence. Et comme le décrit Michel Foucault dans son livre, Histoire de la folie à l’âge
classique,19 les fous seront internés aux cotés des oisifs, des délinquants et des marginaux
dans des centres qui visent à les isoler.
De ce fait, la folie n’est pas toujours abordée de la même manière selon les époques.
En effet, la représentation de la folie a été très marquée dans les œuvres d’art lors de la
période médiévale. A cette époque moyenâgeuse, c’est sous une posture obscure attraite aux
forces que la question du fou est abordée. Le champ religieux s’empare alors de cette
thématique au point d’en faire un sujet phare. Les phénomènes naturels tels la pluie, le vent,
la chaleur ou le froid sont considérés comme la conséquence d’une colère qui serait divine.
De même pour le comportement dit« anormal » du malade mental sera décrypté sous un angle
métaphysique (la présence de mauvais esprits, de forces maléfiques).
Pour les Hébreux, c’est un seul dieu qui régit la santé et la maladie. « C’est moi qui
fait mourir et qui fait vivre, quand j’ai frappé, c’est moi qui rend la santé. »20. La maladie est
alors destinée à punir l’homme de ces péchés et la guérison est un attribut de la
divinité « Yahvé te frappera de délire, d’aveuglement et d’égarement des sens ». Il est
question ici d’une idée selon laquelle la folie serait de l’ordre de la punition émanant de la
divinité. Nulle référence à une possible cause naturelle n’est admise dans le champ religieux.
L’homme est fou parce que c’est dieu qui l’en a voulu.
17
Claude Quétel, Google Books 2009.
18
SiteLe Dictionnaire,consulté le 23 novembre 2018.
19
Michel FOUCAULT,Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Gallimard, 1972.
20
La Sainte Bible, Deutéronome 28 :28
9
Après la signature de l’Edit de Nantes, la plupart des droits fondamentaux (la liberté
de conscience, de culte, et la liberté d’expression..) sont proclamés. La société est plus libre,
et pour ce faire, l’église n’est donc plus la seule instance à diagnostiquer les maux inhérents
de la société, notamment pour ce qui est de la déclaration voire de l’expertise de la
psychologie des individus : La « folie » perd de facto le qualificatif de maladie du péché. Des
observations plus rationnelles s’expriment pour évoquer la problématique en parlant d’un
disfonctionnement du dispositif psychique de l’homme. Dès lors, on ne cherche plus
seulement à lutter contre la pauvreté, l’heure de l’assainissement pays est arrivée. Tous les
indésirables, tous ceux et celles qui porte un fort handicap et qui constituent un poids pour la
société (mendiants, vagabonds, criminels, vénériens, pestiférés, etc.) sont marginalisés et
internés. Or, c’est au XVIIIe siècle que les fous se font le plus rejetés. A cette époque, la
raison scientifique progresse, et les fous apparaissent comme des opposants à cette nouvelle
façon de considérer le monde. La folie est réellement vue comme l’absolu contraire de la
raison.
Par ailleurs, il faut se demander ce qu’est la raison, pour comprendre en quoi la folie
s’y oppose. La raison, selon Michel Foucault, est principalement « une norme sociale, c’est en
réalité un synonyme de conformité. La folie n’étant pas conforme, elle n’entre pas dans les
standards conformistes de la société ». Les fous, puisque non normatifs sont exclus du
paysage social.
Ensuite, l’idée d’assimiler la folie à une maladie mentale est apparue avec la naissance
de la psychiatrie au XIXe siècle. Le fou et la folie deviennent un objet d’étude psychiatrique.
On aborde alors plus en détail l’aspect médical de la folie. Toutefois, bien qu’internés, les
fous vont connaitre une lueur d’espoir avec l’apport de la psychiatrie qui s’efforce de les
traiter non comme des personnes à part entière mais comme n’importe quel citoyen. A force
de tenter d’analyser la folie, et grâce au progrès de la psychiatrie à travers les époques, nous
comprenons qu’il existait différentes formes de folie, et donc différents types de fous. De nos
jours, la folie est appelée ‘’maladie mentale’’. De ce fait, il existe toujours aujourd’hui des
personnes considérées comme des aliénées. Celles-ci sont saintes d’esprit, et bien qu’elles ne
soient pas mentalement équilibrées, elles donnent toujours du sens à leur propos. En
opposition, il existe des personnes qui ne connaissent jamais de situations, certes
momentanées de quiétude, elles sont constamment plongées dans l’aliénation la plus absolue,
et semblent dépourvues à jamais de raison.
10
Le monde moderne connait également une nouvelle forme de folie. Effectivement, les
hommes sont soumis à une impressionnante pression psychologique, et ils ne sont parfois plus
capables d’assumer ce stress. Par exemple, certaines personnes, auparavant déjà assujetties à
des crises de colère, ‘’explosent’’ face à un évènement déclencheur, et agissent de manière
incohérente. Nous pouvons donc penser que chacun d’entre nous, dans cette nouvelle société
consumériste et de compétitif, pourra vivre ce moment d’extrême tension et d’inconséquence
que l’on va malencontreusement qualifier de moment de folie. Mais, ce type de folie diffère
complètement des autres cas déjà vus, puisqu’elle apparait moins grave, et non permanente. Il
est donc évident que le terme de ‘’folie’’ regorge une pluralité de définitions. D’où sa
complexité en ce qui concerne toute analyse critique.
Bien que l’esthétique soit d’essence philosophique, et que sa visée première soit
l’étude de la sensibilité artistique et de la notion du beau, il n’en demeure pas moins qu’elle a
fini par intégrer d’autres champs de pensés outre celle de départ. C’est d’ailleurs dans ce sens
qu’elle va apparaitre dans la littérature et ce, dans le but de donner à voir, à lire les
représentations littéraires sous le prisme du beau. A travers le thème de la folie, de nombreux
écrivains vont se mettre à questionner leurs sociétés respectives. Au travers des publications
empruntes de réalisme, c’est une référence toute faite de la société de référence qui est ici
établie. L’objectif étant le même : Montrer que le fou peut être dans certains cas, le miroir, la
vision ou l’illustration d’une société active donnée en l’occurrence africaines et par ricochet
gabonaise. En témoigne la mission à laquelle nous avons été assignées dans le cadre de cette
étude et qui se voulait un moyen d’observation de nos réalités sociétales par le canal du
parcours des fous.
11
CHAPITRE 2 : La folie dans la littérature.
La folie, a de tout temps été un sujet abordé en littérature. Depuis l’antiquité, puis au
fil des siècles, ce thème a en effet été traité de diverses manières. De ce fait, depuis longtemps
la littérature et la folie exercent l’une sur l’autre un pouvoir d’attraction, tantôt source
d’inspiration pour certains auteurs, tantôt principe de création comme chez les surréalistes. La
folie est donc un lieu que la littérature et le discours ont su rapidement habiter.
Par ailleurs, la folie dans la littérature revêt diverses formes. Des formes que nous
avons classé en deux (02) grands groupes dont le premier que nous appellerons le groupe des
folies ordinaires et le second qui est celui de la folie, comme maladie mentale que nous
tenterons d’illustrer tout au long de ce chapitre.
Dans ce groupe il est question de mettre en évidence les différents types de folies qui
ne renvoient pas de prime abord à la maladie mais qui renvoient plus à un état d’âme ou à un
caractère ne présentant aucun danger évident pour autrui. Nous retrouvons au sein de cette
catégorie quatre (04) types de folie que nous présenterons tour à tour.
La folie masquée.
La folie s’est bien souvent manifestée sur la place publique ou dans des cercles plus
restreints sans que la personne soit réellement folle. Cette manifestation de la folie est celle du
bouffon et des acteurs des fêtes des fous, c’est-à-dire la folie ludique. Si les bouffons ont
disparu à partir du XVIIe siècle, il est intéressant de voir que les écrivains n’ont pas hésité à
en créer dans leurs œuvres. De ce fait, le thème de la folie est abordé dans la pièce théâtrale de
Shakespeare Le Roi Lear21, pièce dans laquelle il se livre dans une étude complète sur la folie.
Nous y retrouvons la folie cultivée par le bouffon, la folie feinte d’Edgard Tom, et la folie
désespérée de Lear. Pour Shakespeare, la folie artificielle du bouffon n’est rien d’autre que le
masque de la sagesse. En effet, le bouffon n’est pas là que pour faire rire, mais aussi pour
faire prendre conscience de la folie du monde. Le fou apparait comme un être double, c’est
l’autre face du Roi Lear. Il le tutoie, lui parle familièrement. Son langage est à double entente.
Tantôt il incarne le bon sens, la sagesse populaire et l’enfance, tantôt il donne à voir un
21
Shakespeare, Le Roi Lear,Paris, Flammarion.
12
monde à l’envers : le fou est sensé et dit la vérité, alors que le Roi a perdu la raison et le sens
commun. La folie est donc la sagesse et le Fou est le miroir de la folie collective.
De même que le théâtre est un art qui simule la vie en sollicitant aussi bien les
référents culturels que les caractères individuels et collectifs, la folie masquée abordée par
Shakespeare est manifeste dans la pièce de théâtre L’enfant de Frica22 de Ouaga Ballé Danai.
La métamorphose de Ganda sous l’apparence d’un fou réclamant la paternité de l’enfant met à
nu, la chefferie, la prise de pouvoir dans cette pièce. En effet, l’arrivée imminente du messie,
futur roi de Frica causera des troubles sociaux politiques mais aussi la confusion dans la
mémoire collective. Cet enfant dont tout le monde réclame la paternité même d’une union
contre nature. Au dire du devin, l’enfant portera un signe distinctif sur le visage, d’où la
particularité symbolique de ce corps. A la suite de la prédiction du devin, le sentiment de
haine et de jalousie que nourrissait Makili envers son frère ainé Ganda, le poussa à le tuer.
Ainsi, à travers le dédoublement du personnage Ganda en celui du fou, le dramaturge montre
dans cette pièce comment la succession au pouvoir passionne l’esprit, elle conduit à un
désordre créant ainsi, un bouleversement social de grande envergure pouvant créer le chaos.
La folie de l’argent.
Dans son œuvre théâtrale L’Avare,23 Molière met en scène la folie liée à l’avarice.
Harpagon est un vieil avare tyrannique qui n’a cessé d’accroitre sa fortune et qui vit avec la
peur qu’on la lui vole. Tout au long de la pièce, Molière donne à voir un personnage pris dans
l’engrenage de son avarice obsessionnelle lui conférant un aspect mécanique. Apres s’être
aperçu du vol de sa casette, Harpagon entre en scène comme un fou en transe et se lance dans
un monologue, s’adressant tantôt à son argent, tantôt au public. Dans cette scène, la folie
d’Harpagon se traduit par l’agitation du personnage c’est à dire l’affolement, la lamentation,
et le dédoublement de sa personnalité. Le vol est devenu un assassinat. La commotion du
larcin a libéré les pulsions meurtrières d’Harpagon. Molière dans cette pièce cherche à
corriger le vice par le rire.
22
DanaiOuaga Ballé, L’enfant de Frica, Théâtre Sud, 1998.
23
Molière, L’avare, Collection GF, 2009, Acte IV, scène7, P.87.
13
La folie des grandeurs ou mégalomanie.
Alfred de Musset pour sa part nous livre la folie des grandeurs, ou mégalomanie dans
la littérature au travers de sa pièceLorenzaccio.24 En effet, dans ce type de folie, le fou est
celui qui surestime ses capacités et qui a un désir immodéré de puissance ou un amour
exclusif de soi. En 1857, le duc Alexandre de Médicis règne en tyransur Florence,ville
Italienne en pleine décadence. Pour délivrer Florence sa patrie, Lorenzo s’est fait le
compagnon de Débauche du tyran Alexandre de Médicis. Epris d’idéal et de liberté, son
cousin, le jeune Lorenzo, décide de l’assassiner.Dans cette pièce, Alfred de Musset présente la
personnalité complexe de Lorenzo.Il dévoile un sentiment d’incompréhension et de
grandiloquence orgueilleuse.Considéré comme le proxénète du Tyran, Lorenzo entend
dévoiler aux hommes sa véritable nature.Musset laisse transparaitre toute la mégalomanie de
Lorenzo. Il se compare à un personnage ayant commis un assassinat, il se pose en juge au-
dessus des autres, il méprise ses semblables, il affirme sa différence et sa supériorité.De ce
fait, Lorenzo désire que les gens se souviennent de lui. Il revendique la singularité
etl’héroïsme. Il veut inscrire son nom dans l’histoire. Alfred de Musset dans cette pièce de
théâtre, montre l’emprise du vice sur quiconque s’en approche et s’en donne le masque.
Par ailleurs, cette mégalomanie se déploie également dans le roman d’Henri Lopes :
Le pleurer-rire25. En effet, cette œuvre traite de la mauvaise gestion du pouvoir par les
dictateurs africains.Centré sur le personnage Bwakamabé Na Sakkadé, ancien combattant
devenu président de la République à la faveur d’un coup d’Etat, exerce un pouvoir illimité et
se préoccupe peu de la « chose publique ». A travers cet oxymore qu’est le pleurer-rire, Henri
Lopes évoque le bon et le mauvais, l’envers et l’endroit d’une époque donnée. Il dénonce les
systèmes des parties uniques en raillant la confiscation du pouvoir par une élite nationale,
incompétente et corrompue. C’est dans ce contexte de malaise social que surgit le « Pleurer-
rire ».
La folie amoureuse.
Jean RACINE dans son œuvre théâtrale Phèdre,26nous livre la folie amoureuse dans la
littérature. En effet, dans ce type de folie, le fou est celui qui s’égare dans la passion
amoureuse. Les expressions populaires « aimer comme un fou », « aimé à perdre la raison »,
24
Alfred de Musset, Lorenzaccio, Acte III, scène3, p .71-72.
25
Henry Lopes, Le Pleurer-rire, Paris, présence africaine, 1982.
26
Jean RACINE, Phèdre1er janvier Paris, 1677.
14
« être fou d’amour », « aimer à la folie », ont toujours établi un lien entre amour et folie. La
folie amoureuse est le trouble de l’esprit frappant l’amoureux qui aime avec démesure. Le fou
est possédé par une personne ou plutôt par l’idée de la posséder. Ses pensées sont sans cesse
tournées vers elle et il n’a pas de repos tant que son désir n’est pas assouvi. L’amoureux perd
alors le contrôle de soi. Cela est perceptible au travers du personnage de Phèdre qui éprouve
une passion démesurée, noire et destructrice pour Hyppolyte, son beau-fils. Pour échapper à
son amour, elle s’est montrée cruelle envers lui en le bannissant du royaume, afin qu’il ne se
doute pas de ce qu’elle éprouve pour lui. Mais, croyant son époux mort, elle se laisse à avouer
à Hyppolyte la passion coupable qu’elle éprouve pour lui. L’aveu à Hyppolyte de son amour
coupable donne à voir les ravages d’une passion aliénante qui la détruit, à la manière d’une
maladie. L’amour est ici associé à la fureur, c’est-à-dire à une sorte de folie, de violence
déchainée.
Ce cas de folie est une véritable pathologie, qui retranche le fou dans l’imprenable et
dérisoire forteresse de son délire. Dans la littérature on rencontre différents types d’aliénations
mentales : Le délire drôle et ridicule (folie douce), le délire violent (folie furieuse) qui peut
conduire au suicide ou au meurtre (folie criminelle).
La folie douce.
Dans ce type de folie, il s’agit le plus souvent d’un délire drôle et ridicule, jouant sur
l’image du fou-bouffon qui amuse ceux qui daignent le regarder. Il s’agit des fous charmants
et inoffensifs qui bénéficient de l’empathie du narrateur, des autres personnages, et le plus
souvent de l’auteur. De ce fait, nous retrouvons cette folie douce avec Lewiss Carroll dans
Alice aupays des merveilles.27. Conte ou l’héroïne vit des aventures plus étonnantes les unes
que les autres dans un monde irréel, partagé entre une absurdité, et une folie plus ou moins
douce et de déraison.
La folie douce d’Alice au pays des merveilles est renforcée par l’excentricité des
personnages : le lapin, le chapelier fou, le lièvre de Mars et surtout le chat de Cheshire. Celui-
ci incarne la folie non seulement à travers son langage incompréhensible et ses gestes
loufoques, mais aussi grâce à son mode d’apparition et de disparition. « Tout le monde est fou
ici.Je suis fou,vous êtes folle », affirme-t-il à Alice en lui expliquant la folie de ce pays. Dans
27
Lewiss Carroll, Livre de Poche Jeunesse, 20 aout 2014, P 34-36.
15
ce monde insolite, il n’existe aucune indication de temps ; il y’a une mutation des espaces, on
assiste aux transformations physiques d’Alice et des objets.En fait, on peut interpréter les
aventures d’Alice comme relevant d’un délire psychotique, car on y trouve : un véritable
conflit entre l’inconscient et la réalité, l’incapacité de différencier le réel et le délire c’est-à-
dire, incursion d’objet de la réalité dans le rêve.De même, cette folie douce est perceptible
dans Fragments28d’AyiKwei Armah. Dans cette œuvre, le héros Baakon’est pas considéré
comme un fou véritable, mais il sombre quand même dans la folie douce. Sa dépression
nerveuse est provoquée par ses difficultés croissantes pour s’intégrer dans la société
ghanéenne contemporaine.Son non-conformisme le fait passer pour fou aux yeux des autres
personnages du roman. Baaka, le héros de Fragmentsérige son expérience de l’égoïsme et la
vanité des hommes.Son esprit désabusé élabore ainsi une théorie complexe de
l’arrivisme,qu’il décrit comme un vaste processus d’exploitation de la foule par les prétendus
élites.
La folie furieuse.
La folie criminelle.
16
2ème PARTIE :
LA PERCEPTION DE LA FOLIE DANS LA LITERATURE GABONAISE
Dans les œuvres littéraires, les personnages sont des êtres imaginaires et jouent un rôle
essentiel dans le récit. Ils ont des caractères tellement marqué, voire caricaturaux, comme
l’avarice d’Harpagon, la folie d’amour de Phèdre ou la folie masquée de Nganda. La folie
dans la littérature occidentale et africaine a toujours eu un mobile et revêt diverses formes
dans une société donnée. La littérature gabonaise n’en déroge pas à la règle lorsqu’elle évoque
le thème de la folie dans ces récits. En effet, le thème de la folie est fréquent dans les œuvres
de fiction gabonaise. L’analyse de la folie dans la littérature gabonaise nous mène à mettre en
lumière le sens de ce thème chez les écrivains gabonais. Cette dernière attire notre attention
sur les personnages dits ‘’fous’’ que nous rencontrons dans leurs œuvres littéraires. C’est ainsi
que l’examen de ce personnage type nous aidera à mieux comprendre les différentes
motivations qui poussent le sujet à dénoncer, à dire, à parler plus haut que les autres, au point
d’en faire un être hors de la norme sociale.
La folie dans la littérature gabonaise est l’expression d’un mal, des vibrations qui
parcourent la société. Le fou rencontré dans la littérature gabonaise n’est pas un personnage
négatif, enchainé dans un asile, et sous traitement. Il s’agit plutôt d’un fou positivé. Jean
Divassa Nyama, écrivain gabonais laisse paraitre dans son œuvre La vocation de Dignité le
côté positif de la folie. En effet, le personnage de Mouissou est très représentatif de la folie
dans cette œuvre. Il est qualifié de fou au sens pathologique du terme, car celui-ci présente
des signes de troubles mentaux. Sa particularité dans le roman est qu’en dépit de sa déviance,
il énonce des paroles sensées, positives. Mouissou est un diseur de vérités, ses vérités
bousculent tous ceux qui l’écoutent. C’est d’ailleurs le cas lors de l’inauguration de Banio où
il a retrouvé la mémoire quelques instants : « Il y’a trois choses : la route, le pont et le port,
pour un bon désenclavement du coin, mais ne dites pas que c’est moi qui vous l’ai
17
dit ».30Mouissou est informé de tout ce qui se passe dans son environnement. C’est le cas
lorsqu’il rencontre Mandoukou et raconte toutes les infractions qu’il commettait quand il était
encore en service dans l’administration publique : « Je le connais ! Il fait la pluie et le beau
temps dans son service. Il est corrompu ».31 Ce dernier reconnait sa culpabilité intérieurement
car il est ému par la dénonciation de Mouissou. Certes Mouissou est un fou, mais les paroles
qu’il prononce sont sensées et positives, même si elles sortent de la norme communément
admise. Ce dernier professe des vérités qui dérangent. Sa déviance et sa marginalité sont
sacrées car, il est plus un symbole qu’un malade mental. De plus, Dignité est un autre
personnage que Jean Divassa Nyama utilise dans son œuvre, qui bouscule l’ordre établi et qui
prend les allures d’une folle. De ce fait, elle est la fille de Moussavou et la petite fille de
l’Oncle Mâ. Représentant l’espoir de son clan et de sa famille, elle décide de devenir
religieuse. Or, nous savons que dans la tribu, la femme est un espoir car, elle est source de la
continuation de la lignée familiale et tribale.
Par ailleurs, la folie de Dignité se manifeste à travers la sagesse, l’amour, l’espoir dans
la tradition. Sa folie est positive. Malgré les mauvaises interprétations de sa mère, qui voit
dans le choix de sa fille l’effondrement de toutes ses espérances : « (…) Elle peut trouver un
mari digne et respectable : une personne gentille respectueuse. Elle a fait l’école, elle est
instruite, pourquoi ne pas lui demander de tenter sa chance ? (…) oui, mais elle ne fera pas
d’enfant »32 ! L’attitude de Dignité montre qu’elle décide de faire preuve de sagesse. Au lieu
d’adopter une attitude désinvolte, elle prône la sagesse. Elle amène ses parents à respecter et à
accepter sa décision et son choix.
Pendant que Jean Divassa Nyama évoque la folie dans son œuvre La vocation de Dignité
comme une folie positive, Janis Otsiemi l’aborde à travers une quête identitaire dans son
roman Tous les chemins mènent à l’autre33.En effet, dans un hôpital de Libreville, la capitale
gabonaise, Loye est un jeune accidenté qui sort du coma après un accident de la route. Sauvé
grâce à la transplantation d’un rein, il revient dans sa famille à la recherche de sa nouvelle
identité. Janis Otsiemi aborde la folie à travers la question de l’altérité dans la société. Il pose
la question de l’identité, et donc de l’altérité au sein de la société. De ce fait, Janis Otsiemi
30
Jean Divassa Nyama, La vocation de Dignité, Libreville, Editions Ndzé, 1997, p 20.
31
Ibidem, p-123.
32
Jean DivassaNyama, Op cité p 106.
33
Janis Otsiemi,Tous les chemins mènent à l’autre, Paris , Editions Ndzé, 1985.
18
illustre dans son œuvre que l’on ne peut vivre sans identité. L’identité se construit par la
confrontation à l’autre. Nous devons accepter les autres avec leurs différences.
En outre, la thématique de la folie sert aux écrivains à peindre, sinon à faire le procès
d’une société au sein de laquelle ce phénomène social, en l’occurrence la folie est partie
intégrante des différentes forces vives qui participent au dynamisme de ladite société. Les
écrivains gabonais pour leur part, attribuent à la folie une fonction positive et donc peu
commode à l’idée conventionnelle qui est faite de cette notion. Ainsi, se veut-elle le refuge
des âmes d’élite. Elle signifie de la part des insensés, le refus de toutes les valeurs négatives
du monde contemporain. Que la folie soit réelle ou feinte, qu’elle revête la forme d’un délire
ou d’une excentricité, elle figure dans la littérature gabonaise comme signe, marquant
l’intention des auteurs de communiquer, à travers cette symbolique d’un certain trait
caractériel de l’être humain.
19
CHAPITRE 2 : La perception de la folie selon les auteurs de nos textes.
La folie est un thème qui parcourt l’œuvre littéraire de Ferdinand Allogho Oke,
Laurent Owondo, Justine Mintsa et Lucie Mba. Phénomène sociologique dans la société
gabonaise, la folie est abordées par ces auteurs à travers la mise en scène des personnages dits
« fous ». En effet, lorsqu’un fou apparait c’est pour livrer un message, dénoncer un fait,
annoncer une situation avenir. Il est parfois considéré comme un individu porteur d’un
message subliminal : un diseur de vérité. Ce sont ces aspects que nous essayerons d’illustrer
dans les points suivant.
A ce sujet, le fou dans Bourrasque sur Mitzic est traité par Ferdinand Allogho Oke
comme un révélé, c’est-à-dire un annonciateur d’évènements futurs capables de bouleverser la
vie des gens. A l’image des personnages bibliques tels Jérémie 34 et Jean Baptiste35 qui
énonçaient des faits et actes prémonitoires, le fou à son tour se permet également à certains
moments et circonstances d’en faire autant. Le fou de Bourrasque sur Mitzic peut aussi être
considéré comme un prophète. Car, il est annonciateur d’un évènement qui surviendra dans la
ville de Mitzic. En effet, la vieille Mama Tamar, sur invitation de son fils, décide de quitter
son village pour se rendre à Mitzic. A son arrivée, elle fait la rencontre du fou. Malgré son
allure de paria, il lui annonce un fait : « Oh, vieille femme aux jambes de touques de pétrole,
où vas-tu ? Retourne manger tes feuilles de manioc dans ton paisible village…Aujourd’hui, le
soleil sera en deuil et la ville en haillon »36.Mais comme l’homme qui était devant elle
présentait une allure vestimentaire de paria, son message sera pris de travers car, dénué de
tous sens selon son interlocuteur.. Toutefois, la prophétie du fou s’accomplira au grand dam
de Mama Tamar.
La folie apparait chez Ferdinand Allogho Oke comme l’expression d’un humanisme.
L’humaniste est un être qui se met à la disposition de son entourage au travers d’une attitude
sur fond de charité et de bienveillance. Dans le cadre de notre travail, l’humaniste va être
34
Jérémie était un prophète de l’ancien temps, dans l’ancien testament de la Bible.
35
Jean le baptiste était le cousin de Jésus. Il annonçait et préparait le chemin de ce dernier en exhortant les
hommes à changer de cœur, afin de mieux accueillir le Messie.
36
Ferdinand AlloghoOke, op cit, p 144.
20
défini comme un être qui se bat pour l’amélioration des conditions de vie de la société. C’est
une folie soucieuse, car, elle avertit les sujets à prendre des dispositions afin de se protéger de
la catastrophe qui peut survenir. De ce fait, le personnage du fou démontre sa générosité à
Mama Tamar à travers ses paroles annonciatrices. Il se préoccupe du devenir de la population
de Mitzic si bien qu’il alerte la première personne qu’il rencontre, Mama Tamar.
D’un autre côté, dans son recueil de poésie intitulé « Patrimoine »,37 Lucie Mba fait
apparaitre la folie comme l’expression d’un nouvel humanisme. Il est question ici de l’éveille
d’une sorte d’identité nationale. Il apparait comme un moi social et se veut conservateur de
l’héritage. De ce fait, la poétesse manifeste un intérêt particulier pour les laissés-pour-compte,
les marginaux et toutes les personnes qui, comme des fantômes déambulent dans les rues de
Libreville à la recherche d’une destination inconnue. En effet, « Démence » est un hommage à
ces êtres déchus, sans attache ni raison. Dans cette poésie, Lucie Mba décrit l’itinéraire de ces
fous errants qui sillonnent à longueur de journée, les artères de la capitale gabonaise. Le
phénomène est devenu tellement coutumier que plus personne ne s’en émeut, au regard de
l’indifférence criarde qui caractérise notre société.« Brisure » quant à lui, est une description
sociologique du quotidien gabonais. Un quotidien où se côtoient richesse et pauvreté,
bidonvilles et résidence sans pour autant se rencontrer. En effet, « Brisure »traduit cette
cassure sociale, cette rupture de liens entre les nantis et les nécessiteux. C’est aussi une
interpellation pour une prise de conscience et de solidarité.« Brisure »lance un appel
d’humanisme, un soupir profond, émouvant et poignant pour éveiller les consciences de
chacun.
21
car, ils ne verront pas le jour. Lucie Mba, à travers ce recueil de poème tripartite, perçoit la
folie comme un nouvel humanisme. Elle interpelle ces concitoyens à plus de sensibilité, de
bonté de d’altruisme. Tout en faisant parler les sans – voix, les SDF, et bien d’autres déchus
de la société, elle porte un regard critique sur la gouvernance politique, le fonctionnement de
la société.
Au-delà de Lucie Mba qui perçoit la folie comme une forme d’humanisme, le
dramaturge Laurent Owondo pour sa part l’évoque comme l’expression de la liberté dans son
œuvre. En effet, dans La folle du gouverneur38, qui est une pièce théâtrale constituée de neuf
scènes, la folle du gouverneur raconte l’histoire de trois femmes qui accomplissent un rituel
d’appel afin de permettre à Tchémoyo d’enfanter. Celle-ci est la réincarnation d’une veuve
qui assassine un gouverneur colonial nommé Desenclos. Les faits se déroulent sous le regard
d’un enfant qui a assisté à la scène sans être vu. Quelque temps plus tard, cet enfant qui a
grandi et muri accède au pouvoir. Séduit et fasciné par la veuve meurtrière dont il veut
arracher le collier magique, il espère, avec l’aide d’un marabout, avoir un enfant d’elle. Mais
Bomongo ne parviendra pas à ses fins, il sera assassiné par son serviteur-féticheur.
A travers cette pièce, l’auteur développe deux facettes de l’Afrique qu’il personnifie.
D’une part, l’Afrique coloniale qu’incarne la veuve Desenclos, et de l’autre, une Afrique
vivifiée et dynamique symbolisée par Tchémoyo qui, souhaite plus de liberté au point de
vouloir à tout prix rompre avec ce qui semble à ses yeux reflétés une perte de repères, une
sorte d’inconstance incarnée par la folie. Personnage aux multiples facettes, Tchémoyo
incarne plusieurs valeurs dont l’une est de défendre la souveraineté du continent africain et de
promouvoir sonauto-détermination, tout en luttant contre les dirigeants despotes. Tchémoyo
est le nom qu’elle porte et qui est le symbole d’une Afrique renaissante enracinée dans les
valeurs sûres : la liberté et la démocratie. La révolte dont elle fait preuve dans la pièce est une
image utilisée par le dramaturge pour montrer que le peuple doit refuser d’être la proie à une
quelconque forme de marginalisation.
Justine Mintsa pour sa part, dans son œuvre un « seul tournant Makôsu »39donne à lire
la folie comme une passion. En effet, John, professeur éminent à l’université de Makôsu va
38
Laurent Owondo, La Folle du gouverneur, Promotion Théâtre, Octobre 1990.
39
Justine Mintsa, Un seul tournant Makôsu, La pensée universelle, Paris, 1994,190 p.
22
engager des travaux pour la construction d’une borne fontaine publique devant permettre aux
populations de pouvoir se procurer de l’eau potable. Au départ, cette initiative sera boycottée
par les populations de Ngarami, mais celles-ci vont vite se rentre à l’évidence du caractère
vital de ce projet, et vont donc décider de venir participer à l’édification de cette œuvre dont
elles étaient elles-mêmes les premières bénéficiaires. Ici, le narrateur fait l’analyse du
jugement que porte souvent autrui. Les apparences sont trompeuses et conduisent souvent à la
marginalisation de certains dans la société. Et alors que certaines de ces idées étaient souvent
traitées de farfelues par les habitants de Ngarami, le narrateur laisse à voir que, même les
personnes que l’on traite de ‘’fous’’ sont capables de porter des actes nobles et constructifs
pour l’épanouissement de la communauté. Et c’est le cas de John qui, au travers de la passion
qui l’animait a ménagé un effort considérable pour aider les siens, c’est-à-dire les populations
de Ngarami. L’identification des fous dans notre corpus nous amène au constat selon lequel, il
existe deux catégories de fou dans la littérature gabonaise. Nous avons d’une part, ceux qui
présentent des signes pathologiques, et d’autre part, ceux-là même dont le comportement reste
problématique mais pour des raisons autres que la démence. Dans « la vocation de Dignité »
et « Bourrasque sur Mitzic », il apparait de fous cliniques manifestant des troubles mentaux et
qui disent des vérités qui dérangent.
Par ailleurs, la folie peut être interprétée dans toutes les œuvres étudiées de notre
corpus comme une revendication d’humanité, comme l’affirmation d’une volonté d’être
réintégré dans la famille humaine. Le fou est considéré comme un individu qui, à travers ses
gestes et ses paroles peut être porteur d’un message que les personnages ‘’normaux’’ et
‘’sensés’’ sont invités à décrypter éventuellement pour leur bien.
D’une manière générale, la folie dans la littérature gabonaise, a pour but de remettre
en question la société afin de pouvoir la reconstruire. Dans cette même littérature, la folie
peut se lire comme une esthétique littéraire. Nous constatons qu’elle est essentiellement
envisagée comme l’ultime refuge des valeurs humaines non admises par la société. Sa mise en
scène par Ferdinand Allogho Oke, Lucie MBA, Laurent Owondo et Justine Mintsa vise à
questionner la société et à la revisiter dans tous ses compartiments. Elle est considérée comme
une expérience positive pour l’individu de sortir des conflits sociaux, du conformisme, de la
norme pour retrouver son authenticité.
Ainsi, la folie littéraire, c’est-à-dire celle représentée d’un point de vue fictionnel est
une allégorie symbolisante de la société gabonaise contemporaine.
23
3ème PARTIE :
APPLICATION PEDAGOGIQUE
Séance 1
Etude du texte 1 : « La nostalgie ».
« En arrivant à Mitzic, Mama Tamar présentait avec regret, le lieu où elle rencontra pour la
première fois son amant Camara Guèye, soldat à Mitzic sous l’administration du lieutenant
Leremberg ».
La ville s’étendait devant elle, magnifique et pleine de souvenirs « Quand Mitzic était
Mitzic, quand les jeunes soldats noirs et blancs par douzaines tombaient amoureux de mes
tatouages, la vie était la vie… », disait- elle avec nostalgie. Une estafette de la boulangerie
Coulon » passa à vive allure et l’engloutit dans un épais nuage de poussière. A quelques pas
d’elle, un fou à la musculature de gorille, la poitrine chargée de médailles et de capsules de
bière, les doigts striés de bagues venait, étreignant une vieille cithare tricorde.
« Oh, vieille femme aux jambes de touques de pétrole, où vas- tu ? Retourne manger tes
feuilles de manioc dans ton paisible village…Aujourd’hui, le soleil sera en deuil et la ville en
haillons…Cela est réel comme trois fois six, onze ! », disait le dément tout en choisissant dans
la rue parsemée de gravier les bonnes places où poser ses pieds gonflés de chiques.
« Drôles de gens ! Si les femmes pouvaient d’avance savoir la destinée de leurs enfants, à
l’heure de l’accouchement, elles feraient tout pour… pour », fit Mama Tamar, le regard rivé
sur le forcené dévalant gaiement le mamelon, jonglant avec un bâton de manioc.
Ferdinand AlloghoOke, Bourrasque sur Mitzic, Paris, L’Harmattan, 1985, pp. 144-145.
24
Discipline :Français.
Niveau :Seconde.
Durée : 50mn
Objectif général : Amener les élèves à étudier l’esthétique de la folie dans la littérature
gabonaise.
Déroulement de la leçon
1- Visualisation du texte.
Les informations que nous propose le para texte de notre support textuel sont d’une grande
utilité en ce sens qu’elles détiennent des détails référentiels souvent indispensables à la
compréhension de l’histoire narrée et à la connaissance de l’identité de l’ouvrage d’où a été
extrait le texte, mais aussi, celle de l’auteur dudit texte. Ainsi, il nous enseigne en nous
donnant à voir des éléments qui suivent :
25
2- Lecture expressive.
Lecture magistrale.
3- Questions de compréhension.
Le texte qui nous a servi de support dans cette étude met en scène une discussion
surprenante entre deux personnages à savoir Mama Tamar et le fou. Ainsi, de cet
échange, il ressort que le fou tient un discours prémonitoire au sujet d’un évènement.
D’où la mise en garde qu’il adresse à la vielle pour la prévenir. Mais hélas, elle ne
prendra guère de précaution à ce sujet, se moquant même du personnage-fou.
4- Axes de lecture
26
5- Analyse du texte.
Quel sentiment habite Mama Tamar lorsqu’elle se remémore son vécu à Mitzic
A la ligne 2 que peut-on relever comme outil d’analyse renvoyant à l’idée de regret
éprouvée par MamaTamar ?
De par son emplacement et sa nature répétitive, l’adverbe de temps « quand », insiste sur le
temps qui passe, le temps qui s’est écoulé. Ainsi, ce procédé stylistique montre à suffisance
que Mama Tamar est un personnage très rétrospectif qui ne se prive guère de le rappeler à qui
veut l’entendre que la vie valait mieux avant et ce, en comparaison avec la situation sociétale
actuelle.
Relevez dans le texte les éléments qui montrent que Mama Tamar reste très attachée à
son passé, c’est-à-dire à tout ce qu’elle avait vécu de positif d’un point de vue émotionnel
et affectif.
Dans la phrase « La vie s’étendait devant elle, magnifique… la vie était la vie… » Disait-
elle avec nostalgie. Quel élément peut-on relever dans cette phrase renvoyant au regret ?
Le nom « nostalgie » (l3). La nostalgie traduit dans ce texte une sorte de souffrance
que Mama Tamar éprouve au regard de son attachement pour cette ville, lequel
attachement s’était construit sur une suite de moments personnels glorieux.
27
Sous-axe 2 : Un passé glorieux.
Relevez dans le texte les outils qui démontrent que Mama Tamar a eu un passé glorieux
dans la ville de Mitzic.
La phrase complexe.
« Quand Mitzic était Mitzic, quand les jeunes soldats noirs et blancs par douzaines tombaient
amoureux de mes tatouages, la vie était la vie. » (L1 à 3).
La complexité de cette phrase témoigne du caractère exceptionnel, très particulier des rapports
humains, du climat social et du mode de vie qui structuraient l’époque, le quotidien des
habitants de Mitzic. C’est d’ailleurs ce qui semble se dégager des propos de Mama
Tamar lorsqu’elle se met à assumer clairement l’idée du fort intérêt dont elle était l’objet aussi
bien chez les hommes blancs que les noirs. La morale à tirer de cette énonciation est que la
vie était mieux avant.
L’adjectif numéral:
« Les jeunes soldats noirs et blancs par douzaine tombaient amoureux de mes tatouages. »
(1 à 3)
Cet adjectif numéral qui a une valeur hyperbolique illustre la multitude de prétendants de
Mama Tamar. Cela monte qu’à cette époque, elle se faisait courtiser par des hommes tant
blancs que noirs.
L’axe 1 nous a permis de lire le regret de Mama Tamar à l’idée du passé vécu dans la ville de
Mitzic. Cette dernière se souvient des bons moments partagés dans cette ville. Ville dans
laquelle elle a eu du succès auprès des hommes de toutes les races.
28
Sous-axe1 : Portrait physique.
Relevez le type d’outils renvoyant au portrait physique des personnages dans ce texte.
Vocabulaire dépréciatif :
Ces expressions péjoratives renvoient au portrait physique du fou. Le portrait nous donne
l’image d’un personnage anormal Ce portrait est tellement évocateur que le lecteur a
l’impression de le voir avec ses traits grossiers.
Quel élément d’analyse pouvons-nous relever à la ligne 5 qui met en avant le portrait
physique des personnages ?
Phrase nominale.
Le groupe nominal:
Le groupe nominal « doigts striés », illustre bien le portrait physique du fou. Il traduit le
comportement bizarre, sinon étrange du fou.
Outre le portrait physique des personnages, quel autre portrait peut-on établir dans ce
texte?
Par quels outils peut-on lire le portrait psychologique des personnages dans ce texte ?
« Fou » (l 5), « trois fois six, onze ! »(l 9), « dément » (l 9), « le forcené » (l 11-13).
Ce champ lexical de la démence illustre l’instabilité mentale du fou. En effet, le fou est dans
un état psychique déréglé en ce sens que la société le juge uniquement du point de vue de son
29
apparence et non sur sa valeur intrinsèque. Il reste un éternel incompris car, ses propos ne
seront jamais pris en considération.
Quel autre élément d’analyse peut-on relever pour justifier le portrait psychologique des
personnages dans ce texte ?
Personnification.
Cette personnification annonce l’arrivée d’un évènement troublant dans la ville, c’est-à-dire
les évènements auxquels elle sera confrontée dans un avenir proche. Elle traduit l’aspect
prémonitoire du discours du fou. Ces paroles apparaissent revêtues d’une certaine sagesse.
Elles annoncent l’affliction, la douleur et les lamentations des habitants de cette ville.
Mama Tamar a une attitude déconcertante envers le fou .Car, elle ne croit pas au
prémonitions de ce dernier.
Quel est l’élément dans le texte qui justifie l’incrédulité de cette dernière?
Le conditionnel présent.
« Si les femmes pouvaient d’avance savoir la destinée de leurs enfants, à l’heure de
l’accouchement…pour » (l 13-14).
Le conditionnel présent employé dans ce texte traduit le doute de Mama Tamar face aux
prédictions du fou sur les divers changements avenirs. Pour Mama Tamar, l’avenir ne peut se
prédire .Car, les propos de ce dernier relèvent de l’irrationnel.
6- Formalisation :
Cet extrait nous a présenté à travers le regard de Mama Tamar, la folie au travers des
mutations sociales des sociétés dites « modernes ».Nous pouvons y lire une sorte
d’opposition entre le passé et le présent, la tradition et la modernité. Ferdinand Allogho met
en exergue l’aspect visionnaire du fou. Ce dernier est considéré comme un diseur de vérités.
Car, il semble annoncer un évènement qui surviendra plus tard.
Prolongement :
30
Séance 2
Etude du texte 2 : « Une femme bouleversée ».
Le veilleur de nuit : Pourquoi suis-je revenu si ce n’est pour vous le dire ? Votre époux est
bien décidé à en découdre aujourd’hui.
Tchémoyo : Mon Dieu ! Et toi qui me l’annonce calmement. Ce qui ne doit pas arriver
avance à grands pas, et tu ne trembles même pas pour moi. Imagine .Le soleil couchant
5 éclabousse son jardin d’une lumière fangeuse. C’est l’heure de sa promenade. Du fond du
réduit où le jour ne viendra pas après la nuit, j’entends ses pieds crisser sur le gravier de la
grande allée. Je frappe des deux poings. Je hurle. C’est à peine si ma présence effleure sa
pensée. Il va et vient, de sa démarche de paon qui fait la roue. Je ne l’effraie pas. Je ne peux
plus rien. Je suis ensevelie.
(Prise d’une sorte de transe) Toi qui propages ce frisson me couvrant de démangeaisons, es-
tu au courant de la nouvelle ? Je ne peux plus rentrer dans cette concession comme bon me
15 semble.L’urgence d’être rameuse dans une pirogue qui remonte le fleuve à contre-courant ne
sera jamais satisfait.Je n’incarnerai plus le vent et la vague, et le crabe toutes pinces dehors
sous l’enchevêtrement des palétuviers. Je n’exercerai plus aucun de mes petits métiers sous le
clair de lune. Tu entends cette monstruosité, mon enfant ? Je ne peux pas te mettre au monde.
Tchémoyo : Je t’en supplie, ne me torture pas. Parle-moi avec d’autres mots. Je n’y suis pour
rien. Si tu me fais haleter, si tu forces le rythme de mon cœur, sur quel sol vais-je danser ?
25 Tchémoyo : Ecoute le murmure des bassins dans le jardin de mon époux. Tu n’as plus de
cour et je n’y peux rien. (Elle s’écroule sur le lit.)
31
Deuxième et troisième femme en rouge : J’ai froid…
Tchémoyo : (en proie à la nervosité) : Oh mon oiseau. Jure –moi que tu l’empêcheras de
30 m’enterrer vivante. Jure-le.
(Comme une mise en garde).Si jamais ton petit mari vient à soupçonner que son marabout
n’est pas arrivé à bout de de ce qui t’habite, il n’avancera pas d’un pas. Qui alors te battra le
tam-tam ? Qui entonnera le couplet ?
Première femme (Sur un ton pressant) Approche beau prince ! Viens me réchauffer de ton
haleine.
32
Discipline :Français Niveau : 2nde
Durée : 50mn
Objectif général : Amener les élèves à étudier l’esthétique de la folie dans la littérature
gabonaise.
Objectif spécifique : A la fin de la séance, les élèves seront capables de lire la folie à travers
le comportement des personnages.
Déroulement de la leçon.
1- Visualisation du texte.
Le para texte de notre support textuel nous livre des informations importantes et
indispensables à la compréhension de notre sujet. A travers le titre de la pièce théâtrale « La
folle du gouverneur », le dramaturge suscite des interrogations au lecteur à savoir : De quoi
parle-t-on ? De quel type de folie s’agit-il ?
3- Questions de compréhension.
33
Ce texte appartient au genre théâtral.
Dans cette scène, il est question de l’élimination physique de Tchémoyo par son époux
Bomongo. Une stratégie est alors mise en place afin d’échapper à ce triste sort.
4- Analyse du texte.
Quels sont les éléments qui illustrent l’agitation de Tchémoyo dans le texte ?
La phrase exclamative.
« Mon Dieu ! » (l 3) Cette phrase illustre la surprise de Tchémoyo à l’annonce de la
nouvelle de son sort funeste. A cet effet, le personnage invoque le divin comme seul
recours pour échapper à ce destin.
Le présent de l’indicatif.
Nous avons les verbes tels : « je frappe » (l 8), « je hurle » (l 8), « je suis » (l 10).
Ce temps du présent illustre que l’avenir de Tchémoyo est scellé. Quoiqu’elle fasse, son
époux veut en découdre avec elle. Elle est toute agitée, on aurait dit qu’elle a perdu la tête,
qu’elle est devenue folle. Aussi, à travers les verbes « je frappe », « je hurle », « je suis » nous
avons la présence d’une gradation ascendante. Elle illustre ici que Tchémoyo transcende afin
d’éviter la mort.
34
Observez le troisième paragraphe, relevezles outils qui illustrent que Tchémoyo est
agitée dans le texte.
L’adverbe de temps.
« Aujourd’hui dis-tu ? » (l 11)
Aujourd’hui s’oppose à hier. Cet adverbe de temps introduit l’instabilité dans le foyer de
Tchémoyo .C’est effectivement aujourd’hui que la vie de notre héroïne sera transformée à son
plus regret.
Comment appelle-t-on des expressions qui renvoient à une même idée dans un texte?
Les expressions qui renvoient à une même idée dans un texte sont appelées un champ
lexical.
Nous avons les expressions telles : « Mon Dieu » (l 1), « frappe » (l 6), « hurle » (l 7).
La didascalie kinésique suivante illustre que Tchémoyo se débat dans le texte. Elle
passe d’un état à un autre, elle entre en transe pour enfin s’écrouler sur le lit.
Le veilleur de nuit fait preuve d’une sérénité étonnante. Car, son attitude et son calme
relève de l’incompréhensible du fait qu’il reste impassible au sort funeste qui est
réservé à Tchémoyo.
Relevez le type d’outils qui renvoie à la sérénité du veilleur de nuit dans ce texte.
La phrase exclamative.
35
« Du calme ! » (l 9).
L’expression « du calme »utilisée par le veilleur de nuit illustre sa sérénité. Il n’est pas
énervé, il ne s’agite pas. Il fait preuve d’un calme étonnant.
Quel autre élément peut-on relever pour illustrer la sérénité du veilleur de nuit dans ce
texte ?
Locution injective.
Cette locution injective invite Tchémoyo a se calmé.Elle fait appel à la douceur.Aussi, elle
illustre le calme du veilleur de nuit. Celui-ci ne s’emporte pas face au sort réservé à
Tchémoyo.
L’élément que nous pouvons relever à la ligne 27 est l’adverbe de manière « doucement»
(l27).Cet adverbe de manière « doucement »est utilisé dans le but d’inviter Tchémoyo à
parler à voix basse, sans faire de bruit. Au travers de l’adverbe doucement le veilleur de
nuit invite Tchémoyo à se calmer.
5- Formalisation :
Dans ce passage extrait de la pièce théâtrale de Laurent Owondo, le dramaturge nous livre la
folie dans les comportements. Tchémoyo dans cette scène représente la liberté, la
nouveauté.L’héroïne ne supporte pas d’être asservie, colonisée à nouveau, au service d’un
seul être fût-t-il son époux. Sa folie se lit à travers toute l’agitation et l’excitation présentes
dans cette scène. Elle est tourmentée à l’idée de perdre sa liberté.
6- Prolongement :
A partir du texte étudié en classe, formulez le deuxième axe de lecture et analysez ces deux
sous axes.
36
Séance 3
Etude du Texte 3 : « Le fou blanc ».
Au début les habitants de Ngarami croyaient que John était fou : un Blanc en short, seul, sous
le soleil !
Et à pied qui rode toujours dans le village. Un jour, il s’est choisi un coin. Il s’est mis à
creuser et à piocher. Tantôt on le voyait passer, pliant sous le poids d’un énorme chevron ou
de plusieurs planches qu’il transportait sur son épaule. A d’autres moments, on le voyait
arrivé avec un sac de ciment qu’il portait à bout de bras comme un enfant malade. Puis il
réapparaissait, le pas léger, son tee- shirt lui collant à la peau, cils et cheveux couverts de
ciment et de poussière. Avec ses cheveux fauve savane et ses yeux couleur de ciel, c’était une
véritable apparition. Puis, petit à petit, les habitants se sont joints à lui. Mon collègue m’a dit
l’autre jour que ce prof américain était la honte de la cité, et qu’il dégradait l’image que les
gens pouvaient se faire d’un professeur. Il m’a fait sourire de tristesse. Il est de ceux-là qui
ont peur de se salir les mains ! Et pourtant, il connait John le prof ! Le bel et élégant jeune
homme, à la démarche altière et au port chevaleresque qui se présente à l’université devant
ses étudiants et ses collègues, ce n’est nul autre que notre cher Américain, dont la présence au
sein de notre université est à la fois un honneur et un plaisir !
Oui, le prof de la honte vient de doter Ngarami d’une pompe publique superbement
aménagée. Elle est assortie de deux douches et de quatre lavoirs en béton, le tout abrité par un
beau hangar. Moi j’appelle ça un gars efficace ! Il leur a donné la vie. Oui, c’est un homme de
terrain. Une espèce très rare ici. Ce n’est pas avec des ingénieurs de papier que nous allons
construire le pays.
Les villageois ne cessent de faire des cadeaux à John, en guise de reconnaissance. Ils lui
apportent fruit et légumes parfois même du poisson frais. Ils continuent quand même de
l’appeler le Fou Blanc, mais c’est par pure affection.
37
Discipline : Français.
Niveau :2nde.
Durée :50mn Leçon : Lecture méthodique
Objectif général : Amener les élèves à analyser l’esthétique de la folie dans la littérature
gabonaise.
Objectif spécifique : A la fin de la leçon, les élèves doivent être capables d’identifier la folie
comme passion au moyen des outils d’analyse adéquats.
Déroulement de la leçon.
Le para texte suivant nous livre des informations sur l’auteur, le titre de l’ouvrage, la date et
le lieu de publication mais aussi la maison édition. En revanche, le chapeau et le titre de
l’extrait nous donnent des informations sur le texte.
-Le chapeau du texte.
2- Lecture expressive.
Lecture magistrale.
Lecture faite par un ou deux élèves.
3- Question de compréhension.
38
Ce texte est de type narratif avec des séquences descriptives.
Où se déroule l’action ?
L’action se déroule dans un village nommé Ngarami.
Cet extrait de texte relate les mésaventures d’un professeur américain, pris pour ou par les
habitants de Ngarami. .
Analyse du texte.
Le regard d’autrui peut se lire à travers les mésaventures de John, pris pour un fou par les
populations de Ngarami.
Quels sont les outils qui illustrent les mésaventures de John dans ce texte ?
« Au début » (l 1), « un jour » (l 3), « tantôt » (l 4), « d’autres moments » (l 6), « l’autre
jour » (l 13).
39
Tous ces connecteurs marquant le temps, illustrent une sorte de progression chronologique
des évènements. Nous pouvons y lire une sorte de « descente aux enfers »de John. Le début
de ses tribulations.
Que peut-on relever également comme outil permettant de lire le regard d’autrui dans
ce texte ?
Nous avons les verbes tels : «Rôde » (l 2), « creuser » (l 4), « piocher » (l 4) « pliant » (l 4),
« portait » (l 7).
Par quel autre indice peut-on lire le regard d’autrui dans ce texte ?
Tous ces mots renvoyant au champ lexical du regard d’autrui résument les idées que se font
les villageois et collègues de John, c’est-à-dire l’image d’une personne désaxée.
Vocabulaire dépréciatif :
Nous avons les expressions péjoratives telles : « fou » (l 1 et 22), « honte de la cité » (l 9),
« prof de la honte » (l 19).
Ce vocabulaire dépréciatif dévalorise le personnage de John. Ses actes sont assimilés à ceux
d’un fou selon la vision des habitants de Ngarami.
Quelle figure de style peut-on relever dans le texte qui renvoi à la marginalisation de
John ?
La métaphore :
40
« Avec ses cheveux fauve savane et ses yeux couleur de ciel, c’était une véritable
apparition » (l 10-11).
Cette métaphore illustre ici que notre héros est assimilé à un extra-terrestre. C’est une
apparition (11).
Quels sont les éléments d’analyse qui illustrent que John est un homme d’exception dans
le texte ?
Vocabulaire appréciatif:
« Bel et élégant » (l 11), « démarche altière » (l 12), « port chevaleresque » (l12-18), « gars
efficace » (l 25).
Tous ces mots sont mis pour John, le héros de cette scène et traduisent l’admiration du
narrateur envers ce dernier. John est présenté comme un être « unique et exceptionnel » qui a
apporté la vie en ces lieux. Sa folie passionnelle certes mal comprise par les habitants de
Ngarami a permis d’améliorer les conditions de vie de ces derniers..
Phrase exclamative :
A travers cette exclamation, le narrateur prend position en faveur de John et vante ses mérites
en lui témoignant son admiration.
Relevez la figure de style qui montre que John est un être d’exception.
Gradation ascendante :
41
A travers cette figure de style, le narrateur décrit les atouts physiques de John.
Quels sont les outils qui illustrent que John est un homme de terrain dans le texte ?
Enumération :
« Il réapparaissait, le pas léger, son tee-shirt lui collant à la peau, cils et cheveux couverts de
ciments et de poussière. »(l 9 à 11).
Cette énumération illustre la multiplicité des taches physiques que John doit effectuer pour la
réalisation de son projet de construction d’une pompe publique. Elle évoque également
l’amour de ce dernier envers les populations de Ngarami.
L’adverbe :
« Oui » (l 22 et 26).
Cet adverbe marque l’adhésion totale du narrateur à la philosophie de John. Il semble être le
seul qui a cru en lui.
Quel autre élément d’analyse montre que John est un homme d’exception ?
Ce champ lexical montre bien que John était doté de tous type de matériaux de construction.
Relevez la figure de style qui illustre que John est un homme de terrain.
Métonymie :
Elle illustre l’importance de l’eau dans une société. L’eau est le symbole de la vie. John a
apporté la vie à Ngarami malgré le fait que ses actes étaient perçus comme une folie.
Formalisation :
Cet extrait décrit de manière objective le personnage de John dont les actes sont assimilés à
ceux d’un fou selon les habitants de Ngarami. Le narrateur présente la folie dans ce texte à
42
travers la passion. Certes, mal perçue et critiquée par autrui, la passion est source de grandes
réalisations. C’est cette passion pour les habitants de Ngarami qui a poussé John, à construire
une pompe pour ses semblables. La passion a permis de faire triompher la cause juste : la
réalisation de son projet de construction.
Prolongement :
43
Séance 4
Etude du texte 4 : Carrefour Mont – Bouet… « Le Trou »
Assoiffé ? Insomniaque ?
Des terrasses de ‘’Matignon’’, Nguene,
Assiste au réveil de Mont- Bouet
44
Discipline :Français.
Niveau :2nde.
Durée :50mn Leçon : Lecture méthodique
Objectif général : Amener les élèves à analyser l’esthétique de la folie dans la littérature
gabonaise.
Objectif spécifique : A la fin de la leçon, les élèves doivent être capables de lire la folie à
travers la dépravation des mœurs.
Déroulement de la leçon.
1- Visualisation du texte.
Le para texte de notre support textuel est d’une grande utilité dans la mesure où, il nous livre
des informations indispensables en la compréhension du texte. En effet, le para texte suivant
nous livre l’image du patrimoine d’un peuple en perte de valeurs et de repères. Ainsi, il nous
enseigne en nous donnant à voir des éléments qui suivent :
Observez ce texte. Quelle est l’impression qui se dégage du point de vue de la forme de ce
poème ?
Ce poème est rédigé en un monobloc. Les différents vers n’ont pas la même mesure. Alors
c’est un poème en vers libres.
2- Lecture expressive :
45
Lecture magistrale.
3-Questions de compréhension.
Le type de texte : Ce texte est un poème en vers libre à caractère poétique avant d’être
narratif.
Idée générale du texte : Carrefour Mont-Bout : « Le Trou » est un extrait de texte dans
lequel la poétesse fait une description de la société gabonaise plongée dans la
dépendance de l’alcool. Elle évoque ces êtres sans « attache ni raison », errant dans les
rues de la cité gabonaise, Libreville.
Où se déroule la scène ?
La scène se déroule au carrefour Mont-Bouet précisément au « Trou »
Analyse du texte.
Par quoi se singularisent les personnages dans ce poème ?
46
Sous-axe 1 : Les agissements des personnages.
Relevez les éléments d’analyse qui illustrent que les personnages agissent dans le poème.
Tous ces verbes de mouvement témoignent que les personnages sont en action dans le poème.
Ils agissent.
Quel élément d’analyse peut –on relever dans ce poème renvoyant aux agissements des
personnages?
Nous avons des expressions telles : « tourne en rond », (v 6), « n’en peut plus » (v 6),
« minutes lentes » (v 7).
Ce champ lexical de l’errance traduit une oisiveté ambiante qui crée une sorte de sclérose.A
l’exemple de Nguène qui, le jour à peine levé, erre dans la ville et semble tourmenté. Et, le
seul remède à cette errance, c’est une tournée réparatrice au « Trou »puis, les « esprits se
calment » (v 17).
Indice de temps :
Ces indices de temps illustrent ici que les habitants du carrefour Mont Bouet n’avaient
pas d’heures fixes pour se rendre au trou, lieux des retrouvailles des adeptes du
« godet ». Ils y allaient « tôt le matin » ou « tard dans la nuit », à tout moment de la
journée. De plus, ces indicateurs illustrent un temps cyclique.
Par quel outil d’analyse peut –on également illustrer les agissements des personnages
dans ce poème ?
Nous pouvons également justifier les agissements des personnages à travers la phrase
déclarative : « Nguène assiste au réveil de Mont-Bouet ! »(v 2 à 3).
Cette phrase déclarative, permet au lecteur de découvrir les habitudes de Nguène qui, de
bonne heure, se retrouve déjà dans les locaux du carrefour Mont-Bouet. Il est si impatient
qu’il n’en peut plus.
47
Sous axe 2 :L’expression des personnages.
Quels sont les outils qui illustrent que les personnages s’expriment dans le poème ?
Cette exclamation illustre le degré de barbarie et d’animalité que peut entrainer l’état
d’ivresse. Elle est la conséquence de cette dépendance à l’alcool.
Vocabulaire dépréciatif :
Le verbe de parole.
« Crier » (v 24).
Le verbe crier illustre bien ici que les adeptes du Carrefour Mont-Bouet (Le Trou) vivent
comme « Fous » : ni règle, ni lois, ce qui entraine les cris de Nguène.
L’axe de lecture1 que nous venons d’analysé met en exergue la singularité des personnages.
Dans cet extrait, les personnages agissent et emploient un vocabulaire insolite dû à la
consommation des alcools. Ils sont totalement dépendants de l’alcool qu’ils s’impatientent et
y vont le jour à peine levé.
Relevez le type d’outil d’analyse qui illustre la description des lieux dans ce poème.
Le groupe nominal :
48
Ce groupe nominal est un indicateur de lieu, marquant l’endroit où se déroule l’intrique. C’est
le lieu des retrouvailles des adeptes du « godet ».
La métonymie :
Ce poème est très imagé. Il s’ouvre par cette belle métonymie : « Le Trou »pour spécifier le
lieu macabre dans lequel sont plongés les personnages. C’est en fait le nom d’un bar, qui de
par sa description ensevelit ses clients, qui ensuite sont identifiés à des « cadavres ».
Cette métonymie peut aussi évoquer une métaphore filée de la mort progressive des adeptes
du trou mais également de la société en générale.
Quels sont les champs lexicaux qui justifient cette description des personnages ?
Toutes ces expressions illustrent l’état de décrépitude physique et moral des adeptes du
« Trou ».Ils sont plongés dans l’abime et errent comme des « fous » à longueur de journée
dans les rue de la capitale : Libreville.
«Atteint de palu »v4. « Lèvres avinées » (v5), « mains tremblantes » (v5), « il est
malade »v15, « un aliéné » (v20).
Toutes ces expressions illustrent l’état physique et morale des adeptes du « Trou ».on y lit
leur état d’excitation et de délabrement moral et physique. D’où ils sont comparés à des
cadavres. (v5).
Relevez dans le poème d’autres outils qui renvoient à la description des personnages.
49
Ces participes passés qualifient les différents personnages du poème. On peut y lire leur état
d’excitation en ces lieux des retrouvailles. Ils traduisent la conséquence à cette dépendance
d’alcool.
4- Formalisation.
L’analyse de ce poème de Lucie MBA nous a permis de lire la folie dans un lieu mythique de
la société gabonaise, le « Carrefour-Mont-Bouet ».Sous un ton ironique, la poétesse dépeint
ce lieu et ses habitants non pas pour une simple moquerie, mais pour interpeller les uns et les
autres. A travers la symbolique du trou, elle évoque l’enfer dans lequel nage ces personnages
qui errent toute leur vie durant, et, seront ensevelis dans ces lieux le jour à peine levé.
Mais enfin de compte, ne vaut- il pas mieux être fou ? « A – t-on touché le fond ? »
5- Prolongement.
50
Chapitre 2 : Synthèse comparative et prolongement
1. Synthèse comparative
Les quatre textes étudiés sont tirés de plusieurs œuvres et chaque texte met en amont
un aspect de notre thème : L’esthétique de la folie dans la littérature gabonaise, qui est
représentée ici, par la rencontre du beau et de la déraison.
Lucie MBA pour sa part, perçoit également la folie comme un humanisme dans son
recueil de poème Patrimoine. En effet, à travers les nombreuses injustices, la misère et
l’animalité que subit le peuple, la poétesse interpelle, conscientise ses concitoyens et touche à
ce qui nous reste d’humanisme. Elle critique le fossé qui existe entre les riches et les pauvres,
et décrit la démence urbaine dans toute ses formes. La folie pour Lucie MBA est un
humanisme.
51
Certes, ces trois textes présentent des points de ressemblance en évoquant la folie
comme un humanisme, le deuxième texte « Une femme bouleversée » extrait éminemment
dramatique de l’œuvre de Laurent OWONDO, La folle du gouverneur nous livre la folie dans
la recherche de la liberté. Tchémoyo veut instaurer une ère nouvelle. Pour cela, elle doit
effacer l’image récurrente de l’ancienne Afrique pour une liberté totale. Elle est mue par un
fort désir de reconstruction. Pour Tchémoyo, la liberté est comme un oiseau dans les airs : ni
cage, ni fers.
52
2. Prolongement
Sujet : En vous référant à vos lectures personnelles, comment les écrivains gabonais utilisent-
il le motif de la folie pour traduire les maux de la société ?
Introduction :
La folie, de manière générale, est une maladie qui se caractérise par des troubles psychiques.
Toutefois, elle peut aussi se définir comme un Caractère de ce qui échappe à la raison, ou
encore une passion violente que l’on ne peut contrôler. La folie dans la littérature africaine en
général et gabonaise en particulier est un mode, un canal d’exprimer librement sa liberté. De
ce fait, quel est l’apport de la folie dans la littérature gabonaise? Autrement dit, comment les
écrivains gabonais utilisent le motif de la folie pour traduire les maux de la société ? Pour
répondre à notre problématique, nous verrons tour à tour, la folie comme source d’expression
de l’esthétique littéraire, avant de montrer la folie comme une source de vérité dans la
littérature gabonaise.
53
La folie au travers le personnage du fou, apparait à cet effet, comme un moyen
d’éveiller les consciences. Le fou est un humaniste qui interpelle son peuple.
Exemple : Le fou dans Bourrasque sur Mitzic montre sa détermination à vouloir sauver son
peuple. Il apparait alors comme un sauveur, un Messie, un rassembleur.
Exemple : Tchémoyo est le symbole d’une Afrique renaissante qui se veut libre. La révolte
dont elle fait preuve dans La Folle du gouverneur de Laurent OWONDO, illustre que le
peuple ne doit pas se laisser ‘’marcher dessus’’ face à une quelconque marginalisation. Pour
Tchémoyo, la liberté n’a pas de prix.
CONCLUSION :
En somme, la démence est perçue comme une source de sagesse dans la littérature gabonaise
en ce sens qu’elle permet la conservation des valeurs sociales mais aussi, la critique des faits
sociaux. Elle offre également à l’écrivain, le pouvoir d’interpeller et de conscientiser le
lecteur des vices qui sévissent dans la société. En outre, la folie dans la littérature est
l’expression de la satire et de la révolte. Elle est source de vérité.
54
Sujet de commentaire composé.
Objectif général : Amener les élèves à savoir rédiger une introduction et une conclusion du
commentaire composé.
Objectif spécifique : Les élèves doivent respecter les étapes qui constituent la rédaction de
l’introduction et de la conclusion du commentaire composé.
Sujet : Après la formulation des axes et les sous-axes de lecture, vous rédigerez une
introduction et une conclusion de commentaire composé à partir de l’extrait de texte page 30.
Introduction :
Le texte soumis à notre étude est un extrait du recueil de poème de l’écrivaine gabonaise
Lucie MBA. Il est paru aux Editions La Maison Gabonaise du livre en 2001 à Libreville et
s’intitule Patrimoine. A travers les tonalités ironiques et satiriques, la poétesse fait une
description de la société gabonaise plongée dans l’abîme. Non pas pour une simple moquerie,
mais, pour interpeller les uns et les autres du fléau qui sévit dans la société gabonaise, d’où
l’intérêt de ce thème. On peut y lire une démence urbaine d’un peuple qui se cherche. Par
ailleurs, l’identité des personnages et la description de la démence urbaine, constitueront les
deux points essentiels de notre analyse.
Conclusion :
En somme, il s’est agi de montrer que le personnage du fou se singularise dans la société de
par sa manière d’agir, mais aussi par son mode d’expression qui semble être insolite. La
poétesse fait la description d’une situation sociale vécue par les habitants de Libreville, en
55
particulier les adeptes du Carrefour Mont-Bouet. Elle décrit les personnages et les lieux de
ladite cité, afin de montrer la folie dans toute sa splendeur. Hormis Lucie MBA qui a abordé
le thème de la folie, Tahar BEN JELLOUN pour sa part l’a évoqué dans son roman Moha le
fou, Moha le sage40. Ici, la folie est perçue comme une anticonformiste de Moha aux
conventions sociales.
40
Ben Jelloun Tahar, Moha le fou, Moha le sage, Paris, Seuil, 1978.
56
CONCLUSION
D’abord, il s’est agi dans un premier temps de circonscrire la folie dans son approche
définitionnelle généralisant en la lisant comme le fait de connaitre un dérèglement psychique,
d’être dépourvu de raison, par opposition à un état de sagesse. Aussi, allons-nous constater
que et la notion de l’esthétique et celle de la folie été très largement traitées et souvent
ensemble dans la littérature anglo-saxonne (William Shakespeare), française (Molière, Emile
Zola, Jean Racine…), africaine (Ouaga Balle danaî, Enri Lopes, Sony Labou Tansi) et
gabonaise (LaurentOwondo, LuieMba, Justine Mitsa, Ferdinand Allogho Oke…), pour ne
citer que ceux-là. Quel que soit ces différentes variantes telles la folie des grandeurs, la folie
de l’argent, la folie d’amour etc… la folie de chaque personnage revêt ses propres mobiles.
57
Ensuite, il a été l’occasion pour nous de mettre en exergue la perception de la folie
dans la littérature gabonaise. En effet, il est démontré au travers des œuvres qui composent
notre corpus, nous somme à même d’affirmer sans risque de se tromper que la folie a toujours
occupé une place importante dans le champ narratif local. En témoignent les différentes
publications précédemment citées et qui font état de l’inadéquation entre considérations
normatives conventionnelles et le déséquilibre psychique d’une certaine catégorie d’hommes.
La folie n’est plus vue comme une pathologique d’auto-exclusion. Et c’est avec l’écrivain
Jean Divassa Nyama, que le thème de la folie va connaitre un aperçu de l’ordre de la passion.
Le fou, dans l’œuvre divassienne s’illustre en un personnage passionné tel que Dignité, un
diseur de vérité tel que Mouissi, un dénonciateur ou un prophète. Janis Otsiemi pour sa part,
aborde le thème de la folie comme une quête identitaire. Dans « Tous les chemins mènent à
l’autre »45, c’est sous une teneur articulée autour de l’altérité, de l’entraide et de l’altruisme
que la folie est saisie.
Dans les œuvres analysées, la folie apparait comme l’expression d’une forme
humanisme. De ce fait, le fou survient donc pour rétablir l’ordre social, sauvegarder les
valeurs traditionnelles et spirituelles de la société. A cet effet, la mise en scène de la folie par
les écrivains gabonais servira dès lors à interpeller les uns et les autres à comprendre la
nécessité, l’importance d’un meilleur traitement, d’une meilleure considération de ceux que la
société, sur la base des percepts conventionnels a décidé d’exclure. Les fous, tous autant
qu’ils sont, ont pour but commun : de dénoncer les excitations, les injustices dont sont
victimes les populations et de mettre le doigt dans la plaie sociale.
45
Janis Otsiemi,Tous les chemins mènent à l’autre, 31 décembre, 1985, Editions Ndzé.
58
Par ailleurs, nous avons proposé un sujet de dissertation et de commentaire composé.
Dans le cas de la dissertation littéraire, celle-ci avait pour but d’amener les élèves à s’appuyer
sur leur lectures et leurs compréhension du sujet, afin d’élaborer un plan détaillé. Le
commentaire composé quant à lui, a permis aux apprenants de regrouper les axes de lecture
déjà proposés dans l’analyse du quatrième texte, les sous axes correspondants, et de rédiger
une introduction et une conclusion tout en respectant les exigences méthodologiquement de
leurs élaborations. En somme, ces deux exercices éveillent, développent des compétences et
une sensibilité individuelle chez les apprenants.
Enfin, cette étude nous a permis de confirmer les hypothèses selon lesquelles, la folie
devrait se comprendre non pas comme une maladie mentale, mais plutôt comme une manière
de vivre, un état d’esprit plus que l’aliénation en soi. En effet, au cours de notre analyse sur la
thématique de « l’esthétique de la folie dans la littérature gabonaise », nous avons pu déceler
que la folie est, non seulement une manière de vivre ou un état d’esprit, elle demeure aussi
une métaphore du mal être social. Les écrivains la choisissent afin de sortir du système social
actuel totalement désorganisé et déshumanisé. Les écrivains font porter la responsabilité des
actes, des prises de positions aux personnages dit ’’ fous’’, afin d’éviter tout jugement. La
folie est toujours appréhendée davantage comme un symbole que comme une maladie.
Ainsi, il était important pour nous de changer le regard que porterons désormais les
jeunes sur ceux que l’on désigne vulgairement de fous. Cette étude les a amené sans doute à
comprendre que le fou, c’est cet individu qui va à l’encontre de la norme sociale car, la
société de manière générale, a tendance à vouloir embrigader le peuple afin de mieux le
contrôler
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